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CAS PRATIQUE PROCTOLOGIE DE Dr L. Abramowitz Unité médicale et chirurgicale de proctologie AP-HP Bichat, Paris Tous les humains ont des hémorroïdes internes et externes (figure 1) et seulement certains développeront une pathologie à ce niveau dans leur vie. Les hémorroïdes internes peuvent se prolaber, saigner et rarement se thromboser. Les hémorroïdes externes ne peuvent se manifester que par la thrombose ou les marisques, ces dernières n’étant que les séquelles d’une thrombose hémorroïdaire externe (THE) cicatrisée. Les incidences de ces différentes manifestations sont très mal étudiées avec des estimations de la pathologie hémorroïdaire variant de 4,4 à 86% selon les études (1) . Cette disparité est la conséquence de ce que les auteurs appellent en général : « crise hémorroïdaire ». Celle-ci pouvant correspondre à la très importante crise de thrombose hyper algique souvent externe, mais aussi au saignement hémorroïdaire interne plus ou moins important en fréquence (1 épisode de saignement par jour ou 1 par semestre ou encore 1 par an…) ou en intensité (saignement sur le papier, dans la cuvette ou dans les vêtements en traversant le pantalon…) et enfin au prolapsus dont il existe 4 stades (1 er stade : hémorroïdes congestives non prolabées ; 2 ème stade : hémorroïdes se prolabant lors de la défécation et se réintégrant spontanément en fin de selle ; 3 ème stade : hémorroïdes se prolabant lors de la défécation et nécessitant une réintégration manuelle (figure 2) ; 4 ème stade : hémorroïdes prolabées en permanence ne pouvant pas se réintégrer manuellement) (1) . La vraie crise hémorroïdaire qui est une urgence thérapeutique est la thrombose dont l’incidence n’est pas connue dans la population générale, mais l’on sait que la douleur anale est la première cause (50%) de consultation de proctologie en médecine générale (2) . Globalement, cette douleur anale peut être déclenchée par la thrombose hémorroïdaire, la fissure anale ou un abcès. L’incidence de la thrombose hémorroïdaire a été étudiée dans 2 sous- En partenariat avec la Un retour d’Afrique bien INVALIDANT Hémorroïde interne dilatations vasculaires développées au niveau du plexus hémorroïdal supérieur Sphincter anal interne Ligne pectinée Sphincter anal externe Marge anale Anoderme Prolapse hémorroïdaire Hémorroïde externe sous pectinéales, tributaires des systèmes honteux Figure 1 : Anatomie du canal anal A gauche sur le schéma hémorroïde interne en place A droite sur le schéma Prolapse hémorroïdaire 1 2 Figure 2 : Prolapsus hémorroïdaire stade 3, strictement indolore et flasque après une poussée 1 2

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CAS PRATIQUE PROCTOLOGIEDE Dr L. Abramowitz

Unité médicale et chirurgicale de proctologie AP-HP Bichat, Paris

Tous les humains ont des hémorroïdes internes et externes (figure 1) et seulement certains développeront une pathologie à ce niveau dans leur vie. Les hémorroïdes internes peuvent se prolaber, saigner et rarement se thromboser. Les hémorroïdes externes ne peuvent se manifester que par la thrombose ou les marisques, ces dernières n’étant que les séquelles d’une thrombose hémorroïdaire externe (THE) cicatrisée. Les incidences de ces différentes manifestations sont très mal étudiées avec des estimations de la pathologie hémorroïdaire variant de 4,4 à 86% selon les études (1). Cette disparité est la conséquence de ce que les auteurs appellent en général : « crise hémorroïdaire ». Celle-ci pouvant correspondre à la très importante crise de thrombose hyper algique souvent externe, mais aussi au saignement hémorroïdaire interne plus ou moins important en fréquence (1 épisode de saignement par jour ou 1 par semestre ou encore 1 par an…) ou en intensité (saignement sur le papier, dans la

cuvette ou dans les vêtements en traversant le pantalon…) et enfin au prolapsus dont il existe 4 stades (1er stade : hémorroïdes congestives non prolabées ; 2ème stade : hémorroïdes se prolabant lors de la défécation et se réintégrant spontanément en fin de selle ; 3ème stade : hémorroïdes se prolabant lors de la défécation et nécessitant une réintégration manuelle (figure 2) ; 4ème stade : hémorroïdes prolabées en permanence ne pouvant pas se réintégrer manuellement) (1).

La vraie crise hémorroïdaire qui est une urgence thérapeutique est la thrombose dont l’incidence n’est pas connue dans la population générale, mais l’on sait que la douleur anale est la première cause (50%) de consultation de proctologie en médecine générale (2). Globalement, cette douleur anale peut être déclenchée par la thrombose hémorroïdaire, la fissure anale ou un abcès.

L’incidence de la thrombose hémorroïdaire a été étudiée dans 2 sous-

En partenariat avec la

Un retour d’Afrique bien INVALIDANT

Hémorroïde internedilatations vasculaires

développées au niveau duplexus hémorroïdal supérieur

Sphincter anal interne

Ligne pectinée

Sphincter anal externe

Marge anale

Anoderme

Prolapse hémorroïdaire

Hémorroïde externe sous pectinéales, tributaires

des systèmes honteux

Figure 1 : Anatomie du canal anal

A gauche sur le schéma hémorroïde interne en place A droite sur le schéma Prolapse hémorroïdaire

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Figure 2 : Prolapsus hémorroïdaire stade 3, strictement indolore et flasque après une poussée

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populations que sont les femmes enceintes et les patients VIH. Elle était de 20% chez les femmes venant d’accoucher (3) et de 3% dans une population de patients infectés par le VIH venant consulter leur infectiologue pour le suivi habituel de leur maladie infectieuse (4).

La prise en charge de la thrombose est assez consensuelle dans les différentes recommandations publiées (1,5). Une excision ou une incision doit être réalisée en cas de thrombose hémorroïdaire externe (non interne), douloureuse, non oedématiée et non multiple. Ce cas de figure ne semble pas aussi fréquent que cela, car lorsqu’une thrombose est douloureuse, elle l’est surtout à cause de l’œdème. Le traitement médical est donc très fréquemment prescrit dans la pratique.

Nous rapportons ici l’histoire d’un patient qui a consulté en urgence au cabinet de proctologie pour douleur anale permanente contre-indiquant la station assise. Les symptômes ont débutés il y a 2 jours avec un gonflement progressif de plusieurs «boules» anales apparues après un

épisode de diarrhée avec 6 à 8 selles par jour au retour d’un voyage en Afrique. Le patient a tout d’abord consulté son pharmacien le premier jour qui lui a donné un topique «neutre» en pommade (sans anesthésique local ou corticoïde) et du lopéramide pour sa diarrhée. Puis il a consulté le lendemain un médecin généraliste d’urgence qui lui a prescrit un veinotonique et du paracétamol. Devant la persistance des symptômes et l’incapacité totale majeure en résultant, il a décidé de consulter un spécialiste des hémorroïdes. Lorsque nous le voyons, la douleur du patient est évaluée à 9 sur 10 et il ne peut s’asseoir. L’inspection de la marge anale révèle une tuméfaction anale, circulaire et très oedématiée (figure 3). Le toucher ano-rectale et l’anuscopie sont bien évidemment impossibles.

Aucune exploration n’est par ailleurs nécessaire pour affirmer le diagnostic de thrombose hémorroïdaire externe oedématiée circulaire. Cet œdème important contre-indique et rend toute tentative d’excision ou d’incision irréalisable voir délétère. En effet, cet œdème ne permettrait pas d’atteindre le caillot en profondeur et la multi-thrombose imposerait un nombre d’excisions trop important pour

réaliser l’exérèse de l’ensemble des lésions. Un traitement médical associant plusieurs thérapeutiques était donc nécessaire.

La régularisation du transit est un élément essentiel dans la prise en charge. Il est en effet probable que la diarrhée du voyageur de ce patient avec un nombre important d’évacuations et une dyschésie associée ont été un élément moteur dans le déclenchement de cette thrombose (1,6). Il est donc prioritaire de l’expliquer au patient pour qu’il ne pousse plus pour aller aux toilettes et de lui prescrire les conseils hygiéno-diététiques adaptés (régime riche en féculent et pauvre en fibres) associé à un traitement médical (type pansement digestif à base d’argile).

Les marisques séquellaires correspondant aux «sacs» vides hémorroïdaires disparaissent plus ou moins selon l’élasticité cutanée des patients. Il est alors important d’expliquer cette évolution aux patients qui ne doivent pas s’inquiéter de la persistance d’une ou plusieurs tuméfactions flasques de l’anus. Il n’y a aucun risque inhérent à ces marisques : ni de récidive ni d’évolution cancéreuse (ce qui peut être la peur de certains patients). La chirurgie qui ne peut être qu’une hémorroïdectomie, n’est à proposer qu’en cas de récidives fréquentes et invalidantes. Elle est donc exceptionnelle chez des patients qui ne souffrent en général de thrombose qu’épisodiquement, voire une seule fois dans leur vie. Ceci restant vrai même en cas de volumineuse et hyper-algique thrombose, qui répond en général très bien au traitement médical.

Un CAS du Dr L. Abramowitz

Figure 3 : Thromboses hémorroïdaires externes œdématiées et hyperalgiques

CAS PRATIQUE PROCTOLOGIEDE

ConclusionLa thrombose hémorroïdaire est le plus souvent la conséquence d’un effort de dyschésie mais aussi de défécations répétées irritantes pour l’anus, dans le cadre d’une diarrhée (6). La régularisation de cette diarrhée est alors un objectif prioritaire (qu’elle soit aiguë ou chronique). Le traitement repose dans la grande majorité des cas sur un traitement médical. La douleur diminue très rapidement et la guérison survient en quelques jours.

Bayer Santé Familiale S.A.S.33, rue de l’Industrie74240 Gaillardwww.bayerhealthcare.fr

PUM

2013

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RÉFÉRENCES :1. Abramowitz L, Godeberge P, Soudan D, Staumont G. Société Nationale Française de Colo-Proctologie.

Recommandations pour la pratique clinique sur le traitement de la maladie hémorroïdaire. Gastroen-terol Clin Biol 2001;25:674-702.

2. Pigot F, Siproudhis L, Bigard MA, Staumont G. Ano-rectal complaints in general practitioner visits: consumer point of view. Gastroenterol Clin Biol 2006;30:1371-74.

3. Abramowitz L, Sobhani I, Benifla JL, Vuagnat A, Darai E, Mignon M, et al. Anal fissure and thrombosed external hemorrhoids before and after delivery. Dis Colon Rectum 2002;45:262

4. Abramowitz L, Benabderrahmane D, Baron G, Walker F, Yeni P, Duval X. Systematic evaluation and description of anal pathologies in HIV-infected patients during HAART era. Disease Colon Rectum 2009. in press.

5. American gastroenterological association medical position statement: diagnosis and treatment of hemorrhoids. Gastroenterology 2004;126:1463-73.

6. Johanson J. F. Association of hemorrhoidal disease with diarrheal disorders: potential pathogenic relationship? Dis Colon Rectum 1997;40:215-9.