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François Bordes Traitement thermique du silex au Solutréen In: Bulletin de la Société préhistorique française. Comptes rendus des séances mensuelles. 1969, tome 66, N. 7. p. 197. Citer ce document / Cite this document : Bordes François. Traitement thermique du silex au Solutréen. In: Bulletin de la Société préhistorique française. Comptes rendus des séances mensuelles. 1969, tome 66, N. 7. p. 197. doi : 10.3406/bspf.1969.10404 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bspf_0249-7638_1969_num_66_7_10404

Traitement thermique du silex au Solutréen

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Page 1: Traitement thermique du silex au Solutréen

François Bordes

Traitement thermique du silex au SolutréenIn: Bulletin de la Société préhistorique française. Comptes rendus des séances mensuelles. 1969, tome 66, N. 7. p.197.

Citer ce document / Cite this document :

Bordes François. Traitement thermique du silex au Solutréen. In: Bulletin de la Société préhistorique française. Comptes rendusdes séances mensuelles. 1969, tome 66, N. 7. p. 197.

doi : 10.3406/bspf.1969.10404

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bspf_0249-7638_1969_num_66_7_10404

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Traitement thermique du silex au Solutréen

par F. Bordes

II est maintenant établi, à la suite des recherches de Donald Grabtree et Robert Butler (1) que les Paléo-indiens d'Amérique ont utilisé le traitement thermique pour améliorer la qualité des roches siliceuses qu'ils ont travaillées, et principalement pour les rendre plus faciles à retoucher par pression. Ce traitement consiste à chauffer l'objet à tailler à une température variable selon la nature, mais qui est souvent de 200 °C et parfois de 300 °C, l'objet étant placé en bain de sable. Il faut que l'élévation de température et son abaissement soient graduels. Des variations trop brusques font en éclater la roche. Il est également plus facile de traiter des objets de volume faible, et pour cette raison on prépare généralement une ébauche, ou on traite des éclats, plutôt que des rognons ou des nucleus entiers, bien plus délicats à réussir. Certains trous dans le sol ont été interprétés comme des fours à « cuire » le silex (2).

Selon sa nature, le silex chauffé ainsi change ou non de coloration. Parfois il rougit seulement légèrement en surface. Il faut noter que, même après le traitement, la surface de l'objet conserve l'aspect de grain plus ou moins fin du silex naturel. Mais si on enlève alors un nouvel éclat, on aperçoit un changement de structure net : l'aspect est luisant, un peu vitreux, légèrement gras. A la taille, les qualités sont nettement modifiées : le silex est maintenant plus fragile au choc, mais les éclats filent plus loin, et, par pression, il se taille maintenant à peu près comme de l'obsidienne. Il est même plus facile à tailler, résistant mieux à l'écrasement sur les bords que l'obsidienne ne le fait.

Nous avions déjà remarqué sur diverses pièces solutréennes les traces d'un traitement thermique (3). Mais on pourrait, si on se faisait l'avocat du diable, interpréter ce traitement thermique comme accidentel, et postérieur à la fabrication de la pièce : par exemple feuille de laurier enterrée sous quelques centimètres de dépôt, et sur laquelle, par hasard, un foyer brûla longtemps.

La pièce que nous présentons ici prouve de façon absolue l'existence d'un traitement thermique volontaire. C'est une moitié de feuille de laurier, provenant de Laugerie-Haute (fouilles Hauser, aussi est-il impossible de préciser le niveau), cassée en cours de fabrication. Elle est en silex calcédonieux. Une des faces présente sur presque toute sa surface un aspect mat et un grain visible, qui sont ceux d'un silex

nieux de qualité moyenne. Seules quelques retouches postérieures au traitement (non pointillées) présentent l'aspect luisant du silex traité (fig. 1, gauche).

L'autre face (fig. 1, droite) au contraire était presque entièrement retaillée après traitement et n'a conservé que quelques plages mates.

On peut reconstruire la suite des événements de la façon suivante :

1° taille au percuteur doux d'une ébauche de feuille de laurier.

2° traitement thermique. 3° reprise de la taille, au percuteur doux, après

traitement, et bris de la pièce entraînant son abandon.

Laboratoire de Géologie quaternaire et préhistoire, associé au C.N.R.S. Faculté des Sciences de Bordeaux.

BIBLIOGRAPHIE

(1) Crabtree Donald E. et Butler Robert : Notes on experiment in flint knapping : 1, Heat treatment of Silica Materials. Tebiiva, the Journal of the Idaho State Museum, vol. 7 ; number 1, p. 1-6. 1964.

(2) Shippie J. M. : Was flint annealed before flaking ? Plains Anthropologist, vol. 8, n° 22, 1963, p. 271-272.

(3) Bordes F. : Considérations sur la Typologie et les techniques dans le Paléolithique. Quartàr, Bd 18, 1967, p. 25-55, pi. I-VIII (page 45).

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