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Anatomie chirurgicale de l’aine E. Pélissier, P. Ngo Une parfaite connaissance de l’anatomie complexe de l’aine est indispensable à la compréhension des mécanismes de formation des hernies et à la réalisation des différentes techniques chirurgicales disponibles. La fréquence des hernies de l’aine est en rapport avec la présence d’une zone de faiblesse de la paroi, située entre bord inférieur des muscles oblique interne et transverse d’une part et ligament de Cooper d’autre part, fermée seulement par le fascia transversalis. Tous les procédés de réparation herniaire ont pour but de pallier la déficience du fascia transversalis. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Hernie de l’aine ; Hernie crurale ; Fossette inguinale ; Canal inguinal ; Bandelette iliopubienne Plan Introduction 1 Structure anatomique de l’aine 1 Trou musculopectinéal de Fruchaud 1 Plan musculoaponévrotique 1 Plan vasculaire 4 Plan péritonéal et espace sous-péritonéal 5 Cordon inguinal 5 Nerfs 6 Anatomie chirurgicale 7 Abord antérieur 7 Abord postérieur 8 Physiologie 11 Anatomie pathologique 11 Altérations structurelles du fascia transversalis 11 Différents types de hernies 11 Classification des hernies 12 Introduction L’aine est une région anatomique complexe qui présente deux caractéristiques particulières. En premier lieu c’est une région frontière, caractérisée par la présence contradictoire de structures qui passent normalement de l’abdomen à la cuisse (muscles, vaisseaux, et nerfs) ou au testicule, et de viscères, qui doivent normalement rester dans la cavité abdomi- nale. D’autre part elle présente une faiblesse constitutionnelle, liée à la fois à l’adoption de la position debout et au passage du cordon. En effet dans l’espèce humaine, le développement de la position debout s’est accompagné d’un étirement transversal et longitudinal des muscles abdominaux, du fait de l’élargissement du bassin osseux et de l’extension de la cuisse sur le bassin [1] . La dilacération des aponévroses de terminaison n’a laissé subsister qu’un mince fascia, encore affaibli dans le sexe masculin par le passage du cordon, conséquence de la migration du testicule. L’anatomie de l’aine se présente différemment au chirurgien selon la voie d’abord. C’est pourquoi nous décrirons successive- ment la structure anatomique de la paroi, puis la présentation différente des éléments anatomiques dans les voies d’abord antérieure et postérieure, traditionnelle et vidéoassistée. Structure anatomique de l’aine Le cordon spermatique traverse la paroi abdominale dans une fente située entre les différents plans pariétaux : le canal inguinal (canalis inguinalis) qui a une direction oblique de dehors en dedans, d’arrière en avant et de haut en bas. Sa paroi antérieure est formée par l’aponévrose du muscle oblique externe, sa paroi postérieure par l’aponévrose du muscle transverse et le fascia transversalis. Son bord supérieur est formé par le muscle oblique interne et son bord inférieur par l’arcade crurale (Fig. 1). Trou musculopectinéal de Fruchaud C’est un orifice décrit par Fruchaud [1] , par lequel s’extériori- sent toutes les variétés de hernies de l’aine (Fig. 2). Il est limité en dehors par le muscle psoas iliaque, qui est lui-même formé du muscle psoas (musculus [M] psoas major) et du muscle iliaque (M iliacus) recouverts par une aponévrose résistante, le fascia iliaca, en dedans par la terminaison du muscle droit de l’abdomen (M rectus abdominis) sur le pubis, en bas par la crête pectinéale du pubis, doublée du ligament de Cooper ou liga- ment pectinéal, et en haut par le bord inférieur des muscles oblique interne et transverse, formant la falx inguinalis. Cet orifice est divisé en deux parties par la bandelette iliopubienne de Thomson ; la partie supérieure est le siège de la zone faible inguinale. La partie inférieure donne passage au muscle psoas et au nerf fémoral en dehors, aux vaisseaux iliaques en dedans. Elle est le siège des hernies crurales ou fémorales. Plan musculoaponévrotique Il est constitué par le muscle droit de l’abdomen et les trois muscles latéraux de la paroi abdominale (Fig. 3). 40-105 1 Techniques chirurgicales - Appareil digestif

Anatomie chirurgicale de l’aine

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Page 1: Anatomie chirurgicale de l’aine

Anatomie chirurgicale de l’aine

E. Pélissier, P. Ngo

Une parfaite connaissance de l’anatomie complexe de l’aine est indispensable à la compréhension desmécanismes de formation des hernies et à la réalisation des différentes techniques chirurgicalesdisponibles. La fréquence des hernies de l’aine est en rapport avec la présence d’une zone de faiblesse dela paroi, située entre bord inférieur des muscles oblique interne et transverse d’une part et ligament deCooper d’autre part, fermée seulement par le fascia transversalis. Tous les procédés de réparationherniaire ont pour but de pallier la déficience du fascia transversalis.© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Hernie de l’aine ; Hernie crurale ; Fossette inguinale ; Canal inguinal ; Bandelette iliopubienne

Plan

¶ Introduction 1

¶ Structure anatomique de l’aine 1Trou musculopectinéal de Fruchaud 1Plan musculoaponévrotique 1Plan vasculaire 4Plan péritonéal et espace sous-péritonéal 5Cordon inguinal 5Nerfs 6

¶ Anatomie chirurgicale 7Abord antérieur 7Abord postérieur 8

¶ Physiologie 11

¶ Anatomie pathologique 11Altérations structurelles du fascia transversalis 11Différents types de hernies 11Classification des hernies 12

■ IntroductionL’aine est une région anatomique complexe qui présente

deux caractéristiques particulières. En premier lieu c’est unerégion frontière, caractérisée par la présence contradictoire destructures qui passent normalement de l’abdomen à lacuisse (muscles, vaisseaux, et nerfs) ou au testicule, et deviscères, qui doivent normalement rester dans la cavité abdomi-nale. D’autre part elle présente une faiblesse constitutionnelle,liée à la fois à l’adoption de la position debout et au passage ducordon. En effet dans l’espèce humaine, le développement de laposition debout s’est accompagné d’un étirement transversal etlongitudinal des muscles abdominaux, du fait de l’élargissementdu bassin osseux et de l’extension de la cuisse sur le bassin [1].La dilacération des aponévroses de terminaison n’a laissésubsister qu’un mince fascia, encore affaibli dans le sexemasculin par le passage du cordon, conséquence de la migrationdu testicule.

L’anatomie de l’aine se présente différemment au chirurgienselon la voie d’abord. C’est pourquoi nous décrirons successive-ment la structure anatomique de la paroi, puis la présentationdifférente des éléments anatomiques dans les voies d’abordantérieure et postérieure, traditionnelle et vidéoassistée.

■ Structure anatomique de l’aineLe cordon spermatique traverse la paroi abdominale dans une

fente située entre les différents plans pariétaux : le canalinguinal (canalis inguinalis) qui a une direction oblique dedehors en dedans, d’arrière en avant et de haut en bas. Sa paroiantérieure est formée par l’aponévrose du muscle obliqueexterne, sa paroi postérieure par l’aponévrose du muscletransverse et le fascia transversalis. Son bord supérieur est formépar le muscle oblique interne et son bord inférieur par l’arcadecrurale (Fig. 1).

Trou musculopectinéal de FruchaudC’est un orifice décrit par Fruchaud [1], par lequel s’extériori-

sent toutes les variétés de hernies de l’aine (Fig. 2). Il est limitéen dehors par le muscle psoas iliaque, qui est lui-même formédu muscle psoas (musculus [M] psoas major) et du muscleiliaque (M iliacus) recouverts par une aponévrose résistante, lefascia iliaca, en dedans par la terminaison du muscle droit del’abdomen (M rectus abdominis) sur le pubis, en bas par la crêtepectinéale du pubis, doublée du ligament de Cooper ou liga-ment pectinéal, et en haut par le bord inférieur des musclesoblique interne et transverse, formant la falx inguinalis. Cetorifice est divisé en deux parties par la bandelette iliopubiennede Thomson ; la partie supérieure est le siège de la zone faibleinguinale. La partie inférieure donne passage au muscle psoas etau nerf fémoral en dehors, aux vaisseaux iliaques en dedans.Elle est le siège des hernies crurales ou fémorales.

Plan musculoaponévrotiqueIl est constitué par le muscle droit de l’abdomen et les trois

muscles latéraux de la paroi abdominale (Fig. 3).

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Muscle droit de l’abdomen (M rectus abdominis)

Il s’insère en haut sur les 5e, 6e et 7e cartilages costaux et setermine en bas par un tendon, qui s’étend de l’épine à lasymphyse du pubis. Il est logé dans une gaine fibreuse (vaginaM recti abdominis), formée par la fusion des aponévroses determinaison des trois muscles larges, entrecroisées au niveau dela ligne médiane, pour former la ligne blanche (linea alba). Auniveau des deux tiers supérieurs, le feuillet antérieur de la gaineest formé par l’union de l’aponévrose du muscle oblique externeavec le feuillet antérieur de l’aponévrose du muscle obliqueinterne ; le feuillet postérieur est formé par l’union du feuilletpostérieur de cette aponévrose avec l’aponévrose du transverse.Au niveau du tiers inférieur, les trois aponévroses passent enavant, de sorte que la face profonde du muscle droit n’esttapissée que par le fascia transversalis. La limite entre la partiefibreuse et la partie celluleuse du feuillet postérieur dessine unecourbe appelée arcade de Douglas (linea arcuata), située à peuprès à hauteur de la ligne bi-iliaque. Le passage des feuilletsaponévrotiques vers l’avant peut se faire par étapes, de sorte quel’arcade peut être dédoublée. Le niveau de l’arcade est variable ;la distance par rapport à l’ombilic est de l’ordre de 4,5 cm avecdes extrêmes de 2 à 13 [3].

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Figure 3. Plan musculoaponévrotique. 1. Muscle oblique externe ; 2.muscle oblique interne ; 3. aponévrose oblique externe ; 4. muscle trans-verse.

Figure 1. Coupe antéropostérieure du canal inguinal.A. Conception de Fruchaud [1]. 1. Aponévrose du muscle oblique ex-terne ; 2. muscle oblique interne ; 3. muscle transverse ; 4. péritoine ;5. fascia transversalis ; 6. faisceau principal externe du crémaster ;7. vaisseaux épigastriques ; 8. arcade crurale ; 9. ligament de Gimbernat ;10. ligament de Cooper ; 11. muscle pectiné.B. Conception de Read [2]. 1. Fascia transversalis ; 2. feuillet antérieur dufascia transversalis ; 3. feuillet postérieur du fascia transversalis ; 4. vais-seaux épigastriques ; 5. aponévrose du muscle transverse et feuillet anté-rieur du fascia transversalis réunis.

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Figure 2. Trou musculopectinéal, d’après Fruchaud [1]. 1. Muscle obli-que interne ; 2. muscle droit ; 3. fascia iliaca ; 4. bandelette iliopubienne ;5. ligament de Cooper ; 6. arcade de Douglas.A. Vue antérieure.B. Vue postérieure.

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Muscle oblique externe(M obliquus externus abdominis)

Il s’insère en haut sur les côtes, de la 5e à la 12e. Aux fibrescharnues de la moitié postérieure fait suite une large lameaponévrotique. Au niveau de l’aine, il est représenté par sonaponévrose de terminaison, lame mince et étalée s’unissant endedans au feuillet antérieur de la gaine des droits. En bas, elleadhère au fascia iliaca dans sa partie externe, puis en regard desvaisseaux fémoraux, ses fibres se recourbent vers l’intérieur pourformer l’arcade crurale, également appelée arcade fémorale ouligament de Poupart. Les fibres les plus internes se recourbenten dedans et en arrière et vont s’insérer sur la crête pectinéale,formant le ligament de Gimbernat (ligamente lacunare). Un peuau-dessus et en dehors de l’épine du pubis, les fibres de l’apo-névrose du muscle oblique externe, plus minces et clairsemées,s’écartent pour former les deux piliers de l’orifice inguinalsuperficiel. L’étendue de ce defect est variable ; dans 20 % descas, il peut remonter au-delà du canal inguinal [4].

Muscle oblique interne(M obliquus internus abdominis)

Il s’insère en arrière sur le fascia lombosacré, en bas sur les troisquarts antérieurs de la crête iliaque, la partie latérale de l’arcadecrurale, le fascia iliaca et en haut sur les quatre derniers cartilagescostaux. Ses fibres charnues divergent en éventail : elles ont unedirection oblique ascendante dans la portion supérieure, horizon-tale dans la portion moyenne et oblique descendante dans laportion inférieure. En dedans, son aponévrose de terminaisons’unit à la gaine des muscles droits. Son bord inférieur décrit unearche qui passe à distance de la crête pectinéale.

Le développement du muscle oblique interne est variable(Fig. 4). Anson et al. [4], sur 500 dissections cadavériques, ontconstaté que dans le sens vertical, le corps charnu n’atteignaitla limite inférieure du canal inguinal que dans 2 % des cas. Ilcouvrait plus de 75 % de la zone située au-dessous de la lignebi-iliaque dans 75 % des cas et ne recouvrait que la moitiésupérieure dans 23 % des cas. Dans le sens transversal, le corpscharnu ne recouvrait 75 % que dans 75 % des cas, plus de 75 %dans 7 % et moins de 75 % dans 8 % des cas. Lorsque le bord

inférieur du muscle est en position basse, au contact du faisceauprincipal externe du crémaster et du bord supérieur du cordon,l’orifice musculopectinéal est peu étendu et le plan de couver-ture solide. Lorsque le bord inférieur de l’oblique interne estplus ou moins haut situé, la paroi postérieure du canal inguinalest plus ou moins découverte, de sorte qu’il y a une zone defaiblesse. En outre, dans 48 % des cas, il existe des defects dansle muscle, comblés par de la graisse. La présence de defectsassociée à une insertion haute du muscle dans 36,8 % des cascompromet sérieusement l’efficacité de la barrière musculaire [4].

Plan musculofascial profondIl est formé par la partie basse du muscle transverse et son

aponévrose de terminaison unie au fascia transversalis.

Muscle transverse (M transversus abdominis)

Le muscle transverse s’insère en arrière au niveau des apo-physes transverses des vertèbres lombaires, en haut au niveaudes six derniers arcs costaux, en bas sur la crête iliaque, le tiersexterne de l’arcade crurale et le fascia iliaca. Les fibres charnuesont une direction prédominante horizontale, les fibres inférieu-res ont une direction oblique descendante. Le transverse setermine par une aponévrose qui s’unit à la gaine du muscledroit. Il est situé dans un plan plus profond que le muscleoblique interne (Fig. 3). Selon Anson et al. [4], le bord inférieurdu transverse n’atteint le bord supérieur du canal inguinal quedans 14 % des cas. Il recouvre seulement la moitié de la paroipostérieure dans 67 % des cas et le quart dans 20 %. En largeur,il ne recouvre la moitié de la région que dans 67 % des cas etla laisse totalement découverte dans 22 % des cas (Fig. 5). Dufait de cette disposition particulière des muscles, le planmusculofascial profond présente souvent une zone de faiblessecouverte par le seul fascia transversalis.

Fascia transversalis

Le fascia transversalis a été décrit par Cooper en 1804 commesuit : « lorsque les portions inférieures des muscles oblique interneet transverse sont relevées, on découvre un fascia interposé entreces muscles et le péritoine, à travers lequel les vaisseaux sperma-tiques émergent de l’abdomen. Ce fascia que je me suis autoriséà nommer fascia transversalis est de densité variable, il est solideen direction de l’os iliaque et faible, de nature plus celluleuse, endirection du pubis » [5]. Depuis cette description, le fasciatransversalis a fait l’objet de multiples controverses, concernantentre autres sa véritable nature, certains le considérant comme

Figure 4. Variations de la terminaison du muscle oblique interne,d’après Anson et al. [4].A. Bord inférieur du muscle interne en position basse recouvrant complè-tement le fascia transversalis.B. Bord inférieur du muscle en position haute découvrant le fasciatransversalis.C. Defects dans l’épaisseur du muscle.

Figure 5. Variations de la terminaison du muscle transverse, d’aprèsAnson et al. [4].

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une structure autonome, d’autres comme un prolongement dufeuillet postérieur de l’aponévrose du transverse. Actuellement, ondésigne généralement par le terme fascia transversalis la couchede tissu conjonctif qui tapisse la face profonde de la musculatureabdominale dans sa totalité [6]. Dans une étude récente dedissections de cadavres frais, Peiper et al. [7] ont individualisé unfascia se présentant comme « un feuillet prépéritonéal indépen-dant doublant la face profonde des muscles abdominaux », sansconnexion entre les muscles et le fascia, ce qui correspond à ladescription initiale de Cooper.

Quoi qu’il en soit, le chirurgien constate toujours la présenced’un feuillet de consistance variable, fermant la zone laissée àdécouvert par les muscles oblique interne et transverse auniveau de la paroi postérieure du canal inguinal, tendu entre lebord inférieur du transverse en haut, le ligament de Cooper etla gaine des vaisseaux fémoraux en bas et la gaine du muscledroit en dedans (Fig. 1, 6, 7). Il se prolonge à la face profondedu muscle droit en dessous de l’arcade de Douglas sous formed’une lame de tissu celluleux lâche [7, 8].

Zone faible inguinale

Ainsi dénommée par Fruchaud [1], elle a une forme ovalaire ;son bord supérieur correspondant au bord inférieur de l’aponé-vrose du transverse, son bord inférieur à la bandelette iliopu-bienne (ligamente inguinale) (Fig. 6). Celle-ci est unépaississement du fascia, se présentant sous la forme d’un rubanmince et étroit, grossièrement parallèle à l’arcade crurale, àlaquelle elle adhère, passant à la face antérieure des vaisseauxfémoraux, tendue du fascia iliaca en dehors à la terminaison dumuscle droit en dedans. L’extrémité interne de la zone defaiblesse inguinale est arrondie en dedans au niveau du liga-ment de Henle, qui correspond en fait simplement à la réuniondes fibres de terminaison basse de l’aponévrose du transverse etde la gaine du droit, avec la bandelette iliopubienne. L’extré-mité externe est formée par la jonction à angle aigu du bordinférieur du transverse et de la bandelette iliopubienne. La zonefaible inguinale englobe l’orifice inguinal profond, siège deshernies indirectes ou latérales, et la zone de faiblesse interne,siège des hernies directes ou médiales, de part et d’autre desvaisseaux épigastriques. La zone faible inguinale est appelée parles auteurs étrangers triangle de Hessert. Le triangle de Hessel-bach correspond à l’aire comprise entre le muscle droit endedans, les vaisseaux épigastriques en haut et l’arcade crurale enbas. La surface du triangle de Hessert a été mesurée au cours de130 herniorraphies et sur 132 dissections cadavériques : elle estsignificativement plus grande chez les patients opérés pourhernie que sur les corps sans hernie, chez les patients opérés dehernie directe qu’indirecte et chez l’homme que chez la femme.Ces constatations confirment qu’une surface de fascia nonrecouverte de muscles, pour des raisons constitutionnelles ouacquises, est un facteur déterminant de hernie [9].

Plan vasculaireLes vaisseaux iliofémoraux traversent le trou musculopectinéal

dans sa partie externe. Ils cheminent dans la gaine vasculaire quifait suite au fascia transversalis et sont entourés de tissu celluleuxen continuité avec le tissu sous-péritonéal (Fig. 8).

L’artère circonflexe iliaque profonde et l’artère épigastriqueinférieure (que nous dénommerons dorénavant épigastrique, parmesure de simplicité) naissent des vaisseaux iliofémoraux, àhauteur de la bandelette iliopubienne ; elles sont accompagnéesde leurs veines satellites. Les vaisseaux circonflexes iliaques seportent en dehors et pénètrent rapidement sous le fascia iliaca.Les vaisseaux épigastriques dessinent d’abord une courbe àconcavité supérieure, s’opposant à celle du cordon, puis sedirigent obliquement en haut et en dedans cheminant enarrière du fascia transversalis. Ils croisent le bord latéral dumuscle droit 4 à 8 cm au-dessus du pubis et pénètrent dans lagaine des droits au niveau de l’arcade de Douglas. Ils donnentles vaisseaux funiculaires ou crémastériens, qui vont au cordonet des branches anastomotiques avec les vaisseaux obturateursqui croisent le Cooper.

Selon Fruchaud [1], une lame conjonctive épaisse entoure lesvaisseaux épigastriques. Elle constitue un renforcement profondde la zone de faiblesse inguinale, situé en arrière du fasciatransversalis (Fig. 9). Elle a une forme grossièrement triangulaire.Son bord supéroexterne assez épais suit les vaisseaux épigastri-ques et forme la limite interne de l’orifice inguinal profond : ilcorrespond au ligament de Hesselbach. La lame conjonctives’étend en dedans sur le reliquat de l’artère ombilicale et sefusionne avec l’aponévrose ombilicoprévésicale, au bord externede la vessie. En bas, elle se prolonge vers les lames vasculairespelviennes. Les auteurs américains [2, 5] considèrent que le fasciatransversalis est formé de deux feuillets : un feuillet antérieur

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Figure 6. Zone faible inguinale, d’après Fruchaud [1]. 1. Aponévrose dumuscle oblique externe ; 2. muscle oblique interne ; 3. vaisseaux épigas-triques ; 4. muscle transverse ; 5. fascia transversalis ; 6. arcade crurale ;7. bandelette iliopubienne ; 8. ligament de Henle.

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Figure 7. Vue postérieure montrant la continuité du fascia transversalisavec la gaine des vaisseaux fémoraux, d’après Fruchaud [1]. 1. Aponévrosedu muscle oblique externe ; 2. muscle oblique interne ; 3. muscle trans-verse et fascia transversalis ; 4. orifice inguinal profond ; 5. arcade crurale ;6. vaisseaux épigastriques ; 7. muscle psoas iliaque ; 8. bandelette iliopu-bienne ; 9. veine iliaque ; 10. ligament de Cooper.

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4 Techniques chirurgicales - Appareil digestif

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membraneux et un feuillet postérieur celluleux, entre lesquelscheminent les vaisseaux épigastriques (Fig. 1). On peut considé-rer qu’il s’agit d’une différence d’interprétation d’une mêmeréalité anatomique, ce feuillet postérieur correspondant à lalame périvasculaire de Fruchaud. En pratique, on retiendra queles vaisseaux épigastriques sont solidaires du fascia transversalis,auquel ils sont fixés par une lame de tissu celluleux.

Zone faible cruraleC’est un orifice grossièrement triangulaire, situé entre le bord

interne de la veine fémorale en dehors, le ligament de Cooperen arrière et la bandelette iliopubienne en avant. Il est comblépartiellement par le ligament de Gimbernat en dedans etconduit dans le canal crural, qui livre passage aux herniescrurales de l’abdomen vers la cuisse (Fig. 8).

Les vaisseaux fémoraux sont englobés dans une gaine vascu-laire, qui est en continuité avec le fascia transversalis auquel ellefait suite à la cuisse. Le canal crural (ou fémoral) correspond àl’espace situé entre le bord interne de la veine fémorale et lagaine vasculaire. C’est un espace virtuel conique à sommet

inférieur d’environ 15 à 20 mm de long, contenant du tissuconjonctif, des lymphatiques et souvent un ganglion appeléganglion de Cloquet, du nom de l’anatomiste français qui adonné la première description de cet espace en 1817. L’anneaucrural correspond à la base du canal ; selon Anson et al. [4], ilmesure 8 à 27 mm transversalement et 9 à 19 mm dans le senssagittal. Plus récemment, Rodriguez et al. [10], sur 50 cadavresfrais de sexe mâle, ont mesuré les valeurs suivantes : diamètretransversal 1,62 ± 0,37 cm, diamètre antéropostérieur 1,59 ±0,28 cm et profondeur du canal 1,50 ± 0,41 cm, avec undiamètre plus grand du côté droit, qui pourrait expliquer la plusgrande fréquence des hernies crurales du côté droit.

Plan péritonéal et espace sous-péritonéalLe péritoine pariétal tapisse la face profonde de la paroi

abdominale, dont il est séparé par une couche de tissu celluleux(Fig. 1) correspondant à l’espace sous-péritonéal ou extrapérito-néal ou prépéritonéal. Le clivage entre péritoine et fascia estrendu facile par cette couche celluleuse, sauf au niveau de laface profonde du muscle transverse et au pourtour immédiat del’orifice inguinal profond [1, 11].

Le développement de la chirurgie endoscopique a conduit àapprofondir la connaissance de cet espace. Bien qu’il y aitencore des interprétations divergentes, du fait que les structuresde cet espace sont des plans de tissu conjonctif plus ou moinsfusionnés, on admet généralement que l’on rencontre, de laprofondeur à la superficie, les structures suivantes :• le péritoine ;• la graisse sous-péritonéale, qui englobe la vessie et ses

vaisseaux ;• le fascia ombilicoprévésical, feuillet fibrocelluleux triangulaire,

tendu entre l’ombilic et l’aponévrose pelvienne, limitélatéralement par les deux artères ombilicales ;

• l’espace prépéritonéal proprement dit est situé entre ce fasciaet le feuillet postérieur du fascia transversalis. Cet espace estbien développé et avasculaire au milieu, en regard de lavessie, alors que latéralement, la graisse sous-péritonéale estmoins développée, le fascia prévésical et le feuillet postérieurdu fascia transversalis sont plus adhérents entre eux et leurséparation est plus difficile ;

• les vaisseaux épigastriques sont solidaires du feuillet antérieurdu fascia transversalis auquel ils sont unis par une lame detissu conjonctif (cf. supra). Ils montent en arrière du planmusculoaponévrotique. Le plan de clivage dans lequel onplace une prothèse sous-péritonéale, quelle que soit laméthode, se situe en arrière des vaisseaux épigastriques, quirestent accolés à la paroi musculoaponévrotique.L’espace de Bogros est compris entre fascia transversalis en

avant et péritoine en arrière, il est limité en dehors par le fasciailiaca. Il est en continuité avec la graisse de l’espace pararénaldont il est un prolongement inférieur [12, 13]. L’espace de Retziusest un espace de forme triangulaire, dont le sommet correspondà l’ombilic et les bords latéraux aux artères ombilicales. Il estsitué entre pubis et face postérieure des muscles droits en avantet fascia ombilicoprévésical et face antérieure de la vessie enarrière. Les espaces de Bogros et de Retzius sont facilement misen communication en effondrant quelques tractus conjonctifs.

Dans l’espace sous-péritonéal, les éléments constitutifs ducordon, canal déférent et vaisseaux spermatiques divergent, ledéférent se dirigeant en bas et en dedans vers les vésiculesséminales et les vaisseaux spermatiques en haut et en dehorsvers le rein. L’ensemble est enveloppé par une gaine conjonc-tive : la gaine spermatique, prolongement pelvien du fasciaurogénital [13]. Elle a une forme grossièrement triangulaire, sonsommet correspondant à l’orifice inguinal profond, ses bordslatéraux au canal déférent et aux vaisseaux spermatiques. SelonStoppa, elle recouvre largement et constamment les vaisseauxiliaques externes et permet d’éviter l’adhérence d’une prothèseaux vaisseaux [13].

Cordon inguinalIl se forme au niveau de l’orifice inguinal profond et descend

en direction du scrotum. Il contient les vaisseaux spermatiques,

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Figure 8. Plan vasculaire, gaine des vaisseaux fémoraux et canal crural,d’après Fruchaud [1]. 1. Fascia iliaca ; 2. muscle transverse ; 3. muscleoblique interne ; 4. muscle oblique externe ; 5. vaisseaux circonflexesiliaques profonds ; 6. gaine vasculaire ; 7. veine iliaque ; 8. vaisseauxépigastriques. La flèche indique le canal crural.

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Figure 9. Gaine des vaisseaux épigastriques, d’après Fruchaud [1].1. Muscle droit ; 2. vaisseaux épigastriques ; 3. gaine des vaisseauxépigastriques ; 4. fascia transversalis ; 5. ligament de Hesselbach ; 6.bandelette iliopubienne ; 7. fascia iliaca ; 8. canal déférent ; 9. anasto-mose entre vaisseaux épigastriques et obturateurs ; 10. vaisseaux obtura-teurs.

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Page 6: Anatomie chirurgicale de l’aine

le canal déférent et le ligament de Cloquet, reliquat fibreux ducanal péritonéovaginal (Fig. 10). Ces éléments entourés d’untissu celluleux lâche, en continuité avec la lame conjonctive desvaisseaux spermatiques, sont contenus dans la gaine fibreuse ducordon. Celle-ci est une lame conjonctive mince, en continuitéavec le fascia transversalis, dont elle est une évagination [1]. Surcette gaine fibreuse s’insèrent le faisceau principal externe ducrémaster, émanation du muscle oblique interne en avant, et lefaisceau accessoire profond, émanation du transverse, en arrière.L’ensemble forme la gaine fibrocrémastérienne. Le cordoncontient fréquemment des « lipomes », qui se présententcomme des amas de tissu adipeux bien limités, de forme le plussouvent allongée dans le sens de la longueur du cordon. Il nes’agit pas de lipomes véritables au sens anatomopathologique,mais de tissu adipeux histologiquement normal. Ils sontconsidérés comme une protrusion du tissu graisseux sous-péritonéal à travers l’orifice inguinal profond. Ils peuventaccompagner une hernie indirecte, mais aussi se voir enl’absence de sac. Il semble même que cela soit fréquent, ainsisur une série de dissections de 36 régions inguinales sur18 cadavres, en l’absence de hernie inguinale, les « lipomes » ducordon caractéristiques étaient présents dans 27 cas (75 %), sanscorrélation avec l’âge ou le body mass index (BMI) [14].

NerfsLes branches du plexus lombaire gagnent la cuisse en traver-

sant la région inguinale (Fig. 11). Leurs territoires sensitifs sontreprésentés par la Figure 12.

Nerf iliohypogastrique (nervus [N]iliohypogastricus)

Il naît du plexus lombaire (T12-L1) entre les deux faisceaux dumuscle psoas, émerge au bord externe du psoas à hauteur dudisque L1-L2 et se dirige en bas et en dehors en croisant la faceantérieure du muscle carré des lombes. Il perfore le muscletransverse peu après le bord latéral du carré des lombes [11],donne un rameau à destinée fessière et se divise en deux bran-ches. La branche abdominale chemine entre muscles transverse etoblique interne, puis pénètre dans la gaine du muscle droit ets’anastomose avec les derniers nerfs intercostaux. La branchegénitale perfore le muscle oblique interne près de l’épine iliaqueantérosupérieure et chemine à la face profonde du muscle obliqueexterne, parallèle au cordon et très proche de lui. Dans le canalinguinal, classiquement elle est à la face superficielle du muscleoblique interne, parallèle au cordon. Elle quitte le canal inguinalau niveau de l’orifice inguinal superficiel et se distribue auxtéguments de la région crurale du pubis et du scrotum ou desgrandes lèvres. La disposition de la branche génitale et de sesrameaux de terminaison au niveau du canal inguinal est enréalité très variable (Fig. 13).

Nerf ilio-inguinal (N ilioinguinalis)Il naît également du plexus lombaire (T12-L1) et suit un trajet

parallèle au précédent, un peu au-dessous de lui. Il manquedans 25 % des cas [11]. Au niveau du canal inguinal, le nerfchemine classiquement à la face superficielle du cordon sper-matique et quitte le canal inguinal par l’orifice externe. Cesdeux nerfs sont largement anastomosés et les branches génitalessont souvent confondues en une seule.

Nerf cutané latéral de la cuisse(N cutaneus femoris lateralis)

Né de L2, il émerge du muscle psoas à son bord externe,descend oblique en bas et en dehors à la face antérieure dumuscle iliaque, sous le fascia iliaca et devient superficiel un peuau-dessous et en dedans de l’épine iliaque antérosupérieure dontil est distant de 1 à 4,5 cm [5], pour innerver les téguments dela face antéroexterne de la cuisse.

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Figure 10. Constitution du cordon inguinal, d’après Fruchaud [1].1. Muscle transverse ; 2. muscle oblique interne ; 3. faisceau principalexterne du crémaster ; 4. gaine fibreuse du cordon ; 5. canal déférent ;6. artère épigastrique ; 7. fascia transversalis ; 8. artère funiculaire oucrémastérienne ; 9. artère spermatique ; 10. veine spermatique.

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Figure 11. Nerfs de la région inguinocrurale. 1. Nerf iliohypogastrique ;2. nerf cutané latéral de la cuisse ; 3. nerf génitofémoral ; 4. branchegénitale ; 5. branche fémorale.

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Figure 12. Territoires sensitifs des nerfs de l’aine. 1. Nerf iliohypogas-trique ; 2. nerf ilio-inguinal ; 3. nerf génitofémoral ; 4. nerf cutané latéralde la cuisse.

40-105 ¶ Anatomie chirurgicale de l’aine

6 Techniques chirurgicales - Appareil digestif

Page 7: Anatomie chirurgicale de l’aine

Nerf génitofémoral (N genitofemoralis)

Né du plexus lombaire (L1-L2), il traverse le psoas et émergede ce muscle à hauteur du disque L3-L4 [11]. Il descend obliqueen bas et en dehors sous le fascia iliaca. Il croise la direction desvaisseaux spermatiques et de l’uretère, longe le côté externe del’artère iliaque externe et se divise en deux branches. La branchefémorale accompagne l’artère iliofémorale et se distribue auxtéguments du triangle de Scarpa. La branche génitale suit lesvaisseaux spermatiques, croise l’artère iliaque, traverse l’orificeinguinal profond et suit le bord inférieur du cordon spermati-que ; elle innerve le crémaster et se distribue aux téguments duscrotum. Selon une étude récente, il se présente comme untronc nerveux unique dans 58 % des cas, mais les deux bran-ches sont séparées d’emblée dans 42 % des cas [16]. La branchegénitale chemine dans la très grande majorité des cas à la faceprofonde du cordon, dans l’épaisseur des fibres du crémaster.Dans 59 % des cas elle est en rapport avec les fibres inférieures,dans 31 % avec les fibres latérales et dans 7 % avec les fibresmédiales [17].

Nerf fémoral (N femoralis)

Né de L2-L3-L4, il émerge de la gouttière formée par lesmuscles psoas et iliaque, descend sous le fascia iliaca et gagnela cuisse en passant sous l’arcade crurale en dehors de l’artèrefémorale, en moyenne à 5 cm (3 cm-7,5 cm) de l’épine iliaqueantérosupérieure [5].

Nerf obturateur (N obturatorius)

Né de L2-L3-L4, il descend en arrière puis en dedans dupsoas, puis dans le pelvis, au-dessous des vaisseaux iliaquesexternes, pour se diriger vers le trou obturateur.

■ Anatomie chirurgicale

Abord antérieur

Plans cutané et sous-cutané

Le revêtement cutané comporte plusieurs points de repèreanatomiques : le pli de l’aine qui marque la séparation entreabdomen et cuisse, les reliefs de l’épine iliaque antérosupérieureet de l’épine du pubis, palpables plus que visibles. La ligneunissant les épines iliaque et pubienne correspond en gros à ladirection du canal inguinal. Les lignes d’élasticité du derme deDupuytren et Langer ont une direction plus horizontale ; uneincision cutanée dans leur sens donne un meilleur résultatesthétique qu’une incision oblique (Fig. 14). Le plan sous-cutané est formé par du tissu graisseux et le fascia de Scarpa quiporte les vaisseaux sous-cutanés. Au-dessous du pli inguinal, lefascia cribriformis est perforé d’orifices pour le passage desvaisseaux.

Aponévrose du muscle oblique externe

C’est le premier plan résistant que l’on découvre, aprèsdivision du fascia de Scarpa, formé de fibres obliques en bas eten dedans, d’aspect blanc nacré. Ses deux piliers délimitentl’orifice inguinal superficiel, un peu au-dessus et en dehors del’épine du pubis.

Plan du muscle oblique interne et du cordonspermatique

L’incision de l’aponévrose du muscle oblique externe ouvre lecanal inguinal (Fig. 15). Sous le feuillet supérieur récliné vers le

Figure 13. Variations des branches terminales desnerfs ilio-inguinal et iliohypogastrique d’après Al-Dabbagh [15].

Anatomie chirurgicale de l’aine ¶ 40-105

7Techniques chirurgicales - Appareil digestif

Page 8: Anatomie chirurgicale de l’aine

haut, on découvre le muscle oblique interne décrivant unearche au-dessus du cordon. Des éléments nerveux sensitifsentourent le cordon. Classiquement le nerf ilio-inguinalchemine sur la face superficielle du cordon, juste sous l’aponé-vrose oblique externe et quitte le canal inguinal par l’orificeinguinal superficiel, avant de se terminer par ses branchessensitives ; le nerf iliohypogastrique traverse le muscle obliqueinterne à un niveau variable et chemine sous l’aponévroseoblique externe, avant de la perforer en dedans de l’orificeinguinal superficiel (Fig. 16). Dans une série récente de 110 dis-sections peropératoires de ces nerfs [15], la disposition classiquen’a été observée que dans 41,8 % des cas, alors qu’il y avait unedisposition variable dans plus de la moitié des cas. Un tronccommun était fréquent, mais il faut retenir surtout la fréquencedes cas où les fibres de terminaison avaient une directionoblique, croisant plus ou moins la direction du canal inguinal,étant ainsi exposées à la section lors de l’incision de l’aponé-vrose oblique externe (Fig. 13). La branche génitale du nerfgénitofémoral émerge de l’orifice inguinal profond et suit lebord postéro-inférieur du cordon. Une étude récente a montréque les branches des trois nerfs sont anastomosées entre elles defaçon variable et que la distribution même des différentscontingents sensitifs peut être répartie de façon très variable àl’intérieur de ces branches [16]. La section du crémaster et la

traction sur le cordon permettent d’accéder au pédicule vascu-laire funiculaire ou crémastérien, qui va du pédicule épigastri-que au cordon et peut être sectionné sans dommage pour letesticule.

La variabilité de la distribution nerveuse expose à un risqueélevé de traumatismes, responsables de séquelles douloureuses.Leur prévention demande beaucoup de prudence et d’attention.Les branches ilio-inguinale et iliohypogastrique sont particuliè-rement exposées lors de l’incision de l’aponévrose obliqueexterne, de la section du crémaster et des sutures placées sur lemuscle oblique interne ; la branche génitale du génitofémoral,lors de la résection du crémaster ou de la section du pédiculefuniculaire.

Plan musculofascial profondIl est formé par le muscle transverse et le fascia transversalis

en continuité. Dans la majorité des cas, le transverse est cachépar le muscle oblique interne, le tendon conjoint n’existe pas.

En écartant le muscle oblique interne, on découvre le trans-verse et le fascia transversalis (Fig. 15). Cette zone de faiblesseest plus ou moins étendue selon le développement des muscles.La qualité de cette zone est appréciée au mieux sous anesthésielocale, en demandant à l’opéré de pousser et de tousser.

En réclinant le feuillet inférieur de l’aponévrose obliqueexterne, on découvre l’arcade crurale. Les vaisseaux épigastri-ques formant la limite interne de l’orifice inguinal profond, plusou moins visibles sous le fascia transversalis, constituent unrepère anatomique essentiel.

En rabattant le feuillet aponévrotique inférieur vers le haut enposition anatomique, et en clivant le fascia cribriformis, onexplore le siège d’extériorisation des hernies crurales en dedansde la veine fémorale (voir article Traitement chirurgical deshernies inguinales par voie inguinale).

Espace sous-péritonéalL’incision du fascia transversalis donne accès à l’espace de

Bogros. Le clivage est facile en dedans des vaisseaux épigastri-ques et permet de découvrir le ligament de Cooper. En suivantce dernier de dedans en dehors, on découvre les vaisseauxiliofémoraux qui croisent la branche iliopubienne et les bran-ches anastomotiques entre vaisseaux épigastriques et obturateursappliquées sur le relief osseux.

Abord postérieurLa face profonde de la paroi inguinale peut être abordée en

chirurgie ouverte ou vidéoassistée, soit par voie transpéritonéale,soit par voie extrapéritonéale.

Voie d’abord traditionnelleL’incision peut être médiane sous-ombilicale (Stoppa) ou de

type Pfannenstiel ou latérale (Nyhus). Dans tous les cas, après

Figure 14. Lignes d’élasticité de Dupuytren et Langer.

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Figure 15. Voie d’abord antérieure. 1. Muscle oblique interne ;2. muscle transverse ; 3. aponévrose oblique externe ; 4. branche génitaledu nerf génitofémoral ; 5. bandelette iliopubienne ; 6. arcade crurale ;7. nerf ilio-inguinal.

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Figure 16. Canal inguinal ouvert avec la distribution classique des nerfsilio-inguinal et iliohypogastrique. 1. Nerf iliohypogastrique ; 2. nerf ilio-inguinal.

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8 Techniques chirurgicales - Appareil digestif

Page 9: Anatomie chirurgicale de l’aine

incision du plan aponévrotique, le plan de dissection se situedans l’espace sous-péritonéal, le péritoine n’est pas ouvert. Surla ligne médiane, on effondre le tissu celluleux de l’espace deRetzius entre, en avant la face postérieure des muscles grandsdroits et le pubis plus bas, et en arrière la vessie puis plus bas laprostate. Latéralement, le clivage est poursuivi vers l’espace deBogros. On découvre ainsi la face postérieure du muscle trans-verse et du fascia transversalis, puis plus bas la branche iliopu-bienne, les vaisseaux iliaques et le psoas (Fig. 17). Les vaisseauxépigastriques nés des vaisseaux iliaques montent à la facepostérieure du transverse puis du grand droit, séparant les deuxfossettes inguinales latérale et médiale. Les éléments du cordonconvergent vers l’orifice inguinal profond, en dehors desvaisseaux épigastriques. Ils sont englobés dans la gaine sperma-tique. C’est un prolongement du fascia urogénital qui seprésente sous la forme d’un feuillet de tissu conjonctif peuépais. Elle a grossièrement la forme d’un triangle sous-tendu parles éléments du cordon, dont le sommet correspond à l’orificeinguinal profond, le bord interne au canal déférent et le bordexterne aux vaisseaux génitaux. Elle s’étend latéralement vers lafosse iliaque et recouvre les vaisseaux iliaques externes.

Voie cœlioscopique transpéritonéale (TAPP)Le péritoine pariétal tapisse le fond de la dépression périto-

néale de l’aine et se moule sur les éléments anatomiques,« comme un tapis sur des marches d’escalier » [1]. Les plisdéterminés par ces reliefs constituent les repères à bien connaî-tre pour aborder cette région (Fig. 18) [5, 18].

La saillie de l’ouraque forme un pli médian tendu de la vessieà l’ombilic se rétrécissant de bas en haut : le ligament ombilicalmédian. Les autres éléments sont disposés symétriquement depart et d’autre de ce relief médian. Le reliquat fibreux de l’artèreombilicale soulève un pli, situé en dehors du précédent, au bordlatéral de la vessie, légèrement oblique en haut et en dedans, endirection de l’ombilic : le ligament ombilical latéral. Le pli desvaisseaux épigastriques, situé en dehors du précédent, est moinssaillant. La dénomination actuelle de ces plis est différente dela dénomination française traditionnelle : le pli de l’ouraque estdénommé pli ombilical médian, le pli de l’artère ombilicale estdénommé pli ombilical médial et le pli des vaisseaux épigastri-ques, pli ombilical latéral. Ces trois reliefs délimitent troisfossettes. La fossette inguinale interne ou supravésicale, situéeentre pli ombilical médian et médial, est le siège des exception-nelles hernies obliques internes. La fossette inguinale médiale(ex-moyenne), siège des hernies directes (ou médiales), est situéeentre pli ombilical médial et latéral. La fossette inguinalelatérale (ex-externe), située en dehors du pli ombilical latéral(vaisseaux épigastriques), correspond à l’orifice inguinal pro-fond, livrant passage aux hernies indirectes (ou latérales).

Au pied du pli ombilical latéral se dessine le relief desvaisseaux iliaques externes à direction un peu oblique en bas eten dehors, presque sagittale. En dehors du pli ombilical latéral,les vaisseaux spermatiques dessinent un relief oblique en hautet en dedans vers l’orifice inguinal profond, au-dessus desvaisseaux iliaques. Le canal déférent, qui sort du canal inguinalpour plonger dans le pelvis en croisant la veine iliaque externe,soulève un pli oblique en bas et en dedans peu marqué.

Le ligament de Cooper a une direction grossièrement trans-versale (Fig. 19). On le perçoit par contact, plus qu’on ne levoit, à la base du pli ombilical médial, entre ce dernier et lasaillie du déférent. Le relief grossièrement transversal de labandelette iliopubienne ne se dessine que chez les sujetsmaigres. La bandelette ne sera découverte qu’après mobilisationdu péritoine.

Des nerfs passent sous ou à travers la bandelette iliopubienne,en dehors de la fossette inguinale latérale et des vaisseauxspermatiques : ils sont exposés en cas d’agrafage à ce niveau. Lenerf fémoral situé sous le fascia iliaca en dehors de l’artère

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Figure 17. Voie d’abord postérieure et gaine spermatique, d’aprèsStoppa [13]. 1. Vaisseaux spermatiques ; 2. canal déférent ; 3. gainespermatique.

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Figure 18. Ligaments et fossettes péritonéales. 1. Pli ombilical médian(ouraque) ; 2. pli ombilical médial (artère ombilicale) ; 3. pli ombilicallatéral (vaisseaux épigastriques) ; 4. fossette inguinale latérale et orificeinguinal profond ; 5. fossette inguinale médiale ; 6. fossette inguinaleinterne ; 7. canal déférent ; 8. vaisseaux spermatiques ; 9. vaisseauxiliaques.

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Figure 19. Vue cœlioscopique après mobilisation du péritoine, d’aprèsColborn et Skandalakis [5]. 1. Vaisseaux épigastriques ; 2. muscle trans-verse ; 3. muscle grand droit ; 4. fascia transversalis ; 5. nerfs ; 6. ligamentde Cooper ; 7. canal déférent ; 8. vaisseaux spermatiques ; 9. veineiliaque.

Anatomie chirurgicale de l’aine ¶ 40-105

9Techniques chirurgicales - Appareil digestif

Page 10: Anatomie chirurgicale de l’aine

iliaque n’est pas visible. La branche fémorale du nerf génitofé-moral est proche des vaisseaux spermatiques. Le nerf cutanélatéral de la cuisse plus latéral passe en dedans de l’épine iliaqueantérosupérieure.

Les chirurgiens cœlioscopistes ont donné le nom de « trianglefuneste » à la zone triangulaire dont le sommet correspond àl’orifice inguinal profond et les deux côtés au canal déférent endedans et aux vaisseaux spermatiques en dehors (Fig. 20). Dansl’aire de ce triangle passent les vaisseaux iliaques, ainsi que labranche génitale du génitofémoral. Le risque de blessurevasculaire est à l’origine de cette dénomination [5].

Le « triangle des douleurs » (Fig. 20), délimité par les vais-seaux spermatiques en bas et en dedans et la bandeletteiliopubienne en haut, correspond au passage des nerfs. Ceux-ciont une topographie variable et sont souvent cachés sous letissu sous-péritonéal et le fascia musculaire. L’agrafage doit êtreproscrit dans cette zone.

La hernie indirecte (ou latérale) se présente sous l’aspect d’unorifice d’aspect semi-lunaire, situé en dehors du pli ombilicallatéral, limité en bas par la bandelette iliopubienne. La herniedirecte (ou médiale) se présente sous la forme d’une dépressionplus ou moins profonde, située entre le relief du pli ombilicallatéral et du pli ombilical médial, au-dessus de la bandeletteiliopubienne. La hernie crurale est caractérisée par une fossettesituée en dedans de la veine iliaque externe, au-dessous de labandelette iliopubienne.

L’incision et la mobilisation du péritoine permettent d’abor-der l’espace sous-péritonéal (Fig. 19).

Voie extrapéritonéale (TEP)Dans cette voie d’abord, le champ opératoire se situe intégra-

lement dans l’espace sous-péritonéal.Pour accéder à cet espace, on pratique une incision cutanée

ombilicale basse, puis une incision transversale de 10 mm dufeuillet antérieur de la gaine du muscle droit homolatéralparamédiane, qui permet d’accéder au bord interne du corpscharnu du muscle. En soulevant le bord interne du muscle àl’aide du petit côté d’un écarteur de Farabeuf, on découvre lefeuillet postérieur de la gaine des droits.

L’optique introduite dans cet espace progresse par dilacéra-tion des tractus conjonctifs entre, en avant le corps charnu dumuscle droit, tapissé de son périmysium (qui correspond aufascia transversalis), et en arrière l’arcade de Douglas, le tissugraisseux sous-péritonéal et la vessie.

Le clivage se fait d’abord à la face profonde du muscle droit ;un premier trocart opérateur peut alors être introduit enposition juxtamédiane controlatérale par rapport au côté de la

hernie. La dissection est progressivement étendue latéralement,dans le plan situé entre, en avant le muscle transverse tapissédu fascia transversalis, auquel adhèrent les vaisseaux épigastri-ques, et en arrière l’arcade de Douglas et le péritoine. Lorsquel’arcade de Douglas descend bas, il peut être nécessaire desectionner son insertion latérale.

Lorsque ce plan est largement disséqué, on peut introduiresous contrôle de la vue le deuxième trocart opérateur, latérale-ment sur une ligne passant à hauteur de l’ombilic, voire plushaut si la distance ombilicopubienne est courte.

Les repères anatomiques qui guident la dissection sont lessuivants (Fig. 17, 19, 20) :• en bas le pubis, la branche iliopubienne avec le ligament de

Cooper, croisée dans sa partie externe par les vaisseauxiliaques externes et par l’anastomose entre les vaisseauxépigastriques et les vaisseaux obturateurs ;

• les vaisseaux épigastriques appliqués sur le fascia transversalismontent obliques en haut et en dedans et rejoignent lemuscle droit ;

• les éléments du cordon spermatique divergent : le canaldéférent se dirige en bas et en dedans, alors que les vaisseauxse dirigent en haut en en dehors ;

• le cul-de-sac péritonéal des hernies indirectes, en dehors desvaisseaux épigastriques, se présente comme un entonnoir àsommet inférieur s’engageant dans l’orifice inguinal profond,qu’il faudra réduire en l’attirant dans l’espace sous-péritonéal.Il y a parfois un lipome caractérisé par son aspect lisse,brillant, uniloculaire ;

• plus en arrière on voit les vaisseaux iliaques, veine en dedansde l’artère, croisés par le déférent et recouverts par une lamecelluloganglionnaire plus ou moins développée entre canaldéférent en dedans et vaisseaux génitaux latéralement,correspondant à la gaine spermatique de Stoppa ;

• la bandelette iliopubienne est plus ou moins visible carrecouverte par un feuillet cellulograisseux parfois dense. Ellesépare la région en deux parties. L’une sus-jacente avec lesvaisseaux épigastriques séparant l’orifice inguinal interne endehors et la fossette inguinale médiale, siège des herniesdirectes en dedans. L’autre sous-jacente séparée en deuxparties. Dans la partie latérale passe le psoas sous l’aponévroseduquel cheminent le nerf fémoral, le nerf cutané latéral de lacuisse et la branche fémorale du nerf génitofémoral. Dans lapartie médiale passent les vaisseaux iliaques et se trouvel’orifice crural, juste en dedans de la veine. Ces deux zonescorrespondent au triangle funeste et au triangle des douleurs,dans lesquels tout agrafage est proscrit.Le « cercle de la mort » (Fig. 21) est un terme excessif qui fait

référence aux variations vasculaires dans cette région et notam-ment aux branches anastomotiques entre vaisseaux épigastri-ques et vaisseaux obturateurs, qui croisent la branche

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Figure 20. « Triangle funeste » et « triangle des douleurs », d’aprèsColborn et Skandalakis [5]. 1. Vaisseaux épigastriques ; 2. canal déférent ;3. veine iliaque ; 4. nerfs ; 5. vaisseaux spermatiques ; 6. artère iliaque ;A. « triangle funeste » ; B. « triangle des douleurs ».

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Figure 21. « Cercle de la mort », d’après Colborn et Skandalakis [5]. 1.Vaisseaux iliaques externes ; 2. vaisseaux épigastriques ; 3. anastomoseentre vaisseaux épigastriques et obturateurs ; 4. vaisseaux obturateurs ; 5.vaisseaux iliaques primitifs ; 6. vaisseaux hypogastriques.

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10 Techniques chirurgicales - Appareil digestif

Page 11: Anatomie chirurgicale de l’aine

iliopubienne en dedans, en dehors ou au niveau du passage desvaisseaux fémoraux, et dont la blessure peut être une caused’hémorragie [5].

■ PhysiologieLes mécanismes destinés à éviter la protrusion du sac viscéral

hors du canal inguinal sont multiples, à la fois passifs etactifs [19].

L’obliquité du canal inguinal et la disposition en chicane deses deux orifices, profond et superficiel, assurent une barrièrepassive par un effet de valve, la paroi postérieure s’appliquantcontre la paroi antérieure lors des élévations de la pressionintra-abdominale. La contraction musculaire tend à accentuercet effet en mettant en tension les aponévroses.

La contraction des muscles transverse et oblique interne attirel’orifice inguinal profond en haut et en dehors. De ce fait, elleaugmente l’obliquité du canal inguinal et elle tend à rétrécirl’orifice inguinal profond en mettant en tension son rebordinférieur. La contraction des muscles oblique interne et trans-verse attire leurs tendons de terminaison en bas et en dehors,et tend à réduire la zone de faiblesse inguinale. Le bord inférieurdu muscle oblique interne s’abaisse vers la branche iliopubienneet tend à recouvrir par en avant la zone de faiblesse. L’abaisse-ment de ce muscle est bien visible lors des efforts de poussée etde toux, lorsqu’on opère sous anesthésie locale un sujet musclé.L’élévation du bord inférieur de l’orifice inguinal profond etl’abaissement du muscle oblique interne ferment la zone defaiblesse à la manière d’un diaphragme d’appareil photographi-que : shutter mecanism des Anglo-Saxons. Enfin, la contractiondes crémasters attire le cordon vers l’orifice inguinal profond,où il s’impacte à la manière d’un bouchon.

Ce mécanisme complexe fait appel à plusieurs élémentsanatomiques. Il est bien imparfait comparé à celui d’un obtura-teur photographique et surtout, il dépend de la qualité deséléments anatomiques : si le fascia est déficient ou le muscleoblique interne peu développé, l’essentiel du mécanisme defermeture est déstabilisé.

■ Anatomie pathologique

Altérations structurelles du fasciatransversalis

Read a consacré beaucoup de travaux à ce sujet [20]. Il amontré que des lambeaux de fascia prélevés chez des sujetsatteints de hernie étaient moins denses que ceux des sujetstémoins et que la différence était plus marquée chez les sujetsayant une hernie directe ou bilatérale que chez ceux ayant une

hernie indirecte. Par la suite, les analyses histologiques etbiochimiques ont mis en évidence des altérations du tissuconjonctif : modifications du collagène, diminution du tauxd’hydroxyproline, anomalies des fibrilles au microscope électro-nique et réduction de la prolifération des fibroblastes en culture.Pans [21], étudiant les caractéristiques biomécaniques du fasciatransversalis et de la gaine des droits, a constaté que le fasciades patients porteurs de hernies directes était plus extensible etélastique que celui des témoins. Dans une étude immunohisto-logique ayant comparé des fragments de fascia transversalis etde gaine des droits prélevés au cours d’interventions de Stoppaà des fragments prélevés sur des sujets témoins au coursd’autopsies ou de prélèvements d’organes, il a été mis enévidence une augmentation du nombre de fibres conjonctivesisolées (au lieu d’être groupées) et une plus grande désorganisa-tion des réseaux de fibres collagènes dans le fascia des herniesdirectes [22].

Le tabac jouerait un rôle déterminant dans les altérations dutissu conjonctif . Les vétérans traités par Read qui étaientsouvent de gros fumeurs avaient un taux particulièrement élevéde hernies, notamment directes ou bilatérales. Le tabagisme estsignificativement plus fréquent chez les patients porteurs dehernie et notamment chez les femmes. Les hernies sont deuxfois plus fréquentes chez les patients ayant un anévrisme del’aorte que chez ceux qui ont un syndrome de Leriche ; cettedifférence est rapportée à une activité protéolytique plusimportante chez les premiers. Le tabac est en effet un activateurpuissant des collagénases [20].

Par ailleurs, des anomalies congénitales du collagène peuventégalement être en cause. Ainsi, chez les nourrissons, les fillesatteintes de luxation congénitale de la hanche ont cinq foisplus de hernies que les autres et les garçons trois fois plus [23].Ces faits, qui tendent à démontrer l’existence d’une faiblesseparticulière du fascia dans la genèse des hernies et notammentdes hernies directes, plaident en faveur de l’usage des prothèses.

Différents types de herniesHernies inguinales

Elles correspondent au passage d’un diverticule péritonéal àtravers la zone faible inguinale. On en décrit trois types(Fig. 22).

Hernies obliques externes ou indirectesEncore appelées latérales, ce sont les plus fréquentes : 65 %

des hernies de l’homme adulte en Europe [24]. Elles comportentun sac péritonéal qui s’extériorise par la fossette inguinalelatérale, en dehors des vaisseaux épigastriques. Le plus souvent,le sac est intrafuniculaire, correspondant à la persistance ducanal péritonéovaginal. Il se développe en « doigt de gant » àl’intérieur de la gaine fibrocrémastérienne et suivant le trajet

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Figure 22. Principaux types de hernies de l’aine.1. Hernie indirecte ou latérale ; 2. arcade crurale ;3. cordon spermatique ; 4. hernie crurale ou fémo-rale ; 5. hernie directe ou médiale.

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11Techniques chirurgicales - Appareil digestif

Page 12: Anatomie chirurgicale de l’aine

oblique du cordon. De longueur variable, il s’étend plus oumoins à l’intérieur du cordon, il peut dépasser l’orifice inguinalsuperficiel et atteindre le scrotum : hernie inguinoscrotale. Lesac peut être aussi extrafuniculaire et s’extérioriser en dehors dela gaine fibrocrémastérienne. Des lipomes plus ou moinsdéveloppés peuvent entourer le sac. Parfois volumineux, ilspeuvent constituer l’essentiel de la hernie alors que le sac estpetit.

Dans les hernies « jeunes », le collet herniaire de petit calibresiège au niveau de l’orifice inguinal profond. Dans les herniesvolumineuses anciennes, l’orifice inguinal profond est élargi, lesvaisseaux épigastriques sont refoulés en dedans. L’élargissementde l’orifice peut empiéter largement sur la paroi postérieure quiest alors plus ou moins détruite. Le péritoine pariétal de la fosseiliaque peut glisser à travers l’orifice herniaire, entraînant aveclui le côlon accolé, c’est la hernie par glissement. La vessie peutégalement être adhérente à la partie interne du sac.

Hernies directes

Encore dénommées médiales, elles s’extériorisent par lafossette inguinale médiale, en dedans des vaisseaux épigastri-ques. Le plus souvent, le sac est plus large que profond, arrondicomme un bol, correspondant à un relâchement étendu dufascia transversalis au niveau de la fossette inguinale médiale.Parfois, le sac s’extériorise par un orifice limité et prend unaspect diverticulaire.

Hernies obliques internes

Ce sont des hernies qui siègent au niveau de la fossetteinguinale interne, en dedans de l’artère ombilicale, et s’extério-risent à l’angle interne du canal inguinal. Elles sontexceptionnelles.

Associations

Chez l’adulte, les associations de différents types de herniessont fréquentes et doivent être recherchées. Une hernie indi-recte peut être associée à un simple bombement du fasciatransversalis en dedans des vaisseaux épigastriques, traduisant safaiblesse. Elle peut être associée à un véritable sac direct endedans des vaisseaux épigastriques, réalisant une hernie mixte,biloculaire, « en pantalon ». C’est souvent le cas pour les herniesextrafuniculaires [1]. Il peut exister un relâchement diffus de laparoi postérieure englobant toute la zone de faiblesse inguinaleavec des vaisseaux épigastriques entraînés dans le déplacement.Une hernie crurale peut être associée à une hernie inguinale,surtout dans le sexe masculin, alors que la hernie crurale purese voit surtout dans le sexe féminin.

Hernies cruralesEncore appelées fémorales, elles sont beaucoup plus rares que

les hernies inguinales et plus fréquentes dans le sexe féminin.Les hernies crurales s’extériorisent par la gaine extérieure desvaisseaux fémoraux qui prolonge le fascia transversalis à lacuisse. Cette gaine est normalement très serrée autour desvaisseaux fémoraux, sauf à la face interne de la veine fémo-rale [5]. C’est à ce niveau que se développent les hernies cruralescommunes. Le sac s’extériorise à travers l’anneau crural,au-dessous de l’arcade crurale, en dedans de la veine fémorale(cf. article Traitement des hernies crurales). Il est habituellementpetit, situé sous le fascia cribriformis, et le collet est serré.

Les autres variétés de hernie crurale sont rares : hernieprévasculaire, extériorisée à la face antérieure des vaisseauxfémoraux, entre eux et l’arcade crurale distendue et soulevée enavant, parfois volumineuse. La hernie de Laugier extériorisée àtravers le ligament de Gimbernat et les hernies situées en dehorsde la gaine vasculaire entre psoas et artère iliofémorale sontexceptionnelles.

Classification des herniesIl existe plusieurs classifications. Nous ne donnerons que la

classification de Nyhus [25], qui est la plus utilisée, une des plussimples et qui permet pratiquement d’associer la classe de lahernie au type de réparation, les hernies de types III et IVrelevant en général d’une prothèse.

• Type I : hernie indirecte avec un orifice profond de taille et deconfiguration normales. Un sac indirect s’étend de façonvariable, au maximum jusqu’au milieu du canal inguinal. Laparoi postérieure est solide. C’est la hernie typique desenfants ou des adultes jeunes.

• Type II : hernie indirecte avec un orifice inguinal élargi etdéformé mais n’empiétant pas sur la paroi postérieure.Celle-ci est normale quand on la palpe en introduisant undoigt dans le sac herniaire ouvert. Le sac herniaire peutoccuper toute la longueur du canal inguinal sans atteindre lescrotum.

• Type III : les hernies de ce type III comportent une faiblessede la paroi postérieure. On distingue trois sous-groupes :C type IIIa : toutes les hernies directes, quelle que soit leur

taille ; protrusion de la hernie en dedans des vaisseauxépigastriques avec un fascia transversalis faible ;

C type IIIb : hernies indirectes avec un orifice herniaire large,dilaté, qui refoule les vaisseaux épigastriques et empièteplus ou moins sur la paroi postérieure. Ce groupe com-prend les hernies inguinoscrotales, les hernies par glisse-ment ainsi que les hernies mixtes ;

C type IIIc : hernies crurales réalisant une forme particulièrede déficience de la paroi postérieure.

• Type IV : ce sont les hernies récidivées que l’on peut subdivi-ser en quatre sous-types : IVa : directes ; IVb : indirectes ; IVc :crurales ; IVd : combinaison de plusieurs types.

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E. Pélissier, Membre de l’Académie nationale de chirurgie ([email protected]).P. Ngo, Chirurgien.Institut de chirurgie herniaire, 50, rue Nicolo, 75016 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Pélissier E., Ngo P. Anatomie chirurgicale de l’aine. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Techniqueschirurgicales - Appareil digestif, 40-105, 2007.

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