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TRANS- (2007) Écrire le présent ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Frédéric Martin-Achard « Le nez collé à la page » : Roland Barthes et le roman du présent ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Avertissement Le contenu de ce site relève de la législation française sur la propriété intellectuelle et est la propriété exclusive de l'éditeur. Les œuvres figurant sur ce site peuvent être consultées et reproduites sur un support papier ou numérique sous réserve qu'elles soient strictement réservées à un usage soit personnel, soit scientifique ou pédagogique excluant toute exploitation commerciale. La reproduction devra obligatoirement mentionner l'éditeur, le nom de la revue, l'auteur et la référence du document. Toute autre reproduction est interdite sauf accord préalable de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Revues.org est un portail de revues en sciences humaines et sociales développé par le Cléo, Centre pour l'édition électronique ouverte (CNRS, EHESS, UP, UAPV). ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Référence électronique Frédéric Martin-Achard, « « Le nez collé à la page » : Roland Barthes et le roman du présent », TRANS- [En ligne], 3 | 2007, mis en ligne le 04 février 2007, consulté le 19 juin 2014. URL : http://trans.revues.org/135 Éditeur : Presses Sorbonne Nouvelle http://trans.revues.org http://www.revues.org Document accessible en ligne sur : http://trans.revues.org/135 Document généré automatiquement le 19 juin 2014. Tous droits réservés

Trans 135 3 Le Nez Colle a La Page Roland Barthes Et Le Roman Du Present

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TRANS-3  (2007)Écrire le présent

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Frédéric Martin-Achard

« Le nez collé à la page » : RolandBarthes et le roman du présent................................................................................................................................................................................................................................................................................................

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Référence électroniqueFrédéric Martin-Achard, « « Le nez collé à la page » : Roland Barthes et le roman du présent », TRANS- [En ligne],3 | 2007, mis en ligne le 04 février 2007, consulté le 19 juin 2014. URL : http://trans.revues.org/135

Éditeur : Presses Sorbonne Nouvellehttp://trans.revues.orghttp://www.revues.org

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« Le nez collé à la page » : Roland Barthes et le roman du présent 2

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Frédéric Martin-Achard

« Le nez collé à la page » : Roland Bartheset le roman du présentLa Vita Nova

1 Rares sont les ouvrages qui, n’ayant jamais vu le jour, ont alimenté et alimentent encore lesfantasmes de la critique : le « Roman » de Roland Barthes est de ceux-là, tout comme le Livrede Mallarmé. De l’annonce, maintes fois réitérée par la suite, du projet romanesque dans unecélèbre conférence intitulée « Longtemps, je me suis couché de bonne heure », jusqu’à ladécouverte des plans de la Vita Nova, la critique s’est en effet employé à multiplier gloseset spéculations, comme pour suppléer à l’ « absente de tout roman ». Lorsque, le 19 octobre1978, Barthes fait part de son désir de commencer une nouvelle vie, sa Vita Nova, caractériséepar une nouvelle pratique d’écriture, c’est sous la double tutelle de Dante1 et de Proust qu’ils’inscrit. Il s’agit pour celui qui veut écrire un roman de s’identifier à un auteur, comme lelecteur peut se projeter dans un personnage. Et pour Barthes, le lieu de cette identificationsera Proust, en tant qu’il a voulu écrire La Recherche. Les deux années de cours qui suivrontcette conférence programmatique s’intitulent La préparation du roman  ; Barthes y revientsur sa volonté de faire comme s’il allait écrire un roman, de le situer comme objet de sonfantasme, pour interroger une pratique d’écriture. Parallèlement à ce cheminement théorique,la pratique scripturale de Barthes s’enrichit de formes diverses, qui nous semblent toutes liéesà une volonté de saisir l’immédiatement contemporain : Journal, Chronique, etc. Plutôt quede venir allonger la liste des (séduisantes) spéculations sur le roman de Roland Barthes, nousnous proposons de lire les notes de cours au Collège de France et ces différents textes commeune seule et même quête d’un « roman du présent ».

Mémoire contre Présent 2 Si Proust reste la figure tutélaire dominante du «  vouloir-écrire  » barthésien, si la forme

fantasmée s’incarne dans La Recherche du temps perdu, c’est donc du côté d’un grand romande la mémoire que lorgne Barthes. Il le confesse d’ailleurs dans la séance du 9 décembre 1978 :

À tort ou à raison (je veux dire : sous réserve d’examen et de revirement éventuel) : romans quej’aime = romans de la Mémoire = faits avec des matériaux (des “souvenirs”) rappelés de l’enfance,de la vie du sujet qui écrit. Proust en a fait la théorie de son œuvre […]. La Recherche du tempsperdu = Roman anamnésique2.

3 Malgré les précautions initiales («  sous réserve d’examen et de revirement éventuel »), leroman désirable est bien lié à la mémoire, proche de l'autobiographie et Barthes se laissevolontiers aller à ce qu’il nomme le « marcellisme » : une lecture (faussement) naïve de laRecherche comme autobiographie et un attachement particulier à la vie de Proust.

4 L’identification avec Proust est patente dans la dernière égalité posée par Barthes dans sesnotes de cours : « La Recherche du temps perdu = Roman anamnésique ». Il est peut-être bonde rappeler ici la définition de l’anamnèse dans Roland Barthes par Roland Barthes : « action –mélange de jouissance et d’effort – que mène le sujet pour retrouver, sans l’agrandir ni le fairevibrer, une ténuité du souvenir3 ». C’est donc pour Barthes l’opposé du récit de vie ; sourcede jouissance, l’anamnèse est brève, non composée, simplement notée. Elle participe de ceque Barthes a appelé le « romanesque », c’est-à-dire un horizon fictionnel pour le discours del’essai, un embryon de fiction qui abandonnerait au roman la continuité (le « nappé »), les nomspropres et l’emploi de la troisième personne. Le génie d’une œuvre comme La Recherche,selon Barthes, est d’avoir intégré l’anamnèse, qui procède du fragmentaire, dans le continu duroman, en ébranlant la chronologie, en désorganisant le temps du récit et celui de la biographie.Tout l’effort de La Recherche « est de soustraire le temps remémoré à la fausse permanencede la biographie4. » Barthes nomme « vacillation » ce principe presque rythmique qui fait sesuccéder mais aussi se répondre les anamnèses proustiennes.

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[C]e que le principe de vacillation désorganise, ce n’est pas l’intelligible du Temps, mais la logiqueillusoire de la biographie, en tant qu’elle suit traditionnellement l’ordre purement mathématiquedes années5.

5 Les éléments de la vie personnelle de l’auteur subsistent, mais se trouvent dans l’œuvre ensituation de déport ; La Recherche n’est pas in fine le récit d’une vie, mais celui d’un désird’écrire.

6 C’est le fonctionnement particulier de la mémoire proustienne qui confère à La Recherchece principe organisateur, ou plutôt désorganisateur, et en fait un roman anamnésique. Dansle cours du 9 décembre 1978, Barthes développe le rapport complexe entre mémoire etroman. Toute mémoire est déjà sens, explique-t-il ; il n’y a pas de mémoire « pure, simple,littérale », jamais de neutre. « En fait, écrit Barthes, ce n’est pas la mémoire qui est créatrice(de Roman), c’est sa déformation […]. Or il y a des types de déformation mnésique plus oumoins productifs6 ». Ainsi la mémoire proustienne est « mémoire par éclats vifs, discontinus,non liés par le Temps (subversion de la chronologie)  ; ce qui est subverti, ce n’est pasl’acuité du souvenir, c’est l’ordre ; mais le souvenir, quand il vient, est aigu, torrentueux, c’estcela, l’hypermnésie7. » L’emploi d’adjectifs antinomiques pour désigner la mémoire (« vifs,discontinus ») et le souvenir (« torrentueux ») peut sembler surprenant. Le souvenir peut-il êtretorrentueux si la mémoire fonctionne de manière discontinue ? En réalité, la suite des notesde cours éclaire l’oxymore apparent : le souvenir proustien est torrentueux en ce qu’il charriedes associations multiples ; les « anamnèses » proustiennes se répondent, rentrent dans un jeuassociatif qui bouscule l’ordre biographique traditionnel mais assure malgré tout la continuitéde l’œuvre proustienne, sa fluidité pour prolonger la métaphore aquatique. Toute la tensionentre mémoire et roman se concentre en fait dans deux métaphores : au « souvenir-torrent »vient répondre le « souvenir-éclair ». L’eau contre la lumière, le débit continu contre le flash ;ces deux métaphores antinomiques matérialisent l’opposition fondamentale chez Barthes entrele fragmentaire et le continu, entre le romanesque et le roman.

7 Or, si le fonctionnement de la mémoire proustienne est déformation créatrice, et engendrela « tierce forme » de La Recherche, il n’en va pas de même pour la mémoire barthésienne.Étudiant ses propres dispositions à faire un roman, Barthes se dépeint comme tiraillé entrel’obstination de son désir d’écrire et une entrave fondamentale à la réalisation du romansouhaité : son défaut de mémoire.

8 Dès les premiers cours donc, le roman anamnésique lui semble refusé. La forme proustiennen’est énoncée, exposée que comme un horizon impossible  ; et c’est sous le signe durenoncement que débute La préparation du roman. Pour en revenir aux métaphores proposéesdans le cours, les souvenirs de Barthes ne sont pas associatifs, ils sont du côté de l’éclair, dela brièveté et du discontinu. « Ils sont immédiatement épuisés par la forme brève […], d’oùl’impression de « romanesque » qu’on peut avoir, mais aussi, précisément, ce qui le séparedu Roman8. » Cet aveu de faiblesse, mis en scène de manière un peu théâtrale dans le grandamphithéâtre de la place Marcelin Berthelot, ouvre un nouvel espace intertextuel, et place la« recherche » barthésienne sous l’égide d’une nouvelle figure tutélaire, celle de Montaigne.Souvenons-nous du début de l’essai « Des Menteurs » : « Il n'est homme à qui il siese si malde se mesler de parler de mémoire. Car je n'en recognoy quasi trace en moy9 ».

9 Ces deux grands intertextes, l’un explicite, l’autre implicite, forment les deux pôles d’attractionqui encadrent la quête barthésienne du roman ; tout se passe comme si le pôle proustien, positif,lui était interdit en raison d’une faille, d’un défaut qui l’attirerait inévitablement vers le pôlenégatif, essayiste. Le désir du roman contre la propension à l’essai, tiraillement que Barthesexposait dès les premières lignes de sa leçon inaugurale au Collège de France : « il me fautbien reconnaître que je n’ai produit que des essais, genre ambigu où l’écriture le dispute àl’analyse10. » Or, nous l’avons dit, l’essai est précisément l’espace que Barthes cherche à quitterpar sa nouvelle pratique d’écriture. Dès la deuxième séance, le cours, qui devait pousser lefantasme de roman aussi loin que possible, semble menacé d’aphasie. La forme anamnésiqueest inatteignable et c’est à nouveau l’essai qui rôde autour du « vouloir-écrire » barthésien.

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10 Cependant, dès la semaine suivante, le ton du professeur est nettement moins pessimiste  ;le deuil est fait du passé et de la mémoire, qui ne semblent d’ailleurs plus exercer la mêmeattirance qu’auparavant.

La “pulsion” romanesque (l’amour du matériau) ne va pas vers mon passé. Ce n’est pas que jen’aime pas mon passé, c’est plutôt que je n’aime pas le passé […]. Le lien affectif est avec leprésent, mon présent, dans ses dimensions affectives, relationnelles, intellectuelles11.

11 Le corps de l’écrivain ne se tourne plus vers le passé ; le matériau souhaité par la « pulsionromanesque » sera le présent, la « nouvelle vie » thématisée à plusieurs reprises dans les annéesqui suivent la disparition de sa mère. Le défaut de mémoire se trouve réinterprété, réinvestipositivement par un syllogisme parfait ; la littérature, affirme Barthes, un peu péremptoire,« ça se fait toujours avec de la “vie”12 ». Or, la vie passée est dans la brume, elle ne rayonne qued’une faible intensité, tandis que la vie présente est intense, car habitée par le désir d’écriture.C’est donc de la vie présente, contemporaine que doit être fait le roman fantasmé ; le courss’annonce en cette fin d’introduction comme la préparation du « roman du présent ».

12 Mais ici se dessine un nouvel obstacle  : «  Peut-on faire du Récit (du Roman) avec duPrésent13 ? », s’interroge Barthes. Est ainsi posé le problème qui orientera la majeure partiedu cours : concilier la distance nécessaire au récit avec la proximité du présent. Le fantasmedu roman devient fantasme de la présence immédiate ; il s’agit pour l’écrivain d’adopter laposture du diariste : un œil sur la page, l’autre sur ce qui lui advient, sur la vie. Le romancierdu contemporain se trouve pris dans cette forme de double-bind, de strabisme divergent entredeux espaces qu’il doit faire converger sur la page : l’aventure sans cesse renouvelée du présentet sa mise en récit, sa transcription immédiate dans une forme continue. « La “Préparation”du Roman se réfère donc à la saisie de ce texte parallèle, le texte de la vie “contemporaine”,concomitante.  » Mais la dichotomie trouve une issue  : «  s’il m’apparaît difficile, dans unpremier temps, de faire du Roman avec la vie présente, il serait faux de dire qu’on ne peut fairede l’écriture avec du Présent. On peut écrire le présent en le notant14 ». Le roman souhaité parBarthes jouera donc la notation contre la mémoire pour se constituer en écriture du présent.On peut dès lors identifier la double problématique qui articulera les deux dernières annéesde cours au Collège de France  : une réflexion sur la pratique de la notation et le passagede cette pratique discontinue au flux continu du roman. Ou, pour le dire autrement, unerecherche sur les différentes modalités d’écriture du présent et leur inscription dans un projetplus vaste de roman du présent, forme littéraire qui les sublimerait. Si l’on faisait une typologiedes différents modes de notation du présent, on s’apercevrait que la pratique de Barthes estmultiple : Journal, Chronique, Notation d’« incidents ». À cela il faut ajouter la forme utopique,jamais pratiquée mais toujours souhaitée par Barthes  : le haïku. Dès L’Empire des signes,le haïku est considéré comme le genre le plus proche d’une « écriture vive de la rue », leplus à même de transcrire les minuscules événements quotidiens. Genre refusé à l’écrivainoccidental, le haïku restera toujours un horizon idéal, une utopie littéraire dans l’esthétiquebarthésienne. En témoigne la très longue digression qui occupe la majeure partie da la premièreannée de cours ; c’est à cette réflexion théorique que nous allons nous intéresser maintenant,avant d’en venir aux pratiques scripturales de Barthes lui-même.

Le modèle du haïku13 On peut s’étonner que La préparation du roman comporte un aussi long excursus sur une forme

poétique, a fortiori typiquement japonaise, lue à partir de quelques recueils de traduction.Barthes justifie ce choix en rappelant l’objectif du cours : passer d’une notation fragmentéedu présent à une forme longue, continue. Or, le haïku est, selon lui, la « forme exemplaire deNotation du Présent », la « conjonction d’une “vérité” (non conceptuelle, mais de l’Instant)et d’une forme15. » Il permet de plonger conjointement dans l’écriture et dans le présent enrendant possible l’ « émergence de l’immédiat absolu16 ». Écriture et philosophie de l’instant,le temps n’y est pas retrouvé mais trouvé tout de suite  ; ni durée, ni retour ne viennent« souiller » la pureté de l’instant. Le haïku explique Barthes, introduit « une catégorie nouvelleet paradoxale : la “mémoire immédiate”17 ». On voit qu’on est ici bien loin de l’acte proustien

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de remémoration. Tout se passe comme si la notation permettait de se souvenir sur-le-champ,de transformer l’événement en mémoire et rendait possible sa consommation immédiate entant que mémoire. Le haïku donne à voir, à lire un présent.

14 Ce qui fascine Barthes dans le haïku, c’est qu’il échappe à deux gestes essentiels du discoursoccidental – la description et la définition – et n’engage ni signification particulière, nidévoilement d’une vérité cachée. Il réalise ce que Barthes appelle « l’exemption du sens ».« Tout en étant intelligible, le haïku ne veut rien dire18 », explique-t-il. Ou encore :

Le travail du haïku, c’est que l’exemption du sens s’accomplit à travers un discours parfaitementlisible (contradiction refusée à l’art occidental, qui ne sait contester le sens qu’en rendant sondiscours incompréhensible)19.

15 Contrairement à la poésie occidentale, le haïku refuse le symbolique, il est en quelque sorte lapoésie sans le poétique, un discours extrêmement littéral : les mots ne valent pas pour plus quece qu’ils désignent immédiatement. Le haïku est pour Barthes la réalisation idéale, la formeutopique de cette littéralité  : ne décrivant rien, ne recherchant aucun sens, il se réduit à laplus pure désignation et matérialise le fantasme barthésien d’une littérature littérale. Dans ungeste unique de désignation, semblable à celui de l’enfant montrant du doigt, il donne à voirla chose en surface, refusant toute profondeur. C’est l’ « être-là » de la chose qui est renduimmédiatement visible.

Ne décrivant ni ne définissant, […] le haïku s’amincit jusqu’à la pure et seule désignation. C’estcela. c’est ainsi, dit le haïku, c’est tel. Ou mieux encore : Tel ! dit-il, d’une touche si instantanéeet si courte (sans vibration ni reprise) que la copule y apparaîtrait encore de trop20.

16 Dans ses cours au Collège de France, Barthes revient sur l’essence du haïku, les conditions desa réussite et propose une autre interjection : « Le tilt : la capture instantanée du sujet (écrivantou lecteur) par la chose même21. » Au vu de ces considérations, datant respectivement de 1970et de 1979, il est manifeste que la réflexion, ou plutôt la rêverie sur le haïku accompagne toutel’esthétique littéraire de Barthes dans les années soixante-dix. Instantanéité, lisibilité, pureté dela forme : l’accès au référent est immédiat ; la chose n’est pas représentée, elle est présentifiée.Le haïku opère « l’évanouissement du langage au profit d’une certitude de réalité : le langagese retourne, s’enfouit, disparaît, laissant à nu ce qu’il dit22. »

17 Si le haïku marque un retour du référent, c’est au prix d’une éviction du signifié ; un rapportdirect et idéal est dès lors établi entre le signifiant et le référent. Lisible, littéral et désirable, ilest donc la forme exemplaire de notation fragmentée de l’événement bref, de l’ « incident »pour reprendre un terme barthésien  ; mais c’est aussi une forme codée et indissociable dela littérature et de la langue japonaise. « Entre le haïku et le récit, une forme intermédiaire,possible  : la scène, la petite scène23  », écrit Barthes. Trouver des passages entre le poèmejaponais et le roman occidental, telle était la tâche que s’était confié le chercheur. Le constatde la première année de cours est plutôt celui d’un échec :

En plaçant la Narration comme (dernière) limite du haïku, j’ai voulu indiquer l’extrême proximitéde l’un et de l’autre, à travers la catégorie de l’Incident (je vais y revenir)  ; mais aussi àl’impossibilité de nature qu’il y a, semble-t-il, à continuer le haïku en histoire : c’est comme s’ily avait entre eux un mur invisible et infranchissable24.

18 Les passages se heurtent à des murs infranchissables ; restent néanmoins des points de friction,de contact : petites scènes, « incidents », chroniques ; toutes ces formes d’écriture qui rythmentla pratique scripturale de Barthes lors de ces années au Collège de France.

L’incident19 Plus une catégorie qu’une forme, il serait mal aisé de donner une définition précise de ce

que Barthes nomme « incident »  ; il nous faut néanmoins en tracer les contours, au risquede les laisser flous. Dans L’Empire des signes, le terme apparaît déjà comme titre d’un destableautins qui composent le livre. Étymologiquement, et Barthes n’a jamais dissimulé songoût pour l’étymologie, principalement pour les virtualités de re-sémantisation du lexiquequ’elle offre, l’incident est « ce qui tombe, ce qui survient ». L’incident, selon Barthes, c’estjustement ce qui advient, l’aventure minuscule, infinitésimale ; c’est une incongruité minime,

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une légère et douce dislocation dans l’appréhension du quotidien, un détail qui touche le sujetdans la saisie immédiate du monde. En langage musical, on parlerait de mode mineur faceà l’événement « fort » (médiatique, politique) qui représenterait le mode majeur. Barthes enénumère quelques-uns survenus au Japon et conclut : « tous ces incidents sont la matière mêmedu haïku25. » La proximité, les affinités avec le haïku sont sans cesse rappelées : ainsi dansson autoportrait, l’auteur se prend à rêver d’un livre « qui rapporterait mille “incidents”, ens’interdisant d’en jamais tirer une ligne de sens ; ce serait très exactement un livre de haïkus26 ».Véritable Protée, l’incident est au centre de toutes les expériences d’écriture du présent menéepar Barthes : Journal et Chronique.

20 Mais c’est aussi le titre d’un texte publié en 1987 à titre posthume, tiré du séjour de Barthes auMaroc en 1969-1970 et annoncé dans Roland Barthes par Roland Barthes à la fin du fragmentintitulé « Projets de livres » : « Incidents (mini-textes, plis, haïkus, notations, jeux de sens,tout ce qui tombe, comme une feuille), etc.27 » Ces textes très brefs – longs, en moyenne, detrois ou quatre lignes seulement– ont sans doute été rédigés au Maroc, c’est-à-dire après lesprincipaux voyages au Japon. Ils représentent certainement la tentative la plus aboutie chezBarthes d’accéder à une forme littéraire occidentale proche du haïku, comme en témoignentces quelques exemples :

Souk de Marrakech : roses campagnardes dans les tas de menthe.[…]Deux adolescents nus ont traversé lentement l’oued, leurs vêtements en paquet sur la tête.[…]Assis au balcon, ils attendent que s’allume la petite lampe rouge qui marque au faîte du minaretla fin du jeûne28.

21 Tous les fragments du recueil sont écrits au présent  ; les marqueurs temporels sontpratiquement absents ou très vagues  : soit ils indiquent une heure de la journée (« A neufheures du matin, un homme jeune et rude…  »), parfois sur un mode itératif («  Chaquesoir de Ramadan, vers cinq heures »), soit ce sont des déictiques renvoyant à une situationd’énonciation inconnue (« Ce vendredi »). Cette indifférenciation temporelle a en tout caspour effet d’abolir toute notion de durée ; nulle successivité entre les différents incidents, nullien temporel. Seule la mention, à plusieurs reprises, du Ramadan, introduit une temporalité,lunaire, cyclique, rituelle, un peu comme l’alternance des saisons. Or, c’est précisément unedes caractéristiques du haïku que de toujours comporter une allusion à la saison. « Dans lehaïku, il y a toujours quelque chose qui vous dit où vous en êtes de l’année29 », affirme Barthes.À l’opposé, on constate une surdétermination spatiale : les indicateurs spatiaux sont souventdes déictiques, se référant à l’énonciateur, à sa position (« Du train », « Par la fenêtre del’hôtel »). Tout concourre à créer un effet de simultanéité entre l’incident et sa notation. Chaquefragment s’attache donc à présenter un «  incident  » particulier, un événement minuscule,une impression ou un très bref dialogue (généralement limité à deux répliques) sans aucunecontinuité diégétique. Tous ces traits stylistiques (fragmentation, refus de l’histoire et de ladurée, usage du présent) convergent en une forme de saisie d’un présent absolu : bribes deroman, petites scènes, qui tentent d’abolir toute distance entre le moment de l’énonciation etcelui de l’énoncé.

La « Chronique »22 Quelques années plus tard, cette quête barthésienne d’une écriture du présent prend une

tournure sensiblement différente avec la « Chronique » tenue dans Le Nouvel Observateurentre le 18 décembre 1978 et le 26 mars 1979. Dans la dernière, annoncée comme uneinterruption et intitulée « Pause », Barthes revient sur le but de cette chronique qu’il présentecomme « une expérience d’écriture, la recherche d’une forme30 ». La définition qu’il en donnerappellera singulièrement les réflexions sur le haïku et l’incident :

La forme recherchée est une forme brève, ou si l’on préfère, une forme douce : ni la solennité dela maxime, ni l’âpreté de l’épigramme ; quelque chose qui, du moins tendanciellement, voudraitrappeler le haïku japonais, l’épiphanie joycienne, le fragment de journal intime  : une formedélibérément mineure, en somme31.

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23 On serait également tenté d’y voir une volonté de faire des nouvelles Mythologies, deuxdécennies plus tard. Mais Barthes se défend de cette comparaison  : « Non, ce ne sont pasdes “Mythologies”  ; plutôt le relevé de quelques incidents qui marquent, à la semaine, masensibilité, telle qu’elle reçoit du monde des incitations ou des coups32 ». La « Chronique » nes’inscrit plus en effet dans une volonté de démystification et de dénonciation systématiquesde la bonne conscience petite-bourgeoise. On y trouve donc un Barthes moins engagépolitiquement, effrayé par toutes formes de récupération, plus enclin à l’égotisme, àl’expression de ses sentiments, de ses émotions.

J’ai longtemps cru qu’un intellectuel moyen, comme moi, pouvait, devait lutter (ne serait-ce quevis-à-vis de lui-même) contre le déferlement des images collectives, la manipulation des affects.Cela s’appelait démystifier. Je lutte encore, ici et là, mais au fond je n’y crois plus guère33.

24 Et même s’il est question de Mao ou de Hoxha, c’est toujours de biais que la politiqueinternationale est abordée. Une attention plus grande est accordée aux faits-divers (l’enfantqui se jette par la fenêtre se prenant pour Superman, un accident de la route, une opérationde police, le suicide collectif des membres d’une secte), à l’anecdote personnelle ou à desimpressions de lecture en cours (des biographies de grands écrivains italiens  !). Ce sontdonc bien des incidents, choisis souvent pour l’émotion qu’ils suscitent chez l’auteur, etnon des événements «  forts  » de l’actualité internationale, qui constituent la matière decette  «  Chronique  ». Au point que Barthes fait parfois preuve de complaisance et d’unsentimentalisme qui a pu dérouter, voire décevoir les lecteurs et admirateurs des Mythologies.Toutefois, il faut se montrer prudent et, comme toujours avec Barthes, ne pas prendre pourargent comptant ce qui pourrait bien être de la fausse monnaie ; en effet, même si l’égotisme estrevendiqué, la dernière chronique place l’ensemble sous un protocole de lecture proprementfictionnel.

Comme expérience d’écriture […], ces chroniques sont pour moi une façon de faire parler […]les voix très diverses qui me composent. En un sens, ce n’est pas “moi” qui les écris, mais unecollection, parfois contradictoire, de voix […]. Ce sont comme des bouts d’essai pour un roman(voix de personnages encore innommés)34.

25 Il fait donc de sa chronique une ébauche de roman polyphonique, proche des projets annoncésau Collège de France ; la chronique lui permet de faire parler des voix diverses : de s’identifierau narrateur proustien35 ou encore de manifester, comme dans un haïku, son attachement aurythme des saisons.

26 Nous finirons avec un point intéressant qui nous conduira naturellement au dernier objet denotre étude : le Journal. La publication hebdomadaire de ces textes permet des effets que lelivre rend impossibles. C’est un peu un truisme que de dire qu’elle entraîne une plus grandeproximité temporelle entre une écriture, qui se veut elle-même saisie du présent, et sa réception.Mais cette évidence a été exploitée de manière originale par Barthes qui met en scène, enplusieurs occurrences, la réception de sa chronique. Ceci est particulièrement saillant dans lestextes intitulés « Badge » et « Badge II », distants de quelques semaines.

Ce matin, j’ai reçu par la poste un badge : “ Je suis un intellectuel, pourquoi pas vous ?” J’imagineaussitôt d’en porter, bien visible, un autre : “Ne vous occupez pas de moi.”[…]Le Grapus m’a envoyé un second badge, qui est celui que je suggérais ici : “Ne vous occupezpas de moi36.”

27 Outre que l’impression d’immédiateté est renforcée, soulignée par les indicateurs temporels(« Ce matin », « aussitôt »), la « Chronique » se présente comme performative : non seulementelle écrit le présent, mais surtout elle le fait advenir. Et c’est enfin une mise en abîmesavoureuse que propose cette petite anecdote  ; en effet, y a-t-il plus belle prétérition quela demande d’un badge « Ne vous occupez pas de moi » ? Comme Barthes, c’est toute la« Chronique » qui, disant ne vous occupez pas de moi, ne cherche qu’à vérifier ses effets surle lecteur.

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Journal ou Roman ?28 Il est un autre genre lié au temps par son nom  : c’est le Journal. L’écriture journalière se

veut pure présence et coïncidence au monde. Le diariste cherche toujours à faire idéalementcoïncider deux moments qui, dans la réalité, se succèdent nécessairement : l’événement (oul’incident) et sa notation. Barthes a entretenu des rapports complexes et ambigus avec uneforme qu’il a pratiquée mais dont il dit avoir toujours douté. En 1979 paraît, dans Tel Quel, unarticle intitulé « Délibération » dans lequel une réflexion théorique aux accents très personnelsencadre deux extraits de journal  : le premier est daté de l’été 1977, tandis que le secondn’est constitué que de la soirée du 25 avril 1979. Un autre extrait de Journal est publié à titreposthume dans le même recueil que les Incidents marocains, sous le titre de « Soirées deParis37 ». Il s’étend sur une durée de 25 jours entre le 24 août et le 17 septembre 1979. LeJournal est indéniablement une forme qui a attiré Barthes, pour deux raisons. D’une part pourle plaisir d’écriture qu’il offre à peu de prix. « Pas la peine de souffrir pour trouver quoi dire :le matériau est là, tout de suite38 ». D’autre part, parce qu’il est une forme presque idéale denotation du présent, susceptible de le rapprocher du « roman du présent » souhaité par le coursau Collège de France.

29 Les quelques extraits de journaux que Barthes a livrés semblent étroitement liés à son projetromanesque. En effet, la rédaction des « Soirées de Paris » débute trois jours seulement aprèsle commencement des plans de Vita Nova ; de plus, le plan daté du 26 août 1979 fait allusionaux « Vaines Soirées ». On peut, enfin, de l’un à l’autre, suivre l’influence des lectures deBarthes, en l’occurrence les Pensées de Pascal. Dans « Délibération » déjà la question n’étaitpas dois-je tenir un journal, mais « dois-je tenir un journal en vue de le publier ? Puis-je fairedu journal une “œuvre39” ? » Ne croyant ni à la valeur documentaire, ni à l’idéal de sincérité, lajustification du journal, selon Barthes, ne peut être que littéraire ; individuation, séduction etamour de la langue, telles doivent être les qualités du journal barthésien. Seules des vertus del’écriture, sa littérarité, seraient à même de sauver une entreprise en laquelle Barthes a toujoursdouté. Or, si l’on en croit Genette, c’est moins la constance de la pratique que celle du projetqui définit le journal. « Bref, le diariste est moins celui qui tient un journal que celui qui croità la vertu du journal40. » En ce sens, Barthes, qui met fin à son journal pour ne plus jamais lereprendre, n’est pas un véritable diariste.

30 Genette propose le terme d’antijournal pour qualifier les quelques pages de « Délibération » ;en fait, si les pages datant de 1977 manifestent encore une volonté de « coller » à la journée(atmosphère, temps, humeurs personnelles) qui les rattache au genre, celles des « Soirées deParis » n’ont gardé du journal que le découpage chronologique. Comme le titre l’indique,ce « journal » est en fait plutôt vespéral, puisqu’il y est presque exclusivement question desoirées, écrites le lendemain, avec un léger décalage. À chaque soirée correspond un longparagraphe de structure narrative où l’imparfait vient parfois concurrencer l’emploi du présentet du passé simple. De plus, Barthes se signale par son refus des artifices stylistiques dujournal : abréviations et phrases nominales ou dont le verbe à été raccourci. Tout cela ressembleplus à l’enchaînement de faits dans un très bref récit qu’à leur notation fragmentaire dans unjournal. Le roman fantasmé est un Protée qui épouse ici la forme du Journal, parce qu’ellepermet à la fois d’évacuer la question de l’inventio et de saisir le monde de manière immédiate.Barthes conclut l’article « Délibération » en ces termes :

[I]l faudrait sans doute conclure que je puis sauver le Journal à la seule condition de le travaillerà mort, […] comme un Texte à peu près impossible : travail au terme duquel il est bien possibleque le Journal ainsi tenu ne ressemble plus du tout à un Journal41.

31 Ce Journal, « travaillé à mort », s’il devait ne plus ressembler à un Journal, c’est peut-êtrequ’il avait pour objectif final de ressembler à un roman ; en effet, dans ce « Texte à peu prèsimpossible », comment ne pas entendre le grand Roman souhaité par les deux dernières annéesde cours au Collège de France. Or, nous le savons, la recherche romanesque de Barthes mène àune aporie : la conclusion idéale d’un tel cours aurait dû être l’œuvre, mais le roman n’aura paslieu. Et c’est sur un accent très pessimiste que se termine la deuxième année de La préparationdu roman :

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Dans un bon scénario, la fin matérielle du Cours aurait dû coïncider avec la publication réelle del’Oeuvre […]. Hélas, en ce qui me concerne, il n’en est pas question : je ne puis sortir aucuneœuvre de mon chapeau, et de toute évidence sûrement pas ce Roman dont j’ai voulu analyser laPréparation42.

32 Restent néanmoins toutes ces ébauches, ces formes d’écriture du présent qui, mises bout àbout, constituent une sorte de « proto-roman » polyphonique, un roman par fragments quipourrait être, bien qu’inachevé, la « tierce forme » que Barthes a longtemps recherchée. Enguise de conclusion, rappelons-nous ces quelques mots de Mallarmé sur le Livre, que Barthesaurait pu faire sien :

Je réussirai peut-être : non pas à faire cet ouvrage dans son ensemble […] mais à en montrer unfragment d’exécuté, à en faire scintiller par une place l’authenticité glorieuse, en indiquant le restetout entier auquel ne suffit pas une vie. Prouver par les portions faites que ce livre existe, et quej’ai connu ce que je n’aurai pu accomplir43

Bibliographie

Barthes, Roland, Œuvres Complètes, éd. Eric Marty, Paris, Seuil, 2002 (5 tomes)

Barthes, Roland, La préparation du roman. Notes de cours et séminaires au Collège de France1978-1979 et 1979-1980, édition Nathalie Léger, Paris, Seuil-Imec, 2003.

Bernard, Roland Barthes, vers le neutre, Paris, Christian Bourgeois, 1991

Compagnon, Antoine, « Le Roman de Roland Barthes », in Revue des Sciences Humaines. « Le Livreimaginaire » n°266-267, 2002, pp. 203-231

Id., « Roland Barthes en saint Polycarpe », Les antimodernes, Paris, Gallimard, 2005, p. 404-440

Knight, Diana, , « Vaines pensées : la Vita Nova de Barthes », Revue des Sciences Humaines. « SurBarthes » n°268, 2002, p. 93-107

Léger, Nathalie, « La Préparation du roman », Roland Barthes au Collège de France, Paris, Imec, 2002,p. 77-93

Macé, Marielle & Geffen, Alexandre (dir.), Barthes, au lieu du roman, Paris, Desjonquères/Nota Bene,2002

Monier-Berenguier, Nadine, « Roland Barthes et le roman », The French Review, vol. 59, n° 5, avril1986, p. 730-742

Roger, Philippe, Roland Barthes, roman, Paris, Grasset, 1986

Notes

1  C’est le titre du premier recueil du grand poète.2   Roland Barthes, La préparation du roman. Notes de cours et séminaires au Collège de France1978-1979 et 1979-1980, édition Nathalie Léger, Paris, Seuil-Imec, 2003, p. 42.3  Roland Barthes, Roland Barthes par Roland Barthes, Œuvres Complètes IV, éd. Eric Marty, Paris,Seuil, 2002, p. 685.4  Roland Barthes, « Longtemps je me suis couché de bonne heure… », O.C. V, p. 463.5  Ibid.6  Op.cit., La préparation du roman, p. 42.7  Ibid.8  Ibid., p. 43.9  Michel de Montaigne, « Des Menteurs », Essais, Livre I, éd. Maurice Rat, Paris, Garnier, « ClassiqueGarnier », 1967, p. 30.10  Roland Barthes, Leçon, O. C. V, p. 429.11  Op. cit., La préparation du roman, p. 4512  Ibid.13  Ibid.14  Ibid.

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15  Op. cit., La préparation du roman, p. 53 et 55.16  Ibid., p. 65.17  Ibid., p. 86.18  L’Empire des signes, O. C. III, p. 403.19  Ibid., p. 413.20  L’Empire des signes, p. 415.21  La préparation du roman, p. 124.22  Ibid., p. 113.23  La préparation du roman, p. 135.24  Ibid., p. 135-136.25  L’Empire des signes, p. 413.26 Roland Barthes par Roland Barthes, p. 725.27  Ibid., p. 723 François Wahl se réfère, entre autres, à ce fragment pour justifier la publication posthumedu recueil. Voir « Note de l’éditeur », Incidents, Paris, Seuil, 1987.28  Incidents, O. C. V, pp. 972, 976 et 967.29  La préparation du roman, p. 66.30  « La Chronique », O. C. V, p. 652.31  Ibid.32  Ibid.33  Ibid., p. 649-50.34  Ibid., p. 653.35  « Je m’avisai alors que je venais de reproduire, en 1978, la scène où le Narrateur proustien va voirjouer la Berma. Tout y était, littéralement : le désir, la rumeur, l’attente, la déception, la conversion, lesmouvements du public. Je sortis de là, émerveillé par le génie… de Proust ». (p. 628).36  Ibid., p. 628 et 633.37  Barthes propose également « Vaines Soirées » dans les ébauches de plan pour sa Vita Nova, titredonné à la soirée du 25 avril 1979 relatée dans Tel Quel. Par soucis de commodité, nous choisissons celuide « Soirée de Paris » retenu par Eric Marty dans le tome V des Œuvres Complètes.38  Roland Barthes, « Délibération », O. C. V, p. 668.39  Ibid., p. 669.40  Gérard Genette, « Le journal, l’antijournal », Poétique n° 47, 1981, p. 318.41  « art. cit. », p. 681.42 Op. cit., p. 377.43  Stéphane Mallarmé, « Autobiographie » [1885], cité par Diana Knight, « Vaines pensées : la Vita Novade Barthes », Revue des Sciences Humaines. « Sur Barthes » n° 268, octobre-décembre 2002, p. 107.

Pour citer cet article

Référence électronique

Frédéric Martin-Achard, « « Le nez collé à la page » : Roland Barthes et le roman du présent »,TRANS- [En ligne], 3 | 2007, mis en ligne le 04 février 2007, consulté le 19 juin 2014. URL : http://trans.revues.org/135

À propos de l’auteur

Frédéric Martin-AchardAssistant au département de Français moderne de l’Université de Genève ; il termine actuellement unmémoire de DEA consacré à "L’Empire des signes" de Roland Barthes et prépare un sujet de thèse surcet auteur

Droits d’auteur

Tous droits réservés

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Résumés

 Dans La Préparation du Roman, Barthes oppose le roman de la mémoire, de type proustien,au «  roman du présent  ». Invoquant un défaut de mémoire, Barthes renonce à la formeanamnésique pour se tourner vers un fantasme d’écriture du présent. Si ce fantasme sematérialise dans des formes brèves de notation (haïku, Journal, chronique), le passage à uneforme continue représente en revanche un nouvel obstacle  : comment concilier la distancenécessaire au récit avec la proximité du présent ? La recherche barthésienne mène à une aporie :le Roman n’aura pas lieu. Mais ces notations qui nous restent ne sont-elles pas justement la« tierce forme » apte à écrire le présent ? In La Préparation du Roman, Barthes contrasts the Proustian-style novel of memory with the“novel about the present”. By invoking a memory gap, Barthes foregoes the ‘anamnesic’ form,opting in its stead for the fantasy of writing about the present. Even if this fantasy can berealized in fragmentary forms of notation (such as Haiku, Diary, or Chronicle), the transitionto continuous forms of narration presents a new hurdle: how does one reconcile the implicitdistance of narration with the proximity of the present? Barthes’ investigation ultimately leadsto an aporia: the Novel cannot take place. Are these remaining notations not simply the “thirdform” best suited for writing the present? En La Préparation du Roman, Barthes opone la novela de la memoria, de tipo proustiano, ala «novela del presente». Invocando un defecto de la memoria, Barthes renuncia a la formaanamnésica para avocarse hacia la ilusión de la escritura del presente. Si semejante ilusión semateraliza en formas breves de anotación (haiku, Diaro, crónica), el paso a una forma continuarepresenta por lo contrario un nuevo obstáculo: ¿cómo conciliar la distancia necesaria al relatocon la proximidad del presente? La investigación barthesiana conduce a una aporía: la Novelano tendrá lugar. ¿Pero esas anotaciones que nos quedan no son justamente esa “tercera forma”capaz de escribir el presente?