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GROUPE VENDEEN D'ETUDES PREHISTORIQUES, nO 24, 1990 UN AUROCHS DECOUVERT A COURCON (CHARENTE-MAR ,ITIME) par Frédéric BOUIN De 1970 à 1972, Monsieur Robert PRUNIER, domicilié à COURCON (17) exploite une carrière de graviers au lieu-dit "lle de Nion", à l'emplacement de la parcelle 180, feuille AM du cadastre de Courçon. La demande est forte, à tel point qu'il doit travailler la nuit afin de déplacer l'épaisse couche de terre qui surmonte les matériaux recherchés, pour qu'au matin les camions n'aient pas à attendre. Durant l'une de ces nuits, quelque chose de clair roule devant grue. Intrigué, Monsieur PRUNIER quitte son siège, saisit l'objet qui vient d,'arrêter sa course, un crâne je vache lui semble-t-il. Curieux, il le met de côté ainsi que quelque os épars tout à côté" avant de reprendre son travai 1. Il donne plus tard le tout à Monsieur Joël BALESTE, enseignant, qui le déposera au collège de Courçon, il demeurera jusqu'à ce que nous le retrouvions et qu' i 1 nous soit donné en 1980. Cet ensemble est maitenant stocké au dépôt de fouilles de la société ARCHEAUNIS. La taille de ces restes aidant, il nous fut facile de les attribuer à un aurochs, ce que confirmera Jean MASSAUD, le 28 Septembre 1980 au cours d'une après-midi passée à les étudier. Il a réalisé la plupart des détermina- tions, des mensurations et des réflexions ostéologiques qui suivent. L'aurochs, Bos primigenius, était un grand bovidé sauvage, puissant, massif pouvant atteindre 2 mètres au garrot pour les spécimens paléolithiques, plus grand que leurs descendants néolithiques. Leurs cornes, larges et pointues, recourbées vers l'avant, pouvaient atteindre un mètre de développement chacune. Cet herbivore affectionnait les milieux ouverts, les bois clairsemés et les fonds de vallée humides. Les témoignages anciens - n'oublions pas que cet animal s'est éteint en Pologne en 1627 et a vécu en France jusque durant le Moyen-Age - rapportent qu'il vivait en petites hordes, aux habitu- des souvent nocturnes et que les mâles étaient actifs et agressifs (Anonyme, 1987) . Douze des seize fragments osseux recueillis par Monsieur PRUNIER ont pu être déterminés. Nous avons ainsi reconnu : * Le crâne : très abimé, il ne reste qu'une partie du frontal, le départ de la cheville osseuse de la corne droite, le trou occipital et les deux condyles occipitaux. De nombr euses cassures fraîches attestent de la disparition récente des autres parties de la tête osseuse proprement dite, comme des autres os incomplets décrits plus loin, sauf exceptions spécifiées. Il ne fait aucun doute que les conditions de découverte en sont seules responsables. Une série de mesure a tout de même pu être réalisée. Nous avons utilisé les mensurations fixées par Madame A. Von Den DRIESCH (A. VON DEN DRIESCH, 1976) (cf. annexe). L'examen du sillon et du trou sus-orbitaire, très nets et non recouverts d'os, permet d'attribuer cet os à un sujet âgé de moins de 5 ans , sans doute un jeune adulte. -20-

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GROUPE VENDEEN D'ETUDES PREHISTORIQUES, nO 24, 1990

UN AUROCHS DECOUVERT A COURCON (CHARENTE-MAR,ITIME)

par Frédéric BOUIN

De 1970 à 1972, Monsieur Robert PRUNIER, domicilié à COURCON (17) exploite une carrière de graviers au lieu-dit "lle de Nion", à l'emplacement de la parcelle 180, feuille AM du cadastre de Courçon. La demande est forte, à tel point qu'il doit travailler la nuit afin de déplacer l'épaisse couche de terre qui surmonte les matériaux recherchés, pour qu'au matin les camions n'aient pas à attendre.

Durant l'une de ces nuits, quelque chose de clair roule devant I~ grue. Intrigué, Monsieur PRUNIER quitte son siège, saisit l'objet qui vient d,'arrêter sa course, un crâne je vache lui semble-t-il. Curieux, il le met de côté ainsi que quelque os épars tout à côté" avant de reprendre son travai 1.

Il donne plus tard le tout à Monsieur Joël BALESTE, enseignant, qui le déposera au collège de Courçon, où il demeurera jusqu'à ce que nous le retrouvions et qu' i 1 nous soit donné en 1980.

Cet ensemble est maitenant stocké au dépôt de fouilles de la société ARCHEAUNIS.

La taille de ces restes aidant, il nous fut facile de les attribuer à un aurochs, ce que confirmera Jean MASSAUD, le 28 Septembre 1980 au cours d'une après-midi passée à les étudier. Il a réalisé la plupart des détermina­tions, des mensurations et des réflexions ostéologiques qui suivent.

L'aurochs, Bos primigenius, était un grand bovidé sauvage, puissant, massif pouvant atteindre 2 mètres au garrot pour les spécimens paléolithiques, plus grand que leurs descendants néolithiques. Leurs cornes, larges et pointues, recourbées vers l'avant, pouvaient atteindre un mètre de développement chacune. Cet herbivore affectionnait les milieux ouverts, les bois clairsemés et les fonds de vallée humides. Les témoignages anciens - n'oublions pas que cet animal s'est éteint en Pologne en 1627 et a vécu en France jusque durant le Moyen-Age - rapportent qu'il vivait en petites hordes, aux habitu­des souvent nocturnes et que les mâles étaient actifs et agressifs (Anonyme, 1987) .

Douze des seize fragments osseux recueillis par Monsieur PRUNIER ont pu être déterminés. Nous avons ainsi reconnu : * Le crâne : très abimé, il ne reste qu'une partie du frontal, le départ de la cheville osseuse de la corne droite, le trou occipital et les deux condyles occipitaux. De nombr euses cassures fraîches attestent de la disparition récente des autres parties de la tête osseuse proprement dite, comme des autres os incomplets décrits plus loin, sauf exceptions spécifiées. Il ne fait aucun doute que les conditions de découverte en sont seules responsables.

Une série de mesure a tout de même pu être réalisée. Nous avons utilisé les mensurations fixées par Madame A. Von Den DRIESCH (A. VON DEN DRIESCH, 1976) (cf. annexe).

L'examen du sillon et du trou sus-orbitaire, très nets et non recouverts d'os, permet d'attribuer cet os à un sujet âgé de moins de 5 ans , sans doute un jeune adulte.

-20-

• 4 fragments de cheville osseuse de corne, parmi lesquels se trouvent le départ de la cheville gauche, la couronne est bien visible, et l'extrémité distale de l'une des deux chevilles. L'extrémité proprement dite fait défaut sur quelques centimètres .

• Le rocher gauche.

• La branche gauche de la mandibule. L'apophyse coronoïde manque. Les deux fragments recollés qui constituent cet os ont été brisés anciennement.

• Le corps vertébral d'une vertèbre lombaire.

• L'extrémité distale de l' humérus droit.

• L'extrémité distale du métatarse gauche. Comme le précédent, cet os a été fracturé anciennement et a pu fai re l'objet de quelques mesures.

• L'extrémité proximale du tibia gauche. La surface articulaire fait totale­ment défaut.

Une dent aurait également été ramassée. Elle ne nous est malheureusement pas parvenue.

Les mensurations effectuées sur les os ne permettent pas d'attribuer cet animal à une période chronologique plutôt qu'à une autre les résultats s'inscrivent dans la plage des mesures communes aux aurochs paléol ithiques et néolithiques les mieux connus. Le fait qu'il existait un dimorphisme sexuel n'arrange rien: ces restes appartiennent-ils à un grand mâle néolithi­que ou à une petite femelle paléolithique ?

Les dépôts qui surmontent les graviers ne . nous aident guère plus. Ce sont des formations limoneuses d'origine éol ienne datées du R iss-Wûrm, du Wûrm et du Dryas, soit de 125.000 ans à 10.000 ans avant Jésus-Christ (Dupuis et al., 1975). L'épaisseur de ces formations atteind 1,50 mètre. Le carrier a le souvenir qu'elles atteignaient 3 mètres de puissance au moment où il travaillait la nuit (?).

Ces dépôts se terminent en surface par un sol brun postglaciaire épais de 25 cm. Il est peu probable que les os proviennent du sol brun, peu épais et mis en culture depuis longtemps. A moins qu'à l'endroit où reposait l'au­rochs, son épaisseur ait justement dépassé les 25 cm habituels.

La rapidité de formation et la puissance des dépôts paléol ithiques paraissent plus propices à la conservation de ces restes, mais ne justifient pas que nous les attribuions sans hésiter à ces formations.

Force est donc d'admettre que nous ignorons la période durant laquelle a vécu l'aurochs de Courçon.

Il est regrettable donc que ces os aient été découverts et recueillis dans de telles conditions, nous privant à tout jamais de beaucoup d'informations relatives à l'animal auquel ils appartenaient, et de toute possibi 1 ité de pouvoir les dater.

ANNEXE:

Mesures en millimètres, ayant pu être effectuées sur le crâne , l'humérus et le métatarse d'aurochs retrouvé à Courçon.

Le crâne:

- diamètre entre les lignes temporales : 181 mm _ diamètre transversal des condyles occipitaux : 119mm _ diamètre maximal de la cheville osseuse de la corne à la couronne:

119mm - diamètre minimal de la cheville osseuse de la corne à la couronne:

93mm

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- circonférence à la base de la couronne: 330mm

L'humérus:

diamètre transversal distal maximum: environ 100mm* - diamètre transversal trochlée+condyle: 90,5mm - diamètre transversal du condyle: 20,5mm environ

diamètre transversal de la trochlée médiale: 61mm environ

- diamètre de la diaphyse sous le trou nourricier: 60mm - largeur de l'apophyse: 60mm - largeur maximale du tubercule musculaire du condyle: 39mm

Le métatarse :

diamètre transversal distal maximum: 75,5mm - diamètre sus-articulaire distal approximatif: 72mm

* Cette imprécision relative est due au mauvais état de conservation de l'os.

BIBLIOGRAPHIE

ANONYME (1987) : Aurochs mâle ... , Charente glaciaire, nO 10 Octobre 1987.

la résurrection. Sous la tourbe, un vieux spécial Archéologie de la Charente Libre,

GABILLY J. (1978)

MASSAUD J. (1984) (T orsac, Charente), tome XXV.

Guides géologiques régionaux Poitou-Vendée-Charentes.

: Le Bos primigenius de Société Spéléologique et

la vallée des Eaux Clai res Préhistorique de Bordeaux,

ROUZAUD A. (1190) 24, pp.6-13.

Le bison et l'aurochs, Préhistoire et Archéologie, nO

VON DEN DRIESCH A. (1976) bones from archéaological sites.

A guide to the mesurement of animal

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