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Une passion hors norme Agriculteurs et chercheurs, tous unis contre la faim en Afrique Reportages : John Donnelly Photos : Dominic Chavez

Une Passion Hors Norme

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How farmers and researchers are finding solutions to Africa's hunger

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CGIAR Secretariat(l‘une des entités du System Office du CGIAR)1818 H Street, NW Washington, DC 20433 USAt: 1 202 473 8951 f: 1 202 473 8110e: [email protected] Octobre 2008

www.cgiar.org Une passionhors

norme

Agriculteurs et chercheurs, tous unis contre la faim en Afrique

Reportages : John Donnelly Photos : Dominic Chavez

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Les Membres du CGIARAfrique du SudAllemAgneAuStrAlieAutricheBAnglAdeShBAnque AfricAine de

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Une passionhors

norme

Agriculteurs et chercheurs, tous unis contre la faim en Afrique

reportages : John donnelly photos : dominic chavez

PassionBeyondNormal

How Farmers and Researchers are Finding Solutions to Africa’s Hunger

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Avant-propos v

Introduction x

Les visages de l’Afrique

BénInManioc : un polar : comment trouver le moyen de contrer les ravageurs 3nIgérIALes variétés NERICA : « cela est en train de changer notre vie » 10KenyAMaïs résistant à la sécheresse : « Il y a une vraie urgence dans ce travail » 16La magie du soja : redonner vie à des sols épuisés 20Producteurs laitiers : de la vache au marché 24

OugAndAJosephine Okot : « L’expression de leur visage voulait tout dire » 30

rwAndARécupération de l’eau de pluie : « Nous voulons aider les agriculteurs à sortir de la pauvreté » 34Haricots grimpants : « Des haricots, encore des haricots, toujours des haricots ! » 40

TAnzAnIeSystèmes semenciers : Faire passer les semences d’un champ à des centaines d’autres 44Said Silim : « Comment peut-on donner en retour à la société ? » 48

MALAwIÉtangs piscicoles : Élever des poissons pour nourrir les orphelins 52Judith Harry : « Je réfléchis toujours bien à l’avance » 56

MOzAMBIquePatates douces : les trésors cachés d’une racine orange 60

zIMBABweJemimah Njuki : « Il existe un moyen de sortir de la pauvreté » 66

BiographiesJOhn dOnneLLy 68dOMInIc chAvez 68

Table des matieres

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À Boane (Mozambique) : des agricultrices partent aux champs pour récolter des patates douces.

{ iv } Une passion hors norme . avant-propos

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Avant-propos

La crise des prix des denrées alimentaires, conjuguée à la menace du changement climatique, a remis sur le devant la scène une question qui hante les spécialistes de l’agriculture en Afrique depuis longtemps : comment la région pourrait connaître une Révolution verte comparable à celle qui a permis la transformation de l’agriculture en Asie dans les années 70 ?

Un grand nombre d’organismes, notamment le Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale (CGIAR), travaillent à y répondre, sans jamais perdre de vue que la véritable question est la suivante :

Que peut-on faire aujourd’hui pour que toutes les populations d’Afrique puissent jouir de leur droit fondamental à une nourriture suffisante — un droit

reconnu par les 153 nations qui ont signé le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ? Nous pouvons y parvenir et, comme les remarquables exemples présentés dans cette publication le montrent amplement, nous sommes en bonne voie. Sur tout le continent, agriculteurs et chercheurs font face à l’adversité en déployant des trésors d’imagination et de persévérance, animés par une « passion hors norme », pour trouver des moyens de vaincre la faim et la pauvreté. Ces réalisations permettent d’être optimiste sur la croissance agricole de l’Afrique — ce que les chiffres récents confirment. Après deux décennies de baisse de la production par habitant, l’agriculture africaine affiche depuis dix ans des taux de croissance

L’AGRICULtURe eSt AtteINte de PLeIN foUet PAR LeS boULeveRSemeNtS de L’éCoNomIe moNdIALe et dU CLImAt, QUI oNt deS CoNSéQUeNCeS CoNSIdéRAbLeS SUR LeS CoNdItIoNS de vIe deS PetItS PRodUCteURS et deS CoNSommAteURS. d’UNe CeRtAINe fAçoN, L’AfRIQUe SUbSAhARIeNNe eSt dAvANtAGe toUChée QUe LeS AUtReS RéGIoNS PAR CeS évoLUtIoNS CAR eLLe dISPoSe de moyeNS PLUS LImItéS PoUR y fAIRe fACe. SeS hAbItANtS oNt déjà été dURemeNt fRAPPéS PAR LA fLAmbée deS PRIx deS CéRéALeS et RISQUeNt de SUbIR deS ChoCS à RéPétItIoN, à moINS QUe deS meSUReS éNeRGIQUeS Ne SoIeNt PRISeS PoUR AméLIoReR LA PRodUCtIvIté et LA CAPACIté d’AdAPtAtIoN deS SyStèmeS ALImeNtAIReS eN AfRIQUe.

Une passion hors norme . avant-propos { v }

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positifs, ce qui, d’après le Rapport sur le développement dans le monde 2008 publié par la banque mondiale, « semble montrer que la stagnation de l’agriculture en Afrique subsaharienne pourrait toucher à sa fin ».

Cette croissance est due pour une grande part à l’extension des surfaces cultivées. Néanmoins, les variétés culturales améliorées et d’autres technologies ont commencé à être plus largement diffusées en Afrique, comme en attestent les récits du présent ouvrage. Les travaux de recherche menés par les centres membres du CGIAR et leurs partenaires nationaux contribuent de façon significative à ces avancées. Aucun autre organisme n’est aussi bien équipé et armé pour aider à surmonter les nombreux obstacles qui freinent les progrès de la région, qu’il s’agisse des maladies tropicales et des ravageurs, de l’infertilité des sols, des barrières d’entrée sur les marchés ou encore du changement climatique.

Grâce à la recherche et à la collaboration des équipes scientifiques, de nombreuses variétés améliorées de cultures alimentaires de base sont aujourd’hui semées sur des millions d’hectares de terres en Afrique subsaharienne. L’immense diversité culturale de la région — parfois considérée comme un obstacle à des progrès rapides — apparaît désormais comme une force permettant d’élargir le champ de l’innovation technologique et de multiplier les chances de succès.

des études complémentaires sur la santé des cultures — ciblées notamment sur la lutte biologique et la résistance génétique aux maladies et aux ravageurs — ont maintes fois évité à l’agriculture africaine des désastres épouvantables. La recherche a prouvé sa capacité à fournir des remèdes puissants

contre les attaques des maladies et des ravageurs qui, selon toutes vraisemblances, vont s’amplifier avec le changement climatique.

dans le domaine de la gestion des ressources naturelles, des travaux récents ont développé des idées prometteuses sur la régénération des sols dégradés en Afrique et l’utilisation plus efficace de l’eau. en proposant des manières plus viables d’exploiter les immenses ressources en terres et en eau de la région, ces solutions peuvent aider l’Afrique à faire preuve d’une grande responsabilité environnementale pour le bien de l’humanité tout entière, tout en mettant à profit l’avantage comparatif dont elle dispose incontestablement sur le plan agricole.

Au vu des réalisations récentes, on peut dire que les fondements technologiques ont été posés pour, selon les termes du Rapport sur le développement dans le monde 2008, « révolutionner la productivité (…) des petits exploitants » dans l’agriculture africaine. La question évidente qui se pose maintenant est de savoir comment s’appuyer au mieux sur ces fondements à l’intérieur des systèmes agricoles très variés de la région. Le présent rapport offre une sorte de plan d’architecte pour les pays dits « à vocation agricole », que l’on trouve principalement en Afrique subsaharienne et qui constituent l’un des « trois mondes ruraux ».

dans ce monde, les denrées alimentaires de base représentent un pourcentage important de la production agricole totale. Le développement économique de l’Afrique dépend donc dans une large mesure de sa capacité à produire une plus grande part de la nourriture qu’elle consomme. d’ici 2015, la demande alimentaire de la région

devrait s’établir à environ 100 milliards de dollars, soit le double du niveau de l’an 2000.

Pour que sa production alimentaire augmente en même temps que sa demande, l’Afrique doit avancer sur plusieurs fronts à la fois, et c’est peut-être en cela qu’elle se différencie essentiellement de l’Asie. Conscients de cette spécificité, de nombreux spécialistes de l’agriculture africaine estiment que la région a besoin d’une approche plus intégrée de l’innovation technologique.

Nous comptons sur le CGIAR, engagé aujourd’hui dans des réformes ambitieuses, pour contribuer encore et toujours davantage à l’innovation dans l’agriculture africaine.

Katherine Sierra PrésidenteCGIAR

Ren WangDirecteurCGIAR

Monty Jones Secrétaire exécutif Forum pour la recherche agricole en Afrique (FARA)

{ v i } Une passion hors norme . avant-propos

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Le dos courbé et les yeux rivés au sol, Primitive Nyiramahane (à droite) et son amie Conolate Musaimiyimana désherbent leurs champs de maïs et de haricots grimpants à Kadaho (Rwanda).

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Introduction

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mais à distance, parmi les rangs de blé, une deuxième scène se déroulait tranquillement, presque invisible. Plusieurs personnes semblaient flâner entre les rangs. Certains sifflaient. Un d’eux sonnait une cloche.

Leur travail, s’est-t-il révélé, était une des tâches les moins gratifiante de l’agriculture en Afrique.

Ils chassaient les oiseaux.

Certes, d’aucuns pourraient dire que des épouvantails suffiraient à faire le travail. d’autres pourraient dire qu’engager ces gens était une perte de temps, même pour le salaire de 2 dollars par jour qu’ils gagnaient.

mais les personnes qui se trouvaient dans le champ ce jour-là, tous des Africains, ne diraient pas cela. Les scientifiques et les agriculteurs savent bien que les épouvantails humains assurent une des

nombreuses fonctions qui sont nécessaires pour que les cultures arrivent à maturité.

« Sans des gens pour chasser les oiseaux, ils détruiraient la récolte et on ne pourrait pas cultiver le riz, le sorgho, le blé, l’orge ou le mil », a déclaré Wilson Leonardo, un scientifique de l’Institut international sur les cultures des zones tropicales semi-arides (ICRISAt). « en luttant contre les oiseaux, ils ajoutent de la valeur au produit. L’agriculture est compliquée parfois ».

tout aussi compliquée est parfois la relation entre le chercheur et l’agriculteur. Comme le dit Leonardo, « Les agriculteurs nous interpellent constamment. on apprend chaque jour quelque chose ».

C’est là une des leçons qui se dégage des récits contenus dans cet ouvrage : laissez une minute de

dANS LA CommUNAUté RURALe de mAtUbA AU mozAmbIQUe, deS CheRCheURS fINANCéS PAR Le GRoUPe CoNSULtAtIf PoUR LA ReCheRChe AGRICoLe INteRNAtIoNALe (CGIAR) SoNt veNUS INSPeCteR UN ChAmP d’exPéRImeNtAtIoN. ILS étAIeNt AtteNdUS PAR deS RePRéSeNtANtS d’UNe eNtRePRISe QUI SoUhAItAIt INveStIR PLUSIeURS CeNtAINeS de mILLIeRS de doLLARS dANS Le CommeRCe de SemeNCeS. LeS GRoUPeS de GeNS Se méLANGeAIeNt SANS dIffICULté, RIANt, RACoNtANt deS hIStoIReS et éChANGeANt deS AvIS.

{ x } Une passion hors norme . introdUction

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côté les idées préconçues qui procèdent de votre formation universitaire, des travaux sur le terrain, des discussions de bureau. maintenant, entrez dans un champ. faites semblant d’être un chercheur. Que faites-vous ?

vous commencez à poser des questions.

à qui vous adressez-vous ?

vous vous adressez à la personne dans les champs, c’est-à-dire l’agriculteur. et vous devez approcher la personne qui chasse les oiseaux.

C’est de cela qu’il s’agit dans cet ouvrage. C’est l’histoire de chercheurs qui étaient brillants au laboratoire et faisaient preuve d’esprit d’ouverture dans les plantations et celle d’agriculteurs qui etaient brillants dans leurs champs et qui accueillaient avec l’esprit ouvert des chercheurs venus leur offrir leur aide. La leçon, comme le dit Leonardo, c’est combien « il est mieux de travailler ensemble ».

Le propos de ce livre, c’est de montrer les efforts qu’il a fallu pour développer des pratiques optimales dans le domaine agricole ; celles-ci ont été souvent précédées par des déceptions et des échecs. Il a fallu beaucoup de travail et de détermination. Il a fallu de la motivation et de l’énergie. Il a fallu, comme le dit le promoteur d’une entreprise de semences, l’ougandaise joséphine okot, « une passion hors norme ».

Les dix récits et les quatre portraits contenus dans cet ouvrage — provenant de neuf pays, du bénin en Afrique de l’ouest au malawi en Afrique australe — révèlent quelques-unes des plus grandes

réussites qu’a pu obtenir le CGIAR en plus de trois décennies grâce à cette passion. Les photographies qui accompagnent le récit montrent que le travail — des salles hermétiquement fermées dans les laboratoires aux places de marchés chaotiques en passant par des vastes champs cultivés.

mais cet ouvrage doit être également lu avec un œil critique, en s’attardant en particulier sur l’impact. Certains des projets — peut-être surtout la lutte contre les ravageurs et les maladies du manioc — ont enregistré des succès remarquables sur tout le continent. d’autres, par contre, ont été utiles aux agriculteurs seulement dans certaines régions ou certains pays. je me suis souvent interrogé : était-ce parce que le projet n’était qu’à ses débuts ? A-t-il été abandonné par manque de financement ? ou était-ce à cause d’un manque de vision du futur ? Les réponses à ces questions seront cruciales dans les mois et les années à venir. en cette période où les prix des denrées alimentaires sont en hausse et où les pressions s’accentuent sur les agriculteurs pour qu’ils accroissent les rendements, le CGIAR s’efforcera évidemment de trouver de nouveaux moyens d’agrandir l’échelle de ses initiatives les plus réussies, notamment quelques-unes qui sont décrites ici.

à maints égards, ce petit ouvrage rompt nettement avec l’essentiel des nombreuses grandes publications éditées par le CG, ainsi qu’il est appelé par tous. Ceci n’est pas un tome savant ; aucun renvoi ne figure au bas des pages. Il s’agit de la vie réelle, de situations réelles et de gens réels qui essaient d’innover. Il ne s’agit pas seulement de succès passés, mais aussi de difficultés qui se présentaient pendant que nous y étions.

vous découvrirez donc à l’intérieur de cet ouvrage comment des chercheurs ont aidé un village au malawi à faire face au nombre croissant d’orphelins du Sida ; comment des chercheurs ont persuadé des hommes politiques au Kenya d’autoriser le commerce de lait cru produit par les petits planteurs et comment des chercheurs ont conçu de nouveaux marchés pour la patate douce à chair orangé au mozambique — y compris pour la cuisson de pain de patate douce orangée (rempli de vitamine A.)

Le pain orangé était d’ailleurs délicieux, et nous l’avons savouré. Nous espérons que ces récits stimulent aussi la réflexion dans les mois et les années à venir.

John DonnellySeptembre 2008

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Centres du CGIARMembres du CGIARBureaux regionaux du CGIAR

Les cenTres du cgIAr

LeS 15 CeNtReS APPUyéS PAR Le CGIAR SoNt deS oRGANISAtIoNS AUtoNomeS dotéeS de LeUR PRoPRe CoNStItUtIoN, de LeUR CoNSeIL d’AdmINIStRAtIoN, AINSI QUe de LeURS PRoPReS dIRIGeANtS et PeRSoNNeLS. LeS CheRCheURS QUI y tRAvAILLeNt SoNt ReCRUtéS dANS Le moNde eNtIeR.

Centre du riz pour l’Afrique(ADRAO/WARDA)Cotonou (bénin)www.warda.org

Bioversity Internationalmaccarese, Rome (Italie)www.bioversityinternational.org

Centre agroforestier mondial (ICRAF)Nairobi (Kenya)www.worldagroforestrycentre.org

Centre international d’agriculture tropicale (CIAT, acronyme formé sur le nom espagnol)Cali (Colombie)www.ciat.cgiar.org

Centre pour la recherche forestière internationale (CIFOR)bogor (Indonésie)www.cifor.cgiar.org

Centre international d’amélioration du maïs et du blé (CIMMYT, acronymeformé sur le nom espagnol)texcoco (mexique)www.cimmyt.org

Centre international de la pomme de terre (CIP, acronyme formé sur le nomespagnol)Lima (Pérou)www.cipotato.org

Centre international de recherches agricoles dans les régions sèches (ICARDA)Aleppo (Syrie)www.icarda.org

Institut international de recherche sur les cultures des zones tropicalessemi-arides (ICRISAT)Patancheru, Andhra Pradesh (Inde)www.icrisat.org

Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI)Washington (états-Unis d’Amérique)www.ifpri.org

Institut international d’agriculture tropicale (IITA)Ibadan (Nigéria)www.iita.org

Institut international de recherche sur l’élevage (ILRI)Nairobi (Kenya), et Addis-Abeba (éthiopie)www.ilri.org

Institut international de recherche sur le riz (IRRI)Los baños (Philippines)www.irri.org

Institut international de gestion des ressources en eau (IWMI)Colombo (Sri Lanka)www.iwmi.cgiar.org

WorldFish CenterPenang (malaisie)www.worldfishcenter.org

Le CGIAR global

Les points indicatifs sont approximatifs.

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Les points indicatifs sont approximatifs.

A. BénInManioc: un polar : comment trouver le moyen

de contrer les ravageurs B. nIgérIALes variétés NERICA : « cela est en train de

changer notre vie »

c. KenyAMaïs résistant à la sécheresse : « Il y a une vraie

urgence dans ce travail »La magie du soja : redonner vie à des sols épuisésProducteurs laitiers : de la vache au marché

d. OugAndAJosephine Okot: « L’expression de leur visage

voulait tout dire » e. rwAndARécupération de l’eau de pluie : « Nous voulons

aider les agriculteurs à sortir de la pauvreté » Haricots grimpants : « Des haricots, encore des

haricots, toujours des haricots ! »

f. TAnzAnIeSystèmes semenciers : Faire passer les semences d’un

champ à des centaines d’autres Said Silim : « Comment peut-on donner en retour

à la société ? »

g. MALAwIÉtangs piscicoles : Élever des poissons pour nourrir

les orphelinsJudith Harry : « Je réfléchis toujours bien à l’avance »

h. MOzAMBIquePatates douces : les trésors cachés d’une racine orange

I. zIMBABweJemimah Njuki: « Il existe un moyen de sortir

de la pauvreté »

Instantanes d’activites et de portraits

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Bénin

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Manioc : un polar

C’était à ce point.

Les problèmes avaient deux sources : la cochenille du manioc et l’acarien vert du manioc, qui ont été transportés par inadvertance en Afrique comme des passagers clandestins sur les matériels végétaux amenés d’Amérique du Sud au début des années 70. Au cours de cette décennie, les ravageurs se sont propagés sur toute la ceinture du manioc du continent, qui s’étend de l’Afrique de l’ouest à l’Afrique australe. Au début des années 80, l’acarien du manioc causait à lui seul jusqu’à 80 % de pertes aux racines des plants et aux feuilles, qui sont consommés comme légume dans de nombreux pays. Pour un grand nombre des 200 millions d’Africains dont le manioc fournit l’aliment de base, les attaques de ces ravageurs ont provoqué un profond bouleversement économique et porté un coup terrible aux familles démunies.

Ici à ogoukpate, les populations dépendaient de la vente de manioc pour assurer leurs besoins

les plus élémentaires. Sans ce revenu, les villageois cherchaient tout ce qu’ils pouvaient trouver comme travail. Ils ont réduit le nombre de leurs repas. Un sentiment de terreur s’était emparé de leur vie.

« Les petites quantités de manioc que nous avions toujours à vendre, eh bien, nous n’avions plus rien à vendre », a affirmé Alphonse ogoule-okpe, le vieil homme dans la soixantaine. Nous avons tant souffert. oui, nous avons souffert ! »

mais ensuite, d’abord au milieu des années 80 et encore dix ans plus tard, leurs plants de manioc ont repris du poil de la bête. Les racines comestibles se sont affermies, les tiges et les feuilles des plants n’étaient plus couvertes d’une masse blanche cotonneuse, caractéristique des attaques des cochenilles. Progressivement, pendant les 10 à 15 années qui ont suivi, la même scène s’est jouée des centaines de milliers de fois dans des villages comme celui-ci à travers l’Afrique. des millions

comment trouver le moyen de contrer les ravageurs

oGoUKPAte, béNIN — Le vIeIL homme ReSSembLAIt à UN LUtIN. SeS jAmbeS étAIeNt GRêLeS et SI CoURteS QUe LoRSQU’IL S’ASSeyAIt SUR UNe ChAISe, eLLeS toUChAIeNt à PeINe Le SoL. SeS yeUx bRILLAIeNt. et QUANd IL SoURIAIt, LeS GeNS LUI SoURIAIeNt AUSSI. mAIS LoRSQU’oN L’INteRRoGeAIt SUR LeS RAvAGeURS QUI détRUISAIeNt LeS RACINeS de mANIoC IL y A de CeLA PRèS de deUx GéNéRAtIoNS, SoN vISAGe Se GLAçAIt d’hoRReUR et IL AGItAIt SeS bRAS devANt moI, Comme PoUR Se PRotéGeR CoNtRe UN mAUvAIS eSPRIt.

{ 4 } Une passion hors norme . Bénin

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À Ogoukpate (Bénin), Alexis Onzo, chercheur à l’IITA, examine un plant de manioc au moyen de lunettes grossissantes pour vérifier l’absence d’infestation.

Une passion hors norme . Bénin { 5 }

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d’Africains ont continué de planter d’énormes racines de manioc. Peu de gens savaient pourquoi. était-ce un acte de la providence ? était-ce un accident de la nature ?

Non. C’était le résultat d’une étude approfondie menée par des scientifiques à l’Institut international d’agriculture tropicale (IItA), le Centre international d’agriculture tropicale (CIAt) et plusieurs autres partenaires, y compris des programmes nationaux à travers l’Afrique. Une équipe de chercheurs dirigée par l’entomologiste hans herren (qui a reçu le Prix mondial de l’alimentation 1995 pour son travail) a découvert les ravageurs et s’est ensuite consacrée à trouver des réponses à une question fondamentale : qu’est-ce qui a permis de faire échec à la cochenille du manioc et à l’acarien du manioc en Amérique latine ? à travers des travaux de terrain effectués dans plusieurs pays d’Amérique latine et des tests approfondis menés en laboratoire, des chercheurs ont identifié plusieurs parasites et prédateurs — dont certains sont trop petits pour être vus à l’œil nu. Les scientifiques de l’IItA ont testé plusieurs d’entre eux jusqu’à ce que, par tâtonnement, ils découvrent les Némésis parfaits : l’insecte encyrtidae pour la cochenille et l’acarien phytoséiide pour l’acarien vert.

« dans un cas comme dans l’autre, ce n’était pas facile de trouver le parasite et le prédateur vedette », a dit Rachid hanna, entomologiste et spécialiste en lutte biologique à l’IItA basé à benin. « mais dès que nous l’avons fait, et que nous les avons introduits, ils se sont propagés rapidement, tous seuls et par libérations successives. Ils devaient tolérer un large éventail d’environnements et se nourrir d’une panoplie de ressources. Ils devaient pouvoir repérer le ravageur de loin et distinguer le manioc des autres plantes. et ils ne pourraient rien détruire d’autre. dans les deux cas, les deux ennemis naturels n’avaient d’impact que sur le manioc ».

N’empêche, les sceptiques n’étaient pas loin. beaucoup de partenaires ont dû approuver par signature une décision aussi importante que la libération des ennemis

naturels candidats ; 25 pays africains avaient formé des comités pour traiter le problème du manioc. braima d. james, coordonnateur du Programme global de gestion intégrée des ravageurs du CGIAR, s’est souvenu que quelques responsables politiques de haut niveau s’inquiétaient des dangers que présente l’introduction de dizaines de milliers d’insectes étrangers pour lutter contre la cochenille dans leur pays.

« j’ai dû convaincre les autorités que ces insectes ne piquent pas », a rappelé james en riant. « Ils ne piquent pas. mais il en a fallu du temps pour que les gens se fassent à cette idée ».

Il a fallu seulement quelques années pour que les deux programmes de lutte donnent des résultats spectaculaires. Les études ont permis de constater que les dommages causés par la cochenille ont été réduits de 95 % et ceux engendrés par l’acarien vert de 50 %. Une étude a permis de constater que l’épargne en termes économiques se situait entre 7 milliards et 20 milliards de dollars pour la lutte contre la cochenille ; une autre étude au Nigeria, au Ghana et au bénin a estimé seulement à 2 milliards de dollars l’économie réalisée grâce à la lutte contre l’acarien vert.

dans la station de recherche de l’IItA à Cotonou au bénin, les scientifiques continuent d’étudier les ennemis naturels du manioc. Ils continuent de se poser de nombreuses questions sur les raisons de l’efficacité des prédateurs. Ils sont également persuadés que leur travail au microscope et dans les champs de manioc contribuera à d’autres efforts pour lutter contre les ravageurs des cultures.

Il est vrai que les ravageurs ne disparaîtront jamais complètement. Le manioc a encore un rôle à jouer. on trouve la forme extrêmement virulente de la maladie de la mosaïque du manioc, qui est propagée par une mouche blanche et dans les boutures infectées. elle s’est enracinée en Afrique de l’est et dans certaines parties de l’Afrique centrale et australe, et elle a atteint certaines parties du moyen orient. Une des méthodes

choisies par l’IItA pour combattre le virus n’avait rien à rien à voir avec la recherche d’ennemis naturels : elle consiste à mettre au point des variétés de manioc qui sont résistantes à la maladie.

Un matin au milieu de l’année 2008, hanna, l’entomologiste de l’IItA et Alexis onzo, spécialiste des acariens à l’IItA, ont attaché environ 300 tiges de nouvelles variétés de manioc au-dessus de leur jeep et les ont transportées dans deux villages au Sud-est du bénin — le genre de cadeau que l’IItA offre depuis des années aux agriculteurs. Au Nigeria voisin, par exemple, 60 % du manioc cultivé provient de variétés à haut rendement.

Une des étapes de cette tournée était ogoukpate, où le vieil homme, Alphonse, les a accueillis à l’ombre d’un ficus géant. La région avait une importance historique particulière pour l’IItA ; à quelques kilomètres seulement de là, avait été libérée pour la première fois en Afrique l’acarien phytoséiide, le prédateur de l’acarien vert, en octobre 1993.

Le village de près de 130 habitants, sans voitures, seulement quatre motocyclettes, sans électricité ni téléviseur dans un rayon de cinq kilomètres, était fortement tributaire de la culture du manioc. Alphonse a confié à ses visiteurs que les rendements du manioc étaient en diminution — apparemment à cause de l’appauvrissement des sols. Lui et d’autres ont sollicité l’aide des scientifiques.

hanna leur a expliqué que les nouvelles variétés de manioc « résisteraient aux maladies et attireraient les prédateurs de l’acarien vert ». Chaque tige, a-t-il ajouté, pourrait leur donner cinq plants.

Les villageois ont fait la queue pour serrer la main des scientifiques et les remercier. Ils n’avaient pas appris la libération depuis longtemps des ennemis naturels de la cochenille du manioc et de l’acarien vert du manioc. mais les tiges des plants, devant eux, étaient quelque chose de palpable, une nouvelle raison d’espérer.

{ 6 } Une passion hors norme . Bénin

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Elder Alphonse Ogoule-Okpe (à droite), raconte comment la cochenille du manioc a été une catastrophe pour les villageois il y a un quart de siècle à Ogoukpate (Bénin).

À Ita-Bolonia (Bénin), des employés de la Gavi Industry fabriquent de la farine de manioc.

Rachid Hanna, chercheur à l’IITA, observe attentivement une feuille de manioc dans un champ d’expérimentation de l’IITA à Cotonou (Bénin).

À Ogoukpate (Bénin), un jeune homme apporte aux villageois un cadeau des chercheurs de l’IITA : de nouveaux plants de manioc pour leurs champs.

Une passion hors norme . Bénin { 7 }

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Nigéria

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Les varietes NERICA

Les rats, qui avaient trouvé refuge dans l’herbe, attaquaient le champ de riz avoisinant dans la nuit pour en manger les grains. Leur travail était manifestement désagréable — un ouvrier donnait par mégarde de grands coups dans un nid de guêpes, provoquant, comme il fallait s’y attendre, des piqûres douloureuses — mais les hommes avaient évidemment de bonnes raisons de protéger la récolte.

Ici poussait une variété du Nouveau riz pour l’Afrique, connu sous le nom de NeRICA, qui a été mis au point et sélectionné par des scientifiques au Centre africain de développement de la riziculture (AdRAo). Cette trouvaille est une des nouvelles variétés les plus abouties à être introduites en Afrique au cours du dernier quart de siècle et les agriculteurs dans cette région du Sud-ouest du Nigeria ne s’en lasseront jamais.

« Cela est en train de changer notre vie à plusieurs égards — la façon dont nous nous déplaçons, dont nous nous habillons, et dont nous apprenons », a dit Sunday olajolumo, 57 ans, président de la Coopérative agricole d’Anuoluwapo, un groupement de 26 agriculteurs qui avaient planté 69 hectares de la variété NeRICA en 2008, contre 30 hectares en 2007. « Grâce

à ce nouveau riz, j’ai gagné assez d’argent pour m’acheter un vélomoteur, des vêtements pour ma famille et payer les frais de scolarité des enfants ».

Les scientifiques du Centre, dirigés par le sélectionneur monty jones, ont commencé à croiser du riz asiatique avec du riz africain au début des années 90 en vue de mettre au point les variétés NeRICA. Le riz africain, bien qu’ayant un faible rendement, leur a révélé plusieurs atouts : résistance aux ravageurs, croissance rapide, bonne couverture végétale pour réduire les mauvaises herbes, et bonne tolérance à la sécheresse et à la salinité. Le riz asiatique a produit des rendements extraordinaires. Les chercheurs ont d’abord créé des variétés de NeRICA pour les zones de montagnes, qui produisaient des rendements beaucoup plus importants que le riz africain, conservaient la résistance aux ravageurs et arrivaient à maturité en l’espace de 90 à 110 jours. Le riz africain des zones de montagne mûrissait en 150 à 170 jours. Les variétés de NeRICA permettent aux agriculteurs de vendre plus tôt leur récolte (souvent à des prix plus élevés) et de planter une autre culture de courte durée, tels que le soja ou la pomme de terre, après la récolte du riz.

oGbeSe, NIGeRIA — LeS hommeS fAISAIeNt oSCILLeR LeURS mAChetteS à L’INtéRIeUR d’UN îLot de

hAUteS heRbeS. LeURS ChemISeS étAIeNt tâChéeS de SUeUR. dANS LA ChALeUR de mIdI, LeUR tâChe

étAIt SImPLe : ChASSeR LeS RAtS.

« cela est en train de changer notre vie »

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À Ogbese (Nigéria), Fadile Ojo se fait le plus léger possible pour inspecter son champ de NERICA à un mois de la récolte.

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en 2001, plusieurs pays africains avaient homologué des variétés de NeRICA pour la production, et les résultats positifs ont commencé à arriver dès la première saison. en ouganda, pays qui a introduit le NeRICA en 2002, les nouvelles variétés ont permis de produire 2,2 tonnes à l’hectare en moyenne et certains agriculteurs ont signalé des rendements allant jusqu’à 5 tonnes. à travers l’Afrique, le rendement moyen du riz des zones de montagne se situait depuis longtemps à 1 tonne par hectare. Le burkina faso, en quelques années seulement, a fait état d’un accroissement de 102 % des rendements du riz directement lié aux nouvelles variétés. et ici au Nigeria, la récolte de riz dans le pays a augmenté chaque année depuis l’introduction des variétés NeRICA. Grâce à ses résultats, jones, natif de la Sierra Leone, a remporté le Prix mondial de l’alimentation 2004.

mais, le succès des nouvelles variétés n’est pas à mettre uniquement au crédit des scientifiques. Les organisations agricoles nationales ont dû l’approuver. Il a fallu convaincre les agriculteurs.

« C’est un processus évolutif », à déclaré mande Semon, un sélectionneur de riz au Centre africain de développement de la riziculture basé au Nigeria, qui a travaillé avec jones sur les variétés NeRICA ». « Les programmes nationaux font partie intégrante du processus et les agriculteurs interviennent directement dans le choix des variétés de riz qu’ils souhaitent ».

L’homologation de nouvelles variétés arrivait à point nommé. La consommation de riz chez les Africains a largement dépassé la production locale, ce qui a conduit la plupart des pays à importer du riz d’Asie. mais la demande a un coût. L’accroissement des importations s’accompagnait d’une augmentation des coûts, notamment suite à la crise alimentaire mondiale survenue en 2008 et qui a entraîné une augmentation considérable du prix du riz.

Le Nigeria, qui accroît sa consommation de riz de 6 % par an, espère produire suffisamment pour satisfaire les besoins au niveau national et mettre fin à l’importation de riz. en 2006, le pays a importé 2 millions de tonnes de riz d’Asie, pour 700 millions de dollars.

olupomi Ajayi, le coordonnateur de la station du Centre basé au Nigeria, croit que le pays peut y arriver. Premièrement, le Nigeria possède assez de terre arable et une variété d’écosystèmes propices à la culture du riz. et en deuxième lieu, il espère que le pays autorisera bientôt la culture des nouvelles variétés NeRICA pour les bas-fonds, qui amélioreront la production de riz dans les grandes vallées intérieures. Après l’homologation de ces variétés, a-t-il dit, « c’est à ce moment-là que nous attendons la révolution ».

mais dans l’état d’ekiti, une petite Révolution verte est déjà en cours. Une étude effectuée en 2006 a abouti au constat que près de 97 % des producteurs de riz d’ekiti utilisaient les variétés NeRICA, ce qui étonnant si l’on considère qu’elles n’ont été introduites que depuis trois ans.

à ogbese, des douzaines d’agriculteurs ont affirmé que les nouvelles variétés produisaient non seulement des rendements plus élevés, mais offraient aussi une protection contre les oiseaux, qui arrachaient fréquemment une grande partie des grains des autres variétés. La raison principale est que la « feuille paniculaire » du plant de NeRICA — la pousse la plus haute de la plante — surplombe beaucoup plus les grains que celle des autres variétés, éloignant ainsi les oiseaux.

Les agriculteurs croient qu’ils peuvent espérer des jours encore meilleurs. La Coopérative agricole d’Anuoluwapo a décidé en 2008 d’investir 8 500 dollars pour le paiement d’un acompte destiné à l’achat d’un tracteur ; le gouvernement fédéral a apporté une

contribution de 17 000 dollars, ce qui représentait pour les agriculteurs un prêt de 17 000 dollars. Avec un nouveau tracteur, Sunday, le dirigeant de la coopérative, a déclaré que le groupement espère planter 200 hectares l’année suivante — plus du triple de la superficie cultivée actuellement.

janet olatunji, une des trois femmes agriculteurs appartenant à la coopérative, a planté un hectare de riz en 2007, ce qui a permis de dégager un bénéfice de 1 200 dollars. toutes ses autres cultures ne lui ont rapporté ensemble que la moitié de ce montant. en 2008, elle a planté trois hectares et espère faire encore plus à l’avenir.

« j’étais sceptique quand je l’ai essayé au départ », a déclaré olatunji, debout au milieu de son champ de riz. « mais j’ai vu que dieu est grand. Le riz a bien réussi. je pense maintenant que je peux faire encore mieux. Peut-être qu’un jour, je pourrai produire tellement que je me rendrai à mon champ en Range Rover ».

Sur ces mots, elle a ri, suivie en cela par certains des autres agriculteurs. mais ils savaient qu’à l’époque du NeRICA, beaucoup de choses, même une Range Rover, devenaient possibles.

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Mercy Oladi Meji, 32 ans (à gauche), a planté deux hectares de NERICA à Ogbese (Nigéria) et regrette de ne pas avoir pu en planter davantage. « Les autres ont eu d’excellentes récoltes », dit-elle.

De précieuses semences de riz : un bol de variété NERICA.

Espérant chasser les rats cachés dans les hautes herbes, un cultivateur d’Ogbese, au Nigéria, coupe les broussailles qui bordent son champ de riz NERICA. La nuit, les rats sortent et mangent les semences.

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Kenya

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Mais resistant a la secheresse

« Ce champ pousse bien pour l’instant », déclare-t-il en montrant une tige. « Il a encore de l’eau. mais plus pour longtemps. »

Les plants ont du souci à se faire — mais pas les millions d’Africains qui cultivent du maïs. Nous sommes dans une station d’expérimentation du Centre international d’amélioration du maïs et du blé (CImmyt), qui teste ici 3 000 variétés de maïs chaque année. même après les milliers d’essais réalisés ces dernières années, dan makumbi et ses collègues ne sont pas satisfaits — loin de là.

Il s’agit de tester de nouvelles variétés de maïs résistant à la sécheresse, qui sévit périodiquement mais de façon imprévisible dans de vastes étendues de l’Afrique orientale, occidentale et australe. dan makumbi prévoit de couper l’eau juste avant la floraison, le stade le plus critique pour le développement de la plante, puis de surveiller les différentes variétés pour voir lesquelles produisent encore du maïs lorsque le sol est devenu sec.

Le maïs est sans doute la culture emblématique de l’Afrique. Il est cultivé dans le moindre village possédant des terres labourables. en Afrique australe, c’est le principal aliment de base, qui occupe plus de 12 millions d’hectares de terres cultivées. mais le maïs est aussi extrêmement vulnérable à la sécheresse, et quand la pluie ne vient pas ou pas assez, les paysans tributaires du maïs pour nourrir leur famille ou gagner leur vie se retrouvent terriblement démunis.

Au milieu des années 90, des chercheurs du CImmyt, sous la direction de marianne banziger, ont commencé à tester des variétés de maïs résistant à la sécheresse en Afrique australe. en l’espace de dix ans, les travaux de sélection ont donné de formidables résultats. dans certains champs, les rendements obtenus avec le nouveau maïs ont été supérieurs de 40 % à ceux des anciennes variétés. bon nombre d’agriculteurs ont constaté, de façon empirique, un impact encore plus important : les années où la pluviométrie a été faible, les variétés

« Il y a une vraie urgence dans ce travail »

KIboKo, KeNyA — oN Le SeNt teNdU. IL mARChe d’UN PAS déCIdé dANS LeS ChAmPS de mAïS, Comme S’IL N’AvAIt PAS Le temPS de S’oCCUPeR de toUS LeS PRobLèmeS QU’IL A eN tête. dAN mAKUmbI, SéLeCtIoNNeUR de mAïS dePUIS 15 ANS, S’ARRête eNfIN devANt deS RANGéeS de PLANtS de mAïS vIGoUReUx.

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Au Kenya, dans un champ situé à des kilomètres de Kiboko, le village le plus proche, Miunda Tuti, ouvrière agricole, arrache les épis de maïs des tiges sèches. Cette variété résistant à la sécheresse a bien donné malgré les pluies peu abondantes.

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résistantes à la sécheresse ont continué à produire, contrairement aux autres.

« Le plus gratifiant, c’est quand vous discutez avec les cultivateurs », souligne marianne banziger, directrice du programme mondial sur le maïs du CImmyt, que beaucoup de paysans appellent « maman maïs » parce qu’elle a tant apporté à leurs champs. « Les nouvelles variétés font toute la différence entre avoir une récolte ou ne pas en avoir. Quand vous avez une récolte, vous avez de quoi manger, vous avez quelque chose à vendre, vous pouvez envoyer vos enfants à l’école. Au malawi, on dit que le maïs, c’est la vie — rien moins que ça. »

Certaines de ces variétés se sont diffusées rapidement et font partie des variétés les plus vendues. elles sont utilisées par les organisations non gouvernementales pour l’aide semencière dans les zones fréquemment touchées par la sécheresse.

à muisini, un village situé dans le sud-est du Kenya, près de Kiboko, les agriculteurs disent qu’ils viennent juste de commencer à utiliser les variétés résistantes à la sécheresse. en une saison sèche, ils en sont devenus d’ardents partisans.

« Cette nouvelle variété supporte le soleil brûlant », dit virginia Nthambi, 22 ans, mère de deux jeunes enfants, en inspectant ses rangées de plants de maïs verts.

elle montre les tiges flétries dans le champ d’à côté. « vous voyez la différence ? C’est clair. Quand il fait sec, ces plants-là meurent. Alors que les autres restent verts. »

virginia Nthambi cultive les nouvelles variétés pour les vendre comme semences. George muthama, représentant de la freshco Seed Company, espère pouvoir lui acheter 150 sacs de semences, de 100

kilos chacun. Ces sacs, selon lui, pourraient permettre de planter 1 500 hectares de maïs.

« Nous avons une très forte demande pour cette variété », affirme-t-il. « Nous allons vendre la totalité. »

dans les champs d’expérimentation de maïs de Kiboko, d’où l’on aperçoit les cimes enneigées du Kilimanjaro au sud-ouest par temps clair, dan mambuki, le sélectionneur, regarde les employés procéder avec soin au croisement des plants de maïs. dans une rangée, ils placent des sacs en papier marron sur les panicules, secouent le sac et la panicule puis mettent le sac — maintenant plein de pollen — sur l’épi d’un autre plant. Ils recouvrent ensuite l’épi d’un sac en plastique pour qu’aucun autre plant ne puisse le polliniser.

Une jeune sélectionneuse de l’Institut de recherche agricole du Kenya âgée de 29 ans, dorcus Gemenet, surveille le travail. Le projet de sélection de maïs résistant à la sécheresse comporte en effet une composante importante de formation de chercheurs issus des programmes de recherche nationaux, afin de renforcer les capacités de l’Afrique en matière de techniques de sélection modernes.

« j’ai grandi dans un village, alors je sais ce que les populations endurent quand il ne pleut pas », explique dorcus Gemenet. « La plus grande partie du pays est sèche : plus de 80 % des terres sont classées arides. Le travail que nous réalisons sur le maïs a un réel impact sur la vie des gens. »

de nombreuses régions du Kenya ont souffert de la sécheresse au milieu de 2008. « dans beaucoup d’endroits, les champs font vraiment peine à voir », soupire-t-elle. « L’environnement change, et nous devons trouver des variétés qui évoluent en même temps. C’est pour ça que nous avons toujours besoin de nouvelles variétés. »

on comprend mieux la permanence du travail de recherche, la motivation de marianne banziger, la tension chez dan makumbi. Les sélectionneurs de maïs ont obtenu de grands résultats, mais ils savent qu’ils peuvent faire bien davantage.

« Nous sommes face à un immense défi », déclare marianne banziger. « La demande de maïs va augmenter — de 3 à 5 % par an au cours des prochaines années, à cause de la croissance démographique, de la croissance économique en Asie et en Afrique et de la hausse des revenus de la population qui va manger plus de viande. Ajoutez à cela le changement climatique, il va falloir nous démener pour rester dans la course. Il sera essentiel d’améliorer encore le maïs résistant à la sécheresse. »

dorcus Gemenet, la jeune sélectionneuse kényane, a une autre bonne raison de vouloir amener la recherche sur le terrain : elle constitue une forme de protection sociale pour les agriculteurs — comme ses parents qui habitent dans l’ouest du Kenya.

« Il y a une vraie urgence dans ce travail », poursuit-elle. « Nous mettons au point des variétés qui seront peut-être la seule chance pour les populations pauvres du pays, et elles sont la majorité. Ce sont des gens qui n’ont pas les moyens d’installer un système d’irrigation. Ils ne peuvent compter que sur le ciel. S’il ne pleut pas, nous devons leur proposer une variété de maïs qui produise quand même. »

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Dans un champ d’expérimentation du CIMMYT à Kiboko (Kenya), Amoshe Omar, un employé du centre, inspecte le développement d’une variété de maïs résistant à la sécheresse. Les techniciens placent des sacs en papier sur les épis pour empêcher une pollinisation croisée.

Sur une table lumineuse, un chercheur du KARI examine des grains de maïs prélevés sur des épis de variétés résistantes à la sécheresse.

Différentes variétés de maïs résistant à la sécheresse sont mises à sécher au soleil à l’Institut de recherche agricole du Kenya (KARI) à Kiboko (Kenya).

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La magie du soja

à 52 ans, Ali Watiti Rapando le sait bien. Ses terres, qu’il a reçues de son père, ont été labourées pendant des décennies pour donner du sorgho, du manioc et du maïs. mais les récentes récoltes sont devenues de plus en plus maigres au fil des saisons, lui faisant craindre de ne pas pouvoir nourrir ses deux femmes et ses dix enfants.

Ali Watiti a donc imaginé un plan de survie fondé sur deux principes : diversifier ses activités pour trouver de nouveaux moyens de subsistance, et faire appel à la recherche agricole pour apprendre à améliorer son exploitation.

Il a installé des ruches. Il a fait pousser de la canne à sucre. Il a acheté 50 poulets qu’il élève en liberté.

et puis, il a déniché une perle rare : le soja.

Le soja n’était pas répandu dans l’ouest du Kenya. C’était quelque chose de nouveau, d’inconnu. dans le reste de l’Afrique pourtant, la plante avait fait une grosse percée chez les agriculteurs ces dernières années, en particulier au Nigéria et au zimbabwe. Ces dernières années, à eshivanze, des chercheurs de l’Institut de recherche sur la fertilité et la biologie des sols tropicaux du Centre international d’agriculture tropicale (tSbf-CIAt) ont montré à Ali Watiti et ses voisins agriculteurs en quoi cette culture pouvait être intéressante pour eux. Ils ont avancé trois grandes raisons : le soja est un aliment nourrissant et une bonne source de protéines ; les produits à base de soja peuvent être vendus un bon prix au marché ; et enfin, peut-être le meilleur argument de tous, les plants de soja piègent l’azote de l’air et le transfèrent dans le sol. Lorsque le plant de soja meurt, il laisse plus d’azote dans le sol qu’il n’y en avait à l’origine.

redonner vie à des sols épuisés

eShIvANze, KeNyA — ICI, LA CRoûte dU SoL eSt teLLemeNt fINe QU’eLLe tombe eN PoUSSIèRe eNtRe voS doIGtS. oN CheRChe eN vAIN UNe tRACe de RIChe teRRe NoIRe. Le PRobLème Ne vIeNt PAS de LA PLUIe : IL eN tombe beAUCoUP dANS Cette RéGIoN de L’oUeSt dU KeNyA. mAIS LA SURPoPULAtIoN et Le moRCeLLemeNt CoNtINU deS teRReS ARAbLeS eN PARCeLLeS de PLUS eN PLUS PetIteS à ChAQUe GéNéRAtIoN foNt QUe ChAQUe mètRe CARRé Ne voIt jAmAIS Le RePoS et eSt CULtIvé toUjoURS dAvANtAGe. LA teRRe, jAdIS feRtILe, S’éPUISe à foRCe d’êtRe SURexPLoItée.

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Depuis que, sur le conseil des chercheurs du CIAT, Ali Waiti Rapando cultive du soja sur son exploitation à Eshivanze (Kenya), les enfants ont une meilleure alimentation. Les chercheurs, « nous les adorons », dit-il.

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Le soja a redonné vie aux terres d’Ali Watiti. Après une saison de culture du soja parallèlement au maïs, sa production de maïs a triplé.

« C’est un miracle », s’exclame-t-il, assis dans sa cour près d’une montagne d’épis de maïs blanc qui sèchent au soleil. « Nous aimons vraiment beaucoup les chercheurs — non, nous les adorons. Sans leur savoir, je n’en serais pas là aujourd’hui. Grâce à leurs connaissances techniques, j’ai pu rendre mes sols plus fertiles. »

La régénération des sols épuisés en Afrique est devenu un sujet de recherche important au CGIAR, sur lequel travaillent notamment le Centre mondial d’agroforesterie (ICRAf) et l’Institut international de recherche sur les cultures des zones tropicales semi-arides (ICRISAt). Par ailleurs, deux organisations caritatives de premier plan — la fondation bill & melinda Gates et la fondation Rockefeller — ont créé récemment l’Alliance pour une révolution verte en Afrique, qui a fait de la fertilité des sols l’une de ses principales priorités.

Les chercheurs du CGIAR ont découvert par exemple que plusieurs variétés d’arbustes fourragers avaient aussi la capacité d’enrichir le sol en nutriments, tout en fournissant des aliments nourrissants pour les animaux d’élevage. Cette double fonction rend le soja d’autant plus intéressant pour les agriculteurs.

« Quand vous avez un cultivateur qui veut améliorer la fertilité de son sol, il faut lui parler du soja », assure jonas N. Chianu, chercheur en sciences économiques et sociales au tSbf-CIAt à Nairobi. « Les paysans d’ici ont très peu de terres. beaucoup

d’entre eux n’ont pas d’arbres parce qu’ils n’ont pas assez d’espace. Alors tout ce qu’ils plantent pour améliorer le sol doit aussi leur apporter d’autres bénéfices. »

Il a d’abord fallu persuader les agriculteurs que les fèves de soja pouvaient entrer dans leur alimentation. margaret musambi, agent de vulgarisation du ministère de l’Agriculture, leur a montré comment fabriquer du lait de soja, du yaourt de soja, des boissons au soja, des chips au soja, des saucisses au soja et même des boulettes de viande au soja. elle a aussi insisté sur le potentiel du soja comme nouvelle source de revenus pour la famille, et comme source de protéines pour les membres d’un groupe de soutien aux personnes atteintes du sida à mumias, une ville située dans l’ouest du Kenya.

margaret musambi explique qu’elle a été spécialement heureuse de voir les bienfaits du soja pour ce groupe de soutien. « Leur santé s’améliore beaucoup. Les médicaments les aident, mais le soja aussi. C’est vrai : quand on mange du soja, on se sent mieux. »

Pour jonas Chianu, le chercheur, le soja fait aussi rêver. « Quand je vois comment le soja se développe au brésil et en Argentine, j’ai du mal à le croire », dit-il. « Le soja est arrivé au brésil en 1950, et au Kenya en 1904. Le brésil est maintenant le deuxième producteur mondial. Au brésil, la taille moyenne d’une exploitation est de 800 hectares, alors qu’au Kenya, on a affaire à une grande quantité de petits exploitants. C’est toute la différence. »

Plusieurs usines kényennes importent des fèves de soja car les agriculteurs n’en produisent pas assez

sur le territoire national. jonas Chianu évalue la demande annuelle à 150 000 tonnes au Kenya, alors que la production nationale s’est élevée en 2008 à 7 500 tonnes. Pour satisfaire la demande, il estime qu’il faudrait que 300 000 petits exploitants cultivent du soja sur environ un demi-hectare chacun. Il comprend que cela puisse sembler impossible à atteindre pour certains, mais il cite l’exemple de l’Afrique de l’ouest, où plus de 500 000 agriculteurs font du soja au Nigéria, en Côte d’Ivoire et au Ghana. Presque tous se sont lancés dans la culture du soja au cours des 15 dernières années. Il est très enthousiaste sur les possibilités qu’offre le soja d’améliorer sensiblement les rendements du maïs et d’autres cultures.

« on cherche tout ce qu’on peut faire pour ces agriculteurs », ajoute-t-il. « Ils ont besoin d’une culture de rapport. Ils ont besoin d’avoir de meilleurs rendements. » Pour Ali Watiti, l’agriculteur, c’est toujours vrai, mais ça l’est encore plus en période de crise — comme durant l’épisode de violence qui a secoué le pays après les élections présidentielles contestées fin 2007. durant ces affrontements, Ali Watiti et ses confrères n’ont pas pu aller acheter des engrais au magasin. Ils ont dû se rabattre sur les engrais naturels, comme le fumier et les résidus de plants de soja.

« j’ai été très reconnaissant à mon soja pendant les émeutes », raconte-t-il. « beaucoup de cultivateurs qui ne faisaient pas de soja ont eu une récolte très maigre. moi, avec mon soja, ça a été. j’ai eu de la chance de l’avoir. »

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Une branche de soja à Sidada (Kenya). Hadija Auma Hassan (à droite) et sa famille rentrent chez eux après une matinée de labeur dans leur champ de soja à Eshibanze (Kenya).

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Producteurs laitiers

Cette scène, qui pourrait sembler d’un autre temps, est pourtant relativement nouvelle et représente une amélioration pour les éleveurs, les 30 000 vendeurs de lait traditionnels du pays et les millions de buveurs de lait kényens.

Les éleveurs livrent leur lait à un point de collecte à Ngecha, un village situé non loin de Nairobi, la capitale, où leur coopérative vend le lait à un réseau de vendeurs traditionnels et à une laiterie qui le pasteurise.

Il y a encore quelques années, ces opérations de négoce très simples n’auraient pas pu avoir lieu. Les marchands de lait traditionnels, par qui passent plus des quatre cinquièmes du volume total de lait vendu au Kenya, étaient considérés comme des hors la loi et étaient perpétuellement pourchassés par la police, ce qui les obligeait à travailler clandestinement. Certains étaient mis en prison, d’autres ne payaient pas toujours les éleveurs, et certains vendaient du lait frelaté. Les Kényens, qui

boivent en moyenne 100 litres de lait par an, ne pouvaient jamais être sûrs que leur lait était bon.

Les progrès sont arrivés par une voie inattendue : la recherche scientifique. des chercheurs de l’Institut international de recherches sur l’élevage (ILRI), basé à Nairobi, ont mis en place en 1997 le Projet en faveur des petits producteurs laitiers avec des collègues du ministère kényen du développement de l’élevage et de l’Institut de recherche agricole du Kenya. en huit ans, les travaux du groupe ont permis de voir apparaître les longues colonnes convergeant vers Ngecha.

tout d’abord, les chercheurs de l’ILRI ont démontré que le lait cru vendu par les vendeurs traditionnels n’était pas dangereux pour la santé tant que les éleveurs et les vendeurs suivaient des bonnes pratiques d’hygiène. Les partenaires ont ensuite imaginé un système dans lequel des formateurs enseigneraient aux marchands de lait les méthodes les plus sûres sur le plan sanitaire pour manipuler et

de la vache au marché

NGeChA, KeNyA — dèS Le PoINt dU joUR, LeS feRmIeRS CoNveRGeNt SUR LA RoUte, hAbILLéS ChAUdemeNt dANS LA fRoIdeUR dU mAtIN. ChARGéS de LoURdS bIdoNS de LAIt, ILS foRmeNt UNe CoLoNNe ININteRRomPUe Le LoNG deS CoLLINeS. CeUx QUI PoRteNt deS ChAUSSUReS foNt CRISSeR Le GRAvIeR SoUS LeURS PAS. C’eSt Le SeUL bRUIt QU’oN eNteNd, AveC Le ChANt deS oISeAUx.

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Tous les jours, au petit matin, les acheteurs de lait prennent livraison des bidons apportés par les fermiers du voisinage à Ngecha, un village situé non loin de Nairobi (Kenya).

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tester le lait. en échange, les marchands se verraient délivrer un agrément pour vendre du lait.

Les responsables politiques n’étaient toujours pas d’accord. Ils voulaient que tout le lait soit pasteurisé. « Nous avons eu quelques discussions animées avec l’ILRI à ce sujet », admet machira Gichohi, directeur de l’office laitier du Kenya. « mais finalement nous sommes convenus que ce système de formation des vendeurs traditionnels était la meilleure solution pour avancer. » Pour machira Gichohi, ce qui les a décidés, ce sont les conclusions de l’ILRI sur l’absence de danger du lait cru, en particulier avec des sécurités à la ferme et chez les vendeurs.

Les études ont mis en évidence les multiples gains potentiels — au minimum 33,5 millions de dollars par an injectés dans l’économie kényenne, dont plus de la moitié profitant aux 800 000 petits paysans du pays qui vivent de leur production laitière. Les vendeurs de lait traditionnels ont non seulement créé une concurrence sur le marché, mais ils achètent le lait aux fermiers à un prix généralement plus élevé. et ensuite, les marchands revendent le lait cru aux consommateurs beaucoup moins cher que le lait pasteurisé — parfois la moitié du prix.

La recherche a aussi contribué à stimuler indirectement la réforme des marchés laitiers informels dans toute la région. Au Rwanda, en ouganda et en tanzanie, plus de 90 % du lait vendu passe par ces marchés, et les organismes de réglementation ont pris des mesures ces dernières années pour surveiller le secteur informel — et non l’éliminer. Ils savaient, grâce au Kenya, que le lait non pasteurisé ne présentait pas de danger quand il était manipulé convenablement.

à Ngechi, le nouveau système a beaucoup bénéficié à margaret Nungari, une agricultrice de 52 ans qui vit seule avec ses quatre enfants. elle raconte qu’elle avait eu quelques mauvaises expériences avec des

marchands qui ne lui avaient pas payé son lait. mais ce problème a disparu à partir du moment où les marchands ont été agréés.

« mes enfants sont allés à l’école grâce à l’argent du lait », assure-t-elle, tout en inspectant les rangées de carottes, de choux frisés et d’épinards de son exploitation, qui ne fait que 0,8 hectare. elle dit que les chercheurs lui ont apporté une aide dans d’autres domaines.

Par exemple, ils lui ont appris à bien nourrir ses vaches, notamment en leur donnant de l’herbe à éléphant et des doses de grains achetés dans le commerce juste après la mise bas. elle dit que ses vaches donnent maintenant 25 litres par jour, au lieu de 8 litres avant.

« Avant, je travaillais beaucoup mais je gagnais peu », indique-t-elle. « maintenant, je travaille moins et je gagne plus. »

joseph Kibunja, un voisin éleveur âgé de 55 ans, raconte que les chercheurs lui ont apporté d’autres informations. Ils lui ont ainsi conseillé d’ajouter de la fiente de poule à la nourriture de ses vaches. Ce fermier possède aujourd’hui 400 poulets ; ses cinq vaches — Lulu, Nyagaki, Genesis, Suzie et beauty — mangent du grain et de l’herbe mélangés à de la fiente, et les vaches produisent maintenant plus de lait.

francis Wanyoike, chercheur à l’ILRI spécialisé dans les marchés de l’élevage, confirme que les exploitations ont besoin d’une telle intégration. « Cette ferme est un excellent exemple : de l’élevage laitier, de l’aviculture et de l’horticulture, fonctionnant en parfaite interaction. »

joseph Kibunja dit que l’encadrement du marché laitier informel a fait beaucoup de bien aux éleveurs. « Cela a créé une concurrence car les marchands traditionnels sont mieux considérés maintenant »,

explique-t-il. « Alors nous pouvons vendre notre lait plus cher. »

Le système n’est pas parfait. Certains marchands n’ont pas voulu passer par la procédure d’agrément. Les autorités envisagent de donner aux vendeurs agréés un nom de marque pour essayer de fidéliser les consommateurs.

La nouvelle organisation marche tout de même remarquablement bien.

teresia Wanjiku Kamau, formatrice, est là pour en témoigner : « je forme les vendeurs pendant plusieurs jours, pour leur montrer comment manipuler le lait en respectant les normes d’hygiène. Cela veut dire aussi montrer comment manipuler le lait à la ferme. je les ai aussi formés à tester le lait. Cela a permis d’améliorer la qualité. »

Cette formation a été bien utile à des marchands comme Gabriel Karanja, 53 ans, huit enfants, qui vend à présent 90 litres de lait par jour, contre seulement 5 ou 6 litres du temps où il travaillait clandestinement. « tout a changé », explique-t-il. « je n’ai plus peur. Avant, j’avais l’impression d’être un voleur dans mon propre pays. Aujourd’hui, nous vendons le lait en toute liberté. »

Les consommateurs semblent satisfaits. mohamed Shuria, 38 ans, achète à Gabriel Karanja deux litres de lait tous les jours. Il dit qu’il a tellement confiance dans son marchand de lait que « quand ma femme a arrêté d’allaiter notre petit dernier, j’ai demandé à monsieur Karanja du lait de sa propre vache pour nourrir mon garçon ».

Gabriel Karanja confirme, un large sourire aux lèvres. « La recherche m’a beaucoup aidé », reconnaît-il un peu plus tard. « Quatre de mes enfants sont déjà au collège. C’est l’argent du lait qui l’a permis — le lait et les chercheurs. »

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À Gitangu (Kenya), le lait des vaches de la ferme Muchina est vendu à des marchands traditionnels — un arrangement qui n’aurait pas été possible sans les chercheurs de l’ILRI.

À la Coopérative laitière de Limuru, des jeunes gens chargent du lait frais dans un camion à Ngecha (Kenya).

Margaret Nungari caresse sa vache dont le lait, dit-elle, a permis de payer les frais de scolarité de ses enfants à Gitangu (Kenya).

Sur sa cariole, un éleveur transporte environ 25 litres de lait destinés à un point de collecte à Ngecha (Kenya).

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Ouganda

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KAmPALA, oUGANdA — joSePhINe oKot A CoNNU deS éPReUveS extRAoRdINAIReS. SoN PèRe eSt déCédé QUANd eLLe AvAIt SIx ANS. UNe GUeRRe CIvILe A éCLAté à PRoxImIté de SA vILLe NAtALe AU NoRd de L’oUGANdA ALoRS QU’eLLe AvAIt 19 ANS — et Cette GUeRRe S’eSt PoURSUIvIe PeNdANt 20 ANS. à L’âGe de 37 ANS, eLLe A CRéé UNe eNtRePRISe de SemeNCeS ICI et Se bAt dePUIS dANS UN SeCteUR d’ACtIvItéS domINé PAR LeS hommeS.

mais après quatre ans d’activités, elle s’est finalement trouvée confrontée à un obstacle qui semblait lui prendre toute son énergie : le coût élevé des crédits bancaires. Assise dans son petit bureau à victoria Seeds Ltd., okot dit vouloir continuer d’étendre son entreprise — elle avait déjà dépassé la barre des 2 millions de dollars de chiffre d’affaires, mais les banques étaient en train de tuer son affaire.

« Savez-vous le taux qu’elles appliquent ? », s’est-elle interrogée. « 22 à 24 % ! » Par ailleurs, a-t-elle ajouté, les investisseurs en capital-risque veulent 16 % de son bénéfice.

Pour autant, okot, âgée de 41 ans, ne s’avouait pas vaincue. Ce serait contraire à son caractère. Cela reviendrait à abandonner des centaines de personnes qui lui tiennent tant à cœur. Cela annonçait plutôt une autre bataille parmi tant d’autres.

elle est née à Gulu, quatrième enfant d’une famille de sept. Sa mère, enseignante, les a tous élevés

toute seule. « C’était inhabituel », a confié okot. « La plupart de mes amis n’avaient pas de père — beaucoup avaient été tués sous un régime brutal. Pendant que je grandissais, j’ai constaté que les femmes travaillaient toujours énormément, et les choses étaient si difficiles pour elles. Si elles se mariaient, tous leurs biens appartenaient à leur mari. Quand elles vieillissaient, leurs biens étaient contrôlés par leurs fils ».

okot, qui est célibataire sans enfant, appelait cela une « vie pleine d’injustices ». malgré tout, elle a trouvé un moyen d’améliorer leur condition : créer une entreprise qui donnerait aux agriculteurs et aux agricultrices les plus vulnérables quelque chose à vendre — des semences, c’est-à-dire l’élément le plus essentiel pour l’agriculture. Avec une formation et un encadrement de la part du Programme genre et diversité du CGIAR, elle a créé l’entreprise et commencé à apprendre aux petits planteurs comment gérer leurs activités de production. ensuite, elle a acheté des semences

« L’expression de leur visage voulait

tout dire »

Josephine Okot

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La philosophie de Josephine Okot, productrice de semences : « Il faut seulement que je continue à me battre ».

auprès d’elles. Au milieu de l’année 2008, elle comptait 41 agents à temps plein et 39 à temps partiel (70 % étaient des femmes) et elle achetait auprès de 800 producteurs environ (dont l’immense majorité étaient des femmes.) Pour son travail, elle était une des deux personnes à recevoir le prestigieux Prix yara 2007 pour une révolution verte en Afrique.

elle a emmené sa mère, Rose ethel, à la cérémonie de remise du prix à oslo. « elle était très heureuse », a confié okot. « Quand elle est revenue en ouganda, ses amis la traitaient comme la mère du Sauveur ! ». elle riait, savourant le souvenir d’avoir donné quelque chose à sa mère en retour — comme elle l’avait fait pour d’autres femmes rurales.

« Quand je vais voir ces femmes producteurs, l’expression de leur visage voulait tout dire », poursuit okot. « elles envoient toutes leurs enfants à l’école grâce à l’argent qu’elles gagnent avec leurs entreprises de semences. Certaines ont même construit des maisons grâce à cela ».

malgré les taux d’intérêts bancaires élevés, okot a récemment construit une nouvelle usine de semences à Gulu. elle espère que cela favorisera une croissance rapide de la production.

« Il faut seulement que je continue à me battre », a-t-elle déclaré. « Cela peut être difficile, à moins que l’on soit animé d’une passion hors du commun ».

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Rwanda

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Recuperation de l’eau de pluie

et ils ont été étonnés.

Les légumes bien irrigués ont donné des récoltes sensationnelles, et les agriculteurs ont eu assez d’eau pour en donner à leurs voisins, un geste de bonne volonté qui leur en revaudra peut-être un autre.

« on ne voit pas beaucoup de légumes et de fruits pousser par ici, à cause de la sécheresse », explique Aime marie Kayigwisagye, 27 ans, mère d’un enfant. debout devant son nouveau bassin d’eau de pluie, dont le fond a été revêtu d’une bâche en plastique noir pour retenir l’eau, elle poursuit : « mais pendant la saison sèche, j’ai eu des choux. C’était la première fois. Après les choux, j’ai planté des tomates, et regardez le résultat ! »

Le sol est jonché de tomates charnues — des rouges, des oranges et des vertes pas encore mûres. dans un autre champ, de nouveaux papayers portent des fruits juteux, tandis que des manguiers nains se développent et donneront des fruits la saison prochaine. dans les jours à venir, Aime Kayigwisagye va avoir un surplus de tomates qu’elle prévoit de vendre au marché à une période où quasiment personne ne fait pousser des légumes frais dans le secteur.

Les choux, qui lui rapportent normalement 0,10 dollar la pièce, se vendent deux fois plus cher sur le marché. Quant aux tomates, qui partent à 0,75 dollar le kilo en saison, elle les vend 1,10 dollar. Aime Kasigwisagye ajoute que l’argent qu’elle gagne avec ses légumes lui permet d’acheter des choses nouvelles pour elle.

« nous voulons aider les agriculteurs à sortir de la pauvreté »

NtARAmA, RWANdA — LeS AGRICULteURS étAIeNt SCePtIQUeS. AvAIt-oN jAmAIS vU QUeLQU’UN fAIRe PoUSSeR deS LéGUmeS PeNdANt LA SAISoN SèChe ? de mémoIRe d’ANCêtReS, CeRtAINemeNt NoN ! LeS CheRCheURS LeUR dISAIeNt PoURtANt QUe C’étAIt PoSSIbLe — à CoNdItIoN de CoNStRUIRe UN bASSIN PoUR CoLLeCteR L’eAU de PLUIe PeNdANt LA SAISoN deS PLUIeS. dANS Ce toUt PetIt PAyS d’AfRIQUe CeNtRALe, SoIxANte-deUx AGRICULteURS oNt déCIdé d’eSSAyeR : deS oUvRIeRS oNt CReUSé deS bASSINS et INStALLé deS PomPeS, et LeS AGRICULteURS oNt PLANté deS GRAINeS de LéGUmeS dANS Le SoL.

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À Ntarama (Rwanda), depuis la construction de son bassin de récupération d’eau de pluie qui lui permet de cultiver davantage de légumes, Edith Nyiramana est heureuse de pouvoir servir à ses enfants des repas d’une qualité bien meilleure sur le plan nutritionnel.

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des choses aussi simples que… du sucre. « j’en mets dans mon thé », dit-elle, en s’excusant presque. « je me régale ! »

Le Gouvernement rwandais a financé le projet de récupération de l’eau de pluie pour un montant de 300 000 dollars, administré en partie par des chercheurs du Centre mondial d’agroforesterie (ICRAf). Les chercheurs de l’ICRAf ont assuré une formation et une assistance technique, ont surveillé l’utilisation des bassins et aidé les agriculteurs à planter les nouveaux manguiers et papayers.

« Ce projet aide les agriculteurs de plusieurs façons », assure david Kagoro, responsable des opérations de l’ICRAf au Rwanda. « en collectant l’eau de pluie, on empêche le lessivage des sols et on obtient de l’eau pour irriguer les cultures. Les agriculteurs peuvent avoir des récoltes même pendant une sécheresse. »

Le projet, achevé en 2007, a été tellement concluant que le Gouvernement a presque tout de suite lancé un projet de récupération de l’eau de pluie de 200 millions de dollars qui va durer jusqu’au début de la prochaine décennie. Il a mobilisé rapidement à peu près la moitié du financement et prévoit de construire 190 lacs ou petits barrages ; chacun d’eux pourra irriguer environ 100 hectares de terres. à titre de comparaison, le projet supervisé par l’ICRAf a permis d’irriguer un demi-hectare par bassin.

« Le premier projet a été une grande réussite », se réjouit oda Gasinzigwa, représentante du ministère de l’Agriculture et des Ressources animales, qui a aidé à coordonner l’initiative. « Au début, nos agriculteurs ne comprenaient pas ce qui allait se passer. Ils ne pouvaient pas imaginer que pendant la saison sèche ils pourraient cultiver des légumes. maintenant, cet approvisionnement sûr en eau leur ouvre de nouvelles perspectives. »

Le projet au Rwanda fait partie d’un ensemble d’initiatives de récupération de l’eau de pluie engagées par les centres de recherche membres du CGIAR. Parmi les projets les plus ambitieux, bon nombre ont été lancés par l’Institut international de gestion des ressources en eau (IWmI), notamment dans certains des plus grands bassins versants d’Afrique — celui du Nil en Afrique de l’est, du Niger en Afrique de l’ouest, et du Limpopo en Afrique australe. L’ICRAf, qui travaille en collaboration avec l’IWmI, a aussi plusieurs succès à son actif en éthiopie et au Kenya.

dans le sud du Kenya par exemple, un projet ayant permis la construction de 80 réservoirs de collecte d’eau de pluie, a eu de nombreuses répercussions positives sur la vie des agriculteurs masaï. d’abord et surtout, les réservoirs ont supprimé les longues marches nécessaires pour aller chercher de l’eau ; les femmes, traditionnellement chargées de cette tâche, y consacraient en moyenne trois heures par jour. Ils ont eu d’autres effets positifs, d’une part sur la santé des femmes, qui n’ont plus besoin de parcourir de longues distances à pied, chargées de bidons de 20 litres, et d’autre part sur leur sécurité, car il arrivait qu’elles soient attaquées au crépuscule par des animaux sauvages, par exemple des léopards et des buffles.

maimbo mabanga malesu, coordinateur du programme de l’ICRAf pour l’Afrique orientale et australe et l’Inde, souligne que les projets doivent être sensiblement revus à la hausse.

« La plupart des autorités gouvernementales exploitent moins de 5 % du potentiel de récupération de l’eau de pluie », affirme maimbo malesu. « Pour réaliser ce potentiel, il faut d’énormes investissements en matière de savoir, de compétences et d’infrastructures. »

à Ntarama, environ 20 kilomètres au sud de la capitale, Kigali, les bassins ont eu un très gros

impact. Plusieurs villageois envisagent d’en construire un eux-mêmes.

« Le problème, c’est de trouver le matériel — et l’argent pour le payer », dit jean Pierre mbonigaba, 38 ans. Un bassin coûte environ 1 000 dollars en matériel. « Ces bassins transforment la vie des familles. elles consomment plus de légumes. Avant, elles pouvaient difficilement s’acheter du savon. Les gens qui ont un bassin peuvent maintenant se le payer. de plus en plus de monde voit leur intérêt. »

Non loin de là, edith Nyiramana, 33 ans, raconte que son potager lui a permis d’améliorer beaucoup ses repas à la maison sur le plan nutritionnel. elle a trois enfants, plus la charge de trois orphelins dont les parents sont morts au cours du génocide de 1994 qui a fait, selon les estimations, un million de morts.

« j’ai récolté des oignons, des carottes, des aubergines et des tomates », détaille-t-elle. « Grâce à eux, j’ai vraiment pu varier l’alimentation des enfants. je suis très contente. »

david Kagoro, le chercheur de l’ICRAf, ajoute que le projet a donné rapidement des résultats. Il n’a fallu que quelques mois de saison sèche pour que les agriculteurs voient les bénéfices.

« Les autorités ont beaucoup encouragé l’initiative — et elles ne veulent pas attendre. elles veulent agir vite », poursuit-il. « Ces bassins ont permis de produire des légumes et des fruits qu’on ne voyait jamais avant. C’est un travail réellement important. Nous voulons aider les agriculteurs à sortir de la pauvreté, et ce projet y parvient. »

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Aime Marie Kayigwisagye, 27 ans, a fait pousser des choux et des tomates pendant la saison sèche à Ntarama (Rwanda), ce qu’elle n’aurait pas pu faire sans son nouveau bassin de collecte d’eau de pluie.

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Haricots grimpants

Alors bien sûr, quand un agent de vulgarisation agricole est arrivé en 1996 dans cette région vallonnée, rompue à la culture intensive, avec des semences de haricots grimpants à haut rendement, les villageois ont cru voir le messie !

« Avant, je cultivais des haricots nains et des haricots grimpants », raconte Augustin Shiragahinda, 51 ans, responsable d’une association d’agriculteurs locale. « mais depuis que l’agent est venu, je ne fais plus que des haricots grimpants. on ne peut pas faire autrement quand on a vu ce que donnait un seul de ces nouveaux plants. »

Les haricots grimpants ont fait leur première grande percée ici au milieu des années 80. depuis, les chercheurs du Centre international de l’agriculture tropicale (CIAt) ont aidé à diffuser les haricots à rame dans 18 pays d’Afrique. en général, ils n’ont pas eu beaucoup de mal — il faut dire que ces plants produisent trois à quatre fois plus que les haricots nains.

« Un agriculteur nous a dit que, quand nous étions arrivés avec de nouvelles variétés de haricots grimpants, c’est comme si nous étions des envoyés de dieu sur la terre », s’amuse Robin buruchara, phytopathologiste et coordinateur du CIAt pour l’Afrique subsaharienne. « en ville, quand on manque de terrains, on construit en hauteur. et bien, à la campagne, c’est pareil : quand on n’a pas assez de terres pour les haricots, on fait pousser des haricots grimpants. »

depuis une bonne trentaine d’années, le CGIAR travaille à la sélection de variétés de haricot à plus haut rendement. Le CIAt, qui est l’un des 15 centres membres du groupe, a non seulement introduit les haricots grimpants en Afrique, mais a aussi mené des recherches très importantes pour lutter contre le pourridié du haricot, qui a ravagé des cultures au Rwanda, dans l’ouest du Kenya et au-delà. Un autre centre du CGIAR, le Centre international de recherches agricoles dans les

« des haricots, encore des haricots, toujours des haricots ! »

CyANIKA, RWANdA — PoUR UN RWANdAIS, UN RePAS SANS hARICotS N’eSt PAS UN vRAI RePAS. UN AGRICULteUR QUI Ne CULtIve PAS de hARICotS PASSe PoUR UN foU, et même PoUR UN PeU IRReSPoNSAbLe — SINoN, CommeNt PoURRAIt-IL mettRe deS hARICotS dANS LeS ASSIetteS deUx foIS PAR joUR ? LeS hAbItANtS de Ce PetIt PAyS d’AfRIQUe CeNtRALe AImeNt teLLemeNt LeURS hARICotS QU’ILS eN CoNSommeNt eN moyeNNe 60 KILoS PAR AN — Le ReCoRd dU moNde.

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Un champ aux abords de Cyanika, dans la magnifique région vallonnée de l’ouest du Rwanda. Des jeunes pousses de haricots grimpants sont sorties de terre et devraient produire trois à quatre fois plus que les haricots nains.

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régions sèches (ICARdA), a introduit la fève et de nouvelles variétés de lentilles dans certaines des régions d’Afrique de l’est les plus pauvres et les plus touchées par la sécheresse ; les recherches ont montré que la fève, qui s’est vendue plus cher que les autres haricots dernièrement sur les marchés, a contribué à faire reculer la pauvreté de 12 % au Soudan et de 3 % en éthiopie.

dans toute l’Afrique, les haricots sont une culture de base pour beaucoup de familles. Au Rwanda, c’est peu dire qu’ils le sont.

Cette passion pour les haricots a de nombreuses explications : ils sont savoureux, représentent une source de protéines importante, ne nécessitent pas d’engrais coûteux, et trouvent toujours preneurs sur les marchés au Rwanda. et beaucoup de gens vous diront simplement que c’est leur nourriture traditionnelle : ils en mangent depuis leur plus tendre enfance.

La production a toutefois subi les aléas des sécheresses et des attaques de ravageurs. Puis, le génocide de 1994, qui a causé la mort d’un million de personnes selon les estimations, a complètement changé la donne, depuis la structure du pouvoir jusqu’aux interactions sociales et aux moyens de subsistance. Les agriculteurs ont dû recommencer à essayer de vivre de la terre après le génocide, l’un des gros problèmes étant que le stock de germoplasmes — les éléments à partir desquels les nouvelles variétés sont créées — était pratiquement détruit. Les agriculteurs avaient des semences, mais la plupart étaient de mauvaise qualité.

en 1995, les chercheurs du CIAt ont agi rapidement pour fournir des semences et du matériel de qualité au Rwanda. Ils ont récupéré des germoplasmes de haricots améliorés auprès des réseaux d’Afrique de l’est et d’Afrique centrale. Ils ont fait venir de nouveaux germoplasmes d’Amérique latine. Lorsque le vulgarisateur est

arrivé à Cyanika, situé aux portes du Parc national des volcans, dans le nord-ouest du Rwanda, il apportait des semences venues d’ailleurs, peut-être d’aussi loin que le mexique.

Augustin Shiragahinda, le responsable de l’association d’agriculteurs, s’en souvient très bien. Il dit que presque tous les membres de sa coopérative ont tout de suite adopté les haricots grimpants, et les résultats ne se sont pas fait attendre. Avant 1994, ses haricots nains produisaient 160 kilos à l’hectare ; aujourd’hui, ses haricots grimpants produisent plus de 600 kilos, c’est-à-dire près de 4 fois plus.

Comme les autres agriculteurs ici, Augustin Shiragahinda gagne bien sa vie avec les haricots. Il est en train de se construire une nouvelle maison (et va donner l’ancienne à son fils), a acheté deux vaches (elles donnent 18 litres de lait par jour, dont 15 litres sont revendus au marché et 3 sont consommés à la maison) et a payé les frais de scolarité de ses huit enfants.

à Cuyve, un village voisin, les agriculteurs ont aussi bâti leur vie sur les haricots. emmanuel Serukata, 71 ans, émerge de sa maison de 5 pièces où des centaines de tiges sèches de haricots grimpants sont posées contre deux côtés du bâtiment.

« Il a des haricots partout ! », sourit mukishi m. Pyndji, phytopathologiste du CIAt et coordinateur du Réseau de recherche sur le haricot en Afrique orientale et centrale. « vous savez, c’est vrai. Au Rwanda, il n’y a pas de vie sans haricots. »

« des haricots, encore des haricots… », martèle félicité Nsanzabera, responsable du programme rwandais sur le haricot à l’Institut national de recherche agricole (ISAR), qui marche à ses côtés.

« …toujours des haricots », achève mukishi Pyndji.

Ils éclatent de rire. félicité Nsanzabera ouvre une cosse avec ses ongles, pour découvrir cinq belles graines tachetées de rouge — la variété RWv-296, l’une des variétés de haricots grimpants les plus productives du pays. « Quand ils voient une bonne variété, voilà ce que font les agriculteurs », plaisante-t-elle, en ouvrant une autre cosse et en faisant semblant de glisser les graines dans sa poche. « C’est comme ça qu’elles se multiplient dans tout le pays. »

emmanuel Serukata, l’agriculteur, dit que les haricots lui ont permis, à lui et sa femme Alphonsine, d’acheter deux chèvres et d’envoyer leurs deux enfants au collège. Ils ont utilisé plusieurs variétés de l’ISAR, qui ont beaucoup augmenté le rendement.

mais pour beaucoup de cultivateurs, le plaisir de manger des haricots au déjeuner et au dîner est aussi important que gagner plus d’argent avec leurs récoltes.

à Cyanika, Augustin Shiragahinda affirme qu’aussi longtemps qu’il se souvienne, il a toujours mangé des haricots deux fois par jour.

« Sauf peut-être pendant une sécheresse, dans les années 90, avant la récolte », hésite-t-il.

Assise à proximité, sa femme, janine Nyirabakwiye, le reprend tout de suite : « Ah ça non, tu n’as jamais eu une journée sans haricot ».

« Il me semble bien que … »

« je te dis que non », coupe-t-elle. « tu n’as jamais eu un jour sans haricot. »

Le mari et la femme se mettent à rire : dieu merci, ils n’ont encore jamais vu « la fin des haricots ».

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Un cultivateur exhibe un plant de haricot grimpant lourdement chargé.

Emmanuel Serukata, 71 ans, explique que les haricots grimpants lui ont permis, à lui et sa femme, d’acheter deux chèvres et d’envoyer ses deux enfants au collège.

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Tanzanie

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Systemes semenciers

Il y a près d’un demi-siècle, le paysan recevait ces semences de l’Inde et lorsque celles-ci produisaient d’énormes quantités de pois chiches, il en remettait à cinq autres agriculteurs. Par la suite, les semences ont été remises à 20, puis à 50 paysans, et les pois chiches ont rapidement fait rage dans cette région septentrionale de la tanzanie située près de la célèbre réserve faunique de Serengeti. La région d’Arusha était devenue l’une des capitales des pois chiches, et les agriculteurs se servaient de leurs gains pour acquérir des tracteurs, bâtir des maisons et engager des ouvriers pour éliminer les mauvaises herbes de leurs champs.

Cette façon informelle de mettre en place un système de distribution de semences, tout en étant remarquablement simple, ne pouvait cependant permettre d’éradiquer un problème, celui des maladies. Chaque saison, des maladies telles que la flétrissure fusarienne apparaissent et trouvent de nouveaux moyens de s’attaquer à ce qui est désormais une variété locale de pois chiches. Les plantes se flétrissent littéralement. horrifiés, les groupements d’agriculteurs se tournent vers les spécialistes de la sélection des plantes appuyés par le CGIAR (Groupe consultatif pour la recherche

agricole internationale), lesquels mettent au point des variétés résistantes aux maladies et aux parasites. Les chercheurs sont toutefois confrontés eux aussi à un problème : ils peuvent certes créer la semence la plus splendide au monde, mais comment vont-ils la mettre à la disposition des agriculteurs ?

Il importe, par-dessus tout, de ne pas se tromper. Il est difficile de sous-estimer la valeur des semences. Selon les vieux Africains, lors d’une catastrophe naturelle, le paysan met à l’abri du danger d’abord sa famille, puis ses semences. Ces dernières sont d’une importance si vitale que les banques de semences des quatre coins du monde se sont fait remarquer en envoyant en grande pompe, au début de 2008, des centaines de milliers de variétés à une alvéole de stockage des semences, enceinte aménagée dans les profondeurs d’une montagne du cercle polaire arctique — les experts recherchaient un endroit aussi froid et aussi éloigné que possible pour s’assurer que les semences survivraient à toutes sortes de menaces.

Les exemples passés de pays qui établissent des systèmes semenciers et de donateurs qui

mKoNoo, tANzANIe — toUt A CommeNCé AveC UN PAySAN et UNe PoIGNée de SemeNCeS de PoIS ChICheS.

faire passer les semences d’un champ à des centaines d’autres

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Dans un champ d’expérimentation de pois d’ambrevade de l’ICRISAT à Sakila (Tanzanie), Mary Zakaria (à gauche), et Elishilia Mollel inspectent les différentes variétés pour trouver la plus productive.

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fournissent de l’aide lors des situations d’urgence sont passés presque inaperçus.

Quelques cas de succès n’en sont pas moins apparus et, compte tenu de leur importance, les chercheurs s’y appuient pour aller de l’avant. en tanzanie et dans plusieurs autres pays africains, les chercheurs ont aidé à établir des systèmes semenciers permettant une large distribution de ce qu’ils appellent « semences sources » — mises au point avec beaucoup de soin par les sélectionneurs, qui les remettent aux agriculteurs ou aux entreprises pour poursuivre les activités de multiplication. Pour nombre de ces nouveaux systèmes semenciers, les chercheurs ont fourni gratuitement les semences aux paysans contre la promesse que ces derniers en donnent au moins autant aux autres agriculteurs après leur première récolte. à cet égard, ils marchaient sur les traces du paysan qui avait planté les premiers pois chiches à mkonoo.

Plusieurs centres du CGIAR — dont l’Institut international de recherche sur les cultures des zones tropicales semi-arides (ICRISAt), le Centre international d’amélioration du maïs et du blé, et le Centre international d’agriculture tropicale — ont passé plus de deux décennies à mener des recherches et à aider à établir des systèmes semenciers partout en Afrique. à titre illustratif, en 1999 au malawi, l’ICRISAt a commencé à gérer un fonds renouvelable dans lequel le produit de la vente des semences a été reversé pour préfinancer la production de la saison suivante. Les recherches ont conclu que ce fonds avait obtenu des résultats durables : 80 % des paysans de deux régions du pays étaient en mesure d’accéder aux semences de la CG7, une variété améliorée d’arachides, lorsque celle-ci a été mise à la disposition du public pour la première fois, et ils ont depuis lors commencé à adopter une plus récente variété présentant une meilleure résistance aux maladies (Nsinjiro).

de même, au mozambique, les chercheurs de l’ICRISAt ont contribué à mettre en place tout un système semencier — allant jusqu’à obtenir du financement en faveur d’une usine de traitement des semences, puis à accepter d’assurer la gestion provisoire de l’usine, le temps d’aider des acteurs locaux à acquérir les connaissances requises pour prendre la relève.

dans le village de Leonde, situé à environ 200 kilomètres au nord de maputo, la capitale, les chercheurs de l’ICRISAt travaillent également avec une entreprise agricole, mocfer Industrias Alimentares (mIA), pour effectuer des essais sur de nouvelles variétés de pois chiches et d’ambrevades, (ces dernier connus aussi sous le nom de pois d’angole et de pois cajans), dans l’espoir d’aider le secteur à créer une industrie semencière reposant sur ces cultures.

« C’est la première fois que nous essayons de cultiver des ambrevades dans la région méridionale du pays », indique Wilson Leonardo, un spécialiste des semences établi à maputo et employé à l’ICRISAt, en parcourant du regard un champ pilote où poussent des plantes de pois cajans. « je suis vraiment heureux de la réussite de ces essais. Cette plante n’inspire pas encore confiance aux paysans ici, aussi faut-il, pour les amener à l’adopter, leur montrer que sa culture peut être lucrative ».

tout à côté, Lorena Pedro francisco, une technicienne de recherche de la mIA, explique que le partenariat avec l’ICRISAt et l’Institut mozambicain de recherche agricole (IIAm) a été des plus utiles pour son entreprise. « L’ICRISAt et l’IIAm nous ont aidés à choisir les meilleures variétés », précise-t-elle.

d’après Richard jones, directeur adjoint de la région Afrique orientale et australe de l’ICRISAt, de tels rapports, tout en se nouant loin des laboratoires, peuvent se révéler essentiels pour mettre en place les maillons de la chaîne d’un système semencier que

constituent, entre autres, les chercheurs, les producteurs, les agriculteurs-sélectionneurs et les acheteurs. « Nous examinons les possibilités qui s’offrent dans chaque pays », a déclaré jones un jour du mois d’août 2008, dans un champ de pois chiches à mkonoo. « L’analyse des essais effectués depuis plusieurs années au malawi montre les avantages du déploiement des stratégies à plus grande échelle ».

à mkonoo, Godson Laisser, âgé de 65 ans, père de huit enfants et cultivateur depuis 45 ans, a souligné que lorsque les chercheurs expérimentaient de nouvelles variétés de pois chiches dans les parcelles d’essai au cours des dernières saisons, lui-même et d’autres planteurs en voulaient le plus tôt possible. « Leur qualité était de loin supérieure à celle des anciennes semences », a-t-il ajouté.

Les chercheurs leur ont toutefois apporté plus que des semences. Ils ont appris aux familles comment préparer différents mets à base de pois chiches (parmi les plats favoris figurent les frites de pommes de terre en tranches enrobées de farine de pois chiche), puis ils les ont aidées à former une association.

« La création d’une association nous a permis de nous regrouper et nous a aidés à obtenir de bons prix pour nos pois chiches », a indiqué Laisser. « Nous avons cessé d’effectuer des ventes à titre individuel ».

Le succès de l’entreprise a été tel que l’association des planteurs de pois chiches de mkonoo étudie la possibilité de vendre les semences au-delà des frontières du pays, au Kenya. Selon jones, les agriculteurs d’ici sont de grands entrepreneurs — une caractéristique utile pour mettre en place un système semencier.

« Nous avons obtenu de bons résultats avec les nouvelles variétés », a affirmé Laisser. « mais nous espérons faire encore mieux », a-t-il conclu.

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Un chevreau tenu en laisse, une agricultrice traverse un champ de pois d’ambrevade à Mkonoo (Tanzania) en portant un seau d’eau sur la tête et un panier de légumes à la main.

Un troupeau de chèvres passe le long d’un champ d’expérimentation de pois d’ambrevade à Mkonoo (Tanzanie).

Elishilia Mollel soulève une branche de pois d’ambrevade dans son champ à Sakila (Tanzanie).

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SAKILA, tANzANIe — eN 1990, à L’âGe de 40 ANS, SAId N. SILIm PeUt, eN fAISANt Le bILAN de SA vIe, CoNStAteR QU’IL A beAUCoUP ACComPLI, SURtoUt AU ReGARd de SoN eNfANCe dIffICILe. IL A GRANdI eN mILIeU RURAL dANS Le NoRd de L’oUGANdA, AU SeIN d’UNe fAmILLe de NeUf eNfANtS. IL A PeRdU SoN PèRe, UN CommeRçANt, ALoRS QU’IL étAIt eNCoRe jeUNe.

Convaincu que l’éducation offre la seule opportunité d’échapper à une vie de pauvreté, il s’attelle à ses études, se spécialisant en agriculture. Il obtient des diplômes de l’Université makarere de Kampala et de l’Université de Khartoum au Soudan, ainsi qu’un doctorat en phytophysiologie de l’Université de Nottingham au Royaume-Uni.

Cette formation lui a permis d’obtenir des emplois intéressants : il occupe d’abord le poste de phytophysiologue et de phytotechnicien au Centre international de recherche agricole dans les zones arides, basé en Syrie ; puis, vers la fin de 1989, il est affecté à l’Institut international de recherche sur les cultures des zones tropicales semi-arides (ICRISAt) en Inde.

mais un jour de la même année, sa fille Amna, âgée de cinq ans, lui demande : « Papa, comment peux-tu donner en retour à la société ? »

Apparemment, elle l’a souvent entendu parler de son désir de faire plus. Cette question l’amène à réfléchir — puis à prendre la décision de repartir

avec sa famille en Afrique, où il estime qu’il peut donner quelque chose en retour à la société.

mission accomplie : près de deux décennies plus tard, Silim assure la direction de la région Afrique orientale et australe de l’ICRISAt, dont le siège se trouve à Nairobi. à ce titre, il supervise les travaux d’une équipe de 37 chercheurs déployée au Kenya, au malawi, au mozambique et au zimbabwe.

en tant que responsable, il a aidé à former un corps de chercheurs africains et contribué à faire pression sur les programmes, afin que ceux-ci donnent plus de pouvoir économique aux agricultrices.

mais ses travaux de recherche ont joui d’une plus grande notoriété. Silim a été le premier chercheur local en Afrique à constater que la température s’élevait dans nombre de régions du continent. dès 1994, soit trois années seulement après son retour en Afrique, il s’est mis à étudier les effets des changements climatiques sur les cultures.

Said Silim

« Comment peut-on donner

en retour à la société ? »

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Il y a longtemps, la fille de Said N. Silim lui a demandé : « Papa, comment peut-on donner en retour à la société ? » Il raconte que, depuis lors, il n’a eu de cesse de lui répondre par ses actes.

Il a examiné les liens complexes existant entre la température, la floraison des cultures, l’élévation et la durée du rayonnement solaire, en se servant de l’ambrevade — une denrée populaire d’Asie du Sud-est qui sert à confectionner le dal. Silim a analysé le régime pluviométrique des régions de l’est du Kenya et du nord de la tanzanie.

« Ce régime changeait de façon assez sensible », a-t-il indiqué. « La saison pluvieuse devenait plus courte. à cette époque, personne ne parlait de changement climatique. Cependant, je pouvais déjà constater que nous devions cibler des variétés différentes pour tenir compte de l’évolution du climat. Il nous fallait un ensemble de variétés que nous pouvions adapter au changement de température et de pluviométrie ».

Silim et son équipe de chercheurs ont recueilli le matériel génétique d’ambrevades de différentes localités de la région. Ils ont mis au point différentes variétés adaptées aux conditions et aux besoins locaux. Ici dans le nord de la tanzanie, par exemple, beaucoup de paysans combinent la culture d’ambrevades avec celle de maïs. Ils veulent une variété qui va fleurir après la récolte du maïs, mais non avant.

dans une parcelle de démonstration à Sakila, Silim se déplace entre les plantes d’ambrevade qui dominent de leur haute taille. Il a contribué à la création de deux variétés de ces plantes. Ce champ est donc le sien et les paysans lui disent qu’ils veulent ses semences.

« L’effet est manifeste », conclura-t-il plus tard. « mais comme je le souligne souvent, le succès tient pour 10 % à l’intelligence et 90 % aux nombreux efforts effectivement déployés pour y parvenir. je ne suis pas intelligent. je travaille dur, tout simplement ».

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Malawi

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et dans cette partie du Sud du malawi rural, à environ une heure au Nord de blantyre, cela était inhabituel. Posséder un vélo en cet endroit, c’était avoir assez d’argent pour nourrir les enfants, leur acheter des vêtements et payer les frais de scolarité — ce qui est souvent un combat ici.

La raison de cette relative richesse est tout à fait visible le long de la route : une série de 47 étangs piscicoles appartenant à 32 fermiers. elles représentent la principale source de revenu et de nutrition pour la majorité des populations vivant à Chiunda, localité de 225 habitants.

« Grâce à nos étangs piscicoles, tous ces gens ont acheté des bicyclettes, et la plupart d’entre nous ont des téléphones cellulaires », a dit Agnes Kanyema, 59 ans, instituteur à la retraite ». « deux d’entre nous ont même des téléviseurs dans leurs maisons ! mais encore et par-dessus tout, nous n’avons plus faim et nos garçons ne vont plus à la

ville pour chercher du travail. Ils trouvent un emploi ici, et c’est mieux pour eux ».

Le succès enregistré dans le domaine de la pisciculture ici et dans des douzaines d’autres villages, nous le devons à une idée des chercheurs de Worldfish Center. en 2003, ils ont mené une étude concernant les projets de création d’étangs piscicoles menés par le passé, ont tiré les enseignements sur les causes de l’échec des autres projets et décidé qu’ils pouvaient faire beaucoup mieux. Ils ont constaté que les étangs piscicoles existant au malawi produisaient en moyenne une tonne par hectare par an, contre 20 tonnes par hectare par an en Asie.

Ils ont défini trois principes de base : premièrement, enseigner aux paysans comment la pisciculture pourrait faire partie intégrante de leurs activités, en devenant notamment une nouvelle source d’engrais et d’irrigation pour les cultures.

ChIUNdA, mALAWI — dANS Ce vILLAGe veRdoyANt ReGoRGeANt d’ARbReS et d’ARbUSteS à fLeUR, boRdé à L’oUeSt PAR LeS mAjeStUeUSeS moNtAGNeS de zombA, LeS bICyCLetteS étAIeNt Le PRemIeR SIGNe QUI INdIQUAIt QU’IL S’étAIt PASSé QUeLQUe ChoSe de boN. Ce N’étAIt PAS tANt L’étAt deS bICyCLetteS ; beAUCoUP AvAIeNt LA PeINtURe éCAILLée et LeS PARe-ChoCS QUI vIbRAIeNt. C’étAIt LeUR NombRe. deS doUzAINeS de PeRSoNNeS RoULAIeNt à véLo.

Etangs piscicolesélever des poissons pour nourrir les orphelins

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Dans le village de Mawila, au Malawi, des jeunes garçons ont remonté un plein filet de poissons et exhibent fièrement leur prise.

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deuxièmement, rendre le projet pérenne en donnant 1 000 petits poisons à chaque paysan, qui remettra à son tour 1 000 petits poissons à d’autres paysans après la reproduction des poissons. et troisièmement, montrer aux agriculteurs que les poisons constituent non seulement une importante source de nutrition pour eux-mêmes, mais peuvent également se vendre à un prix élevé sur le marché s’ils apprennent à produire de gros poissons avec des aliments adéquats.

Ils ont alors trouvé un partenaire — World vision, une organisation internationale d’aide humanitaire– et défini les principaux bénéficiaires : les personnes affectées par l’épidémie du Sida, en particulier les légions d’orphelins laissés pour compte. Les scientifiques de Worldfish ont vu dans ce programme un nouveau moyen d’offrir des retombées économiques et des prestations sanitaires aux personnes affectées par le Sida.

« Le principal problème pour nous était de fournir des protéines de grande qualité aux familles », a dit dr. daniel jamu, le directeur régional de Worldfish pour l’Afrique orientale et australe. « mais, il était également important que nous augmentions les rendements des étangs piscicoles, de sorte qu’ils puissent permettre aux ménages affectés par de vIh de se faire de l’argent ».

Les résultats positifs n’ont pas tardé à se manifester : en près de trois ans, le projet a permis de doubler, en moyenne, le revenu de 1 200 familles affectées par le vIh et le Sida au malawi et d’accroître considérablement la consommation de poisson et de légumes dans les communautés rurales. Les familles ont augmenté leur consommation de poisson frais de 150 %, améliorant ainsi leur consommation de protéine, de calcium, de vitamine A et de micronutriments. en 2005, la banque mondiale a cité le programme comme un exemple de réussite et lui

a ainsi décerné un prix du marché du développement à l’échelle nationale d’un montant de 20 000 dollars pour avoir offert une solution d’avant-garde aux problèmes sociaux et économiques pressants.

à Chiunda, le projet a non seulement contribué à améliorer l’alimentation et les conditions de vie des familles, mais a aussi joué un rôle important dans le renforcement des liens entre les populations. Les villageois ont créé le Club des pisciculteurs de mawila, fixé une cotisation de 300 kwachas (2,25 USd) et ont créé un réseau d’entraide.

Creuser des étangs piscicoles est une tâche extrêmement ardue ; ils ont un mètre de profondeur et couvrent environ 200 mètres carrés. mais les gens ici et ailleurs se sont regroupés pour creuser les étangs les uns et les autres.

« trente de nos membres ont creusé ensemble et ils ont construit trois étangs en deux semaines », a déclaré Kanyema devant sa maison. « Nous travaillons du lever au coucher du soleil. Les femmes s’occupent entièrement de la cuisine, et les hommes du creusage ».

L’aide ne s’arrêtait pas là. « Un jour, il y a eu une très forte pluie. Un de mes étangs a été endommagé », a-t-elle dit. « Quand les gens ont constaté le problème, ils sont venus en grand nombre et nous avons tous réparé l’étang ».

Asan Chiunda, le chef du village, qui porte son nom, se tenait près de l’un de ses étangs, qu’il venait juste de vider. deux garçons étaient en train d’ameublir de la terre riche avec leurs pelles ; ils ont enfin emporté le sol riche en nutriments vers les champs de maïs du chef. Grâce à l’utilisation d’engrais et à l’amélioration des moyens d’irrigation, certains paysans récoltaient désormais trois plantations de maïs par an au lieu de deux.

« Le village est en train de changer grâce à ces étangs piscicoles », a déclaré le chef. « Les gens ont maintenant de l’argent. Ils ont assez de nourriture. Certains ont même de nouvelles toitures en tôle ondulée ! »

mais les villageois savent qu’ils doivent surveiller de près les étangs, et contrôler en particulier la source d’eau, qui provient des montagnes zomba toutes proches. joseph Nagoli, analyste de recherche de haut niveau à Worldfish, a affirmé que les villageois essaient aujourd’hui de veiller à ce que les autres ne coupent pas les arbres pour en faire du charbon de bois sur les montagnes, ce qui provoque l’érosion et appauvrit la source d’eau.

« Les populations comprennent réellement pourquoi elles doivent préserver les forêts présentes sur la montagne », a-t-il affirmé.

L’autre problème est lié aux difficultés fréquentes que rencontrent les villageois. Kanyema, l’ancien instituteur, préparait des funérailles le jour suivant pour une femme nommée mariana, morte d’une maladie liée au Sida dans le village voisin de Kapito. Kanyema a révélé que la dame, qui n’était pas mariée, avait laissé quatre orphelins. tous viendront bientôt rejoindre un parent dans le village de Chiunda.

« Nous ferons tout ce que nous pourrons pour ces enfants », a-t-elle ajouté. « Nous devons maintenant nous réunir pour examiner la façon dont nous pouvons les aider. mais nous savons que nous devons leur apporter une aide — grâce au poisson ».

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Un fermier répare une fuite dans son étang piscicole à Mawila (Malawi).

Un jeune garçon se prépare à pêcher à Mawila (Malawi) ; le poisson est devenu une importante source de protéines pour les villageois.

Le dîner de ce soir pour ce jeune garçon : un joli chapelet de poissons fraîchement pêchés.

À Mawila, les fermiers attrapent les poissons en traînant de grands filets en travers des étangs, aidés par des garçons qui maintiennent les filets en place.

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LeS femmeS eNtoURAIeNt jUdIth hARRy. dANS SoN ChAmP SItUé dANS Le vILLAGe de mKANdA à L’oUeSt dU mALAWI, SA mèRe, SA SœUR et deUx femmeS dU vILLAGe ARRAChAIeNt PAtIemmeNt deS ARAChIdeS deS vIGNeS. dANS SA CoUR d’eNtRée, PRèS de LA RoUte eN ARGILe de CoULeUR RoUGe oRANGé, LeS femmeS devISAIeNt deboUt SUR LeS PRIx AU mARChé deS PRodUItS AGRICoLeS. mAIS à L’INtéRIeUR de SA mAISoN de bRIQUe, UN homme SeUL étAIt CoURbé : C’étAIt SoN mARI QUI AIdAIt à AttACheR LeS bALLeS de tAbAC.

Quand on l’interrogeait sur l’aide qu’il lui apportait, judith répondait en souriant : « Ne lui accordez pas trop de crédit », a-t-elle affirmé. « Nous ne sommes mariés que depuis un mois. je fais ceci toute seule depuis des années ».

depuis son adolescence, lorsqu’elle a quitté l’école pour subvenir aux besoins de sa famille et aussi quand elle a accouché de sa fille, judith a été seule la plupart du temps. mais même avec une forte volonté de réussir, elle ne s’est pleinement réalisée qu’à la fin des années 90, quand elle a rencontré des chercheurs de l’Institut international de recherche sur les cultures des tropiques semi-arides (ICRISAt).

Les scientifiques lui ont présenté de nouvelles variétés d’arachide, en particulier un type résistant à la sécheresse appelé CG-7. judith et un petit nombre d’agriculteurs, flairant une opportunité, l’ont adopté bien que bon nombre de leurs voisins continuaient de cultiver les variétés traditionnelles.

« judith aime prendre des risques », a dit harliex Chimutu, gestionnaire à NASfAm, une organisation nationale de paysans. « Chaque fois qu’il y a une nouvelle innovation, elle est prête à l’expérimenter ».

La variété CG-7 fleurissait dans ses champs. en 2002, elle est devenue la plus grande productrice d’arachide dans l’Association mchinji de NASfAm, récoltant plus de 4 000 kilogrammes de cette culture. Cette année-là, les 15 000 membres de l’association l’ont élue comme leur présidente. elle n’avait que 28 ans, élevait seule sa fille dont elle s’occupait, ainsi que deux orphelins et sa mère.

Seulement cinq ans plus tôt, elle n’avait presque rien. à présent, non seulement elle dirigeait une grande organisation agricole et produisait plus que les autres agriculteurs, mais les négociants choisissaient de mettre une photo de judith sur les paquets d’arachide expédiés vers l’europe. elle était devenue le visage des arachides exportées du malawi vers le reste du monde.

Judith Harry

« Je réfléchis toujours bien à

l’avance »

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Judith Harry est une « fonceuse ». Productrice d’arachides, elle rend hommage aux chercheurs de l’ICRISAT qui, dit-elle, lui ont appris « de nouvelles méthodes de culture ».

elle attribuait ce succès aux chercheurs de l’ICRISAt. Après lui avoir présenté les nouvelles variétés d’arachide, ils l’ont également informée sur les marchés et sur la manière d’obtenir des informations actualisées sur le prix des produits. Il acquérait ainsi un nouveau pouvoir de négociation et des connaissances fraîches.

« Nous avons appris auprès d’eux de nouvelles méthodes de culture », a-t-elle affirmé. « et ils nous ont aidés à obtenir un meilleur prix pour les arachides ».

Sur une partie des 11 hectares de terres agricoles de judith, sa mère, esther banda, âgée de 68 ans, s’émerveillait devant les changements intervenus dans l’agriculture depuis qu’elle est une jeune dame. maintenant, dit-elle, les femmes agriculteurs avaient une occasion de prospérer. « dans l’ancien temps, on ne pouvait pas parler librement », a déclaré esther. « je ne suis pas surprise par son succès car à présent, nous pouvons nous organiser plus facilement ».

Sa fille a déclaré que le changement résulte d’un certain nombre de facteurs. mais par-dessus tout, a dit judith, un agriculteur doit être passionné par le travail.

« j’aime cultiver », a-t-elle affirmé en parcourant ses champs de maïs, de tabac, d’arachide, de citrouille et de manioc. « j’aime tout dans ce travail. je réfléchis toujours bien à l’avance ».

Quelle sera la suite pour elle ? judith, âgée de 33 ans, a compris tout de suite. « Raffiner l’arachide pour produire de l’huile de cuisson », a-t-elle dit. « ensuite, je la vendrai. j’ai appris qu’il existe un bon marché ».

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Mozambique

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Patates douces

Un groupe de chercheurs du Centre international de la pomme de terre (CIP), basé au Pérou, s’efforce de promouvoir la culture de la patate douce en Afrique du fait de son potentiel commercial et de ses qualités nutritionnelles. La patate douce à chair orange contient beaucoup de vitamine A ; or, la carence en vitamine A, qui toucherait 71 % des petits mozambicains de moins de cinq ans, peut entraîner des retards de croissance, affaiblir les défenses immunitaires, augmenter la mortalité et provoquer une maladie conduisant à la cécité.

Suite aux inondations de l’an 2000 au mozambique, qui ont dévasté des exploitations sur d’immenses étendues dans le pays et désorganisé l’approvisionnement en semences par les circuits informels et officiels, les chercheurs ont vu une occasion de tirer parti de cette catastrophe. Aux nombreux agriculteurs contraints de repartir à zéro, ils ont conseillé de se lancer dans une nouvelle

culture : celle de la patate douce, qui n’était cultivée jusqu’alors qu’en petites quantités.

à boane, les chercheurs ont montré aux agriculteurs des dizaines de variétés expérimentales. La coopérative agricole du village, composée de 38 familles, a été partante.

« Ils n’ont pas eu de mal à nous convaincre », raconte Alfredo Chavanguane, 60 ans, secrétaire de la coopérative. « Quand on voit des champs de patate douce, on se dit que ça pousse bien. Avant, on faisait principalement du maïs. mais nous avons compris qu’il était possible de faire les deux. je pense que la patate douce va vraiment révolutionner l’agriculture dans le coin. »

Le succès rencontré par la patate douce ici et dans beaucoup d’autres communautés au mozambique et ailleurs en Afrique n’est pas venu tout seul. Les chercheurs ont mis au point une stratégie à

boANe, mozAmbIQUe — ICI, à QUeLQUeS KILomètReS SeULemeNt AU SUd de mAPUto,

LA CAPItALe, LA teRRe eSt CULtIvée à PeRte de vUe. UN CANAL d’IRRIGAtIoN AmèNe L’eAU AUx

CULtUReS. et AUx heUReS ChAUdeS de LA joURNée, toUt Le moNde Se RetRoUve à L’ombRe

deS ImmeNSeS mANGUIeRS. mAIS Ce CALme APPAReNt eSt tRomPeUR. boANe A CoNNU de

GRANdS ChANGemeNtS CeS deRNIeRS temPS, eNtRe AUtReS PoUR UNe RAISoN ImPRobAbLe eN

foRme de RACINe oRANGe eNfoUIe PRofoNdémeNt dANS Le SoL : LA PAtAte doUCe.

les trésors cachés d’une racine orange

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Sur un marché animé de Bobole, au Mozambique, une marchande vend des légumes qui font fureur : des patates douces à chair orange.

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plusieurs dimensions. tout d’abord, les scientifiques du CIP et de l’Institut international d’agriculture tropicale (IItA) se sont lancés dans le marketing social pour trouver des moyens de promouvoir la consommation de patates douces dans la population.

maria Isabel Andrade, 50 ans, sélectionneuse de patate douce à maputo et spécialiste des semences au CIP, a ajouté une casquette officieuse à ses attributions : celle d’ambassadrice de la patate douce. Le orange est devenu la couleur de sa vie. elle a commandé des milliers de t-shirts orange et de jupes portefeuilles orange à donner en cadeau. elle a orchestré des campagnes médiatiques sur la patate douce à chair orange dans les journaux et à la radio. elle a engagé un artiste peintre pour réaliser des peintures murales où l’on voit des personnages en forme de patate douce qui travaillent aux champs en arborant un grand sourire. elle a peint son armoire en orange. elle s’est même trouvé une toyota Land Cruiser orange vif.

« vous savez, il faut croire dans ce que vous faites », se justifie-t-elle. « Alors les gens vous suivront. »

Les chercheurs du CIP ont aussi exposé tous les avantages de la patate douce pour les enfants dont les familles en cultivent. Selon une étude conduite par jan Low, responsable régional du CIP pour l’Afrique subsaharienne à Nairobi, les chercheurs ont constaté qu’en zambézie, province située au centre du mozambique, sur une période de deux ans, les actions menées pour informer les parents des qualités nutritionnelles de la patate douce avaient eu un réel impact. La patate douce contient non seulement du bêta-carotène, précurseur de la vitamine A, mais elle est aussi une bonne source de vitamine C, de manganèse, de cuivre, de fibres, de vitamine b6, de potassium et de fer.

Les enfants des familles qui avaient été informées des bienfaits de la patate douce consommaient près de huit fois plus de vitamine A que les enfants des foyers n’ayant pas bénéficié de ces actions d’information. à la fin de l’étude, la prévalence de la cachexie et du retard de poids était sensiblement plus élevée dans le groupe n’ayant pas été encouragé à manger de la patate douce — 6 % étaient diagnostiqués cachexiques, contre 3 % dans le groupe informé, et 34 % étaient en retard de poids, contre 24 % dans le groupe informé.

Puis, grâce à un don de 3,5 millions de dollars de l’Agence des états-Unis pour le développement international et du Gouvernement mozambicain, le CIP et l’IItA ont distribué, entre 2000 et 2007, 813 568 boutures de patate douce à planter à des familles dans tout le pays. Près de 500 hectares ont été plantés pour obtenir 2,9 millions de kilos de boutures. L’argent a aussi servi à informer les cultivateurs sur les multiples usages des patates douces, comme le pain, la farine, les biscuits, les frites, le pudding et les gâteaux. Les feuilles de patate douce se mangent aussi.

Chez Alianca Padaria, une boulangerie de maputo, les propriétaires ont décidé de fabriquer du pain à la patate douce après la visite de Cheila martins, agent d’information du CIP, qui les a persuadés que les clients aimeraient ça. Cheila martins a lancé plusieurs projets réussis de pain à la patate douce dans plusieurs districts montagneux du pays, et a pu ensuite convaincre 10 boulangeries à sauter le pas dans le reste du pays. La boulangerie Alianca, comme les autres, a utilisé de la chair de patate douce, et non pas de la farine car, comme leur a expliqué maria Isabel Andrade, la chair contient davantage de vitamine A que la farine produite à partir de patates douces à chair orange. « Ce pain constitue une autre solution pour les gens d’ici — et peut-être moins chère compte tenu de

l’augmentation du prix du blé », estime victor miguel, l’un des propriétaires de la boulangerie.

Le premier jour, 90 miches à la patate douce ont été vendues en quelques minutes. elias manhique, 35 ans, boulanger, trouve que « le pain a très bon goût. et il est très pratique : pas besoin d’ajouter du beurre ou de la confiture. Il se mange comme ça, tellement c’est bon ».

Au village de boane, cette nouvelle est la bienvenue. Les boulangeries offrent un nouveau débouché aux producteurs de patate douce. La coopérative locale va planter cinq hectares de patates douces en 2008, soit le double de l’année précédente.

La patate douce, avec les variétés de tomates à haut rendement, le chou, le poivron et le concombre, ont permis de relever le niveau de vie des membres de la coopérative. Ils sont encore loin d’être riches — aucun d’eux ne possède de voiture — mais leur horizon s’est élargi. Les années précédentes, seulement deux enfants des familles de la coopérative étaient allés à l’université, alors qu’aujourd’hui, six jeunes se préparent à faire des études supérieures.

La patate douce a directement contribué à cette amélioration : pour les enfants, elle est devenue un élément important de leur régime alimentaire.

« je commence à donner de la patate douce à mon bébé », sourit deolinda Charles, 32 ans, son fils de quatre mois, Carlos, bien emmailloté sur son dos. « Les chercheurs m’ont dit que ça l’aiderait à bien grandir, qu’il y avait de la vitamine A dedans. je suis très contente. »

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Au village de Boane (Mozambique), Alice Machava (à droite) récolte des patates douces, un légume qui a amélioré la situation financière de sa coopérative agricole.

Maria Isabel Andrade, chercheur au CIP, énumère toutes les vertus de la patate douce — qui peut même servir à faire du pain.

La patate douce peut être une importante source de vitamine A pour les enfants. Deolinda Chad (à gauche) commence à en donner à son bébé, Carlos.

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Zimbabwe

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jemImAh NjUKI Se SoUvIeNt bIeN de LA femme AU mALAWI QUI A doNNé à SoN fILS Le Nom d’UN LéGUme.

elle l’a baptisée Nyemba, ce qui signifie « haricot » en Chichewa. La raison donnée par la mère était simple : le projet de Njuki lui ayant permis de trouver de meilleurs marchés pour ses haricots, le niveau de vie de la dame s’est grandement amélioré, à telle enseigne qu’elle voulait le célébrer chaque fois qu’elle dirait le nom de son fils.

« elle a dit que cela l’avait complètement changée », a confié Njuki, basée au zimbabwe. « Quand nous avons tenu la première réunion des femmes agriculteurs, elle ne s’y est pas rendue parce qu’elle n’avait pas de vêtement à se mettre. mais après qu’elle a commencé à vendre ses haricots à des prix meilleurs, elle est venue à la réunion suivante vêtue d’un chemisier blanc, d’une jupe et de chaussures, elle était transformée ».

Njuki, 36 ans, est titulaire d’un doctorat en études de développement, et son travail se situe surtout dans les champs aux côtés des agriculteurs. Le temps qu’elle a passé en tant que spécialiste en sciences sociales au Centre international d’agriculture tropicale (CIAt) lui a permis de se forger une vision proche des réalités de la terre. elle travaille à l’initiative entreprises rurale innovantes (eRI), qui s’est étendue en

l’espace de six ans à 10 pays et a porté assistance à plusieurs milliers de groupements d’agriculteurs à travers des partenariats avec des organisations nationales de recherche et développement. elle vise surtout à enseigner aux agriculteurs, notamment aux femmes, comment trouver eux-mêmes de nouveaux marchés et participer à la recherche et développement.

« Il faut renforcer les capacités des agriculteurs afin qu’ils puissent aller à la recherche de marchés », a-t-elle déclaré pendant une visite en Afrique du Sud. « Ils doivent s’organiser et produire ce dont le marché a besoin ».

elle a évoqué un groupement d’éleveurs de porcs au malawi qui étaient formés grâce au programme. « Ils étaient très ambitieux », a-t-elle affirmé. « Ils se sont rendus dans les supermarchés, ils sont allés dans une usine de porc et ensuite ils ont commencé à s’adresser à des oNG. Ils ont appris que les oNG voulaient acheter des porcins qui seront donnés à d’autres agriculteurs. Nous n’avons jamais envisagé qu’ils vendraient des porcins à des oNG, mais c’est ce qu’ils sont en train de faire ».

Jemimah Njuki

« Il existe un moyen de sortir

de la pauvreté »

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Pour Jemimah Njuki, chercheur en sciences sociales au CIAT basée au Zimbabwe, pour améliorer les conditions de vie dans les villages, il faut « mettre de l’argent entre les mains des femmes ».

en outre, a-t-elle dit, les oNG embauchent désormais des éleveurs de porcs expérimentés pour enseigner aux novices comment élever des porcs — pour un salaire équivalant aux bénéfices qu’ils tirent de la vente de porcins. Les agriculteurs gagnent désormais plus de 1 000 dollars par an, ce qui correspond à près du triple de leur revenu antérieur.

Njuki était la septième des huit enfants d’une famille agricole dans un village du centre du Kenya. « Nous n’étions pas dans la gêne, mais nous n’étions pas riches non plus », a-t-elle affirmé. elle a confié qu’avoir grandi au milieu de la pauvreté la rendait sensible à ceux qui ont peu, en particulier les autres femmes pratiquant l’agriculture ».

Ils la motivaient.

« Quand je vais dans un village et observe la pauvreté qui y règne, je sais qu’ils n’ont pas à vivre comme ça », a-t-elle affirmé. « Il existe un moyen de sortir de la pauvreté. Si vous mettez de l’argent entre les mains d’une femme, cet argent contribue énormément à améliorer la vie du ménage. Les enfants vont maintenant à l’école, particulièrement les filles. C’est de cette façon qu’il faut améliorer leur condition de vie ».

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Biographies

John donnelly

dominic chavez

john donnelly est un écrivain basé à Washington et spécialisé dans les questions de développement international, de pratiques agricoles dans les pays en développement et de la santé dans le monde. Il est actuellement vice-président et rédacteur en chef de burness Communications à bethesda (maryland). de 1999 au début de l’année 2008, il était journaliste à The Boston Globe. Il a travaillé pendant six ans au bureau du journal à Washington et passé trois ans en Afrique où il a ouvert son premier bureau sur le continent. Avant de rejoindre le Globe, il a travaillé pendant quatre ans à jérusalem et au Caire où il couvrait le moyen orient pour Knight Ridder et le Miami Herald. Il a remporté plusieurs prix, notamment comme membre de l’équipe qui assuré la couverture de l’ouragan Andrew pour le Miami Herald et qui a été récompensée par le prix Pulitzer. Il a reçu également des prix individuels décernés par le Global health Council, ReSULtS, InterAction et la Société américaine de médecine et d’hygiène tropicales. Il a bénéficié d’une bourse de la fondation Kaiser en 2007-2008. Il vit a Chevy Chase (maryland) avec sa femme Laura hambleton et leurs trois enfants.

depuis 1991, le photographe indépendant dominic Chavez a couvert un large éventail de sujets, aux états-Unis comme ailleurs. de 1997 à 2008, il a travaillé dans l’équipe de photographes du The Boston Globe. Il a couvert de nombreux conflits, de l’Irak à l’Afghanistan en passant par l’Angola. Ses photos ont montré les effets de la guerre contre la drogue en Colombie et aux états-Unis, et rendu compte de nombreux problèmes sanitaires en Afrique. Il travaille actuellement sur la santé aux états-Unis et dans le monde entier. Il a reçu un grand nombre de récompenses pour son travail, notamment en 2000 le prix du photographe de l’année de la boston Press Photographers Association (bPPA), et est arrivé premier au Concours international des photos de l’année (Poy) pour ses clichés de la guerre en Irak en 2004. dominic Chavez vit à Chelsea (massachusetts) avec sa femme Silvia Lopez Chavez.

{ 68 } Une passion hors norme . Biographies

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Les Membres du CGIARAfrique du SudAllemAgneAuStrAlieAutricheBAnglAdeShBAnque AfricAine de

développementBAnque ASiAtique de

développementBAnque

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nAtionS unieS pour l’AlimentAtion et l’Agriculture

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nAtionS unieS pour le développement

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thAïlAndeturquie

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Agriculteurs et chercheurs, tous unis contre la faim en Afrique

Reportages : John Donnelly Photos : Dominic Chavez

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