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Ann Pathol 2005 ; 25 : 447-61 © Masson, Paris, 2005 447 Mise au point Accepté pour publication le 15 février 2006 Tirés à part : J.Y. Scoazec, voir adresse en début d’article. e-mail : jean-yves.scoazec@chu- lyon.fr Tumeurs endocrines : biologie et physiopathologie Jean-Yves Scoazec Hospices Civils de Lyon, Hôpital Edouard Herriot Service Central d’Anatomie et Cytologie Pathologiques, 3 place d’Arsonval, 69437 Lyon cedex 03 ; INSERM, U45, Faculté Laennec, Lyon. Scoazec JY. Tumeurs endocrines : biologie et physiopathologie. Ann Pathol 2005 ; 25 : 447-61. Summary Endocrine tumors: biology and physiopathology Endocrine tumors are defined as neoplastic lesions resulting from the proliferation of cells engaged in an endocrine differentiation pathway, as shown by their expression of a set of specific markers, including true endocrine markers (such as chromogranine A) and neuro-endocrine markers, shared between neurons and endocrine cells (such as synaptophysin). The demonstration of the synthesis and secretion of one or several hormones is not necessary for the assess- ment of the endocrine nature of a tumor ; only tumors associated with a clinical syndrome resulting from hormone overproduction can be said function- ing endocrine tumors. Beyond their common fea- tures, endocrine tumors are characterized by a marked diversity, which results from the large func- tional, structural and embryological heterogeneity of normal endocrine cells. The natural history of endo- crine tumors is also characterized by a marked hetero- geneity in their evolution and rate of progression. While most endocrine tumors are locally and slowly evolving, some of them behave as truly malignant tumors, as shown by their capacity of metastatic dis- semination and their fatal evolution. A better under- standing of the cellular and molecular mechanisms involved in tumor progression and metastatic dis- semination is necessary for the identification of new prognostic tools and novel therapeutic targets. Key words: endocrine tumors, endocrine cells, endocrine glands, hormone secretion, prognosis. Résumé Les tumeurs endocrines sont des lésions néoplasiques résultant de la prolifération de cellules dont la différenciation endocrine est attestée par la conservation de certaines propriétés des cellules endocrines nor- males, comme l’expression de marqueurs caractéristiques, incluant des marqueurs endocrines proprement dits (comme la chromogranine A) et de nombreux mar- queurs dits neuro-endocrines, communs aux cellules endocrines et aux neurones (comme la synaptophysine). La démonstra- tion de la synthèse et de la sécrétion d’une ou plusieurs hormones n’est par contre pas indispensable pour qualifier une tumeur de tumeur endocrine ; seules les tumeurs endocrines associées à un syndrome clini- que secondaire à une hypersécrétion hor- monale peuvent être qualifiées de tumeurs fonctionnelles. Au-delà de leurs caractères communs, les tumeurs endocrines présen- tent une très grande diversité qui reflète la grande hétérogénéité, fonctionnelle, struc- turale et embryologique, des cellules endo- crines normales dont elles sont supposées dériver. Leur histoire naturelle est égale- ment marquée par la grande hétérogénéité dans leurs profils évolutifs et leur vitesse de progression. Si la plupart des tumeurs endo- crines ont une évolution lente et locale, cer- taines d’entre elles se comportent comme d’authentiques tumeurs malignes, capables de dissémination métastatique et suscepti- bles d’entraîner une évolution fatale. Une meilleure compréhension des mécanismes moléculaires et cellulaires impliqués dans la progression tumorale et la dissémination métastatique est indispensable pour la mise au point de nouveaux outils pronostiques et pour l’identification de nouvelles cibles thérapeutiques. Mots-clés : tumeurs endocrines, cellules endocrines, glan- des endocrines, sécrétion hormonale, pronostic. ES tumeurs endocrines sont consti- tuées par des cellules tumorales présentant des caractéristiques mor- phologiques, phénotypiques et fonc- tionnelles rappelant celles des cellules endocrines normales [1]. Elles présen- tent donc des caractères communs qui permettent de les considérer comme L

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© M a s s o n , P a r i s , 2 0 0 5

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Mise au point

Accepté pour publicationle 15 février 2006

Tirés à part :

J.Y. Scoazec, voir adresse en début d’article. e-mail : [email protected]

Tumeurs endocrines : biologie et physiopathologie

Jean-Yves Scoazec

Hospices Civils de Lyon, Hôpital Edouard Herriot Service Central d’Anatomie et Cytologie Pathologiques,

3 place d’Arsonval, 69437 Lyon cedex 03 ; INSERM, U45, Faculté Laennec, Lyon.

Scoazec JY.

Tumeurs endocrines : biologie et physiopathologie.

Ann Pathol 2005 ; 25 : 447-61.

Summary

Endocrine tumors: biology and physiopathology

Endocrine tumors are defined as neoplastic lesionsresulting from the proliferation of cells engaged in anendocrine differentiation pathway, as shown by theirexpression of a set of specific markers, including trueendocrine markers (such as chromogranine A) andneuro-endocrine markers, shared between neuronsand endocrine cells (such as synaptophysin). Thedemonstration of the synthesis and secretion of oneor several hormones is not necessary for the assess-ment of the endocrine nature of a tumor ; onlytumors associated with a clinical syndrome resultingfrom hormone overproduction can be said function-ing endocrine tumors. Beyond their common fea-

tures, endocrine tumors are characterized by amarked diversity, which results from the large func-tional, structural and embryological heterogeneity ofnormal endocrine cells. The natural history of endo-crine tumors is also characterized by a marked hetero-geneity in their evolution and rate of progression.While most endocrine tumors are locally and slowlyevolving, some of them behave as truly malignanttumors, as shown by their capacity of metastatic dis-semination and their fatal evolution. A better under-standing of the cellular and molecular mechanismsinvolved in tumor progression and metastatic dis-semination is necessary for the identification of newprognostic tools and novel therapeutic targets.

Key words:

endocrine tumors, endocrine cells, endocrineglands, hormone secretion, prognosis.

Résumé

Les tumeurs endocrines sont des lésionsnéoplasiques résultant de la prolifération decellules dont la différenciation endocrineest attestée par la conservation de certainespropriétés des cellules endocrines nor-males, comme l’expression de marqueurscaractéristiques, incluant des marqueursendocrines proprement dits (comme lachromogranine A) et de nombreux mar-queurs dits neuro-endocrines, communsaux cellules endocrines et aux neurones(comme la synaptophysine). La démonstra-tion de la synthèse et de la sécrétion d’uneou plusieurs hormones n’est par contre pasindispensable pour qualifier une tumeurde tumeur endocrine ; seules les tumeursendocrines associées à un syndrome clini-que secondaire à une hypersécrétion hor-monale peuvent être qualifiées de tumeursfonctionnelles. Au-delà de leurs caractèrescommuns, les tumeurs endocrines présen-

tent une très grande diversité qui reflète lagrande hétérogénéité, fonctionnelle, struc-turale et embryologique, des cellules endo-crines normales dont elles sont supposéesdériver. Leur histoire naturelle est égale-ment marquée par la grande hétérogénéitédans leurs profils évolutifs et leur vitesse deprogression. Si la plupart des tumeurs endo-crines ont une évolution lente et locale, cer-taines d’entre elles se comportent commed’authentiques tumeurs malignes, capablesde dissémination métastatique et suscepti-bles d’entraîner une évolution fatale. Unemeilleure compréhension des mécanismesmoléculaires et cellulaires impliqués dans laprogression tumorale et la disséminationmétastatique est indispensable pour la miseau point de nouveaux outils pronostiqueset pour l’identification de nouvelles ciblesthérapeutiques.

Mots-clés :

tumeurs endocrines, cellules endocrines, glan-des endocrines, sécrétion hormonale, pronostic.

ES

tumeurs endocrines sont consti-tuées par des cellules tumorales

présentant des caractéristiques mor-phologiques, phénotypiques et fonc-

tionnelles rappelant celles des cellulesendocrines normales [1]. Elles présen-tent donc des caractères communs quipermettent de les considérer comme

L

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un groupe bien défini. Néanmoins, au-delàde ces propriétés communes, les tumeursendocrines présentent une très grandediversité qui reflète la grande hétérogé-néité, fonctionnelle, structurale et embryo-logique, des cellules endocrines normalesdont elles sont supposées dériver [1]. Cetarticle a pour but de faire le point sur lesprincipaux aspects de la biologie et de laphysiopathologie des tumeurs endocrines,après avoir rappelé les principales proprié-tés structurales et fonctionnelles qui carac-térisent les cellules endocrines normales etqui sont, au moins partiellement, reprodui-tes par les cellules endocrines tumorales.

Les cellules endocrines normales

Une propriété commune

Le terme de cellules endocrines s’appliqueà un ensemble de cellules dont la fonctionprincipale est de synthétiser et de sécréterune ou plusieurs hormones dans le milieuintérieur. Une hormone est un médiateurchimique possédant plusieurs propriétésfondamentales : (a) une hormone agit demanière sélective sur des cellules cibles spé-cifiques, (b) cette action passe par le biais dela fixation de l’hormone sur des récepteursspécifiques exprimés par des cellules cibles,(c) la stimulation de ces récepteurs par lafixation de l’hormone entraîne une modifi-cation du comportement de la cellule cible,(d) le résultat de cette modification exerceun rétro-contrôle négatif sur la productionde l’hormone. Grâce à ces propriétés, unehormone est donc capable d’induire ou deréguler une fonction métabolique ou phy-siologique en agissant sélectivement surune ou plusieurs cellules cibles de façon àleur faire produire un effet déterminé. Si ceteffet est obtenu, la production de l’hormoneest inhibée. Les hormones ne sont qu’un des nombreuxtypes de médiateurs chimiques circulantdans l’organisme. Ces médiateurs peuventagir par plusieurs voies : (a) la voie endo-crine, où le médiateur est libéré dans le sangpar la cellule responsable de sa synthèse etdiffuse dans l’ensemble de l’organisme parvoie vasculaire pour atteindre ses cibles cel-lulaires spécifiques, (b) la voie paracrine, oùle médiateur chimique diffuse dans le milieuextracellulaire pour agir sur des cellulescibles situées à courte distance de la celluleresponsable de sa synthèse, (c) la voie auto-crine, où le médiateur chimique est libérédans le milieu extracellulaire pour agir en

retour directement sur la cellule responsa-ble de sa synthèse. Les hormones sont lesplus importants des médiateurs chimiquesutilisant la voie endocrine pour agir sur descibles cellulaires situées à distance ; cettevoie d’action n’est cependant pas exclusive,dans la mesure où de nombreuses hormo-nes, comme d’autres médiateurs chimiques(facteurs de croissance, facteurs de différen-ciation…) peuvent aussi agir par voie para-crine, voire autocrine. La caractéristiquefondamentale des hormones, qui les distin-gue des autres types de médiateurs chimi-ques, est le rétrocontrôle négatif exercé surleur synthèse et leur sécrétion par l’effetbiologique qu’elles provoquent : cette pro-priété est spécifique de la communicationmédiée par les hormones ; elle n’existe paspour les autres types de médiateurs : c’estainsi que les cytokines, médiateurs chimi-ques fondamentaux du système immuni-taire, agissent souvent à distance par voiesanguine, comme les hormones, mais, contrai-rement à elles, ne sont pas soumises à unrétro-contrôle.

Deux types fondamentaux

Il existe deux types d’hormones, définiespar leur nature chimique :– les hormones peptidiques, de nature pro-téique ;– les hormones stéroïdes, de nature lipidi-que, dérivées du cholestérol.À ces deux types d’hormones, correspon-dent deux types fondamentaux de cellulesendocrines, les unes spécialisées dans lasynthèse et la sécrétion des hormones pep-tidiques, les autres dans la synthèse et lasécrétion des hormones stéroïdes. Ces deuxtypes se distinguent très nettement l’un del’autre par leurs adaptations structurales etleurs propriétés fonctionnelles.

Les cellules endocrines spécialisées dans la synthèse et la sécrétiondes hormones peptidiques

La synthèse et la sécrétion des hormonespeptidiques sont étroitement régulées, demanière à permettre une réponse adaptéeet immédiate aux besoins instantanés del’organisme. Pour répondre à ce cahier descharges, les cellules endocrines spécialiséesdans la production des hormones peptidi-ques sont dotées d’une voie spécifique desynthèse et de sécrétion, la voie de sécré-tion régulée, qui permet le stockage del’hormone à l’intérieur de la cellule et sa

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libération dans le milieu extracellulaire defaçon discontinue et régulée, en réponse àdes stimuli spécifiques. L’intérêt de la voiede sécrétion régulée est de permettre laconstitution de stocks intracellulaires d’hor-mone, tenus en réserve pour être utilisés enréponse à un besoin. En pratique, l’hormonesynthétisée par le reticulum endoplasmiqueest stockée, après son passage par l’appareilde Golgi, à l’intérieur d’organites cytoplas-miques spécialisés, les grains de sécrétion(ou

large dense core granules

). Le contenudes grains de sécrétion est libéré en blocdans le milieu extracellulaire par un proces-sus d’exocytose déclenché par des stimuliextracellulaires.Les grains de sécrétion ne sont pas seule-ment des organes de stockage. Dans la plu-part des cellules endocrines, ils assurentégalement certaines des étapes du proces-sus de maturation qui transforme la pro-hormone inactive, sortant du reticulumendoplasmique, en hormone active, prête àêtre libérée dans le milieu extracellulaire.L’équipement enzymatique et moléculairedes grains de sécrétion est donc très riche.Ils contiennent notamment les enzymesnécessaires à la maturation progressive del’hormone active à partir de son précurseur :l’exemple le mieux connu est celui desconvertases PC1, 2 et 3 [2]. Leur matricecomporte des constituants spécifiques quiinterviennent probablement dans la matura-tion, le stockage et la sécrétion des hormones :les mieux connus sont les chromogranines(A et B) dont les fonctions physiologiquesexactes ne sont cependant pas encorecomplètement élucidées [3, 4]. La chromo-granine A est un déterminant essentiel de laformation des grains de sécrétion [5, 6] ; ellejoue un rôle important dans le processus defusion déclenchant l’exocytose et la libéra-tion du contenu des grains de sécrétiondans le milieu extracellulaire [7] ; enfin, sonclivage par les convertases donne naissanceà de nombreux peptides bio-actifs (vaso-statines, pancréastatine, catestatine, para-statine…), qui pourraient intervenir nonseulement dans la régulation des fonctionsendocrines, mais aussi dans le contrôle denombreux processus physiologiques et phy-siopathologiques (réaction inflammatoire,remodelage tissulaire, contrôle de la pres-sion artérielle) [4, 8, 9]. Les chromograninesne sont qu’un exemple de la famille des gra-nines, qui regroupe l’ensemble des protéinesde la matrice des grains de sécrétion carac-térisées par des propriétés biochimiquescommunes, comme la richesse en pairesd’acides aminés basiques [9]. Les graninespourraient jouer des rôles physiologiques

importants et diversifiés : c’est ainsi que lasécrétogranine II (autrefois appelée chro-mogranine C) peut donner naissance, parclivage, à des nombreux peptides bio-actifs,comme la sécrétoneurine, dotée, au moins

in vitro

, de puissants effets pro-angiogéni-ques et chimiotactiques [10]. Les grains de sécrétion ne sont pas les seulsorganites caractéristiques des cellules endo-crines. Un autre exemple est constitué parles vésicules neurosécrétoires (ou

smallsynaptic vesicles

). Ces organites ne sont passpécifiques des cellules endocrines : ce sontles homologues des vésicules présynapti-ques des neurones. Il n’est donc pas surpre-nant que les constituants moléculaires desvésicules neurosécrétoires soient identiquesà ceux des vésicules présynaptiques : les pluscaractéristiques sont la synaptophysine, lasynaptotagmine et la synaptobrévine [3]. Lesfonctions physiologiques des vésicules neu-rosécrétoires restent encore mal connues ;il est probable que les neuropeptides qu’ellescontiennent et libèrent dans le milieu extra-cellulaire par exocytose contribuent à larégulation de certaines fonctions des cellulesendocrines.

Les cellules endocrines spécialisées dans la synthèse et la sécrétion des hormones stéroïdes

La synthèse et la sécrétion des hormonesstéroïdes obéissent à des principes très dif-férents de ceux présidant à la synthèse et àla sécrétion des hormones peptidiques :– la synthèse des hormones stéroïdes se faità partir d’un précurseur commun, le choles-térol ;– les enzymes nécessaires aux différentesétapes de la biosynthèse des hormones sté-roïdes sont localisées dans le reticulum endo-plasmique lisse : en conséquence, celui-ciest extrêmement développé dans les cellu-les endocrines spécialisées dans la produc-tion des hormones stéroïdes ;– il n’existe pas de stockage intra-cellulairedes hormones stéroïdes : les cellules endo-crines spécialisées dans la synthèse de ceshormones ne contiennent donc pas d’orga-nites équivalents aux grains de sécrétioncaractéristiques des cellules endocrinesspécialisées dans la production des hormo-nes peptidiques ;– la libération des hormones stéroïdes sefait par diffusion simple à travers la mem-brane plasmique, au fur et à mesure de leursynthèse : le cytosquelette des cellules endo-crines spécialisées dans la synthèse de ces hor-mones ne présente donc pas les adaptations

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secondaires à l’existence des mécanismesd’exocytose régulée caractéristiques descellules endocrines spécialisées dans la pro-duction des hormones peptidiques.

Plusieurs modes d’organisation anatomique

Dans l’organisme adulte, les cellules endo-crines sont organisées selon trois modesprincipaux [1] :– certaines d’entre elles forment des orga-nes autonomes, les glandes endocrines ;le terme de glandes endocrines s’appliquehabituellement aux organes suivants : l’hypo-physe (elle-même constituée de deux partiesembryologiquement et fonctionnellementdistinctes, l’ante- et la post-hypophyse), lathyroïde, les parathyroïdes, le pancréasendocrine, les surrénales (elles-mêmesconstituées de deux parties embryologique-ment et fonctionnellement distinctes, la cor-tico- et la médullo-surrénale) ;– d’autres sont annexées à un autre organeou à un autre tissu et forment le systèmeendocrinien diffus ; celui-ci comprend notam-ment les diverses populations de cellulesendocrines annexées aux muqueuses diges-tives, à la muqueuse respiratoire et aux épi-théliums de revêtement de nombreux canauxexcréteurs de glandes exocrines (sein, voiesbiliaires, pancréas) ;– d’autres enfin sont associées aux glandessexuelles (ovaires et testicules).Quatre glandes endocrines : l’ante-hypo-physe, les parathyroïdes, le pancréas endo-crine et la médullo-surrénale, sont forméesde cellules spécialisées dans la productiond’hormones peptidiques, comme le sontégalement les cellules endocrines annexéesaux muqueuses digestives et respiratoires.Rappelons au passage que le système endo-crinien annexé au l’appareil digestif estsouvent considéré comme la plus grandeglande endocrine de l’organisme, aussi bienen raison de son volume réel (cependantdifficile à évaluer objectivement en raisondu caractère diffus de sa distribution) quepar la diversité des hormones synthétisées(plus d’une vingtaine) et l’importance desfonctions qu’elles exercent [11]. La cortico-surrénale, de même que les cellules endo-crines annexées aux glandes sexuelles, sontspécialisées dans la production d’hormonesstéroïdes.La thyroïde occupe une place à part [1]. Elleest formée de deux populations cellulairesdifférentes : (a) la population majoritaire,celle des cellules folliculaires, est spéciali-

sée dans la production des hormones ditesthyroïdiennes, dérivées d’un acide aminé, latyrosine ; l’organisation générale, de mêmeque les caractéristiques structurales et fonc-tionnelles, des cellules folliculaires de lathyroïde sont très différentes de celles descellules endocrines productrices d’hormo-nes peptidiques et s’apparentent davantageà celles des cellules épithéliales exocrines ;(b) une population minoritaire, celle des cel-lules parafolliculaires ou cellules C, est spé-cialisée dans la production de calcitonine ;les caractéristiques structurales et fonction-nelles des cellules parafolliculaires sontconformes au modèle général des cellulesproductrices d’hormones peptidiques. Lapost-hypophyse (ou neuro-hypophyse) estelle aussi un cas particulier ; il s’agit d’uneexpansion du système nerveux central, for-mée par des neurones, et non pas par descellules endocrines au sens strict ; ces neu-rones sont dotées d’une activité dite neuro-sécrétoire, car ils sont capables de synthéti-ser et de sécréter deux hormones peptidi-ques, l’ocytocine et la vasopressine.

Des origines embryologiques diverses

L’origine embryologique de plusieurs glan-des endocrines est connue depuis long-temps :– l’ante-hypophyse se forme à partir d’unbourgeon dérivant du pharynx et fusionneavec l’ébauche de la post-hypophyse, déri-vant elle-même du plancher cérébral, pourdonner l’hypophyse adulte [12] ;– les parathyroïdes dérivent des corps ultimo-branchiaux ;– la surrénale a une histoire embryologiquecomplexe [13] ; l’embryon et le fœtus sontdotés d’une structure transitoire, le cortexfœtal, dérivant du mésoderme ; celui-cis’entoure progressivement d’une couronnede cellules mésodermiques qui donneranaissance à la future cortico-surrénale ; lafuture médullosurrénale dérive de structuresganglionnaires sympathiques qui migrentprogressivement vers le cortex fetal, y pénè-trent et s’y différencient pour donner nais-sance à la médullosurrénale ; à la naissance,le cortex fœtal est encore très développé ; ilsubit une involution progressive après lanaissance et disparaît complètement à 1 an ;la surrénale n’acquiert cependant son archi-tecture définitive que vers l’âge de 3 ans.L’origine embryologique du système endo-crinien diffus a été beaucoup plus discutée[14]. Pendant longtemps, la conception domi-nante faisait dériver l’ensemble des cellulesdu système endocrinien diffus de précurseurs

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migrant de la crête neurale vers les tissuspériphériques où leur localisation définitivepermettait le développement de popula-tions résidentes de cellules endocrinesdispersées [15]. Selon cette hypothèse, lescellules endocrines des tissus périphériquesfaisaient partie d’un système commun, lesystème APUD (pour

amine precursor uptakeand decarboxylation

) ainsi nommé en raisonde propriétés fonctionnelles communes à laplupart des cellules du système endocriniendiffus [2]. Cette conception a été largement remise encause par les acquis récents de l’embryolo-gie et de la biologie du développement [2,15, 16]. Même s’il a été expérimentalementvérifié que certaines cellules endocrinesdérivent effectivement de précurseurs pro-venant de la crête neurale, ces cellules sontpeu nombreuses ; elles incluent notam-ment : (a) les cellules de la médullo-surré-nale et des paraganglions sympathiques, (b)les cellules endocrines C, ou cellules para-folliculaires, de la thyroïde, spécialiséesdans la synthèse de calcitonine. À l’inverse,il est maintenant bien établi que, contraire-ment aux hypothèses classiques, la plupartdes cellules du système endocrinien diffusne dérivent pas de précurseurs issus de lacrête neurale mais se forment sur place, àpartir de la même cellule souche que lesautres types de cellules épithéliales qui lesentourent [16]. C’est ainsi que dans le pan-créas, la même cellule souche donne nais-sance aux cellules acinaires, aux cellulescanalaires, aux cellules centro-acinaires etaux diverses lignées de cellules endocrines[17, 18]. Il en est de même dans la muqueuserespiratoire et dans les muqueuses digesti-ves. Dans le tube digestif, la situation esttoutefois un peu plus complexe [19]. L’intes-tin embryonnaire comporte en effet troissegments distincts (antérieur, moyen etpostérieur). Chaque segment est doté d’uncompartiment spécifique de cellules sou-ches d’où dérivent l’ensemble des cellulesépithéliales correspondantes. Les cellulesendocrines digestives ne dérivent donc pasd’un précurseur unique mais d’un précur-seur spécifique à chacun des trois segmentsdigestifs ; toutefois, comme dans les autresorganes périphériques, ce précurseur estcommun aux cellules endocrines et aux dif-férents types de cellules exocrines qui lesentourent.Les facteurs de transcription impliqués dansla différenciation des cellules endocrines àpartir des cellules souches correspondantessont de mieux en mieux connus, commel’illustrent les figures. Ils sont de naturevariable en fonction de l’organe mais agis-

sent habituellement selon un schémacomparable, comportant plusieurs étapessuccessives. La première étape est l’émer-gence du précurseur commun à l’ensembledes cellules endocrines de l’organe consi-déré ; elle dépend de l’induction del’expression d’un facteur clé, variable enfonction de l’organe ; plusieurs exemples deces facteurs clés sont connus, comme pit-1pour l’ante-hypophyse [20] ou neurogénine3 pour le tube digestif et le pancréas endo-crine [19]. La deuxième étape consiste enl’émergence, à partir du précurseur commun,des précurseurs des différentes lignéesendocrines présentes dans l’organe corres-pondant ; cette étape dépend de l’activationséquentielle et hiérarchisée de plusieursfacteurs de transcription successifs. La der-nière étape est la différenciation terminaledes cellules endocrines au sein de chaquelignée, elle-même placée sous la dépen-dance de un ou plusieurs facteurs spécifi-ques gouvernant les différentes étapesnécessaires.

Localisation et histogenèse

des tumeurs endocrines

Les tumeurs endocrines sont essentielle-ment développées aux dépens des glandesendocrines (comme l’hypophyse, la thy-roïde et la surrénale) ou des populations decellules endocrines du système endocriniendiffus (tube digestif, pancréas endocrine,poumons…) [1]. Certaines d’entre elles sedéveloppent dans des localisations où n’exis-tent que de rares cellules endocrines nor-males, comme les voies biliaires ou la glandemammaire (où des cellules endocrines ontété décrites dans l’épithélium des canauxgalactophores). Enfin, certaines tumeursendocrines se rencontrent dans des organesapparemment dépourvus de cellules endo-crines à l’état normal (ou au sein desquelsaucune population de cellules endocrinesn’a été encore identifiée), comme le thymus,le rein ou l’utérus.L’histogenèse des tumeurs endocrines varieen fonction de leur localisation. Les tumeursdéveloppées aux dépens des glandes endo-crines proprement dites dérivent de cellulesdéjà engagées dans un programme de diffé-renciation endocrine. Les tumeurs dévelop-pées aux dépens du système endocriniendiffus dérivent d’un compartiment de cellu-les souches beaucoup plus hétérogène.Dans le tube digestif, le pancréas ou le pou-mon, l’existence de précurseurs communsaux cellules endocrines et aux autres popu-

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lations de cellules épithéliales qui les entou-rent explique l’existence de tumeurs mixtes,endocrines et exocrines (voir la mise aupoint correspondante dans ce numéro),mais aussi la rétention par certaines tumeursendocrines de caractères normalement pro-pres aux cellules exocrines différenciées(comme l’expression de certains facteurs detranscription, tels que cdx-2 [21], ou de cer-tains marqueurs de différenciation, commeMUC-1 [22]). Enfin, le développement detumeurs endocrines dans des organes oùn’existent pas de cellules endocrines à l’étatnormal pose des problèmes d’histogenèsenon résolus : il faut admettre que les cellulessouches de ces organes possèdent la capa-cité de s’engager dans une voie de différen-ciation endocrine, totalement réprimée àl’état normal mais susceptible d’être activéedans des conditions pathologiques.

Les marqueurs de différenciation

des cellules endocrines tumorales

Le diagnostic de tumeur endocrine reposesur plusieurs types d’arguments, notammenthistologiques, histochimiques et immuno-histochimiques. Les arguments histologiquessont très évocateurs ; à faible grandisse-ment, l’architecture générale de la tumeurest habituellement caractéristique : lestumeurs endocrines ont une architecture leplus souvent lobulaire ou trabéculaire ; lestroma est d’abondance variable, mais tou-jours très vascularisé ; à fort grandissement,les cellules tumorales ont un aspect très sté-

réotypé ; elles sont monomorphes ; leurtaille est le plus souvent moyenne ; leurnoyau, à chromatine fine, est en positioncentrale ; leur cytoplasme est abondant et àlimites nettes. Le plus souvent, le diagnosticde tumeur endocrine est posé dès ce stade.Il est néanmoins habituel de le confirmerpar des arguments supplémentaires, histo-chimiques ou immunohistochimiques. Cesarguments deviennent essentiels dans lesformes atypiques ou peu différenciées, lors-que la nature endocrine de la proliférationtumorale est difficile à établir formellementsur les seuls éléments morphologiques.

Les propriétés histochimiques

Même si elles ont été largement supplan-tées par les techniques immunohistochimi-ques, plus reproductibles et d’interprétationplus facile, les colorations histochimiquesutilisées pour l’identification des cellulesendocrines, normales et tumorales, conser-vent encore tout leur intérêt. Elles sontfondées sur les capacités des cellulesendocrines à réduire les sels d’argent. Lacoloration de Grimélius permet la mise enévidence de l’argyrophilie, c’est-à-dire lacapacité des cellules endocrines à réduireles sels d’argent en présence d’un réducteurextérieur ; elle est positive dans la plupartdes cellules endocrines, normales et tumo-rales

(figure 1)

. La coloration de Fontana-Masson

(figure 2)

permet d’identifier lescellules argentaffines, c’est-à-dire capablesde réduire les sels d’agent sans apport deréducteur extérieur ; elle n’est positive que

a b

FIG. 1. — Coloration de Grimélius dans des cellules endocrines normales (a, pancréas endocrine) et tumorales (b).

FIG. 1. — Grimelius stain in normal (a, endocrine pancreas) and neoplastic (b) endocrine cells.

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dans certaines lignées de cellules endocri-nes, normales ou tumorales, notammentcelles secrétant de la sérotonine (comme lescellules entérochromaffines ou EC) ou del’histamine (comme les cellules dites ente-rochromaffin-like ou ECL).

Les marqueurs de différenciation

Les cellules endocrines tumorales expri-ment une large gamme de marqueurs de dif-férenciation caractéristiques [23]. Il faut endistinguer deux groupes principaux : (a) lesmarqueurs endocrines proprement dits, et(b) les marqueurs neuro-endocrines, communsaux cellules nerveuses et aux cellules endo-crines

(figure 3)

.

Les marqueurs endocrines

L’expression de marqueurs endocrines spé-cifiques par les cellules endocrines tumo-rales témoigne de la conservation depropriétés structurales et/ou fonctionnellestypiques des cellules endocrines normales.Les plus caractéristiques des marqueursendocrines proprement dits sont les chro-mogranines. La chromogranine A a une dis-tribution large dans l’organisme [4] ; lachromogranine B n’est détectée que dansquelques populations de cellules endocri-nes (celles de l’hypophyse, du rectum et dela médullo-surrénale en particulier) [24, 25].À l’état normal, ces protéines sont localiséesélectivement dans les grains de sécrétion

(ou

large dense core granules

) caractéristi-ques des cellules endocrines sécrétant deshormones peptidiques. Les chromograninessont concentrées dans la matrice des grainsde sécrétion et sont libérées dans le milieuextérieur en même temps que les hormonesqu’elles accompagnent. Elles constituentdonc d’excellents marqueurs tumoraux,faciles à doser dans le sérum et de plus enplus souvent utilisés pour le diagnostic et lesuivi de l’évolution des tumeurs endocrines.Les chromogranines sont des marqueurstrès spécifiques des cellules endocrines ; iln’existe que de rares faux positifs. Parcontre, leur sensibilité est parfois prise endéfaut et ce, pour plusieurs raisons [23]. Lapremière raison est d’ordre technique ; lesanticorps actuellement disponibles dans lecommerce pour détecter la chromogra-nine A ont une sensibilité relativement fai-ble et sont responsables de nombreux fauxnégatifs, y compris dans des cellules endo-crines normales

(figure 4)

. La seconde raisonest d’ordre physiopathologique ; pour qu’ily ait expression intracellulaire de chromo-granine, il faut qu’il y ait des grains de sécré-tion ; si ces organites sont absents, leschromogranines sont indétectables. La for-mation de grains de sécrétion est générale-ment défective dans les cellules endocrinespeu différenciées : celles-ci n’exprimentdonc habituellement pas les chromograni-nes. Même dans des cellules endocrinesbien différenciées, les concentrations intra-cellulaires de chromogranine sont parfoistrop faibles pour être correctement détec-tées par immunohistochimie : c’est le cas

FIG. 2. — Coloration de Fontana-Masson dans un carcinoïde de l’intestin grêle.

FIG. 2. — Fontana-Masson reaction in a small intestinal carci-noid. FIG. 3. — Localisation subcellulaire des principaux marqueurs

endocrines et neuro-endocrines.

FIG. 3. — Subcellular localization of endocrine and neuro-endo-crine markers.

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lorsque le nombre de grains de sécrétiondans la cellule est faible ou lorsque l’acti-vité sécrétoire, entraînant la libération ducontenu des grains de sécrétion à l’extérieurde la cellule, est très intense : ces variationsphysiologiques expliquent la fréquentehétérogénéité de l’expression des chromo-granines dans une même tumeur endocrine

(figure 4)

.Les chromogranines ne sont pas les seulsmarqueurs endocrines au sens strict [26].D’autres protéines associées aux grains desécrétion, appartenant à la famille des grani-nes, ont été proposées comme des mar-queurs diagnostiques potentiels : c’est le casdes protéines 7B2 [27] et NESP55 [28] ou del’épitope HISL-19 (un déterminant antigéni-que de la sécrétogranine IV) [29]. La distri-bution cellulaire de ces marqueurs estparfois restreinte : c’est ainsi que NESP55 aété proposée comme un marqueur des cel-lules endocrines pancréatiques et médullo-surrénaliennes [30].

Les marqueurs neuro-endocrines

Les marqueurs neuro-endocrines doiventleur nom au fait qu’ils sont communs auxneurones et aux cellules endocrines. Lesdonnées embryologiques actuelles mon-trent que ces analogies phénotypiques nedoivent pas être interprétées comme lesigne d’une origine commune (contraire-ment à ce que proposait la conception,aujourd’hui abandonnée, du système APUD),mais plutôt comme le résultat d’une conver-

gence adaptative, répondant à des besoinsidentiques [2]. Plusieurs groupes de marqueurs neuro-endocrines peuvent être distingués enfonction de leur localisation subcellulaire

(figure 3)

:– les marqueurs vésiculaires : ils sont associésaux vésicules neurosécrétoires, équivalentsendocrines des vésicules pré-synaptiques desneurones ; la synaptophysine en est l’exem-ple le mieux connu et le plus utilisé en prati-que [3]

(figure 5)

;

a b

FIG. 4. — Immunodétection de la chromogranine A dans des cellules endocrines normales (a, pancréas endocrine) et tumorales (b). L’hété-rogénité du niveau apparent d’expression est bien visible.

FIG. 4. — Immunodetection of chromogranin A in normal (a, Langerhans islet) and tumoral (b) endocrine cells. The heterogeneity in the apparent expression level is readily visible.

FIG. 5. — Immunodétection de la synaptophysine dans une tumeur endocrine intestinale.

FIG. 5. — Immunodetection of synaptophysin in an intestinal endocrine tumor.

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Biologie et physiopathologie des tumeurs endocrines

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– les marqueurs cytosoliques : ils corres-pondent à des protéines cytoplasmiques,libres au sein du cytosol cellulaire ; c’est lecas de l’énolase spécifique des neurones, ouNSE, qui, contrairement à ce que laisse sup-poser son nom, est exprimée dans de trèsnombreuses lignées cellulaires, ou de laprotéine PGP9.5, moins connue mais beau-coup plus spécifique, son expression étanteffectivement limitée aux cellules nerveuseset aux cellules endocrines [26] ;– les marqueurs membranaires : la protéinemembranaire « neuro-endocrine » la mieuxconnue est sans conteste N-CAM (

neural-cell adhesion molecule

) ; il s’agit d’une pro-téine d’adhésion intercellulaire, qui joue àl’état normal un rôle important dans la régu-lation des interactions entre cellules endo-crines ; il en existe plusieurs isoformes, quise distinguent notamment par leur degré etleur type de glycosylation ; certaines sontpropres aux cellules tumorales, comme laPSA-N-CAM, forme polysialylée qui exercedes effets déstabilisants sur les interactionscellulaires et favorise la migration cellulaireet l’invasion [31]

;

CD57 (auquel appartientnotamment l’anticorps Leu7) correspond àun déterminant antigénique, dénomméHNK1, retrouvé dans certaines formes de N-CAM mais aussi dans d’autres protéinesmembranaires [31].

Applications au diagnostic

En pratique, la confirmation du diagnosticde tumeur endocrine repose le plus souventsur l’association d’au moins deux types demarqueurs immunohistochimiques : un mar-queur endocrine proprement dit, comme lachromogranine A, et au moins un marqueurneuro-endocrine. Ces deux types de mar-queurs sont en effet complémentaires etnon redondants. L’intérêt de l’utilisationd’au moins un marqueur neuro-endocrinerésulte de la possibilité de faux négatifs dansl’immunodétection de la chromogranine A,dont nous avons déjà donné les raisons

(figures 4 et 5)

. Parmi les marqueurs neuro-endocrines, le plus sensible est sansconteste la synaptophysine, qui doit être uti-lisée en première ligne. En cas de nécessité,un ou plusieurs autres marqueurs neuro-endocrines peuvent être ajoutés : dansnotre expérience, la protéine PGP9.5 est par-ticulièrement à conseiller en raison de sabonne spécificité et de son excellente sen-sibilité. D’autres marqueurs neuro-endo-crines, comme la N-CAM, ne sont pas àconseiller, dans la mesure où, en pathologietumorale, leur expression n’est pas res-treinte aux tumeurs nerveuses et aux tumeurs

endocrines. De nombreuses tumeurs, notam-ment exocrines, peuvent exprimer de manière« inappropriée », la N-CAM ; cette expres-sion est habituellement associée à un pou-voir invasif accru et à une plus grandeagressivité tumorale. Ces expressions inap-propriées ne doivent pas conduire à un dia-gnostic, tout aussi inapproprié, de tumeur« neuro-endocrine » ou mixte [32].

Le profil hormonal des tumeurs

endocrines

Une forte proportion de tumeurs endocri-nes conservent la capacité de synthétiser et/ou sécréter une ou plusieurs hormones. Ilest difficile, sinon impossible, de mettre enévidence les hormones stéroïdes par destechniques morphologiques ; seules lesenzymes impliquées dans leur biosynthèsepeuvent être étudiées par des techniquesimmunohistochimiques. Par contre, plu-sieurs techniques sont à la disposition del’anatomopathologiste pour déterminer leprofil hormonal d’une tumeur endocrinesécrétant une hormone peptidique, notam-ment : (a) la microscopie électronique, unetechnique aujourd’hui historique : c’est ellequi a permis les premières classificationsmorpho-fonctionnelles des tumeurs endo-crines (les grains de sécrétion endocrine ontdes caractéristiques ultrastructurales diffé-rentes pour chaque hormone) ; son utilisa-tion est aujourd’hui plus que restreinte ; (b)l’immunohistochimie, la technique plus uti-lisée : de nombreux anticorps dirigés contreles principales hormones sont en effetactuellement commercialisés ; (c) l’hybrida-tion in situ, une technique utile dans cer-tains cas particuliers, notamment lorsque lescellules endocrines tumorales synthétisentdes formes d’hormones indétectables parles anticorps conventionnels. Plus récem-ment, des techniques de PCR ont été utili-sées pour identifier la présence d’ARNmd’hormones peptidiques dans des extraitstissulaires. Il faut insister sur le fait que cesdiverses techniques permettent seulementde conclure à la synthèse, mais non à lasécrétion au sens strict, d’une ou plusieurshormones par les cellules endocrines tumo-rales. Il est donc essentiel de corréler lesdonnées morphologiques aux données cli-niques et aux résultats des dosages hormo-naux dans le sang périphérique. Un point important doit être souligné. Unetumeur endocrine n’est dite fonctionnelleque lorsqu’elle s’associe à un syndrome cli-nique d’hypersécrétion hormonale, c’est-à-

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dire lorsqu’il existe des symptômes témoi-gnant des conséquences biologiques d’unexcès d’hormone circulante. Dans tous lesautres cas, y compris lorsqu’un ou plusieursproduits de sécrétion peuvent être détectéspar des techniques morphologiques ou pardes dosages sériques, la tumeur est dite nonfonctionnelle. Plusieurs autres points doivent égalementêtre signalés :– certaines hormones produites à l’état nor-mal n’ont jamais été détectées dans destumeurs endocrines ; c’est le cas, par exem-ple, parmi les hormones digestives, de lacholécystokinine ou de la sécrétine ;– il est fréquent que plusieurs hormonessoient détectées au sein d’une même pro-lifération tumorale, le plus souvent dansdes populations différentes ; plusieursprofils sont possibles : coexistence d’unepopulation majoritaire avec une ou plu-sieurs populations minoritaires, coexis-tence de plusieurs populations d’importancecomparable, coexistence de populationsengagées dans la synthèse d’une ou plu-sieurs hormones avec des populations nonfonctionnelles ;– il est possible qu’une prolifération endo-crine tumorale synthétise une hormone nondétectée dans le tissu normal correspon-dant : c’est ce qu’il est convenu d’appelerune expression hormonale ectopique ; lessécrétions ectopiques s’opposent aux sécré-tions eutopiques, constituées par des hor-mones normalement exprimées dans le tissucorrespondant ; des exemples bien connusde sécrétion ectopique sont représentéspar les tumeurs endocrines pancréatiquessynthétisant la calcitonine, la sérotonine oul’ACTH.La détermination du profil hormonal d’unetumeur endocrine a plusieurs applicationspratiques :• la classification morpho-fonctionnelle destumeurs endocrines : particulièrement impor-tante dans certaines localisations (hypo-physe), elle est utile mais non indispensabledans d’autres (pancréas) ;• une aide à l’identification du site primitifdevant une métastase révélatrice : ainsi, lamise en évidence d’une synthèse de séroto-nine oriente-t-elle en premier lieu vers uneorigine digestive, même si elle n’exclut pasd’autres localisations plus rares ;• une aide pour la prise en charge dumalade : les hormones identifiées peuventse révéler ultérieurement des marqueursutiles pour la surveillance post-opératoire etle diagnostic des récidives.

Histoire naturelle des tumeurs

endocrines

Les étapes de la croissance tumorale

L’histoire naturelle des tumeurs endocrinescomporte plusieurs étapes successives :– les stades précoces, correspondant auxétapes initiales traduisant l’émergence et ledébut de la croissance d’un clone néoplasi-que ;– la phase de croissance locale, correspon-dant au développement du clone néoplasi-que dans l’organe qui lui a donné naissance ;– la phase de dissémination métastatique,correspondant à la dispersion et à l’essai-mage du clone néoplasique dans l’ensemblede l’organisme.Les stades précoces de l’histoire naturelledes tumeurs endocrines sont, sauf excep-tion, très mal connus. L’un des rares exem-ples bien étudiés est celui des tumeursendocrines gastriques à cellules ECL surve-nant dans un contexte d’hypergastrinémiechronique, où les différentes étapes menantde l’hyperplasie endocrine réactionnelle à lanéoplasie ont été mrophologiquement biendécrites [33]. Il s’agit cependant d’un cas par-ticulier, qui ne peut aujourd’hui être extrapolésans précaution aux autres tumeurs endo-crines. Un autre exemple en pathologiehumaine est celui des lésions précurseursobservées dans le cadre du syndrome MEN1dans plusieurs organes, comme l’estomac etle pancréas [1].La phase de croissance locale est beaucoupmieux connue, puisque c’est habituellementà ce stade que les tumeurs endocrines sontidentifiées et diagnostiquées. La tumeurendocrine se développe localement eninduisant l’élaboration d’un stroma très par-ticulier, dont l’une des propriétés les plusévidentes est la très grande richesse en vais-seaux sanguins. Le stroma tumoral rappelleainsi le tissu conjonctif associé aux tissusendocrines normaux. Le caractère hypervas-cularisé du stroma tumoral est un signediagnostique essentiel des tumeurs endo-crines, utilisé aussi bien par les radiologuesque par les pathologistes. Il est vraisemblableque la capacité d’induire la formation d’unstroma richement vascularisé résulte de laconservation par les cellules endocrines tumo-rales des propriétés pro-angiogéniques descellules endocrines normales, qui se mani-festent en particulier par leur expressionconstitutive de facteurs angiogéniques commele VEGF [34].

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Biologie et physiopathologie des tumeurs endocrines

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Au cours de la phase initiale de leur progres-sion, les tumeurs endocrines ont habituelle-ment un mode de croissance expansif plutôtqu’infiltrant. Elles repoussent les tissus devoisinage sans les envahir directement etsont souvent bien limitées, voire encapsu-lées. Ce n’est que dans une phase plus tar-dive qu’elles deviennent infiltrantes.Rappelons qu’une tumeur endocrine n’estconsidérée comme invasive qu’à un stadehabituellement tardif de son évolutionlocale : (a) pour les tumeurs hypophysaires,pancréatiques ou surrénaliennes, lorsqu’ellessortent des limites de l’organe et envahis-sent les tissus adjacents, (b) pour lestumeurs digestives, lorsqu’elles envahissentla musculeuse propre

(figure 6)

. Il faut sou-ligner que les mécanismes cellulaires etmoléculaires responsables de la progres-sion tumorale endocrine et de la formationdu front d’invasion sont encore extrême-ment mal connus.La phase de dissémination métastatique esttardive et inconstante, mais c’est souvent àce stade que certains types de tumeursendocrines sont diagnostiquées : 50 % destumeurs endocrines digestives sont décou-vertes au stade métastatique et il n’est pasrare qu’une tumeur endocrine digestive soitrévélée par des métastases hépatiques inau-gurales [35]. La survenue de métastasesauthentifie le caractère malin de la prolifé-ration tumorale et transforme le pronostic.Il faut cependant souligner que certainesdisséminations métastatiques endocrinesprogressent de manière très lente et sont

compatibles avec des survies très prolon-gées.D’une façon générale, les profils évolutifs etles vitesses d’évolution des tumeurs endo-crines sont très variables d’un cas à l’autre.Beaucoup de tumeurs se comportentcomme des tumeurs bénignes, sansmétastase et sans récidive après exérèsecomplète. À l’opposé, d’autres se compor-tent comme d’authentiques tumeurs mali-gnes, comportant un risque de disséminationmétastatique et de récidive. Même lorsqueleur évolution est maligne, beaucoup detumeurs endocrines ont une progressionlente, qui peut cependant aboutir au déve-loppement de masses tumorales considéra-bles mettant en jeu le pronostic vital [35].D’autres profils évolutifs sont néanmoinspossibles :– certaines tumeurs sont stables pendantune période de durée variable après leur dia-gnostic, puis progressent ensuite de manièrerapide ;– d’autres progressent d’emblée et d’unseul tenant vers le décès ;– enfin, certaines tumeurs endocrines évo-luent par poussées successives, des phasesde stabilité de durée variable séparant desphases de progression.

Les questions posées par les tumeurs endocrines

L’évaluation du grade et du stade de la maladie

Pour tout cancer, il est fondamental de pou-voir identifier, au moment du diagnostic, legrade de la lésion, c’est-à-dire son degréd’agressivité, et le stade de la maladie, c’est-à-dire son degré d’extension locale et dedissémination dans l’organisme. Pour lestumeurs endocrines, ces deux points posentproblème.Pour la plupart des cancers, le grade de lalésion est évalué à partir de son degré de dif-férenciation. En l’état actuel des connaissan-ces, les tumeurs endocrines se répartissenten deux grandes catégories : les formes biendifférenciées et les formes peu différen-ciées. Les tumeurs peu différenciées for-ment un groupe relativement homogène,même si leur définition morphologiquepeut varier d’un organe à l’autre et même siles études génétiques récentes soulignentl’existence d’un certain degré d’hétérogé-néité moléculaire [36] : ce sont des tumeursde haut grade de malignité, toujoursagressives, rapidement évolutives ; ce sont

FIG. 6. — Carcinome endocrine infiltrant de l’intestin grêle, enva-hissant la musculeuse (immunodétection de la chromogranine A).

FIG. 6. — Well differentiated endocrine carcinoma of the small intestine, infiltrating the muscularis propria (immunodetection of chromogranin A).

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cependant des tumeurs rares, représentantmoins de 5 % des tumeurs endocrines. Lestumeurs les plus fréquentes sont lestumeurs dites bien différenciées. Celles-ciforment un groupe très hétérogène, asso-ciant des tumeurs authentiquement béni-gnes, des tumeurs de faible grade demalignité, lentement évolutives mais sus-ceptibles néanmoins de donner naissance àdes métastases ou de récidiver après traite-ment, et des tumeurs plus agressives, àvitesse d’évolution rapide [37]. Les critèresactuels utilisés pour la définition du gradetumoral sont donc insatisfaisants. D’autrespropositions ont été formulées, mais leurpertinence n’a cependant pas encore étéclairement évaluée et n’est pas étayée parune compréhension claire des mécanismessous-jacents. Ces problèmes sont discutésen détail dans deux mises au point de cenuméro thématique [38, 39].Pour la plupart des cancers, le stade de lamaladie est évalué à travers la classificationTNM, qui indique, de façon adaptée à cha-que type tumoral et en fonction de sa loca-lisation, le degré d’extension locale de latumeur (T), son degré de dissémination gan-glionnaire lymphatique (N) et son degré dedissémination métastatique (M). Il n’existepas actuellement de classification TNM pourde nombreux types de tumeurs endocrines,notamment pour les tumeurs endocrinesdigestives et pancréatiques [1].

L’évaluation du risque de malignité

L’évaluation du pronostic d’une tumeurendocrine au moment de son diagnostic estun problème particulièrement difficile. Lepremier problème est de déterminer si latumeur se comportera comme une tumeurbénigne, sans risque de disséminationmétastatique et sans risque de récidiveaprès traitement complet, ou comme unetumeur maligne, potentiellement métastati-que. Il est probable qu’une approche plusadaptée au problème des tumeurs endocri-nes soit de raisonner non pas dans le cadrede la dichotomie classique entre tumeurbénigne et tumeur maligne, mais en termede risque de malignité, susceptible de varierde très faible à très élevé ; cette approche aété récemment appliquée avec succès auxtumeurs stromales gastro-intestinales [40].Le deuxième problème est d’évaluer, pourune tumeur manifestement maligne, sonprofil évolutif et sa vitesse de progression.En pratique, la situation peut être résuméepar cette formule : s’il est parfois possibled’affirmer formellement le caractère malind’une tumeur endocrine digestive, il est le

plus souvent impossible d’affirmer formelle-ment son caractère bénin.

Principes de classification

des tumeurs endocrines

Nomenclature et terminologie

La modification des conceptions embryolo-giques explique en partie les variations, etparfois les incertitudes, concernant la nomen-clature et la classification des tumeurs endo-crines, qui ont marqué les dernières décennies.Quelques points importants doivent êtresoulignés :– le terme de tumeurs « neuro-endocrines »,très utilisé pendant une certaine période[41], n’est plus aujourd’hui considéré commele plus adapté : ce terme soulignait explici-tement le fait que les cellules endocrinestumorales expriment habituellement desmarqueurs de type neuro-endocrine etrenvoyait implicitement au concept d’uneorigine neurale des cellules endocrines ;de même, le terme d’APUDome, qui faisaitréférence de manière encore plus expliciteau concept embryologique de systèmeAPUD, doit être aujourd’hui totalementabandonné ; le terme aujourd’hui adoptépar les classifications internationales estcelui de tumeurs endocrines [1, 42] ;– le terme de carcinoïde a eu, et conserveencore, de nombreuses acceptions ; dansson acception la plus restreinte, défenduenotamment par la plus récente classificationOMS des tumeurs endocrines [42], ce termeest réservé aux tumeurs endocrines, digesti-ves ou thymiques, associées à un syndromecarcinoïde clinique, dû à l’hypersécrétionde sérotonine ; dans une acception beau-coup plus large, qui n’est pas encorecomplètement abandonnée aujourd’hui, leterme de carcinoïde est employé pour dési-gner des tumeurs endocrines bien différen-ciées, qu’elles soient bénignes, de malignitéincertaine ou authentiquement malignes ;dans cette acception, le terme de carcinoïdereste officiellement utilisé dans la classifica-tion des tumeurs endocrines du poumon[43] ; par analogie, dans le tube digestif, leterme de carcinoïde reste souvent employé,notamment dans la littérature clinique ouradiologique, pour désigner les tumeursendocrines digestives bien différenciées,quel que soit leur produit de sécrétion etindépendamment de leur éventuelle asso-ciation à un syndrome fonctionnel [44].

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Biologie et physiopathologie des tumeurs endocrines

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– les termes d’insulinome, glucagonome…,souvent utilisés en pathologie digestive etpancréatique, doivent absolument êtreréservés à des tumeurs endocrines fonc-tionnelles, c’est-à-dire, comme nous l’avonsdéjà souligné plusieurs fois, aux tumeursaccompagnées d’un syndrome clinique tra-duisant l’hypersécrétion hormonale [42].

Les classifications OMS des tumeurs endocrines

L’OMS a proposé récemment des classifica-tions pour : (a) les tumeurs endocrines pul-monaires (1999) : cette classification s’intègredans le cadre plus général de la classifica-tion des tumeurs pulmonaires [43], (b) lestumeurs endocrines survenant dans les sitessuivants : hypophyse, parathyroïdes, surré-nales, tube digestif et pancréas endocrine(2000) [42] ; cette classification a été partiel-lement réactualisée dans le nouvel ouvrageconsacré à ces tumeurs, dans la série« Pathology and Genetics » de l’OMS (2004)[1] ; de plus, la classification des tumeursendocrines digestives a été réactualisée par-tiellement dans le cadre plus général de lanouvelle classification des tumeurs del’appareil digestif, parue dans la même série[44]. Enfin, les problèmes posés par lestumeurs endocrines, rares ou exceptionnel-les, survenant dans d’autres localisationsanatomiques sont abordés dans les classifi-cations dédiées à chacun de ces organes.Les deux classifications récentes des tumeursendocrines respectivement pulmonaires etdigestives visent un objectif identique : offrirune classification histopronostique permet-tant l’adaptation de la prise en charge théra-peutique et de la surveillance. Elles reposentsur des principes comparables : distinguerplusieurs groupes de tumeurs endocrinesd’évolutivité différente à l’aide de critèreshistopronostiques simples et reproducti-bles. Cependant, la terminologie utilisée etles critères proposés varient selon la locali-sation. Ces classifications sont présentéesen détail et discutées dans deux mises aupoint de ce numéro [45, 46].

Conclusion

Beaucoup de progrès ont été réalisésrécemment dans la compréhension de labiologie et de la physiopathologie de nom-breux exemples de tumeurs endocrines.Beaucoup reste néanmoins à faire, notam-

ment pour mieux comprendre les mécanis-mes moléculaires et cellulaires impliquésdans la progression tumorale et la dissémi-nation métastatique. L’amélioration de nosconnaissances dans ces domaine est unpréalable nécessaire pour la mise au pointde nouveaux outils pronostiques, quifont cruellement défaut, mais aussi pourl’identification de nouvelles cibles théra-peutiques.

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