David Gilson

True Moon

Saison 1 Le sang du secret

« Quand je pensais ne jamais vouloir trouver l'âme sœur, je rencontrai alors un jeune homme.

Le jour où je découvris ses véritables yeux, je compris enfin ce qu'était l'amour... »

ÉPISODE 1

L'ACCIDENT

14 juin 1987 Angoulême

2h17 du matin

La pleine lune était haute dans le ciel couvert de

nuages noirs et menaçants. Le vent soufflait fortement et une pluie torrentielle s'abattait sur Angoulême.

Marie Lunéa examinait par la fenêtre comme si quelque chose allait venir l’emporter. Chaque parcelle de son être exprimait la peur, mais aussi l'empresse-ment.

Son cœur battait à vive allure. Elle scrutait minu-tieusement les alentours de sa maison, cherchant la réponse à ses questions, mais ne vit rien. Tout était sombre, les rues vides, le ciel orageux.

Marie versa une larme et l'essuya avec sa main droite. Sa main gauche trembla subitement. Elle la prit dans l’autre pour se calmer et se retourna vers le télé-phone qui se trouvait sur une petite table basse proche de l'entrée. Elle récupéra le combiné et composa un numéro.

Au bout de quelques sonneries, quelqu'un répondit. Une femme qui semblait être plus âgée, au son de sa voix.

— Bonsoir Astride, commença tristement Marie. — Bonsoir, Marie, tu vas bien ? Pourquoi appelles-

tu à une heure aussi tardive ? — J'ai une question à te poser. — Oui, dis-moi ! — S'il m'arrive quoi que ce soit, promets-moi que

tu prendras soin de Mathieu. — Que veux-tu dire par là, Marie ? Tu me fais

peur ! — Promets-le-moi, s'il te plaît. — Oui, je te le promets, mais dis-moi ce qu'il se

passe. — Ils sont là ! J’en ai aperçu un tout à l'heure par la

fenêtre de la salle de bain, je le sens, il rôde dans le coin !

— Qui est là, Marie ?

— Tu sais très bien de qui je veux parler. — Oh, mon Dieu ! Un vide prit place au téléphone. Marie se retourna

vers le canapé et surveilla, en pleurant, son bébé cou-ché sur un coussin. Elle lui caressa la joue et se mit à larmoyer de plus belle. Marie posa le combiné sur la table basse sans raccrocher. « Marie ! Marie ! Tout va bien ? » dit Astride. Mais elle ne répondit pas et con-templait toujours son fils en jetant un œil dehors. « Marie ! Réponds, s'il te plaît ! » continua Astride, mais sans succès.

Astride qui était couchée, se leva, fixa son télé-

phone et raccrocha. Elle serra fort l’appareil dans ses mains et contempla son mari. La chambre était sombre. Seule la lueur de la pleine lune éclairait suc-cinctement la pièce. Elle resta là, sans bouger, pen-sive. Elle avait peur pour sa sœur. « Que va-t-il lui arriver ? » pensa-t-elle.

Astride reprit ses esprits et reposa le téléphone sur son socle. Elle se pencha sur son mari et le secoua pour le réveiller.

— Jacques ! Réveille-toi ! dit Astride élevant la voix, mais il ne bougea pas. Jacques, réveille-toi !

Il ronchonna de façon incompréhensible, se retour-na de l'autre côté du lit et se rendormit. Voyant qu’il ne daignait pas se lever. Astride enfila ses pantoufles

et descendit à vive allure les escaliers. Elle fouilla dans toutes les vestes à la recherche de quelque chose, mais ne la trouva pas. Elle observa autour d'elle, affo-lée, en se demandant où son mari avait pu mettre les clefs. Elle courut vers la cuisine et examina rapide-ment les alentours. Pas de clefs. Elle commença à s'énerver quand tout à coup le souvenir lui revint. C'est elle qui avait conduit la voiture pour la dernière fois. Rapidement, elle se dirigea dans le salon et récu-péra les clefs sur le rebord de la cheminée, regardant au passage, une photo d’elle et sa sœur, Marie, lors de leurs dernières vacances entre filles avant la naissance de Mathieu.

Astride toucha la photo, revint sur son objectif après une courte pensée, enfila un ciré et sortit. La pluie torrentielle s'abattait toujours. Le vent hurlait de plus en plus fort et produisait un effet sonore très in-tense.

Elle se protégea tant bien que mal de ce déluge qui lui fouettait le visage et trempait sa robe de chambre, affronta la bourrasque, se dirigea vers la voiture, ou-vrit la portière et entra sans perdre une seconde. Ses vêtements dégoulinaient d'eau sur le siège. Des gout-telettes ruisselaient sur son visage et ses cheveux étaient trempés. Malgré ces inconvénients, elle démar-ra, inspecta le rétroviseur et entreprit une marche ar-rière. En peu de temps, elle se trouvait sur une étroite route.

Les essuie-glaces fonctionnels, Astride changea de vitesse et roula le plus hâtivement possible sous cette averse diluvienne et un orage des plus menaçants.

Marie scruta toujours par la fenêtre en serrant ses

vêtements contre elle. Un homme, Philippe Bel, descendit des étages, por-

tant deux valises pleines à craquer. Lui aussi semblait pressé de partir. Il posa les bagages près de l'escalier et lu sa montre : 2h40 du matin.

Philippe se dirigea vers une commode, ouvrit un des tiroirs, le fouilla vigoureusement et en sortit un revolver pistool 9 mm parabellum et une liasse de bil-lets de cent qu’il rangea dans une sacoche, et aperçut Marie qui pleurait.

— Ça va, ma chérie ? — Oui, si on veut. J'ai appelé Astride pour

l’informer. — Pourquoi l’as-tu fait ? Tu sais très bien que ça

pourrait la mettre en danger de mort ! Elle a été adop-tée par tes parents, afin de couvrir ton identité, il ne fallait pas la mêler à notre histoire.

— Et qu'aurais-tu voulu que je fasse ? S'il nous ar-rive quelque chose, que fait-on de notre bébé ? rétor-qua-t-elle, excédée.

— Il ne nous arrivera rien. Il faut juste partir au plus vite, c'est tout, dit-il en armant le revolver.

Marie le fixa droit dans les yeux. — Je n’en peux plus de cette situation. Si seule-

ment on pouvait avoir une vie normale. Dans quel monde notre fils va-t-il grandir ?

— Dans un monde meilleur, j'en suis sûr. Il faut juste régler cette histoire et partir loin, répondit Phi-lippe pour la réconforter.

Il l’attrapa dans ses bras et l'embrassa sur la tête. Pensif, il regarda par la fenêtre et ajouta :

— Je t'aime, Marie. Je crois que tu as raison. Tu as bien fait d'appeler Astride. Avant de régler ça, nous devrions emmener Mathieu chez elle, afin de le mettre en sécurité.

— Mais tu voulais partir au plus vite ?! — Oui je sais, mais si on ne les tue pas, ils nous

chasseront toute notre vie jusqu'à ce qu'ils nous re-trouvent.

Marie et Philippe s'embrassèrent amoureusement, un rappel de leur attachement.

Il est vrai que leur histoire d'amour dure depuis dix ans. Au cours d'une fête, en l'espace d'un regard ils se sont plu immédiatement et ont très vite emménagé ensemble. Mais tous les deux possédaient chacun un secret qu'ils se sont dévoilé au bout de deux ans de vie commune.

Leurs secrets les avaient unis pour l'éternité, du fait de leur différence, et leur avaient donné l'espoir de pouvoir vivre une vie normale parmi les autres sans dévoiler ce qu'ils étaient.

Mais les années passèrent et ils durent se confronter à des situations auxquelles ils ne pensaient pas. Leur amour était interdit et le fruit de leur union l'était en-core plus.

Il y avait des choses en ce monde qui leur défen-daient de s'aimer et de concevoir un enfant. Ils les ignoraient jusqu’à ce que Marie soit enceinte de trois mois. Il était trop tard pour faire marche arrière et il fallait donc assumer les conséquences que cela pou-vait entraîner.

Ce soir là, quelque chose les avait retrouvés et les prenait en chasse, conséquence finale due à de nom-breux avertissements, comme celui de tuer leur enfant. Ils s'y résignèrent et décidèrent de fuir à nouveau pour sauver leur famille, leur amour et leur vie.

Philippe prit la tête de sa femme entre ses mains et lui dit qu'ils allaient tous les trois s'en sortir. Sur ces mots, il retourna, à l'escalier, récupérer les valises et sortit pour les charger dans la voiture. La pluie tom-bait toujours à torrents et l'orage éclatait de nouveau. Philippe finit de remplir son véhicule quand un bruit de verre brisé se fit entendre. Il releva sa tête du coffre et observa minutieusement autour de lui. La porte d'entrée était toujours ouverte et les baies vitrées du rez-de-jardin étaient intactes. Il ne comprit pas d'où pouvait venir ce bruit de vitre cassée. Mais grâce au vent qui soufflait fort, un courant d'air s'engouffra dans la maison laissant voler les rideaux de leur chambre, à l'étage, vers l’extérieur. Il examina la fe-

nêtre et le devant de la porte d'entrée avec attention. Aucun morceau de verre. Philippe eut un soupçon qui se confirma quand la salle de bain s'alluma. Une ombre noire passa devant les vitres fumées et se diri-gea vers le couloir.

Il dégaina le revolver de sa ceinture et se précipita vers l’intérieur. Sans laisser le temps à Marie de com-prendre, il attrapa son bébé dans les bras et ordonna à sa femme de partir quand un grognement caverneux retentit à travers l'étage. Marie déchiffra alors le com-portement de son mari. Le temps pressait. « Il » était là, dans la maison et était entré par la fenêtre de leur chambre.

Ils sortirent de leur foyer et s’élancèrent jusqu'au véhicule, sans se retourner, pour y prendre place. Phi-lippe mit le contact et démarra la voiture tandis que Marie, penchée entre le siège passager et l'arrière, at-tacha son fils solidement sur le fauteuil pour bébé.

Philippe entama une marche arrière et emboutit le portail, sans l'avoir ouvert au préalable. Des morceaux de bois volèrent en éclat sur la route, face au jardin. Il mit en marche les essuie-glaces pour contrer la pluie. Sans perdre de temps, il changea de vitesse et accélé-ra. Il demanda à Marie de rappeler sa sœur pour la prévenir de leur arrivée tout en vérifiant dans les ré-troviseurs si rien ne les suivait. Mais la chose était sortie, elle aussi, et se mit à leur poursuite en sautant d'arbre en arbre sans être vue.

Astride roulait le plus vite possible pour rejoindre

la maison de sa sœur, en oubliant le danger de la route par ce mauvais temps. Sans faire attention aux pan-neaux de signalisation, elle avançait sur les routes avec risque. L’averse limitait le champ visuel à dix mètres devant soi. Son téléphone portable vibra. Elle jeta un œil, vit que c'était sa sœur, récupéra l'appareil sur le siège passager et répondit au volant.

— Oui, Marie, qu'y a-t-il ? — On vient chez toi. On te dépose Mathieu si ça ne

te dérange pas. Avec Philippe, on a pris la décision d'en finir avec eux.

— C'est trop dangereux ! Vous avez pensé à votre fils ? Et s’il vous arrive quelque chose ?

— C'est pour ça qu'on vient te le déposer. — Ce n’est pas possible, je suis en route pour vous

retrouver. Où êtes-vous ? — Sur la grande route. — Mais que faites-vous sur cette grande route ?

Vous auriez dû rester chez vous ! — Non ! Il était là, il était entré, il allait nous atta-

quer. On a dû partir au plus vite ! — Moi aussi. On ne devrait pas tarder à s'y retrou-

ver alors. Dès qu'on se voit, on s'arrête sur le bord de la route, OK ?

— Pas de problème.

Marie raccrocha. Astride jeta son téléphone par terre et jura « fait chier ! » en tapant ses mains sur le volant.

La chose courait à vive allure dans les bois et les

champs. Son but était de rattraper au plus vite la voi-ture de Philippe et Marie. Sa course effrénée parlait d'elle-même. Quand soudain, il s'arrêta et poussa un hurlement à travers le vent. Un hurlement de loup, bestial et funèbre.

Non loin de là, mais au-delà du véhicule des jeunes parents, se tenaient cachés, dans les bois bordant la route, quatre immenses loups bipèdes et ayant l'aspect physique d'un homme. C'étaient des loups-garous.

Le vent soufflait dangereusement dans les feuil-lages des arbres, mais au travers de celui-ci pouvait se sentir une odeur de mort, seulement par les lycans. Ils scrutèrent de leurs yeux rouges sang les alentours de la grande route.

Leurs regards brillaient d’un feu de haine, la haine pour Philippe et Marie qui avaient transgressé les règles, la haine pour leur amour, la haine pour leur enfant.

Les phares de la voiture devinrent visibles au loin. Les lycans s'affolèrent et grognèrent. Celui qui avait traqué les jeunes parents chez eux avait réussi à re-

joindre ses congénères pour se préparer à l'attaque. Plus ils approchaient, plus les loups s'agitèrent. Arrivée à leur niveau, un des loups sauta sur le capot. Pris par surprise, Philippe freina brusquement. La voi-ture se renversa sur la route en faisant des tonneaux dans un bruit de métal broyé.

Le véhicule stoppa sa course accidentelle sur le toit. Les cinq loups-garous s'approchèrent de l’épave fra-cassée et l'entourèrent de part et d'autre pour vérifier si les occupants étaient morts. Mais ils durent fuir à l'arrivée d'Astride.

En voyant l’auto retournée sur elle-même, Astride s'arrêta brusquement et sortit avec empressement pour découvrir le désastre : de la taule froissée, pare-brise éclaté, portes arrachées, phares allumés. La nuit et la pluie rendaient cette scène cafardeuse. Elle s'approcha de l’habitacle et découvrit Philippe et Marie en sang. Ils ne bougeaient pas. Ils étaient morts. Astride se dé-plaça vers l'arrière et vit le bébé, en vie, avec les yeux grands ouverts. Il ne pleurait pas, peut-être choqué.

Elle s'engouffra dans la carcasse et détacha le petit Mathieu. Elle le sortit doucement et le serra dans ses bras. Elle jeta un dernier coup d'œil et retourna s'asseoir sur son siège, ayant le regard vide. Elle ca-ressa le petit sur la tête et le déposa à ses côtés, en se jurant de prendre soin de son neveu. Elle fit demi-tour et reprit la route pour rentrer chez elle, tout en jetant un dernier coup d'œil dans son rétroviseur pour véri-fier une dernière fois l'endroit où était morte sa sœur.

Sans s’attendre à une telle chose, une lumière aveu-glante envahit le lieu de l’accident. Astride freina su-bitement et sortit avec violence. Elle examina de loin pour découvrir pourquoi ce rayonnement avait surgi de nulle part. Elle hésita à retourner sur place, mais regarda son neveu et se dit qu’elle devait le protéger. Elle se rassit alors et continua sa route sans perdre de temps.

De retour à son domicile, elle entra avec fracas

dans le salon et y déposa Mathieu sur le canapé. Le boucan qu’elle provoquait était suffisant pour réveiller Jacques. Il descendit, en robe de chambre, et retrouva sa femme.

— Astride, que se passe-t-il ? Que fait Mathieu ici ? — Écoute Jacques, il s’est passé des choses ce soir

et nous allons devoir certainement être confrontés au pire, mais promets-moi d’être présent à mes côtés pour surmonter ça !

— Tu vas me dire ce qu’il y a ? — Marie et Philippe sont morts dans un accident de

voiture. Les loups les pourchassaient. J’ai essayé de te réveiller tout à l’heure, mais tu n’as rien voulu en-tendre, donc je suis allée à leur rencontre, toute seule.

— Tu aurais pu te faire tuer ! — Je sais, mais c’est… enfin c’était ma sœur, je ne

pouvais pas la laisser tomber.

Jacques essaya de réfléchir un court instant, mais la situation le dépassait.

— Que faisons-nous maintenant ? — Nous allons retourner nous coucher et réagir

comme si de rien n’était. Si la police vient nous poser des questions, on leur répond qu’ils nous avaient con-fié Mathieu bien avant leur accident.

— On joue à un jeu dangereux. Je n’aime pas ça. — Écoute Jacques ! On ne doit pas laisser tomber

leur fils. Tu sais très bien ce qu’il se passera… — Je sais très bien qui était ta sœur et ce qu’était

Philippe, mais nous sommes en danger maintenant. — Je prends le risque. Mathieu a le droit de grandir

dans un monde meilleur. Donnons-lui une chance d’être comme tout le monde.

— S’ils les ont retrouvés, il en sera de même pour nous. Ils finiront par retracer Mathieu un jour ou l’autre, c’est une évidence à ne pas négliger.

— Jacques, s’il te plaît, c’est notre neveu ! — OK, mais tout commencera le jour de ses 25 ans,

c’est en lui et ça, nous ne pourrons rien y changer. Une confrontation aura lieu et ce jour-là, nous ne de-vrons même pas nous en mêler. Nous avons caché leurs secrets le plus longtemps possible et nous proté-gerons Mathieu aussi longtemps que nous pourrons, mais il faut se fier à l’évidence, cette guerre n’est pas la nôtre, Astride.

Elle fixa le bébé sur le canapé, repensa à tous les derniers évènements et versa une larme. Puis elle le

prit dans ses bras et retourna se coucher, laissant Jacques seul dans le salon à méditer ses propres pa-roles.

Angoulême

5 ans plus tard

Je m’appelle Matt Lunéa et j’ai cinq ans. La vie est plutôt belle pour moi. Je m’amuse beaucoup et ce que j’aime par-dessus tout, c’est aller jouer dans le jardin.

Ce matin-là, il faisait beau. Le soleil était très agréable et annonçait une magnifique journée. Tout petit, je savais pertinemment ce que je voulais et je n’en démordais pas. Ma tante s’y résignait à force et mon oncle ne m’avait jamais contredit, il voyait en moi le fils qu’il n’avait jamais pu avoir, car il était stérile.

Je descendis de l’étage et courus retrouver ma tante en cuisine qui préparait déjà le déjeuner.

— Tata, je peux jouer dans le jardin ? — Bien sûr, mon poussin, mais je ne veux pas que

tu passes le portail, c’est interdit ! C’est compris mon ange ?

— Oui, tata. Je sortis en cavalant et allai retrouver mes jouets.

Ma tante me regarda et esquiva un petit sourire. Elle

était heureuse. Elle avait une famille malgré elle et par la force des choses, mais elle ne le regrettait pas.

Je jouai avec mes voitures et chantonnai une des chansons que j’avais apprise à l’école : « Une souris verte, qui courait dans l’herbe… ». Mon oncle qui était dans le garage pour préparer la tondeuse à gazon se retourna et me vit rire en jouant avec mes autos.

Alors que je les faisais voler en l’air, je m’arrêtai soudainement. Un serpent se tenait face à moi et me toisait. Il resta immobile. Je ne comprenais pas, j’étais petit. Je lui présentai donc une de mes voitures pour lui prêter, mais le reptile siffla dangereusement. Je reculai ma main avec crainte et essayai de prévenir ma tante en la regardant de loin. Mais elle ne me voyait pas, elle était occupée à faire la vaisselle. Puis, une centaine de serpents se faufilèrent dans le jardin et m’entourèrent de part et d’autre. Je pris peur et me mis à hurler en pleurant. Ma tante, alertée par mes cris, regarda par la fenêtre de la cuisine et vit toutes ces abominations qui m’encerclaient. Alors, elle cria et appela Jacques, son mari. Elle sortit de la maison avec son balai et commença à tous les frapper pour les faire partir. Mon oncle émergea de son garage avec empressement et vit ce qu’il était en train de se passer. Il récupéra une pelle et se joignit à Astride pour les détruire. Moi, j’hurlai et pleurai de frayeur. Nos voi-sins vinrent jeter un coup d’œil, attirés par les cris et quand ils comprirent le danger, ils prêtèrent main-forte à mon oncle et ma tante à s’en débarrasser.

Le soir venu, mon oncle termina d’en ramasser les cadavres pour les jeter à la poubelle. Il rentra et rejoi-gnit ma tante dans la cuisine qui me donnait à manger. J’en étais au dessert. Je dégustai une compote à la pomme.

— J’ai jeté tous les serpents. Je crois que c’est bon cette fois.

— C’est trop risqué de rester ici, Jacques, et dange-reux pour nous, surtout pour lui. Nous devons partir au plus vite ! Demain serait le mieux.

— Et où allons-nous aller ? — Ma mère adoptive est repartie en Louisiane. Je

l’ai appelée tout à l’heure, elle est d’accord pour nous laisser son appartement sur Paris. Il y a deux chambres, c’est parfait pour nous.

— On ne pourra pas se cacher indéfiniment. — Et pourquoi ça ? — Il finira par tout découvrir ! Nous ne faisons que

retarder une bombe qui est sur le point d’exploser. — Je sais, mais j’ai conclu un arrangement avec ma

mère afin d’éloigner Matt du danger le plus longtemps possible !

— Pourquoi ta mère adoptive est-elle repartie là-bas ?

— Elle voulait retourner sur les terres de ces an-cêtres et surtout se rapprocher de son fils, Erwan !

— Ah oui, c’est vrai, je l’avais oublié celui-là ! — Tu ne l’as vu qu’une seule fois, c’était à

l’enterrement de Marie et Philippe !

— Ça n’empêche qu’il a lui aussi son secret. Astride le fixa froidement. — Je prépare les affaires et nous partons demain à

la première heure. Le lendemain matin, ils prirent la route, laissant

sans voix les voisins qui les avaient aidés la veille. Ils tournaient une page et pensaient qu’ils allaient vivre une nouvelle vie loin de tous ces dangers. Mais il en sera tout autre…