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1 Une audacieuse proposition, de Julie Kenner - Collection Coup de Cœur La fête annuelle du personnel des Magasins Carrington battait son plein. Debout à l’écart, Annie Silver observait l’assistance. Hormis deux elfes et le Père Noël, elle était la seule à être déguisée. Elle lissa un pli de son petit costume de lutin qui, tout à l’heure, avait fait la joie des enfants. Peut-être aurait-elle dû se changer avant de venir ? Elle se sentait complètement déplacée dans cette tenue. Une petite visite au rayon prêt-à-porter féminin aurait sans doute été salutaire. Le vert ne se porte pas bien, cette année… La voix de Faith la tira de ses pensées. Vêtue d’une robe vaporeuse d’un rouge éclatant, elle était merveilleuse d’élégance, comme d’habitude. Annie s’efforça de sourire. Merci, dit-elle en prenant la flûte de champagne que son amie lui tendait. Tu trouves toujours les mots pour me rassurer. Si tu veux savoir, j’ai l’impression

Une Audacieuse Proposition

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Une audacieuse proposition, de Julie Kenner - Collection Coup de Cœur

La fête annuelle du personnel des Magasins Carrington battait son plein.

Debout à l’écart, Annie Silver observait l’assistance. Hormis deux elfes et le Père

Noël, elle était la seule à être déguisée. Elle lissa un pli de son petit costume de

lutin qui, tout à l’heure, avait fait la joie des enfants. Peut-être aurait-elle dû se

changer avant de venir ? Elle se sentait complètement déplacée dans cette tenue.

Une petite visite au rayon prêt-à-porter féminin aurait sans doute été salutaire.

— Le vert ne se porte pas bien, cette année…

La voix de Faith la tira de ses pensées. Vêtue d’une robe vaporeuse d’un rouge

éclatant, elle était merveilleuse d’élégance, comme d’habitude. Annie s’efforça de

sourire.

— Merci, dit-elle en prenant la flûte de champagne que son amie lui tendait. Tu

trouves toujours les mots pour me rassurer. Si tu veux savoir, j’ai l’impression

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qu’on ne voit que moi.

— C’est parce que tout le monde souhaite se mettre au vert. Sauf Paul, puisqu’il

est le Père Noël.

Annie laissa fuser un rire léger.

— Ça ne fait rien. Tout le monde me regarde, je trouve cela très gênant.

— Et alors ? Laisse-les regarder, s’ils le souhaitent. Tu es superbe. C’était bien ce

que tu voulais, n’est-ce pas ?

— Euh, oui, je crois, répondit-elle faiblement.

Jamais Annie ne s’était sentie aussi mal à l’aise lors d’une fête du personnel.

Depuis le lycée, elle avait toujours travaillé au magasin pendant la période des

fêtes. Il y régnait un esprit bon enfant qu’elle adorait. Mais cette année, elle était

venue pour une personne précise : Brent Carrington lui-même, le fils du patron.

Cela faisait si longtemps qu’elle fantasmait sur son compte ! Ils étaient encore au

lycée lorsqu’elle l’avait remarqué pour la première fois. Par la suite, elle l’avait

revu chaque été au magasin, où elle était employée. Et bien sûr pendant les fêtes

de Noël. Mais jamais il n’avait daigné lui accorder un regard. Cette année,

toutefois, elle saurait attirer son attention, elle se l’était promis !

Faith vida son verre.

— Allons, minauda-t elle. Détends-toi un peu. Sois folle, que diable ! Voici des mois

que tu rêves de cet instant. Tu le veux, et tu l’auras.

Elle recula d’un pas et examina son amie de la tête aux pieds d’un œil critique.

— Et si tu veux mon avis, poursuivit-elle, ce soir, tu as toutes tes chances.

— J’espère que tu as raison, répondit Annie en parcourant l’assemblée du regard à

la recherche de Brent.

Elle ne pouvait repousser cette rencontre à une autre année : sitôt les congés

terminés, elle devait quitter sa petite ville natale de Bishop, dans l’Ohio, et

s’installer à New York. Comme cadeau de départ, elle avait rêvé de s’offrir Brent.

Et pourtant…

Ils avaient beau avoir grandi ensemble dans la même ville, un gouffre les séparait.

Avant toute chose, Brent était un Carrington. Dans la ville, ce nom faisait l’objet

d’une vénération unanime et incontestée. Le père d’Annie, lui, était chauffeur

routier et sa mère, serveuse dans un restaurant.

— Je n’arrive pas à croire que j’aie pu avoir cette idée, gémit-elle.

— Eh bien moi, si, répliqua Faith en lui serrant la main. Réfléchis. Pendant des

années et des années, tu n’as fait que respecter les règles, et vois où cela t’a

menée : nulle part. Tu as toujours été la gentille petite Annie que personne ne

remarquait. Jusqu’à ce que tu décides de te prendre en main. Ça t’a réussi pour ce

travail à New York et ça va marcher pour Brent Carrington, je te le garantis !

Annie inspira profondément. Peut-être Faith avait-elle raison. Qui ne tente rien n’a

rien, dit-on. N’empêche… Elle était si peu habituée à prendre des risques. Au

lycée, elle avait été l’archétype de la jeune fille sage. Elle accumulait les

meilleures notes, ne contestait jamais les professeurs. Une année, elle avait même

renoncé à des cours d’arts plastiques par crainte d’être mal notée. Il faut dire

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qu’elle tenait tellement à décrocher une bourse pour continuer ses études à

l’université !

Toutefois, cette réussite scolaire éclatante ne masquait pas l’échec total de sa vie

sentimentale. Par manque d’assurance, Annie avait toujours évité de se trouver sur

le devant de la scène. Pourtant, depuis quelque temps, elle s’efforçait de remédier

à cette timidité. Pour preuve, elle avait trouvé le courage d’aller passer des

entretiens à New York. Mais avant cela, elle avait dû donner maints coups de fil,

frapper à maintes portes, patienter des heures dans maints halls de réception. Et

pour finir, elle l’avait décroché, son travail.

Armée de la même audace, elle réaliserait sans doute son rêve de jeune fille :

vivre une nuit de passion dans les bras de Brent, le seul homme qu’elle eût jamais

désiré.

Annie sursauta en sentant la main de Faith sur son bras. Celle-ci pointait un pique-

olives vers un coin de la pièce.

— C’est lui, dit-elle, la bouche pleine.

— Pardon ?

Faith avala son amuse-gueule.

— Là-bas, à côté du Village du Père Noël, regarde !

Il était là. Seul. Annie sentit ses jambes flageoler tandis qu’une bouffée de chaleur

lui montait aux joues. Elle dut se forcer pour regarder dans la direction que lui

indiquait Faith.

— Vas-y ! souffla celle-ci en la poussant légèrement.

— Je n’ose pas, articula-t elle d’une voix à peine audible.

Faith lui lança un regard appuyé.

— Ah ! Ce n’est pas le moment de flancher ! C’est maintenant ou jamais. Brent est

le seul type qui t’ait jamais fait vibrer. Allez, va au bout de tes rêves, de tes envies

! Qu’est-ce que tu risques ? Quel mal y a-t il à enterrer sa vie de jeune fille ?

Oui, Faith avait parfaitement raison. Elle avait droit au bonheur autant qu’une

autre. Et elle voulait Brent. Rassemblant son courage, elle prit une grande

inspiration.

— Souhaite-moi bonne chance !

— Je croise les doigts !

Annie inspira une nouvelle fois profondément et fit quelques pas en direction du

Village du Père Noël, mais s’immobilisa aussitôt, prise de panique. Brent avait

disparu !

— Où est…

Les mots moururent dans sa gorge. Elle l’avait de nouveau repéré ! Là-bas, au fond

de la pièce, appuyé nonchalamment contre un mur, il se tenait à l’écart de la fête.

Malgré son angoisse, Annie ne put s’empêcher d’admirer sa carrure athlétique, sa

taille élancée. Quelle prestance, quel charme ! D’une beauté classique, son visage

aux traits réguliers trahissait toutefois un tempérament fougueux, sans doute à

cause de cette mèche rebelle et de cette ombre de barbe. Ses yeux, surtout,

l’avaient toujours fascinée : d’un bleu profond comme l’océan, ils étaient de ceux

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pour lesquels un cœur de femme n’a pas de secrets.

Pendant toutes ces années, jamais Brent ne lui avait accordé le privilège d’un seul

regard. Mais ce soir, elle saurait s’imposer à sa vue. Qui sait ? Peut-être se

souviendrait-il d’elle… Du moins l’espérait-elle. En désespoir de cause, elle essaya

d’imaginer qu’ils étaient venus ensemble à la fête et qu’il lui avait fait signe de le

rejoindre.

Rassemblant tout son courage, elle s’approcha et se posta devant lui.

— Salut, Brent, articula-t elle avec un sourire timide.

Il lui jeta un bref regard étonné. Mon Dieu, il ne la reconnaissait pas !

Mais tout de suite, le visage de Brent s’éclaira d’un sourire assuré. Il se redressa et

lui tendit la main.

— Tiens donc ! Annie Silver ! Tu es magnifique, habillée comme ça !

— Ah ? Je suis heureuse de te l’entendre dire.

Enhardie par le verre de vin qu’elle venait de boire, elle inspira profondément et

se lança :

— Parce que pour ce soir, j’ai prévu un petit quelque chose de sympathique.

— Ah bon ? Quoi donc ?

Il avait l’air amusé, c’était plutôt bon signe.

— Un cadeau de Noël que je souhaiterais m’offrir.

Elle marqua une pause pour reprendre sa respiration. C’était maintenant ou

jamais. Qui plus est, il paraissait attendre sa réponse avec intérêt.

— Et ce cadeau, c’est toi.

— Je te demande pardon ?

Il avait sûrement mal compris. Elle devait s’être trompée : cette journée n’avait

été pour lui qu’une accumulation de malchances.

Mais elle hochait la tête avec insistance.

— Tu m’as bien entendue, murmura-t elle.

Brent sentit une vague de chaleur monter du plus profond de son être. Annie Silver

venait de lui faire une proposition ! Elle voulait coucher avec lui ! Il n’en croyait

pas ses oreilles. Et pourtant, le désir qu’il lisait dans ses yeux gris pâle, la rougeur

de ses joues ne laissait aucune place au doute.

Tout de même, pourquoi agissait-elle ainsi ?

— Je… Excuse-moi, balbutia-t elle. C’était une idée complètement stupide. Je

devrais m’en aller.

— Non, lâcha-t il sans réfléchir.

Ses doigts effleurèrent le bras nu de la jeune femme, qui ne put retenir un faible

gémissement.

— Tu ne peux pas t’en aller comme ça après avoir fait une telle proposition à un

homme. C’est le comble de…

— L’impolitesse ? dit-elle en souriant.

Elle semblait plus détendue. Tant mieux ! Car l’idée qu’elle avait lancée ne

pouvait être menée à bien dans ces conditions.

— Tout à fait, répondit-il. La politesse ne coûte rien.

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Elle s’approcha de lui, l’enveloppant de sa chaleur.

— Mais si je n’ai pas envie d’être polie ?

— Pas de problème, ma chérie. Je suis tolérant !

Il ressentait dans le creux du ventre une bouffée de désir si intense qu’il en avait

mal. Il brûlait d’envie de la prendre dans ses bras, de la presser contre lui… Du

calme. Il ne pouvait céder à ses pulsions dans un endroit aussi peu discret. Il lui

semblait qu’une multitude de regards interrogateurs le fixaient.

— Pas de problème ? répéta-t elle. C’est sûr ?

Elle avait l’air surprise… Etonnant, ce décalage entre l’audace de ses actions et la

timidité de sa personne.

— On ne peut plus sûr. Allez, viens, intima-t il d’une voix qu’il aurait souhaitée

moins brusque.

Il lui prit la main et la guida vers l’ascenseur. Elle obtempéra sans mot dire.

Avant toute chose, une explication en tête à tête s’imposait. Il était hors de

question qu’il réponde à cette déclaration sans comprendre d’abord pourquoi elle

lui était adressée. Préoccupation chevaleresque, sans doute. Et alors ?

— Où allons-nous ? finit-elle par demander alors qu’ils attendaient devant

l’ascenseur.

— Dans un endroit un peu plus calme.

A vrai dire, il était incapable d’imaginer un tel lieu. L’établissement tout entier

était noir de monde et ne pouvait offrir aucune intimité nulle part.

— Ah ! Brent ! Te voici enfin !

— Papa !

Avec un sourire indolent, Brent tendit la main vers Annie.

— Je n’ai pas besoin de te présenter Annie Silver…

— Non, bien sûr, répondit M. Carrington d’un ton enjoué.

Toutefois, ses sourcils froncés démentaient sa cordialité. Malgré sa politesse,

Winston Carrington Senior n’en restait pas moins très snob.

— Ravie de vous rencontrer, M. Carrington. Bon, euh, Brent, je dois filer, retrouver

Faith. A plus tard…

— Eh, là ! Pas si vite !

D’un geste ample, il la saisit par le coude et l’attira vers lui.

— Tu m’avais pourtant promis de m’aider.

Il sourit à son père.

— Comme nous risquons de manquer de champagne, je descends au sous-sol pour

vérifier ce qui nous reste.

— Parfait.

C’était un pieux mensonge ! Brent avait vu le traiteur emporter le dernier carton

de champagne deux heures plus tôt et il savait pertinemment que personne ne

viendrait les déranger avant quelque temps.

Winston Carrington gratifia son fils d’une retentissante claque dans le dos.

— A plus tard, fils. Oh ! C’est demain que tu prends la responsabilité du rayon

jouets, tu n’as pas oublié ?

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— Mais non, papa, répliqua-t il d’un ton neutre.

Brent réprima un soupir. Il détestait Noël, la cohue de Noël et ce soi-disant « esprit

de Noël », tellement puéril et factice à son goût. Heureusement, il pourrait

profiter ainsi de la présence d’Annie.

M. Carrington s’éloigna enfin, non sans avoir lancé à la jeune femme un dernier

froncement de sourcils désapprobateur.

Brent coula vers elle un regard caressant. Il adorait ce petit costume de lutin. Les

collants et le justaucorps verts moulaient ses formes à la grâce juvénile et

innocente et la masse de ses cheveux auburn invitaient aux caresses.

Le signal de l’ascenseur tinta. Brent poussa doucement la jeune femme dans la

cabine et appuya sur le bouton du sous-sol. L’ascenseur descendit en flèche et,

quelques secondes plus tard, les portes s’ouvrirent.

Ils entrèrent dans une pièce sombre, encombrée de boîtes en carton, éclairée

chichement par une petite fenêtre basse. Aussitôt, Brent entreprit de fermer le

verrou de sécurité. Lorsqu’il se retourna, il la vit, devant la fenêtre. Elle avait l’air

apeurée. Au travers du fin grillage qui recouvrait l’ouverture, la lumière pâle de la

lune jetait sur sa peau des reflets délicats. Troublé par cette image éthérée, Brent

eut toutes les peines du monde à se maîtriser. Il aurait tellement voulu la toucher,

caresser sa peau si douce, l’embrasser…

— Je suis désolée, Brent.

Elle leva vers lui un regard plein de regret, d’incertitude, et de fierté, aussi. En

quelques pas, elle fut à la porte. Il la regarda passer, interloqué. Elle avait

enflammé son cœur, ses sens, et maintenant qu’il était à ses genoux, maintenant

que son corps chauffé à blanc par la passion la réclamait tout entière, voilà qu’elle

voulait s’en aller ! Mais à quoi jouait-elle, bon sang ? D’accord, il ne la retiendrait

pas contre son gré, n’étant pas du genre à forcer une femme, mais, tout de même,

avait-il une chance de gagner au petit jeu auquel elle se livrait avec lui ?

Annie se retourna vers lui et se mordit la lèvre.

— Quelle idiote je fais…, soupira-t elle avec un hochement de tête.

Elle tendit un bras tremblant vers le verrou.

— Je n’aurais jamais dû…

Sa phrase resta en suspens. Laissant échapper un hoquet de stupeur, elle

s’immobilisa et lui lança un regard éperdu.

— La porte ! Elle ne s’ouvre pas.

Brent se précipita à son côté et étouffa un juron.

— La serrure horaire !

Les mots se bousculèrent sur ses lèvres.

— Mon père a fait installer un nouveau système de sécurité, avec des serrures

spéciales, à ouverture retardée.

Prise de vertige, Annie dut s’appuyer contre le mur.

— Et quand cette porte est-elle supposée s’ouvrir pour la prochaine fois ?

— Le matin. Vers 7 heures, je crois.

— Oh…, fit-elle d’une voix faible.

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Brent s’adossa au mur, si près d’elle qu’il frôlait son épaule.

— Bon. Qu’allons-nous faire, en attendant ?

La situation n’était pas si catastrophique. Sauf erreur de sa part, elle avait

toujours envie du « cadeau » qu’elle lui avait demandé. Elle avait eu peur, voilà

tout. Ou alors, mauvaise conscience. Rien de bien grave, en tout cas.

— Et si on nous trouve…

— Oui. Et alors ?

Il eut un haussement d’épaules éloquent. Dans la cohue de la fête, qui

s’apercevrait de leur absence ?

Elle tourna vers lui un regard plein de douceur.

— Alors, si je comprends bien, nous sommes coincés ici jusqu’à demain matin ?

— J’en ai bien peur.

Elle ferma les yeux tandis qu’il glissait le doigt le long de sa joue et de son cou.

— Saurais-tu comment nous pourrions nous occuper pendant toute la nuit ?

demanda-t il.

Un léger frisson la saisit tout entière. Elle posa sur lui un regard brûlant.

— Je n’aurais jamais dû lancer tout ça.

— Ce qui est fait est fait.

Du bout du doigt, il effleurait sa joue veloutée avec une douceur infinie qui la fit

gémir.

— C’est toi qui as commencé, lui rappela-t il. Mais c’est moi qui vais terminer.

Alors, que préfères-tu, chérie ? Un passe-temps plutôt sage ou plutôt coquin ?

Que voulait-elle, au juste ?

La question de Brent resta sans réponse. Eperdue, Annie cherchait ses mots.

Tout à l’heure, tout lui avait paru si simple… Elle désirait Brent, mais il n’était pas

censé répondre à ce désir ! Au contraire, elle s’était attendue à le voir résister !

Elle s’était préparée à flirter avec lui, à attiser son désir…

Au lieu de cela, il avait dit oui tout de suite, faisant même preuve d’un

enthousiasme assez inattendu. Et tout à coup, elle voyait tous ses fantasmes se

réaliser.

— Annie ?

Il la regardait avec un sourire amusé terriblement sensuel.

— Tu as toute la nuit pour te décider. Mais tu dois me répondre, parce que je n’ai

vraiment pas l’intention de laisser passer cette chance.

Elle trébucha en reculant. Que penser ? Que dire ? Que faire ? Ses pensées se

perdaient dans le parfum grisant de son compagnon.

— Je n’aurais jamais dû…

— Faire chavirer mon cœur ?

Le regard de Brent pétillait d’amusement.

— Il est trop tard pour regretter, poursuivit-il. Mais il est encore temps de me dire

comment tu envisages les choses.

Tout en parlant, il s’approcha de quelques pas. Elle recula jusqu’à un empilement

de boîtes en carton.

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Au fond d’elle-même, elle désirait tant qu’il la prenne dans ses bras, qu’il l’enivre

d’un baiser fougueux… Mais la petite voix de sa conscience lui soufflait d’adopter

un comportement complètement différent ! Et puis, la rencontre avec le père de

Brent lui avait fait l’effet d’une douche froide. Ils appartenaient à des mondes

tellement différents ! Elle jouait avec le feu, et risquait fort de se brûler.

La couvant d’un regard de braise, Brent passa un bras autour de sa taille et l’attira

contre lui. La gorge serrée par l’émotion, Annie ouvrit la bouche, mais aucun son

ne franchit ses lèvres. Il laissa son doigt glisser le long de sa joue et lui releva

doucement le menton. Elle ferma les yeux et entrouvrit les lèvres pour accueillir

son baiser.

— Es-tu sûre de ce que tu fais ? demanda-t il en resserrant son étreinte. Il est

encore temps de le dire. Mais décide-toi vite. Je rêve de ce moment depuis si

longtemps…

Annie écarquilla les yeux. Il rêvait de ce moment ? Lui ?

Elle devait dire non. Mais d’un autre côté…

— Oui, je suis sûre, s’entendit-elle murmurer. Ne t’arrête pas. Je t’en prie,

continue.

Aussitôt, il accéda à son désir avec une ferveur qui la laissa pantelante. Les sens en

ébullition, elle se pressa contre lui. Il plaqua ses mains sur elle et l’attira tout

contre lui.

— S’il te plaît…

— Oui ?

Elle noya son regard dans le bleu profond de ses yeux.

— Caresse-moi.

Lentement, il la dévêtit avec une sensualité qui faillit la rendre folle. Puis il se

débarrassa de ses propres vêtements et, totalement nu, lui offrit le spectacle de sa

virilité triomphante.

Elle mourait d’envie de l’accueillir en elle, de le bercer dans un va-et-vient

sensuel… Mais au lieu de la prendre, il la faisait languir, couvrant ses seins de

caresses expertes. Soudain, n’en pouvant plus, il s’empara de ses lèvres avec

fougue.

— A toi de jouer, maintenant, ma chérie, murmura-t il contre son oreille.

Pour rien au monde il n’aurait profité de sa vulnérabilité pour lui imposer sa

volonté. Cette nuit, c’était lui qui se donnait à elle.

Elle lui prit les mains et les posa sur ses hanches. Avec un gémissement rauque, il

la souleva et se glissa dans sa moiteur tandis qu’elle nouait les bras autour de son

cou et ses jambes autour de ses reins. Puis, doucement, tendrement, il la pénétra,

et leurs corps commencèrent à onduler à l’unisson dans une danse voluptueuse et

passionnée. Leur désir était tel qu’Annie redouta un moment qu’ils renversent la

pile de boîtes derrière eux. Mais bientôt, elle ne songea plus qu’à Brent, à ses

caresses voluptueuses, à son corps d’athlète. Chavirée, elle sentait monter du plus

profond de son être un bonheur presque insoutenable. C’était trop ! Elle tremblait,

elle criait de plaisir. Il accéléra le rythme de ses mouvements puis, ivres de

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volupté, ils s’abandonnèrent tous deux à la plénitude ultime, avant de s’effondrer

dans les bras l’un de l’autre.

Annie se lova tendrement contre Brent, qui lui embrassa le bout du nez. Puis il se

leva et sortit d’un carton un grand drap qu’il déplia sur elle.

— Un lot de linge de maison nous a été livré hier, expliqua-t il. Nous pouvons bien

emprunter celui-ci jusqu’à demain matin.

Blottie contre son compagnon, enveloppée dans la douce chaleur de son étreinte,

Annie ne tarda pas à s’endormir.

La lumière grisâtre du petit matin filtrait par la fenêtre lorsque Annie se réveilla.

Pelotonnée dans le nid douillet des bras de Brent, elle ne se leva pas tout de suite,

respirant avec délices le parfum de sa peau. Elle flottait dans une plénitude totale

qu’elle ne retrouverait sans doute jamais plus. Qui saurait l’aimer d’un amour aussi

passionné, aussi tendre ?

Car il l’aimait… Oui, il l’aimait, elle en était certaine.

Annie se redressa d’un bond, parfaitement réveillée cette fois. Mon Dieu, qu’avait-

elle fait ? Soudain, elle comprit que son jeu de séduction lui avait complètement

échappé. Elle était censée séduire Brent, passer la nuit avec lui, et l’oublier. Au

lieu de cela, voilà qu’elle était tombée éperdument amoureuse…

Il fallait absolument mettre un terme à cette histoire. C’était son intérêt, et de

toute façon, elle n’avait pas le choix : dans quelques jours, elle devrait déménager

à New York. En outre, Brent restait avant tout un Carrington. Il y aurait toujours

entre eux des barrières infranchissables. D’ailleurs, n’avait-il pas lui-même jamais

osé l’aborder, malgré l’attirance qu’elle exerçait sur lui depuis longtemps ?

Leur histoire était sans lendemain, et elle l’avait toujours su. Mieux valait partir

maintenant, en catimini.

Tout doucement, elle se dégagea de ses bras et se leva. Brent bougea, mais ne se

réveilla pas.

Prestement, elle enfila son costume et se dépêcha d’aller ouvrir la porte. Jetant un

dernier regard derrière elle, elle soupira et ravala ses larmes. En toute raison, elle

ne pouvait rester plus longtemps. D’abord, cette liaison ne pouvait mener à rien de

bon. Ensuite, elle ne devait pas se laisser détourner de la voie qu’elle avait eu tant

de mal à trouver.

La gorge serrée, elle lui envoya un dernier baiser.

— Au revoir, Brent, murmura-t elle. Et merci.

Brent s’étira et tendit un bras vers Annie. Mais au lieu d’embrasser la jeune

femme, il effleura le béton dur et froid. Ouvrant tout grands les yeux, il se

redressa d’un bond, se cognant la tête contre les boîtes en carton. Personne ! Elle

était partie ! Au terme de la nuit la plus exaltante qu’il ait jamais vécue !

Espérait-elle se débarrasser aussi facilement de lui ? Il l’avait désirée en secret

depuis si longtemps et cette nuit, loin d’assouvir son appétit, n’avait fait que

l’aiguiser. Jamais il n’avait rencontré une femme pareille, si douce, si pleine de vie

et en même temps si sensuelle. Elle avait eu pour lui une passion sans artifices qui

l’avait rendu fou. Comment pouvait-il renoncer à elle après cette nuit exaltante ?

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Et surtout, comment faire pour la retrouver ?

Fort heureusement, ses études de commerce, pour laborieuses qu’elles fussent,

avaient au moins appris à Brent l’art de la persuasion. Première leçon : connaître

son adversaire. S’agissant d’Annie, il savait à qui il avait affaire. Au lycée déjà,

elle avait attiré son attention. Elle était la meilleure élève de l’établissement, la

préférée des professeurs. Il aurait tant voulu l’aborder, lui demander de sortir avec

lui ! Mais ç’aurait été encourir la réprobation de son père. Quel idiot il avait été, à

l’époque !

Toutefois, à quoi bon se lamenter éternellement sur le passé ? Il fallait agir,

maintenant. Pour commencer, il voulait savoir pourquoi Annie était partie sans un

mot d’explication. Et aussi pourquoi elle l’avait entraîné dans cette aventure…

Il avait une petite idée de la personne qui pouvait lui fournir un début

d’explication : Faith, la colocataire d’Annie. Inséparables depuis le bac à sable,

elles devaient n’avoir aucun secret l’une pour l’autre.

— Allons, Faith, avoue ! Tu sais parfaitement ce qu’elle a en tête.

La jeune femme leva la main pour signifier à Brent de patienter pendant qu’elle

servait un client. Puis, se tournant vers lui, elle répliqua :

— Je ne comprends rien à ce que tu veux dire. Mais, dis-moi, on dirait que cette

question t’a beaucoup préoccupé, la nuit dernière ? ajouta-t elle en lançant un

regard moqueur sur son costume tout froissé.

Toutefois, Brent n’était pas décidé à se laisser impressionner.

— Je parie qu’elle m’a séduit pour s’amuser, hier soir. Il y a des petits signes qui ne

trompent pas. Des petits signes que je sais très bien repérer.

Faith pinça les lèvres : il avait vu juste !

— En revanche, poursuivit-il, je ne m’étais pas attendu à ce qu’elle disparaisse

aussi vite. Aurais-tu un avis sur la question, par hasard ?

La jeune femme haussa les épaules.

— Je ne sais pas, moi. Elle a pris peur, peut-être.

— Elle n’a pas eu peur de me séduire, pourtant !

— Que sais-je ? Elle ne pensait sans doute pas que tu te laisserais tenter aussi

facilement.

Faith avait détourné les yeux en prononçant cette phrase, et Brent eut l’impression

qu’elle se reprochait d’avoir trop parlé.

Mais ce qu’elle avait dit soulevait une autre question : pourquoi Annie aurait-elle

lancé un jeu qu’elle croyait voué à l’échec ? Peut-être n’espérait-elle de lui qu’une

nuit de passion effrénée… Une aventure sans lendemain, pour l’un comme pour

l’autre.

A ceci près que ce qu’il avait vécu la nuit dernière était bien plus qu’une simple

aventure. Entre eux, l’alchimie avait été parfaite, absolue. Jamais il n’avait

ressenti une telle complicité charnelle avec une femme, et il était certain qu’Annie

avait éprouvé les mêmes sentiments à son égard. A coup sûr, c’était cette

plénitude intense qui l’avait effrayée au point de la faire fuir.

Il en était là de ses réflexions lorsque, dans un coin du café, une porte s’ouvrit.

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Annie apparut dans l’embrasure et s’arrêta net en apercevant Brent. Elle avala sa

salive et ses joues prirent une adorable teinte rose vif. Se ressaisissant, elle se

dirigea vers lui d’un pas léger.

— Brent. Tiens donc… Comment vas-tu ?

Elle humecta ses lèvres.

— Que.. que fais-tu ici ?

— Je te cherchais, figure-toi. J’essaie de comprendre pourquoi tu m’as quitté si

vite, ce matin.

— Euh, je…

Annie coula un regard désespéré en direction de son amie, mais Faith se contenta

de lever les mains en signe d’impuissance.

— Ce sont tes histoires, pas les miennes, Annie, lança-t elle en s’en allant. J’en ai

déjà dit plus que je n’aurais dû.

— Mais Faith…

— Il ne faut pas lui en vouloir, intervint Brent. Je l’ai menacée physiquement, tu

sais !

Un léger sourire vint égayer le visage tendu de la jeune femme.

— Je ne vous autorise ni l’un ni l’autre à parler de moi en mon absence.

Brent se rapprocha d’elle, mû par le désir soudain de la caresser.

— Et pourquoi donc ? Tu constitues pourtant un passionnant sujet de conversation.

Sans lui laisser le temps de répondre, il lui prit la main et enchaîna :

— Annie, je te trouve intensément désirable. Je pensais te l’avoir montré assez

clairement la nuit dernière.

La jeune femme prit une profonde inspiration.

— Brent, ne va rien t’imaginer, surtout ! Hier, pendant la fête, j’ai un peu trop bu,

c’est tout. Mais restons bons amis, veux-tu ?

— Tu plaisantes, je suppose ?

Il l’attira contre lui sans qu’elle lui oppose la moindre résistance.

— Chérie, je te rappelle que c’est toi qui as commencé ce petit jeu. Et, si je ne

m’abuse, nous n’avons pas encore terminé…

Incapable de supporter son regard, Annie baissa les yeux, le cœur battant. Jamais

elle n’avait imaginé une telle alchimie entre eux.

Ils s’installèrent dans un coin discret du café.

— Inutile, Brent. Ça ne marchera pas.

— Qu’est-ce qui ne marchera pas ?

— Eh bien, toi, moi. Il ne peut y avoir rien de sérieux entre nous.

— Mais pourquoi ?

— Parce que… Oh, je t’en prie, arrête avec tes questions.

Brent se pencha par-dessus la table et prit ses mains dans les siennes.

— Je veux savoir. Pourquoi ça ne peut pas marcher entre nous ?

Electrisée par le contact des doigts de Brent, Annie avait du mal à réfléchir.

— Tout d’abord, nous sommes issus de milieux radicalement différents.

D’un haussement d’épaules, il rejeta cette objection.

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12

— Ensuite, je dois bientôt déménager en janvier pour mon travail.

Ce second argument eut plus de poids.

— Je croyais que tu aimais travailler à la bibliothèque…

— C’est vrai. Mais je suis spécialisée dans les livres rares. Que veux-tu que je fasse

à Bishop ?

Elle se redressa, fière de l’aboutissement de ses démarches.

— Je pars travailler au Metropolitan Museum. Je vais vivre à New York.

Brent écarquilla les yeux et son visage s’éclaira d’un large sourire.

— C’est bien ce que je pensais. Tu ne voulais rien de plus qu’une aventure avant de

quitter définitivement cette ville, n’est-ce pas ?

« Non ! » aurait-elle voulu crier. Ou plutôt, oui, au début, c’est bien ce qu’elle

avait espéré. Mais plus maintenant. D’un autre côté, elle ne pouvait pas sacrifier le

travail de ses rêves pour une simple passade…

— Oui, finit-elle par dire faiblement.

— Quand dois-tu partir ?

— Juste après les vacances.

Brent s’approcha d’elle et posa la main sur un genou de la jeune femme : elle

rougit à ce contact.

— Eh bien, dans ce cas, susurra-t il, je suggère que nous profitions du peu de temps

qu’il nous reste à passer ensemble.

— Quoi ? balbutia-t elle. Je ne te comprends pas.

— Tu voulais t’amuser, non ? demanda-t il avec un sourire aguicheur. Eh bien, je te

propose d’aller jusqu’au bout de notre petite aventure, avant de fêter en bonne et

due forme Noël et ton installation à New York.

Quelques jours entre les bras de Brent ? Interloquée, Annie réfléchit. L’offre était

tentante, même si la séparation risquait d’être difficile à vivre. Mais, de toute

façon, ils n’en étaient pas encore aux adieux.

Levant les yeux vers lui, elle lui adressa son plus beau sourire.

— Eh bien, d’accord. D’ici à mon départ, je suis toute à toi.

« Je suis toute à toi. »

Ces quelques paroles firent à Brent l’effet d’une bombe. Aussitôt, son corps tout

entier s’était embrasé. C’était incroyable, cette tornade d’émotions… Par quelle

étrange magie cette femme parvenait-elle à le bouleverser ainsi ? Mystère… Mais

une chose était sûre : Brent aurait tout donné pour revivre l’enchantement de leur

première nuit.

Le trajet jusqu’à son appartement sembla durer une éternité.

— C’est charmant, chez toi, souligna Annie en entrant.

Brent haussa les épaules. Le dépouillement de cet appartement sans âme ne

méritait certainement pas ce qualificatif, mais il s’en fichait. Il n’imaginait pas sa

vie à Bishop. C’était pour obéir à son père qu’il était revenu, à la fin de ses études,

mais il comptait bien repartir à la première occasion.

Il lui prit la main sans dire un mot. Leur première nuit avait été un feu d’artifice

étincelant, terriblement excitant, mais trop bref. Aujourd’hui, il était bien décidé

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à prendre son temps… et à profiter du confort, même relatif, de cet appartement.

Lorsque Annie pénétra dans la chambre, une lueur malicieuse dansa dans ses yeux

gris.

— Voilà qui est encore plus charmant.

— Je suis heureux de t’entendre dire cela, parce que j’espère passer un moment ici

avec toi…

Elle jeta un coup d’œil à sa montre.

— Je ne peux pas rester trop longtemps, malheureusement. Je travaille, ce soir. Je

dois emballer des cadeaux.

— Tiens donc ? Moi, pour l’instant, ce qui m’intéresse, c’est le déballage !

Il glissa ses doigts dans la ceinture de son jean et l’attira contre lui, frémissant de

bonheur lorsqu’elle lui passa les bras autour du cou.

— Ah bon ? dit-elle d’une voix lourde de sous-entendus. Peux-tu me montrer ce que

tu as en tête ?

— Comme tu voudras.

De ses doigts impatients, il déboutonna le jean qu’elle portait et fit coulisser

lentement la fermeture Eclair. Elle se libéra de son jean par un chaloupement

sensuel du bassin qui le rendit fou. Et lorsqu’il la vit à moitié nue devant lui, il ne

fut plus question de faire durer le plaisir. Déjà, elle se débarrassait de son pull et,

quand il la vit en sous-vêtements, il laissa échapper un gémissement rauque.

— Annie, tu me fais languir.

Elle s’approcha de lui et commença à faire glisser la fermeture Eclair de son

pantalon.

— Peut-être préfères-tu que je prenne l’initiative ? suggéra-t elle.

C’en était trop. Brent s’empara de sa bouche et posa ses mains sur ses hanches

pour l’attirer contre lui. Une nouvelle fois, le désir flamba entre eux et ils se

mirent à onduler doucement en cadence.

Il l’entraîna sur le lit tout en se délivrant de ses chaussures et de son jean. Il

brûlait d’envie de se perdre en elle, et ne pouvait attendre davantage.

— S’il te plaît, susurra-t elle en lui ôtant son caleçon. Prends-moi… Maintenant.

— Tes désirs sont des ordres, murmura-t il en caressant du bout des doigts le cœur

secret de sa féminité.

Gémissante, elle enfonça les ongles dans son dos pour resserrer leur étreinte.

— Je te veux, Brent, je te veux. Maintenant.

Comment résister à une telle injonction ? Incapable de contrôler le feu qui le

consumait, il plongea en elle et s’abandonna au plaisir.

Entre ses bras, elle se cambra et se laissa entraîner dans une danse effrénée, dans

un sensuel corps à corps qui atteignit bientôt son paroxysme. Epuisés, la peau

moite, ils se laissèrent bercer dans un océan de volupté.

Annie se pressa alors contre son compagnon, nichant sa tête au creux de son

épaule.

— Oh, Brent…

— J’aurais voulu faire durer les choses, mais il est si difficile de te résister.

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— Ah oui ?

Elle roula sur le côté et lui jeta un regard mutin.

— Nous avons encore un peu de temps devant nous. Que dirais-tu de réessayer ?

— Je te prends au mot, ma chérie, lança-t il en la serrant dans ses bras.

Une heure plus tard, rompue de fatigue et de bonheur, Annie somnolait à son côté.

La lumière qui s’insinuait au travers des stores jetait de doux reflets sur sa peau

moite. Appuyé sur un coude, Brent regardait sa poitrine se soulever au rythme

tranquille de sa respiration. De cette passion qui s’était emparée de lui, il ne

comprenait rien, sauf une chose : il ne pouvait se contenter d’une simple aventure

avec Annie. Il l’aimait, il voulait vivre à ses côtés, conjuguer son avenir avec le

sien.

Restait à la convaincre de son attachement pour elle.

Brent reconduisit la jeune femme en voiture jusqu’au grand magasin. Une main sur

le volant, l’autre dans celle d’Annie, il savourait en silence cette atmosphère de

douce complicité, plus intime encore que tout à l’heure, dans la chambre.

— C’est peut-être bien la première fois que je regrette d’aller travailler au Village

du Père Noël.

Il la regarda avec un large sourire qui creusait des fossettes dans ses joues.

— Je te remercie, c’est flatteur. D’autant plus que tu travailles chez nous tous les

Noëls depuis le lycée.

Reportant son regard sur la route, il observa un court silence avant de demander :

— Pourquoi ?

Quelle étrange question… Mais Annie perçut dans sa voix une curiosité sincère qui

méritait une réponse réfléchie, plus élaborée qu’un simple « Parce que j’aime bien

ça ». Toutefois, fallait-il donc trouver une raison à tout ? Par exemple, elle se

sentait bien avec Brent, mais pour autant, leur liaison ne reposait sur rien de

solide… Enfin, presque rien.

Elle secoua la tête et se concentra sur la question de Brent.

— Oh, pour beaucoup de raisons, sans doute. Mais surtout, parce que j’adore Noël.

J’adore la générosité de cette fête. Le regard des enfants lorsqu’on les assoit sur

les genoux du Père Noël. C’est très banal, je sais, mais malgré tout, ça me

réchauffe le cœur chaque fois.

Cette déclaration sembla le laisser totalement indifférent. Cependant, ils

pénétrèrent dans le parking des employés et il entreprit de garer sa voiture.

— Probablement, finit-il par dire comme à contrecœur après avoir effectué ses

manœuvres.

Elle se tourna vers lui.

— Qu’y a-t il ? N’es-tu pas d’accord avec moi ?

Le regard fixé droit devant lui, il répliqua d’un air un peu triste :

— Disons que, pour moi, Noël est surtout une histoire de gros sous. Papa n’était

jamais là pour le réveillon. Il ne venait qu’après avoir fermé le magasin et vérifié

les comptes. Je n’ai pu le voir à Noël qu’à partir de seize ans, lorsque j’ai

commencé à travailler dans les rayons. Quant à l’esprit de générosité… J’ai

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toujours eu l’impression qu’entre les clients, c’était à qui aurait le cadeau le plus

gros, le plus cher, et mon père, au-dessus de la mêlée, les aiguillonnait tous. Est-

ce que c’est vraiment ça, Noël, à ton avis ? Moi, je ne crois pas.

— Non, moi non plus.

— Et le jour de Noël, Papa était tellement fatigué qu’il dormait pendant toute la

journée. Disons que Noël n’est pas ma fête préférée. Pour moi, c’est même une

gigantesque escroquerie ! conclut-il avec un haussement d’épaules.

Sur ces paroles amères, il lui serra la main, comme pour la convaincre qu’il s’était

résigné à cet état de fait, qu’il n’était pas malheureux. Et pourtant, il avait l’air si

triste…

Tout en le suivant dans le magasin, Annie pensait à toute cette ambiance familiale

sans laquelle Noël ne pouvait être Noël. Le cœur lourd, elle éprouva un élan de

sympathie pour Brent et pour le petit garçon qu’il avait été. Un petit garçon que

l’on avait toujours privé de fêtes, de gâteaux, de bonbons, de joie de vivre…

Brent ne savait pas ce qu’était la magie de Noël. Eh bien, cette année, avant de

partir pour New York, elle allait le lui apprendre !

Ravissante à croquer dans son costume d’elfe, Annie officiait de nouveau dans le

Village du Père Noël. Brent fronça les sourcils. Elle semblait prendre tellement à

cœur toute cette mascarade… Son visage rayonnait, elle avait un mot gentil pour

chacun des enfants qui attendait de grimper sur les genoux du Père Noël, elle

empaquetait les cadeaux avec un soin méticuleux, comme s’il se fût agi d’œufs de

Fabergé. Et pourtant, tout ce service était gratuit.

Incrédule, Brent secoua la tête.

— Monsieur…

Une dame aux cheveux grisonnants lui touchait le coude.

— Bonjour. Je recherche un cadeau pour mon petit-fils. C’est un système

électronique qui permet de s’amuser à des jeux.

Brent réprima un sourire.

— Une console de jeux vidéo ? Certainement, madame. Suivez-moi.

Il aurait voulu lui conseiller d’acheter un jouet plus modeste et de consacrer

davantage de temps à son petit-fils mais, ne connaissant pas cette dame, il

s’abstint.

Lorsqu’il lui présenta l’objet, elle ouvrit de grands yeux.

— Oh, mon Dieu !

— Y a-t il un problème, madame ?

— J’ignorais que c’était aussi cher.

Enfin une cliente qui réfléchissait à deux fois avant de sortir sa carte de crédit.

— Tant pis. Merci quand même, jeune homme.

Alors qu’elle s’éloignait, Brent remarqua soudain le dénuement que trahissaient

son manteau élimé et ses vieilles chaussures.

— Attendez ! s’exclama-t il sans réfléchir.

Elle se retourna avec un regard intrigué.

— Mille pardons ! lança-t il. Certains produits sont en promotion. Je devais

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16

demander aux employés de procéder au nouvel étiquetage, mais j’ai complètement

oublié. Cet article est en vente pour quinze dollars.

Le visage de la vieille dame s’illumina comme… un arbre de Noël.

— Quinze dollars ? Voilà qui est davantage dans mes prix.

Il lui tendit une boîte avec une nouvelle étiquette. Cet énorme rabais ne ruinerait

pas le magasin et, de toute façon, si son père n’était pas d’accord, Brent paierait

la différence.

— Vraiment, excusez-moi, poursuivit-il. D’ordinaire, je dirige d’autres rayons, et

ici, je n’ai encore mes repères.

Radieuse, elle serrait la précieuse boîte contre sa poitrine.

— Merci, dit-elle. Ce n’est pas que j’apprécie beaucoup ce genre de jeux, mais

mon petit-fils est contraint de passer les fêtes à l’hôpital et j’ai peur qu’il

s’ennuie. Et il en a tellement envie…

Il sembla à Brent que la vieille dame repartait d’un pas plus léger.

— C’était un geste très généreux, Brent. Bravo…

Reconnaissant la voix d’Annie, il se retourna brusquement. Son cher petit lutin lui

souriait derrière une pile de jouets.

— Oui, mais il ne faudrait pas que cela devienne une habitude ! remarqua-t il.

S’approchant de lui, elle lui prit les mains et l’attira dans la salle de pause.

— Prends garde ! C’est risqué. C’est ça, aussi, la magie de Noël.

Il haussa les épaules. Sous couvert de plaisanterie, Annie avait vu juste.

— Ces derniers temps, j’ai appris beaucoup de choses en observant une certaine

personne de ma connaissance. Une femme, plus précisément. Elle me fait

réfléchir. C’est un bon professeur.

— Ah oui ? fit-elle en se glissant entre ses bras. Et toi, ne pourrais-tu pas

m’apprendre quelques petites choses ?

Elle effleura ses lèvres dans un murmure :

— Je reprends le travail dans cinq minutes. Le temps d’une leçon rapide…

A ces mots, Brent ferma la porte de la salle de repos. Les autres employés

pourraient bien attendre cinq minutes…

Et après cette pause, lorsque Annie aurait repris sa place dans le Village du Père

Noël, Brent irait voir son père pour la petite conversation qu’ils auraient dû avoir

depuis longtemps. Il comptait enfin lui faire valoir ce qu’il attendait de la vie, et

ce qu’il refusait désormais de faire…

Tout d’abord, il ne voulait pas travailler dans le commerce. Il n’avait jamais voulu

se lancer dans cette carrière. Ensuite, il aimait Annie, et il espérait bien l’imposer

à sa famille.

A vingt-huit ans, il était grand temps qu’il mette les choses au point. Et tant pis si

son père y trouvait à redire !

D’une légère caresse, les doigts de Brent traçaient comme une traînée de feu sur le

dos d’Annie. Elle aurait pu rester ainsi une éternité, blottie dans ses bras.

Mais ils s’étaient entendus sur une simple aventure.

Cette décision aurait d’ailleurs dû la combler : elle avait partagé tant de moments

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merveilleux avec Brent, beaucoup plus qu’elle n’en avait jamais rêvé. De tout cela,

elle aurait dû lui être reconnaissante. Elle aurait dû se réjouir.

Et puis, de toute façon, avait-elle vraiment le choix ? Une nouvelle vie l’attendait à

New York.

Oui, elle aurait dû remercier sa bonne étoile. Mais malgré tout, elle se sentait

triste.

— A quoi penses-tu ? murmura-t il à son oreille.

— Oh, à rien de bien important ! répondit-elle en souriant. Tiens-moi dans tes bras,

s’il te plaît.

Le visage niché au creux de son cou, elle se réfugia dans la douceur du moment.

Percevant sans doute sa tristesse, Brent resserra son étreinte. Tremblant de désir,

elle se serra contre lui. Il déposa un léger baiser sur son front et laissa courir ses

lèvres sur ses tempes, son oreille, son cou. Elle frissonnait sous la caresse

innocente et audacieuse de ses baisers et de sa langue. Le cœur battant, elle se

sentait fondre dans une douce plénitude.

— Brent…, murmura-t elle.

— Je sais.

Il la comprenait. Elle en était sûre, maintenant. Ils étaient déjà si complices

qu’elle avait l’impression d’être comme un livre ouvert pour lui. Elle l’aimait tant !

— Tu m’attendras, après le travail ?

— Chérie, bien sûr que je t’attendrai. Penses-tu vraiment pouvoir te débarrasser de

moi aussi facilement ?

Elle sourit.

— Quel est ton secret ? demanda-t il en lui caressant la joue. Tu es si douce,

tellement adorable, et pourtant, tu me chavires complètement.

— Ah ! C’est mon charisme, sans doute, répliqua-t elle d’un ton guilleret.

Pourtant, elle avait le cœur serré : il venait de décrire exactement les sentiments

qu’elle ressentait. Cette entente parfaite valait la plus érotique des caresses.

— Mmm. Oui, ça doit être cela.

Etroitement enlacés, ils s’abandonnèrent l’un à l’autre, mais bientôt, Brent

s’écarta.

— Les cinq minutes sont écoulées, murmura-t il en encadrant son visage de ses

mains. Il est temps de revenir au travail.

Il ponctua ce rappel à l’ordre d’un léger baiser sur le bout de son nez.

Annie opina tout en maudissant silencieusement l’inventeur de l’horloge. Ses yeux

s’embuèrent de larmes. Dans quelques jours, elle partirait pour New York, vers une

nouvelle vie, une vie meilleure.

Mais pourrait-elle être vraiment heureuse toute seule, sans Brent ?

Un bruit sourd les fit sursauter.

Des coups à la porte. Brent fronça les sourcils. Quelqu’un tambourinait

désespérément. Cette fois-ci, il était vraiment temps de retourner au travail.

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Il se releva avec un soupir. Confuse, Annie ajusta sa tenue et sa coiffure et fit mine

de se passionner pour la lecture d’un vieux magazine. Réprimant un sourire, Brent

ouvrit la porte.

Paul, le Père Noël, surgit dans la pièce. Blême, chancelant, il avait l’air

particulièrement mal en point. Annie se leva tout de suite et l’aida à s’asseoir.

— Qu’est-ce qu’il y a, Paul ? Qu’est-ce qui ne va pas ?

— J’ai mangé quelque chose qui ne passe pas, je crois, bredouilla-t il d’une voix

éteinte. Du moins, j’espère que c’est ça. Mais ce n’est pas le pire ! Partout dans le

magasin, des panneaux promettent le retour du Père Noël pour 20 heures, alors

que je ne sais même pas si je serai encore de ce monde, à cette heure-là ! gémit-il

en laissant tomber la tête sur ses genoux. Vous feriez aussi bien de m’abattre tout

de suite.

Brent jeta un coup d’œil à Annie. Il devinait son dilemme. Certes, ce pauvre Paul

n’était pas en état de travailler, mais d’un autre côté, il ne fallait pas décevoir les

enfants…

— Bon, fit-il d’un ton résolu. Va te mettre au lit. J’espère que ton costume est

capitonné, parce qu’il est un peu trop grand pour moi. Il n’est pas contagieux, ton

microbe, au moins ?

Bouche bée, Annie le regardait se dévêtir. Paul leva faiblement la tête.

— Tu ne vas pas…

— Mais si. Allez, donne-moi ta tenue. Ce soir, le Père Noël, c’est moi !

Brent prit beaucoup de plaisir à effectuer ce remplacement : trois heures filèrent

sans qu’il s’en aperçût. Au moment de partir, Annie le trouva en grande

conversation avec un petit garçon qui lui expliquait les avantages du traîneau

motorisé, et c’est tout juste s’il prêta attention à la jeune femme lorsqu’elle vint

lui chuchoter qu’elle avait terminé sa journée et qu’elle le verrait le lendemain.

A la fermeture du magasin, loin d’être fatigué, Brent se sentait transporté

d’allégresse. Cette semaine, il allait de surprise en découverte : d’abord Annie,

puis l’esprit de Noël… et bientôt, la réaction de son père à la conversation qu’il

allait avoir avec lui. Mais, avant toute chose, il devait faire un détour par le rayon

bijouterie et acheter un diamant pour son cher petit lutin…

— Mon cas est désespéré, Faith, soupira Annie. Absolument désespéré.

C’était un euphémisme. Brent occupait toutes ses pensées, au point de devenir une

véritable obsession. Elle n’arrivait pas à le chasser de son esprit, sa passion

transpirait par tous les pores de sa peau, il faisait partie d’elle-même. Oui,

vraiment, c’était désespéré.

Faith se lova dans les coussins du canapé et décapsula sa bouteille de soda.

— Je suis tout à fait d’accord avec toi. Au fait, il t’est arrivé quelque chose

aujourd’hui ? ironisa-t elle.

Annie cessa d’aller et venir et lui décocha un regard agressif.

— A ton avis ?

Un doigt sur la joue, Faith fronça les sourcils et inclina la tête.

— Voyons, voyons… Laisse-moi réfléchir. S’agirait-il de Brent, par hasard ?

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— Ah, ah. Quelle perspicacité !

— Dis-moi ce qui ne va pas. Tout se passe pour le mieux entre vous, non ? Tu as eu

ce que tu désirais. Mission accomplie. Point.

— Le problème, c’est que mon plan a trop bien marché.

Faith avala une gorgée et appuya le bras sur le dossier du canapé.

— Tiens donc ? Que s’est-il passé ?

Annie humecta ses lèvres. Elle sentait le rouge lui monter aux joues.

— Je crois que je suis en train de tomber amoureuse.

Faith éclata de rire, tandis qu’Annie, outrée, se plantait devant elle, les mains sur

les hanches.

— Dis donc ! Est-ce que je m’amuse de ta vie sentimentale, moi ?

— Oh, Annie, excuse-moi. C’est juste que tu ne m’apprends pas grand-chose.

— Que veux-tu dire ? s’enquit-elle en fronçant les sourcils.

— Eh bien, je n’ai pas attendu aujourd’hui pour me rendre compte de tes

sentiments pour Brent. Je l’ai su dès l’autre jour, rien qu’à vous voir ensemble.

Entre vous deux, c’est du sérieux…

Annie ne pouvait plus nier l’évidence : elle avait eu la folie de tomber amoureuse

de Brent. Un Carrington ! Elle avait peine à y croire, et aurait tant voulu se

tromper ! Tout était arrivé si vite… Mais d’emblée, ils avaient été sur la même

longueur d’onde. Cette intense complicité ne laissait aucune place au doute :

c’était avec Brent qu’elle voulait faire sa vie.

— Une question plus sérieuse, maintenant, poursuivit Faith : que comptes-tu faire ?

Inspirant profondément, Annie se redressa pour recouvrer un peu de sang-froid.

— Je ne vois qu’une possibilité. Mais j’ai sans doute tort de prendre ce risque.

Après tout, peut-être qu’il ne m’aime pas.

Elle se mordit la lèvre à la pensée d’une telle hypothèse.

— Annie, que veux-tu dire au juste ?

— Eh bien, tu sais que je tiens énormément à ce travail à New York, mais, d’un

autre côté, Brent compte énormément pour moi. Je veux donner une chance à

notre liaison. Ou essayer, au moins.

Elle soupira et se passa la main dans les cheveux. Brent valait bien ce sacrifice,

elle en était sûre. Car il l’aimait, lui aussi. Oh ! Comme elle aurait souhaité pouvoir

l’affirmer avec certitude !

— J’envisage de garder mon emploi à Bishop, lâcha-t elle.

Faith écarquilla les yeux, le regard fixé au-dessus de l’épaule d’Annie.

— Es-tu sûre de ce que tu dis ?

En reconnaissant la chère voix grave de Brent, Annie fit brusquement volte-face.

— Oh ! Brent ! Comment vas-tu ?

Depuis quand était-il arrivé ? Avait-il surpris toute leur conversation ?

— Je vous interromps ?

— Mais non, mais non !

— La porte était ouverte, alors, je suis entré.

Annie poussa un soupir de soulagement. Bon ! Il n’avait peut-être pas tout entendu

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! Pour rien au monde elle n’aurait voulu lui avouer l’intensité de ses sentiments

pour lui. Du moins, pas avant qu’elle ne fût certaine d’être aimée en retour.

Mais bientôt, la première question de Brent lui revint à l’esprit. Les sourcils

froncés, elle le dévisagea avec intensité.

— Lorsque tu es entré, pourquoi m’as-tu demandé si j’étais sûre de ce que je disais

?

— Je voulais juste savoir si tu voulais rester à Bishop.

Annie sentit son estomac se crisper d’anxiété. Et si elle s’était complètement

trompée sur son compte ? Voulait-il en rester là et ne pas pousser les choses plus

loin ?

— La question mérite d’être posée, non ? poursuivit-il. Tu voudrais lâcher l’emploi

de tes rêves pour rester dans ce coin perdu ? Ça me semble un peu idiot, voilà tout.

— Comment ça, idiot ?

Annie serra les poings. Maintenant, elle devinait ce qu’il allait dire. Il ne voulait

pas d’elle, il souhaitait qu’elle s’en aille…

Il lui prit les mains avec douceur. Un sourire épanoui se dessina sur ses lèvres et

aussitôt, elle respira plus librement.

— Ne te fâche pas, Annie. C’est juste que je me demandais pourquoi tu resterais ici

alors que je m’en vais vivre à Manhattan.

Annie retint son souffle. — Je te demande pardon ? Tu t’en vas à New York ? Brent haussa les épaules. — J’envisage de partir, en effet. J’aurais bien aimé te suivre là-bas, mais… Il n’acheva pas sa phrase. Annie le dévisageait, bouche bée. Dans les yeux bleus de Brent dansait une étrange lueur d’amusement. Pourquoi ? Qu’allait-il lui dire ? Derrière elle, un bruissement de tissu la tira de sa contemplation. — Bon, eh bien, je ne vais pas vous déranger plus longtemps, lança Faith en se levant. Dès que la porte se fut refermée sur elle, Brent ouvrit les bras. Sans un mot, Annie vint s’y blottir. Doucement, il laissa courir un doigt le long de son cou, jusque dans l’échancrure de son pull en cachemire. Malgré la chaleur douillette qui régnait dans la pièce, Annie frissonna. Il promena un doigt sur la dentelle de son soutien-gorge et caressa ses seins doux et parfumés. Les paupières mi-closes, elle ne put retenir un long gémissement rauque. Elle aurait voulu le supplier d’accéder à son désir, mais les mots s’étranglèrent dans sa gorge. Bientôt, il taquina du bout du doigt la pointe de ses seins, lui arrachant un frisson de plaisir. — Oh, Brent ! chuchota-t elle. — Mmmh Elle voulait des explications, connaître les raisons de son départ pour New York, mais étourdie de bonheur, elle n’arrivait même pas à prononcer un mot. Alors elle ferma les yeux, rejeta la tête en arrière et lui offrit ses lèvres. Il l’embrassa longuement, puis promena sa bouche le long de son cou, sur sa poitrine. — Ce pull t’est-il vraiment nécessaire ? murmura-t il. D’un geste vif, elle arracha aussitôt le vêtement. — Tu peux même le brûler, si tu veux. — Nous n’aurons pas besoin d’aller jusque-là, répliqua-t il en riant.

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Il promena ses lèvres sur ses seins et, du bout de la langue, titilla un mamelon tendu. Ses caresses faisaient naître en elle une tornade de sensations voluptueuses et insupportables. A chaque baiser, elle se sentait fondre de plaisir. Impatiente de sentir sa peau contre la sienne, elle ôta la veste de son compagnon et la laissa tomber à terre dans un bruissement de cuir. — Enlève ta chemise, ordonna-t elle en dégrafant son soutien-gorge. Il obtempéra et l’entraîna vers le canapé. Elle se pressa contre lui et passa un doigt sous la ceinture de son jean. — Tu n’as pas besoin de ton pantalon non plus. — Tiens, tiens ! Une femme qui sait ce qu’elle veut. J’aime ça. — Ah, oui ? Et toi, qu’est-ce que tu veux ? — Je croyais te l’avoir déjà fait savoir. C’est toi que je veux, lança-t il d’une voix faible. Je t’aime, Annie, et j’ai envie de vivre avec toi à New York. Il l’aimait et il voulait lui faire l’amour. Tout de suite. Mais ils n’étaient pas dans son appartement, et la raison, les convenances exigeaient qu’il se maîtrise. La serrant plus étroitement contre lui, il se blottit dans sa chaleur et la caressa doucement. Pendant quelques instants, ils savourèrent en silence le bonheur de leur intimité. Il comprit alors qu’il ne serait jamais plus heureux qu’avec Annie. Elle était comme une partie de lui-même, l’âme sœur qu’il avait cherchée si longtemps. Avec un léger soupir, elle glissa de ses genoux et se lova contre lui. Pourtant, au bout de quelques minutes, elle s’arracha à regret à la douceur de son étreinte et leva vers lui un regard interrogateur. — Pourquoi veux-tu partir ? — Parce que je ne veux pas m’éloigner de toi. Je ne veux pas te perdre, Annie. Plus jamais. Du moins, si je peux faire quelque chose pour l’empêcher. Il sortit de sa poche un long étui de velours. — Joyeux Noël, ma chérie… Les yeux d’Annie s’illuminèrent. — Mais… Je ne t’ai offert aucun cadeau, moi ! — Tu as encore le temps. Il reste encore quelques jours avant Noël. Il désigna l’étui d’un mouvement de tête. — Ouvre donc ton cadeau. Elle obtempéra : la boîte contenait un délicat pendentif en forme de cœur accroché à une chaîne en or. — Oh, Brent… Quel merveilleux bijou ! Tu n’aurais pas dû ! s’exclama-t elle en l’embrassant. — Tu seras toujours dans mon cœur, dit-il en souriant. Et dans mon lit aussi, j’espère. Annie éclata de rire. — Ce n’est pas moi qui chercherai à te contredire. Mais son rire se figea et elle se mordit la lèvre. Le cœur serré, Brent la dévisageait avec inquiétude. De toute évidence, elle doutait encore de la solidité de leur liaison. Il aurait juré que leur amour était réciproque, mais pouvait-il en être si sûr ? — Qu’y a-t il, Annie ? Se redressant, elle s’écarta sans pour autant se dégager de son étreinte. — C’est ton idée de partir pour New York, expliqua-t elle en le regardant droit dans les yeux. Tu ne vas tout de même pas tout quitter comme ça, sur un coup de tête ! — Mais tu as bien envie de vivre avec moi, n’est-ce pas ? — Bien sûr. Mais ton travail est ici, au magasin. Toute ta vie est ici.

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— J’ai envie d’une nouvelle vie. Avec toi. Il soupira et déposa un baiser sur la paume de sa main. — Je n’ai jamais voulu travailler aux magasins Carrington. Seulement, mon père a tellement insisté pour que je reprenne l’affaire que j’ai fini par céder. C’est pour lui faire plaisir que j’ai suivi des études de commerce. Je viens d’avoir une longue conversation avec lui cet après-midi. Il n’accepte pas encore totalement ma décision, mais au moins, il ne s’y oppose pas. — Quelle décision ? Que veux-tu faire ? — Je veux étudier le droit. J’en ai envie depuis longtemps. Il y a quelques mois, j’ai déposé des dossiers de candidature auprès de quatre universités, et toutes les quatre m’ont accepté. J’envisage d’entrer à l’Université de Columbia au prochain semestre. — Mais l’Université de Columbia se trouve justement à New York… — Ah bon ? fit-il d’un air faussement surpris. Après un bref éclat de rire, elle reprit sa mine sérieuse. — Cette université est-elle vraiment ta préférée ? — Tout à fait, la rassura-t il. Il dégagea une mèche de son visage et plongea son regard dans le sien. — Annie, je ne veux te forcer à rien. Si tu ne te sens pas prête, ou si tu n’as pas envie… — Non ! Un rouge délicat monta aux joues de la jeune femme. — Enfin, je veux dire… Bien sûr que j’ai envie de partager ma vie avec toi. Je croyais que cela allait sans dire. — C’est ce que j’espérais. Du fond du cœur. Mais Annie se mordilla nerveusement la lèvre. — Et ton père ? Que va-t il dire de tout ça ? Je viens d’un milieu tellement différent du tien. Brent partit d’un grand rire sans se formaliser du ton de cette dernière remarque. Il savait qu’au fond, Annie se souciait vraiment de ses relations avec son père. — Ne t’inquiète pas. Comme je te l’ai dit, nous avons beaucoup parlé. Il sait ce que je ressens et il me comprend. De plus, il est très impressionné par ta réussite universitaire et par ton métier. Mon père n’est pas quelqu’un de facile, mais il finit toujours par céder. — Bien, fit-elle en se pressant contre lui. Il lui caressa les cheveux. — Je t’aime, Annie, chuchota-t il. Je ne m’en étais pas rendu compte avant ces derniers jours, mais c’est la vérité. — Moi aussi, je t’aime. Depuis toujours et pour toujours. Oh, mon Dieu ! C’est tellement incroyable, ajouta-t elle avec un soupir de contentement. — Quoi donc ? — Tous mes vœux de Noël se sont réalisés. Et Noël n’est pas encore arrivé ! Brent ferma les yeux et serra plus fort dans ses bras cette femme qui allait illuminer son Noël… et sa vie tout entière.

- FIN -

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