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Diplôme d’État infirmier Promotion : 2011-2014 Travail Écrit de Fin d'Études : « S'engager ensemble vers l'abstinence » Anne-Laure LE COZ-JOURDEN Institut de formation en soins infirmiers 10, rue Marcel Proust 22027 Saint-Brieuc cedex

Travail Écrit de Fin d'Études : « S'engager ensemble … · 3.2.4 Pour vous, que représente le contrat de soins dans la prise en charge de la ... J'ai eu l'opportunité de suivre

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Diplôme d’État infirmier

Promotion : 2011-2014

Travail Écrit de Fin d'Études :

« S'engager ensemble vers

l'abstinence »

Anne-Laure

LE COZ-JOURDEN

I n s t i t u t d e f o r m a t i o n e n s o i n s i n f i r m i e r s

1 0 , r u e M a r c e l P r o u s t

2 2 0 2 7 S a i n t - B r i e u c c e d e x

R e m e r c i e m e n t s

Avant de vous présenter mon Travail Écrit de Fin d’Études, je tiens à remercier toutes les

personnes qui ont été présentes au cours de sa réalisation et durant ces trois années de

formation.

Merci à Madame Le Marchand, formatrice au sein de l’Institut de Formation, pour sa

disponibilité, son suivi et ses conseils tout au long de cette dernière année.

Merci à l’ensemble des formateurs de l’Institut de Formation pour leur accompagnement

et pour m’avoir transmis leurs savoirs et leur passion pour cette magnifique profession.

Merci à tous les professionnels de santé rencontrés lors de mes différents stages pour

tout ce qu’ils m’ont apportée.

Merci aux deux infirmières qui ont accepté de participer à ce travail.

Merci à Lise pour ces trois années, et pour toutes celles à venir.

Merci à ma famille d’être toujours là.

Merci à Paul, pour tout.

Anne-Laure LE COZ-JOURDEN - Travail de fin d’études - IFSI Saint-Brieuc – Promotion 2011-2014

C h a r t e d e n o n p l a g i a t

Je soussigné(e) LE COZ-JOURDEN Anne-Laure étudiant(e) en soins infirmiers à

l’Institut de formation du Centre Hospitalier de SAINT BRIEUC pour l’obtention du diplôme

d’état infirmier, certifie que les textes présentés comme dossier ou travail écrit de fin

d’études sont strictement le fruit de mon travail personnel. Toute citation (sources internet

incluses) doit être formellement notée comme telle, tout crédit (photos, illustrations

diverses) doit également figurer sur le document remis. Tout manquement à cette charte

entraînera la non prise en compte du travail écrit et susceptible d’une sanction prévue au

règlement intérieur.

Fait à SAINT BRIEUC, le 14 mai 2014

Signature

Anne-Laure LE COZ-JOURDEN - Travail de fin d’études - IFSI Saint-Brieuc – Promotion 2011-2014

S o m m a i r e

Liste des sigles utilisés...........................................................................................

Introduction............................................................................................................1

1 Situation d'appel..................................................................................................3

1.1 Ressenti face à cette situation............................................................................4

1.2 Émergence de questionnements........................................................................4

2 Cadre conceptuel.................................................................................................7

2.1 Le concept du « Prendre en soin ».....................................................................7

2.1.1 La profession infirmière.......................................................................................7

2.1.2 Quid des soins infirmiers ?..................................................................................8

2.1.3 L'importance de la prise en soins........................................................................8

2.2 Le concept d' « Addictologie ».........................................................................10

2.2.1 Qu'est-ce que les addictions ?..........................................................................10

2.2.2 L'alcoolisme......................................................................................................10

A) Historique de la notion d'alcoolisme...............................................................10

B) Devenir dépendant à l'alcool..........................................................................11

a) La dépendance physique et les accidents de sevrage...............................11

b) Les signes psychiques de dépendance.....................................................11

C) Prendre en soins la personne alcoolique.......................................................12

2.2.3 Prendre en compte l'entourage et la famille de la personne alcoolique.............12

2.3 Le concept du « Contrat thérapeutique »........................................................14

2.3.1 Fixer un cadre pour travailler ensemble............................................................14

2.3.2 Rechercher l'adhésion thérapeutique................................................................15

2.3.3 Sans oublier le consentement du patient..........................................................15

2.3.4 L'alliance thérapeutique en jeu..........................................................................16

3 Analyse................................................................................................................17

3.1 Méthodologie de recherche..............................................................................17

3.1.1 Choix du thème.................................................................................................17

3.1.2 L'élaboration du cadre conceptuel....................................................................17

3.1.3 Les entretiens exploratoires..............................................................................17

3.1.4 Les difficultés rencontrées lors du travail de recherche.....................................18

3.2 Analyse des entretiens exploratoires...............................................................19

Anne-Laure LE COZ-JOURDEN - Travail de fin d’études - IFSI Saint-Brieuc – Promotion 2011-2014

3.2.1 Les professionnelles interrogées......................................................................19

3.2.2 Qu'est-ce qui caractérise votre travail au quotidien ?........................................19

3.2.3 Selon vous, y-a-t-il des outils de soins nécessaires à la prise en charge en

addictologie ?..................................................................................................20

3.2.4 Pour vous, que représente le contrat de soins dans la prise en charge de la

personne en addictologie ?.............................................................................21

3.3 Synthèse.............................................................................................................23

4 Hypothèse et méthodologie de recherche......................................................25

Conclusion............................................................................................................27

Bibliographie........................................................................................................29

Liste des annexes...................................................................................................I

Anne-Laure LE COZ-JOURDEN - Travail de fin d’études - IFSI Saint-Brieuc – Promotion 2011-2014

Liste des sigles utilisés

MILDT : Mission Interministérielle de Lutte contre les Drogues et les Toxicomanies.

IDE : Infirmier(ère) Diplômé(e) d’État.

ANPAA : Association Nationale de Prévention en Alcoologie et Addictologie.

DSM IV : Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders IV.

CIM 10 : Classification Internationale des Maladies 10.

TEFE : Travail Écrit de Fin d’Études.

Anne-Laure LE COZ-JOURDEN - Travail de fin d’études - IFSI Saint-Brieuc – Promotion 2011-2014

Introduction

Afin de finaliser ces trois années de formation en soins infirmiers, il nous est demandé de réaliser un Travail Écrit de Fin d’Études qui s’inscrit dans les Unités d’Enseignements 3.4.S6 « Initiation à la démarche de recherche » et 5.6.S6 « Analyse de la qualité et traitement de données scientifiques et professionnelles ». Ce travail aboutira également à l’acquisition de compétences en recherches infirmières, indispensables à l’exercice de ma future profession.

Alors que nous nous trouvons au cœur du Plan 2013-2017 de lutte contre la drogue et les conduites addictives1, l’alcoolisme demeure l’un des principaux problèmes de santé publique en France. En effet, l’Observatoire français des drogues et toxicomanies dénombrait en 2010, 10% de personnes en difficulté avec l’alcool, principalement entre 25 et 64 ans2.

Cette consommation excessive, souvent associée à d’autres toxiques, est responsable de nombreux problèmes familiaux et entraîne 30000 à 40000 décès par an3. Il s’agit de la seconde cause de mortalité prématurée dans notre pays, qui se place troisième au niveau européen. Cependant, il faut noter que cette consommation a diminué de moitié durant ces cinquante dernières années, passant de 26 à 12 litres d’alcool pur par an et par habitant âgé de plus de 15 ans4. Cette diminution s’explique notamment par les nombreuses campagnes de prévention ayant vues le jour depuis plusieurs années.

Malgré ces chiffres encourageants, nous pouvons constater un net changement des habitudes et modes de consommation, plus à risques, avec un mésusage de l’alcool de plus en plus précoce.

Afin de prendre en charge ces personnes présentant une addiction à ce toxique, de nombreuses structures hospitalières et extra hospitalières existent, mettant à disposition des patients de nombreuses aides et outils de soins.

Dans le cadre de ce travail, j’exposerai tout d’abord la situation m’ayant conduite à mon questionnement initial. Je développerai ensuite le cadre conceptuel, en lien avec ces interrogations, basé sur diverses lectures. Suite à cela, ces apports théoriques seront confrontés à l’analyse d’entretiens effectués auprès de deux professionnelles de santé, pour enfin aboutir à l’élaboration d’une hypothèse de travail entraînant la proposition d’une méthodologie de recherche.

1 Plan gouvernemental 2013-2017 de lutte contre la drogue et les conduites addictives. [en ligne]. [consulté le 5/02/2014]. Disponible sur : http://www.drogues.gouv.fr2 Observatoire français des drogues et toxicomanies. [en ligne]. [consulté le 24/11/2013]. Disponible sur : http://www.ofdt.fr3 Collège des universitaires en hépato-gastro-entérologie. Hépato-gastro-entérologie, Réussir les épreuves classantes nationales. 2012. Edition Elsevier-Masson. Pages 5 et 64 Alcoolinfoservice.fr. [en ligne]. [consulté le 24/11/2013]. Disponible sur : http://www.alcool-info-service.fr

Anne-Laure LE COZ-JOURDEN - Travail de fin d’études - IFSI Saint-Brieuc – Promotion 2011-2014 - 1 -

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1 Situation d'appel

Au cours de ces trois années de formation, j'ai eu l'occasion à deux reprises d'effectuer un stage auprès de patients présentant une addiction à l'alcool. C'est la raison pour laquelle j'ai choisi de traiter de la prise en charge et l'accompagnement infirmier en addictologie pour ce Travail Écrit de Fin d'Études.

J'ai tout d'abord effectué un premier stage auprès de cette population en deuxième année, lors d'un stage de dix semaines en service d'hépato-gastro-entérologie. Au sein de celui-ci, certains patients sont accueillis sur une période de sept jours pour un sevrage alcoolique. Leur prise en charge se fait prioritairement par le biais de thérapeutiques selon un protocole établit. Cependant, dès les premiers jours de leur hospitalisation, ces personnes sont amenées à rencontrer une infirmière addictologue. Celle-ci travaille de manière transversale au sein de l'établissement et plus particulièrement dans ce service. J'ai eu l'opportunité de suivre son travail le temps d'une journée. Ceci m’a permis de découvrir un premier maillon de la prise en charge de cette pathologie addictive. Néanmoins, pour ce TEFE, j'ai fait le choix d'aborder plus particulièrement la prise en charge du patient dans le cadre d'une structure spécialisée en alcoologie.

C'est lors de cette dernière année au sein de l'institut de formation que j'ai été amenée à réaliser un second stage de six semaines auprès de ce groupe de patients.

Le centre de cure où j'ai effectué ce stage peut accueillir jusqu'à quatorze personnes, hommes et femmes, pour une durée de quatre semaines, avec une obligation de rester dans l'unité le premier week-end d'hospitalisation et de sortir à l'extérieur à compter du deuxième week-end. Ces personnes sont bien évidemment traitées par le biais de médicaments mais c'est davantage le côté psychologique qui importe ici.

Les infirmiers sont présents dès l'arrivée du patient dans l'unité et l'accompagnent tout au long de son séjour. Dès leur admission, les patients sont liés par un contrat de soins les engageant sur plusieurs points tels que la participation active et obligatoire aux différentes activités thérapeutiques et la non-consommation et non-introduction de substances alcooliques et/ou toxiques au sein de l'unité. Dans le cas du non-respect de ces règles, la rupture du contrat de soins est envisagée. Les soignants n’hésitent pas à préciser aux patients qu'aucune fouille des affaires personnelles n'est effectuée à leur arrivée et que leur prise en charge se base sur la confiance.

Afin d'illustrer le bénéfice, mais aussi la complexité du rôle infirmier en addictologie, j'ai choisi de développer la situation ci-après décrite, rencontrée lors de ce stage du semestre 6.

Cette situation implique Monsieur O., âgé d'une cinquantaine d'années. C'est un patient présentant de nombreux problèmes somatiques dont certains liés à une prise excessive et chronique d'alcool. Il se déplace depuis peu avec une canne et est suivi depuis plusieurs années par le médecin généraliste et alcoologue de l'unité. Monsieur O. est hospitalisé pour une troisième cure en peu de temps et de ce fait, est bien connu du personnel médical et paramédical qui n'a pas manqué de lui rappeler les termes du contrat de soins qu’il se devait de respecter.

La situation de déroule un dimanche soir, au retour du premier week-end à l'extérieur de Monsieur O.. Comme tous les patients ayant passé un week-end hors de l'unité, ce dernier est contraint de faire contrôler son alcoolémie par le biais de l'éthylotest. Au grand étonnement de Monsieur O., celui-ci est positif, ce qui induit une fouille de ses affaires personnelles par un infirmier, afin de vérifier que le patient ne détient pas d'alcool sur lui, ce qui s'avère ne pas être le cas. Cette fouille s'explique par le fait que Monsieur O. est revenu alcoolisé d'une sortie à l'extérieur et qu'il n'a donc pas respecté la « relation de confiance » exposée ci-dessus.

Anne-Laure LE COZ-JOURDEN - Travail de fin d’études - IFSI Saint-Brieuc – Promotion 2011-2014 - 3 -

Quelques heures plus tard, au moment du repas, Monsieur O. ne semble pas moins alcoolisé et présente un accès de violences verbales et physiques envers les infirmiers (menaces et coups donnés sur une table avec sa canne). Un des infirmiers prend donc Monsieur O. à part et procède à un deuxième contrôle alcoolémique qui se révèle une nouvelle fois positif et supérieur au précédent. Malgré l'insistance de l'IDE pour faire avouer à Monsieur O. sa nouvelle consommation d'alcool, ce dernier nie et ne comprend pas l'augmentation du taux d'alcool. Pendant cet échange, un patient vient confier à l'autre infirmière présente que Monsieur O. a dissimulé une bouteille d'alcool dans l'armoire d'une des personnes nouvellement arrivée en affirmant « au moins, ils ne viendront pas chercher ici ». Sans mentionner l'intervention de l'autre patient, les deux infirmiers tiennent Monsieur O. au courant de leur découverte, qui ne peut qu'avouer.

Le lendemain, lors des transmissions, cet épisode est mis en exergue. Cependant, après un entretien avec le médecin du service, Monsieur O. obtient l'autorisation par celui-ci de continuer sa cure malgré la consommation et l'introduction de boisson alcoolisée dans l'établissement.

Par la suite, il a été demandé aux patients d'exprimer leurs ressentis sur cet événement et il en est ressorti beaucoup de colère et de mécontentement. Ils ont surtout insisté sur le fait que Monsieur O. ait dissimulé la bouteille d'alcool dans l'armoire d'un des patients les plus vulnérables de l'unité. De plus, ils ont émis leurs craintes que la relation de confiance, que leur accordent les soignants, en pâtisse.

Cette situation a soulevé un autre problème puisque dans les semaines suivantes, d'autres patients sont revenus alcoolisés de leur week-end à l'extérieur ce qui a entraîné la rupture immédiate de leur contrat de soins. Ceci a alors suscité de l'incompréhension de la part de certains patients ne comprenant pas pourquoi Monsieur O. avait été autorisé à continuer ses soins quelques semaines plus tôt, tandis que d'autres personnes se voyaient dans l'obligation de quitter d’emblée l'unité.

1.1 Ressenti face à cette situation.

J’avoue avoir été moi-même étonnée de la décision médicale. En effet, je voyais le contrat de soins comme un élément non-négociable de la prise en charge au sein de l’unité de cure. De plus, les infirmiers avec qui j’ai eu l’occasion d’échanger sur cette situation m’ont tous confiés être persuadés de la rupture du contrat établi entre l’unité et Monsieur O.. Par ailleurs, j’ai ressenti un certain malaise vis-à-vis des autres patients, au vu de leur incompréhension et leur mécontentement. Je comprenais très bien leur inquiétude quant à la perte de confiance des soignants.

1.2 Émergence de questionnements.

Cette situation m’a donc amenée à m'interroger sur différents points :

- Quels sont les éléments indispensables à la relation de confiance soignant/soigné ?

- Cette relation de confiance est-elle toujours bénéfique au patient et/ou au soignant ?

- En quoi le contrat de soins est-il un élément primordial de la prise en soins en

- 4 - Anne-Laure LE COZ-JOURDEN - Travail de fin d’études - IFSI Saint-Brieuc – Promotion 2011-2014

addictologie ?

- Ce contrat permet-il l'adhésion aux soins ?

- En quoi l'infirmier occupe-t-il une place essentielle dans cette prise en charge ?

Et m'a conduit à la question de départ suivante :

En quoi le contrat de soins est-il un élément primordial de la prise en soins en addictologie ?

Anne-Laure LE COZ-JOURDEN - Travail de fin d’études - IFSI Saint-Brieuc – Promotion 2011-2014 - 5 -

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2 Cadre conceptuel

Afin d’apporter des éléments de réponse à mon questionnement énoncé précédemment, je vais tout d’abord expliquer les différents concepts qu’il me semble important d’aborder. Pour ce faire, je prendrai appui sur diverses lectures et recherches que j’ai été amenée à faire afin d’apporter l’éclairage nécessaire sur la notion de prendre en soin, d’addictologie et enfin de contrat thérapeutique.

2.1 Le concept du « Prendre en soin ».

2.1.1 La profession infirmière.

L’infirmière occupe une place centrale dans la prise en soins de la personne. Elle est, en règle générale, la personne ressource pour le patient et a pour mission d’accompagner celui-ci tout au long de son parcours. Cependant, la profession d’infirmière s’est construite de manière progressive ; je vais tenter de vous l'exposer ici.

La place et le statut de l’infirmière ont considérablement évolué au cours des derniers siècles. Au XIXème siècle, les religieuses sont encore très présentes au chevet des malades. Il faudra attendre la Belle Époque pour que le métier d’infirmière soit reconnu comme une véritable profession. Cependant, la présence religieuse reste encore profondément ancrée. L’infirmière va donc partir à la recherche d’un nouveau statut dès le XXème siècle. Peu à peu, elle devient « la collaboratrice disciplinée, mais intelligente du médecin et du chirurgien »5. Et c’est en 1902, par une circulaire du Conseil International des Infirmières, que s’officialise la création d’écoles d’infirmières sur l’ensemble du territoire français. En 1905, Léonie Chaptal, infirmière française diplômée de l’Assistance Publique, énonce que « l’infirmière doit tout savoir du patient et non pas tout de sa maladie »6, en précisant que ce dernier point est de l’ordre du médecin. Pour elle, la discipline infirmière doit avant tout se tourner vers la prévention et l’éducation. Elle prend alors exemple sur les travaux de l’infirmière britannique Florence Nightingale. C’est à elle que nous devons, en 1859, la première approche des soins infirmiers. C’est elle également qui va conduire à une meilleure organisation de la profession infirmière, à la création des premières écoles et à l’élaboration du contenu des enseignements. Elle précise dans son ouvrage Notes on nursing que ces soins doivent faire en sorte de « mettre le malade dans les meilleures conditions possibles pour favoriser l’action de la nature »7. En France, il faudra attendre le 27 juin 1922 pour que la profession soit reconnue et que paraisse un décret uniformisant le programme de formation dans les écoles d’infirmières. C’est la création du premier diplôme d’État français. Néanmoins, ce ne sera qu’en 1937 que la loi obligeant l’obtention du diplôme d’État pour exercer sera mise en application.

Aujourd’hui, l’exercice de la profession infirmière est régit par le Code de Santé Publique. C’est l’article R.4311-1 qui définit la profession de la manière suivante : « l’exercice de la profession d’infirmier ou d’infirmière comporte l’analyse, l’organisation, la réalisation de soins infirmiers et leur évaluation, la contribution au recueil de données cliniques et épidémiologiques et la participation à des actions de prévention, de dépistage, de formation et d’éducation à la santé. Dans l’ensemble de ces activités, les infirmiers et les infirmières sont soumis au respect des règles professionnelles et notamment du secret professionnel. Ils exercent leur activité en relation avec les autres professionnels du secteur de la santé, du secteur social et médico-social et du secteur

5 DULEY, Philippe. La vraie histoire des infirmières. 2012. Chronique éditions. Page 986 Ibid. Page 997 Ibid. Page 86

Anne-Laure LE COZ-JOURDEN - Travail de fin d’études - IFSI Saint-Brieuc – Promotion 2011-2014 - 7 -

éducatif »8. De plus, il est notifié que l’Infirmier Diplômé d’État exerce son métier dans le respect des articles R.4311-1 à R4311-15 et R.4312-1 à R.4312-49 du Code de Santé Publique.

2.1.2 Quid des soins infirmiers ?

Comme énoncé précédemment, le concept des soins infirmiers, ou nursing, est apparu pour la première fois au XIXème siècle au Royaume-Uni, sous l’impulsion de Florence Nightingale. Il permet de préciser la nature des pratiques réservées à la profession infirmière et d’aider à cibler leurs champs d’activités. Définir les soins infirmiers est d’autant plus difficile que leur diversité est importante. A noter qu’ils correspondent aux soins dispensés par les infirmiers et les professionnels travaillant en collaboration (aide-soignant, auxiliaire de puériculture et aide médico-psychologique) et se distinguent des soins réalisés par les autres professionnels de santé, mais aussi par les non-professionnels tels que les bénévoles ou les aidants.

Une autre figure emblématique de la profession, Virginia Henderson, se révèle outre-Atlantique. Elle énonce que « les soins infirmiers consistent principalement à assister l’individu, malade ou bien portant, dans l’accomplissement des actes qui contribuent au maintien ou à la restauration de la santé (ou à une mort paisible) et qu’il accomplirait lui-même s’il avait assez de force, de volonté ou de savoir »9. En 1940, elle définit les quatorze besoins fondamentaux de l’être humain, enseignés, aujourd’hui encore, au sein des instituts de formation. Ces quatorze besoins sont respirer, boire et manger, éliminer, se mouvoir, se reposer, se vêtir, maintenir sa température, être propre, éviter les dangers, communiquer, agir selon ses croyances, s’occuper, se divertir, apprendre.

Ce n’est que récemment que les théoriciennes Jean Watson et Martha Rogers ont reconnu les soins infirmiers comme une science faisant appel au savoir et aux connaissances propres de l’infirmière. C’est donc naturellement, qu’en 1981, le premier décret d’actes pour clarifier la notion de soins infirmiers a été établi. Aujourd’hui, ils sont définis par le Dictionnaire des Soins Infirmiers comme « un ensemble de connaissances et de techniques relatives à la conception et à la mise en œuvre d’actes. Ils contribuent à répondre aux besoins de santé d’une personne et/ou d’une collectivité et font l’objet de la discipline enseignée au personnel infirmier »10.

2.1.3 L'importance de la prise en soins.

Dans le domaine des soins infirmiers, le « prendre soin », de l’anglais care (soins) et caring (action de to care, soigner) a été introduit en France en 1982 par Marie-Françoise Collière, infirmière et auteur de Promouvoir la vie. Elle décline deux types de soins différents : les soins habituels, le care, relatifs aux fonctions d’entretien et de continuité de la vie, et les soins de réparations, le cure, relatifs aux besoins de réparer ce qui fait obstacle à la vie. Dans notre pays, ce concept du « prendre soin » est à la base du rôle propre infirmier.

8 Ministère de la Santé et des Sports. Profession infirmier - Recueil des principaux textes relatifs à la formation préparant au diplôme d’Etat et à l’exercice de la profession. Août 2011. Sedi Equipement. Page 196.9 DULEY, Philippe. La vraie histoire des infirmières. 2012. Chronique éditions. Page 10010 Amiec recherches. Dictionnaire des soins infirmiers et de la profession infirmière. 2005. Paris : Masson.

- 8 - Anne-Laure LE COZ-JOURDEN - Travail de fin d’études - IFSI Saint-Brieuc – Promotion 2011-2014

C’est à Joan Tronto, professeur en sciences politiques aux Etats-Unis, que nous devons la définition du care, « une activité générique qui comprend tout ce que nous faisons pour maintenir, perpétuer et réparer notre « monde », de sorte que nous puissions y vivre aussi bien que possible. Ce monde comprend nos corps, nous-mêmes et notre environnement, tous éléments que nous cherchons à relier en un réseau complexe, en soutien à la vie »11.

Elle distingue ainsi quatre phases :

- Le caring about, fait de soucier de quelqu’un,- Le caring for, prendre soin de quelqu’un,- Le care giving, reconnu comme soigner quelqu’un,- Le care receiving, être l’objet du soin de quelqu’un.

Elle insiste sur la notion de responsabilité qui découle de ce « prendre soin ».

En France, ce concept réapparaît dans les années 1980. Tout d’abord avec le Docteur Anna Hamilton qui s’est engagée à travers ses écrits à différencier les soins relevant du care de ceux relevant du cure, à partir des travaux de Florence Nightingale. Ensuite c’est à Marie-Françoise Collière de tenter de réintroduire cette notion. Pour elle, prendre soin consiste en un acte de vie tourné vers l’autre, une écoute centrée sur la personne, un discernement de ses différents besoins et des soins multiples visant à accompagner au mieux la personne. Toutefois, ses écrits n'influenceront que très peu la pratique et la formation des soins infirmiers. En 1997, un infirmier belge, Walter Hesbeen, définit le « prendre soin », à partir de travaux de fin d’études d’étudiants infirmiers et cadres, comme « l’intention de porter une attention particulière à une personne qui vit dans une situation qui lui est particulière et ce dans une perspective de lui venir en aide, de contribuer à son bien-être, à sa santé »12. Michel Nadot, infirmier suisse, ajoute à cela dans son ouvrage Au commencement était le prendre soin, l’aspect tridimensionnel du « prendre soin » c’est-à-dire prendre soin de l’humain à tous âges, prendre soin de la vie d’un groupe et prendre soin de la vie dans un environnement.

Nous pouvons donc constater que la notion de « prendre en soins », le care, a considérablement évolué à travers les écrits des différents professionnels s’étant attelé à le définir. Ce concept demeure en perpétuelle évolution afin d’être en capacité de s’adapter aux attentes et besoins de la population qui en bénéficie.

11 TRONTO, Jean. Un monde vulnérable pour une politique du care, 1993. Traduit par MAURY, H. en 2009. Éditions La découverte12 HESBEEN, Walter. Prendre soin à l’hôpital, inscrire le soin infirmier dans une perspective soignante. Paris, Edition Masson, 1997

Anne-Laure LE COZ-JOURDEN - Travail de fin d’études - IFSI Saint-Brieuc – Promotion 2011-2014 - 9 -

2.2 Le concept d' « Addictologie ».

L’addictologie est définit par la MILDT comme « la science des comportements de dépendance, envisageant leurs causes et conséquences, à la fois sous l’angle de la physiologie et de la génétique, de la psychologie et de la sociologie »13. C’est une discipline vaste faisant intervenir différents concepts que je vais aborder à la suite.

2.2.1 Qu'est-ce que les addictions ?

Une addiction, du latin ad dictum, (qui ne peut s’acquitter de sa dette, qui devient esclave de), est considérée comme « une relation de dépendance plus ou moins aliénante pour l'individu, et plus ou moins acceptée voire parfois totalement rejetée par son environnement social, à l'égard d'un produit, d'une pratique, voire d'une situation»14.

Dans le cadre de ce Travail Écrit de Fin d'Études, je m’intéresserai plus spécifiquement à l’addiction à un produit. Sous ce terme s’entend toutes les substances qui, utilisées de manière abusive, se trouvent être nocives pour la santé du sujet, telles que les drogues illicites, les médicaments par le biais de l’automédication abusive, le tabac et bien sûr l’alcool.

2.2.2 L'alcoolisme.

A) Historique de la notion d'alcoolisme.

L’alcoolisme, ou maladie alcoolique, a évolué au cours du temps. C’est au médecin suédois Magnus Huss, en 1849, que l’on doit la première description de la dépendance à l’alcool qu’il nomma « alcoolisme chronique ». Cependant, la réaction de perte de contrôle liée à la consommation massive de ce produit avait été décrite près d’un siècle plus tôt par les Docteurs Thomas Trotter et Benjamin Rush. En 1960, le psychiatre Elvin Morton Jellinek présente l’alcoolisme en tant que maladie et la classifie en cinq stades, allant de la dépendance psychologique au besoin irrépressible de consommer de l’alcool (cf Annexe n°1). Quelques années plus tard, en 1976, Griffith Edwards et Milton Gross caractérisent le syndrome de dépendance à l’alcool par la ritualisation des modes de consommation, la prédominance des comportements de recherche d’alcool, l’augmentation de la tolérance, la compulsion à boire afin de prévenir les troubles de sevrage et la récurrence des symptômes de sevrage.

En France, c’est au Docteur Pierre Fouquet, créateur puis président de la Société Française d'Alcoologie et considéré comme le fondateur de l’alcoologie française, que nous devons, en 1951, la définition du malade alcoolique comme étant « celui ou celle qui a perdu la liberté de s’abstenir de boire ». Ses travaux ont abouti à une classification de l’alcoolisme selon trois critères : le facteur psychique, le facteur de tolérance et le facteur toxique (cf Annexe n°2). Il est également l’auteur des « Lettres aux alcooliques » (cf Annexe n°3). Au nombre de douze, elles s’adressent de manière personnelle aux sujets ayant pris l’initiative d’entamer une démarche au sein d’un centre de cure. Ceux-ci ont pris

13 Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie. [en ligne]. [consulté le 3/09/2013]. Disponible sur : http://www.drogues.gouv.fr14 Ibid

- 10 - Anne-Laure LE COZ-JOURDEN - Travail de fin d’études - IFSI Saint-Brieuc – Promotion 2011-2014

la lourde décision de se soigner afin de ne pas souffrir davantage de leur alcoolo-dépendance. C’est cette notion que je vais expliciter maintenant.

B) Devenir dépendant à l'alcool.

L’alcoolo-dépendance est définie par l’Organisation mondiale de la santé comme « la sujétion à la prise d’une drogue [ici, l’alcool] dont la suppression entraîne un malaise psychique et/ou des troubles physiques, et comme un désir d’absorber périodiquement ou continuellement une substance pour en retirer du plaisir ou pour dissiper une sensation de malaise »15.

Dans son ouvrage Il n’est jamais trop tard pour parler d’alcool, Michel Craplet, médecin psychiatre et alcoologue à l’hôpital de Saint-Cloud et également médecin délégué de l’ANPAA, distingue deux formes d’alcoolo-dépendance. Dans un premier temps, la dépendance physique décrite comme l’état d’adaptation dans lequel se trouve le corps suite à une alcoolisation chronique ; dans un second temps, la dépendance psychique au produit, qui est définit comme le désir intense de consommer de l’alcool.16

a) La dépendance physique et les accidents de sevrage.

La dépendance physique se traduit par des signes spécifiques qui peuvent apparaître lors d’une période de sevrage plus ou moins longue, après une consommation d’alcool importante et prolongée. Ces symptômes peuvent être d’ordre neuromusculaires (crampes, tremblements), digestifs (nausées, vomissements), neurovégétatifs (sueurs, tachycardie, hypertension artérielle), neurologiques (crises convulsives) et psychiques (anxiété, humeur dépressive, irritabilité, hallucinations). Comme dans toute forme de dépendance à un toxique, les troubles sont atténués par une nouvelle ingestion du produit.

Outre l’apparition de convulsions qui peuvent survenir une à deux journées après la diminution de la consommation d’alcool, l’un des accidents de sevrage les plus courants est le delirium tremens. Il peut survenir brutalement ou après l’apparition de signes de sevrage. Il associe généralement un grand état d’agitation psychomotrice, des troubles de la conscience, des tremblements intenses généralisés, des hallucinations délirantes, des troubles neurovégétatifs ainsi que des signes de déshydratation intra et extra-cellulaire. C’est une affection grave qui peut conduire au décès du sujet en l’absence de traitement.

Afin d’évaluer les signes physiques de dépendance et ainsi éviter l’apparition de ce delirium tremens et autres symptômes de sevrage, les soignants des unités d’addictologie peuvent être amenés à établir le score de Cushman. Il consiste en la surveillance de la fréquence cardiaque, de la pression artérielle systolique, de la fréquence respiratoire et de l’apparition de tremblements, sueurs, agitation et troubles sensoriels (cf Annexe n°4).

b) Les signes psychiques de dépendance.

15 Organisation mondiale de la santé. [en ligne]. [consulté le 3/09/2013]. Disponible sur : http://www.who.int/fr16 CRAPLET, Michel. Il n'est jamais trop tard pour parler d'alcool. 2003. Editions de la Martinière. Page 78

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Les signes psychiques de dépendance à l’alcool sont multiples et sont repris par le DSM IV et le CIM-10. Il s’agit de :

- La tolérance à l’alcool, caractérisée par un besoin d’absorption plus important afin d’atteindre l’effet désiré.

- Le sevrage, caractérisé par la consommation d’alcool dans le but de soulager ou d’éviter les symptômes de sevrage vus ci-dessus.

- La consommation d’alcool prise en quantité plus importante ou sur une durée plus longue qu’envisagée initialement par le patient.

- Le désir continuel de réduire ou contrôler sa consommation.- Le temps considérable passé à se procurer de l’alcool ou à récupérer de ses

effets.- La réduction des relations sociales.- La poursuite de l’utilisation du produit malgré la connaissance du problème

physique ou psychologique.

C’est ce versant de la dépendance qui va être davantage pris en charge lors d’une cure en unité d’alcoologie.

C) Prendre en soins la personne alcoolique.

La prise en charge du patient souffrant d’une addiction à l’alcool sera différente en fonction du stade : consommation à risque (usage nocif) ou alcoolo-dépendance. Dans le premier cas, une hospitalisation brève en service de soins généraux pourra être envisagée tout en ayant recours à un traitement préventif des accidents de sevrage par une hydratation abondante et l’administration médicamenteuse d’une vitamino-thérapie et de benzodiazépines. Dans le second cas, une cure est à considérer afin d’entamer un sevrage durable. Cet accompagnement nécessite une équipe pluridisciplinaire coordonnée par un médecin alcoologue. Suite à cette prise en charge, on dénombre un tiers de personnes devenues abstinentes, un tiers de rechutes et un tiers de rémissions partielles.

Cependant, toutes ces théories de soins ne seraient pas envisageables sans y impliquer l’entourage du patient. C’est ce dernier point que je vais aborder avant de conclure le concept d’addictologie.

2.2.3 Prendre en compte l'entourage et la famille de la personne alcoolique.

La famille représente une part importante, et à ne pas négliger, de la prise en charge en addictologie. Elle se définit de manière globale comme « l’ensemble de personnes qui ont des liens de parenté par le sang ou par alliance »17.

Dans le cadre de l’addictologie, cette notion va plus loin et se distingue sous différentes formes.

Tout d’abord par l’élaboration de son génosociogramme par le patient. C’est une forme d’arbre généalogique contenant des informations sur les membres et les relations de la famille de ce dernier sur deux à trois générations. Sur cet arbre sont rendus visibles les problèmes d’alcool, autres addictions, antécédents psychiatriques et événements traumatiques ayant pu conduire le patient vers sa consommation excessive d’alcool. Ce travail peut avoir pour but d’amener celui-ci à se questionner sur sa propre consommation

17 Définition Larousse. [en ligne]. [consulté le 12/01/2014]. Disponible sur : http://www.larousse.fr

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mais aussi sur les éventuelles problématiques alcooliques existant ou ayant existé au sein de sa famille.

Ensuite, il faut également prendre en compte la souffrance pouvant être ressentie par une famille face à l’alcoolisme d’un proche. Louise Nadeau, psychologue et chercheur québécoise du centre de recherche et d'intervention sur les substances psychoactives, a énuméré diverses façons qu’ont les familles de vivre au côté d’une personne alcoolique. Nier l’alcoolisme de l’autre le plus longtemps possible, vivre l’alcoolisme comme un abandon ou un affront, vivre l’alcoolisme comme étant de sa propre responsabilité et avec culpabilité.

Enfin, dans son livre énoncé précédemment, Michel Craplet insiste sur le fait de préciser à l’entourage qu’ils ne sont en aucun cas responsables de ce qui arrive à leur proche. De plus, il met en exergue qu’il peut être envisageable de proposer aux personnes qui le souhaitent des entretiens avec des thérapeutes ou leur participation à des groupes de paroles spécialement organisés pour eux, afin d’y rencontrer d’autres personnes dans leur situation18.

Je conclurai ainsi ce développement par la citation des Docteurs Alain Raab et Alain Sarda, psychiatres à Paris : « Vivre avec un alcoolique, c'est avoir le courage d'affronter les problèmes pour éviter les tragédies »19.

18 CRAPLET, Michel.Ibid. Page 19119 RAAB, A et SARDA A. Comment vivre avec un alcoolique. 1998. Éditions Josette Lyon.

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2.3 Le concept du « Contrat thérapeutique ».

Au-delà du contexte médical, le contrat, du latin contrahere (resserrer), a pour but de rassembler, d’unir entre elles deux personnes par un certain nombre de règles qui les engagent dans une relation réciproque ou au contraire asymétrique. Il évolue sur une durée fixée dès la rencontre et va à la recherche d’une absence d’ambiguïté par une explication des règles. Dans le cadre d’une relation de soin, c’est en général un accord écrit et signé, mais qui peut passer par l’oral, entre l’équipe soignante et la personne soignée et/ou son entourage. De par cette union, les deux parties s’accordent sur les objectifs à atteindre, les moyens pour y parvenir et la réalisation des soins nécessaires. D’un point de vue juridique et conformément à l’article 1101 du Code civil, le contrat est réputé naître d’un accord de volonté et se forme de la rencontre d’une offre et d’une acceptation. Cela souligne toute l’importance de se baser sur la volonté et l’acceptation du patient. Au fil de mes recherches, j’ai constaté que l’ensemble des auteurs s’entend sur cette définition à donner au contrat de soins, ainsi que sur l’importance de son utilisation, notamment en unité d’addictologie. Ils notent cependant que cette notion se lie à plusieurs autres concepts.

2.3.1 Fixer un cadre pour travailler ensemble.

Afin d’établir un contrat de soins, il semble essentiel de fixer un cadre dans lequel le patient va évoluer. C’est ce que démontrent Thierry Albernhe et ses collaborateurs dans leur dossier intitulé Le Cadre thérapeutique, paru dans la revue Santé Mentale. Ils notent toutefois qu’il est difficile de définir et d’analyser un tel cadre, et insistent sur le fait que le patient a besoin d’être contenu dans un cadre, annoncé dès le début de la rencontre, pour pouvoir avancer dans son histoire et se reconstruire.

Dans un premier temps, ce cadre se doit d'être explicite et d'occuper l’espace thérapeutique pour ainsi donner des points de repère au patient, tout comme au soignant. Cependant, au fil du temps, il peut s’estomper et doit être rappelé dans les moments de crises entre l’équipe soignante et le patient. Il ne doit pas devenir l'outil permettant de faire respecter les règles, mais davantage celui qui permettra l'analyse des comportements du patient dans la transgression de celles-ci. Cette notion de cadre thérapeutique implique donc un ensemble de consignes qui amorce le processus thérapeutique chez le patient et fonde la relation avec le soignant. Le cadre devient de ce fait un engagement du patient envers le soignant, mais aussi du soignant envers le patient.

C'est donc une relation réciproque qui se met en place, et l'échec dans la collaboration ne doit pas être porté par une des deux parties mais bien par l'unité que forment alors le patient et le soignant. Le cadre doit se positionner dans un ensemble cohérent de libertés et de contraintes dans le but de lui donner un sens.

Il peut arriver que différents niveaux de cadres coexistent et se complètent, se répondent, ou au contraire se contredisent, se repoussent. Ce phénomène peut alors devenir source d’incertitudes et d’incompréhensions pour la personne. C’est alors au soignant de repositionner les choses en fournissant les explications adéquates à la personne. Cependant, il faut aussi noter que le cadre thérapeutique peut être amené à se moduler en fonction des soignants qui l'utilisent, certains en laissant davantage de libertés et d’autres en rappelant sans cesse les règles imposées par ce cadre.

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2.3.2 Rechercher l'adhésion thérapeutique.

Néanmoins, il semble évident que l’établissement d’un contrat de soins, ou contrat thérapeutique, entre le soignant et le patient sous-entend qu’il y ait eu au préalable une adhésion du patient au traitement qui lui est proposé. Sous le terme d’adhésion thérapeutique, on entend « l’ensemble des conditions qui permettent l’observance en se reposant sur la participation du patient »20. Cette notion implique donc un engagement volontaire du patient à sa prise en charge. Le Conseil International des Infirmiers va plus loin en proposant une définition de l’adhésion thérapeutique incluant la notion de prescription, soit « le degré jusqu’où le comportement du patient coïncide avec un avis médical ou une recommandation de santé qui lui a été prescrite »21. Dans ce cas, nous pouvons nous demander si la « recommandation prescrite » ne deviendrait pas synonyme d’obligation de soins, et si, de ce fait, l’adhésion volontaire du patient reste possible.

Bien évidemment, l’adhésion du patient à ses soins peut être fluctuante tout au long de sa prise en charge, et c’est alors au soignant de devenir un élément facilitateur du processus permettant à la personne d’atteindre le niveau de santé optimale qu’elle vise et de ne pas la culpabiliser en cas d’écart ou d’échec. De plus, il est important que les bénéfices de l’adhésion thérapeutique soient présentés au patient dès le départ, tout comme les risques encourus en cas de non adhésion, tels que la rupture du contrat de soins dans le cas qui nous concerne.

Comme il est énoncé dans la définition précédemment citée, il découle de cette adhésion aux soins la notion d’observance, diagnostic infirmier validé par la North American Nursing Diagnosis Association et l'Association Francophone Européenne des Diagnostics Infirmiers. L'observance est caractérisée par la concordance entre le comportement de la personne soignée et le programme thérapeutique proposé. Ce dernier étant accepté aussi bien par la personne que par le soignant, afin de maximiser les chances d’aboutir aux résultats escomptés.

L’adhésion aux soins, ou plus généralement à un contrat de soins, nécessite donc un engagement de la part de la personne soignée mais également de la part du soignant. Celui-ci se devra d’accompagner au mieux la personne tout au long de son projet de soins. Ce sont les articles R.4311-6, aliéna 4 et R.4311-7, alinéa 43 du Code de santé publique relatifs aux actes professionnels et à l'exercice de la profession infirmière qui mettent en exergue la notion d'engagement thérapeutique associant le médecin, l'infirmier et le patient.22

2.3.3 Sans oublier le consentement du patient.

Comme le souligne Jean Naudin et ses collaborateurs dans leur dossier La recherche du consentement aux soins, paru chez Santé Mentale, il apparaît difficile de faire adhérer un patient à sa prise en soins sans en obtenir au préalable son accord. Le consentement, acquiescement à quelque chose, action d’accepter, est un concept omniprésent dans la pratique soignante et reprit par la Charte du Patient Hospitalisé « Un acte médical ne peut être pratiqué qu’avec le consentement libre et éclairé du patient » et l’article L.1111-4 du Code de Santé Publique en référence à la Loi du 4 Mars 2002 « Toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu’il lui fournit, les décisions concernant sa santé ». Ces deux

20 FORMARIER M. et JOVIC L. Les concepts en sciences infirmières. 2° édition. 2012. Edition Mallet Conseil. Page 5021 Ibid.Page 5022 Ministère de la Santé et des Sports. Profession infirmier - Recueil des principaux textes relatifs à la formation préparant au diplôme d’Etat et à l’exercice de la profession. Août 2011. Sedi Equipement. Page 198

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supports induisent alors le droit pour le patient de ne pas consentir aux thérapeutiques proposées, et donc de ne pas adhérer à sa trajectoire de soins. La notion d’adhésion thérapeutique développée précédemment devient alors inexistante.

Le consentement est donc synonyme d’autonomie de choix par le patient. Il convient de ce fait de veiller à ne pas laisser ce dernier seul face à une décision ou une responsabilité qu’il pourrait trouver trop lourde à affronter.

2.3.4 L'alliance thérapeutique en jeu.

En parallèle de la notion d’adhésion thérapeutique, nous retrouvons celle d’alliance thérapeutique développée par de nombreux auteurs. C’est en premier lieu le psychanalyste Sigmund Freud qui a abordé cette notion en 1937 en la définissant comme un contrat psychologique entre le patient et le thérapeute. Elle a ensuite été reprise par Carl Rogers, Jean-Pierre Bibring ou encore Edward Bordin. Ce n’est que récemment que le philosophe Paul Ricœur a qualifié l’alliance thérapeutique en tant que relation de soin singulière pouvant être définie comme un pacte de soins, « sorte d’alliance scellée entre deux personnes contre l’ennemi commun, la maladie »23. Ce pacte repose sur la présence du médecin, la confiance que le patient place en ce dernier mais aussi sur la méfiance de ces deux personnes dans leur relation de soins.

Dans son dossier paru chez Santé Mentale, Dominique Friard, infirmier en secteur psychiatrique, explique que dans cette alliance, le patient a confiance dans la bienveillance de son médecin, tout comme le médecin compte sur la bienveillance du malade à l’égard de ses prescriptions. Le médecin s’engage à soigner le malade et ce dernier à se soigner en rapport avec son médecin. C’est seulement dans un second temps que s’établit le risque de doute, de suspicion, d’une part parce que le patient craint l’abus de pouvoir de la part du médecin et d’autre part parce qu’il y a un excès inévitable de demandes de sa part envers le spécialiste.

L’alliance thérapeutique peut alors s’établir selon différentes approches. L’une des principales consiste à laisser la personne établir la liste des comportements devenus problématiques pour elle-même et son environnement, avec l’aide du professionnel de santé. Cette liste permet alors de situer le problème et ainsi d’introduire la notion de contrat thérapeutique visant à soulager ce problème. C’est ce qui est pratiqué quotidiennement dans les unités d’addictologie à travers l’élaboration du génosociogramme et des divers groupes de parole. C’est ce que l’on appelle l’approche cognitivo-comportementale. Elle se base principalement sur le modèle théorique énoncé par Edward Bordin et sur les études de Adam O. Horvath et Lester Luborsky. Ces derniers suggèrent que l’alliance thérapeutique sur le versant du « contrat » privilégierait les tâches à accomplir, les objectifs à atteindre et la collaboration. Cette dernière comportant quatre aspects fondamentaux que sont la négociation, permettant de s’accorder sur le cadre thérapeutique, la mutualité, pour agir ensemble, la confiance, en se fiant totalement à l’autre, et l’acceptation implicite d’un rapport d’influence patient/thérapeute.

Pour conclure sur cette notion de contrat de soins, nous pouvons mettre en avant que l’existence d’un tel accord entre patient et soignant relève d’un véritable partenariat, ce qui rend alors le patient collaborateur mais aussi acteur de sa trajectoire de soins.

23RICOEUR, Paul. Les trois niveaux du jugement médical. Page 230

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3 Analyse

3.1 Méthodologie de recherche.

3.1.1 Choix du thème.

La discipline vers laquelle se tourne le thème de ce Travail Écrit de Fin d’Études s’est imposée naturellement en raison de deux de mes stages effectués auprès de patients souffrant d’une addiction à l’alcool. J’avais tout d’abord entrepris de développer davantage le rôle de l’infirmier(ère) auprès de cette population. Néanmoins, lors d’une première guidance au semestre 5, il en est ressorti que cette problématique serait trop vaste, sans intérêt véritable pour un futur exercice professionnel et ne permettant pas de recherches approfondies. Au vu de ma situation d’appel, rencontrée lors de mon stage du semestre 5 en unité d’addictologie, il s’est avéré que le thème du « contrat de soins en addictologie » était plus adapté et certainement plus complet. Les questionnements découlant de cette situation m’ont permis d’aboutir à ma question de départ définitive présentée au début de ce travail.

3.1.2 L'élaboration du cadre conceptuel.

A partir de cette question, trois concepts principaux se sont imposés : les notions de « prendre en soin », d’« addictologie » et de « contrat thérapeutique ». Grâce à diverses recherches et lectures effectuées dès le début de cette troisième année de formation, j’ai pu élaborer le cadre conceptuel présenté dans ce TEFE. Il a été finalisé au début du semestre 6.

3.1.3 Les entretiens exploratoires.

Au cours du semestre 5, j’ai été amenée à réfléchir aux professionnels que je souhaitais rencontrer pour mes entretiens exploratoires, afin d’aborder avec eux la particularité de la prise en charge en addictologie. Pour ce faire, j’ai établi, au regard de mon cadre conceptuel, un guide d’entretien semi-directif, de façon à laisser une certaine liberté de réponse aux deux personnes interrogées et de ne pas influencer leurs propos (cf annexe n°5). Les questions posées avaient pour but de m’apporter de nouvelles connaissances et m’amener à m’interroger sur de nouvelles notions. Sur les conseils de ma formatrice, j’ai établi mes questions en associant à chacune d’elles un ou plusieurs objectifs de réponses. Une fois ce guide d’entretien validé, j’ai pris contact avec deux structures de soins afin de rencontrer les professionnels intéressés pour répondre à mes questions. Je leur ai présenté mon travail et demandé l’autorisation d’utiliser un dictaphone afin d’enregistrer notre discussion. Les deux entretiens, réalisés auprès d’infirmières, ont ensuite été fidèlement retranscrits (cf annexes n°6 et 7) pour pouvoir être analysés, en lien avec les concepts développés précédemment, et aboutir à la question de recherche exposée ci-après.

Ce travail n’est pas sans présenter de limites puisqu’il parait évident que le fait de ne rencontrer que deux professionnels ne permet pas une représentation de l’ensemble des pratiques soignantes.

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3.1.4 Les difficultés rencontrées lors du travail de recherche.

L’une des difficultés rencontrées fut la prise de contact avec les structures de soins. En effet, après l'envoi d'un premier courrier, j’ai dû réitérer à plusieurs reprises ma demande. Les deux entretiens se sont néanmoins très bien déroulés. Connaissant l’une des infirmières grâce à mon stage effectué au sein de sa structure, il m’a été plus facile d’appréhender cet entretien exploratoire auprès d’elle. En effet, l’organisation et les pratiques de l’unité de soins m’étaient déjà connues, contrairement à l’établissement où travaille la seconde soignante interrogée.

Lors de ce travail, la seconde difficulté vécue réside dans l’appréhension de ne pas me diriger dans la bonne direction de recherche et, par la même ne pas aboutir au travail demandé et attendu.

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3.2 Analyse des entretiens exploratoires.

3.2.1 Les professionnelles interrogées.

Les deux infirmières interrogées exercent dans deux structures de soins différentes. L’IDE A travaille au sein d’une unité d’addictologie accueillant quatorze patients pour une durée de cure de quatre semaines ; tandis que l’IDE B travaille au sein d’un établissement de post-cure accueillant jusqu’à quarante personnes pour une durée de quatre-vingt-dix jours, renouvelable une fois. Ce sont donc deux approches différentes de la prise en charge de la personne alcoolo-dépendante qui m’a été explicité par ces soignantes.

Ces deux professionnelles ont obtenu leur diplôme il y a une trentaine d’années, impliquant pour toutes deux une importante expérience professionnelle. L’IDE B, diplômée du secteur psychiatrique, a exclusivement exercé dans ce domaine, contrairement à l’IDE A qui a eu une courte expérience dans des services de soins généraux (pédiatrie et gériatrie).

Cette dernière travaille en addictologie depuis vingt-six ans ; c'est l’une des personnes ayant fondé l’unité. Elle dit elle-même avoir appris ce travail en même temps que les patients accueillis « On a fait ce travail là comme eux [les patients] le font, on a appris un travail nouveau, une prise en charge nouvelle. Il fallait aussi qu’on fasse toutes ces démarches là. On imagine fort bien que pour les gens ce n’est pas simple à faire puisque nous-mêmes il a fallu qu’on s’y atèle ». Elle explique également avoir appris à utiliser de nouveaux outils de soins tels que le génosociogramme, qui a été « inclus dans [leur] façon de travailler » et les activités thérapeutiques, qui ont été affinées au fur et à mesure. De plus, elle dit s’être rendue compte de l’importance du règlement intérieur dans la prise en charge du patient, « je pense aussi que ce qu’on a mis en plus dans le service c’est vraiment le travail sur les limites et sur la règle ».

Face à elle, l’infirmière B n’exerce dans ce domaine que depuis neuf ans et n’a donc pas les mêmes expériences personnelle et professionnelle puisque la structure existait déjà à son arrivée. Cependant, elle s’est spécialisée dans la discipline en obtenant un diplôme universitaire d’addictologie.

3.2.2 Qu'est-ce qui caractérise votre travail au quotidien ?

Les deux infirmières interrogées s’accordent sur le fait que le principal travail en addictologie se base sur la relation avec le patient et non sur les soins dits techniques.

Cette relation s’instaure par la connaissance du patient dès son arrivée dans la structure : où en est-il de son histoire, de son parcours, de son problème avec l’alcool ? De plus, l’infirmière A souligne qu’il faut savoir s’adapter à la personne en fonction de l’avancement de sa démarche. En effet, dans le cas d’une première cure, le travail entamé va être davantage « de leur faire prendre conscience de leur problématique […] et voir si pour eux il s’agit uniquement de poser le verre ou s’il s’agit de comprendre pourquoi on le prend ». C’est une étape importante de la rencontre avec la personne, pouvant faire l’objet de réunion de synthèse pluridisciplinaire, comme c’est le cas dans l’établissement de l’IDE B, « chacun a vu avant le patient pour faire un petit peu le point et on fait le projet personnalisé par rapport à ce qu'on a vu tous ensemble ».

L’IDE A insiste à plusieurs reprises sur le fait que si le travail en addictologie se fait en groupe, par exemple à travers les activités thérapeutiques, il reste individualisé pour chaque patient présent dans l’unité « Il va falloir adapter le travail à chacune de ces

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personnes là. En même temps c’est un travail de groupe, on fait la même chose avec tout le monde. Mais […] on a des choses qui sont très différentes pour les uns et pour les autres même si le support est le même. […] c’est dans le travail de groupe qu’on a un travail individuel qui est adapté à chacun ». Elle ajoute qu’il est primordial de respecter la vitesse de chaque patient afin qu’il se sente au mieux et puisse ainsi avancer dans la résolution de sa problématique.

Un des principaux objectifs du soignant en addictologie est d’amener la personne à prendre conscience de son problème avec l’alcool, en l’aidant, sans pour autant lui apporter une réponse concrète. Cet accompagnement est d’autant plus difficile que venir en cure est très rarement le fruit d’un choix personnel de la part du patient. En effet, elle fait généralement suite à une demande extérieure qui peut être de trois ordres : l’employeur, la justice ou l’entourage. Comme l’a souligné l’IDE A lors de l’entretien, les soignants sont amenés à travailler avec les personnes sur la notion : « comment pourriez-vous reprendre à votre compte ces incitations aux soins qui viennent de quelqu’un d’autre ? ». Ceci ayant pour but de faire sienne cette cure et ainsi avancer plus favorablement dans la guérison.

Mais le principal travail reste celui sur l’apprentissage des règles et des limites. En effet, « c’est un travail de limites, de règles, d’apprentissage non fait, de passation de normes et de choses comme ça qui n’ont pas été faites et qui n’ont pas été gérées chez les gens. […] ils passent la limite, ils transgressent les interdits, donc à nous de voir quelles sont les origines de ses transgressions là et qu’est-ce qu’ils en font et où on les amène. »

Dans le cas d’une structure de post-cure, comme le lieu d’exercice de l’infirmière B, le patient est davantage encouragé à poursuivre son abstinence. En effet, tout le travail énoncé précédemment aura déjà été effectué, tout du moins en partie, au sein de l’établissement de cure l’ayant accueilli jusqu’alors.

3.2.3 Selon vous, y-a-t-il des outils de soins nécessaires à la prise en charge en

addictologie ?

Parmi les outils de soins énoncés par les deux professionnelles, nous pouvons mettre en exergue le rôle de l’équipe soignante pluridisciplinaire. En effet, tous ses membres participent à la prise en charge de la personne. Comme le précise l’infirmière B « Quand les patients arrivent, les différents professionnels qui interviennent, ils font partie des outils. La secrétaire qui les accueille pour les papiers administratifs aussi. L’infirmier présent pour la présentation de la chambre et l’accueil. […] Ils ont une assistante sociale et une psychologue référents aussi ».

Chez les deux infirmières, nous retrouvons les activités thérapeutiques. Elles ont un caractère obligatoire dans les deux structures et ont pour but de « permettre aux gens de renouer avec le plaisir » à travers le fait de produire et de faire eux-même, pour ainsi être satisfait du résultat et rehausser l’estime qu’ils ont d’eux-mêmes. L’infirmière A précise que « ces activités là nous servent pour qu’ils [les patients] puissent dans un autre temps les utiliser et en profiter ».

L’IDE A insiste longuement sur l’utilisation du génosociogramme en précisant que c’est un outil « indispensable », qu’elle a appris a maîtrisé dès ses débuts en le retravaillant et en le revisitant. Il va permettre de « regarder la consommation d’alcool comme un pansement, comme quelque chose qui va adoucir la souffrance ». Ce génosociogramme va servir de support pour amener le patient à regarder son histoire de vie en lien avec sa problématique alcoolique et ainsi pouvoir en identifier la cause, « si on ne soigne pas la cause ils ne pourront pas arrêter l’alcool ». Cet outil va aider les professionnels à amener les patients à « essayer d’aller voir les origines, le dessous de

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l’iceberg ». Au fil du temps passé en addictologie, l’infirmière A dit avoir compris l’importance du travail sur l’enfance des personnes à travers l’élaboration avec eux de leur génosociogramme, « on était plus sur l’ici et maintenant, […] sur le premier abord, on a très vite compris que ce n’était pas suffisant […] que ça s’articulait ailleurs. C’est à nous effectivement d’amener le patient à faire des liens avec l’enfance ». Contrairement à l’IDE A, l’infirmière B n’évoque pas l’utilisation d’un tel outil. Néanmoins, elle est amenée à établir avec le patient son projet personnalisé de soins. Celui-ci présente les attentes de la personne quant à sa cure, ainsi que ses projets, s’il en a, à plus ou moins long terme. Ce projet fait ensuite l’objet d’une synthèse avec l’ensemble l’équipe soignante.

Les deux professionnelles sollicitées évoquent également l’accueil du patient comme un outil de soins, par la présentation de la structure et du règlement intérieur. Pour l’IDE B, ce règlement est présenté au patient de manière informelle, dès son arrivée, par l’infirmier qui l’accueille. Il est ensuite repris de façon plus protocolaire par le directeur de l’établissement, ou le médecin responsable, qui amène le patient à s’engager dans ce règlement intérieur en le signant. L’IDE A, quant à elle, insiste davantage sur la place de ce règlement qui va venir fixer les règles et les limites, deux notions indispensables dans le traitement des pathologies addictives. Elle explique d’ailleurs que ce règlement a considérablement évolué avec les années, passant de quelques lignes à plusieurs paraphes.

Le dernier outil de soins énoncé par les deux infirmières est le contrat thérapeutique, développé ci-après.

Comme le conclue l’IDE A, il n’y a pas « d’outils plus importants les uns que les autres, ils sont tous interdépendants », le patient va alors « prendre ce qu’il va estimer utile pour lui ».

3.2.4 Pour vous, que représente le contrat de soins dans la prise en charge de la

personne en addictologie ?

Ces deux infirmières confirment l’existence d’un contrat thérapeutique engageant le patient dans ses soins. L’IDE A va jusqu’à dire que ce contrat représente « la pierre angulaire d’un soin en addictologie […], ce contrat c’est la base ».

Comme évoqué précédemment, la personne souffrant d’alcoolisme ne connaît ni règles, ni limites. Ce contrat va donc fixer le cadre pour « aider à délimiter un terrain sur lequel on va travailler ensemble puisque l’addiction en soi c’est un dépassement des limites ». Ce contrat de soins va donc permettre au patient de trouver un endroit où il sera en sécurité « pour exposer [sa] problématique ».

Pour ces deux professionnelles, le contrat est un document signé par la personne elle-même et qui peut être rompu dès le non-respect d’une de ses règles, la principale étant l’abstinence pendant toute la durée de la cure. L’IDE B ajoute qu’il peut être également rompu selon la volonté du patient de quitter l’unité de soins, « on ne peut pas empêcher quelqu’un de partir ». Lors de son entretien, l’IDE A prend l’exemple d’un patient ayant consommé à plusieurs reprises pendant sa cure et dont le contrat de soins a été rompu. Elle explique que, dans certains cas comme celui-ci, le contrat est « beaucoup plus efficace que si l’équipe avait fermé les yeux parce qu’effectivement je crois que c’est à ce moment-là qu’il a compris la valeur du contrat que l’on posait, qu’il ne pouvait pas faire n’importe quoi, qu’il devait être clair avec les règles qu’on lui demandait ». Elle complète ses propos en indiquant que parfois « il ne faut pas hésiter non plus à arrêter la cure de quelqu’un même si c’est une lourde décision à prendre ». Le contrat n’en est alors que plus porteur.

Pour ce qui est de l’acceptation du contrat de soins par le patient, les deux infirmières ne partagent pas le même discours. Pour l’IDE B, cette acceptation se fait

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toujours puisque c’est une démarche personnelle de venir dans un établissement de post-cure, basée sur les motivations du patient. Les personnes sont donc d’accord pour s’engager dans les soins et le non-respect des règles dictées par le contrat est rare. De plus, elle précise que dans le cas d’une hospitalisation contrôlée par la justice, le patient va obligatoirement signer et s’engager dans ses soins, de peur d'être sanctionné. L’DE A quant à elle, souligne que l’acceptation du contrat par le patient est généralement fluctuante, qu’elle se fait « petit à petit », dans un « rapport de limites ». Cependant, elle explique que le travail sera beaucoup plus bénéfique avec une personne étant dans la confrontation, « quelqu’un qui est dans la confrontation des limites va au final certainement plus travailler que quelqu’un qui reste dans une glissée, tranquille et qui ne rencontre aucun rempart. […] Je préfère que les choses s’accrochent un peu et à nous de travailler ces endroits qui accrochent, au moins on sait qu’il y a quelque chose. Si rien n’accroche on ne pourra pas. Il faut que les gens nous posent problème un tant soit peu pour pouvoir avancer car si tout va bien c’est qu’on n’a rien à faire ».

Ces deux infirmières sont d’accord pour dire que le contrat de soins engage également le soignant. En effet, il s’agit d’accompagner au mieux le patient dans la résolution de sa problématique. L’IDE A précise tout de même que le soignant va s’engager à accompagner la personne sans pour autant faire à sa place, « on se met d’accord sur ce contrat pour dire « ensemble on va essayer de trouver quelque chose qui vous convienne à vous, donc on s’engage à… et vous, vous vous engagez à… aussi » ». Selon elle, les soignants vont proposer des possibilités, des hypothèses pour que le patient puisse lui-même effectuer son travail. Elle ajoute que le professionnel se doit d’être très rigoureux dans le respect du contrat de soins, « on ne peut pas fermer les yeux sur des actes qu’ils posent car c’est outrepasser la loi mais aussi attenter à sa propre survie ». L’IDE B conclue en exprimant que la priorité est avant tout accepter le choix du patient.

Le dernier point abordé par l’infirmière A, qui n’est pas repris par la seconde professionnelle, est le lien entre l’existence d’un contrat et la relation soignant-soigné. Elle souligne qu’un tel « contrat articule complètement la relation. […] C’est parce qu’il y a un contrat de soins et que l’on s’y engage tous les deux, c’est-à-dire l’autre et le service, qu’on peut faire quelque chose. Sans ce contrat de soins là ça ne marcherait pas ».

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3.3 Synthèse.

Suite à ces entretiens, il apparaît que le contrat de soins est un outil utilisé par les deux infirmières interrogées et que la définition qu’elles en donnent est en adéquation avec celle des différents auteurs cités dans le cadre conceptuel. On y retrouve la notion d’engagement réciproque reprise par les articles R.4311-6, aliéna 4 et R.4311-7, alinéa 43 du Code de santé publique. De plus, l’importance de l’adhésion du patient à ses soins y est également évoquée, quand bien même l’une des infirmières décrit une acceptation plus ou moins franche à ce contrat.

La notion de cadre thérapeutique est également reprise par les deux professionnelles de santé. Elles énoncent l’importance du travail sur les règles et les limites imposées par le contrat de soins. En effet, la personne souffrant d’une problématique alcoolique n’est généralement soumise à aucune règle, aucun dictat. Nous pouvons aller jusqu’à dire qu’elle se place en-dehors de la loi par bien des écarts de conduite. Le point central de la prise en charge de la personne au sein d’une unité d’addictologie sera alors de réintroduire cette notion de limites, de règles pour ainsi offrir au patient un repère, un cadre, dans lequel il va évoluer tout au long de sa cure.

Néanmoins, de nouvelles notions n’ayant pas été évoquées précédemment dans ce travail se dégagent.

Tout d’abord, les activités thérapeutiques, décrites comme obligatoires par les deux professionnelles, apparaissent comme indispensables dans la prise en charge du patient. Elles s’inscrivent généralement dans le projet de l’unité de soins et sont basées sur un temps et un lieu précis. Elles se font habituellement en groupes restreints de patients, coordonnées par un soignant. Ces activités à visée sociothérapeutique peuvent être de différents ordres : groupe de parole, activités corporelles, activités créatives, activités culinaires, et répondent à des objectifs de soins fixés antérieurement par l’équipe pluridisciplinaire. Elles permettent ainsi de travailler avec la personne sur l’image et l’estime d'elle-même et visent également à restaurer les capacités relationnelles et sociales de la personne, souvent mises à mal par l’attitude d’exclusion qu’entraîne la consommation excessive d’alcool. Lors de ces séances thérapeutiques, l’infirmier va donc être amené à observer le comportement et les interactions du patient envers ses semblables.

L’utilisation de ces activités de soins s’inscrit dans le Code de Santé Publique, régissant la profession infirmière :

- Article R.4311-6 du Code de Santé Publique « Dans le domaine de la santé mentale, outre les actes et soins mentionnés à l’article R.4311-5, l’infirmier ou l’infirmière accomplit les actes et soins suivants :

- alinéa 2 : activités à visée sociothérapeutique individuelle ou de groupe ».

- Article R.4311-7 du Code de Santé Publique « L’infirmier ou l’infirmière est habilité à pratiquer les actes suivants soit en application d’une prescription médicale qui, sauf urgence, est écrite, qualitative et quantitative, datée et signée, soit en application d’un protocole écrit, qualitatif et quantitatif, préalablement établi, daté et signé par un médecin :

alinéa 42 : entretien individuel et utilisation au sein d’une équipe pluridisciplinaire de techniques de médiation à visée thérapeutique ou psychothérapeutique ».

Enfin, a été abordé l’importance du travail sur l’origine de l’addiction, par l’élaboration et l’utilisation du génosociogramme (cf annexe n°8). C’est une notion largement évoquée par l’une des deux soignantes au cours des entretiens. Le

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génosociogramme est un outil, élaboré par la psychologue française Anne Ancelin Schützenberger, qui est la représentation schématique de la famille du patient sur deux ou trois générations, décrivant ainsi les liens unissant ses membres et les informations médicales et psychosociales s’y rattachant. Ce génosociogramme doit se faire dans un premier temps d’après un travail de mémoire et peut être complété par la suite par des recherches via des documents officiels tels que les registres d’état civil.

Dans son ouvrage Aïe mes aïeux, Anne A. Schützenberger met en évidence le « syndrome d'anniversaire ». C’est un concept développé en 1961 par le Docteur Joséphine Hilgard confirmant son intuition que « l’inconscient a bonne mémoire ». Cette théorie est basée sur le constat que les personnes sont, psychologiquement, la résultante de leur histoire familiale, sur plusieurs générations. Selon cette règle, des conflits non résolus faisant partie de la vie de leurs aïeux, de même que les non-dits et secrets de famille, peuvent rejaillir ou se répéter sur plusieurs décennies à des dates significatives. Une analyse de ce génosociogramme permet alors de détecter ces transmissions et leurs conséquences sur la vie des descendants. Grâce à cette analyse, la connaissance de sa propre histoire familiale permet au patient d'avoir un outil qui peut l’aider à changer le cours de sa vie en évitant de tomber dans des schèmes de répétitions dont il n'avait pas conscience ou dont il avait l'impression d'être prisonnier. C’est généralement ce qui est constaté par les professionnels de santé en addictologie.

Je conclurai cette analyse par cet extrait d’Aïe mes aïeux, « Ce qui est important, c'est la façon dont l'auteur de cet arbre « fantasmatique » perçoit les personnages et les liens qui les unissent et qui le lie à ses ascendants et collatéraux et à leurs rôles. Ce sont même parfois les blancs, les trous de mémoire de la famille qui en disent long et ce qui a été "rayé" de la mémoire familiale»24.

24 SCHÜTZENBERGER, A. Aïe mes aïeux. 1997. Edition Desclée de Brouwer.

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4 Hypothèse et méthodologie de recherche.

A partir des nouvelles notions mises en exergue suite aux entretiens exploratoires, il apparaît que le génosociogramme semble être un outil important de la prise en charge de la personne en addictologie et qu’il permet ainsi à cette dernière de travailler sur les origines familiales de son addiction. J'en viens donc à la question de recherche suivante :

Cet outil, qui semble indispensable, est-il pour autant connu et utilisé par les professionnels exerçant en addictologie ?

Si une nouvelle recherche était à entreprendre afin d’apporter des éléments de réponses à cette question, j’entrerais en contact avec des infirmiers et infirmières travaillant au sein d’unités d’addictologie et de centres de post-cure, en région Bretagne, et accueillant les patients pour une durée de soins supérieure à sept jours. Ces professionnels pourraient être détenteurs ou non d’un diplôme universitaire d’addictologie. Au total, cela constituerait une centaine de professionnels, interrogés sur deux à quatre semaines, en dehors des périodes de vacances scolaires.

Pour ce faire, j’effectuerais une enquête transversale multicentrique afin d’étudier les connaissances et les pratiques soignantes dans différents établissements bretons. Ceci me permettrait d’étudier un plus grand échantillon et ainsi limiter des biais de sélection.

Afin de procéder à cette enquête, j’établirais un questionnaire destiné aux soignants de ces unités de soins, qui serait auto-administré, suivant la distance, par voie postale ou par dépôt-retrait. Il associerait des questions à réponses fermées et ouvertes : les premières afin de permettre une réponse rapide et précise et ainsi connaître la personne interrogée, les secondes visant à comprendre les différentes pratiques des professionnels interrogés ainsi que leurs connaissances concernant le génosociogramme, en leur laissant une liberté plus vaste de réponse.

Les questionnaires ainsi remplis permettraient alors une analyse quantitative et comparative des différentes pratiques sur le territoire breton.

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Conclusion

Suite à ce travail de recherche et au regard de ma problématique initiale, je constate que le contrat de soins est un élément primordial de la prise en charge du patient en addictologie. En effet, il va venir fixer de nouvelles règles à ces personnes vivant souvent dans un monde sans limites. Il permet également d’engager la relation soignant-soigné malgré une acceptation et une implication plus ou moins fluctuantes selon les personnes ; ce qui n’implique pas pour autant un échec dans la prise en charge.

Cependant, grâce aux entretiens effectués auprès des professionnelles de santé, j’ai pu constater que le contrat thérapeutique seul, ne suffisait pas pour un accompagnement optimal de ces patients présentant une problématique alcoolique, et qu’un travail plus approfondi sur les origines de l'addiction devait être effectué.

Ce Travail Écrit de Fin d’Études ainsi mené m’a permis d’acquérir de nouvelles connaissances théoriques pouvant être réinvesties dans ma future pratique professionnelle. De plus, qu'il soit sous-entendu ou formel, le contrat thérapeutique engageant les personnes aux soins est présent dans de nombreuses prises en charge, ce qui en fait un outil important quelque soit la discipline dans laquelle il se situe.

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- 28 - Anne-Laure LE COZ-JOURDEN - Travail de fin d’études - IFSI Saint-Brieuc – Promotion 2011-2014

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Articles de périodiques :

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BIANCHI Evelyne. De nouvelles coopérations entre les métiers pour une meilleure offre de soins. Soins psychiatrie, 2011, N°275 Juillet/Août, p35-37.

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MARGEL Serge. Paradoxes et génie du cadre. Santé mentale, 2012, N°172 Novembre, p68-72.

MAROUDY Daniel et al. Dossier : La relation de confiance dans les soins. Soins, 2013, N°779 Octobre, p27 et 28.

NAUDIN Jean et al. Dossier : La recherche du consentement aux soins. Santé mentale, 2011, N°161 Octobre, p25-30 et p44-48

RAYNAL Florence. Addictions : l'infirmière en premier recours. L'infirmière magazine, 2013, N°314 Janvier, p13.

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Films :

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Liste des annexes

Annexe n°1 : Classification de l’alcoolisme selon le Docteur Elvin Morton Jellinek II

Annexe n°2 : Classification de l’alcoolisme selon le Docteur Pierre Fouquet III

Annexe n°3 : Les douze « Lettres de Fouquet » IV

Annexe n°4 : Grille permettant d’établir le score de Cushman V

Annexe n°5 : Guide d'entretien VI

Annexe n°6 : Entretien exploratoire avec l'infirmière A VII

Annexe n°7 : Entretien exploratoire avec l'infirmière B XIV

Annexe n°8 : Exemple d'un génosociogramme XVII

Anne-Laure LE COZ-JOURDEN - Travail de fin d’études - IFSI Saint-Brieuc – Promotion 2011-2014 I

Annexe n°1

Classification de l’alcoolisme selon le Docteur Elvin Morton Jellinek :

Classification Description

Alcoolisme α Dépendance psychologique, l’alcool est uniquement utilisé pour soulager le sujet

d’émotions désagréables.

Alcoolisme β Sujet dont la santé physique pâtit de la consommation d’alcool, sans qu’il y ait pour

autant de dépendance physique ou psychique.

Alcoolisme γ Sujets qui éprouvent une importante dépendance physique à l’alcool.

Alcoolisme δ Sujets ne pouvant pas résister à la consommation d’alcool sous peine de

troubles de sevrage.

Alcoolisme ε Besoin maladif de consommer de l'alcool

II Anne-Laure LE COZ-JOURDEN - Travail de fin d’études - IFSI Saint-Brieuc – Promotion 2011-2014

Annexe n°2 Classification de l’alcoolisme selon le Docteur Pierre Fouquet :

Classification Description

L’alcoolite Forte tolérance au produit.

Absence de complications psychiques graves.

Effets toxiques de cette consommation se font ressentir.

Consommation régulière dans le cadre social et par l’effet

d’entraînement : « on boit pour boire avec les autres ».

L’alcoolose Dépendance psychique et physique.

Conséquences sur la santé très sérieuses.

Consommations se font pour leur valeur de psychotrope.

Consommations se font de manière solitaire et cachée, associé à

un fort sentiment de culpabilité.

La somalcoolose Personnes psychiquement très fragiles et peu tolérantes

Tendance à consommer de l’alcool très fort dans le but de

sombrer dans l’inconscience.

Ingestion de manière compulsive, par crise de quelques heures à

quelques jours.

Consommation de n’importe quel produit alcoolisé (alcool à

brûler, eau de Cologne, produit hydro-alcoolique…).

Entraînera une ivresse importante et violente accompagné par la suite d’un dégoût de soi.

Anne-Laure LE COZ-JOURDEN - Travail de fin d’études - IFSI Saint-Brieuc – Promotion 2011-2014 III

Annexe n°3 Les douze « Lettres de Fouquet » :

Premier entretien

Vous êtes atteint d'une maladie

Le facteur toxique

Le facteur de tolérance

Le facteur psychologique

Moyens mis en œuvre

Le mythe de l'alcool

Rôle du médecin

Le traitement du facteur psychologique

La guérison

Condition positive de la guérison

La post-cure

IV Anne-Laure LE COZ-JOURDEN - Travail de fin d’études - IFSI Saint-Brieuc – Promotion 2011-2014

Annexe n°4 Grille permettant d’établir le score de Cushman :

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Annexe n°5

Guide d'entretien :

1) Pouvez-vous vous présenter ?

1.1) Depuis combien de temps êtes-vous diplômé ?

1.2) Quelle est votre expérience professionnelle ?

Introduire mon entretien.

Connaître davantage le professionnel interrogé.

Pouvoir comparer l’expérience professionnelle en addictologie des différents professionnels interrogés.

2) Qu’est-ce qui caractérise votre travail au quotidien ?

2.1) Quelles situations êtes-vous amenées à rencontrer ?

Cibler les avantages, inconvénients, difficultés rencontrés par les professionnels interrogés dans

leur travail quotidien en addictologie.

3) Selon vous, y-a-t-il des outils de soins indispensables à la prise en charge en addictologie ?

Cibler les moyens mis en œuvre par les soignants pour la prise en charge des patients en

addictologie.

4) Pour vous, que représente le contrat de soins dans la prise en charge de la personne en addictologie ?

4.1) Comment fonctionne-t-il ?

4.2) D’après vos expériences, comment se passe l’acceptation du patient au contrat ?

4.3) L’existence d’un contrat de soin influence-t-elle la relation soignant-soigné ?

Comprendre l’intérêt du contrat de soins en addictologie.

Obtenir des éléments de réponses à ma question de recherche.

Évoquer la relation soignant-soigné en ciblant le rôle du contrat de soins au sein de celle-ci.

VI Anne-Laure LE COZ-JOURDEN - Travail de fin d’études - IFSI Saint-Brieuc – Promotion 2011-2014

Annexe n°6

Entretien exploratoire avec l’infirmière A :

Étudiante : « Pouvez-vous vous présenter ? »

Infirmière : « Je m’appelle A., j’ai 52 ans, diplômée depuis 1983. J’ai travaillé d’abord chez les enfants environ un an, puis quatre ans dans les services de personnes âgées et donc depuis mai 1988 je suis en addictologie, ce qui fait vingt-six ans.

J’ai surtout beaucoup de temps d’alcoologie derrière moi puisque, avec l’équipe de départ, on a fondé le service, on l’a créé, on y a mis ce que l’on imaginait pouvoir y mettre. Ça a changé depuis le début jusqu’à nos jours, même si la trame reste à peu près la même. Mais il y a des choses qui ont été ajoutées comme le génosociogramme, dans les années 1995-1998.

Effectivement on a commencé à travailler avec des livres qui paraissaient sur le génosociogramme, c’était les débuts, on l’a donc revisité et on l’a inclus dans notre façon de travailler. On y est allé à tâtons, car on ne savait pas, on a expérimenté, on a grandi avec le génosociogramme à l’intérieur des murs et on en a fait quelque chose ensuite. Il y a eu des formations, moi j’en ai fait une où l’on travaillait sur notre propre génosociogramme, mais évidemment pas de façon personnelle. On a aussi transmis à nos collègues pour ceux qui ont fait cette formation et au travers de beaucoup de discussions. Puis il y a aussi le travail avec les psychologues, etc… L’autre psychologue qui était là auparavant était aussi thérapeute familiale donc elle avait beaucoup de travail derrière elle avec le génosociogramme. Ça nous a permis d’affiner, de savoir un petit peu comment on allait travailler avec ça et d’apprendre à s’en servir.

On a aussi mis les activités thérapeutiques en place d’emblée, mais on a grandi avec ces activités là en apprenant à s’en servir plus qu’on le faisait au départ. Puisque au début de service, on allait voir les autres services, tels que des centres de post-cure en Normandie ou Vendée pour comprendre comment travailler les autres, s’en servir et le mettre en place ici. Bien sûr on a affiné le pourquoi de nos activités. Au fur et à mesure.

Heureusement que l’on n’est pas les mêmes aujourd’hui que ceux que l’on était il y a vingt-six ans. On a appris à travailler et je pense aussi que ce qu’on a mis en plus dans le service c’est vraiment le travail sur les limites et sur la règle. On avait, quand on a commencé, notre règlement intérieur, il y avait environ dix lignes, aujourd’hui quand on regarde notre règlement intérieur il doit y avoir quinze paraphes et on avait pas autant compris en quoi la règle et la limite étaient importantes dans cette pathologie addictive. On était de bonne volonté pour travailler dans ce service mais on a appris au travers des différentes formations qu’on a fait à affiner, on a compris comment on pouvait travailler avec les gens.

Et en effet, travailler sur la règle, la loi, les limites, aujourd’hui on tourne autour de ça, nos activités s’articulent autour de ça. Sur ce qui n’a pas été donné et en ne faisant pas non plus peut-être la relation de travail sur l’enfance des gens. On était plus sur l’ici et maintenant, à travailler le « pourquoi vous consommer ? », « quelle est la problématique ? ». On était plus sur le premier abord, on a très vite compris que ce n’était pas suffisant et qu’effectivement ce qui se passait pour les gens et ce qu’ils nous donnent aujourd’hui comme problématique de deuil, de chômage ou de mauvaise relation familiale, on a compris que ça s’articulait ailleurs. C’est à nous effectivement d’amener le patient à faire des liens avec l’enfance.

Anne-Laure LE COZ-JOURDEN - Travail de fin d’études - IFSI Saint-Brieuc – Promotion 2011-2014 VII

Au départ du service, c’est toute cette articulation avec les liens, nous on les a fait aussi, on a été amené à les faire, on ne s’y attendait certainement pas. Moi quand j’ai commencé, j’avais le dessus de l’iceberg mais pas le dessous, c’est vraiment l’image qu’on peut donner. Les gens souvent arrivent avec le dessus de l’iceberg et à nous aussi de les amener progressivement à essayer d’aller voir les origines, le dessous de l’iceberg et il est énorme. Alors nous, les plus anciens de l’équipe, on a fait ce travail là comme eux le font, on a appris un travail nouveau, une prise en charge nouvelle. Il fallait aussi qu’on fasse toutes ces démarches là. On imagine fort bien que pour les gens ce n’est pas simple à faire puisque nous-mêmes il a fallu qu’on s’y attèle. Ça a été un travail de longue haleine, on avait aussi des collègues plus vieux que nous, moi j’avais 25 ans quand j’ai commencé et je n’avais pas grand-chose comme expérience, ni en psychiatrie ni autre, j’avais mes trois ans d’études comme base mais à nous de creuser.

Mais effectivement aujourd’hui je peux dire que le travail c’est un travail de limites, de règles, d’apprentissage non fait, de passation de normes et de choses comme ça qui n’ont pas été faites et qui n’ont pas été gérées chez les gens. Et donc les gens aujourd’hui qui sont dans l’addiction à l’alcool, mais dans n’importe quel autre toxique, ils passent la limite, ils transgressent les interdits, donc à nous de voir quelles sont les origines de ses transgressions là et qu’est-ce qu’ils en font et où on les amène. C’est un long travail en effet, de parcours personnel pour les soignants aussi. Donc quand nos jeunes collègues arrivent c’est plus facile pour eux de prendre le train en route mais nous il a fallu qu’on le mette en place. »

Étudiante : « Qu’est-ce qui caractérise votre travail au quotidien ? »

Infirmière : « Mon travail au quotidien, c’est effectivement d’accueillir les gens qui arrivent en cure pour quatre semaines, de voir où ils en sont de leur problématique, est-ce que ce sont des gens qui font une première démarche ou non. Le travail fait pour une première démarche ne sera pas le même que pour des gens qui viennent pour une deuxième, troisième ou quatrième fois. Elle va être différente. La première démarche va plus aborder le problème, va essayer de leur faire prendre conscience de leur problématique, savoir où est-ce qu’ils en sont eux de leur problématique et si vraiment pour eux il s’agit uniquement de poser le verre ou s’il s’agit de comprendre pourquoi on le prend. Ce qui est différent. Donc les gens pensent qu’il suffit de poser le verre et de ne réfléchir à rien d’autre que ça, c’est alors à nous d’amener la personne à essayer de comprendre qu’est ce qui fait qu’il a besoin de ce verre ou de n’importe quel autre toxique pour pouvoir calmer les angoisses, permettre qu’il puisse parler sur ses angoisses, où ça se passe, où ça s’origine, qu’est-ce qu’il en fait, savoir ce qu’il en est, pour pouvoir après articuler sur les différents objectifs qu’on va avoir. On va travailler différemment avec quelqu’un qui vient en 1° cure d’avec quelqu’un qui vient pour une deuxième ou troisième cure. Et les gens sont très différents. Ils peuvent aussi nous dire qu’ils n’ont rien mis en place de ce qu’on leur avait proposé tels que les associations d’anciens buveurs, ni les consultations chez un médecin ou un psychiatre, le travail thérapeutique avec un psychologue, revenir ici en réunion contact. On fait l’état des lieux de ce qu’ils ont fait ou pas fait pour savoir ce qui leur a manqué et ce qu’on peut leur apporté. Selon le temps où ils sont arrivés. Les choses sont très différentes suivant la personne que l’on va recevoir.

Et il va falloir adapter le travail à chacune de ces personnes là. En même temps c’est un travail de groupe, on fait la même chose avec tout le monde. Mais dans ces mêmes choses qu’on fait avec tout le monde, on a des choses qui sont très différentes pour les uns et pour les autres même si le support est le même. Bien sûr on a une mesure très particulière pour chacun et c’est dans le travail de groupe qu’on a un travail individuel qui est adapté à chacun et on ne fera pas la même chose.

Par exemple, sur une réunion de retour de week-end, les niveaux de densité et de rapport de conversation, de réponse thérapeutique qu’on peut avoir à chacun est différent. Je vais prendre un Mr qui vient d’arriver, je vais reprendre sa dernière cure et lui en parler. Il sait

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où on en est et on va pouvoir continuer à travailler là-dessus. Ce qui sert aussi quand il y a des gens qui viennent en première cure, ils vont entendre « comment ça se fait que les choses sont différentes pour lui ? ». Ils entendent autant avec le travail dynamique de groupe entre patients, que ce qu’ils entendent avec le groupe soignant. Il y a cette relation à l’autre, ces échanges aux autres. »

Étudiante : « Quelles situations êtes-vous amenées à rencontrer ? »

Infirmière : « Ça peut être des situations de choix personnel c’est-à-dire la personne trouve qu’il y a un problème avec l’alcool et qu’il est temps de faire quelque chose. C’est l’extrême volontariat. Ils sont rares.

Et il y a des volontariats poussés, par le patron, on leur a parlé au travail que ce n’était plus possible de continuer d’être absent le lundi matin, qu’il n’était plus aussi efficace que d’habitude, qu’il pouvait être dangereux dans les métiers à risques comme couvreurs ou avec la manipulation de machines, et que le patron exige d’eux ce soin sinon il peut refuser qu’il vienne sur son lieu de travail.

Ça peut être poussé par la justice, par exemple quelqu’un qui se fait arrêter avec une alcoolémie au volant ou un taux de cannabis élevé et qui entraine le tribunal, la justice avec un service pénitentiaire d’insertion et probation (SPIP), ou lors d’une sortie de prison à qui on demande d’avoir un suivi au niveau alcoologique ou toxique, qu’ils se doivent de faire. On a ces indications là aussi qui sont nombreuses, on pourrait dire que sur quatorze patients qu’on a, on peut avoir cinq personnes en permanence qui ont de près ou de loin à voir avec quelque chose en rapport avec la justice, même si c’est juste repasser le permis de conduire. Après on a des gens qui sortent de prison ou qui veulent éviter d’y aller. Parce que parfois la cure vient en substitut de la prison. Ils préfèrent être en cure ici plutôt qu’en prison. Les gens qui viennent après avoir fait leur temps de prison sont sûrement plus motivés que ceux qui viennent avant. Il y a des gens qui ont aussi une extrême peur d’aller en prison, c’est quelque chose de terrible pour eux la prison.

Et on a le troisième point, qui est la pression familiale, les enfants qui demandent à leurs parents ou les époux et épouses qui disent « si tu fais rien je te quitte et je divorce ».

Pour tous les cas qui sont venus poussés par quelqu'un, on travaille avec eux « comment pourriez-vous reprendre à votre compte ces incitations aux soins qui viennent de quelqu’un d’autre ? ». Car ces incitations on peut aussi les faire siennes, les gens peuvent prendre à leur compte les incitations extérieures. Mais il n’y aura qu’un tiers à les prendre à leur compte, et encore je suis large. Bien souvent on les revoit plus tard et c’est là qu’ils se disent qu’ils doivent faire quelque chose parce que leur conjoint les a quittés ou qu’ils ont perdu leur emploi. Mais peut être que sans la première cure ils n’arriveraient pas à la seconde. J’avais un collègue qui disait « on ne boit jamais après une cure comme on buvait avant » c’est-à-dire que la façon de prendre le verre devient différente. Il y aura une pensée qui dira « ah oui j’ai fait une cure, peut être que c’est dangereux, il y a de l’alcool ». La façon de regarder l’alcoolisation n’est forcément plus la même malgré tout même si on n’en a pas pris tous les sens.

Les difficultés qu’on rencontre c’est aussi comment on va réussir à amener la personne à prendre conscience dans ses différents états. C’est à nous de leur dire. Il faut aller à pas de loups, et comment on amène les choses. Comment amener à faire des liens, comment permettre aux gens de puiser dans leur histoire la question mais aussi la solution à leur histoire. Ce n’est pas leur apporter la réponse mais leur tendre une main secourable pour qu’ils puissent comprendre. Mais quatre semaines de cure c’est très court. On entrouvre des portes, le travail est très long. Chaque cas est différent. Il y a des atteintes dans les limites. C’est comment on arrive à leur poser le doigt sur quelque chose qui aurait pu leur arriver mais dont ils ne veulent pas regarder. Avec chacun le travail est très différent, c’est comment on va prendre l’histoire de chacun, son individualité, sa personnalité particulière et comment on va travailler avec lui selon ce qu’il est dans son histoire et à la vitesse où il

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veut aller. Parce que le respect de leur vitesse est absolument nécessaire il faut qu’on trouve le bon tempo, la bonne vitesse. Les gens qui ne peuvent pas aller trop vite, il ne faut pas les faire aller trop vite parce qu’on va les traumatiser encore plus. Donc il faut trouver le temps avec lequel on va pouvoir parler avec eux. On peut aussi accueillir des gens qui sont à la rue en adaptant la durée de la cure ou le système de post-cure. Comme quoi les prises en charge peuvent être complètement différentes. On a vraiment tous types de prises en charge même si l’on garde un cadre avec toujours ces activités avec lesquelles les gens vont naviguer à leur rythme, avec leur vitesse où l’on va s’adapter. Même si l’activité est de groupe, les objectifs vont être très personnalisés et individuels. Et dans les cursus qu’on va avoir il va y avoir les quatre semaines mais aussi une suite en post-cure et reprise de la vie extérieure. Les prises en charge sont vraiment très différentes. »

Étudiante : « Selon vous, y-a-t-il des outils de soins indispensables à la prise en charge en addictologie ? »

Infirmière : « Oui, le génosociogramme est vraiment indispensable. L’alcool est un symptôme, c’est la maladie alcoolique et le symptôme c’est la consommation d’alcool mais la consommation de l’alcool n’est pas une maladie en soi. Ça devient une maladie quand cela devient une dépendance. L’alcool est un symptôme, c’est un appel au secours, « je m’alcoolise parce que je ne sais pas quoi faire d’autre, parce que je suis mal. Mon rapport au monde c’est ma consommation d’alcool, tout passe par là. Je ne sais pas dire à ma famille que je vais mal, que j’ai des problèmes. Je dis que je bois parce que j’ai envie ». Ils n’arrivent même plus à voir leurs angoisses, leur problématique donc en effet ce génosociogramme va nous aider à permettre de peut-être regarder la consommation d’alcool comme un pansement, comme quelque chose qui va adoucir la souffrance. Donc il va falloir au travers du symptôme « alcool », toucher leur souffrance pour qu’ils puissent accepter de regarder leur histoire de vie, leur problématique et que si on ne soigne pas la cause ils ne pourront pas arrêter l’alcool.

Il y a aussi de permettre aux gens de renouer avec le plaisir. Les activités ont plusieurs objectifs et entre autres de reprendre goût au faire, au produire, et à prendre plaisir à faire l’activité et être content du résultat (par exemple, fabriquer un objet pour eux-mêmes ou pour un proche en atelier manuel). Pour redorer leur image, leur estime d’eux-mêmes, de représenter cette chose comme quelque chose de nouveau. Pour qu’à l’extérieur ils puissent continuer à faire ces choses (cuisine, sport, activités d’avant) et que ça leur fasse plaisir. Les activités sont effectivement indispensables pour leur permettre de réfléchir mais aussi de les resocialiser dans le aujourd’hui et leur permettre de redevenir narcissique aussi, qu’ils soient contents d’eux. Même prendre plaisir à l’atelier cuisine, se refaire à manger, faire à manger aux autres, donner, offrir, recevoir. La sophrologie pour diminuer les angoisses et savoir les gérer. La piscine, etc… Ces activités là nous servent pour qu’ils puissent dans un autre temps les utiliser et en profiter.

Il y a aussi le travail fait avec le psychothérapeute du service, qui est bien sûr indispensable.

Je ne pense pas qu’il y ait d’outils plus importants les uns que les autres, ils sont tous interdépendants, si on ne fait que réfléchir dans sa tête et qu’on ne sait rien faire de ses mains on va vite s’embêter aussi donc tout est interdépendant et tout est nécessaire pour aller mieux dans un second temps. Et puis chacun va prendre ce qu’il va estimer utile pour lui, qui va davantage lui parler. En tout cas l’attention à la personne est indispensable. L’intérêt que l’on suscite et le suivi sont aussi indispensables. C’est les remettre dans une dynamique, ça c’est important car ils sont comme enfermés dans leur bouteille. »

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Étudiante : « Pour vous, que représente le contrat de soins dans la prise en charge de la personne en addictologie ? »

Infirmière : « C’est un engagement que la personne va prendre envers nous et envers elle-même, puisqu’elle signe. Sachant qu’en face, c’est-à-dire nous-même, on prend cet engagement aussi de l’accompagner dans les soins que le service propose. On s’engage à l’accompagner, pas à faire à sa place. On s’engage à être, à accompagner pour que lui puisse exprimer et mettre en œuvre les soins. Il ne sait pas comment faire et nous peut-être qu’on sait comment faire. Entre celui qui sait peut-être comment faire, on va pouvoir proposer à l’autre, et l’autre qui est la personne qui vient nous demander « comment je dois faire ? ». On se met d’accord sur ce contrat pour dire « ensemble on va essayer de trouver quelque chose qui vous convienne à vous, donc on s’engage à… et vous, vous vous engagez à… aussi ». Et bien souvent les gens nous rendent le contrat signé après leur premier week-end de cure mais ils ne sont toujours pas dedans ou ne nous rendent pas le contrat tout de suite, ils vont essayer de reculer ce contrat le plus loin. Et on voit qu’effectivement, ils ne sont pas dedans, qu’ils essayent de contourner, de biaiser. Ça fixe le cadre des choses et quand ils tardent ou qu’on remarque qu’on ne l’a pas, qu’on n’a pas été vigilant à le récupérer. Ce contrat c’est la mise en œuvre d’une part et d’autre de normes et de règles qui vont aider à délimiter un terrain sur lequel on va travailler ensemble puisque l’addiction en soi c’est un dépassement des limites. On va essayer de re-baliser ce terrain là pour que la personne se sente en sécurité dans ce terrain là. Le contrat de soins c’est ça, c’est leur permettre d’avoir un endroit où ils sentent en sécurité pour exposer leur problématique, leur histoire et où ils se sentent entendu et donc pouvoir reprendre quelque chose de cela et qu’ils l’emmèneront avec eux. Ce contrat est vraiment extrêmement important et dès qu’ils essayent de le biaiser, en rentrant plus tard ou en s’alcoolisant, le contrat est alors revu.

Je vais prendre l’exemple d’un ancien patient, Monsieur X. Ce monsieur là était patron d’une entreprise, il était divorcé et son ex-femme vivait dans le sud avec ses enfants. Il venait ici par le biais du Centre d’Hébergement et de Réinsertion Sociale (CHRS). Il nous faisait confiance qu’à moitié, il a mis du temps à rendre son contrat. Il a biaisé son contrat en s’alcoolisant le premier week-end. On l’a soupçonné et il nous l’a dit. On a travaillé ça avec lui. Le deuxième ou le troisième week-end, il est venu me dire qu’il avait bu une bière le vendredi soir. je lui rappelle que ça fait la seconde fois et il me répond qu’il ne faut pas abuser, que c’était juste une bière. Je lui ai dit clairement « c’est clair, le contrat ici c’est d’essayer pendant quatre semaines de ne pas consomme d’alcool, si déjà tous les week-ends où vous rentrez chez vous vous consommez une ou deux boissons pour voir ce qu’on va faire, on va arrêter le contrat ». Il a vraiment trouvé ça très injuste. A ce moment-là, passe à côté de lui un autre patient, en très grande précarité, qui a une polynévrite des membres inférieurs, qui commence un Korsakoff et pleins d’autres pathologies. Monsieur X le voit aussi que cet autre patient est en très grande précarité. Lui il est en très bonne santé pour l’instant. Dans son histoire de vie à ce monsieur là, on apprend qu’il a perdu son frère d’overdose. Et là je lui demande « qu’est-ce que vous me demandez Monsieur X ? Vous me demandez de vous laisser consommer tranquillement pendant les week-ends un ou deux verres et de faire comme si de rien n’était ? Le monsieur que vous venez de croiser là dans le couloir, vous voulez que je vous laisse consommer comme vous faites pour en arriver au stade de précarité de ce monsieur, ou comme votre frère qui est déjà mort ? Je vous laisse comme ça allez jusqu’à ce moment-là ? On ne sera pas complice de fermer les yeux sur quelque chose. » Il me soutient que cela ne s’est pas passé dans le service, et je lui répond « Vous consommez, vous voudriez que je n’entende pas alors que ça fait déjà longtemps que l’on entend pas des choses pour vous ». Il s’est alors fâché, il n’a pas compris. On a donc fait une rupture de cure avec lui. Il n’était pas content mais je lui ai expliqué vraiment clairement « Je suis soignante, je vous accompagnerai dans des démarches qui vont vers le soin, je ne vous accompagnerai pas dans vos consommations car on a signé ensemble ce contrat d’abstinence pendant quatre semaines, après je ne serai pas là pour voir, ça marchera pour vous ou ça ne marchera pas ». Il s’est alors débrouillé comme il a pu pour pouvoir se

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loger, etc… Entre temps, on a eu la réponse d’une demande de post-cure faite pour lui dans le sud de la France, pour se rapprocher de ses enfants. Et pendant ce temps-là, ce Monsieur X a maturé les choses, il est retourné au CHRS, et le CHRS a bien voulu. Il a travaillé sur lui et m’a dit plus tard « Je crois que j’ai compris ce que vous disiez ».

A ce moment-là je pense que le contrat a été beaucoup plus efficace que si l’équipe avait fermé les yeux parce qu’effectivement je crois que c’est à ce moment-là qu’il a compris la valeur du contrat que l’on posait, qu’il ne pouvait pas faire n’importe quoi, qu’il devait être clair avec les règles qu’on lui demandait. Donc le contrat est porteur à ce moment-là. Il l’est à tout moment mais particulièrement quand les gens sont vraiment très débordants comme ça. Je crois qu’il ne faut pas hésiter non plus à arrêter la cure de quelqu’un même si c’est une lourde décision à prendre. C’est beaucoup plus efficient pour eux qu’on le fasse même s‘ils sont dans la difficulté après. Mais j’ai mis longtemps à comprendre ça malgré tout. Il faut être très rigoureux sur ce contrat, il faut pouvoir expliquer les choses, parler les choses, ce n’est pas de laisser là sans explications. Tout est à l’avenant dans ce programme là. »

Étudiante : « D’après vos expériences, comment se passe l’acceptation du patient au contrat ? »

Infirmière : « L’acceptation au contrat est fluctuante. Il y a des gens qui vont coller au contrat, qui vont être d’accord et il y a des gens qui vont mettre le temps à comprendre, qui ne vont pas voir pourquoi c’est important à ce moment là. C’est alors à nous de lui présenter mais aussi d’être rigoureux et de dire qu’on ne peut pas fermer les yeux sur des actes qu’ils posent car c’est outrepasser la loi mais aussi attenter à sa propre survie. Tous ces passages à l’acte on doit en tenir compte, c’est une façon de nous dire qu’ils ne comprennent pas. Ils ne sont donc pas serein ni tranquilles quand ils font ça. C’est de l’angoisse ou des choses comme ça qu’ils nous montrent mais qu’ils ne nous disent pas. Donc à nous de pouvoir leur emmener ça aussi. C’est du pas à pas, du situation à situation, c’est du doucement même si notre temps de cure est trop court. Nous ne sommes pas un but en soi, nous somme un passage, une étape. Les choses s’éclaireront après. Elle se fait petit à petit cette acceptation du patient au contrat et elle se fait souvent dans le rapport des limites et c’est parce qu’ils comprennent que la limite est là et qu’ils ne peuvent pas aller outre. Quelqu’un qui est dans la confrontation des limites va au final certainement plus travailler que quelqu’un qui reste dans une glissée, tranquille et qui ne rencontre aucun rempart. C’est qu’alors on n’a pas su aller le chercher et il n’a pas su nous dire quelle problématique il avait. Enfin, la rencontre ne s’est pas faite. Je préfère que les choses s’accrochent un peu et à nous de travailler ces endroits qui accrochent, au moins on sait qu’il y a quelque chose. Si rien n’accroche on ne pourra pas. Il faut que les gens nous posent problème un tant soit peu pour pouvoir avancer car si tout va bien c’est qu’on n’a rien faire. C’est donc un accompagnement au quotidien du patient, suivant ce qu’il nous donne, selon ce qu’ils éprouvent, leurs émotions etc… Donc il faut allez au contact, aller les voir, parler avec eux, faire des choses avec eux, être avec eux dans les gestes de la vie courante, dans les banalités du quotidien (mettre la table, faire la vaisselle…). C’est à ces moments là qu’on peut attraper des petites choses, en dehors d’un contexte de soin pur. Car il y a ce qu’ils nous disent dans les groupes, les activités. Puis ce qu’ils nous disent dans le reste et c’est souvent là que c’est le plus important. »

Étudiante : « L’existence d’un contrat de soin influence-t-elle la relation soignant-soigné ? »

Infirmière : « Le contrat articule complètement la relation soignant-soigné. S’il n’y avait pas le contrat de soins, on ne pourrait rien faire avec eux. C’est parce qu’il y a un contrat de soins et que l’on s’y engage tous les deux, c’est-à-dire l’autre et le service, qu’on peut

XII Anne-Laure LE COZ-JOURDEN - Travail de fin d’études - IFSI Saint-Brieuc – Promotion 2011-2014

faire quelque chose. Sans ce contrat de soins là ça ne marcherait pas. Il n’y aurait que du « soignez-moi », « vous savez ce qu’il y a faire ». Nous, soignant, ce n’est pas nous qui allons faire, on va proposer des hypothèses, des possibilités mais c’est eux qui vont prendre ou ne pas prendre. Celui qui ne veut pas prendre, ne prendra pas. Le contrat de soins est vraiment la pierre angulaire de ce service et d’un soin en alcoologie. C’est parce qu’on a cette pierre angulaire qu’on va pouvoir travailler. Néanmoins, on peut parler de cadre mou c’est-à-dire garder le cadre selon la personne. Il faut avancer avec eux, à leur rythme. Mais ne jamais perdre de vue que ce contrat est la base, la pierre angulaire du travail que l’on a à faire ici. »

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Annexe n°7

Entretien exploratoire avec l’infirmière B :

Étudiante : « Pouvez-vous vous présenter ? »

Infirmière : « Je suis infirmière depuis 1980, mais de secteur psychiatrique. J’ai donc travaillé uniquement en santé mentale. Dans mes expériences qui n'ont rien à voir avec l’addictologie, j’ai travaillé suite à mon diplôme dans des services déficitaires aigus (avec des patients psychotiques ou schizophrènes). Ensuite j’ai fait plusieurs années en géronto-psychiatrie, en service d’accueil, j’ai fait en CMPS, Centre médico-psychologique. Je suis arrivée dans cette ville pour l’ouverture du centre de traumatisés crâniens en 1999. J’y suis restée trois ans et en 2005 j’ai postulé pour ici puisqu’ils demandaient une infirmière. Dans ces années-là j'ai préparé un diplôme universitaire d’addictologie. »

Étudiante : « Qu’est-ce qui caractérise votre travail au quotidien ? Quelles situations êtes-vous amenées à rencontrer ? »

Infirmière : « C’est avant tout un travail relationnel. Donc au départ le centre était plus orienté sur l’alcool mais maintenant ce peut être toutes les addictions confondues. Mais le plus important reste l'alcool. Mais on a aussi avec les associations de cannabis ou d’anciens toxicomanes qui sont souvent aux substituts (la méthadone, par exemple). Ce sont des jeunes surtout, les fumeurs de cannabis. En sachant que quand ils rentrent ils sont contrôlés à l’éthylotest par rapport à l’alcool, qu’ils viennent de chez eux ou qu’ils viennent d’un centre de cure, et ils sont contrôlés aussi au THC urinaire pour le cannabis. S'ils sont positifs à l’entrée, ça peut être juste des fumeurs du week-end, ça arrive, mais à partir du moment où ils sont positifs on les contrôle plus souvent, à la demande du médecin responsable.

Autrement, dans le travail d’infirmier, on a bien évidemment le travail technique, tels que les bilans sanguins ou les petits bobos, mais c’est surtout le relationnel. On fait des entretiens individuels. On est chacun, les quatre infirmiers de jour, référents de six à huit patients. On les reçoit dans la semaine où ils sont arrivés, suivant nos disponibilités, en entretien individuel. On leur demande un petit peu leur histoire, leur parcours, et puis on leur demande leurs attentes et leurs projets s’ils en ont déjà d’envisagés. Et donc à chaque fois, au bout de trois semaines, on fait une synthèse en équipe, avec le médecin addictologue, l’assistante sociale, le psychologue et l’infirmier référent ainsi que l’animateur. Donc chacun a vu avant le patient pour faire un petit peu le point et on fait le projet personnalisé par rapport à ce qu'on a vu tous ensemble. Donc ensuite on l’écrit et l’infirmier référent, les jours qui suivent, en fait part au patient. En général, c’est souvent dans la continuation de poursuivre l’abstinence. Et l’infirmier continue à l’encourager et à l’aider dans ses projets sur ces trois mois, soit quatre-vingt-dix jours. Ce n’est pas une obligation, ils peuvent pendant leur séjour demander à écourter même s’ils ont signé un contrat de soins, c’est vu avec le médecin. Et ils peuvent aussi demander une augmentation de la cure, pour une nouvelle fois quatre-vingt-dix jours. »

Étudiante : « Combien accueillez-vous de patients au total ? »

XIV Anne-Laure LE COZ-JOURDEN - Travail de fin d’études - IFSI Saint-Brieuc – Promotion 2011-2014

Infirmière : « Nous avons quarante lits. En ce moment il y a trente-deux patients. Il y a donc trente-neuf chambres individuelles et une chambre double. La structure est mixte »

Étudiante : « Selon vous, y-a-t-il des outils de soins indispensables à la prise en charge en addictologie ? »

Infirmière : « Il y a le projet personnalisé de soins. Quand les patients arrivent, les différents professionnels qui interviennent, ils font partie des outils. La secrétaire qui les accueille pour les papiers administratifs aussi. L’infirmier présent pour la présentation de la chambre et l’accueil. Avec la présentation du règlement intérieur. Cela fait partie d’une entrée. Ils ont déjà leur rendez-vous avec le médecin. Ils ont une assistante sociale et une psychologue référentes aussi. Donc pour un groupe de six ou sept patients, il y aura un infirmier, une assistante sociale et un psychologue référents.

Au niveau infirmier, dans ce groupe fermé là, ils ont des activités obligatoires. A part les entretiens individuels, qu’ils ont à plusieurs reprises sur les quatre-vingt-dix jours, l’infirmier fait des activités de relaxation et anime les groupes de parole. Et donc en plus de notre groupe référent, nous avons à la journée l’ensemble des patients à prendre en charge, seul. On est avant tout une équipe pluridisciplinaire.

Au niveau infirmier c’est tout. Sinon il y a un protocole d’accueil avec le directeur pour toute entrée. Ça se fait en fin de semaine, ou si le directeur n’est pas là par un infirmier. On leur parle du règlement intérieur et il y aura eu déjà un petit résumé à l'arrivée de l’organisation de l’établissement (heures des repas, etc...). En général je leur dit de lire ça tranquillement et que ce sera vu avec le directeur. Donc le médecin responsable signe ainsi que le directeur et le patient qui s’engage à suivre le règlement intérieur. Sinon le projet personnalisé que je disais, par la préparation de la synthèse. Chaque intervenant médical et paramédical, on fait un résumé. Donc sur ce projet personnalisé on trouve les attentes du patient à son entrée, et son projet de soins.

Autrement, comme tout centre médical, on doit poser la question pour la douleur et puis l’IMC (ndlr : indice de masse corporelle). C’est ce qu'on nous demande à nous infirmier. Et des bilans sanguins, à la prescription du médecin généraliste. En général au bout d’un mois et quinze jours avant la sortie. Mais ils peuvent être demandés qu’une seule fois si le patient est déjà venu. Le médecin généraliste remplit également une feuille concernant les éventuelles contre-indications aux activités. Puis comme dans tout établissement de santé, il y a la désignation de la personne de confiance et la recherche des directives anticipées. Et bien sûr le contrat d’engagement aux soins. En général, les entrées se font le mardi, avec un entretien par le médecin généraliste ou le médecin responsable du centre. Donc le premier des deux à rencontrer le patient lui fait signer ce contrat. »

Étudiante : « Donc nous en venons à ma dernière question, pour vous, que représente le contrat de soins dans la prise en charge de la personne en addictologie ? »

Infirmière : « Ici les patients sont d’accord pour ce contrat au départ. Certains s’engagent vraiment mais au cours du séjour cet engagement peut être rompu avec un retour de consommations. Normalement, c’est ça, c’est l'absence de consommations, que ce soit médicamenteuse en dehors des traitements ou l’alcool. Concernant le contrat, nous on est plus au niveau du respect de l’abstinence, des règles du fonctionnement et du respect des uns des autres puisque c’est une collectivité. Donc nous on est là. Donc on gère aussi ça. Ils ont des réunions tous les lundis avec des associations et on fait en sorte qu’ils soient présents. En général, ils savent ça d'avance avec le directeur et c’est rare qu’ils ne le respectent pas. Donc nous on essaie de faire respecter ça. »

Anne-Laure LE COZ-JOURDEN - Travail de fin d’études - IFSI Saint-Brieuc – Promotion 2011-2014 XV

Étudiante : « D’après vos expériences, comment se passe l’acceptation du patient au contrat ? »

Infirmière : « L’acceptation se fait tout le temps. Parce qu'il faut savoir qu'avant tout la demande vient d’eux sauf s’ils n'ont pas le choix et que ça vient de la justice. Donc un patient déjà contrôlé au niveau de la justice va forcément signer ce contrat. Mais ça reste un choix puisque nous sommes ici en post-cure. Ça se base sur les motivations du patient à poursuivre son travail. Jamais personne n’a refusé. Par contre le contrat peut être rompu en cas de consommation. Mais des fois la personne elle-même peut rompre son contrat d’engagement aux soins. Il voit le médecin ou si ça se passe un week-end ou un soir, on leur fait signer une décharge. Car on ne peut pas empêcher quelqu'un de partir sauf s’ils sont positifs à l’alcool car dans ce cas je serai responsable si je le laissais sortir alcoolisé. Car il peut être dangereux pour lui-même et pour les autres. On se protège avant tout. S’il y a tout problème somatique, on appelle le 15. Ça reste le patient avant tout, c’est la priorité. »

XVI Anne-Laure LE COZ-JOURDEN - Travail de fin d’études - IFSI Saint-Brieuc – Promotion 2011-2014

Annexe n°8

Exemple d'un génosociogramme :

Anne-Laure LE COZ-JOURDEN - Travail de fin d’études - IFSI Saint-Brieuc – Promotion 2011-2014 XVII

LE COZ-JOURDEN Anne-Laure JUIN 2014

Diplôme d’État infirmier

Promotion 2011-2014

Le contrat de soins en addictologie

PARTENARIAT UNIVERSITAIRE : Rennes 1

Résumé :Dans notre pays, l’alcoolisme demeure l’un des principaux problèmes de santé publique. Prendre en charge cette pathologie nécessite des professionnels de santé formés ainsi que des structures offrant un programme de soins adapté aux besoins spécifiques de la population accueillie.

A partir d’une situation vécue lors de ma dernière année de formation, je me suis demandée en quoi le contrat de soins établi entre le patient et les soignants était un élément primordial de la prise en charge en unité d’addictologie.

Des recherches sur le sujet, confrontées à deux entretiens auprès de professionnels, ont montré que cette prise en charge allait plus loin et ne s’appuyait pas uniquement sur le respect et l’adhésion à ce contrat thérapeutique.

Afin d’en savoir davantage sur ce sujet, je vous invite à lire ce travail.

Abstract :Given the complexity of human behavior, treating alcoholism requires appropriate care such as to establish a therapeutic contract. This practice is widely used in alcohol rehab centers and helps some people who are dependent on alcohol find the strength to change their lifestyle. Indeed, a contract is a concrete thing, can be handled, which probably gives to the patient more credibility than spoken words. Besides, with their name attached to an official document, the recovering alcoholic have greater incentive to stick to their voluntary commitment.

In order to know why this therapeutic contract was so important for the patient management in rehab, I focused my research on this topic and I met two nurses.

Afterwards, I saw that establishing a therapeutic contract was not the only panacea for alcohol rehab. However, it’s an efficient tool in encouraging patient to continue rehabilitation.

To find out more about this subject, I invite you to read this essay.

Mots clés :Contrat – Soins – Addictologie – Alcool – Prise en charge du patient

Contract – Care – Alcohol rehab centers – Patient management

INSTITUT DE FORMATION EN SOINS INFIRMIERS

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