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Conseil exécutif Point 37 de l'ordre du jour provisoire RÉFLEXION ET ANALYSE DE L’UNESCO SUR L’INTERNET L’UNESCO ET L’UTILISATION DE L’INTERNET DANS SES DOMAINES DE COMPÉTENCE Cent quatre-vingt-sixième session Résumé Présenté en application de la décision 185 EX/42, ce document d’information contient des renseignements et une analyse détaillés concernant l’utilisation de l’Internet par l’Organisation en vue de l’exécution de son mandat. Il fait le point de l’essor de l’Internet et des tendances actuelles en la matière, en se référant au rôle de l’UNESCO dans la gouvernance de l’Internet. En particulier, il définit les mesures spécifiques à prendre à l’avenir pour que l’Organisation puisse exploiter au maximum le potentiel de l’Internet pour réaliser ses objectifs prioritaires : la promotion de la paix et le développement durable. 186 EX/INF.11 PARIS, le 29 avril 2011 Anglais et français seulement

UNESCO. Executive Board; 186th; Réflexion et analyse de …unesdoc.unesco.org/images/0019/001921/192199f.pdf · C’était l’époque où il servait surtout à ses usagers pour

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Conseil exécutif

Point 37 de l'ordre du jour provisoire

RÉFLEXION ET ANALYSE DE L’UNESCO SUR L’INTERNET

L’UNESCO ET L’UTILISATION DE L’INTERNET DANS SES DOMAINES DE COMPÉTENCE

Cent quatre-vingt-sixième session

Résumé

Présenté en application de la décision 185 EX/42, ce document d’information contient des renseignements et une analyse détaillés concernant l’utilisation de l’Internet par l’Organisation en vue de l’exécution de son mandat. Il fait le point de l’essor de l’Internet et des tendances actuelles en la matière, en se référant au rôle de l’UNESCO dans la gouvernance de l’Internet. En particulier, il définit les mesures spécifiques à prendre à l’avenir pour que l’Organisation puisse exploiter au maximum le potentiel de l’Internet pour réaliser ses objectifs prioritaires : la promotion de la paix et le développement durable.

186 EX/INF.11 PARIS, le 29 avril 2011 Anglais et français seulement

(i)

TABLE DES MATIÈRES

Page Introduction ....................................................................................................................................... 1

I. Genèse et évolution de l’Internet............................................................................................. 1

II. Incidences des changements survenus dans l’environnement Internet .................................. 4

III. Gouvernance de l’Internet et rôle de l’UNESCO ..................................................................... 4

IV. Grands domaines d’activité de l’UNESCO en rapport avec l’Internet, défis et ouvertures..... 5

(a) Éducation ........................................................................................................................ 5

(b) Sciences exactes et naturelles ....................................................................................... 7

(c) Sciences sociales et humaines....................................................................................... 9

(d) Culture .......................................................................................................................... 10

(e) Accès à l’information et aux savoirs.............................................................................. 12

(f) Liberté d’expression, démocratie et paix ...................................................................... 15

(g) Conservation du patrimoine numérique ........................................................................ 17

V. La voie à suivre ..................................................................................................................... 18

(a) Recherche et normalisation .......................................................................................... 19

(b) Renforcement des capacités ........................................................................................ 21

(c) Rôle des réseaux et des partenariats de l’UNESCO .................................................... 23

Conclusion ...................................................................................................................................... 23

Figure 1 : Prix et pénétration des technologies mobiles et du large bande dans les pays en développement en 2009 .......................................................................................2

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Introduction

1. Dans sa décision 185 EX/42, le Conseil exécutif demande à l’UNESCO de lancer une réflexion et une analyse portant sur tous les aspects de l’Internet, dans le contexte des programmes existants de l’Organisation. Les résolutions antérieures de la Conférence générale et les décisions antérieures du Conseil exécutif indiquent les thèmes à retenir pour cette réflexion1, en particulier l’édification de sociétés du savoir, avec les quatre principes fondamentaux qui la sous-tendent : liberté d’expression, éducation de qualité pour tous, accès universel à l’information et aux savoirs, respect de la diversité culturelle et linguistique. Ces décisions exigent de l’UNESCO qu’elle joue le rôle qui lui a été confié dans le débat sur la gouvernance de l’Internet, la sensibilisation et le développement des capacités en matière de création de contenus, et qu’elle fasse valoir l’importance de la coopération intersectorielle et de partenariats étroits avec les gouvernements et les autres parties prenantes.

2. Compte tenu des principes fondamentaux susmentionnés et à la lumière de l’objectif primordial de l’UNESCO – édifier une culture de la paix – le présent document passe en revue tous les aspects de l’Internet, en citant des exemples tirés des programmes existants de l’Organisation. Il appelle l’attention sur les défis et les thèmes émergents et propose une stratégie pour l’avenir. La première partie du document examine la situation actuelle du développement de l’Internet à la lumière du mandat fondamental de l’UNESCO, et cite les mandats d’autres organisations en matière d’Internet. Les diverses activités proposées dans les dernières sections du document dépassant peut-être les capacités opérationnelles de l’Organisation, il est recommandé que les États membres formulent des orientations concernant les activités en rapport avec l’Internet que l'UNESCO devrait considérer comme prioritaires.

I. Genèse et évolution de l’Internet

3. L’Internet est un réseau mondial de réseaux informatiques interconnectés. Mis en place dans les années 1960 et 1970, dans le cadre de recherches financées sur fonds publics aux États-Unis d’Amérique, il a eu pour premiers usagers des militaires et des techniciens, puis des universitaires. Depuis le début des années 1990, son utilisation s’est rapidement développée par le jeu d’abonnements privés et d’applications commerciales, dans les pays développés d’abord, stimulée à partir de 1991 par l’expansion de la Toile mondiale [World Wide Web (www), « le Web »] permettant de lier information et savoirs. C’était l’époque où il servait surtout à ses usagers pour le courrier électronique, les recherches sur le Web, les pages Web statiques et le commerce électronique. Le nombre d’usagers de l’Internet a doublé entre 2005 et 2010, pour atteindre près de 2 milliards de personnes, la Chine comptant le plus grand nombre d’internautes dans le monde2. Les régions où le pourcentage d’accroissement des usagers est le plus fort depuis 2000 sont l’Afrique, le Moyen-Orient, et l’Amérique latine et les Caraïbes 3 , même si les taux de pénétration dans ces régions, de même qu’en Asie, sont encore globalement relativement faibles4.

4. La résilience de l’Internet et son caractère éclaté posent des problèmes sur le plan de la réglementation. L’Internet s’est développé grâce à une collaboration fondée sur la participation en l’absence de tout dispositif de gouvernance global. La propriété des réseaux interconnectés était répartie entre le secteur public, le secteur privé, des institutions universitaires et la société civile. Le Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI), 2003-2005, a été le premier événement intergouvernemental consacré à un examen des incidences qu’aurait l’apparition de sociétés du savoir. Les débats du SMSI ont porté sur la question de savoir comment améliorer l’accès à l’Internet, réduire les coûts d’interconnexion et accroître la mise en place des infrastructures 1 Résolutions 35 C/62 et 33 C/52 et décision 174 EX/13. 2 La Chine compte 420 millions d’utilisateurs de l’Internet. Source : UIT, the World in 2010, octobre

2010. 3 Afrique : accroissement de 2 357,3 % de décembre 2000 à décembre 2010, Moyen-Orient 1 825,3 %,

Amérique latine/Caraïbes 1 032,8. Source : Internet World Stats. 4 Pénétration en Asie et Pacifique 21,9 %, en Afrique 9,6 %, contre 65 % en Europe. Source UIT, the

World in 2010, octobre 2010.

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voulues dans les pays en développement, ainsi que sur les aspects sociaux, culturels et éthiques de sociétés du savoir inclusives. L’Agenda de Tunis pour la société de l'information (SMSI, 2005) a défini les rôles et les responsabilités des différents groupes intervenant pour la gouvernance de l’Internet.

5. Depuis 2005, la mise en place des infrastructures a progressé ; une dorsale en fibre optique a été installée sur le pourtour du continent africain, avec nombre d’embranchements vers l’intérieur, et le développement des technologies Internet mobiles a permis d’équiper des régions où les infrastructures fixes de communications faisaient auparavant défaut. Les chiffres de l’UIT montrent qu’il y a désormais dans le monde 5,3 milliards d’abonnements de téléphonie mobile, et que le passage des technologies 2G aux technologies 3G (de troisième génération, donnant accès à l’Internet) se poursuit sans faiblir5. En Afrique, les taux de pénétration des mobiles ont atteint 41 % selon les estimations à la fin de 20106. Partout dans le monde, le remplacement rapide de l’accès commuté à Internet par lignes fixes par l’accès à large bande améliore substantiellement la qualité du service pour ceux qui en bénéficient, même si dans certains cas, le fait que l’accès commuté de base soit moins disponible ralentit peut-être le progrès vers l’accès universel. Quand on compare les coûts et l’utilisation effective de l’accès mobile à ceux du large bande dans les pays en développement, on constate que l’accès mobile à l’Internet pourrait contribuer à réduire les coûts tout en élargissant l’accès, bien que cette technologie ne représente pour l’instant qu’une toute petite part des abonnements mobiles dans la plupart des pays en développement.

Figure 1 : Prix et pénétration des technologies mobiles et du large bande dans les pays en développement en 2009

6. Parallèlement, d’importants changements sont intervenus dans la façon dont les gens utilisent l’Internet, notamment l’apparition du « Web 2.0 », permettant plus d’échanges et de collaboration par les wikis, les blogs, le partage des fichiers, la télévision, la lecture de musique et de vidéos en temps réel, les livres électroniques, les réseaux sociaux, la réalité virtuelle et les jeux interactifs multi-utilisateurs.

7. Le développement du mouvement du Libre accès (Open Access) est une évolution majeure qui permet aux détenteurs de droits d’utiliser des licences spéciales telles Creative Commons pour mettre leur travail à disposition gratuitement, principalement par Internet. Le mouvement du Libre accès a été lancé suite à l’adhésion de la société civile aux déclarations souvent appelées les 3B 5 The World in 2010: ICT facts and figures, UIT, octobre, 2010. 6 Ibid.

Prix moyen dans les pays en développement, 2009 Pénétration dans les pays en développement, 2009

Source : Rapport Mesurer la société de l’information 2010, UIT

Panier d’accès par mobile cellulaire

Panier d’accès au large bande fixe

Abonnements aux mobiles cellulaires

Abonnements au large bande fixe

Prix mensuel (en dollars, parités de pouvoir d’achat)

Pour 100 habitants

Source : UIT

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(Déclaration de Budapest (2002), Déclaration de Bethesda (juin 2003), et Déclaration de Berlin (2003)), et depuis lors les gouvernements, les établissements d’enseignement et les périodiques spécialisés sont de plus en plus nombreux à souscrire à ce modèle. En 2002 l’UNESCO a organisé un Forum sur l'impact des didacticiels libres pour l'enseignement supérieur dans les pays en développement où a été défini le terme « ressources éducatives libres » qui désigne les matériels pédagogiques en libre accès. Il y a à l’heure actuelle plus de 6 000 périodiques en accès libre7 et plus de 1 200 référentiels institutionnels offrant l’accès libre à des résultats de recherches et des ressources éducatives8, ce qui est bénéfique pour la recherche et l’enseignement dans le monde entier, en particulier pour les scientifiques, les enseignants et les étudiants des pays en développement pour qui l’accès à ces ressources aurait été auparavant inabordable.

8. Un autre phénomène récent est « l’informatique en nuage » (Cloud Computing), c'est-à-dire la vente au détail d’applications et services Internet qui n’étaient précédemment offerts qu’à de grosses entreprises, par exemple des infostructures, des plates-formes ou des logiciels. L’informatique en nuage offre l’occasion de surmonter les inégalités d’accès et de soutenir une croissance équilibrée. Il peut abaisser substantiellement le montant des investissements nécessaires (serveurs, logiciels, contrats de service…), offrant des possibilités dynamiques à de nouveaux usagers des pays en développement. Si une infostructure en nuage se crée dans les pays en développement, cela aidera aussi à y améliorer les capacités technologiques et les moyens d’existence. Mais la manière nouvelle dont le nuage fournit les logiciels aura probablement des retentissements sur les schémas classiques de licences et d’investissements concernant les logiciels, avec des conséquences directes pour la notion de logiciels libres et Open Source, aspect central pour l’UNESCO. Elle entraîne aussi de nouveaux défis, par exemple la domination de quelques géants de l’Internet, l’éventualité de conflits avec la réglementation des pays visant la sécurité des données et la protection de la vie privée, ainsi que toute une série de questions intéressant la culture.

9. Alors que nous assistons à une large diffusion de la connectivité à l’Internet, la fracture numérique – qui désigne les inégalités entre les régions et les pays en termes d’accès à l’information et aux moyens de communication – continue de priver certains groupes de l’accès à des opportunités socioéconomiques, à l’éducation et à la participation démocratique. La fracture numérique existe non seulement entre les villes et les zones rurales, mais aussi entre groupes définis par le sexe, l’âge, l’origine ethnique, l’instruction et la situation économique. Cette fracture se mesure compte tenu de facteurs tels que l’accès physique à la technologie et aux ressources, mais aussi la maîtrise des médias et de l’information par le public, cette compétence étant indispensable à sa participation effective à la société numérique. En particulier, les femmes ont, depuis le départ, moins accès à l’Internet que les hommes et moins de possibilités qu’eux de constituer des communautés en ligne et de partager leur expérience à l’échelle mondiale9. C’est ce que montrent clairement le niveau relatif d’utilisation de l’Internet par les femmes à des fins de participation civique, leurs inscriptions à des programmes d’enseignement de l’informatique, leur participation à la conception de technologies de l’information ou leur représentation dans le débat de gouvernance de l’Internet. L’Internet est pourtant un moyen unique d’ouvrir la voie à l’autonomisation des femmes, à qui il permet d’accéder à toutes sortes de ressources qui viennent enrichir la vie familiale, améliorer la santé, renforcer l’éducation et créer des opportunités économiques. Les recherches ne s’intéressent guère à l’utilisation de l’Internet par les hommes et par les femmes en tant que groupes sociaux distincts ayant des besoins, des aspirations et des exigences différents.

7 The Directory of Open Access Journals : http://www.doaj.org/. 8 The Ranking Web of World Repositories : http://repositories.webometrics.info. 9 Division de statistique de l’ONU, 2009.

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II. Incidences des changements survenus dans l’environnement Internet

10. Le développement des réseaux sociaux, du large bande, de l’accès mobile et de l’informatique en nuage ouvre d’énormes perspectives à tous les usagers de l’Internet, surtout dans les pays en développement qui ont jusqu’à présent tiré moins de profit de ces innovations.

11. L’exemple du plus grand réseau social, Facebook, qui dit avoir plus de 500 millions d’utilisateurs actifs, dont 70 % sont hors des États-Unis et 50 % se branchent chaque jour sur Facebook, montre bien l’ampleur de ces changements. Les réseaux sociaux offrent la possibilité de constituer des communautés de pratique, d’intérêt et d’expression culturelle qui peuvent transformer la vie professionnelle et personnelle en poussant les gens à s’adapter à l’évolution de leur environnement et à participer aux grands débats sociaux. L’usage des réseaux sociaux dans l’enseignement peut améliorer non seulement les pratiques pédagogiques, mais aussi la fraternité institutionnelle dans les processus éducatifs. Mais il faut dire aussi que la montée des réseaux sociaux a renforcé la puissance commerciale et les pouvoirs quasi réglementaires de quelques géants de l’Internet, que l’on voit de plus en plus définir des normes de comportement ou de respect de la vie privée dans leur base d’usagers, et fixer leurs propres normes de fait pour l’accès à l’information et l’échange.

12. Les questions deviendront plus vastes et plus difficiles à mesure que l’Internet, qui était un réseau d’ordinateurs, devient un réseau d’« objets », et que des appareils tels que téléphones mobiles, instruments et appareils ménagers s’y relient selon les mêmes protocoles. À plus long terme, peut-être que des véhicules intelligents ou des vêtements pourvus de capteurs y seront reliés, et on peut même penser à des cerveaux humains reliés, ce qui donnera d’autant plus d’acuité aux défis infoéthiques auxquels se trouvera confrontée l’UNESCO, en ce qui concerne en particulier les droits de l’homme. La montée exponentielle de l’accès à Internet depuis des appareils mobiles, défi pour l’UNESCO, lui offre aussi une chance d’encourager les innovations et les nouveaux usagers, et de travailler avec eux, en particulier en matière d’éducation.

13. À mesure que l’usage d’Internet s’étend, on s’inquiète plus des contenus illégaux ou malveillants. Du fait qu’on peut y rester anonyme, il peut permettre des actes nuisibles – distribution d’images de sévices à enfant, recherche de relations avec des jeunes par des pédophiles via les réseaux sociaux, brimades en ligne visant des enfants et des adultes, traite d’êtres humains, en particulier de femmes et d’enfants, développement des sites de suicide, usurpation d’identité et fraude financière, et réseaux impliqués dans des activités terroristes ou cherchant à désorganiser des États. Pour nombre d’entre eux, ces problèmes ne sont pas nouveaux, mais remontent loin dans le temps tout en se manifestant différemment sous des formes nouvelles. Les comportements qui sont illégaux dans la vie sont également illégaux en ligne. Il y a une minorité de cas où l’Internet crée effectivement des problèmes nouveaux, liés à un contenu illégal ou nuisible. On peut en voir un exemple dans le conflit entre des normes éthiques et systèmes juridiques nationaux ou régionaux et le caractère mondial, transfrontières de l’Internet. On en a un autre dans la facilité et la rapidité de distribution mondiale de l’information par Internet.

III. Gouvernance de l’Internet et rôle de l’UNESCO

14. L’expression « gouvernance de l’Internet » recouvre toute une série de questions, dont l’infrastructure, les normes techniques, les droits et le contenu. Il n’existe pas d’institution unique chargée de la gouvernance de l’Internet. Il s’agit d’un dispositif fonctionnant en mode distribué, qui continue à évoluer, et dont les participants changent en fonction de la question considérée. Parmi les grands acteurs intervenant actuellement pour la gouvernance de l’Internet, qui sont l’expression de son caractère multipartite, on peut citer notamment :

• Les acteurs intergouvernementaux chargés des éléments du programme du SMSI dans leurs domaines de compétence respectifs, tels que :

o Le DAES de l’ONU (développement, administration en ligne, coopération internationale)

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o L’UIT (infrastructure, renforcement des capacités, sécurité, environnement porteur)

o L’UNESCO (accès, science en ligne, enseignement en ligne, diversité culturelle et linguistique, médias, éthique de l’information)

o L’OCDE (économie de l’Internet)

o L’OMPI (droits d’auteur)

• L’ICANN (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers) – organisme privé sans but lucratif, responsable de la coordination mondiale des identificateurs uniques (noms de domaine et adresses IP).

• Le Groupe de travail d'ingénierie Internet [Internet Engineering Task Force (IETF)] – groupe de bénévoles financé par Internet Society, organisation de la société civile. L’IETF met au point des normes techniques pour l’Internet.

• Le Forum sur la gouvernance de l’Internet – créé par l’Agenda de Tunis du SMSI en tant que forum sans pouvoir de décision pour la concertation sur tous les sujets liés à la gouvernance de l’Internet.

15. La gouvernance de l’Internet reste très mouvante, mais les observateurs prévoient pour la plupart que le modèle restera décentralisé, fondé sur la collaboration et multipartite. Étant un des acteurs multipartites de la gouvernance de l’Internet qui cherche à atteindre les grands objectifs énoncés dans son mandat, l’UNESCO a été un participant actif du Forum sur la gouvernance de l’Internet (FGI), et l’a soutenu comme plate-forme essentielle pour l’échange d’opinions, d’idées et de préoccupations entre toutes les parties prenantes. L’Organisation a dirigé des ateliers (notamment sur la liberté d’expression sur l’Internet et sur la vie privée et les réseaux sociaux) lors des cinq réunions tenues jusqu’à présent par le Forum, et a participé en tant qu’observateur au Groupe consultatif multipartite, faisant régulièrement valoir l’importance des principes cruciaux sur lesquels reposent les sociétés du savoir inclusives. Elle a soutenu la coopération avec les gouvernements, la société civile, le secteur privé et le monde universitaire et examiné les possibilités de synergies entre les parties prenantes. Si la plupart de ces échanges ont été informels, d’autres ont été formalisés, par exemple par la création d’une coalition dynamique sur la Liberté d’expression et la liberté des médias sur l’Internet, et par la signature entre l’UNESCO et l’ICANN, en 2009, d’un accord de partenariat pour le renforcement du multilinguisme dans le cyberespace.

IV. Grands domaines d’activité de l’UNESCO en rapport avec l’Internet, défis et ouvertures

(a) Éducation

16. L’Internet a déjà montré qu’il pouvait contribuer grandement à la réalisation des objectifs de l’Éducation pour tous (EPT), en particulier ceux qui ont trait à l’accès à l’éducation et à la qualité de l’éducation. Il est en outre porteur d’opportunités considérables, au-delà des objectifs de l’EPT en ce qui concerne l’éducation de base, s’agissant de tirer parti des possibilités offertes par les technologies de l'information et de la communication (TIC), en particulier l’Internet mobile, pour promouvoir plus largement l’équité, l’inclusion et la qualité dans l’éducation et l’apprentissage tout au long de la vie en vue du développement durable et d’une culture de la paix et de la non-violence.

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17. L’UNESCO poursuit ses activités dans ce domaine selon plusieurs axes :

• Politiques publiques : L’Organisation travaille avec ses États membres à définir et analyser des politiques visant les TIC dans l’éducation, et à montrer comment aligner ces politiques sur des objectifs sociaux et économiques plus larges.

• Apprentissage en ligne de qualité : L’UNESCO vise à fournir aux gouvernements et institutions des conseils stratégiques sur la mise en place de dispositifs d’assurance qualité destinés à contrôler la qualité de l’enseignement ouvert et du téléenseignement, en particulier de l’enseignement supérieur transfrontières. Pour soutenir l’apprentissage en ligne, notamment l’apprentissage ouvert et le téléenseignement, l’Organisation élabore aussi des outils tels que la Plate-forme de formation libre (OTP) qui facilite l’accès aux didacticiels gratuits produits par des organismes des Nations Unies et des entités des secteurs public et privé.

• Formation des maîtres : Compte tenu de leur rôle important à l’ère numérique, le fait que nombre d’enseignants n’ont pas les compétences et les capacités voulues pour tirer pleinement parti de l’Internet, en tant que ressource pédagogique de base et outil pour partager des contenus pédagogiques avec d’autres communautés éducatives, représente un défi de taille. Face à cette situation, l’UNESCO, en partenariat avec de grandes entités du secteur privé qui s’occupent de formation aux TIC, s’emploie à mettre au point un Cadre de compétences des enseignants en matière de TIC, afin d’aider les responsables de la planification de l’éducation et de l’élaboration des programmes de formation pédagogique à préparer les enseignants à bien utiliser les TIC dans leur travail. En outre, l’UNESCO a mené des activités de renforcement des capacités et organisé des dialogues sur les politiques afin de développer les capacités institutionnelles des établissements de formation pédagogique publics dans les États membres.

• Technologies mobiles : Les technologies mobiles offrent d’importantes possibilités en matière d’éducation, en particulier dans les pays en développement, en donnant accès à l’information en l’absence d’infrastructure de communication fixe et en favorisant l’accès à l’information des groupes marginalisés (communautés rurales et minoritaires, femmes et filles, personnes handicapées, etc.). L’UNESCO facilite la réalisation de ce potentiel de technologie mobile en étudiant les pratiques actuelles, en encourageant les innovations et l’élaboration de contenus dans des domaines tels que l’alphabétisation, le perfectionnement des maîtres et la gestion des établissements scolaires, et en rendant compte de l’évolution des politiques publiques.

• Innovation : Dans les pays en développement et les pays sortant d’un conflit ou d’une catastrophe, le potentiel d’innovations inspirées par la technologie est énorme pour l’éducation (applications d’apprentissage à distance notamment), le développement économique et l’élimination de la pauvreté. La nécessité pousse des enseignants et des établissements courageux à aller de l’avant en sautant plusieurs étapes pour mettre au point des contenus et des applications adaptés à la situation locale et répondant aux besoins de leur communauté, dans leur environnement de communications spécifique. L’UNESCO reconnaît la valeur de ces innovations en les récompensant par le Prix UNESCO-Roi Hamad bin Isa Al Khalifa pour l'utilisation des technologies de l'information et de la communication dans l'éducation, et élargit l’impact des innovations en documentant les meilleures pratiques et en les partageant avec les États membres.

• Maîtrise des médias et de l’information : L’UNESCO promeut la notion de « maîtrise » des médias, de l’information et des technologies, afin que particuliers et communautés disposent des compétences indispensables (savoirs, compétences – notamment la capacité de porter un regard critique – et attitudes) pour utiliser efficacement les systèmes d’information et les médias, y compris l’Internet.

186 EX/INF.11 – page 7

• Ressources éducatives libres (REL) : La plate-forme de ressources éducatives libres (lancement prévu pour la fin de 2011) offrira un choix de programmes d’études et de publications éducatives parrainés par l’UNESCO sous forme de REL, permettant aux communautés de pratique du monde (enseignants, apprenants, professionnels de l’éducation…) de copier, d’adapter et de partager leurs ressources en toute liberté. L’Organisation en tirera aussi avantage grâce à l’établissement de liens plus solides et continus avec les institutions et à l’accès aux nouveaux matériels et aux innovations produits par ce réseau de praticiens de l’éducation. Le renforcement des capacités et la sensibilisation sont indispensables pour que les REL puissent être partagées facilement par nombre de pays et d’établissements d’enseignement supérieur. L’UNESCO a récemment combiné des ateliers et des forums en ligne dans son programme « Les ressources éducatives libres au-delà de leur communauté : politiques et capacités ».

Défis et thèmes émergents

18. Il est nécessaire de mieux comprendre les possibilités que peut offrir l’Internet d’aider les pays en développement à réaliser les objectifs de l’EPT, ceux-ci étant parfois dépourvus d’infrastructures éducatives, d’accès à l’Internet haut débit et de ressources qualifiées. Il faut notamment déterminer comment il serait possible de surmonter les disparités d’accès à l’Internet entre zones rurales et urbaines, de préparer au mieux les professionnels de l’éducation à se servir des TIC dans l’enseignement, de garantir l’offre de contenus de qualité dans les langues locales, etc. Une fois levés les obstacles fondamentaux à l’accès, l’Internet peut offrir des possibilités incomparables pour améliorer l’éducation grâce à l’apprentissage ouvert et à distance, l’amélioration des méthodes pédagogiques, l’accès à des matériels d’enseignement et d’apprentissage de qualité, et une meilleure autonomisation des apprenants. Les progrès technologiques feront sans doute évoluer les pratiques éducatives, et le défi consiste alors à faire en sorte que l’apprentissage en ligne réponde bien à ses objectifs, de façon à améliorer la qualité du processus éducatif. À cet égard, il est essentiel de savoir dans quelle mesure l’enseignement à distance peut compléter ou remplacer certains processus éducatifs traditionnels. Dans le contexte du programme existant de l’Organisation sur les ressources éducatives libres, il faudrait étudier plus avant l’équilibre entre la protection des droits de propriété intellectuelle et l’objectif d’assurer l’accès au savoir et la disponibilité des matériels éducatifs dans les pays en développement.

19. Les systèmes éducatifs doivent s’adapter à l’évolution des technologies et des applications de l’Internet, afin de mettre le développement de l’Internet mobile dans le monde au service d’objectifs éducatifs. Dans ce contexte, il importe de noter que l’usage des TIC dans l’enseignement soulève aussi de difficiles questions concernant la maîtrise de l’information, des TIC et des médias, ainsi que les disparités entre les sexes en matière d’utilisation et de représentation.

20. Il est également nécessaire de mieux comprendre comment l’Internet modifie pour ses usagers les modalités de l’auto-apprentissage et de l’apprentissage coopératif. Grâce aux réseaux virtuels de pairs, les apprenants tirent parti des possibilités offertes par les TIC et se constituent des environnements d’apprentissage stimulants. Des mouvements de ce type mettent en question dans certains cas les modèles éducatifs classiques, tandis que d’autres réseaux ayant une fonction fondamentalement pédagogique (par exemple YouTube) se développent aussi en dehors des pratiques et des autorités éducatives traditionnelles.

(b) Sciences exactes et naturelles

21. L’Internet, constitué au départ pour relier des laboratoires de recherche du monde entier, offre une facilité sans précédent pour partager à l’échelle mondiale des informations spécialisées, permettant de communiquer instantanément des informations urgentes à un réseau ciblé. Fondée sur le rôle essentiel que l’Internet peut jouer pour prévenir les risques de catastrophe et assurer le partage des informations humanitaires dans les environnements de post-conflit et de post-catastrophe, la coordination par l’UNESCO de la mise en place de systèmes régionaux d’alerte

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avancée aux tsunamis à la suite du tsunami de l’océan Indien de 2004 a aidé à accroître les capacités des États membres et a réduit les ressources nécessaires à la mise en œuvre des systèmes nationaux d’alerte aux tsunamis.

22. Le caractère universel de questions telles que le changement climatique ou la perte de biodiversité fait que les communautés scientifiques traditionnelles n’ont pas assez de ressources humaines pour collecter et analyser les données voulues. L’Internet offre la possibilité de développer la portée de la recherche scientifique à la mesure de la situation environnementale actuelle, grâce à la mise au point par des experts de méthodes ou techniques à utiliser par des particuliers intéressés (« science citoyenne »). Dans le cadre du Programme sur l’homme et la biosphère (MAB), une plate-forme communautaire sur le Web pour le Réseau mondial de réserves de biosphère permet l’échange d’informations, de connaissances et de bonnes pratiques. Le répertoire des réserves de biosphère du Programme MAB de l’UNESCO est une carte interactive montrant les sites des réserves de biosphère à travers le monde et donnant des informations détaillées sur chaque réserve si l’on clique dessus.

23. Pour l’éducation scientifique, la Bibliothèque scientifique mondiale (World Library of Science), initiative conjointe de l’UNESCO et du Nature Publishing Group, ainsi que le partenariat qui se met en place avec les iTunesU d’Apple, permettront de télécharger librement des ressources scientifiques en ligne. Ces deux initiatives visent à promouvoir la culture scientifique et l’éducation accessible.

Défis et thèmes émergents

24. L’Internet renforce les réseaux interdisciplinaires et transfrontières de scientifiques, et encourage le public à participer à la recherche scientifique. Dans cet environnement nouveau, un défi récemment apparu est celui de maîtriser la façon la plus adéquate de mobiliser les réseaux scientifiques, et de tirer le meilleur parti du rôle qu’y joue l’UNESCO. Les laboratoires virtuels, ou « collaboratoires » qui se servent d’Internet pour faciliter et gérer le travail en coopération de scientifiques et le partage d’ordinateurs pour la recherche, sont déjà largement utilisés dans les grandes infrastructures de recherche des pays industrialisés. Il pourrait être bon d’adapter le modèle du laboratoire virtuel pour concourir à la recherche citoyenne sur le développement en tirant parti des technologies récentes, comme les outils Web 2.0, le GPS et le large bande mobile.

25. Il importe que toutes les institutions de recherche adoptent la méthode « verte » du libre accès en mettant en place des dépôts d’archives institutionnels et en partageant avec le reste du monde les savoirs créés par leurs chercheurs. Pour aider les institutions de recherche des pays en développement à apporter leur concours au développement des connaissances scientifiques et à l’accès à ces connaissances, il faut un énorme effort de renforcement des capacités. Une difficulté spécifique tient au risque de mauvaise utilisation ou d’appropriation de données scientifiques partagées. L’accès aisé aux coordonnées géographiques précises d’espèces rares, par exemple, peut servir une bonne cause (planification de la conservation) comme une mauvaise (braconnage). Nombre de gouvernements estiment que les données géographiques relèvent du domaine de la sécurité nationale.

26. La production et l’usage massifs des TIC, et en particulier l’apparition de l’Internet, ont suscité aussi des tensions environnementales qui deviendront de plus en plus menaçantes si rien n’est fait pour rectifier le tir. Les centres de données du monde consomment actuellement plus d’électricité et produisent plus de CO2 qu’un pays de taille moyenne, et la production de composants électroniques consomme aussi des quantités très importantes d’énergie et de ressources naturelles. En outre, les déchets électroniques non recyclés causent une forte pollution et donnent lieu à des préoccupations d’ordre sanitaire, surtout dans les pays en développement. À défaut d’une analyse de rentabilité approfondie des inconvénients environnementaux de l’utilisation de l’Internet, qui nécessite de comparer tous les coûts et avantages environnementaux avec les coûts et avantages sociaux, il serait opportun que l’UNESCO aide à encourager des comportements réduisant la consommation d’énergie et la pollution suscitées tant par les

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particuliers que par les serveurs Internet gros consommateurs d’énergie. Plusieurs sociétés de cette branche d’activité ont déjà augmenté leur usage d’installations à serveurs économisant l’énergie et utilisant des sources d’énergie renouvelables.

(c) Sciences sociales et humaines

27. L’Internet joue un rôle essentiel dans la production et la diffusion des informations issues des sciences sociales et humaines. C’est ce dont tiennent compte les réseaux et les plates-formes en ligne mis par l’UNESCO à la disposition des communautés de chercheurs sur les questions liées aux transformations sociales et les défis concernant la culture de la paix, la diffusion et le partage des connaissances, l’accessibilité, les droits de l’homme, la non-violence et la non-discrimination. De même, l’UNESCO resserre les liens entre spécialistes de l’éthique, spécialistes des sciences sociales, responsables de l'élaboration des politiques et la société civile afin d'aider les États membres à adopter des politiques judicieuses et motivées sur les questions éthiques qui se posent dans le domaine des sciences et des technologies via l’Observatoire mondial d'éthique (GEObs), qui donne libre accès aux documents directeurs et aux résultats intellectuels et pratiques du Comité international de bioéthique (CIB) et de la Commission mondiale d'éthique des connaissances scientifiques et des technologies (COMEST) de l’UNESCO.

28. Facebook a servi à sensibiliser l’opinion lors de la Journée mondiale de la philosophie, et a été combiné à Twitter dans le cadre d’une campagne menée à l’occasion de la Journée internationale pour l'élimination de la discrimination raciale pour susciter la réflexion, échanger des idées et diffuser les résultats aux niveaux local et mondial. L’Internet permet de la même manière de maintenir le contact avec les villes de la Coalition internationale des villes contre le racisme et d’inciter les municipalités à faire connaître au reste du monde leurs efforts pour lutter contre la discrimination, au moyen notamment de revues électroniques telles que Diversities, qui traite des migrations, des politiques multiculturelles et des droits de l’homme. Il offre aussi un outil en ligne efficace pour le suivi des instruments normatifs internationaux, comme la Convention internationale contre le dopage dans le sport (2005).

29. Dans ce domaine, l’utilisation de l’Internet par les jeunes a particulièrement retenu l’attention de l’Organisation, notamment dans le cadre de la préparation et du suivi du Forum des jeunes de l'UNESCO. Le serveur de liste mondial et les cinq serveurs régionaux sur les jeunes ont permis un échange permanent avec ces groupes lors de différentes initiatives intéressant la jeunesse menées depuis 2006.

Défis et thèmes émergents

30. Alors que s’accroît le volume des informations produites par les sciences sociales et humaines qui sont mises à disposition par l’Internet, la demande porte surtout sur des méthodes sophistiquées d’accès et d’analyse propres à faciliter l’obtention de résultats pratiques des politiques et des actions menées par les parties prenantes. D’où le besoin d’une collaboration étroite entre les chercheurs en sciences sociales et les spécialistes des technologies de l’information en vue de créer des algorithmes de moteurs de métarecherche de plus en plus complexes et des bases de données exploitables qui permettent d’analyser et de transformer les connaissances en les rendant accessibles aux décideurs, aux institutions éducatives et aux médias, et de faciliter la collecte de données pour la modélisation de la recherche et l’élaboration de scénarios complexes pour les scientifiques, les chercheurs, les universitaires et les ONG travaillant dans le domaine des sciences sociales. Des partenariats sont recherchés en vue d’acquérir et de mettre en œuvre ces fonctionnalités, par exemple en demandant des fonds à la Commission européenne via l’Université ouverte afin d’améliorer la plate-forme de recherche sur les politiques du Programme « Gestion des transformations sociales » (MOST), grâce au renforcement de l’analyse sémantique, à l’amélioration de l’ontologie des cadres de connaissances et aux principes directeurs correspondants.

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31. L’UNESCO prévoit d’offrir en ligne un plus grand nombre d’outils de formation qui mettent les connaissances en sciences sociales et humaines à la portée d’un public plus large féru de technologie, mais aussi d’usagers moins à l’aise avec l’Internet. Dans cette optique, il convient de mettre au point des modèles de référence SCORM pour les systèmes de gestion de l’apprentissage en vue de formations concernant l’approche fondée sur les droits de l’homme, l’enseignement de la bioéthique, l’élaboration de boîtes à outils sur les politiques et le renforcement des capacités en matière d’adaptation aux changements de l’environnement planétaire. Il faut également élaborer des outils Internet permettant de recenser les bonnes pratiques et les travaux de recherche de pointe en sciences sociales et humaines, et anticiper l’exploitation du Web 3.0 aux fins de la promotion de la paix et de l’édification de sociétés inclusives. Les technologies de l’Internet devraient aussi être mises à profit pour favoriser la cohésion sociale par la sensibilisation aux droits de l’homme, l’élimination des préjugés, de la discrimination et de la xénophobie, la prévention de la violence à l’encontre des femmes et le renforcement de l’éthique et de la protection des données génétiques.

32. L’Internet est par ailleurs un objet d’étude pour les sciences sociales et humaines, qui étudient son impact sur les systèmes de savoir, le changement social et les attitudes et comportements individuels. L’expansion mondiale des médias sociaux pose d’une part la question de l’influence et de l’impact qu’ils pourraient avoir sur les structures sociales des jeunes, et appelle, d’autre part, l’Organisation à définir une stratégie claire pour que ceux-ci participent utilement et efficacement à ces médias. La capacité des usagers d’utiliser de manière efficace et éthiquement responsable les technologies émergentes est un élément essentiel de la citoyenneté et de l’inclusion sociale à l’ère du numérique, et toute approche tournée vers l’avenir des TIC comme moteurs de la satisfaction des besoins sociaux et humains fondamentaux devrait tenir compte des normes éthiques requises pour exploiter le potentiel de l’Internet. Au vu de l’évolution actuelle, il importe en outre de réfléchir à l’utilisation de l’Internet par les groupes de jeunes comme moyen d’assurer la participation sociale et politique et un développement communautaire inclusif, ainsi qu’à l’utilisation des nouvelles TIC pour aider les diasporas à contribuer au développement de leur pays d’origine, de façon à transformer l’« exode des cerveaux » en « retour des cerveaux » et en capital social.

(d) Culture

33. L’Internet joue un rôle d’appui important pour presque toutes les fonctions définies dans la stratégie à moyen terme du Secteur de la culture. Il offre aux citoyens des possibilités sans précédent d’accéder au patrimoine culturel matériel et immatériel, en leur faisant mieux prendre conscience d’éléments importants de ce patrimoine, et en promouvant la diversité culturelle. Tout en adoptant l’usage de l’Internet, l’Organisation reconnaît l’importance des différents contextes socioculturels pour l’accès et les utilisations qui en sont faites, et s’emploie à susciter une approche soucieuse de l’égalité des genres.

34. On peut donner comme exemples de programmes par lesquels l’UNESCO s’emploie à conserver le patrimoine culturel et documentaire matériel, les programmes Mémoire du monde, Bibliothèque numérique mondiale, Patrimoine culturel subaquatique, ainsi que l’appui aux organismes nationaux de radio et télédiffusion pour la conservation numérique des archives cinématographiques. L’UNESCO aide ces activités par le partage des bonnes pratiques, la formation et le renforcement des capacités, ainsi qu’en offrant un large accès au patrimoine culturel sur son site Web et en nouant des partenariats qui amplifient considérablement le champ et l’impact de son action. Un exemple en est l’accord de partenariat avec Google, grâce auquel les utilisateurs peuvent « visiter » les sites du patrimoine mondial de l’UNESCO à partir d’une carte interactive (« Trouver un site ») utilisant les interfaces Google Earth et Google Maps. D’autres partenariats avec des organisations du secteur privé, telles que Fotopedia et OurPlace, ont élargi les ressources par des bases d’images en ligne (y compris pour des applications mobiles, spécialement adaptées aux usagers des pays en développement), ainsi que par le tourisme durable.

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35. La préservation de l’héritage culturel immatériel, y compris le patrimoine linguistique, peut être facilitée par les méthodes multimédias que permet l’Internet. Les méthodes traditionnelles de préservation ne peuvent être que partielles, tandis que les Listes du patrimoine immatériel de l’UNESCO sont des bases de données interrogeables, constituées de descriptifs textuels, de diaporamas, de fichiers son et vidéo qui restituent la richesse des traditions orales.

36. Les outils multimédia incitent de nouvelles communautés, dont les jeunes internautes, à s’engager aux côtés de l’UNESCO. Les pages du Patrimoine culturel subaquatique ont été relancées en janvier 2011, avec des pages spéciales pour les enfants, comprenant des tests interactifs, des animations et des cartes créés en partenariat avec le Moods Group et Google. Le portail DigiArts de l’UNESCO est un autre exemple. Il présente des informations sur l’histoire des arts numériques et de la musique électronique (en particulier sur les artistes pionniers de ces genres dans les pays en développement) ; un indicateur des institutions spécialisées qui assurent recherche et formation sur les arts numériques et la musique électronique, en créent et en font la promotion ; des articles, des textes, des contenus didacticiels liés à la création numérique ; et des exemples d’art numérique créés par des jeunes (Prix des arts numériques de l’UNESCO et Jeunes créateurs numériques).

37. L’UNESCO joue un rôle important en plaidant pour la diversité linguistique et pour un Internet multilingue et culturellement diversifié, sans lequel il ne peut y avoir de sociétés du savoir véritablement inclusives. Il existe quelque 6 000 langues dans le monde, mais en 2008, 98 % de l’ensemble des pages Web étaient rédigées en 12 langues seulement10. L’anglais est actuellement la langue dominante sur l’Internet11. Les États membres donnent suite à la Recommandation sur la promotion et l'usage du multilinguisme et l'accès universel au cyberespace (2003), et sont sur le point de présenter leur second rapport récapitulatif sur sa mise en œuvre. Dans le même temps, un accord de partenariat signé en 2009 par l’UNESCO et l’ICANN prévoit leur coopération en vue de renforcer le multilinguisme dans le cyberespace. L’Organisation s’emploie également à diffuser des informations actualisées dans ce domaine, un exemple en étant la publication intitulée « Douze années de mesure de la diversité linguistique sur l'Internet : bilan et perspectives » (UNESCO 2010). L’Atlas des langues en danger dans le monde de l’UNESCO, outil interactif utilisant Google Maps, recense actuellement près de 2 500 langues12 (contre 600 langues dans l’édition 2006, produite hors ligne). Il amène les décideurs, les communautés de porte-parole et le grand public à mieux prendre conscience de la nécessité de sauvegarder la diversité linguistique dans le monde.

38. Dans le cadre du partenariat public-privé entre l’UNESCO et Daimler Chrysler, Mondialogo a encouragé un dialogue à l’échelle de la planète entre jeunes de tous horizons culturels, religieux et linguistiques en vue de la mise en pratique des principes de la Déclaration universelle de l'UNESCO sur la diversité culturelle (2001), les encourageant ainsi à concevoir de nouvelles approches de l’apprentissage interculturel.

Défis et thèmes émergents

39. Les programmes en cours du Secteur de la culture de l’UNESCO montrent comment l’Internet renforce et préserve la diversité culturelle, tout en encourageant la recherche de qualité sur le multilinguisme. Le prochain milliard d’internautes accentuera encore la nécessité de contenus en langues locales, et diversifiera encore très probablement l’écosystème de contenus sur Internet. Il faudra définir des conceptions et des politiques linguistiques détaillées et bien pensées, qui reposent sur une idée claire de l’utilisation des langues, quelles qu’elles soient, dans leur contexte propre (système de valeurs, communauté, régime de propriété intellectuelle, etc.). On aura besoin de ressources financières, de compétences techniques et d’expertise, parallèlement à la détermination politique, pour favoriser l’usage de nombreuses langues sur 10 Source : UNESCO 2008 : Comment assurer la présence d’une langue dans le cyberespace ? Marcel

Diki-Kidiri. 11 Source : http://www.internetworldstats.com (accessed March 2011). 12 2 473 langues recensées en avril 2011 http://www.unesco.org/culture/languages-atlas/.

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Internet, qui peut fournir un outil performant pour transmettre des contenus dans diverses langues, mais aussi pour évaluer et suivre l’usage des langues, tout comme pour les apprendre.

40. Il importe de noter qu’en assurant à une langue une place sur Internet, on en assure aussi la présence ailleurs : les initiatives de revitalisation des langues devraient intégrer la normalisation de la terminologie, tout un train de mesures dans les systèmes éducatifs, la transmission entre générations, une conception valorisante de leur propre langue dans la communauté qui la pratique, et l’accès à une masse critique de contenus de qualité disponibles par différentes voies (non seulement sur Internet, mais par l’enseignement, le théâtre, la musique, le cinéma, la radio, les livres, la télévision, etc.).

41. L’apparition du partage des fichiers et des téléchargements illicites facilités par l’Internet a compromis les flux de recettes traditionnels des industries de la création. On en a vu d’abord les conséquences pour la musique, où elle a entraîné non seulement l’effondrement de plusieurs sociétés de publication ou de diffusion musicale (EMI par exemple) mais aussi l’arrivée de nouvelles méthodes, licites, de monétisation des téléchargements (iTunes par exemple). À mesure que se sont développés les moyens offerts par le large bande, le phénomène a touché également les films et autres médias visuels. Les consommateurs attendent de plus en plus de pouvoir disposer de tous les types de contenu, à la demande, depuis tout appareil branché (postes de télévision, mobiles…) et prennent l’habitude croissante de pouvoir télécharger ou voir en flux continu en ligne des contenus gratuits. Les sociétés de radio et télédiffusion, les périodiques, les producteurs de contenus, et aussi les fournisseurs d’accès, ont du mal à conserver leur base de clients et à en attirer de nouveaux, et ne cessent de réinventer leur modèle d’entreprise et de tenter de fournir des services à valeur ajoutée, comme des contenus de meilleure qualité. La consommation croissante de contenus en ligne fait évoluer vers le Web les stratégies de publicité, de promotion et de commercialisation, entraînant une modification notable des sources de recettes pour nombre d’industries culturelles.

42. Il faut que l’UNESCO mesure l’impact de l’Internet sur la créativité, surtout dans les pays en développement. Il peut être plus difficile pour de nouveaux artistes de percer, et la rétribution financière de la créativité risque de diminuer encore. Ou alors, la restructuration des industries de la création amènera de nouvelles formes de monétisation, et les réseaux sociaux offriront une nouvelle voie aux artistes, ce qui pourrait être avantageux pour ceux des pays en développement, en égalisant mieux les chances de tous. Les États membres auront besoin de se faire conseiller sur la mise en place de politiques et de mesures bien pensées et équilibrées, tenant compte de toutes les parties prenantes (producteurs de contenu, usagers, pouvoirs publics) et sur les voies à suivre (sensibilisation, modèle d’entreprise/détermination des prix, nouveaux systèmes de distribution, solutions de remplacement des régimes traditionnels de propriété intellectuelle, etc.). En prévision de l’expansion de l’accès à Internet par large bande, les stratégies numériques des pays en développement devraient prendre en considération tous ces défis, afin d’arriver à stimuler les industries culturelles locales, tirant avantage des nouvelles plates-formes de distribution numérique, et offrant des incitations aux concepteurs de contenu. Abaisser le coût de l’accès à Internet (connectivité haut débit) et encourager la création de produits des industries culturelles (théâtre, musique, cinéma et autres) locaux sont des moyens essentiels de promouvoir la diversité culturelle.

(e) Accès à l’information et aux savoirs

43. L’accès à l’information et aux savoirs est un préalable indispensable à l’édification de sociétés du savoir inclusives, or l’Internet promet précisément un accès plus rapide à l’information et aux savoirs pour tous. Le droit de rechercher, recevoir et diffuser des informations est le corollaire obligé du droit à liberté d’opinion et d’expression (article 19 de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966). Sans être un droit en soi, l’accès à l’Internet est donc une condition essentielle de l’exercice de ces deux droits indissociables.

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44. Les liens sont étroits entre accès à l’information et aux savoirs et éducation, aussi plusieurs États membres ont-ils fait passer leurs investissements d’infrastructure de TIC par des établissements publics d’enseignement, notamment dans les zones rurales. Les bibliothèques et les fonds d’archives gardent le rôle qui leur est propre pour le soutien au développement à tous les niveaux, en particulier pour l’éducation et la formation ; plusieurs grandes réussites en la matière ont bénéficié d’un soutien de l’UNESCO, comme par exemple la Bibliothèque d’Alexandrie et la Bibliothèque numérique mondiale, qui donnent l’exemple de ce que permet désormais l’Internet pour ouvrir l’accès à l’information et aux savoirs sur une échelle qui n’avait jamais pu être obtenue auparavant. Diverses interventions, menées en collaboration avec les États membres, dont la création de centres multimédia communautaires (CMC)13 et des mesures incitant à investir dans l’infrastructure et les politiques publiques porteuses, ont facilité l’élargissement de l’accès à l’information.

45. L’Internet peut assurer une distribution massive et abordable, et c’est donc un outil idéal pour faciliter l’accès à l’information mise gratuitement à disposition (compte dûment tenu de la propriété intellectuelle et d’autres aspects juridiques et éthiques). On peut citer, comme exemples du concours apporté en ce sens par l’UNESCO, les Principes directeurs pour le développement et la promotion de l’information du domaine public gouvernemental. Les programmes de Ressources éducatives libres et de Libre accès servent à promouvoir l’accès ouvert et gratuit, par l’Internet, respectivement à la documentation pédagogique et aux recherches scientifiques ayant fait l’objet d’un examen collégial. L’UNESCO agit tant par le haut (à partir de ce qui est fixé par les décideurs) que par le bas (par la formation et le renforcement des capacités, en partenariat avec des ONG, avec des organisations de la société civile, des organisations professionnelles, etc.). Elle offre également un libre accès à ses propres ressources cognitives. 191 000 entrées bibliographiques ont été établies depuis 1946, et sont accessibles gratuitement, de même que le texte intégral de la plupart des documents, publications et articles (soit un total, quotidiennement enrichi, de quelque 90 480 unités). Un service de référence par courrier électronique est à la disposition de quiconque s’intéresse à l’Organisation14.

46. S’employant à favoriser les sociétés du savoir inclusives, l’UNESCO s’attache à définir des politiques sans exclusive qui donnent aux communautés autochtones et marginalisées, aux groupes minoritaires, aux jeunes, aux femmes marginalisées et aux personnes handicapées les moyens d’accéder à l’Internet et d’apporter leur participation active à la diffusion de savoirs sur Internet. Dans ce contexte, et en collaboration avec d’autres partenaires des Nations Unies, du secteur privé et du secteur public, l’UIT et l’UNESCO ont lancé la Commission « Le large bande au service du développement numérique » au Forum de 2010 du SMSI. Elle a pour objet de promouvoir le large bande comme outil de développement dont bénéficieront les jeunes et les adultes de l’un et l’autre sexes, de définir des stratégies pour accélérer l’adoption du large bande dans le monde entier, et de promouvoir les applications susceptibles d’améliorer la prestation d’une large gamme de services. L’UNESCO attache à cet égard une importance particulière à la diffusion de contenus et applications locaux et multilingues par les réseaux large bande, afin d’encourager la diversité culturelle, l’accès pour tous, et de réduire la fracture linguistique sur l’Internet.

47. Les jeunes sont souvent à la pointe des innovations technologiques, et au nombre des groupes sociaux les plus dynamiques. Ils sont aussi parmi les plus vulnérables, touchés hors de proportion par les difficultés sociales et économiques. Par le biais de son programme Jeunes et information, l’UNESCO explore la possibilité de faire jouer l’affinité naturelle entre jeunes et Internet pour assurer l’accès universel à l’information, la production locale de contenu et la coopération internationale. Les décideurs y trouveront une aide grâce à la mise en commun de savoirs et de bonnes pratiques en matière de politiques publiques visant les jeunes, et il devrait y

13 Les CMC ont été encouragés comme modèle assurant non seulement l’accès collectif de la

communauté, mais aussi la diffusion et l’adaptation au contexte local de l’information glanée sur l’Internet par le truchement de la radio, qui aide aussi surmonter la barrière des langues.

14 [email protected].

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avoir bon nombre de retombées bénéfiques à l’appui des objectifs stratégiques plus généraux de l’UNESCO (diversité culturelle et linguistique, culture de la paix, par exemple).

48. Le débat international sur l'éthique de l'information (Infoéthique) porte également sur les aspects juridiques et sociétaux des applications des technologies de l'information et de la communication. Les principes éthiques des sociétés du savoir s'inspirent de la Déclaration universelle des droits de l'homme (1948) et comprennent le droit à la liberté d'expression, l'accès universel à l'information, en particulier celle du domaine public, le droit à l'éducation, le droit au respect de la vie privée et le droit de participer à la vie culturelle. L’interconnexion numérique de la planète n’a pas que des avantages, et comporte aussi des risques d’abus et de dérives. Certains pays mettent sur pied des mécanismes pour protéger leurs citoyens contre ces risques, et assurer par exemple la sécurité des enfants sur l’Internet, mais de gros efforts seront à l’évidence encore nécessaires à l’échelle mondiale pour faire face aux incidences éthiques de la société de l’information.

49. Depuis 1997, l’UNESCO parraine le débat entre spécialistes et décideurs sur les dimensions éthiques des sociétés du savoir, l’infoéthique étant l’une des cinq priorités du programme Information pour tous (PIPT) de l’UNESCO. L’action menée selon plusieurs axes pour promouvoir l’infoéthique vise notamment à encourager la liberté d’accès à l’information officielle, et en particulier à l’information relevant du domaine public gouvernemental, à intégrer l’infoéthique aux grands débats sur l’éthique, à sensibiliser aux dimensions éthiques de l’usage des TIC, à encourager la recherche sur ces dimensions, et à offrir une formation à l’infoéthique. À la demande de plusieurs États membres, l’Organisation a participé à la rédaction d’un code d’éthique, qu’examine actuellement un groupe de travail nommé par le Bureau du PIPT. Sur la base d’une collaboration intersectorielle, la Commission mondiale d'éthique des connaissances scientifiques et des technologies (COMEST) enrichira ce processus en articulant solidement la dimension technique avec le point de vue des sciences sociales et humaines.

Défis et thèmes émergents

50. L’Internet permet d’accéder presque sans limites à l’information, ce qui préoccupe les décideurs, inquiets du risque de diffusion d’informations erronées ou illégales, ou de contenus malveillants. L’UNESCO peut réagir à ce genre de défi en faisant campagne pour l’éducation, la sensibilisation et un renforcement des capacités respectueux de l’égalité entre les sexes dans les médias, ainsi que pour une maîtrise de l’information qui permette aux usagers d’évaluer correctement la qualité et la fiabilité des contenus trouvés sur l’Internet.

51. Sur cette base, l’information et le savoir ne doivent pas être considérés exclusivement comme des flux à sens unique des producteurs vers les utilisateurs. La mobilisation de tout le potentiel de l’Internet au service du changement social positif exige de nouvelles conceptions de la coproduction des savoirs et de nouveaux mécanismes pour l’assurer, où les usagers sont associés aux processus en amont, et la mobilisation des connaissances scientifiques aux fins des politiques publiques est particulièrement importante à cet égard.

52. Une question similaire est celle des abus possibles de l’extraction de données destinées à rester privées, ou la mise en relation de ces données d’une manière imprévisible, à l’insu des personnes qui ont fourni ces données. La distinction entre véritables problèmes de cybercriminalité et sécurité d’une part, et l’exercice des droits humains fondamentaux d’accès au savoir et de liberté d’expression de l’autre, a toutes les chances de devenir de plus en plus compliquée à établir.

53. Les questions qu’entraîne la banalisation commerciale de l’information et des savoirs prennent de plus en plus d’ampleur, et cela ne changera pas à l’avenir. La grande préoccupation en la matière est d’assurer l’accès aux savoirs en tant que biens collectifs, tout en protégeant les détenteurs des droits de propriété intellectuelle et les autres propriétaires légitimes d’informations de leur usage illicite. Malgré le développement robuste des mouvements en faveur du libre accès

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et des logiciels libres et gratuits, qui cherchent à redistribuer équitablement les coûts de l’information plutôt que de les éliminer, la majeure partie des savoirs de pointe n’est accessible qu’à ceux qui peuvent payer, dont la majorité sont des hommes. On en a un exemple dans le risque que la nébuleuse complexe de droits privés liés à la numérisation et/ou à la diffusion de recherches financées sur fonds publics, ou du patrimoine culturel, empêche l’accès par Internet à des informations intéressant le public.

54. À mesure qu’évolue la place des bibliothèques et des fonds d’archives, on constate la nécessité de développer des compétences nouvelles et de définir le rôle des bibliothèques à l’avenir et le profil professionnel des bibliothécaires et des conservateurs d’information. Les livres continueront à tenir une place importante dans l’éducation et le développement des sociétés humaines, mais les livres transmis sous forme numérique (livres électroniques et autres formats ouverts) sur l’Internet permettent de fournir aux pays en développement une bibliothèque entière sous format compact. Les lecteurs de livres électroniques peuvent aussi se servir d’appareils portables (téléphones portables intelligents, appareils portables de lecture électronique…) pouvant contenir un grand nombre de livres, et susceptibles de fournir à bon prix des livres dans les pays en développement. Ce qui est plus important, c’est que cette évolution pourrait aussi permettre un accès écologiquement durable aux savoirs.

55. Le caractère transfrontières de l’Internet fait qu’il est difficile d’en réglementer l’usage et de faire respecter la réglementation. À mesure que s’étend l’usage de l’Internet, se pose la question du rôle des fournisseurs d’accès, en particulier du point de vue des normes de comportement et du professionnalisme qu’on en attend en matière de respect de la vie privée de personnes, et de leur responsabilité (ou absence de responsabilité) pour le contenu illicite ou malveillant transporté sur leurs réseaux. L’inquiétude suscitée par l’éventuelle mise en cause pour contenu illicite arrive à gêner la libre circulation de l’information, les fournisseurs d’accès décidant d’éliminer des contenus controversés (bien que licites) plutôt que de voir leur responsabilité engagée.

56. La présence de populations marginalisées et vulnérables (groupes minoritaires, illettrés, femmes, personnes handicapées, etc.) fait mieux percevoir la nécessité de politiques publiques inclusives qui tiennent compte des droits en ligne et des besoins d’accès de tous.

(f) Liberté d’expression, démocratie et paix

57. Il est reconnu dans l’Engagement de Tunis du SMSI que « la liberté d'expression et la libre circulation des informations, des idées et du savoir sont essentielles pour la société de l'information et favorisent le développement »15. L’Organisation insiste elle aussi sur le fait que la liberté d’expression est un facteur clé de la mise en place de processus démocratiques. À ce titre, il entre dans le rôle de l’UNESCO de faire campagne pour le développement continu de l’Internet comme ressource publique mondiale ouverte à tous.

58. L’UNESCO a montré l’exemple en encourageant la réflexion, dans le cadre des ateliers sur la gouvernance de l’Internet, sur la liberté d’expression et la liberté de l’information sur le Réseau. Un rapport détaillé intitulé « Freedom of Connexion – Freedom of Expression : the Changing Legal and Regulatory Ecology Shaping the Internet » (Liberté de branchement – liberté d’expression : l’évolution des cadres législatifs et réglementaires de l’Internet (UNESCO 2011)) a été rédigé à partir des délibérations du Forum de 2010 sur la gouvernance de l’Internet, qui examine la législation et les décisions en matière de liberté d’expression sur le Net. L’Organisation a également été active dans le domaine de la liberté de l’information, corollaire de la liberté d’expression. Les États membres peuvent communiquer de leur propre chef des informations à leurs citoyens, en utilisant les portails Internet pour bien répondre sans retard et à un prix abordable aux demandes d’information du public, et en améliorant la transparence, l’accès aux pouvoirs publics, la responsabilisation et la participation du public à la définition des politiques et à la prise de décisions. Bien des gouvernements ont fait l’expérience des avantages de la

15 Sommet mondial sur la société de l'information Engagement de Tunis, 18 novembre 2005.

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divulgation spontanée d’informations appuyée par une législation sur la liberté de l’information, mettant en place des dispositifs permettant de répondre par voie électronique aux demandes relevant de la liberté de l’information. L’UNESCO veille aussi à faire assurer la participation d’organisations féminines afin de promouvoir plus activement la liberté de l’information, surtout dans les pays en développement, et à sensibiliser les autres parties prenantes aux liens entre liberté de l’information et droits des femmes.

59. Les applications basées sur Internet, et en particulier l’apparition des réseaux sociaux, de contenus provenant des internautes, et des microblogs, ont fait naître de nouveaux schémas de communication, éliminant les obstacles linguistiques et permettant de nouvelles formes d’expression créative pour le débat démocratique, la participation citoyenne, le dialogue interculturel et l’édification de la paix. Ce phénomène rend beaucoup moins nette la distinction entre reporters et blogueurs citoyens et les professionnels des médias, mettant à mal les normes professionnelles traditionnelles d’autorégulation appliquées par le biais de la responsabilité rédactionnelle. L’UNESCO encourage la responsabilisation des médias en aidant à mettre en place des systèmes d’autorégulation, dont des codes de déontologie pour les journalistes, des conseils de la presse et des médiateurs pour les nouvelles. Elle promeut aussi la discipline de vérification dans la formation des journalistes, en utilisant par exemple l’Internet pour produire rapidement et en souplesse des ressources gratuites en ligne (voir par exemple le « guichet unique » d’informations UNESCO permettant des recherches en ligne sur la responsabilisation des médias en Afrique).

60. Les activités visant la promotion d’une culture de la paix procèdent du mandat donné à l’Organisation dans son Acte constitutif, de « construire la paix dans l’esprit des hommes », et les possibilités de réseautage offertes par l’Internet ont également été mises à profit par l’UNESCO à cette fin. Un exemple en est le Réseau Le pouvoir de la paix qui a pour objet d’attirer et d’inspirer les jeunes comme agents du changement, afin de prévenir, de régler et de contenir les conflits. À plus long terme, le réseau espère, par sa composante en ligne offrir un dépôt interactif facilitant l’action en faveur de la paix grâce aux outils des réseaux sociaux (dont les vidéos en flux continu et les wikis)16. De même, les dialogues GigaPan visent à promouvoir la compréhension entre les cultures et à créer un sentiment plus fort de communauté par l’échange d’images numériques explorables à haute résolution entre les élèves.

61. S’inspirant de l’expérience réussie de Mondialogo, partenariat public-privé reliant les écoles et 90 000 élèves de plus de 160 pays, le site du Réseau du système des écoles associées (réSEAU) pourrait aussi inclure des matériels plus interactifs en vue de promouvoir l’interaction interculturelle mondiale entre jeunes élèves via l’Internet, afin de favoriser le rôle des écoles et des enseignants en tant que « navigateurs au service de la paix et agents du changement positif ».

Défis et thèmes émergents

62. En matière de communication de masse, l’Internet offre un excellent moyen d’accéder à une gamme énorme d’articles audiovisuels, ainsi qu’aux versions Internet de médias traditionnels. Il permet de communiquer de manière nouvelle, et d’échanger en temps réel, au-delà des frontières nationales. Le développement des contenus provenant des internautes offre de nouvelles possibilités de faire progresser la liberté d’expression, la démocratie et la paix, et l’UNESCO devrait continuer à défendre l’idée que la liberté d’expression est valable aussi pour les médias regroupés en ligne, tout autant que pour les médias traditionnels.

63. Les réseaux sociaux peuvent offrir un moyen rapide de diffuser des nouvelles (par Twitter, par exemple), et les réactions d’amateurs aux blogs professionnels, qui suscitent un dialogue entre journalistes et public. Dans ce contexte, il faudrait mieux cerner ce qu’est un professionnel des médias dans cet environnement nouveau, quel effet a sur le journalisme le retour d’information

16 http://www.thepowerofpeacenetwork.com.

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immédiat émanant des usagers (réactions aux articles, par exemple), et dans quelle mesure ces phénomènes pourraient éventuellement modifier les rôles et les modèles traditionnels.

64. L’Internet a aussi pour effet d’accélérer la convergence des régimes réglementaires et légaux applicables aux communications par la téléphonie, la radio et télédiffusion et l’Internet, qui étaient auparavant différentes du point de vue technologique. De ce fait, les décideurs sont appelés à cerner les incidences de cette convergence pour la réglementation, et à déterminer s’ils devraient transférer les normes de la radio et télédiffusion au secteur de l’Internet, ou repenser la manière de réglementer les communications dans leur ensemble.

65. Les attentes du public et des décideurs concernant l’accès à l’information, les droits et le respect de la vie privée évoluent aussi en fonction des changements dans l’environnement Internet. On se demande désormais si les schémas d’utilisation de l’Internet (par exemple la taille de réseaux sociaux contrôlés par un fournisseur unique) retentissent sur les droits humains et le respect de la vie privée, et on s’interroge sur les relations étroites et directes entre certains gouvernements et les géants de l’Internet, en particulier si elles portent atteinte à la possibilité de procédure légale régulière.

66. À mesure que les démocraties prennent de la maturité et que les branchements à l’Internet s’étendent, on devrait voir appliquer de plus en plus des dispositions visant la liberté de l’information gouvernementale. Les débats sur les politiques nationales de liberté de l’information ont souvent été menés en vase clos, il serait utile qu’ils s’ouvrent aux défenseurs de la liberté de l’information et de l’accès libre. Il est crucial aussi d’assurer la participation des organisations et des réseaux féminins à la promotion de la liberté de l’information, afin de mieux sensibiliser les autres parties prenantes à l’importance de la liberté de l’information pour les droits des femmes. Le développement durable est inconcevable si les femmes n’ont pas les pouvoirs que donnent l’accès à l’information sur des questions essentielles pour leurs conditions de vie et leurs droits, ainsi que l’égalité de responsabilités dans les organisations médiatiques et autres entités contrôlant l’information. Un meilleur accès des femmes à l’information renforcerait aussi la participation au règlement des conflits et à la construction de la paix, ainsi qu’aux efforts de reconstruction.

67. Une question qui se fait de plus en plus ardue pour les gouvernements est celle de la réponse aux contenus illicites sur Internet. La tendance à s’acheminer vers le resserrement du contrôle et de la réglementation des services de TIC mérite qu’on y réfléchisse, car il apparaît de plus en plus clairement que les TIC donnent aux citoyens les moyens d’accéder presque immédiatement à l’information, de sorte qu’ils demandent de plus en plus souvent des comptes. Les réactions épidermiques (censure, filtrage, élimination de certains contenus, etc.) risquent de provoquer des dommages indirects, compromettant la liberté d’expression, la démocratie et la bonne gouvernance. Un élément crucial de la solution au problème est une éducation de qualité et la maîtrise de l’information et des médias.

(g) Conservation du patrimoine numérique

68. Le patrimoine numérique, qui se présente sous diverses formes (textes, bases de données, fichiers audio, films, images, etc.), est une des grandes sources de savoirs. Mais on ne comprend pas toujours bien les ressources qu’il faut pour mettre en place et préserver l’accès permanent au patrimoine numérique, ni les risques de disparition, en particulier pour les formes courantes d’information de provenance numérique telles que courrier électronique et sites Web. La numérisation des documents historiques est un processus complexe et coûteux, qui oblige souvent à restaurer l’original. L’UNESCO a conscience de la nécessité d’assurer l’accès à l’information numérique malgré l’obsolescence des technologies et les modifications de l’architecture technique, de la législation et des applications commerciales, cela en vue de concilier intérêts économique et bien public. Sa stratégie de promotion du concept de conservation numérique est centrée sur la consultation avec les gouvernements, les décideurs, les professionnels et les producteurs de l’information, ainsi qu’avec les institutions s’occupant du patrimoine : c’est avec eux qu’elle

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cherche comment diffuser des directives techniques et appliquer la Charte de 2003 sur la conservation du patrimoine numérique.

Défis et thèmes émergents

69. La conservation de l’information est un processus social et culturel qui soulève des questions complexes : que conserver pour l’avenir, comment conserver, et comment respecter sans s’y perdre les droits associés à chaque type d’élément. Si l’on ne fait rien, on court le risque de voir une proportion croissante d’information perdue à jamais, ou, à mesure qu’évoluent les technologies, impossible à lire sans les programmes et les appareils d’origine.

70. La difficulté, pour assurer la longévité numérique, est de préserver l’accès quels que soient les changements technologiques, alors que parallèlement, les médias sociaux créent rapidement de nouvelles formes et de nouveaux formats de savoirs. Les grands obstacles sont notamment le coût de la numérisation, souvent prohibitif dans les pays en développement, et le renforcement des capacités pour la numérisation et la publication des contenus, qui implique aussi la gestion des droits. Il y a peu de pays qui autorisent la copie de contenus numériques protégés par le droit d’auteur aux fins de conservation, sauf à des conditions extrêmement restrictives. Il faut des politiques efficaces qui donnent accès aux contenus aux fins de conservation de la mémoire numérique. L’UNESCO est en mesure de mobiliser des partenaires tels que gouvernements, bibliothèques, fonds d’archives, maisons d’édition et entités de l’industrie des TIC pour un débat sur les questions fondamentales - qui paie, qui conserve, que conserve-t-on et à quelles conditions.

71. Il n’existe à l’heure actuelle aucune solution unique à long terme au problème de la conservation numérique, mais d’en comprendre les complexités a permis d’envisager des stratégies de collaboration et de partenariat. Les Directives pour la sauvegarde du patrimoine numérique de l’UNESCO indiquent en effet que « travailler en collaboration est souvent une manière rentable de créer des programmes de préservation avec une couverture large, un soutien mutuel et les compétences requises »17. Du fait qu’il est peu probable que telle ou telle institution de sauvegarde du patrimoine soit légalement propriétaire d’éléments de patrimoine en ligne, ou dispose de toute la gamme des ressources nécessaires à leur conservation, cette responsabilité sera à partager avec des services tiers. La formulation et l’application d’une politique réussie seront fortement tributaires de la participation de diverses parties prenantes, agissant comme partenaires pour définir des formats numériques normalisés stables et des cadres juridiques appropriés, et susciter une vaste prise de conscience de l’importance du patrimoine numérique pour le développement durable.

V. La voie à suivre

72. À partir des questions évoquées précédemment, on avance dans la section qui suit des recommandations sur la voie à suivre. Pour que l’Organisation soit prête à affronter les difficultés évoquées, il faudra des ressources, mais aussi une large coopération d’ensemble et une collaboration étroite dans ses réseaux. L’accent doit porter sur les domaines de compétence particuliers de l’UNESCO, de manière à obtenir le maximum d’effet et éviter toute redondance avec les activités d’autres institutions des Nations Unies. Pour tout ce qu’elle fera, l’UNESCO aura à se guider sur les principes suivants :

• La notion d’édification de sociétés du savoir, avec les quatre principes fondamentaux qui la sous-tendent : liberté d’expression, éducation de qualité pour tous, accès universel à l’information et aux savoirs, respect de la diversité culturelle et linguistique.

• Le meilleur parti tiré de la collaboration intersectorielle et des partenariats étroits avec les gouvernements et les autres parties prenantes, en vue d’agir efficacement en faveur des

17 Directives pour la sauvegarde du patrimoine numérique, UNESCO (2003), p. 24.

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priorités complexes de l’éducation, des sciences, de la culture, et de la communication et de l’information.

73. Pour les décideurs, les débats sur l’Internet ne concernent plus exclusivement la technologie, ils portent sur tous les aspects de la société. Tandis qu’ils peinent à régler les problèmes d’utilisation illicite ou nuisible de l’Internet, il importe que l’UNESCO continue à faire campagne en faveur de la maîtrise de l’information et des médias, et d’un usage responsable de l’Internet soutenant les libertés énoncées à l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme18, afin de décourager toute mesure risquant de nuire à la libre circulation de l’information.

74. L’UNESCO aura à aider les décideurs à mieux cerner les points où la législation nationale et le caractère transfrontières de l’Internet entrent en conflit, surtout en l’absence de réglementation internationale sur les utilisations néfastes de l’Internet. On pourrait commencer par encourager la compréhension mutuelle et faire mieux connaître les bonnes pratiques.

75. Pour toutes ces activités, il importe de faire appel aux meilleurs esprits du monde entier, pour intégrer des prévisions à long terme et une vue longue du problème, qu’il faudra confronter régulièrement aux changements et aux tendances effectifs, afin que les activités soient en prise directe sur la situation et qu’il n’y ait pas lieu ensuite de revenir sur ce qui a été décidé face à des phénomènes technologiques ou sociaux imprévus.

(a) Recherche et normalisation

76. Pour faire le bon choix de politiques dans un domaine aussi complexe et changeant que l’Internet, et prévoir correctement l’évolution future, il est indispensable de partir de faits concrets. Si abondantes que soient les informations disponibles sur Internet, il y a aussi des lacunes surprenantes dans nombre de domaines relevant de la compétence de l’UNESCO, où on ne comprend qu’incomplètement l’impact de l’Internet et où d’autres recherches sont nécessaires. Dans certains cas, cette recherche peut appeler une action concomitante de normalisation, ou déboucher sur une normalisation.

77. Les domaines à retenir sont les suivants :

• Compréhension des progrès de l’environnement Internet :

- Moyens de tirer dans les pays en développement le maximum d’avantages de l’informatique en nuage, en courant le moins de risques.

- Impact des logiciels libres et Open Source sur les applications Internet dans l’éducation, la science, la culture et la communication, en particulier dans l’optique du décalage entre hommes et femmes que l’on constate pour ces logiciels, dans les pays développés comme en développement.

- Définition de mesures et de priorités visant à renforcer les méthodes de travail de l’UNESCO grâce à l’usage d’Internet, en fonction des pratiques optimales au sein de l’Organisation.

- Avantages et inconvénients environnementaux de l’usage d’Internet, et moyens d’en atténuer les inconvénients.

18 Article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme (1948) : « Tout individu a droit à la

liberté d'opinion et d'expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit ».

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• Accès à l’information et aux savoirs :

- Étant donné la taille de l’écart qui sépare les pays les moins avancés des autres pour l’accès à Internet, particulièrement en Afrique, comment tirer le plus parti des technologies de téléphonie mobile de base dont presque tout le monde peut désormais disposer.

- Mesurer et atteindre en ligne les populations d’usagers vulnérables ou marginalisés, hommes et femmes, y compris les personnes handicapées.

- Impact de la publication spontanée (et non pas en réaction à une demande) de documentation des pouvoirs publics, permettant le développement de services d’information nouveaux, novateurs, à valeur ajoutée, améliorant la gouvernance en ligne et renforçant la participation citoyenne à la gouvernance.

- Pratiques optimales de conservation numérique, y compris de l’information créée sous forme numérique, et de numérisation du patrimoine culturel et documentaire.

• Éducation :

- Incidences des TIC sur les modèles éducatifs traditionnels et les relations entre enseignant et apprenant.

- Évolution des rôles de l’enseignement non classique, informel et à but lucratif sur Internet, notamment pour les femmes.

- Incidences des brimades en ligne d’enfants d’âge scolaire, de filles en particulier.

• Sciences exactes et naturelles :

- Méthodes novatrices d’utilisation de l’Internet et des technologies mobiles de communications dans la recherche dans les pays en développement en vue de :

- formuler des propositions détaillées de recherche ne faisant pas doublon ;

- recruter des spécialistes des réseaux sociaux et des « scientifiques citoyens », hommes et femmes, pour la collecte économique de données, par exemple par l’utilisation d’appareils photo intégrés aux mobiles et du GPS ;

- traitement de données en mode distribué, par exemple par la mise en commun des capacités de traitement d’ordinateurs mis en réseaux par l’Internet ;

- partage de résultats de recherches au moyen de bases de données et de bibliothèques numériques en Accès libre ;

- possibilités de gestion et de réalisation en coopération de projets de recherche dans un cadre Sud-Sud et Nord-Sud.

• Sciences sociales et humaines :

- Dimensions éthiques de l’utilisation d’Internet dans l’éducation, les sciences, la culture et la communication.

- Effets de l’Internet sur les modes de communication, de traitement de l’information et d’apprentissage des femmes et des hommes.

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- L’impact de l’Internet et des réseaux sociaux, ainsi que des approches novatrices qui découlent de leur utilisation pour améliorer les domaines suivants :

- participation politique et civique, en particulier des jeunes ;

- démocratie participative ;

- cohésion sociale et transformations sociales ;

- production et diffusion des connaissances produites par les sciences sociales et humaines ;

- meilleur accès à la recherche sociale adaptée au contexte ; en finir avec la « fracture cognitive » Nord-Sud.

• Culture :

- Conséquences des réseaux sociaux et des changements de la structure des industries artistiques pour l’expression culturelle, avec notamment l’apparition de nouvelles formes d’art, une place spéciale étant faite aux artistes femmes.

- Poursuite des travaux existants consacrés au suivi du multilinguisme, en vue d’explorer des moyens d’en développer les avantages, et au suivi des langues utilisées dans le courrier électronique, les sites de dialogue [chats] et les sites Web.

- Éléments favorisant les contenus en langues locales, dont la réglementation, l’infrastructure, et la disponibilité et l’usage des outils technologiques dans les langues locales.

• Pratique et consommation des médias :

- Retombées des nouvelles plates-formes numériques pour l’avenir des médias écrits et radio- ou télédiffusés, et pour la culture de la lecture.

- Stratégies de maîtrise des médias qui s’offrent aux entités multipartites dans le contexte du Web 2.0.

- Médias communautaires au service de la préparation en prévision des catastrophes.

• Liberté d’expression :

- Incidences de l’Internet et des réseaux sociaux sur la liberté d’expression et le respect de la vie privée (l’intérêt se portant surtout sur les droits humains, dont ceux des femmes, et les aspects juridiques).

- Promotion du développement de l’Internet et des réseaux sociaux comme bases de débat démocratiques et de participation citoyenne, pour les hommes comme pour les femmes.

(b) Renforcement des capacités

78. Le rôle continu de l’UNESCO en matière de renforcement des capacités revêt une importance particulière, notamment pour la mise au point de techniques et d’outils sexospécifiques qui donnent aux décideurs, aux éducateurs et aux autres acteurs essentiels du développement les moyens de prendre des mesures adaptées à leur environnement local.

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79. Il pourrait s’agir en particulier des activités et des outils ci-après :

• Politiques publiques visant à développer l’initiation au numérique et à l’information, en même temps que l’accès, l’accent étant mis sur la nécessité d’actions d’éducation, de formation et de renforcement des capacités visant à éviter le plus possible les conséquences néfastes des contenus malveillants ou illicites sur Internet, et d’encourager son usage optimal.

• Assistance aux gouvernements pour les aider dans la gestion des droits légaux associés aux documents ayant bénéficié d’un financement public, le but étant de développer l’accès aux informations d’intérêt public, dans l’optique en particulier de l’Accès libre et des Ressources éducatives libres.

• Élaboration à l’intention des responsables des administrations publiques de politiques de cours de formation et de principes directeurs attentifs aux questions d’égalité entre les sexes concernant la divulgation spontanée d’informations publiques sur Internet, ainsi que la conception et la bonne mise en service de portails en ligne permettant de gérer les demandes formulées au titre de la liberté de l’information.

• Renforcement de la formation et des capacités en matière d’éducation formelle et non formelle par des modules spécifiques de formation aux TIC, faisant appel notamment aux technologies nouvelles pour des programmes d’apprentissage à distance. Il y aura lieu de promouvoir l’éducation entre pairs, qui joue également un rôle essentiel à cet égard.

• Application de l’idée du « laboratoire virtuel » ou « collaboratoire » pour contribuer à la recherche sur le développement et à la « recherche citoyenne » grâce à des technologies nouvelles telles que les outils Web 2.0, le Web 3.0, le GPS et le large bande mobile.

• Promotion auprès des jeunes internautes de principes éthiques et de valeurs démocratiques et respectueuses de l’égalité entre les sexes.

• Promotion d’un code universel pour l’élaboration de logiciels accessibles aux personnes handicapées, ainsi que d’applications permettant l’adaptation des logiciels existants.

• Renforcement des capacités en vue de générer dans le cyberespace des connaissances et des contenus du domaine public au niveau local, et dans les langues locales.

• Mise au point d’outils de traduction automatique, afin d’encourager le multilinguisme dans un seul et unique espace Internet.

• Conservation numérique, grâce à la mise au point d’outils et de méthodologies convenant le mieux aux besoins des pays en développement, en Afrique en particulier.

• Amélioration et conservation de l’accès à l’information créée sous forme numérique, y compris des données actuellement disponibles sur le site Web de l’UNESCO, le but étant qu’elles demeurent accessibles pour les générations à venir. On peut par exemple encourager la définition d’interfaces de programmation normalisées qui facilitent le partage de données quelle que soit la plate-forme.

• Application et adaptation de systèmes de responsabilisation des médias, basés sur des dispositifs d’autorégulation volontaire, dans un environnement médiatique complètement modifié par la présence de plus en plus forte d’Internet.

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(c) Rôle des réseaux et des partenariats de l’UNESCO

80. À mesure que s’étend la portée des questions liées à la gouvernance de l’Internet, et que s’intensifie la pression sur les ressources financières, force sera de constater qu’aucune organisation ne pourra s’occuper seule de l’ensemble des domaines en cause. L’UNESCO a de tout temps constitué et exploité des réseaux utilisant l’Internet pour développer encore ses activités en ce sens. L’Organisation peut offrir l’usage de ses réseaux et de son expertise aux autres organismes qui s’occupent de la gouvernance de l’Internet et il est crucial qu’elle continue à rechercher activement des possibilités de partenariats multipartites et pluridisciplinaires.

81. L’Organisation pourrait notamment procéder comme suit :

• Continuer à plaider en faveur du large bande aux fins du développement, dans le cadre de la Commission « Le large bande au service du développement numérique », initiative conjointe UIT-UNESCO.

• Renforcer la collaboration multipartite et intersectorielle visant l’édification de sociétés du savoir inclusives, ainsi que la préservation, l’enrichissement et la diffusion des savoirs.

• Explorer des moyens d’élargir la concertation sur les questions touchant l’Internet dans le cadre du mandat de l’UNESCO, afin d’y inclure tous les acteurs (y compris les grandes entités du secteur privé) dont les activités ont de fortes incidences sur l’utilisation de l’Internet, les tendances et les comportements.

• Plaider auprès des décideurs et des ONG spécialisées en faveur de solutions concrètes permettant d’aider les femmes marginalisées, les personnes âgées et les personnes handicapées à tirer pleinement avantage de l’Internet.

• Favoriser le dialogue entre les tenants de la liberté d’information et de l’accès libre, afin d’aider les décideurs à définir des normes relatives à l’information à divulguer spontanément par les gouvernements.

• Stimuler le réseautage en ligne pour la promotion parmi les jeunes des valeurs du dialogue interculturel, de la tolérance, de la non-discrimination et de la coexistence pacifique, ainsi que pour la constitution de communautés, par exemple de jeunes marginalisés ou non scolarisés, en particulier les filles.

• Tirer le meilleur parti des réseaux scientifiques et autres réseaux d’experts en place et les renforcer, sans oublier les bonnes pratiques en matière d’outils de participation en ligne.

• Mettre en place des réseaux avec la participation des fournisseurs d’accès à Internet, afin d’y soutenir la liberté d’expression et de définir des comportements communs face aux contenus malveillants, compte tenu des principes énoncés dans le mandat fondamental de l’UNESCO.

• Renforcer l’appui de l’Organisation au développement des capacités et de l’usage d’Internet, en la positionnant comme intermédiaire neutre avec les partenaires bailleurs de fonds, dont le secteur privé, afin d’aider les pays en développement à appliquer des innovations faisables et utiles.

Conclusion

82. L’Internet est la technologie de l’avenir, et l’analyse des tendances des dix dernières années permet de conclure que les problèmes d’accès iront s’atténuant, ce qui mettra au premier plan, dans toutes les régions du monde, les questions concernant l’usage qui en est fait. Le développement et la gouvernance de l’Internet arrivent donc à un moment charnière et l’UNESCO

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est bien placée pour jouer un rôle actif dans cette transition et contribuer à apporter des réponses aux problèmes et à tirer parti des possibilités complexes qui se font jour. À mesure que l’Internet prend un caractère d’ubiquité, il offre plus de possibilités pour le développement humain et pour le progrès de domaines tels que l’éducation, la science et la culture. Parallèlement, le fait qu’il ne connaît pas de frontières continuera probablement de susciter des tensions avec les réglementations et les normes sociales nationales.

83. Globalement, on peut voir le développement de l’Internet comme l’acheminant tout droit au cœur de domaines essentiels du mandat de l’UNESCO, promettant de faciliter la libre circulation des idées par le mot et par l’image, et favorisant la production et la diffusion de nouveaux savoirs. L’UNESCO, pour sa part, devra s’employer à assurer l’accès universel à l’information et au savoir, à améliorer continuellement les avantages qui peuvent en être tirés pour les femmes comme pour les hommes, ainsi qu’à mieux cerner les incidences de l’Internet dans ses domaines de compétence. Dans ce contexte, l’autonomisation des communautés marginalisées (telles que les communautés minoritaires et autochtones, les analphabètes, les femmes et les filles, les personnes handicapées, etc.) revêt une importance particulière. Parallèlement, l’Organisation devrait continuer d’accroître ses efforts en vue de l’autonomisation de tous grâce à l’initiation aux médias et à l’information, moyen essentiel de réduire la fracture numérique.

84. Les objectifs primordiaux de l’Organisation et ses deux priorités globales – l’Afrique et l’égalité entre les sexes – sont en synergie naturelle avec l’Internet, lequel peut être considéré comme essentiel à la poursuite de la mission d’ensemble de l’UNESCO. Il y a donc là pour cette dernière une chance unique de jouer un rôle de premier plan pour permettre de réaliser pleinement les possibilités qu’offrent l’Internet en termes de développement au service de l’édification de sociétés du savoir inclusives.

Ce document est imprimé sur du papier recyclé.