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Une classification TNM pour les tumeurs endocrines digestives de l’intestin moyen et postérieur : propositions de l’European Neuroendocrine Tumor Society (2007)

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© 2 0 0 7 . E l s e v i e r M a s s o n S A S . T o u s d r o i t s r é s e r v é s .

A n n P a t h o l 2 0 0 7 ; 2 7 : 4 2 6 - 3 2

Mise au point

Accepté pour publication le 20 janvier 2008

Tirés à part :

Anne Couvelard, voir adresse en début d’article. e-mail :

[email protected]

Une classification TNM pour les tumeurs endocrines digestives de l’intestin moyen et postérieur : propositions de l’European Neuroendocrine Tumor Society (2007)

Anne Couvelard

(1)

, Jean-Yves Scoazec

(2)

(1) Service d’anatomie pathologique, AP-HP, hôpital Beaujon, 92118 Clichy cedex.(2) Service d’anatomie pathologique, Hospices civils de Lyon, hôpital Édouard-Herriot, 69437 Lyon cedex 02

et INSERM, U865, IFR62, Faculté Laennec, 69372 Lyon cedex 08.

Anne Couvelard, Jean-Yves Scoazec.

Une classification TNM pour les tumeurs endocrines digestives del’intestin moyen et postérieur : propositions de l’European Neuroendocrine Tumor Society (2007).

AnnPathol 2007 ; 27 : 426-32.

Summary

A TNM classification for digestive endocrine tumors of midgut and hindgut : proposals from the European Neuroendocrine Tumor Society (ENETS)

The recent proposals for a TNM classification ofmidgut and hindgut endocrine tumors made by theEuropean Neuroendocrine Tumor Society (ENETS)

are presented and commented. Certain particularpoints, such as the evaluation of the risk of malig-nancy of an endocrine tumor discovered fortuitouslyafter appendicectomy and the indication of an addi-tional surgical treatment, are developed. Finally,other questions frequently asked about digestiveendocrine tumors are addressed.

Key words:

digestive endocrine tumors, neuroendocrinetumors, TNM classification, midgut, hindgut, appendix,immunohistochemistry, Ki67 index.

Résumé

Les propositions de classification TNM destumeurs endocrines de l’intestin moyen etantérieur faites sous l’égide de l’EuropeanNeuroendocrine Tumor Society sont pré-sentées et commentées. Certains points par-ticuliers, comme l’évaluation du risque demalignité d’une tumeur endocrine décou-

verte fortuitement sur une pièce d’appendi-cectomie et l’indication d’une éventuelleintervention chirurgicale complémentaire,sont développés. Enfin, d’autres questionsfréquentes posées au sujet des tumeursendocrines digestives sont abordées.

Mots-clés :

tumeurs endrocrines digestives, tumeurs neuro-endocrines, classification TNM, intestin moyen, intestinpostérieur, appendice, immunohistochimie, index Ki67.

N

2006, nous présentions dans les

Annales de Pathologie

[1], la propo-sition pour une classification TNM destumeurs endocrines de l’intestin anté-rieur (estomac, duodénum et pancréas)élaborée lors d’une conférence deconsensus européenne organisée parl’ENETS (European NeuroendocrineTumor

Society) en novembre 2005 [2].Une deuxième réunion rassemblant lemême groupe de travail a élaboré en2006 des propositions pour classer lestumeurs endocrines de l’intestin

moyen (jéjunum terminal, iléon etappendice) et de l’intestin postérieur(côlon et rectum) ; ces recommanda-tions ont été publiées en 2007 [3].Comme pour la version précédente de2006, concernant les tumeurs endo-crines de l’intestin antérieur, les pro-positions des pathologistes ont étédébattues avec les cliniciens présentslors de la conférence de consensus etvalidées par l’ensemble des partici-pants. Un système de grades et stadesest également utilisé. Les propositions

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Classification TNM des tumeurs endocrines digestives

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s’inspirent de la classification OMS destumeurs endocrines digestives réactualiséeen 2004 [4-7].Le but de cet article est de résumer cesrecommandations de l’ENETS pour la classi-fication TNM et la stadification des tumeursendocrines de l’intestin moyen et postérieuren soulignant et discutant les points impor-tants susceptibles de modifier notre pratiquequotidienne.

Proposition de classification TNM applicable aux tumeurs endocrines de l’iléon, de l’appendice, du côlon

et du rectum

(tableaux I

-

III)

Comme pour la version précédente, les pro-positions s’inspirent du système TNM utilisépour les carcinomes exocrines digestifs [8]. Laclassification TNM ne retient pas le concept detumeur endocrine

in situ

(Tis), des lésions pré-curseurs n’ayant jamais été décrites dansl’intestin moyen et postérieur (un stade Tisn’est admis que pour les tumeurs endocrinesgastriques [2]). Comme pour la classificationdes tumeurs de l’intestin antérieur, la distinc-tion entre les stades T est déterminée par lataille tumorale (1 ou 2 cm selon le site) et parl’infiltration dans la paroi digestive (sauf pourl’appendice, les tumeurs T1 infiltrent lamuqueuse ou la sous-muqueuse, T2 la muscu-leuse, T3 la sous-séreuse et T4 le péritoine).Pour la localisation appendiculaire, le degréd’infiltration dans le méso-appendice estintroduit dans cette classification (voir lesdétails plus loin). Il est recommandé de comp-ter le nombre de ganglions métastatiques etde donner précisément la localisation desmétastases à distance (PUL, pulmonaire ; HEP,hépatique ; OSS, osseuse) afin de pouvoir tes-ter l’éventuelle signification de ces informa-tions dans des travaux ultérieurs.

Proposition de définition de stades cliniques applicables aux tumeurs endocrines de l’iléon, de l’appendice, du côlon

et du rectum

(tableaux I

-

III)

L’intérêt des stades cliniques proposés pourles tumeurs endocrines digestives devraitêtre d’aider à définir certaines indicationsthérapeutiques et d’homogénéiser les étudescliniques multicentriques. Comme pour la

version précédente concernant les tumeursendocrines de l’intestin antérieur, le stade Icorrespond à des tumeurs à croissance limi-tée, le stade II à des tumeurs plus volumi-neuses ou plus infiltrantes, classées T2 ou T3,le stade III regroupe des tumeurs T4 enva-hissant les organes de voisinage (stade IIIA)et des tumeurs N1 associées à des métasta-ses ganglionnaires (stade IIIB). Le stade IVcomprend des tumeurs M1 associées à desmétastases hématogènes.

Proposition d’un système

de grades histologiques

Il n’y a pas de modification dans le systèmede grades proposé pour classer les tumeursendocrines de l’intestin moyen et postérieur

TABLEAU I. — Proposition de classification TNM pour les tumeurs endocrines du jéjunum distal et de l’iléonTABLE I. — Proposal for a TNM classification for endocrine tumors of lower jejunum and ileum

T- Tumeur primaire

TX La tumeur primaire ne peut être évaluée

T0 Pas d’évidence pour une tumeur primaire

T1 La tumeur envahit la muqueuse ou la sous-muqueuse et est ≤ 1 cm

T2 La tumeur envahit la musculeuse ou est > 1 cm

T3 La tumeur atteint la sous-séreuse

T4 La tumeur envahit le péritoine/les orga-nes adjacents

Pour tout T, ajouter (m) en cas de tumeurs multiples

N- Ganglions lymphatiques régionaux

NX Le statut des ganglions régionaux n’est pas évaluable

N0 Absence de métastase ganglionnaire

N1 Présence de métastase ganglionnaire régionale

M- Métastase à distance

MX Métastase à distance non évaluée

M0 Absence de métastase à distance

M1* Présence de métastase à distance

Stades cliniques

Stade I T1 N0 M0

Stade IIA T2 N0 M0

IIB T3 N0 M0

Stade IIIA T4 N0 M0

IIIB tout T N1 M0

Stade IV tout T tout N M1

*M1 : sites spécifiques définis selon la référence [8].

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par rapport à celui proposé initialementpour les tumeurs de l’intestin antérieur.Trois grades sont distingués, G1, G2 et G3

(tableau IV)

. Il faut noter que le grade G3correspond surtout, mais pas seulement, àdes tumeurs endocrines peu différenciées.En effet certaines tumeurs endocrines biendifférenciées agressives peuvent présenterun index de prolifération très élevé ; ellessont généralement d’évolution rapide etpeuvent nécessiter un traitement par chi-miothérapie « de type peu différencié ». Legrade proposé inclut à la fois le compte demitoses et l’évaluation du Ki67 après immu-nomarquage. La façon d’évaluer ces deuxcritères est assez précisément indiquée.Pour les mitoses, le compte devrait se fairesur 40 champs à fort grandissement (et le

TABLEAU II. — Proposition de classification TNM pour les tumeurs endocrines de l’appendiceTABLE II. — Proposal for a TNM classification for endocrine tumors of the appendix

T- Tumeur primaire

TX La tumeur primaire ne peut être évaluée

T0 Pas d’évidence pour une tumeur primaire

T1 La tumeur envahit la sous-muqueuse ou la musculeuse et est ≤ 1 cm

T2 La tumeur envahit la sous-muqueuse, la musculeuse et/ou focalement (jusqu’à 3 mm) la sous-séreuse/méso-appendice et est ≤ 2 cm

T3 La tumeur est > 2 cm et/ou envahit large-ment (sur plus de 3 mm) la sous-séreuse/méso-appendice

T4 La tumeur envahit le péritoine/les orga-nes adjacents

N- ganglions lymphatiques régionaux

NX Le statut des ganglions régionaux n’est pas évaluable

N0 Absence de métastase ganglionnaire

N1 Présence de métastase ganglionnaire régionale

M- métastase à distance

MX Métastase à distance non évaluée

M0 Absence de métastase à distance

M1* Présence de métastase à distance

Stades cliniques

Stade I T1 N0 M0

Stade IIA T2 N0 M0

IIB T3 N0 M0

Stade IIIA T4 N0 M0

IIIB tout T N1 M0

Stade IV tout T tout N M1

*M1 : sites spécifiques définis selon la référence [8].

TABLEAU III. — Proposition de classification TNM pour les tumeurs endocrines du côlon et du rectum.TABLE III. — Proposal for a TNM classification for endocrine tumors of colon and rectum.

T- Tumeur primaire

TX La tumeur primaire ne peut être évaluée

T0 Pas d’évidence pour une tumeur primaire

T1 La tumeur envahit le chorion ou la sous-muqueuse

T1a Taille < 1 cm

T1b Taille 1-2 cm

T2 La tumeur envahit la musculeuse ou est > 2 cm

T3 La tumeur atteint la sous-séreuse/graisse périrectale

T4 La tumeur envahit le péritoine/les organes adjacents

Pour tout T, ajouter (m) en cas de tumeurs multiples

N- Ganglions lymphatiques régionaux

NX Le statut des ganglions régionaux n’est pas évaluable

N0 Absence de métastase ganglionnaire

N1 Présence de métastase ganglionnaire régionale

M- Métastase à distance

MX Métastase à distance non évaluée

M0 Absence de métastase à distance

M1* Présence de métastase à distance

Stades cliniques

Stade IA T1a N0 M0

IB T1b N0 M0

Stade IIA T2 N0 M0

IIB T3 N0 M0

Stade IIIA T4 N0 M0

IIIB tout T N1 M0

Stade IV tout T tout N M1

*M1 sites spécifiques définis selon la référence [8].

TABLEAU IV. — Proposition d’un système de grade histologique pour les tumeurs endocrines digestivesTABLE IV. — Grading proposal for digestive endocrine tumors

GradeIndex

mitotique(10 HPF)*

Index Ki67(%)**

G1 < 2 ≤ 2

G2 2-20 3-20

G3 > 20 > 20

*10 HPF = 2 mm2 ; au moins 40 champs évalués dans les zones deplus haute densité mitotique ; valeur ramenée à une valeurmoyenne pour 10 champs représentant 2 mm2.**anticorps MIB1 ; % sur 2 000 cellules tumorales dans les zonesde plus haute densité de cellules avec marquage nucléaire.

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compte est ensuite rapporté à 10 champscorrespondant à environ 2 mm

2

) alors quepour le Ki67 (anticorps MIB1 recommandé)il devrait s’effectuer sur 2 000 cellules (obte-nues généralement dans 1 à 2 champs à fortgrandissement). Dans les deux cas, ce sontles zones de densité maximale qui doiventêtre prises en compte. Dans une pièce opé-ratoire ou un fragment assez volumineux, ilest possible d’évaluer à la fois le compte demitoses et le Ki67 en respectant ces recom-mandations. Par contre, il paraît difficile decompter les mitoses selon le protocole pré-senté dans des biopsies à l’aiguille, la sur-face étudiée y étant souvent inférieure à 8mm

2

. L’évaluation de l’index de proliférationprend donc toute son importance dans lespetits fragments biopsiques. De plus, lecompte de mitoses peut être difficile lorsquedes modifications cellulaires sont présentes(apoptose, rétraction cellulaire…). Il estaussi plus facile de trouver les zones de den-sité les plus élevées pour le Ki67, les zonesde « hot spot » de mitoses étant mal visibles.Enfin, il est indispensable de donner lesvaleurs précises de l’index mitotique et del’index Ki67 ; noter simplement G1, G2 ou G3dans le compte-rendu serait insuffisant, unetumeur G2 avec un index de prolifération à3 % évoluant très différemment d’unetumeur dont l’index de prolifération Ki67 està 19 % par exemple.

Quelques détails

de la classification TNM

Tumeurs iléales et jéjunales distales

Les tumeurs endocrines de l’iléon et du jéju-num distal sont fréquentes au sein dugroupe des tumeurs endocrines digestives.On réserve souvent encore le terme detumeur carcinoïde à ces tumeurs qui, déve-loppées à partir des cellules entérochromaf-fines (EC) à sérotonine présentes dans cesegment digestif, peuvent être responsablesd’un syndrome carcinoïde (flush et diar-rhée) ; en pratique, l’apparition d’un syn-drome carcinoïde nécessite l’existenced’une masse tumorale importante : ce syn-drome est donc presque toujours associé àdes tumeurs métastatiques. La classificationOMS est généralement de peu de secourspour séparer les tumeurs d’évolution plusou moins agressives dans cette localisation[5-7]. En effet, les tumeurs carcinoïdes sontpresque toutes classées comme « carci-

nome bien différencié » selon l’OMS, lestumeurs n’atteignant pas la musculeuseétant quasiment inexistantes au moment dudiagnostic (elles sont cependant parfoisidentifiées lorsqu’elles sont réséquées dansle même temps opératoire que des tumeursplus volumineuses, les tumeurs iléales étantvolontiers multiples). La classification TNMoffre l’intérêt de séparer en deux groupesde pronostic probablement différent, à véri-fier par des études cliniques ultérieures : lestumeurs T2, respectant la sous-séreuse, etles tumeurs T3, infiltrant la sous-séreuse.

Tumeurs appendiculaires

Les tumeurs endocrines de l’appendice sontsouvent découvertes fortuitement par lepathologiste sur la pièce d’appendicecto-mie. Un point essentiel est donc de détermi-ner les critères pour poser l’indication d’uneéventuelle hémicolectomie complémen-taire [9]. La classification TNM proposéepour les tumeurs endocrines de l’appendiceest différente de celle proposée pour lesautres localisations digestives. A la diffé-rence des autres sites digestifs, les tumeursappendiculaires classées T1 peuvent infiltrerla musculeuse (elles correspondent auxtumeurs bénignes de l’OMS). La classifica-tion TNM propose de séparer les tumeurs T2et T3 selon leur taille (valeur seuil à 2 cm)mais également selon le degré d’infiltrationde la sous-séreuse au niveau du mésoap-pendice. Les tumeurs infiltrant la sous-séreuse (bord anti-mésentérique) ou lemésoappendice sur moins de 3 mm y sontclassées T2 (les pathologistes présents lorsde la conférence ont considéré qu’une infil-tration minime du mésoappendice (< 3 mm)était plus ou moins l’équivalent de l’infiltra-tion de la sous-séreuse à distance du méso)alors que les tumeurs présentant une exten-sion dans le mésoappendice sur plus de3 mm (mesure réalisée depuis la limite péri-phérique externe de la musculeuse, perpen-diculairement à celle-ci) sont classées T3.Cette séparation a l’intérêt de différencierdes tumeurs très infiltrantes dans le méso-appendice, probablement plus agressivesque celles dépassant à peine la musculeuse.Cette distinction n’apparaît pas clairementdans la classification de l’OMS où lestumeurs infiltrant le méso-appendice, quelque soit le degré d’extension, sont classéescomme carcinomes. La plupart des donnéesactuellement disponibles sur la significationpronostique de l’infiltration de la paroiappendiculaire sont controversées ; cesnouvelles recommandations pourraient per-mettre de mieux évaluer l’éventuelle valeur

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de l’infiltration du mésoappendice [10]. Cesdonnées pourraient à terme modifier l’indi-cation de la colectomie complémentaire.La taille de 2 cm est aussi importante àsouligner car c’est un élément majeur quiconditionne le pronostic. Les patients dontla tumeur endocrine appendiculaire mesuremoins de 2 cm ont très rarement une mala-die évolutive avec des métastases [11]. Lestumeurs de plus de 2 cm sont généralementune indication formelle à l’hémicolectomiecomplémentaire. La classification T3 de cestumeurs est explicite, alors que selon l’OMSelles peuvent correspondre à des tumeursde pronostic incertain ou à des carcinomes.Ces recommandations renvoient à la miseau point récente sur la prise en charge destumeurs appendiculaire. Pour les tumeursentre 1 et 2 cm, les données sont insuffisan-tes pour donner des indications formelles. Encas d’infiltration profonde du méso-appen-dice ou d’angio-invasion, d’index Ki67 élevéet de localisation à la base de l’appendice,un suivi des patients pourrait être néces-saire [10]. Il faut rappeler enfin que lestumeurs mixtes appendiculaires ou «

Goblet

cell carcinoids

» sont classées à part ; la clas-sification TNM des tumeurs endocrines nes’y applique pas.

Tumeurs du côlon et du rectum

La classification propose de séparer lestumeurs T1 en deux groupes, T1A (< 1 cm) etT1B (1-2 cm), en raison des données récentessur le comportement biologique des tumeursde taille inférieure à 1 cm ou comprise entre1 et 2 cm [12].En conclusion, il apparaît souhaitable d’utili-ser la classification TNM des tumeurs endo-crines digestives dans la conclusion d’uncompte-rendu anatomopathologique pourtumeur endocrine digestive, en précisant legrade tumoral et en indiquant qu’il s’agitd’une proposition de classification, celle-cin’étant pas validée par l’UICC. Elle vient encomplément de la classification OMS habi-tuellement utilisée et ne s’y substitue pas.Comme pour les tumeurs de l’intestin anté-rieur, elle devra être testée et validée dans lecadre d’études cliniques multicentriques.

Quelques autres questions fréquentes sur les tumeurs endocrines digestives

Les tumeurs endocrines digestives sont des tumeurs rares mais tout pathologiste ayantun recrutement en pathologie digestive est amené régulièrement à en faire le diagnostic.Ces tumeurs suscitent régulièrement des questions de la part des pathologistes sur lescritères diagnostiques, la terminologie à employer, le rôle de l’immunohistochimie, lemode d’évaluation des facteurs pronostiques… Certaines questions fréquentes trouventdes réponses, ou des débuts de réponse, dans les recommandations de l’ENETS qui sontprésentées dans le texte de l’article ; c’est le cas de :– comment compter les mitoses ? comment évaluer l’index de prolifération Ki67 ?– que faire après découverte fortuite d’une tumeur endocrine sur pièce d’appendicectomie ?Le sujet n’est cependant pas épuisé. Il nous a donc semblé utile de faire à cette occasionle point sur d’autres questions fréquentes, sur lesquelles des recommandations del’ENETS ou des données récentes sont disponibles.

Quelle est la définition d’une tumeur endocrine digestive peu différenciée ?

La définition est morphologique ; la forme habituelle des tumeurs endocrines digestivespeu différenciées est la forme à petites cellules ; l’index mitotique et l’index de proliféra-tion Ki67 de ces lésions sont habituellement élevés ou très élevés et le grade histologiqueconstamment G3; les cellules tumorales expriment fréquemment la protéine p53, ce quipeut être une aide pour leur identification. Attention ! la présence d’un index mitotiqueet d’un index de prolifération Ki67 élevés ne sont pas suffisants à eux seuls pour classerune tumeur endocrine digestive comme peu différenciée. Ces lésions doivent être clas-sées selon leurs caractéristiques morphologiques en tumeurs bien ou peu différenciéeset leur grade (G3) doit être indiqué.

Les tumeurs endocrines peu différenciées sont-elles toujours à petites cellules ?

Non. L’existence de tumeurs endocrines peu différenciées à grandes cellules est implici-tement admise par la classification OMS de 2000. Des articles récents ont popularisé leterme. Attention cependant ! Contrairement à ce qui se passe pour les tumeurs endocrines

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thoraciques, les critères de diagnostic restent très flous. Le terme a été ainsi utilisé récem-ment pour désigner des tumeurs se présentant morphologiquement comme des carcinomespeu différenciés, mais où une étude immunohistochimique systématique a révélé la pré-sence d’une différenciation endocrine ou neuro-endocrine. De plus, l’expérience de lapathologie thoracique montre que c’est dans cette catégorie que le risque d’erreur dia-gnostique est la plus grande et que la reproductibilité du diagnostic est la moins bonne.

Combien de marqueurs endocrines et neuro-endocrines faut-il tester pour affirmer le diagnostic de tumeur endocrine digestive ?

Il n’y a pas de recommandation définitive. En pathologie digestive, l’habitude est d’asso-cier en première intention deux marqueurs : la chromogranine A, marqueur spécifique-ment endocrine, et un marqueur neuro-endocrine, habituellement la synaptophysine. Siles deux marqueurs sont positifs, le diagnostic de tumeur endocrine est considéré commecertain, à condition que la morphologie de la tumeur soit évocatrice. Attention aux fauxamis, c’est-à-dire aux tumeurs non endocrines qui peuvent exprimer de façon inappro-priée la chromogranine A et des marqueurs neuro-endocrines : les tumeurs pseudopapil-laires et solides du pancréas en sont un exemple classique ! Lorsque la chromogranineA est négative, il est conseillé de rechercher au moins 3 marqueurs neuro-endocrines (parexemple, synaptophysine, NSE, Leu7 -CD57-, NCAM -CD56-, PGP9.5…). Attention, certainsde ces marqueurs sont peu spécifiques, comme la NSE ou la NCAM, qui peuvent êtreexprimées par n’importe quel carcinome peu différencié, même non neuro-endocrine.L’association de plusieurs marqueurs est donc nécessaire.

Faut-il déterminer systématiquement le profil hormonal d’une tumeur endocrine digestive par immunohistochimie ?

La réponse est clairement non : toutes les recommandations sont d’accord. En pratiquecependant, l’évaluation immunohistochimique du profil hormonal reste souvent faite oudemandée, même si elle n’a que des implications très limitées pour la prise en charge dumalade. Elle peut cependant être utile en cas de syndrome fonctionnel lié à une hyper-sécrétion hormonale, pour vérifier que la tumeur réséquée présente bien un profilcompatible avec les symptômes cliniques. Elle est parfois utile si les cliniciens recherchentun marqueur tumoral permettant de suivre l’évolution de la maladie et sa récidive éven-tuelle : une hormone détectée dans les cellules tumorales peut remplir cette fonction.

Devant une métastase révélatrice, existe-t-il des arguments permettant d’orienter vers le site de la tumeur primitive ?

C’est une question fréquente et… difficile. Les arguments histologiques sont parfois suffi-sants : c’est le cas notamment pour les métastases des tumeurs endocrines iléales qui peuventconserver l’architecture typique de la lésion primitive. Les arguments immunohisto-chimiques sont à manipuler avec précaution. Il existe plusieurs catégories de marqueurspossibles : a) les hormones : plusieurs hormones (insuline, sérotononine, gastrine…) ont, àl’état normal, une expression restreinte à un segment digestif ; leur expression dans descellules tumorales métastatiques peut donc, au moins en théorie, orienter vers le site de latumeur primitive ; malheureusement, il n’est pas rare d’observer des expressions ectopiquesd’hormones dans des tumeurs endocrines (c’est ainsi que des tumeurs pancréatiquespeuvent exprimer la sérotonine ou la calcitonine) : le profil hormonal d’une tumeur méta-statique est donc peu spécifique et parfois trompeur ; en pratique, si les cellules métastati-ques expriment la sérotonine, il faut chercher en priorité la tumeur primitive dans l’intestinmoyen et notamment l’iléon mais il ne faut surtout pas se restreindre à ce territoire et savoirchercher ailleurs si nécessaire ; b) les facteurs de transcription : ces protéines sont impli-quées dans la différenciation tissu-spécifique des lignées endocrines ; deux exemples sontbien connus : cdx2, exprimé par les cellules endocrines de l’intestin postérieur [13], et TTF1,exprimé par les cellules bronchiques ; leur spécificité est bonne, mais pas absolue, et leursensibilité reste discutée ; ainsi, la détection de TTF1 dans une métastase de tumeur endo-crine bien différenciée est un fort argument pour une origine broncho-pulmonaire ; cepen-dant, son absence de détection n’élimine pas formellement cette hypothèse [14, 15] ;inversement, dans les tumeurs peu différenciées à petites cellules, TTF1 peut être détecté

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dans des tumeurs d’origine extra-thoracique : il n’a donc, dans ce cas particulier, pas devaleur discriminante [15, 16] ; c) les marqueurs de différenciation : ce sont des protéinesexprimées spécifiquement par une lignée endocrine ; beaucoup d’exemples ont été décrits,mais peu ont été confirmés comme des marqueurs diagnostiques potentiels ; les deuxmeilleurs exemples sont : VMAT2, un marqueur des cellules entérochromaffines-like (sécré-tices d’histamine) et des proliférations tumorales qui en dérivent (mais qui ne sont que rare-ment métastatiques !) [17] et PSAP, la phosphatase acide « spécifique » de la prostate,souvent exprimée par les tumeurs endocrines de l’intestin postérieur (côlon et rectumnotamment) ainsi que par les lésions endocrines de la vessie et des voies excrétrices urinaires[18].

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