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TRAVAUX DIRIGÉS DE CONTROLE ET CONTENTIEUX FISCAUX MASTER 1 ère ANNEE AIX EN PROVENCE Cours de M. le professeur Christian LOUIT Chargé de travaux dirigés : M. Xavier VALLI Année universitaire 2010-2011

TRAVAUX DIRIGÉS DE CONTROLE ET CONTENTIEUX FISCAUX

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TRAVAUX DIRIGÉS DE

CONTROLE ET CONTENTIEUX FISCAUX

MASTER 1ère ANNEE AIX EN PROVENCE

Cours de M. le professeur Christian LOUIT

Chargé de travaux dirigés : M. Xavier VALLI

Année universitaire 2010-2011

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BIBLIOGRAPHIE DE BASE

Ouvrages et manuels de droit fiscal. BELTRAME (P.), La fiscalité en France 2010-2011, Paris, Hachette supérieur, Les fondamentaux, 16ème

éd., 2010.

BIENVENU (J.-J.), LAMBERT (T.), Droit fiscal, Paris, PUF, Collection Droit fondamental, 4ème éd., 2010.

COLLET (M.), Droit fiscal, Paris, PUF, Coll. Thémis droit, 2ème éd., 2009.

CASIMIR (J.-P.), Contrôle fiscal : contentieux – recouvrement, Paris, Groupe Revue Fiduciaire, Coll. Les codes RF, 11ème éd., 2010.

DAVID (C.), FOUQUET (O.), PLAGNET (B.), RACINE (P.-F.), Les grands arrêts de la jurisprudence fiscale, Paris, Dalloz, Coll. Grands arrêts, 5ème éd., 2009.

GROSCLAUDE (J.), MARCHESSOU (P.), Procédures fiscales, Paris, Dalloz, coll. Cours Dalloz-Série Droit public, 7ème édition, 2009.

LAMARQUE (J.), AYRAULT (L.), NEGRIN (O.), Droit fiscal général, Paris, Litec, Coll. Manuel, 2009.

LAMARQUE (J.), ZAQUIN (G.), Code général des impôts et Code de procédure fiscale commenté, Paris, Dalloz, 2010.

Codes (Consulter la dernière édition). Code général des impôts

Livre de procédure fiscale

Ouvrages et documentation professionnels. Mémento Fiscal, éd. Francis Lefebvre, mise à jour annuelle.

Documentation pratique fiscale, mise à jour régulière.

LAMY fiscal, éd. Wolters Kluwer France, mise à jour annuelle.

Gestion fiscale, Éditions législatives, mise à jour régulière.

J-Cl. Fiscal Chiffre d’affaire, éd. Lexisnexis, mise à jour régulière.

J-Cl. Fiscal Impôts directs, éd. Lexisnexis, mise à jour régulière.

Bases de données numériques (sur abonnement) NAVIS fiscal, éd. Francis Lefebvre

Lexisnexis Jurisclasseur, éd. Lexisnexis.

Lamyline Reflex, éd. Wolters Kluwer France.

Gestion fiscale, Éditions législatives (CD ROM disponible).

Revues Droit fiscal, éd. Lexisnexis : hebdomadaire

Feuillets rapides fiscal, éd. Francis Lefebvre : hebdomadaire

Les nouvelles fiscales, éd. Wolters Kluwer France : bimensuel

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Revue de jurisprudence fiscale, éd. Francis Lefebvre : mensuel

Bulletin fiscal, éd. Francis Lefebvre : mensuel

Bulletin des conclusions fiscales, éd. Francis Lefebvre, mensuel

Sites internet. www.2isf.org

(site de l’Institut international de sciences fiscales du Pr. T. LAMBERT)

www.blog-financespubliques.org (site sur l’actualité des finances publiques et du droit fiscal)

www.conseil-constitutionnel.fr (site du Conseil constitutionnel)

www.ceff.univ-cezanne.fr (site du Centre d’études fiscales et financières)

www.impots.gouv.fr (site de la documentation administrative fiscale)

www.legifrance.gouv.fr (site mettant à disposition l’ensemble des textes législatifs, règlementaire et l’ensemble jurisprudence des juridictions françaises)

www.sffp.asso.fr (site de la Société française de finances publiques))

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PROGRAMME DES TRAVAUX DIRIGÉS et SOMMAIRE DE LA PLAQUETTE

BIBLIOGRAPHIE DE BASE ......................................................................................................... 3  

PROGRAMME DES TRAVAUX DIRIGÉS et SOMMAIRE DE LA PLAQUETTE................... 5  

SÉANCE 1 : Les relations entre l’administration fiscale et les contribuables ............................................................................................ 7  

SÉANCE 2 et 3 : Les procédures de contrôle ............................................................ 23  

SÉANCE 4 : Les procédures de rectifications et les garanties du contribuable.............................................................................................. 31  

SÉANCE 5 : Le contentieux fiscal I................................................................................ 49  

SÉANCE 6 : Interrogation écrite ..................................................................................... 57  

SÉANCE 7 : Le contentieux fiscal II .............................................................................. 59  

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SÉANCE 1 : Les relations entre l’administration fiscale

et les contribuables

I. Bibliographie

CTORZA (C.), MEURANT (J.), « Une charte du contribuable : pour quoi faire ? », Les nouvelles fiscales,

1er janvier 2006, n°949, p.21 ;

NOËL (G.), « La charte du contribuable ou l’administration fiscale de service : véritable "révolution" ou simple "miroir aux alouettes" ? », DF, 2006, n°47, p.1805.

MINISTERE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLIQUES ET DE LA FONCTION PUBLIQUE, Site internet du Ministère.

II. Documents

Documents :

o CONSEIL DES IMPÔTS, Les relations entre les contribuables et l’administration fiscale : XX° rapport au Président de la République, Paris, La Documentation française, 2002, 293 p. (synthèse) ;

o MINISTERE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLIQUES ET DE LA FONCTION PUBLIQUE, Charte du contribuable, septembre 2005 ;

o MINISTERE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLIQUES ET DE LA FONCTION PUBLIQUE, Organigramme de la DGFIP, 2010.

o BARILARI (A.), Le consentement à l’impôt, Paris, Presses de Sciences Po, 2000 (extraits) ;

o BERT (T.) et CHAMPSAUR (P.), Mission 2003, Rapport sur la réforme du Ministère des finances (extraits) ;

o DECRET n°2008-310 du 3 avril 2008 relatif à la direction générale des finances publiques ;

o FOUQUET (O.), Améliorer la sécurité juridique des relations entre l’administration fiscale et les contribuables : une nouvelle approche, Rapport au Ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique, juin 2008 (introduction) ;

o OLIEL (H.), « Le médiateur fiscal, nouvel acteur de la procédure fiscale », Les nouvelles fiscales, 1er mai 2003, n°891, p.4.

III. Exercices

1. Etudiez les documents contenus dans la plaquette en prenant soin de faire ressortir les principales

difficultés qui ressortent des relations entre l’Administration fiscale et les contribuables ainsi que les solutions proposées.

2. Décrivez, en vous servant notamment des documents contenus dans la plaquette, en quoi consiste la réforme de l’Administration fiscale engagée ces dernières années.

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Synthèse du XX° rapport du Conseil des impôts, Les relations entre les contribuables et

l’administration fiscale, 2002

CHAPITRE I Les relations entre les contribuables et l’administration fiscale : état des lieux

Le Conseil des impôts a analysé les attentes des contribuables, tant particuliers qu’entreprises, face à l’administration fiscale. Il a utilisé les résultats des enquêtes déjà existantes et fait réaliser un sondage pour son propre compte auprès d’un échantillon composé des seuls contribuables payant l’impôt sur le revenu.

1- Les contacts des contribuables avec l’administration sont nombreux et généralement appréciés

Les enquêtes existantes montrent une forte demande de relations, puisque deux contribuables particuliers sur cinq ont chaque année au moins un contact avec l’administration. Les contribuables privilégient les déplacements dans les services pour effectuer leurs démarches qui ont généralement pour objet de retirer des imprimés de déclarations et de demander la rectification d’erreurs.

Les particuliers se disent satisfaits de ces contacts. Toutefois, ils regrettent que l’administration soit difficile à joindre, que les dossiers ne soient pas traités rapidement, par la même personne, et que les situations personnelles ne soient pas suffisamment prises en compte.

Les entreprises ont encore plus de contacts avec l’administration qu’avec les particuliers. Leurs responsables doivent souvent se déplacer dans les services alors qu’ils préféreraient régler leurs problèmes en une seule fois, avec la même sécurité, et par téléphone. Ils se disent dans l’ensemble satisfaits des conditions et résultats des contacts.

Au total, les enquêtes indiquent que le jugement général porté par les usagers de l’administration demeure largement favorable mais que certaines attentes restent encore insatisfaites. Ainsi, le recours très fréquent aux déplacements, commun aux particuliers et aux entreprises, a pour double origine le manque de confiance des usagers dans les autres modes de relations et la complexité des formes d’organisation de l’administration. Ceci aboutit à des pertes de temps et d’efficacité, tant pour les contribuables que pour l’administration.

2- Le sondage réalisé pour le Conseil des impôts, effectué auprès des seuls contribuables payant l’impôt sur le revenu, montre un intérêt plus vif pour les améliorations concrètes que pour les grandes réformes

Le sondage réalisé pour le Conseil des impôts auprès des contribuables payant l’impôt sur le revenu confirme que les contacts à distance pourraient avantageusement se substituer aux déplacements et montre l’existence d’une forte demande de simplification des formulaires et du langage administratif. Il indique aussi que les demandes de rectification des erreurs commises par l’administration constituent une source très importante de contacts. Ces erreurs sont loin d’être exceptionnelles. Elles concernent principalement l’appréciation de la situation familiale et la localisation des contribuables.

Par ailleurs, le sondage du Conseil des impôts indique qu’un contribuable sur quatre se fait assister pour remplir sa déclaration de revenus et que le temps qu’il y consacre est, pour la plus grande partie des contribuables, inférieur à deux heures. Ceci peut expliquer que l’adhésion au projet de déclaration préremplie reste mesurée (58 % des contribuables s’y déclarant favorables et 25 % hostiles). Le sondage montre par ailleurs que les contribuables qui acquittent leur impôt par tiers provisionnels demeurent attachés à ce système, généralement par habitude.

L’enquête met également en évidence le faible intérêt que portent les contribuables aux réformes de fond qui auraient pour effet de modifier substantiellement les procédures administratives en vigueur. Ainsi, seuls deux tiers des personnes imposables sur le revenu ont entendu parler du

système de la retenue à la source ; plus de la moitié ne savent pas qu’il permettrait d’établir l’impôt sur les revenus de l’année en cours. Aussi l’instauration de la retenue à la source n’est - elle souhaitée que par 42 % des contribuables concernés.

En définitive, l’intérêt des grandes réformes (prélèvement à la source, déclaration préremplie) n’apparaît pas nettement aux contribuables qui n’expriment qu’une adhésion modérée à ces projets. A l’inverse, la demande d’améliorations concrètes dans les relations avec l’administration (simplification du langage et des procédures, réduction du nombre d’erreurs, interlocuteur unique…) se révèle beaucoup plus forte.

3- Le Conseil des impôts propose la suppression du décalage existant entre l’année de perception des revenus et celle de leur imposition

Sans ignorer les difficultés d’un passage au système de la retenue à la source - qui est le mode de recouvrement de l’impôt sur le revenu dans la plupart des pays comparables à la France - le Conseil des impôts réaffirme qu’une telle mesure constituerait une simplification importante tant pour les contribuables que pour l’administration. Pour l’heure, il préconise la suppression du décalage d’un an qui existe entre la perception du revenu et son imposition. Ceci mettrait fin aux situations difficiles dans lesquelles se trouvent les contribuables dont les revenus diminuent. Par ailleurs, sans impliquer l’instauration de la retenue à la source, la suppression du décalage d’un an entre l’imposition et la perception des revenus constituerait une étape importante vers ce système.

CHAPITRE II La qualité de la norme fiscale

Les contribuables ont besoin de comprendre la loi fiscale pour en faire une bonne application en toute sécurité juridique. Or, la norme fiscale n’est pas toujours intelligible.

1. Les conditions d’élaboration de la norme fiscale sont peu propices à l’amélioration de sa qualité

Les exigences constitutionnelles « d’accessibilité et d’intelligibilité » de la loi sont difficilement compatibles avec la brièveté des délais imposés au législateur pour examiner les projets de lois et présenter des amendements. En effet, ces délais ne permettent pas une évaluation suffisante par le Parlement des nouvelles dispositions. Cette précipitation peut se révéler d’autant plus préjudiciable à la qualité de la norme fiscale que l’activité de lobbying exercée autour des parlementaires suscite parfois le dépôt tardif d’articles additionnels dont les difficultés de compréhension et d’application n’apparaîtront qu’ultérieurement.

L’introduction du droit communautaire dans le domaine fiscal n’a pas contribué à améliorer la qualité de la norme. Le droit communautaire a pris une place croissante dans la législation applicable et recouvre déjà toute la TVA. Il comporte des imperfections qui lui sont propres. Les textes communautaires sont souvent des textes de compromis dont l’intelligibilité est limitée en raison de leur longueur excessive et de la pratique des modifications ponctuelles et des renvois, d’autant plus gênante qu’il n’existe pas de codification communautaire.

Les contribuables sont insuffisamment associés à la réflexion sur la norme fiscale pour pouvoir contribuer à l’amélioration de sa qualité. La consultation des entreprises, à travers leurs organisations professionnelles, est fréquente pour la préparation des textes sectoriels et pour l’élaboration des instructions administratives d’application de la loi, mais elle n’est ni formalisée ni systématique. La consultation des particuliers est rare, faute d’organismes représentatifs. C’est pourquoi il apparaît souhaitable que la consultation des contribuables soit véritablement organisée. Ceci permettrait d’éviter que des problèmes

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d’application apparaissent tardivement, après le vote de la loi ou la publication de l’instruction et qu’ils ne puissent être traités que par le contentieux.

2. La codification actuelle du droit fiscal ne garantit plus l’intelligibilité et l’accessibilité à la norme

Contrairement à ce que son intitulé pourrait laisser croire, le code général des impôts ne comprend pas la totalité des impositions.

Sa refonte n’a pas été envisagée dans le cadre des nouvelles procédures de codification. Pourtant, il est devenu largement inintelligible : le vocabulaire est parfois désuet et la rédaction souvent obscure. Par ailleurs, certains articles sont trop longs et ont perdu de leur cohérence. Enfin, la lecture directe de la loi applicable n’est plus possible en raison de l’usage systématique d’innombrables renvois.

3. Le degré de sécurité juridique en matière fiscale est encore perfectible

La revendication la plus courante en matière de sécurité fiscale concerne le besoin de stabilité de la norme. Même si la fiscalité doit pouvoir s’adapter aux évolutions économiques et sociales, l’exigence de sécurité fiscale est légitime. Elle s’exprime de manière particulièrement vive lorsqu’il s’agit de critiquer la rétroactivité de la loi fiscale, encore trop fréquente.

En effet, le principe de non rétroactivité n’est pas absolu en droit fiscal et connaît deux exceptions :

- la « petite rétroactivité » qui désigne l’application de droit des dispositions des lois de finances votées en fin d’année aux revenus perçus et aux résultats réalisés au cours de cette même année en matière d’impôt sur le revenu et d’impôt sur les sociétés ;

- les lois de validation.

Alors que la première forme de rétroactivité est surtout critiquée lorsqu’elle est défavorable aux contribuables, la seconde est moins bien comprise encore. Il convient toutefois de souligner que l’utilisation des lois de validation a été strictement encadrée par le Conseil constitutionnel. Celles-ci doivent respecter les décisions de justice passées en force de chose jugée et n’intervenir que dans un but d’intérêt général.

Le foisonnement de la doctrine administrative est un autre obstacle à la sécurité juridique des contribuables. En effet, on compte aujourd’hui plusieurs dizaines de milliers de pages de commentaires administratifs de la loi fiscale. En raison de leur exhaustivité, ces textes interviennent parfois de façon tardive et certains de leurs développements ne concernent qu’une infime minorité de contribuables.

Par ailleurs, la doctrine administrative sort parfois de son objet. Alors qu’elle n’est en théorie qu’un simple commentaire de la loi destiné à en faciliter l’application, il peut arriver qu’elle s’en distingue. Ainsi, la doctrine peut anticiper la loi elle-même lorsqu’il faut limiter les effets économiques néfastes qui pourraient résulter d’un différé d’application des mesures nouvelles. Il peut aussi arriver que la doctrine administrative soit contraire à la loi et se révèle plus restrictive ou plus favorable que celle-ci pour le contribuable.

Malgré ses défauts, la doctrine publiée est essentielle dans le dispositif visant à assurer la sécurité juridique des contribuables. Elle constitue pour ces derniers une protection efficace puisque l’administration ne peut rehausser le revenu imposable d’un contribuable qui a appliqué la loi selon l’interprétation qu’elle en avait retenue dans ses instructions et circulaires.

4. L’insuffisante qualité des textes fiscaux conduit à un contentieux fiscal important

L’existence d’un contentieux important spécifique à certaines impositions met en évidence la complexité d’interprétation de la loi ou le caractère difficilement applicable de certaines dispositions fiscales. C’est particulièrement le cas en matière de fiscalité locale, où des dysfonctionnements dans le mode de calcul de certains impôts locaux expliquent le nombre important des réclamations effectuées par les redevables. Parallèlement, on observe que la simplification des règles régissant certains impôts se traduit par une diminution du contentieux les concernant.

La procédure contentieuse menée devant l’administration joue un rôle efficace puisque neuf réclamations sur dix aboutissent à une admission totale de la requête du contribuable. Elle permet de corriger rapidement les erreurs commises par l’administration. Toutefois, le taux de rejet des réclamations, qui a triplé au cours des vingt dernières années, souligne la complexité croissante de la loi fiscale.

5. Le Conseil des impôts fait un certain nombre de propositions pour améliorer la qualité de la norme fiscale

Le Conseil des impôts a fait des propositions pour améliorer la qualité de la loi fiscale. Elles visent à moderniser les procédures d’élaboration de la norme, à la rendre plus compréhensible et à renforcer sa sécurité juridique.

Pour moderniser les procédures d’élaboration de la norme fiscale, il est proposé d’améliorer la qualité du débat public en renforçant les moyens d’étude et de réflexion en matière de fiscalité. Par ailleurs, le Conseil recommande d’évaluer régulièrement la qualité de la loi fiscale par la production et la publication d’indicateurs de complexité, tels que, par exemple, l’évolution du volume des textes, l’évolution du nombre de réclamations contentieuses et les évaluations des coûts de gestion de l’impôt.

Pour rendre la loi fiscale plus compréhensible pour les contribuables, il est nécessaire de valoriser davantage les exposés des motifs. Ceci permettrait de mieux connaître la volonté du législateur et de faciliter les premiers commentaires administratifs qui pourraient être publiés rapidement.

Afin d’améliorer les conditions d’accès aux textes fiscaux, il est proposé de décider de la mise en place rapide d’une étude de faisabilité de la réécriture du code général des impôts et de mener une action vigoureuse de simplification après avoir identifié les chantiers prioritaires.

Mais il ne s’agit pas simplement d’améliorer la forme des textes fiscaux ; le fond des textes eux-mêmes doit parfois être modifié dans le sens d’une plus grande simplicité. Ainsi, le Conseil recommande de poursuivre le mouvement engagé de suppression des petits impôts à faible rendement, de simplifier les sanctions fiscales qui sont trop nombreuses et parfois inéquitables, d’indexer le taux des intérêts de retard sur le loyer de l’argent en retenant un taux sensiblement supérieur à celui du marché et de les rendre déductibles en cas de bonne foi du contribuable. Il est aussi proposé de réduire la taille des instructions administratives. Celles-ci devraient être plus générales et publiées plus rapidement pour traiter les cas les plus courants. Les situations plus complexes seraient analysées au cas par cas, lorsqu’elles seraient soumises à l’administration, la prise de position de cette dernière faisant l’objet d’une réponse publiée.

Enfin, le renforcement de la sécurité juridique en matière fiscale nécessite d’encadrer strictement la rétroactivité de la loi dans ce domaine, en précisant en particulier que la doctrine en vigueur au début d’un exercice fiscal est opposable à l’administration pour la durée de cet exercice, sauf si sa modification vise à prendre en compte une intervention expresse du législateur. De manière moins formelle, un code de bonne conduite entre le Parlement et le Gouvernement pourrait être prévu. Il poserait des principes clairs pour l’application de la loi fiscale nouvelle aux situations en cours, en retenant notamment celui de l’impossibilité de remettre en cause avant leur terme des exonérations préalablement consenties. Le Conseil recommande également de préciser les conditions d’opposabilité des documents publiés par l’administration en dehors de ses instructions. En dernier lieu, il pourrait être prévu qu’en cas de contradiction entre la loi fiscale et les documents publiés par l’administration qui ne lui sont pas juridiquement opposables, le contribuable qui a appliqué les dispositions qui figuraient sur ces derniers ne puisse se voir réclamer aucune pénalité ou aucun intérêt de retard.

CHAPITRE III L’ORGANISATION DE L’ADMINISTRATION ET DES JURIDICTIONS FISCALES

1- L’administration fiscale est trop cloisonnée

Une conception trop rigide du principe ancien de séparation entre les ordonnateurs et les comptables a conduit à un cloisonnement excessif de l’administration fiscale qui se révèle peu commode pour les contribuables. Ainsi, chaque contribuable peut relever de six interlocuteurs fiscaux différents pour régler les situations fiscales les plus

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courantes. Cette réalité entraîne des difficultés récurrentes pour les contribuables, notamment lors d’un changement d’adresse ou de situation familiale. Elle engendre également des coûts de gestion de l’impôt importants pour l’administration.

2- La réforme des structures a été envisagée mais demeure inachevée

La mission, dite « mission 2003 », qui a été chargée en 1998 de préparer la réforme de l’administration fiscale, s’est réclamée d’une approche privilégiant l’intérêt de l’usager pour mieux prendre en compte les besoins de ce dernier. Elle a constaté que la qualité du service rendu par l’administration fiscale était perfectible en raison d’une organisation administrative, de procédures et de lois trop complexes.

Pour remédier à cette situation, la mission 2003 a proposé la mise en place d’un correspondant fiscal unique, la rénovation de l’informatique et la simplification des procédures fiscales. L’échec de la réforme qui aurait conduit à une administration fiscale unique n’a pas remis en cause le diagnostic initial et quelques projets d’ampleur inégale ont pu être mis en œuvre.

La direction des grandes entreprises constitue un véritable interlocuteur fiscal unique pour les vingt-deux mille plus grandes sociétés implantées en France. Décidée à la fin des années 1990 et mise en place au 1er janvier 2002, elle permet à celles-ci de déclarer et de payer toutes les impositions dont elles sont redevables et leur offre l’avantage de pouvoir effectuer une compensation entre les impôts dus et les créances fiscales détenues sur l’Etat. Sa création s’est accompagnée de diverses mesures destinées à aider les entreprises dans leurs démarches : gestion personnalisée des procédures particulières auxquelles peuvent prétendre les entreprises, regroupement des contentieux fiscaux dans un même tribunal, services administratifs plus disponibles et plus compétents. Les entreprises relevant de cette direction portent une appréciation très favorable sur sa création.

Les autres expérimentations relatives à l’interlocuteur fiscal unique sont moins ambitieuses . Le rapprochement entre les services de la direction générale des impôts et ceux de la direction générale de la comptabilité publique - intranet commun, accueil commun - est de portée modeste. Par contre, les premiers rapprochements entre les centres et les recettes des impôts offrent plus de potentialités mais sont limités aux seuls impôts recouvrés par la direction générale des impôts. Ces dispositifs n’en constituent pas moins un progrès vers l’interlocuteur fiscal unique.

La refonte de l’informatique fiscale a accompagné ces réformes de structure. Trop orientée vers la gestion et trop peu vers l’usager, ne disposant pas d’un identifiant fiscal fiable, l’informatique existante limite les progrès réalisables. C’est pourquoi le Conseil des impôts . souligne l’importance de l’achèvement, dans les délais prévus, du projet Copernic qui doit conduire à un renouvellement complet de l’informatique fiscale à l’horizon 2008. Bâti sur la notion de « compte fiscal simplifié », ce projet permettra aux contribuables de consulter les données relatives à leur situation fiscale et d’effectuer à tout moment les opérations les plus courantes.

Concernant l’identifiant fiscal, le Conseil des impôts observe que la position restrictive exprimée par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) concernant les conditions d’utilisation du numéro d’identification NIR aboutit à des complications supplémentaires, tant pour les contribuables qui devront utiliser plusieurs numéros d’identification que pour l’administration qui supportera un coût de gestion plus élevé.

3- L’organisation du contentieux fiscal

Le contentieux fiscal est partagé entre deux ordres de juridiction : le juge administratif est compétent pour les impôts directs et les taxes sur le chiffre d’affaires, et le juge judiciaire pour les droits d’enregistrement et l’impôt de solidarité sur la fortune. Ce partage ancien ne suscite pas de réelles critiques de la part des justiciables. Ceci résulte sans doute de ce que la jurisprudence a tendu à simplifier l’accès des contribuables au juge de l’impôt et du fait que l’attribution du contentieux des impôts nouvellement créés à chacun des deux ordres de juridiction a tenu largement compte de considérations purement pratiques. En outre, la jurisprudence des deux ordres de juridiction est généralement identique. Seuls quelques aspects marginaux laissent poindre des divergences. Celles-ci concernent le champ de compétence des commissions départementales des impôts ou de conciliation et les possibilités de contestation des sanctions fiscales.

Au total, le principal reproche fait au contentieux fiscal, qu’il relève de l’une ou l’autre des juridictions, est son excessive longueur : une procédure poursuivie jusqu’au stade de la cassation peut s’étendre sur une durée de six à huit ans, voire davantage dans certains cas exceptionnels, rythme manifestement incompatible avec celui de la vie économique.

4- Propositions du Conseil des impôts pour rendre plus lisible l’organisation de l’administration

Le Conseil des impôts considère que l’achèvement de la refonte informatique est un préalable à toute réforme des structures. Cela suppose que les deux conditions suivantes soient réunies : le maintien des crédits affectés au projet selon le plan initial et la mise en place d’un identifiant fiscal fiable, qui fait aujourd’hui défaut.

Le Conseil des impôts propose diverses mesures pour améliorer l’organisation administrative et rendre plus simples les relations des contribuables avec leur administration fiscale :

- développer un dispositif permettant de mieux suivre les relations entre les administrations fiscales et les contribuables. Celui-ci comporterait un suivi statistique et la réalisation d’enquêtes d’opinion annuelles auprès des contribuables ;

- instaurer un interlocuteur fiscal unique pour toutes les entreprises. Cette mesure nécessite le transfert du recouvrement de l’impôt sur les sociétés de la direction générale de la comptabilité publique à la direction générale des impôts et implique la généralisation du rapprochement entre les recettes et les centres des impôts ;

- Rapprocher les cultures des administrations fiscales par des formations professionnelles communes aux agents de la direction générale des impôts et de la direction générale de la comptabilité publique ainsi que par la mise en place de « passerelles » entre ces deux directions, sans préjudice de carrière pour les personnels concernés.

Le Conseil des impôts souhaite que les délais de jugement en matière fiscale soient raccourcis. Il encourage pour cela l’utilisation la plus large possible de la procédure de demande d’avis qui a montré qu’elle permettait une clarification rapide du droit.

CHAPITRE IV Les comportements administratifs face aux contribuables

1- La direction générale des impôts a conclu et appliqué un contrat d’objectifs et de moyens qui a amélioré ses relations avec les contribuables

Le contrat d’objectifs conclu par la direction générale des impôts avec la direction du budget constitue une forte innovation dans la gestion publique. Il a privilégié l’amélioration de la qualité du service rendu aux usagers et conduit à la mise en place de cinq indicateurs permettant de la mesurer - réception sur rendez-vous, pas d’appel téléphonique sans réponse, envoi des formulaires à domicile, réponses d’attente systématiques et levée de l’anonymat - Malgré les réticences parfois soulevées par cette démarche, les premiers résultats obtenus apparaissent encourageants et montrent que la qualité de service offerte par la direction générale des impôts a sensiblement progressé au cours des dernières années.

2- La modernisation du contrôle fiscal passe par la poursuite de l’évolution des comportements administratifs

Le contrôle fiscal s’exerce sous différentes formes : contrôle sur pièces, contrôle fiscal externe, exercice du droit de visite ou de saisie et du droit d’enquête. Plus de 60 % des droits rappelés proviennent de l’exercice du contrôle fiscal externe. Ils concernent principalement les rappels d’impôt sur les sociétés et sont concentrés sur un petit nombre de contrôles, souvent conduits auprès de grandes entreprises. Le montant total des droits rappelés est important. Leur baisse depuis deux ans s’explique par un changement de convention statistique qui ne retient plus les redressements de TVA auto liquidée, dès lors qu’ils ne causent aucun préjudice au Trésor. Il faut toutefois noter que le taux de recouvrement des impositions faisant suite à contrôle fiscal demeure faible et n’atteint que 67 % au terme de cinq années suivant la mise en recouvrement.

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Les droits du contribuable contrôlé sont garantis par des règles légitimement très protectrices. Elles sont reprises dans la « charte du contribuable » qui rappelle le caractère contradictoire de la procédure et décrit les possibilités de recours hiérarchiques offertes au contribuable vérifié.

Toutefois, la bonne application des garanties nécessite un changement de comportements des services de contrôle. Consciente de cette situation, la direction générale des impôts s’est engagée dans un processus de modernisation s’appuyant à la fois sur « l’application mesurée de la loi fiscale » et une amélioration de la qualité des contrôles. Cette dernière repose sur les principes suivants : clarification des objectifs du contrôle, mise en place d’indicateurs de performance, action renforcée sur la grande fraude et allégement des contraintes pour les contribuables vérifiés.

Les enjeux de cette modernisation sont d’importance : selon les enquêtes menées auprès des entreprises et confirmées par leurs organisations représentatives, les contrôles fiscaux ne sont pas bien ressentis, surtout par les petites et moyennes entreprises. Les critiques émises laissent apparaître une vraie demande de dialogue dans le cadre d’un débat réellement contradictoire pendant, et à l’issue du contrôle. Ce jugement doit toutefois être tempéré par l’analyse des statistiques du contentieux fiscal lié aux contrôles : en effet, plus d’un contrôle sur deux ne donne pas lieu à observations du contribuable et moins d’un sur dix débouche sur un contentieux juridictionnel.

3- La culture du dialogue de l’administration est encore insuffisamment développée en cas de contrôle fiscal

Les recours internes prévus par la charte du contribuable constituent des garanties essentielles qui s’imposent à l’administration. En pratique, leur portée est réduite par le fait qu’ils tendent souvent à confirmer la position de l’administration.

Les commissions départementales associant représentants des contribuables et de l’administration sont, par leur composition, des institutions uniques en droit fiscal français. Largement sollicitées pour porter un avis sur les divergences d’appréciation des faits constatés en cas de contrôle, elles voient leur avis presque systématiquement suivi par l’administration fiscale. Leur rôle demeure néanmoins réduit en raison de l’étroitesse de leurs compétences.

Les autres formes de dialogue entre l’administration et les contribuables sont nécessairement limitées aux situations prévues par la loi : la procédure de transaction est réservée aux pénalités et le champ d’intervention du Médiateur de la République demeure restreint en matière fiscale.

4- Les propositions du Conseil des impôts pour rééquilibrer les relations entre l’administration fiscale et les contribuables

Le Conseil des impôts souhaite que l’évolution de l’administration fiscale vers une administration de service se poursuive. C’est pourquoi il propose les mesures suivantes :

- conforter la culture de qualité de service au sein de l’administration fiscale. Pour cela, il est nécessaire de sensibiliser davantage les agents à cette exigence au cours de leur formation et de développer un système d’évaluation prenant en compte cet aspect ;

- lutter contre le sentiment d’infériorité du contribuable face à l’administration. Ceci suppose de simplifier et clarifier le langage administratif tout en développant une approche individualisée de l’usager.

Le Conseil des impôts estime par ailleurs qu’il faut favoriser les solutions non contentieuses de règlement des conflits, ce qui implique :

- une amélioration des conditions du dialogue entre le contribuable contrôlé et l’administration, qui ne pourra être obtenu qu’en réaffirmant le caractère contradictoire de la procédure et en rendant obligatoire le débat oral et contradictoire préalable à l’envoi de la notification de redressement. A cet égard, la substitution de l’expression « proposition de rectification de votre imposition » à celle de « notification de redressement » correspondrait mieux au caractère contradictoire de la procédure ;

- une meilleure efficacité des recours internes à l’administration.

Dans cette perspective, il est proposé de rendre à l’épreuve de fiscalité relative à l’accès au grade d’inspecteur principal des impôts un niveau d’exigence technique élevé, qui constitue la principale garantie de l’efficacité du recours hiérarchique.

De même, il est proposé de désigner comme interlocuteur un directeur reconnu pour sa haute technicité, ses qualités d’écoute et ses capacités décisionnelles, comme c’est déjà le cas dans quelques directions régionales et départementales des impôts. Ce choix offrirait un double avantage : l’interlocuteur présenterait aux yeux du contribuable une plus grande apparence d’objectivité ; il serait aussi plus enclin à ne pas persister dans un redressement dont les chances de succès devant le juge seraient incertaines et qui risquerait d’encombrer inutilement le contentieux.

Enfin, il est proposé d’accroître le champ de compétence des commissions départementales des impôts pour favoriser le rapprochement des points de vue sur toutes les questions qui relèvent de l’appréciation des faits.

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Préambule de la Charte du contribuable

Les relations entre les contribuables et l'administration trouvent leur fondement dans la « Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen » à laquelle se réfère le préambule de la Constitution. Art. 6 : « La Loi est l'expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit à concourir personnellement ou par leurs représentants, à sa formation... ». Art. 13 : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ». Art. 14 : « Tous les citoyens ont le droit de constater par eux-mêmes ou par leurs représentants la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée ». Le principe de l'impôt est légitime. Le citoyen consent à l'impôt. Les contribuables sont égaux devant l'impôt. L'impôt est établi à partir des éléments fournis par les contribuables dans des déclarations remises à l'administration. C'est le principe du « système déclaratif ». En contrepartie l'administration s'assure que ces éléments sont exacts en contrôlant leur sincérité. Le contrôle permet de lutter contre la fraude et de contribuer à une saine concurrence. Chacun doit payer ce qu'il doit, mais pas plus. S'il est contrôlé, le contribuable doit pouvoir discuter et faire valoir ses arguments. Le contrôle des éléments déclarés est la nécessaire contrepartie du système déclaratif. La loi définit les modalités du contrôle et les garanties accordées au contribuable. L'administration est garante de la bonne application de la loi fiscale sous le contrôle du juge. Payer l'impôt est perçu comme une contrainte. Les mesures fiscales sont nombreuses, complexes, évolutives. Elles sont parfois difficiles à comprendre. L'administration s'efforce de rendre les obligations fiscales plus légères et l'impôt plus facile. Elle a pour souci constant d'apporter son appui au contribuable. Elle met tout en œuvre pour améliorer ses relations avec lui. Les contribuables ont des droits qui sont autant d'obligations pour l'administration fiscale. Celle-ci rend compte de son action : ses objectifs pour un service de qualité sont mesurables, publics et soumis à l'appréciation de tous. En retour, la collectivité attend des contribuables qu'ils respectent leurs devoirs. Il est dans l'intérêt de tous que chacun œuvre pour le respect mutuel et la confiance réciproque. Trouvons ensemble le juste équilibre... - une administration responsable au service des usagers, dans une relation fondée sur trois valeurs fondamentales : la simplicité, le respect, l'équité; - des usagers responsables qui respectent leurs devoirs de citoyens.

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« Une nouvelle culture administrative », BARILARI André, Le consentement à l ’ impôt , Paris,

Presses de Sciences Po, 2000.

Une des leçons qui se dégagent de l’évolution historique et de l’étude des formes de résistance à l’impôt est que, dans le degré d’acceptation de l’impôt, les modalités d’administration sont aussi importantes que les règles de répartition et de calcul. Améliorer les rapports entre les contribuables et l’Administration fiscale est donc un enjeu fondamental. Par ailleurs, nous avons que si l’administration se contente de lutter contre les différentes formes de résistance à l’impôt, elle peut générer des phénomènes d’irritation des contribuables de bonne foi qui se retournent contre le consentement. Ce jugement est corroboré par l’enquête de Jean Dubergé qui conclut que, pour 3 contribuables français sur 5, les coûts psychologiques accessoires de l’impôt influent plus nettement sur son acceptation que la somme à payer. Les thèmes autres que le poids de l’impôt, mis en avant par les réponses des personnes interrogées, sont : la complexité et le caractère changeant de la

législation fiscale ; l’application automatique de pénalités ; le fait de ne pas savoir précisément où va l’argent versé ; l’impression de ne jamais pouvoir être en règle ; la crainte d’une vérification. Sur ces 5 éléments, le fait de ne pas savoir précisément où va l’argent versé relève d’un besoin de communication […]. L’action sur le premier facteur, la complexité et la mouvance législative sont de la responsabilité du Parlement, mais la pratique administrative n’est pas sans influence, notamment dans la multiplication des mesures destinées à adapter les pouvoirs de contrôle, qui génèrent un encadrement plus strict. Les trois autres facteurs, en revanche, sont totalement conditionnés par la manière dont l’impôt est administré. Ainsi, la simplification des relations avec l’administration, la recherche d’un meilleur service au contribuable, l’orientation du contrôle de manière proportionnée aux enjeux, la modernisation du recouvrement peuvent améliorer le consentement à l’impôt.

BERT (T.) et CHAMPSAUR (P.), Mission 2003 , Rapport sur la réforme du Ministère des

finances (extraits)

« Un contribuable qui a une seule résidence peut avoir 5 interlocuteurs pour faire le tour de ses obligations fiscales. Les usagers ne comprennent pas pourquoi la déclaration et le paiement ne se font pas au même endroit. Ils ne comprennent pas davantage pourquoi il faut s’adresser à des services différents qui ne sont pas situés au même lieu, dont les horaires d’ouverture ne sont pas les mêmes et qui communiquent mal entre eux, pour obtenir des documents, demander des renseignements, formuler des réclamations ou demander des délais de paiement… Ils ont du mal à nous contacter. La qualité du service téléphonique est jugée insatisfaisante, le plus souvent parce qu’il est difficile de contacter la bonne personne au bon moment. Nos concitoyens subissent pus qu’ils ne la désirent l’obligation de se déplacer ou de faire un courrier. Ils estiment que, dans une matière aussi délicate que l’impôt, ils doivent continuer à avoir en permanence la possibilité d’accéder physiquement à un responsable pour expliquer leur problème. Mais ils souhaiteraient pouvoir traiter plus rapidement leurs problèmes, quel que soit le moyen de contact utilisé (téléphone, courrier, déplacement). C’est la raison pour laquelle un correspondant fiscal unique est plébiscité à plus de 80 % par les usagers. Ils attendent un agent ou un service de référence qui leur permette de régler leur problème en une seule fois. »

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Décret n° 2008-310 du 3 avril 2008 relatif à la direction générale des finances publiques

Version consol idée au 05 avr i l 2008

Le Premier ministre,

Sur le rapport du ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, Vu la loi d'orientation n° 92-125 du 6 février 1992 modifiée relative à l'administration territoriale de la République ; Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 modifié portant règlement général sur la comptabilité publique ; Vu le décret n° 87-389 du 15 juin 1987 relatif à l'organisation des services d'administration centrale, modifié par les décrets n° 2005-124 du 14 février 2005 et n° 2008-208 du 29 février 2008 ; Vu le décret n° 92-604 du 1er juillet 1992 portant charte de la déconcentration, modifié par les décrets n° 95-1007 du 13 septembre 1995, n° 97-463 du 9 mai 1997 et n° 99-896 du 20 octobre 1999 ; Vu le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements, modifié par les décrets n° 2005-1621 du 22 décembre 2005 et n° 2008-158 du 22 février 2008 ; Vu le décret n° 2006-947 du 28 juillet 2006 relatif aux attributions du secrétaire général du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie et portant création d'un secrétariat général ; Vu l'avis du comité technique paritaire central de la direction générale de la comptabilité publique en date du 14 février 2008 ; Vu l'avis du comité technique paritaire central de la direction générale des impôts en date du 19 février 2008 ; Vu l'avis du comité technique paritaire ministériel unique au ministère de l'économie, des finances et de l'emploi et au ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique en date du 22 février 2008, Décrète :

Article 1

Il est créé au sein du ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique une direction générale des finances publiques, par la fusion de la direction générale des impôts et de la direction générale de la comptabilité publique.

Article 2

La direction générale des finances publiques exerce les missions suivantes :

1° Elle conçoit et élabore les textes législatifs et réglementaires relatifs à la fiscalité ainsi que les instructions générales interprétatives nécessaires à leur application ;

2° Elle conçoit et élabore les textes législatifs et réglementaires relatifs au recouvrement des recettes publiques, au cadastre et à la publicité foncière, veille à leur mise en œuvre et exerce les missions d'administration correspondantes ;

3° Elle veille à l'établissement de l'assiette et à la mise en œuvre du contrôle des impôts, droits, cotisations et taxes de toute nature, ainsi qu'à leur recouvrement et à celui des autres recettes publiques ;

4° Elle veille à la production et à la qualité des comptes de l'Etat et concourt à leur valorisation ;

5° Elle élabore les règles et les procédures relatives au contrôle et au paiement des dépenses publiques, à la gestion financière et comptable des établissements publics nationaux ainsi que des établissements publics locaux d'enseignement, et veille à leur mise en œuvre ;

6° Elle élabore les règles et les procédures relatives à la gestion financière et comptable des collectivités territoriales et de leurs établissements et veille à leur mise en œuvre ; elle concourt à la valorisation des comptes de ces collectivités et établissements ; elle anime l'expertise économique et financière des projets d'investissements publics et l'action économique de ses services déconcentrés ;

7° Elle élabore les règles et les procédures en matière d'acquisition, de gestion et de cession des biens domaniaux dans le respect des dispositions du décret du 29 avril 2004 susvisé, d'établissement de l'assiette et de contrôle des redevances domaniales ainsi que de recouvrement des produits domaniaux de toute nature, et veille à leur mise en œuvre ;

8° En liaison avec la direction générale du Trésor et de la politique économique, elle élabore les règles et les procédures relatives à la gestion de la dette publique, à l'exécution des opérations de trésorerie de l'Etat, ainsi qu'à la réalisation d'opérations de collecte de l'épargne au profit de l'Etat et des correspondants du Trésor, et veille à leur mise en œuvre ;

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9° Elle élabore et veille à la mise en œuvre des règles et procédures relatives à la vérification de l'utilisation des fonds publics ;

10° Elle représente l'Etat, dans les domaines de sa compétence, devant les juridictions des ordres administratif et judiciaire ;

11° Elle représente le ministère dans les négociations internationales en matière fiscale ;

12° Elle instruit les demandes d'agréments fiscaux ;

13° Elle pilote, anime et évalue ses services déconcentrés ;

14° Elle définit la politique des ressources humaines pour ses services et assure la gestion de ses personnels ; elle alloue leurs moyens ; elle conçoit et met en œuvre les méthodes et instruments d'analyse, d'audit et de contrôle de gestion de leur activité permettant d'accroître leur performance.

Article 3

La direction générale des finances publiques comprend une direction de la législation fiscale qui est chargée des missions mentionnées aux 1° et 11° de l'article 2.

Article 4

Le directeur général des finances publiques est assisté de trois directeurs, chargés respectivement de

la fiscalité, de la gestion publique, du pilotage du réseau et de ses moyens.

Article 5

Le directeur général des finances publiques exerce les attributions dévolues au directeur général de la comptabilité publique et au directeur général des impôts par les dispositions législatives et réglementaires applicables à la date d'entrée en vigueur du présent décret, dans les conditions qu'elles prévoient.

Article 6

Le décret n° 48-689 du 16 avril 1948 relatif à l'organisation de l'administration centrale du ministère des finances, le décret n° 98-977 du 2 novembre 1998 relatif à la direction générale de la comptabilité publique et le décret n° 98-978 du 2 novembre 1998relatif à la direction générale des impôts sont abrogés.

Article 7

La ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi et le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.

Organigramme de la DGFIP

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FOUQUET (O.), Améliorer la sécurité juridique des relations entre l’administration fiscale et les

contribuables : une nouvelle approche, Rapport ,juin 2008 (introduction).

Le Ministre a confié au Président Fouquet la mission d’animer un groupe de travail « dont les réflexions et les propositions porteraient sur les dispositifs susceptibles d’accroître la sécurité juridique en matière fiscale ». Le renforcement de la lutte ciblée contre la fraude fiscale doit s’accompagner « d’une attention particulière à la qualité de la relation entre l’administration fiscale et l’ensemble des contribuables ».

Le groupe de travail, composé de membres de l’administration, de représentants de la magistrature et de professionnels de la fiscalité du secteur privé, a procédé à l’audition de personnalités du monde de l’entreprise (directeurs fiscaux, chefs d’entreprise), de conseillers des contribuables et d’agents de l’administration en poste aux divers échelons de responsabilité. Ces auditions ont été complétées par l’exploitation de sondages effectués auprès des entreprises, de données, d’articles et de rapports récents sur les relations entre l’administration et les contribuables, ainsi que par des visites dans les services de la DGI1.

Les travaux de la commission Aicardi (1986) ont abouti dans la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987 à un renforcement substantiel des garanties accordées aux contribuables, tout particulièrement l’opposabilité des prises de position individuelles formelles de l’administration favorables au contribuable, même lorsqu’elles sont contraires à la loi. Les mesures prises à la suite du rapport Gibert2 (2004) pour améliorer la sécurité juridique des entreprises et l’attractivité du territoire ont constitué une nouvelle étape importante dans ce mouvement de sécurisation de l’application du droit fiscal. Le présent rapport s’inscrit dans la même démarche en s’efforçant de couvrir l’ensemble du champ pertinent et de définir les moyens, au delà des garanties offertes aux contribuables, de transformer la psychologie de leurs relations avec l’administration.

D’une manière générale, le groupe a pu constater l’amélioration sensible des relations entre l’administration et les contribuables dans la période

1 DGE (direction des grandes entreprises), DVNI (direction des vérifications nationales et internationales) et DIRCOFI (direction du contrôle fiscal) d’Ile de France Est. 2 Rapport au Ministre d’Etat, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, « Améliorer la sécurité du droit fiscal pour renforcer l’attractivité du territoire » : Paris, La documentation française, 2004.

récente. Le développement depuis 10 ans du concept d’« administration de service » assorti d’indicateurs relevant d’une approche « clients », la promotion de la pratique du rescrit à la suite du rapport Gibert, le renforcement des voies de recours des contribuables constituent autant de témoignages de l’évolution récente du positionnement de l’administration fiscale. Dans ce contexte, le sondage3 effectué fin 2007 auprès de 429 entreprises pour alimenter les travaux du groupe a mis en évidence que 87% des dirigeants d’entreprise et 92% des fiscalistes jugeaient leurs rapports avec l’administration fiscale « plutôt bons » ou « très bons ».

Dans ce cadre général favorable, le groupe de travail s’est efforcé de cibler les marges de progrès en matière de sécurité juridique, sans se limiter aux relations entre les contribuables et l’administration fiscale54. En effet, si seulement 17% des chefs d’entreprise interrogés jugent la sécurité juridique « plutôt supérieure » à celle des autres pays industrialisés tandis que 33% l’estiment « plutôt inférieure », ce sentiment mitigé résulte :

- de l’instabilité et de la complexité de la loi fiscale en France, première préoccupation des dirigeants d’entreprise et première source d’erreur des petites entreprises et des particuliers ;

- de la méfiance réciproque qui subsiste entre les contribuables et l’administration et qui se traduit notamment dans les difficultés qu’ils rencontrent lorsqu’ils cherchent à obtenir une prise de position de l’administration.

Comment améliorer la sécurité juridique dans les rapports entre l’administration et les contribuables ?

La sécurité juridique a été définie par la Cour de justice des Communautés européennes5 dans les termes suivants : « le principe de sécurité juridique impose la clarté et la précision des règles de droit et

3 Enquête Taj, compte-rendu de la conférence organisée le 6 décembre 2007 : « Vers de nouveaux rapports entre l’administration fiscale et le contribuable : quelle sécurité juridique et quelle confiance ? » commentée à Droit fiscal n° 15, 10 avril 2008, c. 253. 4 Des marges de progrès existent cependant encore dans ce domaine : les rapports avec l’administration ne sont jugés « très bons » que par 2% des dirigeants d’entreprise et 11% des fiscalistes. 5 Conclusions de l’avocat général Fintan-Duff, 15 février 1996. En ce sens, CJCE, 16 juin 1993, aff. C-325/91, France c/ Commission § 26., Rec. 1993, p. I-3283.

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des actes individuels qui constituent à un certain moment le cadre juridique dans lequel les autorités exercent leurs compétences et les particuliers leurs activités ». Cette définition figure implicitement dans la jurisprudence française6. Renforcer la sécurité juridique assurée aux contribuables implique donc de rendre suffisamment prévisibles les règles de droit fiscal qui leur sont appliquées.

Pour cela, il est nécessaire d’agir simultanément sur les différentes sources d’insécurité :

- La production de la norme fiscale et son interprétation par l’administration : la première source d’incertitude pour le contribuable se situe en effet dans l’instabilité, la complexité et l’effet rétroactif des textes et la tardiveté de leur interprétation par voie d’instructions. Les propositions visent donc à clarifier et stabiliser la norme en encadrant par la Constitution et la loi organique la production des textes et à rendre mieux prévisible par les contribuables son interprétation future par l’administration en poursuivant notamment le développement de la pratique du rescrit (I) ;

- Les modalités pratiques d’application de la norme : la relation de méfiance réciproque entre les contribuables et l’administration qui imprègne encore pour partie les opérations d’assiette et notamment de contrôle fiscal constitue en soi une source d’insécurité juridique ; les propositions d’amélioration se situent dans la continuité des orientations déjà engagées pour une « application mesurée de la loi fiscale » et une prévention des sources de contentieux en réglant les difficultés le plus en amont possible (II) ;

- Le jugement du contentieux : les délais excessifs de jugement du contentieux fiscal conduisent à réduire l’intérêt de la procédure contentieuse et à priver les contribuables de la garantie d’un droit de recours effectif devant le juge ; les propositions visent notamment à raccourcir les délais de traitement (en complément des mesures prises par ailleurs, cf. II, pour agir sur la source du contentieux) (III).

La combinaison de ces différentes pistes de réforme est essentielle pour obtenir des résultats probants : la prolifération de normes complexes conduit inévitablement à des redressements futurs, quels que soient les efforts de l’administration pour appliquer les textes de manière mesurée ; même dans un 6 Cf. les conclusions de François Séners sous Conseil d’Etat Ass. 26 octobre 2001, Ternon, n° 197018, Lebon p. 497. Conseil Constitutionnel, décision n°2005-530 DC du 29 septembre 2005 loi de finances pour 2006, § 36, Recueil p. 168. Conseil d’Etat Ass., 24 mars 206, Sté KPMG n°288460, Lebon p. 154 et Cass. Plén., 21 décembre 2006, n°00-20.493, Bull 2006, Ass. Plén., n°15.

contexte normatif stabilisé, l’amélioration de la relation entre l’administration et les contribuables, impliquant une transparence accrue de part et d’autre et un meilleur contrôle interne des procédures, s’avère indispensable pour réduire les risques d’erreurs. Enfin, sans la garantie d’un recours effectif devant le juge, la régulation juridique de l’ensemble du dispositif n’est pas assurée. Le groupe souligne cependant que la principale source d’insécurité juridique relevée par les entreprises interrogées tient dans l’instabilité et la rétroactivité de la norme fiscale, les problèmes éventuels dans la relation avec l’administration n’étant cités qu’en second.

En outre, alors que les efforts entrepris par l’administration fiscale pour aller vers une « administration de service » se sont traduits par une amélioration significative des relations avec les usagers, force est de constater que les recommandations réitérées dans différents rapports issus du Conseil d’Etat, du Conseil des prélèvements obligatoires, de l’OCDE ou d’instituts de réflexion privés, dans le sens d’une simplification et d’une stabilisation de la norme fiscale et notamment des différents dispositifs d’exemption n’ont pas été suivis d’effets et que la situation s’est aggravée. En la matière, une action politique résolue s’avère indispensable pour garantir un système plus cohérent et résister à la prolifération des normes, parfois issue des demandes des mêmes contribuables qui déplorent par ailleurs la complexité du système fiscal qu’ils ont contribué à alimenter. Toutefois, les engagements politiques régulièrement pris en ce domaine n’ont pas été respectés et risquent de ne pas l’être davantage à l’avenir en l’absence de tout encadrement de la production de la norme.

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OLIEL (H.), « Le Médiateur fiscal, nouvel acteur de la procédure fiscale », Les nouvelles fiscales,

2003, n°891, p.4

Le Médiateur fiscal, nouvel acteur de la procédure fiscale D. no 2002-612, 26 avr. 2002

Le Médiateur fiscal, nouvel organe de conciliation placé auprès du ministre de l’Économie et des Finances, a été institué en mai 2002. Ce premier anniversaire est l’occasion pour nous de présenter la mission de cette quasi-juridiction et de faire un premier bilan de son action.

Le Médiateur du ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie a été institué par décret en Conseil d’État (1).

Cette création fait suite à la recommandation résultant du rapport remis en décembre 2001 au ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie par M. Jean MASSOT, président de section du Conseil d’État. Invité par les avocats du groupe « contentieux-fiscal » du cabinet Landwell & Associés, le Médiateur Fiscal nommé en mai dernier, M. Emmanuel CONSTANS, s’est prêté au jeu des questions-réponses.

→La médiation fiscale en droit interne

Michel TALY, avocat associé, Jean-Marc PRIOL et Pascal SCHIELE, avocats, directeurs au sein du groupe « contentieux-fiscal » du cabinet Landwell, présentent le cadre légal des modes de règlement amiable des litiges en matière fiscale.

En droit fiscal interne, la médiation fiscale semble n’avoir aucune place dans la procédure, en application de deux principes essentiels : - le principe d’égalité devant l’impôt, qui serait

rompu en cas d’intervention au cas par cas dans l’établissement des impositions ;

- l’obligation de constater les redressements fiscaux, qui pourrait s’effacer devant la prise en compte, par le Médiateur, de circonstances économiques de nature à déroger aux règles fixées par la loi fiscale.

Comme le soulignent les intervenants, le résultat de la médiation ne se traduira, en tout état de cause, que par une transaction sur le montant des pénalités, puisque le droit français exclut le principal de l’impôt de toute possibilité de réduction transactionnelle.

En outre, contrairement à la pratique américaine de règlement amiable « offer in compromise », le pouvoir de l’Administration est très encadré (2) : - les remises gracieuses ne concernent que les

impôts directs, dans les seuls cas de gêne ou d’indigence du contribuable ;

- les remises gracieuses ne s’appliquent que sur les pénalités (définitives) ;

- une transaction ne peut s’appliquer que sur des pénalités non définitives.

La place laissée par le cadre légal actuel pour la médiation fiscale semble dès lors relativement limitée, principalement en raison du faible domaine de son application.

M. Michel TALY accueille toutefois volontiers cette nouvelle possibilité de recours pré-contentieux, dès lors que les autres instances relèvent toutes de l’Administration fiscale.

Pour preuve, le franc succès rencontré auprès des usagers par l’institution du Médiateur du MINEFI, dont la mission s’avère d’ailleurs essentiellement fiscale.

Cette démarche volontaire, adoptée dans le cadre de la réforme de l’État et du programme « Bercy en mouvement », constitue, comme l’indique M. Emmanuel CONSTANS, une véritable « approche clients », renforçant l’équilibre entre usagers et services du ministère.

→La mission du Médiateur fiscal

« En cas de litige persistant avec tel ou tel service du MINEFI, vous pouvez adresser votre réclamation au Médiateur du ministère ».

Le Médiateur est placé auprès du ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie. Il est au service de tous les usagers du ministère. Nommé pour 3 ans, il a pour mission de recevoir les réclamations individuelles des personnes physiques (contribuables, consommateurs, commerçants, artisans…) ou morales (sociétés, associations…) concernant le fonctionnement des services du ministère dans leurs relations avec les usagers et de favoriser la solution des litiges.

→Qualité requise pour saisir le Médiateur fiscal

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Chaque citoyen peut s’adresser directement au Médiateur et chaque entreprise aussi. Le Médiateur du MINEFI est notamment au service des PME.

Le Médiateur n’est compétent que pour les litiges concernant les services du MINEFI. Il ne l’est pas pour un litige concernant un autre ministère ou entre une banque et l’un de ses clients, ou encore entre un consommateur et un commerçant.

Le Médiateur n’est pas non plus compétent pour les litiges entre le MINEFI et ses agents sur des questions de personnel (statut, carrière, rémunération, pension…).

→Recevabilité des réclamations

Il faut d’abord que l’usager s’adresse au service concerné (centre des impôts, trésorerie, direction départementale…). Seule une demande ayant fait l’objet d’un rejet total ou partiel de la part du service concerné peut être soumise au Médiateur. Ainsi, toute réclamation adressée au Médiateur doit avoir été précédée d’une « première démarche » de l’usager ayant entraîner un refus total ou partiel.

Sur cette notion de « première démarche », M. Emmanuel CONSTANS souligne la variété des situations pouvant conduire à la recevabilité des demandes. Il insiste d’ailleurs sur le fait qu’il n’interfère pas avec les procédures de contrôle fiscal. Il intervient le plus souvent après la mise en recouvrement, mais peut, selon les cas et l’urgence qui les caractérise, opérer dès le rejet, par le service vérificateur, des observations du contribuable suite à une notification de redressements, à condition que le recours à l’interlocuteur départemental ait été épuisé.

→Délai de réponse aux réclamations

Le Médiateur envoie immédiatement une lettre accusant réception de la réclamation reçue et indiquant que celle-ci n’interrompt pas les délais de recours. Il répond donc aussitôt et oriente l’usager si la réclamation n’apparaît pas recevable.

Selon les termes mêmes de M. Emmanuel CONSTANS, « le Médiateur s’efforce de répondre le plus rapidement possible. Sa réponse est d’autant plus rapide que l’affaire est simple. Le délai de réponse moyen constaté en 2002 est de 45jours ».

En tout état de cause, le contribuable est tenu régulièrement informé de l’avancement de la médiation.

→Prérogatives du Médiateur fiscal

Dans le cadre d’une médiation, le Médiateur propose une solution appelée « recommandation ». Le plus souvent, cette solution prend la forme d’une remise

gracieuse ou d’une transaction sur les pénalités, le principal de l’impôt ne pouvant, en effet, être visé par ces procédures. Le Médiateur indique aussi qu’il a la possibilité d’intervenir auprès d’une trésorerie, par exemple, pour recommander l’acceptation de certaines garanties en soutien d’une demande de sursis de paiement.

Si le service concerné du ministère n’est pas d’accord avec la recommandation proposée par le Médiateur, celui-ci peut soumettre directement l’affaire au ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie qui prendra une décision.

En cas d’introduction parallèle d’un recours juridictionnel, la solution du Médiateur, qui n’est qu’une simple recommandation, permet au contribuable de poursuivre son recours.

En outre, chaque année, le Médiateur remet au Ministre un rapport dans lequel il établit le bilan de son activité et formule des propositions de nature à améliorer le fonctionnement des services du ministère dans leurs relations avec les usagers. Ce rapport est rendu public.

BILAN D’ACTIVITÉ DU MÉDIATEUR AU 31 DÉCEMBRE 2002

Nombre de réponses de fond

(dossier clos) Nombre de

réclamations reçues (de mai à décembre 2002)

Dossiers irrecevables

Dossiers ayant donné lieu à médiation

Total

711 244 334 (dont 55 PME)

578

Enfin, le Médiateur est le correspondant du Médiateur de la République pour le MINEFI.

→Moyens dont dispose le Médiateur

Actuellement, celui-ci peut compter sur le soutien logistique suivant : - un correspondant par direction du MINEFI ; - des réunions mensuelles avec chaque

correspondant des principales directions concernées du MINEFI ;

- un correspondant interne par Direction départementale des services fiscaux pour la DGI ;

- un correspondant interne par Direction départementale pour la DGCP dans quinze départements (expérimentation).

→Déroulement standard d’une médiation

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1. Réception de la réclamation ;

2. Envoi d’une lettre en accusant réception ou constatant l’irrecevabilité et orientant l’usager ;

3. Instruction du dossier par le service concerné du MINEFI (niveau déconcentré et/ou niveau central) ;

4. Instruction du dossier par le service du Médiateur ;

5. Élaboration de la solution (recommandation) proposée par le Médiateur ;

6. Consultation du service concerné ;

7. Saisine éventuelle du Ministre par le Médiateur ;

8. Notification à l’intéressé et au service concerné du résultat de la médiation. (Note 1) D. no 2002-612, 26 avr. 2002. (Note 2) LPF, art. 247.

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SÉANCE 2 et 3 : Les procédures de contrôle

I. Bibliographie

CASIMIR (J.-P.), Contrôle fiscal et contentieux de l’impôt, Livre annoté des procédures fiscales, Paris, Revue Fiduciaire, 11ème éd., 2010 ;

HATOUX (B.) (sous la direction de), Droits du contribuable, Etat des lieux et perspectives, Paris, Economica, 2002 ;

PHILIP (P.), Les droits de la défense face au contrôle fiscal, Paris, Economica, 2002 ;

II. Documents

Articles fondamentaux :

o Livre des procédures fiscales (art. L 10, L 12, L 13, L 47, L 81)

Documents :

o PHILIP (P.), « Le droit de communication de l’administration fiscale et l’information du contribuable », DF, 2003, n°21, p.720.

II. Exercice

Cas pratique :

Monsieur MISSE, président du conseil d’administration de la SA Grasset, souhaiterait obtenir votre avis sur les contrôles actuellement subis par ladite SA.

Au mois d’octobre 2009, l’Administration fiscale, par l’intermédiaire de l’inspecteur TRALLE, a demandé à la SARL La Belle Vie, grosse cliente de la SA, de lui présenter l’ensemble des factures relatives aux achats effectués auprès de la SA Grasset. Par lettre datée du 9 janvier 2010, le même inspecteur Monsieur TRALLE a demandé à la SA Grasset de lui soumettre les relevés de ses comptes bancaires reçus depuis le 1er janvier 2006.

Le lundi 7 avril 2009, Monsieur TRALLE se présente au siège social de la SA Grasset à 8h30 et attend l’arrivée de Monsieur MISSE en discutant avec les salariés des méthodes d’enregistrement comptable. A l’arrivée du président, il lui remet un avis de vérification de comptabilité, indiquant que le contrôle débutera le 10 avril et qu’il portera sur l’IS, la TVA, mais aussi les droits d’enregistrement dus par la SA au titre des exercices non prescrits.

Profitant de sa présence dans l’entreprise, et malgré les protestations de Monsieur MISSE, Monsieur TRALLE demande à visiter les entrepôts et effectue un rapide pointage des stocks. Il se fait également communiquer les livres comptables et vérifie qu’ils sont à jour.

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Malgré un appel téléphonique de Monsieur MISSE le 9 avril l’informant que l’avocat de la SA Grasset, actuellement en déplacement, ne sera de retour que le 14 avril, Monsieur TRALLE se présente le 10 avril au siège social. Après avoir remis la Charte du Contribuable Vérifié au dirigeant, il commence l’étude des documents comptables de la SA et demande au service comptable de lui présenter également la comptabilité des exercices 2002 et suivants, au motif qu’en 2002 la SA a dégagé un déficit reporté sur les exercices ultérieurs.

A la fin de la journée, Monsieur TRALLE, se rendant compte que sa présence gêne la bonne marche de l’entreprise compte tenu de l’exiguïté des locaux, propose à Monsieur MISSE d’emporter les quelques documents qui l’intéressent. Le président l’y autorise par lettre recommandée avec accusé de réception 3 jours après l’emport.

Monsieur TRALLE retournera dans l’entreprise de manière impromptue le 5 juin, sans y rencontrer Monsieur MISSE. Il y reviendra le 22 septembre pour restituer les documents et annoncer au président les redressements qu’il envisage de notifier.

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Textes fondamentaux

Article L10

Modifié par LOI n°2008-1425 du 27 décembre 2008 - art. 38 (V)

L'administration des impôts contrôle les déclarations ainsi que les actes utilisés pour l'établissement des impôts, droits, taxes et redevances. Elle contrôle, également les documents déposés en vue d'obtenir des déductions, restitutions ou remboursements, ou d'acquitter tout ou partie d'une imposition au moyen d'une créance sur l'Etat. A cette fin, elle peut demander aux contribuables tous renseignements, justifications ou éclaircissements relatifs aux déclarations souscrites ou aux actes déposés. Avant l'engagement d'une des vérifications prévues aux articles L. 12 et L. 13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l'administration.

Article L12

Modifié par Loi n°2007-211 du 19 février 2007 - art. 10 JORF 21 février 2007

Dans les conditions prévues au présent livre, l'administration des impôts peut procéder à l'examen contradictoire de la situation fiscale des personnes physiques au regard de l'impôt sur le revenu, qu'elles aient ou non leur domicile fiscal en France, lorsqu'elles y ont des obligations au titre de cet impôt. A l'occasion de cet examen, l'administration peut contrôler la cohérence entre, d'une part les revenus déclarés et, d'autre part, la situation patrimoniale, la situation de trésorerie et les éléments du train de vie des membres du foyer fiscal. Sous peine de nullité de l'imposition, un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle ne peut s'étendre sur une période supérieure à un an à compter de la réception de l'avis de vérification. Lorsqu'un contrat de fiducie ou les actes le modifiant n'ont pas été enregistrés dans les conditions prévues à l'article 2019 du code civil, ou révélés à l'administration fiscale avant l'engagement de l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'un contribuable qui y est partie ou en tient des droits, la période prévue au troisième alinéa est prorogée du délai écoulé entre la date de

réception de l'avis de vérification et l'enregistrement ou la révélation de l'information. Cette période est prorogée du délai accordé, le cas échéant, au contribuable et, à la demande de celui-ci, pour répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications pour la partie qui excède les deux mois prévus à l'article L. 16 A. Elle est également prorogée des trente jours prévus à l'article L. 16 A et des délais nécessaires à l'administration pour obtenir les relevés de compte lorsque le contribuable n'a pas usé de sa faculté de les produire dans un délai de soixante jours à compter de la demande de l'administration ou pour recevoir les renseignements demandés aux autorités étrangères, lorsque le contribuable a pu disposer de revenus à l'étranger ou en provenance directe de l'étranger. La période mentionnée au troisième alinéa est portée à deux ans en cas de découverte, en cours de contrôle, d'une activité occulte. Il en est de même lorsque, dans le délai initial d'un an, les articles L. 82 C ou L. 101 ont été mis en œuvre.

Article L13

Modifié par Loi n°2007-211 du 19 février 2007 - art. 10 JORF 21 février 2007

Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables. Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contrôle porte sur l'ensemble des informations, données et traitements informatiques qui concourent directement ou indirectement à la formation des résultats comptables ou fiscaux et à l'élaboration des déclarations rendues obligatoires par le code général des impôts ainsi que sur la documentation relative aux analyses, à la programmation et à l'exécution des traitements. Les fiducies, en la personne de leur fiduciaire, sont soumises à vérification de comptabilité dans les conditions prévues au présent article.

Article L47

Modifié par Loi 96-1182 1996-12-30 art. 31 II, III Finances rectificative pour 1996 JORF 31 décembre

1996 Modifié par Loi n°96-1182 du 30 décembre 1996 -

art. 31 (V) JORF 31 décembre 1996

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Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix. L'avis envoyé ou remis au contribuable avant l'engagement d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle peut comporter une demande des relevés de compte. En cas de contrôle inopiné tendant à la constatation matérielle des éléments physiques de l'exploitation ou de l'existence et de l'état des documents comptables, l'avis de vérification de comptabilité est remis au début des opérations de constatations matérielles. L'examen au fond des documents comptables ne peut commencer qu'à l'issue d'un délai

raisonnable permettant au contribuable de se faire assister par un conseil.

Article L81 Modifié par Loi - art. 17 (V) JORF 31 décembre

2002 en vigueur le 1er juillet 2003

Le droit de communication permet aux agents de l'administration, pour l'établissement de l'assiette et le contrôle des impôts, d'avoir connaissance des documents et des renseignements mentionnés aux articles du présent chapitre dans les conditions qui y sont précisées. Le droit prévu au premier alinéa s'exerce quel que soit le support utilisé pour la conservation des documents. Le droit de communication est étendu, en ce qui concerne les documents mentionnés aux articles L. 83 à L. 95, au profit des agents des administrations chargés du recouvrement des impôts, droits et taxes prévus par le code général des impôts.

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PHILIP (P.), « Le droit de communication de l’administration fiscale et l’information du contribuable »,

DF, 2003, n°21, p.720

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SÉANCE 4 : Les procédures de rectifications et les

garanties du contribuable

I. Bibliographie

DE CROUY-CHANEL (E.), « Retour sur le débat oral et contradictoire : remarque sur le respect du

contradictoire en cas de saisie de documents », DF 2004, n°42, p.1504 à 1510 ;

TOURNIE (G.), « A propos des vices de procédures en droit fiscal », RFFP n°40, 1992, p.193 à 209 ;

PHILIP (P.), L’erreur substantielle dans la procédure d’imposition, Thèse Aix 1997.

II. Documents

Textes fondamentaux :

o Livre des procédures fiscales (art. L 55, L 62, L 65, L 66, L 73)

Documents :

o AJROUD (J.), « L'obligation du débat oral et contradictoire sur les renseignements obtenus auprès de tiers : à propos des arrêts Baudry et Bozzi », DF 2006, n°5, étude n°4.

o LAMBERT (T.), « Le rescrit fiscal : oui… mais », BF Francis Lefebvre, 2008, n°3, p.191.

II. Exercices

1. L’Administration fiscale, lors d’une vérification de comptabilité de la SA TROMPAY, a recueilli un certain nombre d’informations lui ayant permis de procéder à la taxation d’office de la SA.

L’avocat de la SA ayant dénoncé l’irrégularité de la procédure de vérification, pensez-vous qu’il puisse obtenir l’annulation de la procédure d’imposition d’office mise en œuvre à l’encontre de la société ?

2. Monsieur TOURDI ayant omis de déclarer ses revenus depuis bientôt 3 ans, l’Administration a procédé à une rectification d’office de son imposition.

Il s’étonne de n’avoir reçu aucune mise en demeure préalable, mais son conseiller fiscal lui a répondu qu’il ne s’agissait pas d’une formalité obligatoire. Qu’en pensez-vous ?

3. Monsieur SACRIN a eu, au cours d’un contrôle fiscal particulièrement éprouvant, quelques mots désagréables à l’encontre de l’inspecteur en charge de son dossier.

Ce dernier s’est senti gravement offensé et a mis en garde Monsieur SACRIN contre les conséquences de ses paroles déplacées. Selon vous, à quoi faisait-il allusion ?

→ TSVP

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4. Une société d’agroalimentaire, la SA Choriza, développe depuis cette année son activité en direction de l’Italie. Elle a depuis l’exercice 2007 engagé 4 représentants indépendants chargés de prospecter en direction de ce nouveau marché, avec pour mission de conclure et de traiter les contrats éventuellement signés. Elle a ainsi pu échapper à l’imposition en France de ces nouveaux résultats.

Elle aimerait néanmoins être certaine qu’ils n’entrent pas dans le champ d’application de l’IS et souhaiterait pour ce faire obtenir une réponse claire de l’Administration fiscale française. Son conseiller fiscal lui a parlé de la garantie contre les changements de doctrine, de la procédure de rescrit, mais également de la procédure de contrôle fiscal à la demande. Selon vous, quelle serait en l’espèce la procédure la plus appropriée ?

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« L'obligation du débat oral et contradictoire sur les renseignements obtenus auprès de tiers : à

propos des arrêts Baudry et Bozzi » par Jamel AJROUD

Le fondement juridique de l'obligation du débat oral et contradictoire n'est plus aujourd'hui objet de contestation, au moins en matière de vérification de comptabilité. Se pose cependant encore le problème du contenu de ce débat. Doit-il se limiter aux constatations faites sur place, ou bien faut-il qu'il englobe toutes les informations qui serviront plus tard comme motifs du redressement y compris celles acquises auprès de tiers ?

Le Conseil d'État admet l'obligation du débat oral et contradictoire sur les renseignements tirés des documents comptables saisis par l'autorité judiciaire sans pour autant généraliser cette obligation à tous les renseignements collectés auprès de tiers. Plus audacieux, le juge fiscal du fond a donné un nouveau souffle à l'obligation par deux arrêts rendus respectivement le 3 février et le 15 mars 2005.

1. - Le principe du débat oral et contradictoire au cours de la vérification de comptabilité a été posé par une célèbre décision du Conseil d'État du 21 mai 1976Note 1. Longtemps considéré comme principe « sans véritable base législative »Note 2 qui « paraît relever plus de la directive que de la règle purement juridique »Note 3 ou, au mieux, comme un principe « à mi-chemin entre la règle de droit et "l'ardente obligation" »Note 4, le débat oral et contradictoire s'est pour autant enraciné dans la jurisprudence du Conseil d'État comme une garantie substantielle du contribuable vérifiéNote 5. Des fondements juridiques ont même été avancés par la doctrine pour renforcer davantage la valeur de cette garantie. Le Professeur Jean Lamarque estime, en effet, que le débat oral et contradictoire est « une exigence législative »Note 6. D'après lui, « La faculté de se faire assister d'un conseil, dès lors qu'elle fait l'objet d'une disposition législative expresse, ne se conçoit logiquement qu'en vue d'une discussion orale avec une autorité administrative ou de la présentation d'observations orales devant une autorité juridictionnelle » car « dans un régime libéral, le législateur n'a pas à intervenir pour autoriser un administré à s'assurer le concours d'un conseil pour rédiger ou l'aider à rédiger une réponse écrite à une demande de renseignements ou de justifications également écrite que lui a adressée une administration, réponse qu'il produira ensuite sous sa seule signature ». C'est dire que le débat oral est l'essence même de la disposition législative instituant la garantie de l'assistance d'un conseil, « c'est sa seule raison d'être »Note 7. Le débat oral et contradictoire peut également être rattaché à l'exigence législative du contrôle sur place. Chez le contribuable, le vérificateur ne peut en effet s'empêcher, par courtoisie ou par curiosité, de s'entretenir avec l'occupant des lieux. Il est, dès lors, difficile d'imaginer une présence muette du vérificateur au sein de l'entreprise. Aujourd'hui, le fondement juridique de l'obligation du débat oral et contradictoire n'est plus objet de contestation, au moins en matière de vérification de comptabilitéNote 8. Se pose cependant encore le problème de l'objet de ce débat. Doit-il se limiter aux

constatations faites sur place, ou bien faut-il qu'il englobe toutes les informations qui serviront plus tard comme motifs du redressement ? Le Conseil d'État admet l'obligation du débat oral et contradictoire sur les renseignements tirés des documents comptables saisis par l'autorité judiciaire sans pour autant généraliser cette obligation à tous les renseignements obtenus auprès de tiers. Plus audacieux, le juge fiscal du fond a donné un nouveau souffle à l'obligation par deux arrêts rendus respectivement le 3 février et le 15 mars 2005 et honorés d'une publication au recueil. 2. - Dans la première affaireNote 9, au cours d'une vérification de comptabilité, le vérificateur a reçu des instances portugaises une copie des factures et des bons de commande échangés entre la société Baudry et une entreprise ayant son siège au Portugal. L'examen de ces pièces a permis au vérificateur de dresser la liste des achats qui n'avaient pas été enregistrés dans les écritures comptables de la société vérifiée. Le 31 octobre 1998, une notification de redressement a été alors établie. Cinq semaines plus tard, la société Baudry a été avisée de l'engagement d'une nouvelle vérification de comptabilité portant sur les résultats d'un autre exercice. Dans la deuxième affaireNote 10, M. et Mme Bozzi, qui exploitaient chacun une discothèque, ont fait l'objet d'un examen approfondi de l'ensemble de leur situation fiscale personnelle ainsi que d'une vérification de comptabilité de leurs établissements respectifs. Au cours de la vérification de comptabilité de l'une des deux discothèques, l'administration a exercé son droit de communication auprès de divers fournisseurs du contribuable et s'est fondée, pour une part importante, sur les factures qui lui ont été communiquées pour établir des redressements en matière de bénéfices industriels et commerciaux et de TVA. Dans les deux affaires, le contribuable n'a pas bénéficié d'un débat oral et contradictoire sur les renseignements obtenus par l'administration auprès de tiers. Il invoquait alors l'irrégularité de la procédure d'imposition et réclamait la décharge des droits supplémentaires mentionnés dans les notifications de

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redressement. Sa demande étant rejetée par les premiers juges, il interjette appel en invoquant le même moyen. 3. - Le problème de droit qui se pose est alors de savoir si l'administration est obligée, au cours d'une vérification de comptabilité, d'engager un débat oral et contradictoire avec le contribuable sur les renseignements qu'elle collecte auprès de tiers et qu'elle compte explorer pour fonder les redressements. À cette question les cours administratives d'appel de Bordeaux et de Marseille ont répondu en termes identiques que « l'administration est tenue, lorsque, faisant usage de son droit de communication, elle consulte au cours d'une vérification des documents ou pièces comptables détenus par un tiers, de soumettre l'examen de ces pièces à un débat oral et contradictoire avec le contribuable ». Cette position du juge de fond a le mérite de généraliser l'obligation du débat oral et contradictoire sur les renseignements obtenus auprès de tiers (2y), obligation déjà amorcée par le Conseil d'État (1). 1. L'amorce de l'obligation par le Conseil d'État 4. - La position du Conseil d'État en matière de débat oral et contradictoire sur les renseignements obtenus auprès de tiers est nuancée. La Haute Juridiction refuse, en principe, de mettre à la charge de l'administration une obligation dans ce sens (B). Elle reconnaît, néanmoins, le caractère obligatoire du débat oral et contradictoire sur les pièces comptables saisies par l'autorité judiciaire (A). A. - La reconnaissance de l'obligation en matière de comptabilité saisie 5. - À la question de savoir si l'exigence du débat oral et contradictoire est étendue aux constatations tirées des pièces comptables saisies, la réponse du Conseil d'État était fluctuante. Dans deux arrêts de 1996, la Haute Juridiction a fait une distinction selon que les documents sont saisis avant ou après l'engagement de la vérification :

-- lorsque la saisie est opérée avant le début de la vérification, et que l'administration a eu connaissance desdits documents par l'exercice de son droit de communication, il est possible pour celle-ci de ne pas informer le contribuable, pendant la phase de la vérification, de la teneur des renseignements recueillisNote 11 ;

-- en revanche, si la saisie est intervenue au cours de la vérification, l'administration doit indiquer au contribuable que lui-même ou son conseil a la possibilité de demander à l'autorité judiciaire de lui donner accès aux documents

saisis. À défaut, le contribuable est fondé à soutenir avoir été privé de la garantie du débat oral et contradictoireNote 12.

6. - Cette distinction n'étant pas justifiée, le Conseil d'État l'avait abandonnée dans un arrêt du 2 octobre 2002Note 13. Selon les termes de cet arrêt « l'administration est tenue, lorsque, faisant usage de son droit de communication, elle consulte au cours d'une vérification des pièces comptables saisies et détenues par l'autorité judiciaire, de soumettre l'examen de ces pièces à un débat oral et contradictoire avec le contribuable ». En ne faisant aucune référence à la date de saisie des pièces comptables, cet arrêt donne à penser que le débat oral et contradictoire s'impose à l'administration dans tous les cas de figure, que les pièces sur lesquelles portait le droit de communication aient été saisies avant, dès le début, ou en cours de vérification de comptabilitéNote 14. La même position a été retenue dans plusieurs décisions ultérieuresNote 15. 7. - Toutefois, l'obligation de soumettre au débat les renseignements tirés des pièces saisies demeure limitée. D'un côté, elle est limitée aux seules pièces comptables saisies, à l'exclusion des pièces non comptables. D'un autre côté, l'administration n'est pas obligée de communiquer au contribuable pendant la vérification une copie des pièces saisiesNote 16. Peut-on alors parler de véritable débat oral et contradictoire ? La non-communication des documents au cours de la vérification fiscale serait justifiée par la possibilité de communication dans la phase de redressement. En effet, l'administration est tenue, avant la mise en recouvrement des impositions, de faire suite à la demande de communication formulée par le contribuable quelle que soit la procédure d'imposition mise en oeuvreNote 17. Cette alternative ne paraît pas satisfaisante. D'une part, au stade du redressement, l'administration n'est tenue de l'obligation de communication que si elle détient elle-même les documents demandés. Lorsqu'elle a seulement pris connaissance des documents auprès de l'autorité judiciaire, sans en conserver une copie, il lui appartient simplement de renvoyer l'intéressé vers cette autorité. Le contribuable risque alors de nouveau de se heurter au refus de communication des documents sollicités. Dans ces conditions, la procédure serait-elle régulière ?Note 18 D'autre part, la communication au contribuable, pendant la phase de redressement, des documents saisis ne remet pas en cause l'utilité de la communication pendant la vérification fiscale. Un débat oral et contradictoire franc et éclairé pourrait éviter au contribuable de s'engager dans une procédure lourde de redressement. En outre, le débat oral offre plus de liberté et de souplesse que le débat écrit qui caractérise la procédure de redressement contradictoire.

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En définitive, les limites au débat oral et contradictoire sur les renseignements obtenus auprès de l'autorité judiciaire sont injustifiées. Est encore moins justifié le refus du Conseil d'État de reconnaître l'obligation du débat oral et contradictoire en dehors de la comptabilité saisie. B. - L'exclusion de l'obligation en dehors de la comptabilité saisie 8. - Pour le Conseil d'État, l'obligation du débat oral et contradictoire sur les renseignements tirés des pièces comptables saisies par l'autorité judiciaire n'est qu'une exception. Dans l'arrêt ThiryNote 19, la Haute Juridiction a jugé qu'il est « sans incidence sur la régularité de la vérification que le vérificateur s'abstienne de faire part au contribuable, à cette occasion, en vue de lui permettre d'en discuter, des éléments d'information que, par ailleurs, le cas échéant, il a pu recueillir auprès de tiers »Note 20. Cette position a été maintenue par le Conseil d'ÉtatNote 21 et suivie par le juge de fondNote 22. Selon le Commissaire du gouvernement Olivier Fouquet, l'exclusion des informations recueillies auprès de tiers de l'objet du débat oral et contradictoire est justifiéeNote 23. D'abord, pour préserver l'efficacité de la vérification, le vérificateur peut souhaiter éviter de faire-part au contribuable, avant la phase de redressement, des informations qu'il a obtenues auprès de tiers. Ensuite, le vérificateur, faisant dans son bureau la synthèse de l'ensemble des informations collectées, peut en tirer des conclusions qu'il n'aurait pas été en mesure de dégager au cours de la vérification. En troisième lieu, l'échange de vue entre l'administration et le contribuable se poursuit dans la phase de redressement, d'où l'inutilité de donner un caractère exhaustif au débat contradictoire au cours de la vérification. Enfin, il est difficile de contrôler le contenu du débat oral. 9. - Ces justifications sont discutables. Il est, en effet, difficile de parler de véritable débat oral et contradictoire alors que le contribuable ignore certaines informations obtenues par le vérificateur auprès de tiers. Le débat, qui se veut à armes égales, suppose l'échange entre les interlocuteurs de toutes les informations dont ils disposent afin qu'ils puissent contredire en toute connaissance de cause. Le comportement loyal que doit adopter le vérificateur pendant la vérification fiscale est une obligation et non un simple souhait susceptible de s'effacer dans les cas où la loyauté risquerait d'affaiblir l'efficacité du contrôle. Comme l'a souligné fort justement le commissaire du gouvernement Emmanuelle Mignon, « cette loyauté du débat fiscal permet d'éviter que le contribuable ne s'engage dans une contestation vaine susceptible d'exaspérer l'administration. Elle est en outre de bonne administration car il est inutile

d'encombrer les services et les prétoires de contentieux perdus d'avance »Note 24. 10. - D'un autre côté, les conclusions de synthèse faites par le vérificateur dans son bureau ne doivent pas être écartées du débat oral dans la mesure où elles peuvent cacher un faux raisonnement ou une mauvaise interprétation. Ces conclusions devraient, à la limite, donner lieu à un dernier entretien avec le contribuable avant la clôture des opérations de vérification. Par ailleurs, si le contribuable conserve la possibilité de la contradiction dans la phase de redressement, cela ne justifie pas sa privation de participer en toute connaissance de cause à l'opération de contrôle. Si le débat contradictoire paraît nécessaire, c'est plutôt au cours du contrôle, pour éviter les redressements arbitraires décidés dans la précipitation. La pratique administrative montre qu'une fois la notification de redressement adressée, le vérificateur revient difficilement sur son analyse, ce qui débouche sur des contentieux parfois bien inutiles dont le coût et l'énergie restent en grande partie à la charge du contribuableNote 25. Il va sans dire que les difficultés de prouver le contenu du débat oral ne sont pas irrémédiables et, en tout cas, ne suffisent pas à justifier l'exclusion des renseignements obtenus auprès de tiers de l'objet du débat. 11. - Le Conseil des impôts a déploré la situation du contribuable vérifié qui ne découvre les griefs qui lui sont faits que lors de la réception de la notification de redressement. D'après lui, « cette réalité, qui n'est pas irrégulière en droit, est critiquable dès lors qu'elle prive le contribuable d'une justification orale, qu'elle conduit à une procédure écrite qui aurait pu être évitée, et qu'elle fait naître une légitime incompréhension de la part du contribuable »Note 26. Le Conseil des impôts préconise de « rendre obligatoire un débat oral et contradictoire, préalablement à l'envoi de la notification de redressement, au cours duquel l'administration devrait présenter de manière complète les conclusions du contrôle et le projet des redressements qu'elle envisage d'effectuer ». Le juge fiscal de fond semble tenir compte de ces recommandations. 2. L'effort de généralisation de l'obligation par le juge de fond 12. - Le juge de fond a suivi le pas du Conseil d'État en matière de comptabilité saisieNote 27. Mieux encore, il a étendu l'obligation du débat oral et contradictoire aux renseignements obtenus auprès de tiers en dehors de la comptabilité saisie (A). Néanmoins, cette obligation demeure limitée (B). A. - L'extension de l'obligation

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13. - La généralisation de l'obligation du débat oral et contradictoire aux informations collectées auprès de tiers résulte des deux arrêts visés en tête de cette étude. Dans les mêmes termes, les cours administratives d'appel de Bordeaux et de Marseille affirment que « l'administration est tenue, lorsque, faisant usage de son droit de communication, elle consulte au cours d'une vérification des documents ou pièces comptables détenus par un tiers, de soumettre l'examen de ces pièces à un débat oral et contradictoire avec le contribuable ». On retrouve ici l'énoncé de principe de certaines décisions du Conseil d'État, mais simplement en substituant à la formule « pièces comptables saisies et détenues par l'autorité judiciaire » celle, plus large, de « pièces comptables détenues par un tiers »Note 28. 14. - Faisant application de cette règle, la cour de Marseille a déchargé le contribuable des suppléments d'imposition dès lors que la reconstitution du chiffre d'affaires se fondait, pour une part importante, sur les factures communiquées à l'administration par les fournisseurs du contribuable sans que ce dernier n'en soit informé. Dans le même sens, la Cour de Bordeaux a jugé la procédure irrégulière dans la mesure où les pièces transmises par les autorités portugaises à l'administration française et sur lesquelles cette dernière s'est fondée pour établir les redressements n'ont pas fait l'objet d'un entretien oral préalable avec le contribuable. Dans les deux affaires, il s'agit de pièces communiquées à l'administration au cours d'une vérification de comptabilité. Cette position des juges de fond paraît judicieuse et mérite d'être entérinée par le Conseil d'État. En effet, pour que le débat contradictoire soit effectif, « il est nécessaire qu'il y ait concordance entre les chefs de redressement figurant sur la notification de redressements et ceux ayant fait l'objet d'un débat préalable. En d'autres termes, il ne faut pas qu'entre le débat et la notification de redressements on ait un hiatus »Note 29. 15. - Ensuite, le débat oral et contradictoire sur les informations obtenues auprès de tiers relève de l'exigence de transparence de l'action administrative et du principe de loyauté qui doit régir les relations entre l'administration et l'administréNote 30. Il est également essentiel pour assurer le respect du principe d'égalité devant la loi. Ce principe suppose que le contribuable et l'administration discutent à armes égales. Il suppose aussi que l'on traite indifféremment les contribuables qui se trouvent dans la même situation. Or, la jurisprudence du Conseil d'État soulève une inégalité entre les contribuables vérifiés : ceux qui font l'objet d'une procédure de saisie bénéficient d'un débat oral et contradictoire sur leurs pièces comptables saisies lorsque l'administration consulte ces pièces au cours de la vérification, en revanche, ceux qui se trouvent redressés sur la base de renseignements détenus par un

tiers n'ont pas le droit de discuter ces renseignements pendant la vérification fiscale. Il y a ainsi une contrariété incompréhensible de solutions qui est à l'avantage des contribuables dont le comportement est le plus redoutable. Les saisies et perquisitions impliquent l'existence de présomptions concordantes de fraude. 16. - En contredisant cette jurisprudence constante du Conseil d'État, les cours de Bordeaux et Marseille ont rétabli l'égalité entre les contribuables vérifiés et rééquilibré les rapports entre ceux-ci et l'administration fiscale. Elles ont, en outre, le mérite d'aligner la position du juge administratif à celle des juges judiciaires en la matière. En effet, la Cour d'appel de Pau a jugé que la communication au contribuable des éléments de réponse fournis par une administration étrangère à son homologue française satisfaisait aux exigences du débat oral et contradictoire sans que le contribuable ne puisse se prévaloir du défaut de communication des demandes de renseignements adressées par l'administration française à l'autorité étrangèreNote 31. Cette décision a été confirmée par la Cour de cassationNote 32. Au total, les arrêts objet de cette étude ont créé une certaine harmonie dans la jurisprudence relative à l'obligation du débat oral et contradictoire sur les renseignements collectés auprès de tiers. Mais, cette harmonie ne doit pas faire perdre de vue les limites de l'obligation. B. - Les limites de l'obligation 17. - L'obligation du débat oral et contradictoire sur les renseignements collectés auprès de tiers s'affronte à deux types de limites : les unes ne sont qu'apparentes, les autres sont au contraire bien réelles. 1° Les limites apparentes 18. - Dans ses conclusions sur un arrêt rendu par la Cour administrative d'appel de Lyon, Mme Lucienne Haervoët a souligné que « dans la mesure où il existe une procédure de vérification au cours de laquelle les pouvoirs d'investigation du Service doivent s'équilibrer avec la possibilité pour le contribuable de se défendre, ce dernier doit disposer d'une information complète, même si ce n'est qu'après coup, i. e. après mise en recouvrement des impositions, qu'il pourra réellement exploiter l'information ». Pour Mme le commissaire du gouvernement, « comme le contribuable doit pouvoir se faire assister d'un conseil, comme il doit pouvoir s'entretenir oralement avec le vérificateur, il doit savoir que des anomalies ont été révélées hors la consultation de ses documents comptables »Note 33. L'aboutissement logique de ces conclusions serait l'affirmation de l'obligation de soumettre les renseignements obtenus auprès de tiers

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au débat oral et contradictoire. Ce n'est, toutefois, pas l'avis de Mme Haervoët pour qui « c'est dans la notification [de redressement] que le contribuable doit être mis en mesure d'obtenir la communication de renseignements extérieurs ». Cette position serait fondée sur le caractère pratiquement incontrôlable du contenu du débat oralNote 34. Pourtant, la difficulté du contrôle peut être facilement surmontée si l'on exige de l'administration, avant la clôture de la vérification, d'établir un écrit récapitulatif mentionnant les grands points sur lesquels portait le débat oral et contradictoire. Signé par le contribuable et le vérificateur, cet écrit servira comme moyen de preuve pour l'une et l'autre partie. L'établissement de cet écrit ne parait pas de nature à trop alourdir la procédure de contrôle fiscal. On a pu également opposer à l'obligation du débat oral et contradictoire sur les renseignements recueillis auprès de tiers le fait que cette obligation ne trouve pas à s'appliquer en dehors de la vérification de comptabilitéNote 35. Mais, cette objection rend-t-elle tolérable l'atteinte à la garantie du débat oral et contradictoire dans le cadre d'une vérification de comptabilité ? 2° Les limites réelles 19. - Malgré leur valeur importante, les arrêts visés en tête de cette étude sont de portée limitée. En premier lieu, ces arrêts font référence aux renseignements collectés auprès de tiers « au cours d'une vérification ». Cette formule apporte certaines restrictions à l'obligation du débat oral et contradictoire. Tout d'abord, l'obligation du débat oral et contradictoire n'étant reconnue que dans le cadre d'une vérification fiscale, l'administration peut la détourner en procédant par exemple au redressement à la suite d'un simple contrôle sur pièces. Elle peut même renoncer à une vérification fiscale après l'avoir engagéeNote 36. Ce faisant, l'administration se trouve dégagée de l'obligation du débat oral et contradictoire, mais demeure simplement tenue, avant la mise en recouvrement des impositions, d'informer le contribuable de l'origine et de la teneur des informations recueillies dans l'exercice de son droit de communication. Il en est de même, lorsque l'administration consulte les documents détenus par un tiers avant que soit entreprise une vérification fiscale. Dans l'affaire du 3 février 2005 visée en objet, l'administration fiscale avait procédé à deux vérifications de comptabilité. Des informations ont été communiquées par l'autorité portugaise au cours de la première vérification et bien avant l'engagement de la deuxième vérification. La cour a estimé que si « l'administration est tenue, lorsque, faisant usage de son droit de communication, elle consulte, au cours d'une vérification, des pièces

comptables détenues par les tiers, de soumettre l'examen de ces pièces à un débat oral et contradictoire avec le contribuable, il n'en est pas de même lorsque cette consultation intervient avant que ne soit entreprise une telle vérification ». L'exclusion des renseignements collectés avant la vérification fiscale de l'objet du débat oral et contradictoire ne paraît pas judicieuse. Lorsque le vérificateur décide d'engager une procédure de vérification, c'est que les renseignements qu'il a collectés auprès des tiers ne sont pas suffisamment solides pour fonder les redressements. S'il choisit de recourir à la vérification pour confirmer ou infirmer ses soupçons, il doit « jouer cartes sur table » en dévoilant au contribuable l'origine de ses doutes et en lui permettant de s'y prononcer. Enfin, l'administration n'est pas tenue de débattre oralement avec le contribuable sur les renseignements collectés si elle se fonde, pour établir les redressements, sur les seules informations acquises dans l'exercice de son droit de communication auprès de tiers même si elle exerce simultanément son droit de vérification auprès du contribuable, le droit de communication étant étranger à la procédure de vérification de comptabilitéNote 37. Mais, est-ce toujours vrai que le droit de communication est totalement étranger à une vérification effectuée simultanément ou même ultérieurement ? Cette limite est sujette à discussion. 20. - En second lieu, les arrêts précités des cours administrative d'appel de Marseille et Bordeaux ne font référence qu'aux « pièces comptables » détenues par les tiers. Faut-il en déduire que le débat oral et contradictoire sur les renseignements détenus par les tiers n'est pas obligatoire lorsque ces renseignements résultent de documents non comptables ? On rappelle que le Conseil d'État a écarté du débat oral et contradictoire les documents non comptables saisis par l'autorité judiciaire. Bien que la Haute Juridiction ait une acception très large de la notion de pièces comptables, l'exclusion des pièces non comptables de l'objet du débat oral et contradictoire se justifie mal lorsque ces documents sont utiles à l'établissement de l'impôt, notamment pour établir la domiciliation du contribuableNote 38. 21. - En troisième lieu, les conventions fiscales internationales peuvent anéantir l'obligation du débat oral et contradictoire. Certaines conventions interdisent, en effet, la communication au contribuable des renseignements échangés entre les États contractants. À titre d'exemple, la convention franco-américaine stipule dans son article 15 que « tout renseignement fourni ne peut être communiqué à des personnes autres que celles (y compris les tribunaux et les organismes administratifs) qui sont chargées de l'assiette, du recouvrement et de la perception des

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impôts »Note 39. Le juge fiscal veille scrupuleusement au respect de ces stipulationsNote 40 dont la constitutionnalité est pour autant douteuse. Le droit à la communication des renseignements qui fondent le redressement constitue une garantie essentielle du principe constitutionnel du respect des droits de la défenseNote 41. Il serait en effet particulièrement choquant que le contribuable soit redressé sur la base de renseignements dont il ignore l'existence ou l'authenticité. Il convient de noter, néanmoins, que certaines conventions, telle que la convention franco-belge du 10 mars 1964, admettent la communication au contribuable des renseignements le concernant. Les contribuables redressés sur le fondement de renseignements fournis par un État avec lequel la France a conclu une convention préconisant le secret fiscal se voient dès lors doublement défavorisés, d'une part par rapport à ceux auxquels l'on oppose des renseignements collectés à l'échelle nationale et, d'autre part, par rapport à ceux auxquels l'on oppose des renseignements fournis par un État avec lequel la France a conclu une convention qui admet la communication aux contribuables des informations transmises. De plus, cette multitude de régimes complique la tâche de l'administration qui doit, chaque fois qu'elle demande des renseignements à une autorité étrangère, vérifier le régime de communication instauré par la convention fiscale. Dans l'affaire Sté Baudry visée en objet, l'administration fiscale aurait pu évoquer le secret fiscal posé par l'article 27 de la convention franco-portugaise du 14 janvier 1971, mais elle a omis de le faire et s'est bornée à soutenir que le délai écoulé entre la date à laquelle elle a obtenu communication des pièces transmises par les autorités portugaises et celle de l'établissement de la notification de redressements implique nécessairement que ces pièces ont été débattues oralement avec le contribuable. Cet argument n'a pas eu du succès. 22. - Au total, le débat oral et contradictoire sur les renseignements obtenus auprès de tiers est une obligation à contours flous. L'effort de généralisation et de précision fait par le juge fiscal reste limité et laisse subsister des inégalités tout à fait insoutenables et insupportables. Reste alors au contribuable « mal vérifié » d'espérer que le caractère contradictoire de la procédure de redressement prenne le relais et corrige les atteintes au principe du contradictoire dans la phase du contrôle.

Note 1 CE, 21 mai 1976, n° 94052 : Dr. fisc. 1976, n° 25, comm. 878, concl. M.-A. Latournerie ; RJF 7-8/76, chron. B. Martin Laprade, p. 224.

Note 2 O. Fouquet, concl. sur CE, 22 déc. 1989, n° 50674 et 50675, SCM cabinet médical d'Origny : Dr. fisc. 1990, n° 19, comm. 926.

Note 3 B. Martin-Laprade : RJF 7-8/76, chron. p.223 à 226.

Note 4 S. Austry, Débat oral et contradictoire : où en est la jurisprudence ? : RJF 3/97, p. 142.

Note 5 Il suffit à ce titre de citer deux arrêts du Conseil d'État confirmant à vingt ans d'écart cette garantie, CE, 3 juin 1983, n° 34253 : Dr. fisc. 1983, n° 44, comm. 2060 et CE, 26 févr 2003, n° 232841, Morera (1re esp.) : Juris-Data n° 2003-080284 et n° 232842 : Juris-Data n° 2003-080283 ; Dr. fisc. 2003, n° 21, comm. 410, concl. G. Goulard ; RJF 5/03, p. 399, concl. G. Goulard ; LPA 27 juin 2003, n° 128, note T. Lambert, p. 13.

Note 6 J. Lamarque, L'ESFP et la jurisprudence « Giresse » sur le dialogue écrit : le facteur sonnera plus de trois fois : Dr. fisc. 2003, n° 26, p. 857 à 863.

Note 7 Ibid.

Note 8 Dans son commentaire de l'arrêt du 21 mai 1976 (V. note 1), l'administration fiscale a d'ailleurs précisé à ses agents ce qui suit : « pour ne pas priver le contribuable de la possibilité voulue par le législateur d'une discussion contradictoire avec le vérificateur, la méthode consistant à effectuer la totalité des pointages et rapprochements comptables dans les locaux administratifs et à terminer les opérations de contrôle sans contact direct avec le contribuable est à proscrire rigoureusement », Instr. 16 sept. 1976 : BOI 13 L-12-76 ; Dr. fisc. 1976, n° 42, instr. 5209.

Note 9 CAA Bordeaux, 3 févr. 2005, n° 03-9, Sté Baudry : Legifrance.

Note 10 CAA Marseille, 15 mars 2005, n° 99-1835, Bozzi : Juris-Data n° 2005-273308.

Note 11 CE, 13 nov. 1996, n° 155013, Gaignerot : Dr. fisc. 1997, n° 13, comm. 373, concl. G. Bachelier ; RJF 1/97, n° 54 ; BDCF 1/97, n° 20, concl. G. Bachelier.

Note 12 CE, 13 nov. 1996, n° 148578, SARL « Au cheval Blanc » : Juris-Data n° 2002-080203 ; Dr. fisc. 1997, n° 13, c omm. 373, concl. G. Bachelier ; RJF 1/97, n° 54 ; BDCF 1/97, n° 20, concl. G. Bachelier. Cette décision confirme la solution dégagée par CE, 23 mars 1992, n° 99426, SARL « Sté nouvelle Rivastella » : Dr. fisc. 1992, n° 41, comm. 1864 et 1866 ; RJF 5/92, n° 704.

Note 13 CE, 2 oct. 2002, n° 224786, de Nayer : Juris-Data n° 2002-080203 ; Dr. fisc. 2003, n° 11, comm. 215, concl. M.-H. Mitjavile ; Procédures 2002, n° 12, comm. 240, p. 18 ; RJF 1/03, chron. L. Olléon, p. 3.

Note 14 L. Olléon, Quand la vérification de comptabilité absorbe le droit de communication : RJF 1/03, p. 6.

Note 15 CE, 25 avr. 2003, n° 234812, Sté Impremanus : Juris-Data n° 2003-080349 ; Dr. fisc. 2003, n° 48, comm. 859, concl. G. Bachelier ; RJF 7/03, n° 877 ; BDCF 7/03, concl. G. Bachelier, p. 68 s. - CE, 14 janv. 2004, n° 249302, Bratti : Juris-Data n° 2004-080486 ; Dr. fisc. 2004, n° 25, comm. 569, concl. S. Boissard. - V. également, CAA Bordeaux, 3 févr. 2005, n° 03-9 : Legifrance.

Note 16 CE, 25 avr. 2003, n° 234812, Sté Impremanus, préc.

Note 17 CE, 14 mai 1986, n° 59590 : Dr. fisc. 1986, n° 40, comm. 1674, concl. P.-F. Racine ; RJF 7/86, n° 719. - CE, 19 janv. 1998, n° 169131, 169132 et 169133, André : Dr. fisc. 1998, n° 15, comm. 309, concl. J. Arrighi de Casanova ; RJF 3/98, n° 294. - CAA Bordeaux, 8 nov. 2004, n° 01-1877, Rosières : Juris-Data n° 2004-256944 et n° 01-1878 : Juris-Data n° 2004-256943 ; Dr. fisc. 2005, n° 3, comm. 93, note T. Gasquet.

Note 18 Dans un arrêt isolé, une cour administrative d'appel a considéré que le refus du juge d'instruction de restituer les

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documents saisis au contribuable constitue une irrégularité de nature à vicier la procédure d'imposition alors même que ces documents n'auraient pas été utilisés pour établir le redressement (CAA Nancy, 4 juin 1992, n° 90-479, Leboeuf : Dr. fisc. 1992, n° 42, comm. 1923).

Note 19 CE, 16 juill. 1994, n° 120120, Thiry : RJF 10/94, n° 1113.

Note 20 Ibid.

Note 21 CE, 6 déc. 1995, n° 126826, SA Samep : Dr. fisc. 1996, n° 7, comm. 203, concl. G. Bachelier ; RJF 1/96, n° 61, chron. G. Goulard, p. 2.

Note 22 CAA Nantes, 21 nov. 2000, n° 97-1908. - CAA Douai, 27 déc. 2004, n° 00-437 : Legifrance.

Note 23 O. Fouquet, concl. sur CE, 22 déc. 1989, n° 50674 et 50675, SCM cabinet médical d'Origny, préc.

Note 24 CE, 29 déc. 2000, n° 209523, Rouch : Juris-Data n° 2000-061438 ; Dr. fisc. 2002, n° 6, comm. 110, concl. E. Mignon.

Note 25 G. Amédée-Manesme, Le débat oral et contradictoire au coeur du contrôle fiscal : Retours sur l'arrêt du Conseil d'État du 30 décembre 2003, Vandière de Vitrac d'Abzac rendu à propos de l'EFSP : Dr. fisc. 2004, n° 50, p. 1759 à 1761.

Note 26 XXe rapport du Conseil des impôts, Relations entre les contribuables et l'administration fiscale, 2002, § 3112, www.ccomptes.fr.

Note 27 CAA Bordeaux, 3 févr. 2005, n° 03-9, préc. - CAA Versailles, 3 mars 2005, 03-3373, préc.

Note 28 CE, 2 oct. 2002, n° 224786, de Nayer, préc. - CE, 28 nov. 2003, n° 255954, SA Tekelec Airtronic : Juris-Data n° 2003-080461 ; Dr. fisc. 2004, n° 21, comm. 507, concl. G. Goulard : « l'administration est tenue, lorsque, faisant usage de son droit de communication, elle consulte au cours d'une vérification des pièces comptables saisies et détenues par l'autorité judiciaire, de soumettre l'examen de ces pièces à un débat oral et contradictoire avec le contribuable ».

Note 29 J. Schmidt, Le contrôle des activités professionnelles, in L'amélioration des rapports entre l'administration fiscale et

le contribuable : Actes du colloque de la Société française de droit fiscal, Orléans 15-16 sept. 1988, p. 17.

Note 30 L. Haelvoët, concl. sur CAA Lyon, 25 juin 1992, n° 89-1687, Armao : Dr. fisc. 1993, n° 25, comm. 1303, comm. 1303.

Note 31 CA Pau, 5 févr. 2004, n° 03-673.

Note 32 Cass. crim., 1er déc. 2004, n° 04-81.436, M. V. : Juris-Data 2004-026390 ; Dr. fisc. 2005, n° 6, comm. 185.

Note 33 L. Haelvoët, Concl. sur CAA Lyon, 25 juin 1992, préc.

Note 34 B. Boutemy et E. Meier, Renseignements recueillis auprès de tiers et opposés au contribuable redressé : l'administration doit jouer cartes sur table : Dr. fisc. 2001, n° 40, p. 1391 à 1404, spéc. p. 1400.

Note 35 Ibid., p. 1401.

Note 36 CE, 17 nov. 1986, n° 52403, René-Corail : Dr. fisc. 1987, n° 11, comm. 566, 567, 569 et 570.

Note 37 CE, 1er déc. 2004, n° 258774, M et Mme Jallet : Juris-Data n° 2004-080612 ; Dr. fisc. 2005, n° 6, p. 372. - Cass. crim. 24 nov. 2004, n° 03-86.162 : Juris-Data 2004-026334. - CAA Bordeaux, 12 mai 2005, n° 01-1485 : Legifrance.

Note 38 L. Olléon, préc., p. 6.

Note 39 Convention signée à Washington le 24 novembre 1978 : site Internet du ministère des Finances, www.impots.gouv.fr.

Note 40 CE, 5 mars 1993, n° 105069, Rohart : Dr. fisc. 1993, n° 45, comm. 2127 ; RJF 1993, n° 674.

Note 41 Le Conseil constitutionnel rattache, depuis la décision n° 76-70 du 2 décembre 1976, le principe des droits de la défense aux principes fondamentaux reconnus par les lois de la République (cf. B. Genevois, La jurisprudence du Conseil constitutionnel, principes directeurs : STH 1988, notamment p. 262 et p. 274).

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LAMBERT (T.), « Le rescrit fiscal : oui… mais », BF Francis Lefebvre, 2008, n°3, p.191

1 Dans la Rome antique, le rescrit a été la réponse de l'empereur aux questions posées par les gouverneurs ou par les juges au sujet de difficultés à résoudre. Par extension c'est devenu la lettre du Pape, dite aussi bulle ou monitoire, faisant suite à des questions de droit canonique posées sur des points de droit ou de discipline

(1) . Aujourd'hui,

comme pour signifier la filiation de la mise en oeuvre d'une pratique, certains utiliseront le vocable d' « advance ruling », par référence aux usages américains, d'autres préféreront le « ruling », qualificatif usité dans beaucoup de pays étrangers. L'origine latine du mot, rescriptum, est remisée au musée des curiosités. Considérons, après d'autres, que le rescrit fiscal est « une procédure particulière organisée par l'article L 64 B du Livre des procédures fiscales (LPF) et permettant à un particulier, une entreprise, de consulter par écrit l'administration centrale, préalablement à la conclusion d'un contrat ou d'une convention, pour apprécier la portée véritable de ladite opération, sous réserve de lui fournir tous les éléments utiles pour apprécier la portée véritable de cette opération »

(2) .

2 Cette procédure n'est pas l'apanage du droit fiscal. Le règlement général de l'Autorité des marchés financiers, par exemple, l'organise en ce qui concerne certaines opérations

(3) . Autre exemple, le

nouvel article 345 bis du Code des douanes, issu de l'ordonnance du 7 décembre 2005 relative à des mesures de simplification du droit, met en place la procédure de rescrit douanier, en excluant du champ d'application les domaines régis par le Code des douanes communautaires. Au-delà du principe qui est commun, les techniques de rescrit et les conséquences qu'elles impliquent sont hétérogènes

(4) .

3 En France cette procédure en matière fiscale a vingt ans. En effet, elle a trouvé sa place dans l'article 18 de la loi 87-502 du 8 juillet 1987, laquelle résulte en grande partie de la commission présidée par Maurice AICARDI, qui avait pour mission de faire des propositions visant à améliorer les rapports entre les citoyens et les administrations fiscales et douanières

(5) . Le rescrit n'est pas une proposition de

la commission, mais le fruit d'un amendement du gouvernement au projet de loi, alors qu'il était en débat devant l'Assemblée nationale. L'objectif était, et reste, de sécuriser le contribuable quand celui-ci conclut un contrat ou une convention. Comment faire pour éviter que les actes passés et

qui engagent les parties soient qualifiés par l'administration fiscale à l'occasion d'un contrôle fiscal de montages juridiques ayant pour objet d'éluder l'impôt ? En effet, chacun sait que l'administration tient du législateur le droit de requalifier un acte juridique et de le considérer comme ne lui étant pas opposable, lorsque celui-ci a entraîné une sous-imposition ou une non-imposition et que l'examen de cet acte a révélé qu'il présentait un caractère fictif, ou qu'il avait été créé dans un but fiscal exclusif

(6) . C'est ce que l'on a coutume

d'appeler la théorie de l'abus de droit. Avec le rescrit il s'agit de souscrire, comme l'a écrit le professeur Maurice COZIAN, « une assurance non pas « tous risques fiscaux », mais une assurance « anti-abus de droit » »

(7) .

I. La procédure initiale : une portée limitée 4 Considérons que le législateur n'a pas vocation à produire des textes qui embrassent toutes les situations dans le moindre détail, et que l'administration par une doctrine certes foisonnante est incapable d'envisager tous les cas spécifiques qui peuvent se présenter. Malgré tout, il faut que l'administration fiscale accepte l'idée de faire du sur-mesure qui respecte la loi et son esprit.Les solutions retenues, pour régler des questions qui par nature sont particulières, doivent engager l'administration. Il en va de ce que l'on a pour habitude de nommer la sécurité juridique et la confiance légitime. Le principe de sécurité juridique n'ayant pas encore valeur constitutionnelle, contrairement à sa reconnaissance qui résulte de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes

(8) ,

l'administration fiscale doit assurer au contribuable une sécurité juridique personnalisée quand elle valide une solution en réponse à une question précise. Avec le rescrit, le contribuable doit présenter sa propre analyse puis solliciter l'accord de l'administration. a. Une prise de position formelle 5 Nous pouvons définir le rescrit comme étant une prise de position formelle de l'administration, sur une situation de fait au regard d'un texte fiscal. Peuvent bénéficier de la procédure les particuliers, les professionnels mais aussi les collectivités locales. Tous les impôts, droits et taxes figurant dans le CGI peuvent faire l'objet d'un rescrit. Celui-ci ne s'applique ni aux procédures de contrôle fiscal, ni aux obligations comptables ni aux modalités

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d'application des pénalités (9)

. 6 Lorsque l'administration a formellement pris position, elle ne peut procéder à aucune imposition supplémentaire qui serait fondée sur une appréciation différente. Pour bénéficier de cette procédure, qui est de notre point de vue une garantie, il ne suffit pas que le contribuable soit de bonne foi, il est nécessaire qu'il ait fait une présentation complète des faits et de la solution envisagée. Dans ces conditions, il peut être conduit à produire un projet de contrat, de convention ou de statuts, documents souvent indispensables pour l'appréciation d'une opération donnée. Pour une partie de la doctrine la chose n'est pas sans risque car « le recours au rescrit fiscal peut également avoir des effets néfastes dans la mesure où l'attention de l'administration peut être attirée sur une opération que sans cela elle n'aurait peut-être pas songé à contester »

(10) . C'est un risque qu'il faut

gérer. Reconnaissons simplement qu'il est difficile de demander à l'administration de se prononcer, sans lui montrer tous les éléments d'une opération que le contribuable cherche à valider. Dès la mise en place du dispositif, d'autres réserves non moins sérieuses ont été formulées dans les hypothèses où l'administration formule une réponse négative ou encore quand le contribuable fournit, volontairement ou non, des renseignements incomplets ou inexacts

(11) . La pratique est venue faire litière de ces craintes

sans les dissiper totalement. Certains auteurs considèrent même que « le rescrit est une garantie pour le contribuable »

(12) .

Dans les pays où le rescrit n'existe pas, la doctrine le revendique au nom de la sécurité juridique au profit du contribuable, sans prendre en compte les risques qu'il peut induire

(13) .

7 Les réponses de l'administration ne sont pas intangibles. Toutefois, si l'administration fait évoluer sa position, elle ne pourra le faire qu'après en avoir informé le contribuable. Ce changement d'appréciation ne vaudra que pour l'avenir, en conséquence de quoi les impositions antérieures ne seront pas remises en cause. Quand l'évolution est due à un changement de législation, la garantie cesse dès l'entrée en vigueur du nouveau texte. Enfin, si la situation de fait, qui a été présentée par le contribuable, se transforme, l'administration n'est pas liée par sa position initiale. Bénéficier d'un rescrit qui valide une solution, c'est-à-dire en réalité qui écarte l'hypothèse de l'abus de droit, ne signifie pas qu'il ne faille pas rester vigilant pour l'avenir. 8 La procédure de rescrit, visée à l'article L 64 B du LPF, n'est pas la seule qui permette d'obtenir une prise de position formelle de la part de

l'administration (14)

. En effet, les articles L 80 A 1er

alinéa et L 80 B du LPF disposent que l'administration ne peut procéder à des rectifications d'impositions antérieures lorsqu'il est établi que le contribuable s'est fondé sur une interprétation d'un texte fiscal admise par l'administration ou lorsque celle-ci a pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal

(15) .

L'article L 80 B, 1 trouve à s'appliquer pour l'appréciation d'une situation de fait, au regard d'un texte fiscal, lorsqu'il est démontré que l'appréciation portée par le contribuable de bonne foi a été antérieurement admise formellement par l'administration et que cette position concernait le contribuable lui-même. Par conséquent la procédure de rescrit peut être utilisée dans le cadre fixé par l'article L 80 B du LPF. Ceci doit permettre aux contribuables de vérifier, par exemple, qu'ils remplissent les conditions pour l'existence d'un établissement stable, ou encore si une dépense est éligible au titre du crédit d'impôt recherche. Ces interrogations pourraient trouver des réponses par la prise de position formelle de l'administration au cours d'une vérification de comptabilité, sur des sujets pour lesquels aucun rehaussement n'est proposé. 9 La procédure de rescrit, eu égard aux conséquences qui s'y rattachent, diffère d'une simple demande de renseignements. Néanmoins la tentation peut être forte de demander à l'administration, par le rescrit, des précisions sur un aspect particulier de la législation ou parfois même sur la doctrine administrative. Dans cette hypothèse, le contribuable n'entend pas dévoiler ses projets avant que l'administration n'ait apporté un certain nombre d'éclaircissements. L'administration pourrait à bon droit déclarer irrecevable, au titre du rescrit, ce qu'il faut bien qualifier parfois de simples demandes de renseignements. Un contentieux, très certainement inutile, pourrait prospérer sur ce point.L'administration à l'évidence a choisi de répondre y compris aux questions générales. Elle le fait d'autant plus volontiers que c'est l'occasion pour elle d'apporter un certain nombre de précisions doctrinales qui pouvaient faire défaut et qui ont pour particularité de ne pas faire l'objet d'une publication au bulletin officiel des impôts. Ce qui ne va pas sans difficultés. Les rescrits dans l'espace « documentation fiscale » du site « impots.gouv » du ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique nous donnent de nombreuses illustrations de ces dérapages. Par exemple à la question, objet du rescrit, « les revenus fonciers tirés de la location d'un immeuble situé en France, perçus par un contribuable ayant transféré son domicile hors de France, sont-ils soumis aux contributions et

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prélèvements sociaux ? », l'administration répond par un rappel de la législation

(16) et en profite pour

préciser que « les dispositions applicables en France métropolitaine et aux départements d'outre-mer ne s'étendent ni aux territoires d'outre-mer (TOM), ni aux collectivités à statut particulier ». Il peut arriver que la réponse se résume à l'interprétation exégétique de la doctrine administrative. Celle-ci est en quelque sorte de la doctrine sur la doctrine. Quand les questions sont très précises, les réponses le sont également. L'administration n'hésite pas à rappeler la loi, à faire état de l'interprétation qu'elle en a mais aussi opère des distinctions et formule des hypothèses pour répondre à l'interpellation de façon générale. 10 Dès lors que la question a été posée, l'administration dispose d'un délai de six mois pour y répondre, à l'exception de rescrits particuliers. On peut considérer que ce délai est trop long quand la vie des affaires exige des réponses rapides et néanmoins sécurisées. Il n'est pas incongru d'imaginer de le diviser par deux. Toutefois il faut laisser le temps à l'administration centrale, à qui est adressé le rescrit, d'apprécier le dossier dans son ensemble et de mesurer toutes les conséquences, financières et juridiques, d'une prise de position formelle. Si l'administration ne répond pas dans le délai, qui est actuellement imparti à compter de la demande, on ne peut pas dire qu'elle accepte formellement la solution proposée par le contribuable, mais dans l'hypothèse d'un contrôle fiscal la procédure d'abus de droit ne pourra pas être mise en oeuvre. Quand le contribuable ne remplit pas toutes les conditions pour bénéficier de la procédure de rescrit, notamment la production d'éléments utiles pour apprécier la portée véritable de l'opération, l'administration n'est pas obligée de répondre et le contribuable ne saurait tirer profit de ce silence. De même, l'administration ne saurait être engagée par une position d'acquiescement à la solution du contribuable si celui-ci a nourri son dossier d'éléments erronés. 11 Quand l'administration ne partage pas l'analyse du contribuable et qu'elle le lui fait savoir, celui-ci peut modifier les éléments de son dossier et solliciter dans le même cadre l'administration, mais rien ne s'oppose à ce qu'il persiste dans son raisonnement. Si le désaccord est soulevé sur ce point à l'occasion d'un contrôle fiscal, la question de l'abus de droit éventuel sera posée. Ne doutons pas que le juge de l'impôt y réponde. b. Retours aux sources : rescrit et abus de droit 12 Personne ne sait combien de procédures de

répression des abus de droit auraient été évitées si les contribuables, et leurs conseils, avaient eu la sagesse de faire du rescrit. L'administration tient du législateur le droit de restituer leur véritable caractère aux « actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses qui donnent ouverture à des droits d'enregistrement ou de publicité foncière moins élevés ; ou qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus ; ou qui permettent d'éviter, en totalité ou en partie, le paiement de taxes sur le chiffre d'affaires correspondant aux opérations effectuées en exécution de ce contrat ou de cette convention »

(17) .

Autrement dit, la procédure de répression des abus de droit est destinée à déjouer les manoeuvres ayant pour objet d'éluder l'impôt en utilisant des conventions ou montages juridiques qui, bien qu'apparemment réguliers, ne traduisent pas le véritable caractère des opérations réalisées. Dans un arrêt de principe, rendu en formation plénière, le Conseil d'Etat a considéré que l'administration « pour pouvoir écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable » doit « établir que ces actes ont un caractère fictif ou, à défaut, qu'ils n'ont pu être inspirés par aucun motif autre que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées eu égard à sa situation et à ses activités réelles »

(18) .

Ultérieurement le Conseil d'Etat a précisé qu'en recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes, à l'encontre des objectifs poursuivis par les auteurs de ces derniers, un contribuable n'a été inspiré que par le souci d'éluder l'impôt qui aurait été dû compte tenu de la situation et des activités réelles de l'intéressé ; à ce titre l'abus de droit est caractérisé

(19) . Avec cette conception extensive, le Conseil

d'Etat finit par rejoindre la position de la Cour de justice des Communautés européennes

(20) .

La Cour de cassation, depuis 1867 (21)

, a cheminé dans le même sens. En 1984, elle n'admettait l'abus de droit que si deux conditions cumulatives étaient réunies : le caractère fictif des opérations et le but exclusivement fiscal

(22) . Depuis 1988 la Cour de

cassation a rejoint la position du Conseil d'Etat en retenant une alternative : une opération non fictive peut quand même constituer un abus de droit si elle a pour but exclusif d'éluder l'impôt

(23) .

13 Ni le Conseil d'Etat ni la Cour de cassation ne sanctionnent l'habileté en matière fiscale. Quand un acte est fictif l'abus de droit est consommé. La procédure de rescrit ne changerait rien à l'affaire. L'établissement d'un bail fictif, par exemple dans le but de déduire la totalité des charges d'un immeuble, constitue un abus de droit

(24) . La qualification est

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43

identique pour un contrat de location de locaux nus qui dissimule en réalité la location de bureaux meublés

(25) , ou pour un contrat de travail destiné à

masquer la gestion directe d'un cabinet d'expert-comptable

(26) . Celles et ceux qui font des actes

fictifs, qu'ils ne contestent pas dans le principe, n'ont nul besoin de la procédure de rescrit. La théorie jurisprudentielle de l'apparence conduit à ce que « l'administration n'est pas tenue de mettre en oeuvre la procédure de répression des abus de droit lorsqu'elle écarte un acte occulte et s'en tient à l'apparence »

(27) . En conséquence, il a été jugé que

l'administration peut, sans invoquer implicitement la procédure de répression de l'abus de droit, écarter comme ne lui étant pas opposable une convention de société en participation à laquelle les parties ont entendu conserver un caractère occulte. En l'espèce le contribuable aurait eu intérêt à se méfier car l'administration étant en droit de s'en tenir à l'apparence créée par le contribuable, ce dernier n'était pas fondé, à défaut de pouvoir se prévaloir de la convention occulte de participation, à invoquer l'existence d'une société de fait

(28) .

Il n'est pas certain que, si le contribuable avait présenté son dossier dans le cadre d'une procédure de rescrit, l'administration l'aurait agréé car les apparences flatteuses sont parfois trompeuses. L'examen des pièces du dossier présenté par le contribuable aurait peut-être permis à l'administration de révéler la véritable nature de l'opération. Le but exclusivement fiscal de certaines opérations, constitutif de l'abus de droit, fait que l'on imagine mal les contribuables faisant une procédure de rescrit pour les faire accepter par l'administration. Il semble difficile de contester le but exclusivement fiscal, par exemple, d'une opération dans laquelle se produit la location par une SCI à son associé prépondérant de la majeure partie d'un immeuble en tant que local d'habitation, afin de permettre à l'intéressé de déduire de son revenu global le déficit foncier résultant des travaux réalisés sur cette partie de l'immeuble

(29) . C'est la même motivation qui

prévaut lors de la création d'une société en participation qui n'a eu aucune activité réelle et dont la création n'a eu pour seul but que celui d'atténuer les charges fiscales de l'une des sociétés associées

(30) . Ne doutons pas que les contribuables qui se

livrent à ces tours de passe-passe n'ont aucun intérêt à ouvrir une procédure de rescrit car l'administration pourrait être tentée d'approfondir ses investigations et de déclencher une vérification de comptabilité. 14 Tous ces montages juridiques ne sont pas obligatoirement constitutifs de l'abus de droit. Il a été jugé en ce sens que la souscription de parts d'une SARL par la mère de la gérante majoritaire, dès lors que l'intéressée disposait du capital nécessaire à la

souscription malgré la modicité de ses revenus, ne posait aucun problème particulier

(31) . De la même

façon, le juge n'a pas retenu l'abus de droit concernant le contrat par lequel une personne a donné en location des locaux nus lui appartenant à une société à responsabilité limitée dont il a la maîtrise, laquelle société a elle-même donné en location à des tiers ces mêmes locaux garnis de meubles

(32) .

Si ces dossiers, et beaucoup d'autres, avaient fait l'objet d'une procédure de rescrit, l'administration n'aurait pas accepté les montages car elle a demandé au juge, consécutivement à un contrôle fiscal, de les sanctionner. L'administration aurait eu grand tort car le juge n'a pas considéré ces opérations comme constitutives d'abus de droit. Dès lors, nous devons tirer comme enseignement qu'un refus d'acceptation d'un montage de la part de l'administration ne signifie pas qu'elle ait obligatoirement raison quant à la qualification juridique. Souvenons-nous en outre que le rapport public annuel du Comité consultatif pour la répression des abus de droit

(33) , qui peut être saisi à

l'initiative du contribuable ou de l'administration (34)

, nous donne un florilège d'avis sommairement motivés portant sur des affaires mettant en jeu des abus de droit éventuels. A la lumière de la jurisprudence nous pouvons affirmer que les contribuables auraient eu parfois intérêt à se livrer à une procédure de rescrit avant de se lancer dans des opérations pour le moins périlleuses

(35) . Par exemple, la création d'une

société holding luxembourgeoise par une société française suivie d'une prise de participation n'est pas en soi critiquable. Mais la chose devient problématique quand cette holding est « dépourvue de substance » et que les placements financiers qu'elle effectue ne sont financièrement pas plus attractifs que ceux qui pourraient être réalisés en France. Pour le juge le montage vise à éviter l'application du mécanisme de l'article 209 B du CGI et à bénéficier du régime fiscal privilégié luxembourgeois. C'est, de son point de vue, un abus de droit

(36) . Peut-être aurait-il été judicieux, dès que

le dossier se mettait en place, d'ouvrir une procédure de rescrit ? L'administration n'aurait très certainement pas accepté la solution du contribuable. Celui-ci aurait pu modifier son projet. Qui, du contribuable ou de l'administration, y aurait le plus à gagner et le moins à perdre ? Les désordres actuels de la jurisprudence

(37) , qui

font que des montages couramment utilisés sont qualifiés d'abus de droit par la Cour de cassation, ne nous incitent pas seulement à la prudence mais à utiliser le rescrit qui est - peut-être - la seule réponse qui permette de combattre l'insécurité juridique ambiante.

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II. Une extension de la procédure 15 La sécurité juridique est un débat récurrent. C'est un souci constant du contribuable et c'est devenu une préoccupation de la direction générale des impôts qui se définit aujourd'hui « comme une administration de services et comme administration de contrôle »

(38) . Dans le contrat de performance

2006-2008, signé par le directeur général des impôts, le secrétaire général du ministère de l'économie et des finances et le directeur du budget, elle s'engage au nom de la sécurisation des contribuables à faire la « promotion de la procédure de rescrit »

(39) . A noter que dans son rapport annuel

de performance 2006, l'administration rappelle les principes du rescrit sans livrer d'informations statistiques sur le sujet. Néanmoins, constatons qu'un sérieux effort a été fait par la loi de finances rectificative pour 2004

(40) et la loi de finances pour

2005 (41)

qui ont élargi la procédure. a. L'entreprise et le rescrit 16 La transmission d'une entreprise est une question délicate, souvent source de désaccords avec l'administration quand il faut en apprécier la valeur. Pour faciliter les opérations de transmission à titre gratuit des entreprises, il a été décidé de donner des assurances au donateur, avant de réaliser l'opération, sur la valeur vénale de l'entreprise qui sert de base au calcul de l'impôt. Cette procédure dite de « rescrit valeur » permet au contribuable de consulter l'administration sur la valeur à laquelle il estime son entreprise et, dans l'hypothèse d'un accord exprès de l'administration, de conclure dans les trois mois de celui-ci l'acte projeté sur la base acceptée par l'administration

(42) . La base ainsi déclarée ne pourra

alors plus être remise en cause pour l'assiette des droits, si la donation effectuée est conforme au projet présenté, de bonne foi, par le chef d'entreprise

(43) .

Ce régime applicable depuis le 22 janvier 1998 a tout d'abord été institué à titre temporaire pour finalement, après plusieurs prorogations, être pérennisé par l'instruction du 11 septembre 2006

(44) .

Les organisations professionnelles ont été associées dans la définition de la procédure. La direction générale des impôts et ses partenaires ont convenu que dans chaque département il n'y ait qu'un interlocuteur unique pour faciliter le dialogue avec le chef d'entreprise et ses conseils. Ils ont décidé, dans un souci de bonnes pratiques, que l'administration devait diffuser un « cahier des charges » exposant l'ensemble des documents que le contribuable devait fournir à l'appui de sa demande. Dans l'hypothèse d'une divergence ils ont prévu l'organisation obligatoire d'une phase orale

permettant un échange de points de vue (45)

. L'administration s'est en outre engagée à répondre dans le délai de six mois, de manière expresse, à toutes les demandes de « rescrit valeur », qui lui parviendront. La doctrine administrative a entendu préciser que le silence de l'administration ne vaut pas accord tacite de celle-ci sur la valeur proposée par le chef d'entreprise

(46) .

L'évaluation retenue dans le cadre du « rescrit valeur » est opposable à l'administration dans le cadre de la prise de garantie faisant suite à une demande de paiement différé et fractionné

(47) . Si le bien devait

se déprécier, le comptable du Trésor pourrait demander un complément de garantie. Avec cette procédure, le contribuable ne prend pas un grand risque. En effet, le chef d'entreprise, pour diverses raisons qui ne regardent que lui, peut, à tout moment, renoncer à sa demande de rescrit. En outre, la valeur qu'il propose ne lui est pas juridiquement opposable. En conséquence, à suivre la doctrine administrative, si le chef d'entreprise a renoncé à sa demande pour réaliser son projet de donation sur une base inférieure à celle qu'il proposait, l'administration ne pourra procéder à un rehaussement en se bornant à lui opposer la valeur indiquée dans sa demande de rescrit

(48) .

Autrement dit, la valeur déclarée par le chef d'entreprise peut être remise en cause mais elle doit, dans les conditions habituelles et normales, être motivée. Enfin la procédure est souple car si le contribuable est amené à réviser en cours d'instruction la valeur à laquelle il estime l'entreprise, il doit informer par simple lettre l'interlocuteur qui lui a été désigné. La procédure a une limite qui tient au fait qu'elle ne peut être retenue que dans des cas où la valeur de l'entreprise n'est pas fixée par la loi. En conséquence, le dispositif ne concerne que les entreprises non cotées. Le « rescrit valeur » n'est pas la seule procédure que peuvent utiliser les chefs d'entreprises et leurs conseils. 17 Il est un rescrit qui peut être de nature à éviter la remise en cause d'un régime dérogatoire, c'est celui qui concerne les entreprises nouvelles. En effet, certaines de ces entreprises peuvent bénéficier d'un régime d'allégement fiscal au titre de leurs premières années d'activité. L'exonération est prévue en faveur des entreprises nouvelles qui seront créées avant le 1

er janvier 2010 dans un certain

nombre de zones territoriales précises. Il s'agit, notamment, des zones à finalité régionale (AFR), des zones de redynamisation urbaine (ZRU) ou encore des zones de revitalisation rurale (ZRR). D'autres conditions doivent être remplies : l'activité de ces entreprises doit être commerciale, industrielle ou artisanale. Les entreprises qui exercent une activité

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non commerciale ne sont admises à ce régime d'exonération que si elles sont soumises à l'impôt sur les sociétés et emploient au moins trois salariés. Dans la plupart des cas, à compter de la date de création, les bénéfices sont totalement puis partiellement exonérés sur une période totale de cinq ans. L'enjeu est d'importance car l'administration, à l'occasion d'un contrôle fiscal, peut remettre en cause le régime si l'entreprise ne remplit pas toutes les conditions. En l'espèce, la demande de rescrit doit être formulée avant le début de l'activité qui, en principe, coïncide avec son inscription au registre du commerce ou des métiers. L'administration a élaboré un questionnaire qui, à titre indicatif, peut être utilisé par le contribuable dans le cadre de sa demande. Elle dispose d'un délai de trois mois, à compter de la date de réception d'un dossier complet, pour donner une réponse sachant que l'absence de réponse dans ce délai vaut accord tacite. La procédure peut être utilisée pour les entreprises qui s'installent dans une zone franche urbaine (ZFU). Dans ce cas aussi, l'absence de réponse dans un délai de trois mois vaut accord tacite de la part de l'administration. 18 Il est une catégorie d'entreprises, qui compte tenu de la technicité de leur activité et de leur statut, aurait parfois intérêt à faire du rescrit, ce sont les jeunes entreprises innovantes. Leur statut de « jeunes entreprises innovantes réalisant des projets de recherche et de développement » s'applique depuis le 1

er janvier 2004 aux entreprises de recherche et de

développement de moins de huit ans, déjà créées depuis le 1

er janvier 2004 et jusqu'au 31 décembre

2013. Ces entreprises bénéficient d'une exonération des cotisations patronales de sécurité sociale pour les personnels participant à la recherche. A cela s'ajoutent des exonérations fiscales non négligeables, en particulier en matière d'impôt sur les bénéfices. En outre, ces entreprises ont une exemption totale d'imposition forfaitaire annuelle durant toute la période d'application du statut de jeune entreprise innovante. L'administration dispose d'un délai de quatre mois pour instruire le rescrit ; faute de réponse, l'accord est réputé tacite. 19 Le bénéfice du dispositif de rescrit a été étendu aux entreprises de recherche et de développement implantées dans un pôle de compétitivité. Il peut arriver que la demande de rescrit porte sur un élément de la gestion de l'entreprise qui conditionne l'investissement. De ce point de vue, il peut ne pas être inutile de faire du rescrit sur la question de savoir s'il est possible, ou non, de pratiquer un amortissement exceptionnel. La demande doit être présentée avant l'acquisition, ou l'achèvement de la fabrication, ou la construction de l'immobilisation

concernée. 20 Le rescrit fiscal doit être compris et intégré comme un instrument juridique qui concourt, parmi d'autres, à la gestion de l'entreprise. b. Un rescrit prometteur : l'accord préalable aux prix de transfert 21 Les prix de transfert peuvent être définis « comme les prix des transactions entre sociétés d'un même groupe et résidentes d'Etats différents. Les prix de transfert supposent ainsi des transactions intragroupe et le passage d'une frontière »

(49) .

Pour éviter une imposition dans un pays il peut être tentant de transférer, avec des procédés variés, de la matière imposable dans un autre Etat où la fiscalité est plus limitée. L'administration dispose d'outils juridiques et de différentes méthodes pour contrôler ces transferts

(50) . Pour écarter le développement

d'un contentieux abondant et quasi systématique, l'administration a donné la possibilité aux entreprises multinationales d'obtenir d'elle un accord préalable sur la méthode de détermination des prix de transfert pour les transactions intragroupe à venir

(51) . Il s'agit

de donner aux entreprises, françaises ou étrangères, la possibilité d'obtenir de l'administration fiscale un accord sur la méthode de détermination des prix de transfert qui s'appliquera aux transactions intragroupe. L'objectif est aussi de résoudre préventivement les difficultés rencontrées par les entreprises tout en garantissant que la méthode retenue dans le respect de la législation est conforme aux principes énoncés par l'OCDE. Enfin le caractère bilatéral de l'accord supprime les risques de double imposition tout en préservant l'assiette fiscale des Etats parties à celui-ci. Une fois la méthode fixée elle ne sera pas remise en cause sur le fondement de l'article 57 du CGI relatif aux transferts indirects de bénéfices à l'étranger

(52) .

L'accord ne vaut plus si la méthode n'est pas respectée, ou si le contribuable a exposé de façon erronée les faits, ou encore s'il a dissimulé des éléments. L'accord préalable aux prix de transfert associe deux administrations fiscales, les effets de celui-ci sont subordonnés à l'adhésion des entreprises concernées. 22 Antérieurement au 1

er janvier 2005, l'accord

bilatéral était négocié, conclu et exécuté par les autorités compétentes sur le fondement des procédures amiables prévues dans les conventions fiscales conclues entre les Etats. L'article 20 de la loi de finances rectificative pour 2004

(53) a donné force

de loi au dispositif bilatéral en inscrivant les accords préalables parmi les prises de position

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formelles de l'administration dont peuvent se prévaloir les contribuables au sens de l'article L 80 B, 7 du LPF. La loi prévoit en outre la possibilité pour l'administration de conclure un accord unilatéral de prix avec un contribuable. Dans ce cas il s'agit d'une « prise de position formelle de l'administration fiscale française qui garantit l'entreprise demanderesse que les prix pratiqués dans ses relations industrielles, commerciales ou financières intragroupe n'entrent pas dans les prévisions d'un transfert de bénéfice au sens de l'article 57 du CGI »

(54) . L'accord unilatéral, qui semble bien adapté

pour les petites ou moyennes entreprises (PME), n'est pas une garantie interdisant la valorisation des transactions intragroupe par l'administration fiscale de l'autre pays. Concernant les PME, l'administration met à leur disposition un guide pratique, « Les prix de transfert », fournissant ainsi les éléments qui doivent être pris en compte pour l'établissement et la justification des prix de transfert

(55) . Celui-ci, qui

n'est pas exempt de critiques, rappelle et décrit la procédure ; il a été jugé comme ayant une portée doctrinale « considérable »

(56) . Les entreprises se

montrent parfois réservées à l'idée de rechercher un accord préalable. Cela tient essentiellement au fait qu'il faut fournir à l'administration une documentation sur sa politique de prix de transfert. La description et la justification de la méthode de prix choisie, la liste des transactions et des prix pratiqués entre les entreprises liées sont au nombre des éléments à fournir. Les PME doivent, en ce qui les concerne, justifier que la tarification est conforme au principe de pleine concurrence. Les entreprises craignent que tous ces éléments permettent à l'administration de faire un contrôle fiscal, qui ne dirait pas son nom, sans les garanties attachées à cette procédure. La tentation peut effectivement exister, mais acceptons l'idée que l'administration ne peut pas s'engager sans être pleinement informée. L'interrogation quant au contrôle potentiel se combine avec la sentiment d'être surveillée car l'entreprise qui a un accord préalable doit produire, en complément de la déclaration annuelle de résultats, un rapport annuel de conformité afin que l'administration puisse s'assurer du respect des termes de l'accord. 23 Dans beaucoup d'Etats une procédure analogue existe, elle prend la forme de rulings. En Belgique, depuis 1999, un contribuable peut obtenir une décision de l'administration qui se prononce sur la manière dont elle appliquera la loi en matière de prix de transfert, mais aussi concernant les conditions dans lesquelles peuvent être opérés des services de facturation rendus par une société résidente ou un établissement stable d'une société

étrangère (57)

. Le délai de réponse est généralement de trois mois, et peut être prorogé d'autant. La décision est en principe valable pour cinq ans. Le modèle en la matière, si tant est qu'il puisse y en avoir un, est celui des Pays-Bas. Des observateurs attentifs notaient : « les rulings sont le plus souvent demandés pour connaître les conséquences fiscales aux Pays-Bas de transactions intragroupes et l'appréciation par l'administration d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal ou de la jurisprudence (notamment l'appréciation de la « participation-exemption ») ou la détermination de l'assiette taxable aux Pays-Bas d'opérations entre entités apparentées (prix de transfert, etc...) »

(58) .

Les Pays-Bas se sont fixés pour politique de s'assurer que le ruling s'aligne sur les directives de l'OCDE en matière de prix de transfert et éviter que l'octroi de rulings porte atteinte à la bonne foi dans les relations des Pays-Bas avec d'autres pays avec lesquels ils ont conclu des conventions fiscales. Les accords préalables sur les prix de transfert et les accords préalables sur la qualification fiscale de structures internationales

(59) sont les deux types de rulings mis

en oeuvre. Les rulings envisageables peuvent être unilatéraux, bilatéraux ou multilatéraux. Ils peuvent être accordés pour quatre à cinq ans et ont pour particularité de pouvoir être rétroactifs. Ils ne sont accordés que si le contribuable accepte l'échange d'informations vers son pays d'origine. Au dispositif s'ajoute la possibilité de conclure des accords préalables sur la qualification fiscale de structures internationales

(60) . Ceci permet de s'assurer de

l'applicabilité de la participation - exemption à un holding intermédiaire ou au holding principal dans la mesure où aucune des filiales n'exerce une activité aux Pays-Bas. Il est possible aussi de vérifier le traitement fiscal réservé aux structures internationales impliquant des instruments financiers ou des entités hybrides. Enfin un contribuable peut connaître par cette procédure la position de l'administration sur l'existence ou non d'un établissement stable aux Pays-Bas. 24 Le législateur français a offert cette dernière possibilité aux opérateurs, pour renforcer l'attractivité de la France. Un nouveau dispositif de rescrit relatif à l'établissement stable a été créé à compter du 1

er janvier 2005 dans la loi de finances

rectificative pour 2004. Il s'agit pour une entreprise d'obtenir l'assurance qu'elle ne dispose pas en France d'établissement stable, ou de base fixe, au sens de la convention fiscale liant la France à leur Etat de résidence. L'absence de réponse de l'administration dans un délai de trois mois vaut accord tacite de l'établissement stable ou de base fixe d'affaires en France.

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III. Conclusion 25 Dans un monde où les échanges s'intensifient et où les entreprises se mondialisent, il n'est pas douteux qu'elles veuillent sécuriser leurs transactions et leurs transferts. La procédure de rescrit, qu'il faut très certainement encore développer, doit y concourir. Nul ne peut contester que les gouvernements successifs, notamment dans la dernière période, ont cherché à encourager le recours au rescrit en élargissant son champ d'application. Cette orientation est conforme à l'idée que l'administration fiscale se transforme peu à peu en une administration de services, tout en gardant ses prérogatives en matière de contrôle fiscal. Le constat largement partagé, vingt ans après la mise en place de cette procédure, est de dire qu'en « dépit de l'ensemble des moyens mis en oeuvre par le législateur, la technique du rescrit ne semble pas avoir le succès escompté »

(61) .

La procédure trouvera son plein épanouissement quand le lien qui unit l'administration au contribuable reposera sur la confiance réciproque. Pour le moment, même si l'administration délivre des signes dans ce sens, la méfiance prévaut.

(1) P. NICOLEAU, « Dicojuris. Lexique de droit privé. » Ellipses 1996, p. 305.

(2) J.-L. ALBERT, J.-L. PIERRE, D. RICHER « Dictionnaire de droit fiscal et douanier », Ellipses 2007, p. 482.

(3) Article 121-1 et suivants du Règlement général de l'Autorité des marchés financiers. Code des sociétés et marchés financiers : Dalloz, édition 2007, p. 1609.

(4) B. OPPETIT, « La résurgence du rescrit », Dalloz 1991, Chr. p. 105.

(5) M. AICARDI « L'amélioration des rapports entre les citoyens et les administrations fiscales et douanières ». La Documentation française, collection : Des rapports officiels 1986, 72 pages.

(6) Article L 64 du LPF.

(7) M. COZIAN, « L'aménagement de la procédure de l'abus de droit, L'amélioration des rapports entre l'administration fiscale et les contribuables », PUF 1989, p. 157 s.

(8) J.-C. BOUCHARD, « La note 442 du 26 mars 1928, un retour vers le futur ? Des principes de bonne administration, de sécurité juridique, de confiance légitime... » : Droit fiscal 2007, 20, p. 10 s.

(9) T. LAMBERT, « Contrôle fiscal. Droit et pratique », PUF, collection : Droit fondamental, 2

e

édition, 1998, p. 373 s.

(10) P. SERLOOTEN, « Droit fiscal des affaires du Traité de droit commercial » G. RIPERT, R. ROBLOT, LGDJ Tome 3 1997, p. 99.

(11) Parmi les critiques les plus pertinentes lire B. BENOIT, « Le rescrit fiscal », Revue française de comptabilité 1989, 199, p. 39 s. ; F. DOUET, « Contribution à l'étude de la sécurité juridique en droit fiscal interne français » : LGDJ, collection : Bibliothèque de droit privé 1997, p. 276 s.

(12) L. AGRON, « Histoire du vocabulaire fiscal », LGDJ, collection : Bibliothèque de science financière 2000, p. 347.

(13) C'est la situation que nous trouvons, par exemple, en Tunisie : O. GADHOUM, « La doctrine administrative fiscale en Tunisie », L'harmattan, collection : Finances publiques 2007, p. 267 s.

(14) G. NOEL, « L'opposabilité des prises de position de l'administration fiscale sur la situation des contribuables, L'amélioration des rapports entre l'administration fiscale et les contribuables », op. cit., p. 67 s.

(15) J.-J. BIENVENU, T. LAMBERT, Droit fiscal, PUF, collection : Droit fondamental - classiques, 3

e édition 2003, p. 88 s.

(16) Articles 1600-O C, 1600-O F bis, 1600-O G et 1600-O H du CGI : sont assujettis aux contributions et prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine, dont les revenus fonciers, les personnes physiques fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B du même Code.

(17) Article L 64 du LPF.

(18) CE plén. 10 juin 1981, n° 19079 : RJF 9/81 n° 787.

(19) CE 28 février 2007, n° 284565, min c/ Persicot : RJF 5/07 n° 599, concl. L. Vallée.

(20) CJCE 21 février 2006, aff. 255/02, RJF 5/06 n° 648, étude O. FOUQUET, p. 383, concl. Luis Miguel Biares P. Maduro BDCF 5/06 n° 68 ; D. LECOMTE, « L'abus de droit dans l'union européenne, Mondialisation et fiscalité ». « La globalisation fiscale », L'harmattan : collection : Finances publiques 2006, p. 171 s.

(21) Cass. Civ. 20 août 1867, DP 1867, 1, 337.

(22) Cass. Com. 16 octobre 1984, n° 734, RJF 2/85 n° 342.

(23) Cass. Com. 19 avril 1988 n° 86-19079, RJF 2/89 n° 250.

(24) CE 15 janvier 1982 n° 16190 : RJF 2/82, n°

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128.

(25) CE 25 mars 1983 n° 30787 : RJF 6/83 n° 775, concl. LEGER, Droit fiscal 1983, comm. 2177.

(26) CE 21 décembre 1983 n° 31934 : RJF 1/84 n° 104.

(27) L. OLLEON, « L'être, le paraître et l'abus de droit », RJF 4/03 p. 303 s.

(28) CE 29 janvier 2003, n° 233373, SNC Cidal : RJF 4/03 n° 474, concl. G. Bachelier BDCF 4/03 n° 53.

(29) CE 10 novembre 1993, n° 62445, Gianoli : RJF 1/94 n° 68, concl. O. Fouquet p. 10.

(30) CE 10 mai 1993 n° 95128, SARL Elite Model Management : RJF 7/93 n° 1038.

(31) CE 5 juin 1991 n° 85002, Vignoud : RJF 8-9/91 n° 1132.

(32) CE 23 février 1979 n° 6688 : RJF 4/79 n° 242.

(33) Article 1653 C du CGI.

(34) Article L 64 du LPF.

(35) Pour de nombreuses applications concrètes relire A. CHAPPERT, « L'abus de droit en matière fiscale » : Defrénois 1994, art. 35.915.

(36) CE 18 février 2004 n° 247729 min c/ Sté Pléiade : RJF 5/04 n° 510, concl. P. COLLIN, BDCF 5/04 n° 65 ; note C. ACARD, « Abus de droit et détention d'une participation minoritaire dans un holding luxembourgeois », Banque et droit 2004, 95, p. 65 s. ; note M. COLLET, « L'abus de droit apprécié d'après la substance de la société visée », Bulletin Joly, 6/04, p. 791 s.

(37) Lire la démonstration très convaincante de B. HATOUX, « L'insécurité juridique érigée en principe ? ou l'abus est dangereux » : RJF 8-9/07 p. 710 s.

(38) Cf. L'introduction du contrat de performance 2006-2008 de la direction générale des impôts.

(39) Article 4-2 « Une plus grande sécurité juridique pour le contribuable » du contrat de performance, op. cit.

(40) Loi 2004-1485 du 30 décembre 2004, (JO 31 p. 22522).

(41) Loi 2004-1484 du 30 décembre 2004, (JO 31 p. 22459).

(42) P.-A. ANJUERE, « Le rescrit au service des transmissions d'entreprises » : Les nouvelles fiscales 1998, 778, p. 27 s.

(43) Inst. 8 janvier 1998, 13 L-2-98 ; D. adm. 13 L-1323 n° 121 et 122, 1

er juillet 2002.

(44) Inst. 11 septembre 2006, 13 L-05-06.

(45) Certains auteurs ont vu dans cette procédure un mécanisme dangereux dans l'administration de la preuve notamment M. GIRAY, « Une nouveauté dans la transmission fiscale d'entreprise : le rescrit », JCP N 1998, p. 983 s.

(46) D. adm. 13 L-1323 n° 135, op. cit.

(47) Articles 397 A et 404 GA à 404 GD de l'annexe III du CGI.

(48) Inst. 8 janvier 1998, op. cit.

(49) J.-L. ALBERT, JL. Pierre, D. RICHER « Dictionnaire de droit fiscal et douanier », op. cit., p. 429 s.

(50) N. GHARBI, « Le contrôle fiscal des prix de transfert », L'Harmattan, collection : Finances publiques 2005, 495 pages.

(51) Inst. 7 septembre 1999, 4 A-8-99.

(52) J.-N. THOMAS, « Le contrôle fiscal des opérations internationales », L'Harmattan, collection : Finances publiques 2004 p. 41.

(53) Loi 2004-1485 du 30 décembre 2004, op. cit.

(54) Inst. 24 juin 2005, 4 A-11-05.

(55) Se reporter aux commentaires de l'instruction du 28 novembre 2006, 4 A-13-06.

(56) A. LE BOULANGER, « Prix de transfert : la DGI étoffe sa doctrine », Bulletin fiscal Francis Lefebvre BF 7/07 p. 551 s.

(57) Dossiers internationaux Francis Lefebvre, Belgique, édition 2002 p. 187.

(58) Dossiers internationaux Francis Lefebvre, Pays-Bas, édition 2001 p. 142.

(59) Advance pricing agreements - APAs ; advance tax rulings - ATR

(60) Dénommés ATRs.

(61) C. CTORZA, F. HENTZGEN, « Nouveau millésime pour le rescrit », Les nouvelles fiscales, 15 juin 2006, p. 22 s.

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SÉANCE 5 : Le contentieux fiscal I

I. Bibliographie

CASTAGNEDE (B.), « Remarques sur la nature juridique du contentieux fiscal, RSF 1970, p. 5 et s. ;

ESCLASSAN (M.-C.), « L’organisation du contentieux fiscal est-elle toujours d’actualité ? », RFFP, 100/2007, p.59

HERTZOG (R.) (sous la direction de), Le juge fiscal, Paris, Economica, 1998 ;

MASCLET DE BARBARIN (M.), Le contentieux du recouvrement de l’impôt, Paris, LGDJ, 2005 ;

RICHER (L.), Les droits du contribuable dans le contentieux fiscal, Paris, LGDJ, 1997.

II. Documents

Textes fondamentaux :

o Livre des procédures fiscales (L 199 à L 199 C) ;

Documents :

o BACHELIER (G.), « La suspension du recouvrement de l’imposition : de nouvelles opportunités ? », Les nouvelles fiscales, 2004, n°915, p.21 ;

III. Exercices

1. Monsieur Framboise souhaite obtenir une remise d’impôt sur le revenu et souhaiterait savoir quelles démarches il doit accomplir pour cela.

2. Monsieur Ankète souhaite contester la décision de rejet du Directeur des services fiscaux concernant l’atténuation de sa majoration d’impôt sur la fortune.

3. A la suite du décès de sa mère, Monsieur Ankète a seul été mis en demeure de payer la cotisation d’impôt sur le revenu établie au nom de cette dernière. Il souhaiterait contester les actes de poursuites décernés à son encontre par l’Administration fiscale pour avoir paiement de cet impôt.

4. Monsieur Framboise s’est vu saisir une partie de son salaire par suite d’une erreur commise par les services de recouvrement. Cette saisie lui ayant occasionné de nombreuses difficultés, il souhaiterait savoir comment demander réparation du préjudice subi.

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Textes fondamentaux

Article L 199 LPF

En matière d'impôts directs et de taxes sur le chiffre d'affaires ou de taxes assimilées, les décisions rendues par l'administration sur les réclamations contentieuses et qui ne donnent pas entière satisfaction aux intéressés peuvent être portées devant le tribunal administratif. Il en est de même pour les décisions intervenues en cas de contestation pour la fixation du montant des abonnements prévus à l'article 1700 du code général des impôts pour les établissements soumis à l'impôt sur les spectacles (Il en est également de même pour les décisions prises d'office en matière de mutation de cote en application de l'article 1404 du code général des impôts en vigueur jusqu'au 31 juillet 1994). En matière de droits d'enregistrement, de taxe de publicité foncière, de droits de timbre, de contributions indirectes et de taxes assimilées à ces droits, taxes ou contributions, le tribunal compétent est le tribunal de grande instance. Les jugements des tribunaux de grande instance rendus jusqu'au 28 février 1998 sont sans appel et ne peuvent être attaqués que par voie de cassation. A compter du 1er mars 1998, les tribunaux de grande instance statuent en premier ressort. Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application).

Article L 199 B

Les affaires portées devant les juridictions de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif, relatives au contentieux des impôts, droits, taxes et redevances prévus au code général des impôts ainsi que des amendes fiscales correspondantes, sont jugées en séances publiques.

Article L 199 C L'administration, ainsi que le contribuable, dans la limite du dégrèvement ou de la restitution sollicités, peuvent faire valoir tout moyen nouveau, tant devant le tribunal administratif que devant la cour administrative d'appel, jusqu'à la clôture de l'instruction. Il en est de même devant le tribunal de grande instance et la cour d'appel (La disposition de cette deuxième phrase est applicable aux jugements rendus à compter du 1er mars 1998. Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application).

« La suspension du recouvrement de l’imposition : de nouvelles opportunités ? », Les nouvelles fiscales, 2004, n°915, par Gilles BACHELIER

L. no 2002-597, 30 juin 2000, JO 1er juill., p. 9948.

La récente réforme du sursis de paiement offre-t-elle de nouvelles opportunités ? La voie du référé-suspension est-elle plus avantageuse ?

Pour trancher ces questions, il conviendra de s’interroger sur l’articulation de la procédure du sursis de paiement avec celle du référé-suspension et d’examiner l’incidence de la réforme du sursis de paiement. Dans une dernière partie, il y aura lieu d’envisager l’application de la procédure du référé-suspension à la matière fiscale afin de dégager les conséquences concrètes de la coexistence de ces deux procédures.

La décision d’imposition d’un contribuable prend la forme d’un article du rôle ou d’un avis de mise en recouvrement mais au regard de sa nature, elle ne se

distingue pas des autres décisions administratives. Elle a la nature d’un acte exécutoire et ni la réclamation préalable obligatoire à l’Administration fiscale (LPF, art. L. 190) ni, en cas de rejet de cette demande, la saisine du tribunal administratif ne suspendent l’exécution de cette décision. Mais en matière fiscale, il existe une double particularité : d’une part, depuis une loi du 13 juillet 1903,

le contribuable peut demander le sursis de paiement de l’imposition qui lui est réclamé. L’octroi de ce sursis (LPF, art. L. 277) est soumis à des conditions qui ont récemment évolué ;

d’autre part, le service est autorisé par la loi à procéder à l’exécution forcée de ses décisions. On se trouve dans l’une des hypothèses où il est dérogé à la règle de la non-exécution d’office par l’Administration de ses actes.

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Les mesures de poursuite (LPF, art. L. 258) peuvent aboutir à l’appréhension forcée des biens du contribuable.

L’existence d’une procédure particulière de sursis de paiement pose la question de son articulation avec la procédure de référé-suspension (CJA, art. L. 521-1). Ainsi, quand une décision administrative même de rejet fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision ou de certains de ses effets lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision.

Pour apprécier si de nouvelles opportunités sont offertes au contribuable en matière de suspension du recouvrement de l’impôt, il convient de s’interroger d’abord sur l’articulation de la procédure du sursis de paiement avec celle du référé-suspension. Cette question étant tranchée, il y aura lieu ensuite d’examiner l’incidence de la réforme du sursis de paiement introduite par la loi de finances pour 2002 puis d’envisager l’application de la procédure du référé-suspension à la matière fiscale afin de dégager les conséquences concrètes de la coexistence des deux procédures.

→L’articulation de la procédure du sursis de paiement et du référé-suspension

Cette question n’est pas nouvelle. Elle ne résulte pas de l’institution par la loi du 30 juin 2000 de la procédure du référé-suspension entrée en vigueur le 1er janvier 2001. Elle se posait déjà sous l’empire du sursis à exécution de décisions administratives.

UN DÉBAT RÉCURRENT

Pour examiner cette question, il faut avoir à l’esprit que le sursis de paiement et la suspension de la décision d’imposition sont deux procédures qui n’ont pas le même objet, ne se déroulent pas devant les mêmes autorités, n’obéissent pas aux mêmes conditions, ne donnent pas lieu à la mise en œuvre des mêmes pouvoirs de ces autorités et enfin ne produisent pas les mêmes effets.

S’agissant d’abord de l’objet, le contribuable qui conteste le bien-fondé ou le montant d’une imposition peut, par l’octroi du sursis de paiement, être autorisé par le comptable à en différer le paiement (LPF, art. L. 277). Ce sursis se rattache au recouvrement de l’impôt.

La procédure du référé-suspension a pour objet la suspension de l’exécution de la décision d’imposition et concerne l’assiette.

S’agissant ensuite des autorités saisies, le sursis de paiement est une procédure qui se déroule d’abord et avant tout devant l’Administration. La procédure peut devenir juridictionnelle si les garanties offertes ont été refusées par le comptable et si ce refus est contesté.

En matière d’impôts directs, le contribuable peut saisir le juge du référé fiscal (LPF, art. L. 279) qui est un magistrat du tribunal administratif et lui demander soit de dire que les garanties offertes devaient être acceptées par le comptable soit même de le dispenser de garanties. Mais pour saisir ce juge, il lui faut consigner une somme égale à un dixième du montant de l’impôt contesté. La procédure de suspension est exclusivement juridictionnelle et se déroule devant le juge des référés.

S’agissant maintenant des conditions régissant ces deux procédures, on relève que la demande de sursis de paiement doit être formulée à l’occasion d’une réclamation présentée régulièrement et dans le délai légal (1) . À défaut, elle est irrecevable. Ce sursis n’est en rien subordonné à une condition d’urgence ou au caractère sérieux de la contestation de l’impôt. Il suppose seulement l’offre de garanties.

La demande de suspension peut être présentée à tout moment de la procédure au juge des référés. Elle suppose normalement une requête au fond. Elle peut même être réitérée. Elle implique une urgence et un moyen propre à faire naître un doute sérieux et ne réclame la constitution d’aucune garantie.

S’agissant par ailleurs de l’étendue des pouvoirs conférés à l’autorité saisie, le sursis de paiement ne peut être refusé au contribuable que s’il n’a pas constitué auprès du comptable les garanties propres à assurer le recouvrement de la créance du Trésor (LPF, art. L. 277, 1er al.). Il s’agit donc d’un droit pour le contribuable dès lors qu’il a satisfait à cette condition.

La suspension de la décision d’imposition reste une faculté donnée au juge des référés selon les termes mêmes de l’article L. 521-1 du code.

S’agissant enfin des effets de la décision, le sursis de paiement porte sur l’ensemble des impositions ayant fait l’objet de la demande de sursis. Il est donc intégral dès lors que les garanties nécessaires ont été constituées et sauf si celles-ci venaient à disparaître, il est en principe irrévocable et demeure, en cas de saisine du tribunal administratif, jusqu’à la date de son jugement. La suspension de la décision d’imposition peut n’être que partielle et le juge des référés peut, sur demande, à tout moment y mettre fin au vu d’un élément nouveau (CJA, art. L. 52-4). Ajoutons que si le tribunal administratif rejette la demande en décharge de tout ou partie des

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impositions qui ont bénéficié d’un sursis de paiement, l’impôt maintenu donne lieu au versement d’intérêts moratoires au taux de l’intérêt légal (LPF, art. L. 209). Par ailleurs, le tribunal peut prononcer une majoration des droits contestés à tort lorsqu’il estime que le sursis a conduit à un retard abusif dans le paiement de l’impôt.

Ces deux conséquences ne se retrouvent pas en cas de suspension de la décision d’imposition.

SUSPENSION DE LA DÉCISION D’IMPOSITION

Cette différence de régime explique que la jurisprudence n’a pas opposé l’existence d’une procédure parallèle de sursis de paiement pour faire obstacle à la mise en œuvre de la procédure de référé-suspension. Telle était déjà la position du Conseil d’État sous l’empire du sursis à exécution (2) .

Cette solution a été confirmée sous l’empire du référé-suspension par la décision de Section « SARL Janfin » (3) . Cet arrêt précise que le contribuable qui a saisi le juge de l’impôt de conclusions tendant à la décharge de l’imposition est recevable à demander au juge des référés la suspension de la mise en recouvrement de l’imposition dès lors que celle-ci est exigible.

C’est précisément sur l’exigibilité de l’impôt que la réforme issue de la loi de finances pour 2002 ouvre des perspectives intéressantes pour les contribuables.

→L’incidence de la réforme du sursis de paiement

La loi de finances pour 2002 modifie les conditions d’obtention du sursis de paiement dans une double mesure (LPF, art. L. 277).

D’une part, il est institué un seuil en dessous duquel aucune constitution de garantie ne sera demandée au contribuable. Ce seuil a été fixé à 3 000 € (LPF, art. R 277-7). D’autre part et surtout, il réforme le régime du mini-sursis en cas de refus de sursis de paiement. Quelle est la portée de cette réforme pour le contribuable ? Quelle est son incidence sur le référé-suspension ?

LA PORTÉE DE L’AMÉNAGEMENT DU RÉGIME DU MINI-SURSIS

Antérieurement à la réforme, lorsque le comptable refusait le sursis de paiement à défaut de constitution de garanties ou en raison de l’offre de garanties offertes estimées insuffisantes, l’imposition redevenait exigible mais il ne pouvait recourir à des mesures de recouvrement forcé. Il était seulement

autorisé à prendre des mesures conservatoires pour les impôts contestés jusqu’à la saisie inclusivement. Cependant, la vente ne pouvait être effectuée ou la contrainte par corps exercée tant qu’une décision définitive n’avait pas été prise sur la réclamation soit par l’Administration soit par le tribunal compétent. Lorsque le comptable avait notifié un avis à tiers détenteur ou avait fait procéder à une saisie à titre de mesures conservatoires, le contribuable pouvait demander au juge du référé fiscal de prononcer la limitation ou l’abandon de cette mesure si elle comportait des conséquences difficilement réparables (LPF, art. L. 277, 4e al.). Dès lors que l’imposition redevenait exigible, le comptable se trouvait ainsi dans l’obligation de notifier des actes de poursuite au contribuable à seule fin d’interrompre la prescription de l’action en recouvrement. Ces mesures conservatoires répondaient à cet objectif.

L’aménagement apporté au régime du mini-sursis répond au souci du législateur de dispenser le comptable d’avoir à signifier des actes interruptifs de prescription. C’est pourquoi, si le comptable peut toujours prendre des mesures conservatoires à l’exception désormais des avis à tiers détenteur, l’exigibilité de la créance et la prescription de l’action en recouvrement sont suspendues jusqu’à ce qu’une décision ait été prise sur la réclamation soit par l’Administration soit par le tribunal compétent. Lorsque le comptable fait procéder à une saisie conservatoire en application du 4e alinéa, le contribuable peut saisir le juge du référé fiscal afin qu’il prononce la limitation ou l’abandon de cette mesure si elle comporte des conséquences difficilement réparables (LPF, art. L. 277, 5e al.).

Ainsi, le refus du comptable n’a pas eu pour effet de rendre à nouveau exigible l’imposition. Celle-ci demeure suspendue. Cette réforme entraîne donc bien un allégement des contraintes pesant sur le contribuable d’acquitter l’imposition.

L’INCIDENCE DE CETTE RÉFORME SUR LA PROCÉDURE DU RÉFÉRÉ-SUSPENSION

La situation est modifiée puisque la condition d’exigibilité de l’impôt posée par la décision « SARL Janfin » ne peut plus jouer et il est permis de s’interroger sur l’intérêt pour un contribuable de demander la suspension d’une décision d’imposition alors que cette imposition n’est plus exigible.

Cet intérêt a été admis et reconnu par le Conseil d’État dans sa décision « SA Le Micocoulier » (4) . En effet, les modifications, apportées au régime du mini-sursis par le législateur, changent la perspective surtout pour le comptable qui n’a plus à signifier

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des actes pour interrompre la prescription. Mais le contribuable peut toujours se voir notifier des mesures conservatoires dont les effets peuvent être susceptibles de menacer gravement sa situation et sa capacité d’agir. Même si l’exigibilité de l’impôt est suspendue, ce seul motif ne suffit pas à priver de tout effet la décision d’imposition.

→L’application de la procédure du référé-suspension à la matière fiscale

Cette procédure est susceptible d’être mise en œuvre en présence et en l’absence d’une demande au fond.

EN PRÉSENCE D’UNE DEMANDE AU FOND

Les conditions d’octroi de la suspension de la décision d’imposition sont de deux ordres.

D’une part, il faut un doute sérieux sur la légalité de cette décision. Le moyen invoqué peut concerner la procédure d’imposition ou le bien-fondé de l’impôt. S’il est de nature à faire naître un tel doute, son incidence pourra être différente sur le quantum de l’imposition dont la suspension est prononcée selon qu’il s’agit d’un moyen relevant de l’une ou l’autre de ces causes juridiques.

D’autre part, la suspension de l’imposition doit répondre à une condition d’urgence. C’est à ce stade que des difficultés peuvent se présenter pour le contribuable. Sans doute, cette condition est-elle moins restrictive que celle du préjudice difficilement réparable exigée sous l’empire du sursis à exécution. Cette condition était rarement remplie. Elle l’était en cas de risque de perte de l’outil de travail résultant de l’obligation de vendre soit le fonds de commerce source principale de ses revenus (5) , soit les parts qu’il détenait dans son entreprise (6) , soit son unique actif professionnel (7) . Il en allait de même en cas de saisie d’un véhicule constituant le seul élément de l’actif d’un marchand ambulant le contraignant à interrompre son activité commerciale (8) .

Le sursis à exécution était également ordonné lorsque, compte tenu de la situation financière de l’entreprise marquée par des déficits importants, le paiement de l’impôt pouvait entraîner la cessation de paiement et la liquidation de la société (9) et le licenciement des salariés (10) .

Le juge retenait aussi l’existence de conséquences difficilement réparables lorsque le contribuable se voyait contraint de vendre sa résidence principale (11) ou se trouvait privé de la quasi-totalité de ses revenus (pour une saisie de 4/5 des revenus : CE, Section, 13 juin 1984 précité). Enfin il avait pris en compte le risque d’emprisonnement du contribuable

en cas de mise en œuvre de la contrainte par corps délivrée par le comptable du Trésor (12) .

En revanche, il était jugé que la condition du préjudice difficilement réparable n’était pas remplie lorsque le patrimoine du contribuable était plusieurs fois supérieur à sa dette fiscale même si celle-ci était importante (13) .

Il en allait de même lorsque la somme en litige était faible (14) ou lorsque le contribuable se bornait à invoquer les effets psychologiques fâcheux des redressements sur ses banquiers et ses clients (15) ou la modestie de ses actifs professionnels et l’existence d’un handicap en se gardant de donner toute indication sur l’usage de sommes importantes dissimulées (16) .

Cette jurisprudence était d’une très grande sévérité.

La condition de l’urgence est moins exigeante. Le juge des référés doit, selon la décision « SARL Janfin », apprécier la gravité des conséquences que pourraient entraîner à brève échéance l’obligation de payer sans délai l’impôt ou les mesures mises en œuvre ou susceptibles de l’être pour sa mise en recouvrement eu égard aux capacités du contribuable à acquitter les sommes qui lui sont demandées. En cas d’octroi du mini-sursis, la condition d’urgence peut être remplie si le contribuable justifie qu’une mesure conservatoire prise par le comptable risque d’entraîner pour lui des conséquences graves.

L’urgence n’est appréciée que du côté du contribuable et non à l’issue d’une comparaison opérée par le juge entre sa situation et celle du Trésor public exposée au risque d’une organisation de son insolvabilité par le redevable. Mais, dans ce cas, il n’est guère douteux que le contribuable avait la capacité de payer l’imposition et que cette circonstance serait retenue pour refuser le caractère d’urgence à la demande de suspension.

La condition d’urgence n’a, à ce jour, été retenue par le Conseil d’État qu’une seule fois dans l’affaire « SARL Janfin ». Étant donné que les ordonnances du juge des référés ne sont susceptibles que d’un pourvoi en cassation et que le juge de cassation laisse au pouvoir souverain du premier juge l’appréciation portée sur la condition d’urgence, il incombe au contribuable d’apporter dans sa demande au tribunal tous les éléments permettant de justifier l’urgence de suspendre l’imposition.

EN L’ABSENCE DE DEMANDE AU FOND

Le référé-suspension présente normalement un caractère accessoire à la demande au fond. Mais, étant donné que celle-ci doit être précédée d’une

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réclamation préalable obligatoire, le contribuable pourrait être privé de l’efficacité de ce référé alors que celui-ci peut être la seule voie qui lui soit offerte notamment dans le cas où il ne peut offrir aucune garantie et où il ne peut ainsi saisir le juge du référé fiscal d’une demande tendant à être dispensé de fournir des garanties.

La Section du contentieux a précisé dans le contentieux général de l’excès de pouvoir par sa décision « Société Produits Roche » (17) l’articulation entre le référé-suspension et le recours administratif préalable. La suspension d’un acte peut être demandée au juge des référés sans attendre que l’Administration ait statué sur ce recours préalable dès lors que l’auteur de la demande a justifié, en produisant une copie de ce recours, qu’il a engagé les démarches nécessaires auprès de l’Administration pour obtenir l’annulation ou la réformation de la décision contestée.

Cette décision fixe aussi le terme de la mesure de suspension lorsque celle-ci est ordonnée par le juge des référés, ce qui suppose que les deux conditions d’urgence et de moyens propres à faire naître un doute sérieux soient remplies. En effet, sauf s’il décide de limiter pour une durée plus restreinte la suspension de l’acte, celle-ci vaut au plus tard jusqu’à l’intervention de la décision administrative prise sur le recours.

Ces règles ont été transposées au référé-suspension de la décision d’imposition et adaptées compte tenu des dispositions du LPF.

En effet, la décision « SA Le Micocoulier » précitée admet la recevabilité du référé-suspension présentée immédiatement après la réclamation adressée au Directeur des services fiscaux et avant même que celui-ci n’ait statué. Ce référé n’est pas subordonné au rejet préalable de la demande de sursis de paiement. Si les conditions d’urgence et de doute sérieux sont réunies, la mesure de suspension ordonnée par le juge des référés cesse au plus tard à la date de la décision explicite du Directeur des services fiscaux statuant sur la réclamation ou de la décision implicite prise à l’expiration du délai de six mois (LPF, art. R*198-10), éventuellement prolongé par le délai complémentaire de trois mois autorisé par ce texte. Ce qui signifie que dès l’intervention de cette décision, le contribuable doit introduire un recours au fond et présenter une demande de référé-suspension.

Ainsi, le référé-suspension peut être invoqué par le contribuable même s’il dispose de l’arme du sursis de paiement. Il lui appartient de rechercher au vu de sa situation propre quelle procédure lui permettra le mieux d’optimiser sa situation. Ce qui conduit à

l’examen des conséquences concrètes de la coexistence de ces deux procédures.

→Les conséquences concrètes de la coexistence des deux procédures du référé-suspension et du sursis de paiement

Plusieurs situations doivent être envisagées. Leur examen montre que le sursis de paiement conserve toute son utilité et devrait en pratique être la voie privilégiée, ce qui permet d’affirmer qu’aucune cannibalisation de cette procédure par le référé-suspension n’est véritablement à craindre.

LE CONTRIBUABLE A DEMANDÉ ET OBTENU LE SURSIS DE PAIEMENT

Ce sursis a pour effet de suspendre l’exigibilité de l’impôt de sorte que la demande de référé-suspension est sans objet et par suite irrecevable (18) .

LE CONTRIBUABLE A DEMANDÉ RÉGULIÈREMENT LE SURSIS DE PAIEMENT

Le comptable n’a pas statué sur les garanties qu’il a proposées et il n’avait pris aucune mesure d’exécution forcée avant la demande de sursis de paiement.

Tant que le comptable n’a pas rejeté les garanties, l’imposition n’est plus exigible et elle ne peut donner lieu à la prise de mesures conservatoires. De là, deux situations peuvent se produire : soit il a présenté un référé-suspension avant le

dépôt de la demande de sursis de paiement. Les conclusions présentées sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative sont devenues sans objet. Le juge des référés prononce un non-lieu à statuer CE, 30 juill. 2003, no 254905, Société laboratoires Legras ; RJF 11/03, no 1311 (1ère espèce) concl. P. COLLIN : BDCF 11/03, no 146. ;

soit le référé-suspension a été présenté après le dépôt de la demande de sursis de paiement. Les conclusions sont alors irrecevables CE, 30 juill. 2003, no 254963, Société DL Distribution ; RJF 11/03, no 1311 (2ème espèce) concl. P. COLLIN précitées.. Il importe peu que le comptable ait statué sur la demande de garanties à la date où le juge des référés statue. Il doit constater l’irrecevabilité définitive des conclusions à fin de référé-suspension.

LE CONTRIBUABLE N’A PAS DEMANDÉ LE SURSIS DE PAIEMENT OU L’A DEMANDÉ

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POSTÉRIEUREMENT À LA PRISE DE MESURE D’EXÉCUTION FORCÉE

La demande de sursis de paiement fait obstacle à de nouvelles mesures d’exécution jusqu’au rejet des garanties (21) mais elle n’a pas en elle-même d’effet sur les transferts de propriété opérés au profit du Trésor antérieurement à son intervention. Seul le sursis obtenu après acceptation des garanties entraîne la restitution des sommes et des biens antérieurement saisis.

La suspension de la décision d’imposition obtenue grâce à un référé-suspension conserve un intérêt pour le contribuable puisqu’elle aura les mêmes effets restitutifs de propriété que le sursis de paiement obtenu après acceptation des garanties.

LE CONTRIBUABLE A DEMANDÉ LE SURSIS DE PAIEMENT QUI A ÉTÉ REJETÉ PAR LE COMPTABLE PUIS A SAISI LE JUGE DU RÉFÉRÉ-SUSPENSION

Dans ce cas également, le référé est recevable et sa recevabilité sera accueillie si les conditions d’urgence et de doute sérieux sont remplies. COMMENTAIRE

Au terme de ce panorama, il apparaît que, en réalité, les deux procédures, loin de se cannibaliser, se complètent ce qui a pour effet de conférer des droits accrus au contribuable, notamment dans le cas de l’impossibilité d’offrir des garanties au comptable. Mais ces procédures conservent leur régime propre et le contribuable n’est pas recevable à saisir le juge du référé-suspension d’une demande de suspension de la lettre du comptable invitant le contribuable qui avait demandé le sursis de paiement à constituer des garanties. En effet, la demande du comptable ne constitue pas un acte détachable de la procédure de sursis de paiement (22) .

(Note 1) CE, 11 janv. 1984, nos 37.480 et 37.481, RJF 3/84, no 371 ; CE, 2 mars 1994, no 104.837 et 104.838, Roge, RJF 5/94, no 641.

(Note 2) CE, Sect., 17 déc. 1976, no 1692, Mme L. ; RJF 2/77, no 117 chron. Mme M. D. HAGELSTEEN, p. 51, concl. D. FABRE : Droit Fiscal 1977 no 31-37, comm. 1274, Grands Arrêts de la Jurisprudence fiscale, 3e édition, Thème 69, p. 939 ; CE, 13 juin 1984, no 46.392, min. Bud./ Masse, concl. O. FOUQUET : p. 210 et Droit Fiscal 1984, no 40, comm. 1688 ; RJF 8-9/84, no 1070, chron. J. GAEREMYNCK p. 463, GAJF Thème 69 p. 939.

(Note 3) CE, 25 avr. 2001, no 230166 et 230345 ; RJF 7/01, no 1016 ; BDCF 7/01 no 103 et Droit Fiscal 2001, no 21, comm. 581.

(Note 4) CE, 6 nov. 2002, no 246380, SA Le Micocoulier ; RJF 1/03, no 107.

(Note 5) CE, 25 janv. 1985, no 59.930 ; RJF 3/85, no 513 ; CE, 6 mai 1985, nos 63.672 et 63.673 ; RJF 7/85, no 1133.

(Note 6) CE, 21 mai 1986, no 72922 ; RJF 7/86, no 740.

(Note 7) CE, 17 nov. 1986, no 72922 ; RJF 1/87, no 70.

(Note 8) CE, 21 oct. 1987, nos 79893 à 79895 ; RJF 12/87, no 1305.

(Note 9) CE, 1er juill. 1987, nos 83353 à 83356 ; RJF 10/87, no 1061.

(Note 10) CE, 21 oct. 1985, no 57.410 ; RJF 12/85, no 1580 ; CE, 24 mars 1999, no 195006, SARL Fauchon-Baudot ; RJF 3/99, no 638.

(Note 11) Pour une personne âgée de 81 ans : CE, 27 févr. 1985, no 61632 ; RJF 4/85, no 663, Droit Fiscal 1986, no 25, comm. 1231 ; CE, 26 oct. 1992, no 90914, Navon ; RJF 12/92, no 1730.

(Note 12) CE, 24 avr. 1989, Le Bigot et Deschamps ; RJF 6/89, no 758.

(Note 13) CE, 6 juin 1984, no 48.173, Venutolo : RJF 8-9/84, no 1101 à propos d’une demande de sursis à exécution d’un refus de sursis de paiement, la législation alors en vigueur ne prévoyant plus que ce sursis était de droit.

(Note 14) Pour un impôt de 6 400 F : CE, 28 juill. 1989, no 97.347, Association de gestion artisanale ; RJF 11/89, no 1278.

(Note 15) CE, 13 avr. 1988, no 78.304 ; RJF 6/88, no 819.

(Note 16) CE, 11 janv. 1988, no 73.254 ; RJF 3/88, no 357.

(Note 17) CE, 12 oct. 2001, no 237376, Société Produits Roche ; RJF 1/02, no 104, chron. L. OLLÉON, RFDA 2002, p. 315.

(Note 18) CE, 9 mars 1988, no 86.078, Carlier ; RJF 5/88, no 677.

(Note 19) CE, 30 juill. 2003, no 254905, Société laboratoires Legras ; RJF 11/03, no 1311 (1ère espèce) concl. P. COLLIN : BDCF 11/03, no 146.

(Note 20) CE, 30 juill. 2003, no 254963, Société DL Distribution ; RJF 11/03, no 1311 (2ème espèce) concl. P. COLLIN précitées.

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(Note 21) CE, Sect., 25 avr. 2001, no 213460, Société Parfival ; RJF 7/01, no 1012 concl. J. COURTIAL ; BDCF 7/01, no 102.

(Note 22) CE (na), 30 juin 2003, no 255489, Société Ethypharm ; RJF 11/03, no 1312 concl. P. COLLIN ; BDCF 11/03 no 147.

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SÉANCE 6 : Interrogation écrite

CONTRÔLE ET CONTENTIEUX FISCAL Cours de M. le Professeur Christian LOUIT – Année universitaire 2009-2010 – 1 h 30

Colle de travaux dirigés

Une attention particulière sera attachée au raisonnement.

1. Grégory est médecin, grand spécialiste du diagnostic différentiel, dans un grand hôpital privé, à la réputation internationale. En mai 2009, il reçoit un courrier de l’administration fiscale lui demandant de justifier de l’origine de revenus qu’il n’aurait pas déclaré entre 2002 et 2006. Ces revenus correspondent à une activité de conseil qu’il donne en dehors de l’hôpital. Considérant que l’administration est prescrite, Grégory estime qu’il n’a pas à répondre. L’administration lui notifie alors de nouvelles bases d’imposition sur le fondement de l’article L 66 du Livre des procédures fiscales. Qu’en pensez-vous ? (6 points)

2. Allison travaille dans le même hôpital. Sur les conseils de Grégory, et après avoir obtenu par écrit

l’avis de l’administration fiscale, elle déduit de son bénéfice l’achat d’une machine permettant d’opérer ses patients à distance. Après avoir reçu son avis d’imposition établi conformément à sa déclaration, elle reçoit au bout de 6 mois une proposition de rectification de ses bases d’impositions, remettant en cause cette déduction en se fondant sur le fait que cette déduction n’est pas autorisée par la loi. Que peut-elle faire et quelles sont ses chances de succès ? (4 points)

3. Lisa est la directrice de l’hôpital, qui fait actuellement l’objet d’une vérification de comptabilité, depuis le 2 juin 2009. Le vérificateur lui demande, afin de terminer sereinement son travail, de pouvoir photocopier les comptes pour les emporter à son bureau. Il reviendra néanmoins plusieurs fois pour rencontrer Lisa. Parallèlement, il demande à tous les fournisseurs de l’hôpital (entreprise de traitement des déchets médicaux, entreprises pharmaceutiques, entreprises de nettoyage, maintenance des appareils médicaux, etc.), l’ensemble de leurs factures relatives à l’établissement, mais également à Grégory et Allison la liste de tous leurs patients et actes pratiqués. Le 8 janvier 2010, Lisa reçoit une proposition de rectification concernant l’hôpital. La proposition indique que les factures des fournisseurs ont mis à jour une surestimation des dépenses et que les bases d’impositions avaient été reconstituées à partir de documents qu’ils ont fournis. Qu’en pensez-vous ? (10 points)

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SÉANCE 7 : Le contentieux fiscal II

I. Bibliographie

DE LA MARDIERE (C.), La preuve en droit fiscal, Paris, Litec, 2009 ;

DE LA MARDIERE (C.), Recours pour excès de pouvoir et contentieux administratif de l’impôt, Paris, LGDJ, 2002 ;

II. Documents

Textes fondamentaux :

o Livre des procédures fiscales (art. L 191 à L 195 A) ;

Documents :

o GEFFREY (E.), « Un moyen d’ordre public doit-il être communiqué au contribuable ou à son avocat ? », Concl. sur CE, 13 février 2009, n°300217, M. Mallavergne, DF, 2009, n°14, comm. 267.

III. Exercices

1. M. Jefédesafère vient de subir une rectification de ses bases d’impositions relatives à l’impôt de solidarité sur la fortune. De plus, l’administration met à sa charge des pénalités pour mauvaise foi dues à son absence totale de coopération.

Sur les conseils de son avocat, il formule une demande de remise gracieuse des pénalités, ce que lui refuse l’administration.

Quel recours s’offre à lui ?

2. M. Jean Reprendrébienhunpeult exploite avec sa femme un café restaurant à Marseille. Suite à un contrôle fiscal, l’inspecteur s’aperçoit qu’il ne déclare qu’1/3 de ses revenus et qu’il exerce également une activité non déclarée de revente de bijoux confectionnés par sa femme, dans son restaurant.

Il trouve injuste d’avoir été condamné à des amendes pénales pour fraude fiscale en plus des amendes fiscales liées à son redressement.

Peut-il contester l’application de ce qu’il considère comme une double peine sur le fondement de la règle selon laquelle on ne peut être jugé deux fois pour les mêmes faits ?

3. M. De Lestrasse a contesté devant le juge administratif la rectification de ses bases d’impositions à l’impôt sur le revenu concernant la déduction des déficits fonciers relatifs au château qu’il possède dans la Loire. Cependant, il a été débouté en 1ère instance, au motif qu’il n’établissait pas le fait qu’il pouvait bénéficier d’une réponse ministérielle admettant la déduction desdits déficits, et ce, alors même qu’il avait fourni au juge tous les documents attestant qu’il en remplissait bien les conditions mais sans en faire la démonstration dans sa requête.

Il s’interroge sur ses chances de succès en appel.

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Textes fondamentaux

Article L 191

Lorsque l'imposition a été établie selon la procédure forfaitaire, la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la réduction de l'imposition.

Article L 192

Lorsque l'une des commissions visées à l'article L 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge. Elle incombe également au contribuable à défaut de

comptabilité ou de pièces en tenant lieu, comme en cas de taxation d'office à l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle en application des dispositions des articles L 16 et L 69.

Article L 193

Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office, la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition.

Article L 195 A

En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manœuvres frauduleuses incombe à l'administration.

GEFFREY (E.), « Un moyen d’ordre public doit-il être communiqué au contribuable ou à son

avocat ? », Concl. sur CE, 13 février 2009, n°300217, M. Mallavergne.

Pour l'application des dispositions de l'article R. 611-7 du Code de justice administrative, relatives à la communication aux parties des moyens d'ordre public, lorsque le courrier par lequel la juridiction informe les parties de ce que la solution du litige est susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, régulièrement adressé au seul avocat, n'a pu lui être remis en raison d'un changement d'adresse non signalé et a été retourné au greffe de la juridiction, il appartient à celle-ci, en cas d'insuccès des nouvelles tentatives pour joindre l'avocat, d'informer personnellement le requérant du moyen relevé d'office.

Dès lors que la lettre d'information prévue par l'article R. 611-7 du Code de justice administrative notifiée à l'avocat du contribuable a été retournée avec la mention « n'habite pas à l'adresse indiquée », que le greffe de la cour administrative d'appel n'a pas cherché à joindre l'avocat par d'autres moyens et n'a pas non plus, à défaut, transmis ce document au requérant, celui-ci est fondé à soutenir que l'arrêt qu'il attaque a été rendu au terme d'une procédure irrégulière et à en demander l'annulation.

CE, 3e et 8e ss-sect., 13 févr. 2009, n° 300217, M. Mallavergne, concl. E. Geffray : JurisData n° 2009-081444

o Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite de la vérification de la comptabilité de la société Sedom, qui exploitait un commerce de détail d'optique, et d'un contrôle sur pièces du dossier fiscal de M. Mallavergne, l'administration fiscale a notifié à ce dernier la réintégration dans ses revenus imposables des années 1991 à 1993 de

revenus distribués par cette société, dont il était le gérant et l'associé ; que M. Mallavergne se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 24 octobre 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel qu'il a interjeté du jugement du 18 mars 2003 du tribunal administratif de Strasbourg rejetant sa demande tendant à la décharge des suppléments d'impôt

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sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1991 à 1993 du fait de ces redressements ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

o Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 611-7 du Code de justice administrative : « Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement (...) en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué » ; qu'aux termes de l'article R. 431-1 du même code, applicable en appel en vertu de l'article R. 811-13 : « Lorsqu'une partie est représentée devant le tribunal administratif par un des mandataires mentionnés à l'article R. 431-2, les actes de procédure, à l'exception de la notification de la décision prévue aux articles R. 751-3 et suivants, ne sont accomplis qu'à l'égard de ce mandataire » ; que pour l'application de ces dispositions, lorsque le courrier par lequel la juridiction informe les parties de ce que la solution du litige est susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, régulièrement adressé au seul avocat, n'a pu lui être remis en raison d'un changement d'adresse non signalé et a été retourné au greffe de la juridiction, il appartient à celle-ci, en cas d'insuccès des nouvelles tentatives pour joindre l'avocat, d'informer personnellement le requérant du moyen relevé d'office ;

o Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, la lettre d'information prévue par l'article R. 611-7 du Code de justice administrative notifiée à l'avocat de M. Mallavergne ayant été retournée avec la mention « n'habite pas à l'adresse indiquée », le greffe de la cour administrative d'appel de Nancy n'a pas cherché à joindre l'avocat par d'autres moyens et n'a pas non plus, à défaut, transmis ce document au requérant ; que, par suite, M. Mallavergne est fondé à soutenir que l'arrêt qu'il attaque a été rendu au terme d'une procédure irrégulière et à en demander l'annulation ;

(...)

Conclusions

1. Faits et procédure

1 - À la suite de la vérification de la comptabilité de la SARL « Société d'exploitation des optiques Mallavergne » (Sedom), qui exploitait un commerce de détail d'optique, M. et Mme Mallavergne ont fait l'objet d'un contrôle sur pièces de leur dossier fiscal. À l'issue de cet examen, l'Administration a notifié au contribuable la réintégration dans ses revenus imposables des années 1991 à 1993 de revenus distribués par cette société dont il était le gérant et l'associé. Il s'agissait, semble-t-il, de factures payées par la société à la place du contribuable et de son épouse, de versements effectués sur le compte-courant d'associé de M. Mallavergne, de charges financières assumées par la société Sedom correspondant à des intérêts d'emprunts souscrits par M. Mallavergne, de frais de restaurant, de mission et de voyage non justifiés ou sans rapport avec l'intérêt de la société.

La quasi-totalité des impositions supplémentaires en résultant a été assortie des pénalités de mauvaise foi. Les impositions supplémentaires d'impôt sur le revenu ont été mises en recouvrement le 31 mars 1996 pour des montants respectifs de 696 918 F pour 1991, 804 763 F pour 1992 et 602 758 F pour 1993. Leur réclamation du 7 novembre 1996 ayant été rejetée le 17 mai 1999, M. et Mme Mallavergne ont porté le litige devant le tribunal administratif de Strasbourg qui, par jugement du 18 mars 2003, a rejeté leur demande. Les contribuables ont alors saisi la cour administrative d'appel de Nancy, qui a confirmé le jugement du tribunal et rejeté la requête par un arrêt du 24 octobre 2006.

2. Discussion

2 - Le pourvoi en cassation contre cet arrêt, formé régulièrement, doit être accueilli en raison d'une irrégularité de procédure. Les autres moyens ne sont pas, en effet, de nature à entraîner l'annulation de l'arrêt attaqué : celui-ci est suffisamment motivé au regard de l'établissement du caractère intentionnel de la qualification de mauvaise foi retenue à l'encontre du contribuable, dès lors qu'il se réfère à la « position » du requérant dans la société. Et la cour n'a pas commis d'erreur de droit en se fondant sur l'indépendance des procédures pour écarter le moyen tiré de l'irrégularité de la vérification de la société (V. en ce sens, CE, plén., 27 juill. 1988, n° 43939, M. Macchetto ; Dr. fisc. 1989, n° 16-17, comm. 835, concl. Ph. Martin ; RJF 1988, n° 1100).

S'agissant en revanche de la procédure, le premier alinéa de l'article R. 611-7 du Code de justice administrative prévoit que, lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent présenter leurs

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observations sur le moyen communiqué. Cette information obligatoire est destinée, selon les termes de votre décision de Section Association de sauvegarde du site Alma-Champ de Mars (CE, sect., 30 oct. 1992, n° 140220, Assoc. de sauvegarde du site Alma-Champ de Mars : JurisData n° 1992-050293 ; Rec. CE 1992, p. 384 ; JCP G 1992, IV, p. 335, note Mme M.-Ch. Rouault) « à provoquer un débat contradictoire sur les moyens que le juge doit relever de sa propre initiative ». Elle relève des actes de procédure qui, en vertu de l'article R. 431-1 du Code de justice administrative, applicable à l'appel en vertu de l'article R. 811-13, ne sont accomplis qu'à l'égard du seul mandataire. Vous vous êtes d'ailleurs, à plusieurs reprises, prononcés sur la régularité des conditions dans lesquelles une telle communication est effectuée (V. sur l'invitation faite aux parties de produire des observations dans un délai raisonnable sur un moyen suffisamment précis, CE, 10e et 7e ss-sect., 25 sept. 1995, n° 153191, Assoc. des licenciés sans procédure de la régie départementale des passages d'eau de la Gironde : JurisData n° 1995-046210 ; Rec. CE 1995, p. 976. - Sur le fait que les moyens relatifs à l'irrégularité de cette communication sont inopérants si la décision ne se fonde finalement pas sur le moyen en cause, CAA Nancy, 2e ch., 1er juin 1994, n° 93NC00681, M. Cuignet : JurisData n° 1994-053118 ; Dr. fisc. 1995, n° 5, comm. 199, concl. J.-P. Pietri).

En l'espèce, la cour s'est interrogée sur la base légale retenue par l'Administration, à savoir sur l'applicabilité de l'article 109, 1, 1° du CGI au cas d'espèce. Elle a donc soulevé ce moyen d'ordre public relatif au champ d'application de la loi, et l'a communiqué aux parties par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 12 juillet 2007. Cette communication - dont rien au dossier ne prouve qu'il s'agisse bien d'une lettre recommandée avec accusé de réception - n'est cependant jamais parvenue à l'avocat de M. Mallavergne, Maître Anne Paul. Le pli a en effet été retourné au greffe avec la mention « n'habite plus à l'adresse indiquée », l'avocat ayant changé d'adresse sans en informer le greffe. La cour n'a alors accompli aucune diligence, mais, prenant acte de ce changement d'adresse, a envoyé directement au requérant - qui ignorait l'existence même du moyen relevé d'office - le mémoire de l'Administration en réponse au moyen d'ordre public, dans lequel l'Administration demandait à la cour de substituer une nouvelle base légale au redressement, fondé cette fois sur les dispositions de l'article 111, c) du CGI.

Le requérant soutient qu'une telle procédure était irrégulière, et qu'il appartenait à la cour de faire les diligences nécessaires d'une part, pour rechercher la nouvelle adresse de l'avocat aux fins de lui communiquer le moyen d'ordre public envisagé,

d'autre part, en cas d'échec des recherches, de communiquer le moyen au requérant.

Votre jurisprudence est traditionnellement assez stricte à l'égard du demandeur qui omet d'avertir la juridiction de son changement d'adresse et ne prévoit pas la réexpédition de son courrier. Dans cette hypothèse, la procédure est regardée comme ayant été régulièrement suivie, même si les plis ne sont pas parvenus effectivement à leurs destinataires (CE, 10e et 4e ss-sect., 16 oct. 1989, n° 83591, Mme Doan : JurisData n° 1989-645244 ; Rec. CE 1989, p. 860). Il appartient en effet au demandeur de prendre toutes dispositions pour l'acheminement de son courrier en cas de changement d'adresse (CE, 8e et 9e ss-sect., 11 oct. 1978, n° 4470 : Dr. fisc. 1978, n° 51, comm. 2029 ; RJF 1978, n° 491).

Mais votre jurisprudence ne transpose pas ces règles à l'avocat. Sur la question assez voisine de la notification de l'avis d'audience, vous avez jugé qu'il appartient au greffe, en cas de changement d'adresse non-communiqué de l'avocat, de rechercher la nouvelle adresse de celui-ci et, en cas d'échec, d'avertir personnellement le requérant du jour où sa demande sera portée en séance publique (CE, 2e et 6e ss-sect., 9 avr. 1975, n° 91083, M. Leffad : Rec. CE 1975, p. 1208). Vous avez depuis constamment réaffirmé cette jurisprudence, notamment par une décision du 15 juillet 2004, aux conclusions du président Bachelier (CE, 8e et 3e ss-sect., 15 juill. 2004, n° 248680, M. Mayné : JurisData n° 2004-067154 ; RJF 2004, n° 1271, confirmée par CE, 9e et 10e ss-sect., 16 janv. 2006, n° 252782, Sté Edipag : JurisData n° 2006-080832 ; Dr. fisc. 2006, n° 19, comm. 370 ; RJF 2006, n° 447). Les raisons que le commissaire invoquait alors pour le maintien de cette jurisprudence nous semblent aussi pertinentes pour la notification d'un moyen d'ordre public.

Le requérant ne doit pas, en effet, être privé de son droit de présenter des observations en réponse à un moyen relevé d'office, lequel est susceptible de fonder tout ou partie de la solution, du seul fait que son avocat aurait oublié de communiquer son changement d'adresse. En outre, comme dans le cas précédent, la probabilité qu'une telle situation se produise est relativement rare, et il n'est pas difficile, pour les greffes, de contacter le barreau de l'ordre dont relève l'avocat pour avoir communication de sa nouvelle adresse. Il appartiendra ensuite aux greffes, en cas d'échec de ces recherches, de notifier le moyen d'ordre public au requérant. Nous vous proposons donc d'étendre votre jurisprudence, rendue pour la communication de l'avis d'audience, à la communication d'un moyen d'ordre public. Ajoutons que la même réponse s'impose pour l'autre moyen de procédure soulevé par le pourvoi, et tiré de ce que la cour ne pouvait communiquer directement le mémoire en réponse de l'Administration au

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requérant, sans rechercher l'adresse de l'avocat, sous peine de méconnaître les dispositions de l'article R. 431-1 du Code de justice administrative. Vous pourrez donc faire droit au pourvoi en faisant masse de ces deux moyens.

Votre décision ne tranchera cependant, comme d'ailleurs les précédents, que les cas où, d'une part, le pli a été retourné au greffe de la juridiction (V. pour l'absence de diligences dans le cas contraire, CE, 10e et 9e ss-sect., 25 oct. 2002, n° 223292, Sté Audit Conseil International : JurisData n° 2002-020825 ; Dr. fisc. 2003, n° 5, comm. 53 ; RJF 2003, n° 11), et, d'autre part, le mandataire est un avocat, réservant ainsi la solution à apporter dans l'hypothèse où le mandataire ne serait pas un avocat, qui nous semble appeler la même réponse que celle applicable aux carences « directes » du demandeur.

Si vous nous suivez, vous annulerez l'arrêt de la cour et, en l'absence de tout débat contradictoire au fond

sur le moyen d'ordre public et la substitution de base légale demandée, vous renverrez l'affaire à la cour administrative d'appel de Nancy.

Vous pourrez accorder au requérant la somme de 2 500 EUR qu'il demande au titre des frais irrépétibles.

Et pour ces motifs nous concluons : à l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy en date du 24 octobre 2006, au renvoi de l'affaire à cette cour et à ce que soit mis à la charge de l'État le versement à M. Mallavergne d'une somme de 2 500 EUR au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.

Édouard Geffray

commissaire du Gouvernement