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Une stratégie innovante pour accroître l’efficacité des traitements anticancéreux

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Page 1: Une stratégie innovante pour accroître l’efficacité des traitements anticancéreux

8actualités

Actualités pharmaceutiques n° 484 Avril 2009

Donner l’illusion

aux cellules

tumorales qu’elles

n’ont plus d’autre

alternative que

d’entrer en apotose,

tel est le principe

des ingénieuses

molécules appelées

Dbait, développées

par l’équipe dirigée

par Marie Dutreix

à l’Institut Curie

d’Orsay (91).

La radiothérapie ou la chimiothérapie consis-tent principalement à

provoquer des dommages dans l’ADN des cellules tumorales pour les détruire. Or, ces dom-mages ne sont pas toujours suffisants pour tuer les cellu-les tumorales, sans compter que des résistances peuvent apparaître.

L’équipe de Marie Dutreix à l’Institut Curie vient de découvrir une approche originale et inno-vante pour accroître l’efficacité de la radiothérapie, voire de la chimiothérapie. Son principe est simple : leurrer les cellules tumo-rales en leur faisant croire que le nombre de dommages qu’elles ont subi du fait des traitements est bien supérieur à la réalité.

Leurrer les cellules tumoralesL’un des dommages les plus préjudiciables pour la cellule est une cassure de son maté-riel génétique. Une rupture des deux brins de la double hélice d’ADN représente, pour elle, une perte d’information. Bien qu’elle possède des systèmes de répa-ration pouvant combler de telles brèches, face à un trop grand nombre de cassures, la cellule est débordée et peut décider de se mettre en veille, voire d’en-trer en apoptose, c’est-à-dire en mort cellulaire programmée.L’équipe de Marie Dutreix a eu l’ingénieuse idée de confection-

ner des molécules, appelées Dbait (pour DNA double-strand breaks (DSB) bait), qui miment les cassures de l’ADN. Il s’agit de petits fragments d’ADN double brin de quelques dizai-nes de nucléotides de long. Les chercheurs ont constaté que, transfectées dans des cellules, ces molécules perturbent les systèmes de réparation natu-rels de l’ADN et en réduisent l’efficacité. Ils ont évalué l’ac-tion de ces molécules dans des modèles animaux porteurs de carcinomes de la tête et du cou, ou de mélanomes, résis-tants à la radio thérapie et ont alors constaté une augmenta-tion significative de l’efficacité de la radiothérapie.Ainsi, les Dbait entraînaient une réduction très significative du volume tumoral, et dans plus d’un cas sur cinq, la totale disparition de la tumeur. Dans l’étude réalisée, la nécrose due à la mort des cellules tumora-les touchait ainsi 75 à 100 % de la zone tumorale avec l’as-sociation Dbait-radiothérapie, contre 30 à 50 % pour les tumeurs uniquement traitées par radiothérapie.En fait, ces molécules à base d’acides nucléiques amplifie-raient les dommages cellulaires réels en monopolisant les enzy-mes en charge de leur répara-tion à d’autres tâches que celles de la réparation des préjudices effectivement induits par les radiations ionisantes. Les sys-tèmes de réparation chargés d’éliminer les dommages esti-meraient alors à tort qu’ils ne sont plus capables de restaurer l’intégrité des cellules et enver-raient des signaux de détresse

aux cellules. Ainsi leurrées, les cellules n’auraient d’autres choix que d’entrer en apoptose, d’où une régression de la tumeur.

Des études cliniques sur l’homme en diront plusL’un des avantages de ces molé-cules leurres est lié à leur mode d’action. Comme elles ne ciblent pas une protéine spécifique, mais un mécanisme général, il y a très peu de risque que les cellules cancéreuses ne développent une résistance. Par ailleurs, l’effet de ces molécules est strictement localisé à la région traitée par l’ir-radiation. En outre les Dbait pour-raient également être associés à la chimiothérapie qui, elle aussi, s’attaque à l’ADN des cellules.Le champ d’action de ces petites molécules serait donc très large et extrêmement prometteur. Les chercheurs et les médecins travaillent désormais ensemble pour étudier l’efficacité clinique des Dbait chez les patients. Si ces études sur l’homme se révèlent convaincantes, nul doute que ces nouvelles molé-cules pourraient une fois encore améliorer la prise en charge des pathologies tumorales. �

Sébastien Faure

Maître de conférences des Universités,

Faculté de pharmacie, Angers (49)

[email protected]

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Face à un trop grand nombre de cassures, la cellule est débordée et peut décider de se mettre en veille, voire d’entrer en apoptose, c’est-à-dire en mort cellulaire programmée.

RéférenceQuanz M, Berthault N, Roulin C, Roy M, Herbette A, Agrario C, Alberti C, Josserand V, Coll JL, Sastre-Garau X, Cosset JM, Larue L, Sun JS, Dutreix M, Small molecular drugs mimicking DNA damage (Dbait): a new strategy for sensitizing tumors to radiotherapy. Clinical Cancer Research 2009; 15(4): 1308-16.