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N° d’ordre 8066
UNIVERSITÉ PARIS XI U.F.R. SCIENTIFIQUE D’ORSAY
THÈSE
Présentée
Pour obtenir le grade de
DOCTEUR EN SCIENCES DE L’UNIVERSITÉ PARIS XI, ORSAY
Spécialité : Physique
Par
Vincent PICHOT
Études structurales par diffusion des rayons X d’assemblées de nanotubes de carbone alignés. Relation avec les
mécanismes de croissance et les propriétés physiques
Soutenue le 18 novembre 2005 devant la commission d’examen
M. E. ANGLARET Rapporteur M. M. HERITIER M. Ph. LAMBIN Mme P. LAUNOIS M. F. LE NORMAND Rapporteur Mme M. MAYNE-L’HERMITE Invitée M. M. MONTHIOUX
2
Remerciements Ce travail de thèse a été réalisé au Laboratoire de Physique des Solides à Orsay. Je remercie
Mr Jean-Paul Pouget, directeur du laboratoire, de m’avoir accueilli et permis d’effectuer ce
travail dans de très bonnes conditions.
Je tiens à remercier Mr Michel Héritier pour avoir accepté de présider le jury de soutenance
de thèse, messieurs François Le Normand et Eric Anglaret pour avoir accepté d’être
rapporteurs de cette thèse, Mme Martine Mayne-L’Hermite et messieurs Philippe Lambin et
Marc Monthioux pour l’intérêt qu’ils ont porté à ce travail et leur participation au jury.
J’adresse mes plus sincères remerciements à ma directrice de thèse Mme Pascale Launois. Il
me faudrait bien plus que ces quelques lignes pour lui exprimer toute ma reconnaissance et
toute mon admiration. Je la remercie pour m’avoir témoigné toute sa sympathie et pour
m’avoir communiqué son enthousiasme ce qui a permis à ce travail de se dérouler dans une
atmosphère stimulante et amicale. Je lui suis également très reconnaissant pour sa grande
disponibilité qui m’a permis d’effectuer ma thèse dans les meilleures conditions possibles.
J’ai appris énormément durant ces trois années à son contact, scientifiquement et
humainement.
Je remercie Mr Jean-François Sadoc, Mesdames Pascale Foury et Marianne Impéror et
messieurs Pierre-Antoine Albouy, Roger Moret, Sylvain Ravy, David Lebolloc’h, Denis
Peterman, Patrick Davidson, Gilles Guillier, Hervé Mézière, Stéphan Rouzière, pour m’avoir
accueilli dans le groupe « organisation de la matière condensée » du laboratoire et pour la
sympathie dont ils ont fait preuve à mon égard durant ces trois années. Je tiens également à
remercier Mr Jean-Pierre Wagner pour sa bonne humeur et ses compétences uniques sur les
générateurs de rayons X, Messieurs Brahim Kasmi, Daniel Breus, Christophe Lafarge et
Fabrice Quenault de l’atelier mécanique.
Ce travail à fait l’objet de beaucoup de collaborations sans lesquelles il n’aurait pas pu avoir
lieu. Dans ce cadre, je tiens à remercier sincèrement toutes les personnes avec qui j’ai eu le
plaisir de travailler :
3
l’équipe du Laboratoire Francis Perrin du CEA Saclay, Mme Martine Mayne-L’Hermite,
Mme Cécile Reynaud et Mathieu Pinault pour les échantillons de tapis de nanotubes sur
lesquels j’ai travaillé. Je les remercie tous les trois pour leurs qualités scientifiques et
humaines, leur enthousiasme, et toutes les discussions très intéressantes que nous avons eues
au cours de ces trois ans.
l’équipe du Centre de Recherche Paul Pascal de Bordeaux, Mr Philippe Poulin, Mme Cécile
Zakri, Mme Maryse Maugey et Stéphane Badaire pour les fibres de nanotubes qu’ils ont
réalisé. Je les remercie pour leur sympathie et pour m’avoir accueilli durant une semaine au
CRPP pour réaliser des fibres.
L’équipe du Laboratoire des Colloïdes, Verres et Nanomatériaux de Montpellier, Messieurs
Robert Almairac, Stéphane Rols et Julien Cambedouzou, pour leur sympathie et les
discussions que nous avons eues sur les échantillons de peapods.
Mr Jack Fischer de l’université de Pennsylvanie (USA) pour les mesures de conductivité
thermique sur les fibres de nanotubes et des discussions sur la diffusion des rayons X.
Mr Marc Monthioux et Mme Laure Noé du CEMES à Toulouse pour les échantillons de
peapods qu’ils nous ont fournis.
Mr Mathieu Kociak et Mme Odile Stéphan du LPS à Orsay pour les mesures de spectroscopie
EELS et pour m’avoir initié à la spectroscopie EELS et à la microscopie électronique.
Mesdames Hélène Bouchiat, Sophie Guéron, Mr Meydi Ferrier du LPS à Orsay et Mr
François Ladieu du SPEC pour m’avoir donné l’opportunité de participer aux expériences de
SQUID réalisées sur des fibres de nanotubes.
Mr Ferenc Simon de l’Institut für Materialphysik (Vienne, Autriche) pour les échantillons de
peapods orientés qu’il nous a fournit.
Mme Dominique Durand et Mr Jean Doucet pour leurs conseils pendant les expériences
réalisées sur la ligne D43 à LURE.
4
Messieurs Christian Riekel et Manfred Burghammer de l’ESRF à Grenoble pour leur
disponibilité et l’aide précieuse qu’ils nous ont apporté lors des expériences de
microdiffraction réalisées sur la ligne ID13 à l’ESRF.
Mr Georges Désarmot de l’ONERA pour les discussions sur les propriétés mécaniques des
fibres de nanotubes de carbone.
Je tiens également à remercier Mr Bertrand Deloche du LPS à Orsay pour m’avoir donné
l’opportunité d’enseigner aux Travaux Pratiques du DEA de Physique des Solides et Milieux
Denses, ainsi que Messieurs Fabrice Bert, Christian Ricolleau et David Lebolloc’h avec qui
j’ai enseigné et qui m’ont appris beaucoup de choses.
Mr François Pesty qui m’a accueilli dans l’équipe de foot du LPS, ainsi que toute l’équipe :
Messieurs Philippe Lalanne, Marcelo Goffman, Jean-Marie Georges, Vincent Derycke, Serge
Carrez, Patrice Roche, Stéphan Rouzière, Dominique Bazin, Julien Signoles, Roland Lefèvre,
Eric Raspaud, Axel Delhey, Jean-Noël Fuchs et Marc Elsen grâce auxquels j’ai passé de très
bons moments tous les mercredis midis.
Je remercie également les doctorants du LPS, Jeanne Marchal, Claire Colin, Aurélie Bertin,
Sébastien Fagot et Stéphane Duprés et les stagiaires de Pascale Launois à l’encadrement
desquels j’ai pu participer : Axel Delhey, Arnaud Goudichaud, Rémy Dubertrand et Anne-
Isabelle Henry avec qui j’ai passé de très bons moments.
Pour finir, je tiens à remercier Mme Nadine Mehl pour son aide sur certains aspects
administratifs et Mme Yvette Dufour pour la reprographie de ce manuscrit.
5
Résumé :
Ce travail montre comment l’outil d’investigation qu’est la diffusion des rayons X permet d’obtenir différentes informations structurales sur les assemblées macroscopiques de nanotubes de carbone. Des tapis de nanotubes multiparois (nanotubes perpendiculaires à un substrat, synthétisés par dépôt chimique en phase vapeur catalysé, au Laboratoire Francis Perrin à Saclay), des fibres de nanotubes (synthétisées par filage dans un bain coagulant de polymère, au Centre de Recherche Paul Pascal à Bordeaux) et des échantillons de “peapods” (molécules de fullerènes encapsulées à l’intérieur de nanotubes) ont été étudiés. Les tapis de nanotubes croissent par la base, à partir de particules catalytiques dont nous avons déterminé la nature : particules d’oxyde de fer, magnétite ou maghémite. L’étude quantitative de la distribution d’orientation des nanotubes montre qu’il est possible d’obtenir de très bonnes valeurs d’alignement des nanotubes. Un axe de croissance cristallographique préférentiel des nanofils métalliques encapsulés dans les nanotubes a été déterminé. Dans les fibres, l’alignement des nanotubes le long de l’axe de la fibre est amélioré par des traitements d’allongement post-synthèse : nous avons quantifié et modélisé cette amélioration. L’amélioration des propriétés mécaniques (module d’Young et contrainte à la rupture) avec l’alignement des nanotubes est étudié. Pour les échantillons de “peapods”, nous montrons que la diffusion des rayons X permet de déterminer le taux de remplissage des nanotubes et la distance entre fullerènes à l’intérieur des nanotubes. L’intérêt d’aligner les peapods au sein d’échantillons macroscopiques est souligné.
Structural studies of aligned carbon nanotubes assemblies by X-ray diffraction. Relationships with their growth mechanisms and physical properties
Abstract :
The present work shows how X-ray scattering technique allows one to get structural information on carbon nanotube macroscopic assemblies. Carpets of multi-wall nanotubes (nanotubes aligned perpendicularly to a substrate, synthesized by catalytic chemical vapor deposition, at Laboratoire Francis Perrin at Saclay), fibers of nanotubes (synthesized by wet spinning process in a coagulating polymer bath, at Centre de Recherche Paul Pascal at Bordeaux) and “peapods” samples (fullerene molecules encapsulated inside nanotubes) were studied. For nanotube carpets, the growth mechanism of the nanotubes is a root growth mechanism and the nature of the catalytic particles responsible of the nucleation of the nanotubes is determined by X-ray scattering : they are iron oxide particles (magnetite or maghemite). Quantitative study of the nanotubes orientational distribution allows us to show that very good alignments can be obtained in carpets. A preferential crystallographic growth axis is determined for the metallic nanowires encapsulated inside the nanotubes. For nanotube fibers, post-synthesis stretching treatments allow one to get better alignment of the nanotubes along the fiber axis: we quantify and model the improvement of alignment. The improvement of mechanical properties such as Young modulus and tensile strength with nanotube alignment is studied. In peapods samples, modeling of the experimental results allows one to determine the filling rate and the distance between fullerene molecules. The advantages of aligned peapod samples are underlined. Discipline (Orsay) : Physique Spécialité : diffraction des rayons X, nanotubes de carbone Mots clés : nanotubes de carbone, diffraction des rayons X, tapis de nanotubes, fibres de nanotubes, peapods, alignement, mécanismes de croissance, propriétés physiques Laboratoire de Physique des Solides, UMR CNRS 8502, bâtiment 510, Université Paris Sud, 91405 Orsay CEDEX, France
6
I INTRODUCTION AUX NANOTUBES DE CARBONE ............................................ 8
I.1 Le carbone..................................................................................................................... 8
I.2 Les nanotubes de carbone.......................................................................................... 11 I.2.1 Historique ................................................................................................................. 11 I.2.2 Structure des nanotubes............................................................................................ 12 I.2.3 Propriétés des nanotubes .......................................................................................... 15 I.2.4 Méthodes de synthèse............................................................................................... 18
I.3 Assemblées macroscopiques de nanotubes .............................................................. 21
I.4 Diffusion des rayons X ............................................................................................... 25 I.4.1 Rappels sur la diffusion des rayons X...................................................................... 26 I.4.2 Diffraction par un faisceau de nanotubes monoparois ............................................. 29 I.4.3 Diffractogramme d’une poudre de nanotubes monoparois ...................................... 31 I.4.4 diffractogramme d’une poudre de nanotubes multiparois........................................ 33 I.4.5 Orientation préférentielle des nanotubes de carbone ............................................... 35
I.5 Motivations et plan de la thèse .................................................................................. 42
II TAPIS DE NANOTUBES DE CARBONE................................................................. 45
II.1 Introduction ................................................................................................................ 45
II.2 Synthèse....................................................................................................................... 48 II.2.1 Méthode de synthèse : CCVD d’aérosols liquides............................................... 48 II.2.2 Echantillons synthétisés ....................................................................................... 52
II.3 Diffusion des rayons X ............................................................................................... 56 II.3.1 Conditions expérimentales ................................................................................... 56 II.3.2 Bases pour l’analyse des données ........................................................................ 59 II.3.3 Principe de l’analyse des données........................................................................ 64
II.4 Croissance par la base, nature des particules catalytiques .................................... 66 II.4.1 Mise en évidence du mécanisme de croissance par la base des nanotubes.......... 66 II.4.2 Synthèses pour des temps courts.......................................................................... 67 II.4.3 Synthèses pour des temps longs ........................................................................... 76
II.5 Alignement des nanotubes ......................................................................................... 79 II.5.1 Alignement des nanotubes en fonction de la hauteur sur le tapis ........................ 81 II.5.2 Alignement des nanotubes en fonction des paramètres de synthèse.................... 87 II.5.3 Alignement des nanotubes dans l’échantillon synthétisé de manière séquencée. 88 II.5.4 Densité des nanotubes en tapis............................................................................. 89
II.6 Nanofils et autres particules à base de fer................................................................ 91 II.6.1 Différentes phases à base de fer ........................................................................... 91 II.6.2 Nanofils de fer γ ................................................................................................... 94 II.6.3 Discussion ............................................................................................................ 99
7
II.7 Traitement thermique.............................................................................................. 102
II.8 Conclusion................................................................................................................. 104
III FIBRES DE NANOTUBES....................................................................................... 106
III.1 Mise en forme des nanotubes .................................................................................. 107 III.1.1. Fibres brutes ........................................................................................................... 107 III.1.2. Traitements post-synthèse ...................................................................................... 109 III.1.3. Fibres étudiées........................................................................................................ 110
III.2 Etude structurale des fibres de nanotubes monoparois........................................ 112 III.2.1 Conditions expérimentales ................................................................................. 112 III.2.2 Fibres étirées dans un solvant............................................................................. 113 III.2.3 Fibres étirées à chaud ......................................................................................... 123 III.2.4 Homogénéité de l’alignement des nanotubes dans la fibre ? ............................. 124
III.3 Evolution des propriétés physiques en fonction de l’alignement des nanotubes dans la fibre........................................................................................................................... 130
III.3.1 Propriétés mécaniques........................................................................................ 130 III.3.2 Propriétés électriques ......................................................................................... 138
III.4 Des tapis aux fibres de nanotubes........................................................................... 139 III.4.1 Synthèse des fibres ............................................................................................. 140 III.4.2 Alignement des nanotubes ................................................................................. 142 III.4.3 Propriétés mécaniques et électriques des fibres ................................................. 143 III.4.4 Discussion .......................................................................................................... 145
III.5 Conclusion................................................................................................................. 147
IV PEAPODS .................................................................................................................. 149
IV.1 Introduction .............................................................................................................. 149
IV.2 Diffusion des rayons X ............................................................................................. 151 IV.2.1 Echantillon sous forme de poudre...................................................................... 151 IV.2.2 Echantillons avec une orientation préférentielle des peapods............................ 157
IV.3 Conclusion................................................................................................................. 160
V CONCLUSION GENERALE ET PERSPECTIVES................................................. 162
VI BIBLIOGRAPHIE ..................................................................................................... 166
VII ANNEXE ................................................................................................................... 179
8
I Introduction aux nanotubes de carbone
I.1 Le carbone
Le carbone se trouve à l’état naturel dans toutes les espèces vivantes animales ou
végétales. Leur décomposition donne des mélanges riches en carbone tels que le gaz naturel,
le pétrole, la tourbe, ou certains carbonates métalliques. Le carbone se trouve aussi à l’état
élémentaire dans des « minerais » à teneur plus ou moins élevée en carbone (diamant,
graphite, anthracite, etc.), et même dans un grand nombre de météorites. Les deux formes les
mieux connues du carbone élémentaire sont le graphite et le diamant.
Le carbone graphite est la forme la plus courante du carbone. Il existe à l’état naturel. Il
est constitué par un empilement de feuillets d’atomes de carbone arrangés en « nid d’abeille »
et appelés feuillets de graphène. Ces feuillets sont décalés l’un par rapport à l’autre par une
translation dans leur plan et présentent un empilement ABAB (Figure I-1). La structure du
graphite est hexagonale (le groupe d’espace est P63/mmc ), les paramètres de la maille
hexagonale sont a = b = 2,461Å et c = 6,708Å. La distance entre les atomes de carbone d’un
même feuillet -liés de manière covalente- est 1,421Å et la distance entre deux plans -qui
interagissent par les interactions de van der Waals, plus faibles- est 3,354Å. Du fait des
faibles interactions interplans, l’empilement ABAB peut ne pas être respecté (glissement et
rotation des plans de graphène) : c’est le cas dans les carbones turbostratiques. La distance
interplans y est un peu plus grande que dans le graphite (typiquement, 3,45 Å au lieu de 3,35
Å). Enfin, notons que le graphite est un bon conducteur électrique.
9
Figure I-1 : schéma de la structure du graphite.
Le diamant existe également à l’état naturel. Il possède une structure cubique à faces
centrées, où chaque atome de carbone de la maille est lié à quatre autres atomes qui forment
un tétraèdre (Figure I-2). Son groupe d’espace est Fd(-3)m, et ses paramètres de maille a = b
= c = 3,5997Å. La conductivité thermique du diamant est supérieure à celle du cuivre. Le
diamant présente aussi une très grande dureté.
Figure I-2 : schéma de la structure du diamant.
Deux autres formes du carbone ont été découvertes plus récemment : les fullerènes et
les nanotubes.
Les fullerènes ont été découverts en 1985 grâce aux études d’astro-chimistes. Le spectre du
rayonnement dans l’espace interstellaire présente des bandes d’absorption inexpliquées dans
l’infra-rouge, qu’Harold Kroto espérait expliquer grâce à la synthèse de molécules carbonées
dans des conditions extrêmes et à l’étude de leur spectre d’absorption. En 1985, H. Kroto, R.
10
Smalley, R. Curl et collaborateurs réalisent une expérience d’ablation laser sur une cible
carbonée pour synthétiser les molécules de carbone supposées exister dans l’espace
interstellaire. Ils parviennent à obtenir quelques microgrammes d’un produit … dont les
spectres de masse sont fortement piqués sur 60 atomes de carbone, révélant ainsi l’existence
d’une nouvelle molécules : le C60 (Figure I-3) [Kroto 1985]. La troisième forme du carbone,
après le graphite et le diamant, est découverte! Cette découverte vaudra à Kroto, Smalley et
Curl de recevoir le prix Nobel de chimie en 1996. La molécule de C60 est l’élément le plus
connu d’une nouvelle série de molécules, C2n, qui sont des molécules fermées
tridimensionnelles, appelées « fullerènes ». Leur dénomination résulte de l’admiration d’H.
Kroto pour l’architecte Buckminster Fuller, qui construisit de célèbres structures géodésiques.
La molécule de C60, quasi-sphérique, est formée de douze pentagones et de vingt hexagones
de carbone, chaque pentagone étant entouré de 5 hexagones, rappelant donc par sa forme le
ballon de football : elle est parfois aussi appelée « footballène ». En 1990, Krätschmer et
collaborateurs mettent au point un procédé de synthèse de masse des fullerènes, qui sont
extraits des suies produites par vaporisation d’électrodes de carbone entre lesquelles passe un
arc électrique (synthèse par arc électrique). Cette découverte a permis l’essor de la chimie et
de la physique des fullerènes. Ainsi, le C60 peut former des cristaux de structure cubique à
faces centrées à température ambiante (Figure I-3), où la distance interfullerènes est d’environ
10 Å : mentionnons les nombreuses études réalisées sur ces cristaux ou de leurs dérivés
dopés, qui peuvent présenter des propriétés de supraconductivité intéressantes.
Figure I-3 : à gauche : molécule de C60, au centre : ballon de football, à droite : image d’un cristal
cubique face centrée de C60.
Les nanotubes (qui constituent l’objet d’étude principal de cette thèse) seront traités en détail
dans le paragraphe suivant (historique, structure, propriétés et méthodes de synthèse). Le
lecteur peut aussi se référer à différents livres faisant le point sur le sujet [Saito 1998,
Dresselhaus 2001, Loiseau à paraître].
11
I.2 Les nanotubes de carbone
I.2.1 Historique
Les nanotubes de carbone sont formés d’un feuillet de graphène enroulé selon un
cylindre pour les nanotubes dits monoparois et de plusieurs feuillets enroulés en cylindres
dans le cas des nanotubes multiparois de type concentrique.
Les nanotubes de carbone multiparois ont été découverts par S. Iijima en 19911 [Iijima
1991]. S. Iijima, qui étudiait par microscopie électronique les produits obtenus lors de
synthèse par arc électrique des fullerènes a découvert au niveau de la cathode : des nanotubes
de diamètre 4 à 30 nm, constitués de tubules coaxiaux de feuillets de graphène (Figure I-4).
Figure I-4 : images de microscopie électronique obtenus par S. Iijima [Iijima 1991].
Les nanotubes de carbone monoparois ont été découverts en 1993 simultanément par
les équipes de S. Iijima et D. Bethune [Iijima 1993, Bethune 1993]. Dans le cadre du procédé
utilisé pour produire les nanotubes multiparois, l’ajout d’une faible quantité de métal à
l’intérieur de l’anode permet la synthèse en nombre important de nanotubes monoparois d’un
diamètre environ égal à 1 nanomètre.
1 Ces objets avaient en fait été observés antérieurement par d’autres équipes comme celle d’Oberlin, Endo et Koyama [Oberlin 1976], mais sans susciter l’intérêt des observations d’Iijima, qui sont à l’origine de formidables développements des recherches en chimie, physique, biologie…
12
I.2.2 Structure des nanotubes
Nous nous intéressons ici dans un premier temps à la structure des nanotubes de
carbone monoparois. Un nanotube monoparoi peut conceptuellement être considéré comme
un cylindre construit en enroulant sur elle-même une bande de graphène et en raccordant sans
défauts les bords de la bande (Figure I-5)2. La structure d’un nanotube peut être entièrement
décrite grâce à un couple d’entiers (n,m) [Saito 1998]. Il permet de définir le vecteur Cr
, dit
vecteur chiral, qui correspond à la circonférence du nanotube, le vecteur Tr
, qui définit la
période le long de l’axe du tube, ainsi que l’angle chiral.
Le vecteur Cr
est défini sur la base ),( 21 aa de la feuille de graphène3 par :
21 amanC rrr+= (éq. 1)
On en déduit le diamètre du nanotube :
πLd= , nmmnaCCCL ++=⋅== 22
r (éq. 2)
où L est le périmètre du nanotube, et a = 1,44Å× 3 = 2,49Å est le paramètre de maille du
réseau hexagonal (1,44 Å est la valeur de la liaison C-C 4).
2 Nous décrivons ici la structure idéale du corps du nanotube. A ses extrémités, il est fermé grâce à l’introduction de défauts de type pentagones, qui assurent une courbure positive. On peut considérer qu’il est fermé par une demi-molécule de fullerène. 3 Notons que pour les nanotubes, la base dans l’espace direct est choisie avec un angle de 60°, ce qui n’est pas le choix habituel (120°) en cristallographie. 4 La longueur de la liaison C-C est prise égale à 1,44Å pour les nanotubes, alors qu’elle est de 1,42Å pour le graphite.
13
Figure I-5 : schéma définissant la structure d’un nanotube (9,-3). Les lignes pointillées définissent la
bande, C et T sont le vecteur chiral et la période du nanotube, θ est l’angle chiral.
On montre que la période Tr
est donnée par :
21)2()2( a
dmna
dnmT
RR
+++−=r
(éq. 3)
où dR est le plus grand diviseur commun de (2n+m) et de (2m+n).
L’angle chiral θ est l’angle entre les vecteurs 1a et Cr
, il permet de déterminer l’angle de tilt
des hexagones par rapport à la direction de l’axe du nanotube.
nmmnmn
aCaC
+++=⋅=
221
1
22cos rr
rrθ (éq. 4)
Du fait des symétries du réseau hexagonal, on peut se restreindre à considérer –n/2<m≤n
(n>0), soit –30°<θ≤30°.
Les nanotubes peuvent être chiraux ou achiraux (Figure I-6). Un nanotube achiral est un
nanotube dont l’image dans un miroir passant par son axe est inchangée. Il existe deux types
de nanotubes achiraux : les nanotubes dits « armchair » (θ=30°, m=n) et ceux dits « zigzag »
(θ = 0°, m = 0). Cette dénomination se réferre au motif dessiné par liaisons carbone-carbone
14
sur la circonférence du tube. Les nanotubes chiraux possède une structure « spiralée » telle
que leur image dans un miroir ne peut pas leur être superposée (Figure I-6).
Figure I-6 : schéma de trois nanotubes, de haut en bas : nanotube armchair (5,5), nanotube zigzag (9,0),
nanotube chiral (10,5)
Le diamètre d’un nanotube monoparoi est de l’ordre du nanomètre, et il est possible
d’obtenir des nanotubes longs de plusieurs centimètres. Notons qu’à l’issue de la synthèse, par
la méthode d’arc électrique par exemple, les nanotubes sont souvent organisés sous forme de
« faisceaux », comme illustré sur la Figure I-7. Au sein d’un faisceau, les nanotubes forment
un réseau hexagonal bidimensionnel (2D). Dans un même faisceau, les nanotubes ont des
diamètres très voisins : l’arrangement hexagonal 2D correspond à l’empilement compact de
nanotubes de même diamètres. Par contre, sauf dans certains cas très particuliers [Colomer
2004a, Colomer 2004b], les nanotubes présentent en général des hélicités différentes [Henrard
2000]. La synthèse de nanotubes mono-diamètre et mono-hélicité n’est pas encore maîtrisée
actuellement.
15
Figure I-7 : image par microscopie électronique à haute résolution (HRTEM) d’un faisceau de nanotubes
(d’après [Thess 1996])
Les nanotubes de carbone multiparois sont constitués de nanotubes monoparois
coaxiaux, la distance d entre deux feuillets de graphène successifs étant d’environ de 3,4 Å
(Figure I-8). Les circonférences de cylindres successifs augmentent de 2πd : chaque paroi
contient plus d’hexagones de carbone que la précédente et l’empilement ne pourra donc pas
être le même selon tous les générateurs du cylindre. Les parois d’un nanotube ne peuvent
donc pas présenter le simple empilement ABAB du graphite. Ils sont souvent formés de
nanotubes d’hélicités différentes et ressemblent plutôt pour leur empilement au graphite
turbostratique. Les nanotubes multiparois ont des diamètres externes allant de 5 à 100 nm, les
plus petits diamètres internes obtenus sont d’environ 0.4 nm. Leur longueur peut atteindre
plusieurs centimètres.
Figure I-8 : schéma représentant un nanotube multiparois.
I.2.3 Propriétés des nanotubes
Les nanotubes sont des cylindres de diamètre nanomètrique et de très grande longueur
aux propriétés structurales originales, qui peuvent par exemple présenter des hélicités très
variées. Les propriétés de ces nano-objets unidimensionnels (1D) sont elles-aussi assez
remarquables. Nous présentons ici certaines de ces propriétés et mentionnons certaines
16
applications envisagées pour les nanotubes. Ce paragraphe, soulignons-le, vise à illustrer
l’intérêt des nanotubes mais ne vise pas à l’exhaustivité.
Les propriétés électroniques des nanotubes dépendent de leur diamètre et de leur
hélicité. La prise en compte de la structure de bande particulière du graphène (seulement 6
points de la zone de Brillouin coupent le niveau de Fermi) et de la quantification imposée par
la condition aux limites périodique sur la circonférence du tube permet de prédire le
comportement électronique des nanotubes en fonction de leurs indices n et m [Ajayan 1999,
Dresselhaus 2001] :
- pour n-m = 3q (q : entier) : les nanotubes sont métalliques.
- pour n-m ≠ 3q (q : entier) : les nanotubes sont semi-conducteurs, avec un « gap » :
G~0,75eV/ Φ(nm) où Φ est le diamètre du nanotube.
Cette relation entre structure et propriétés électroniques5 est illustrée sur la Figure I-9. Tous
les nanotubes armchair ont des comportement métalliques tandis que les nanotubes chiraux ou
zig-zag peuvent avoir un comportement métallique ou semi-conducteur. Statistiquement, 1/3
des nanotubes sont métalliques et 2/3 sont semi-conducteurs. Ces propriétés électroniques
remarquables font des nanotubes de très bons candidats pour fabriquer des nanosystèmes
électroniques, tels que des transistors [Tans 1988] ou des diodes, voire à terme des
nanocircuits électroniques « tout carbone ».
5 On peut noter que cette relation simple ne tient pas compte du recouvrement des orbitales électroniques liées à la courbure du nanotube. Ce recouvrement ouvre en fait un gap au niveau de Fermi pour tous les nanotubes métalliques définis par n-m = 3q exceptés ceux « armchairs ». Néanmoins, ce gap est extrêmement petit comparé à celui des nanotubes semi-conducteurs définis par n-m ≠ 3q. Dans bon nombre de cas, il peut être négligé et l’image simple de la Figure I-9 prévaut.
17
Figure I-9 : diagramme montrant quels nanotubes (n,m) sont métalliques (cercles pleins) et lesquels sont
semiconducteurs (cercles vides).
Les propriétés mécaniques des nanotubes sont elles aussi exceptionnelles. Le module
d’Young des nanotubes a été calculé à partir du module d’Young d’une feuille de graphène,
dans laquelle tous les atomes sont liés de manière covalente, et est de l’ordre du TPa (le
lecteur peut par exemple se reporter à la réf. [Popov 2000] pour les nanotubes monoparois et à
celle [Tu 2002] pour les nanotubes multiparois). Les mesures de Salvetat et collaborateurs
[Salvetat 1999], réalisées par AFM (Microscope à Force Atomique), ont permis de mesurer le
module d’Young de nanotubes individuels ou assemblés en petits faisceaux. L’ordre de
grandeur de 1TPa est confirmé expérimentalement. Les nanotubes, légers et de fort module
d’Young, pourraient servir de renforts dans les matériaux composites.
Du fait de leur petite taille, les nanotubes de carbone présentent une surface
spécifique très importante, des valeurs de 10 à 20 m2/g ont été déterminées pour des
nanotubes multiparois, cette valeur étant plus élevée que pour le graphite, mais restant faible
par rapport aux carbones poreux ; la valeur pour les nanotubes monoparois devrait être plus
élevée de deux ordres de grandeur [Ajayan 1999]. Il a donc été envisagé d’utiliser les
nanotubes pour stocker de l’hydrogène par exemple, avec des intérêts évidents dans le
18
domaine de l’énergie, mais ce n’est encore pas validé, un certain nombre de doutes subsistent
dans le domaine.
Les nanotubes possèdent des excellentes propriétés d’émission de champ, qui sont
dues à leur très grand rapport d’aspect. Des applications dans le domaine des écrans plats, qui
toucherait potentiellement un immense marché, sont à l’étude chez Samsung, au LETI ou à
Thalès par exemple. Par ailleurs, des sources de rayons X de petite taille, qui seraient utilisées
sur les lieux des accidentspourraient aussi être réalisées en utilisant les nanotubes comme
source d’électrons [Zhou 2002]. En résumé, différentes applications utilisant les propriétés
d’émission de champ des nanotubes sont actuellement à l’étude et pourraient déboucher dans
les années à venir.
Enfin, les nanotubes sont des nanocontainers idéaux [Monthioux 2002]. Il est
possible de synthétiser de nouveaux nanohybrides tout carbone : les « peapods », où des
chaînes unidimensionnelles de fullerènes sont confinées dans les nanotubes [Smith 1998].
Nous en discuterons au chapitre IV. Les nanotubes peuvent aussi servir de protection pour le
nanofil métallique qu’ils contiennent : mentionnons ici les nanofils de fer dont il sera question
au chapitre II, qui sont protégés de l’oxydation par le nanotube. D’intéressantes modifications
structurales induites par le confinement ont été mises en évidence pour les très petits
diamètres [Sloan 2000]. Enfin, notons, pour illustrer la diversité des résultats obtenus, la
réalisation par Gao et collaborateurs [Gao 2002] d’un nanothermomètre de gallium. En
résumé, l’utilisation des nanotubes de carbone comme nanocontainers ouvre la voie à la
réalisation de nombreux nano-objets originaux.
I.2.4 Méthodes de synthèse
Depuis la publication de S. Iijima en 1991, beaucoup d’études portent sur la synthèse
de ces nano-matériaux. Dans ce paragraphe, nous présenterons brièvement les méthodes de
synthèse les plus utilisées. On distingue schématiquement les récentes voies de synthèse à
hautes températures (synthèse par arc électrique et ablation laser où la température de
sublimation du graphite -3200°C- est atteinte) et les voies de synthèse à moyennes
températures (500-1200°C), plus traditionnelles.
19
Synthèse à haute température
- Synthèse par arc électrique
La première mise en évidence de nanotubes concentriques par arc électrique a été
réalisé par Iijima [Iijima 1991]. La méthode de l’arc électrique consiste à rapprocher
progressivement deux électrodes de graphite, sous atmosphère inerte, jusqu’à ce qu’un
courant puisse circuler. La température dans la zone située entre les électrodes devient si
élevée que le carbone est sublimé et l’anode est consumée. Suivant que l’anode est constituée
de graphite pur ou de graphite et de métal, il est possible d’obtenir respectivement des
nanotubes multiparois (dont le diamètre interne et le diamètre externe mesurent
respectivement 1 à 3 nm et 2 à 25 nm) ou monoparois (dont la plupart ont un diamètre
compris entre1,2 et 1,4 nm) [Journet 1998].
- Synthèse par ablation laser
Rappelons que les fullerènes ont d’abord été découverts par ablation laser. Cette
méthode de synthèse a été principalement développée depuis 1996 pour les nanotubes [Thess
1996]. La cible, constituée d’un mélange de graphite et de catalyseur (nickel, cobalt…), est
chauffée par un laser et se vaporise progressivement (dans certains montages, la cible est
placée dans une enceinte à 1200°C, quand la puissance laser n’est pas suffisamment élevée
pour permettre à elle seule la vaporisation). Un flux de gaz inerte permet de transporter les
suies de nanotubes formées jusqu’à un collecteur froid en aval.
Synthèse à moyenne température
Le principe de la synthèse à moyenne température est principalement la décomposition
d’hydrocarbures. Elle permet de synthétiser selon les conditions d’expérience des nanotubes
monoparois ou multiparois (Chemical Vapor Deposition : CVD). Elle est généralement
réalisée en présence de catalyseur métallique (Catalytic Chemical Vapor Deposition : CCVD).
La synthèse CVD pourrait conduire à l’obtention à relativement bas coût de nanotubes en
grandes quantités [Singh 2003-1] ce qui motive son fort développement actuel. De
nombreuses méthodes de synthèse par CVD sont reportées dans la littérature. Nous
20
mentionnons simplement ici deux des procédés CVD (ou assimilé) utilisés pour réaliser les
nanotubes que nous avons étudiés lors de ce travail de thèse.
- Synthèse HiPco
La procédure de synthèse de nanotubes HiPco est la suivante [Nikolaev 1999,
Nikolaev 2004]. Elle consiste à décomposer un précurseur carbonyle (Fe(CO)5) dans un flux
de monoxyde de carbone à des pressions pouvant atteindre 10 atmosphères et des
températures comprises entre 800 et 1200 °C. En se décomposant (dismutation du CO), le
précurseur forme des particules de fer à partir desquelles des faisceaux de nanotubes
monoparois croissent.
- CVD d’aérosols
La méthode de CVD (dépôt chimique en phase vapeur) d’aérosol consiste à envoyer
un liquide carboné et un précurseur métallique, sous forme d’aérosol, dans un four porté à une
température comprise entre 700 et 1000°C. L’un de ses intérêts est qu’elle se prête
parfaitement à une production de masse en continu [Mayne 2001]. Un autre aspect intéressant
est qu’elle permet d’obtenir des nanotubes alignés, sous forme de tapis (où l’axe d’orientation
moyenne des nanotubes est perpendiculaire au plan de base du « tapis »), avec des
applications éventuelles sur lesquelles nous reviendrons au début du chapitre II.
On peut conclure ce paragraphe en soulignant que la synthèse de nanotubes s’est
énormément développée ces dernières années : des entreprises tentent maintenant de lancer la
production à grande échelle de ces objets d’avenir (par exemple, ARKEMA en France).
Néanmoins, il reste encore des progrès à faire quant à la pureté des produits synthétisés (des
phases parasites : coques carbonées, particules de catalyseurs peuvent s’avérer gênantes). La
maîtrise de la structure (diamètre, hélicité) ou de l’architecture (« tapis », nanotubes
connectant des plots pour réaliser un circuit électrique…) des nanotubes obtenus est un sujet
de recherche dans lequel de nombreuses questions sont encore à résoudre. Dans cette optique,
les mécanismes de croissance des nanotubes -sur lesquels nous reviendrons dans le cas de la
pyrolyse d’aérosol au chapitre II- sont étudiés intensivement.
21
I.3 Assemblées macroscopiques de nanotubes
Les premières méthodes de synthèses développées permettaient seulement d’obtenir des
nanotubes sous forme de poudre. Dans cette poudre, les nanotubes sont très enchevêtrés
comme dans un plat de spaghettis. La poudre est de plus assez volatile. Elle est donc
inutilisable telle quelle pour certaines applications. Pour tirer parti de certaines des propriétés
de ces nano-objets anisotropes que sont les nanotubes, il peut être intéressant de les aligner à
l’échelle macroscopique [Launois 2003]. Nous avons pu observer, comme nous le montrerons
dans le chapitre III, que certaines propriétés telles que les propriétés mécaniques et électriques
de fibres de nanotubes s’améliorent quand l’alignement des nanotubes est meilleur. Les
différentes assemblées de nanotubes alignés autour d’un axe d’orientation préférentiel qui ont
été reportées jusqu’à présent dans la littérature sont schématisés sur la Figure I-10.
Figure I-10. Représentation schématique des différents matériaux à base de nanotubes alignés selon une
direction préférentielle (d’après [Launois 2003]). Les nanotubes sont représentés par des batonnets, la
direction d’orientation préférentielle est indiquée par une flèche. (a) Fibre de nanotubes, (b) film où les
nanotubes sont orientés préférentiellement selon une direction dans le plan du film, (c) tapis de nanotubes,
(d) nanotubes dans un matériau méso- ou nano-poreux.
22
Pour obtenir des matériaux de nanotubes alignés, deux approches sont utilisées : la
mise en forme après la synthèse en poudre, ou la synthèse de nanotubes alignés directement.
Traitements de mise en forme post-synthèse
La mise en forme de nanotubes monoparois ou multiparois se fait en général après
avoir dispersé les nanotubes dans une solution aqueuse. Nous illustrons rapidement dans ce
paragraphe la variété des méthodes développées pour obtenir ensuite des assemblées de
nanotubes alignés et mentionnons quelques unes des propriétés intéressantes reportées.
Des « papiers de nanotubes », appelés « buckypapers », peuvent être obtenus en laissant
déposer des dispersions de nanotubes sur un filtre : dans ces échantillons, les nanotubes sont
préférentiellement alignés dans le plan du film, mais possèdent une orientation aléatoire dans
ce plan [Rinzler 1998]. Ce type de matériau montre déjà des propriétés intéressantes : des
actuateurs électromécaniques réalisés à partir de tels matériaux sont capables de générer des
forces plus élevées que les muscles humains [Baughman 1999]. En filtrant des dispersions de
nanotubes sous champ magnétique, Walters et al. [Walters 2001] ont obtenu une orientation
préférentielle des nanotubes dans le plan du film (Figure I-10(b), Figure I-11). Les
conductivités thermiques et électriques de ces matériaux sont meilleures que celles des
buckypapers. Au chapitre IV, nous mentionnerons les premières études de diffusion des
rayons X que nous avons réalisées sur de tels échantillons, mais pour des peapods et non des
nanotubes.
Figure I-11: nanotubes monoparois alignés dans le plan du film, obtenu en filtrant des dispersions de
nanotubes sous champ magnétique [Walters 2001]
23
Jin et al. [Jin 1998] ont réalisé un film en mélangeant des nanotubes multiparois et un
polymère thermoplastique. En étirant ce film à 100°C, ils ont réussi à orienter les nanotubes
suivant la direction de la traction effectuée.
Shimoda et al. [Shimoda 2002] ont réalisé des films de nanotubes auto-assemblés en
plongeant une plaquette de verre hydrophile dans une dispersion homogène de nanotubes.
Après évaporation de l’eau en solution, un film continu de nanotubes s’est formé à la surface
de la plaquette de verre. Les nanotubes montrent une orientation préférentielle au sein du film.
Li et al. [Li 2002-1, Li 2002-2] ont réalisé des rubans de nanotubes auto-assemblés. Les
nanotubes sont mis en solution dans de l’eau dé-ionisée, puis la solution est chauffée à 373 K
sous vide pendant 12 heures. Des longs rubans se forment sur les parois du récipient utilisé,
les nanotubes étant orientés suivant l’axe long du ruban. Le module d’Young de tels rubans
peut atteindre 60 GPa.
Guo et al. [Guo 2002-1, Guo 2002-2] ont réalisé des films de Langmuir-Blodgett de
nanotubes, les nanotubes possèdant aussi une orientation préférentielle.
Bendiab et al. [Bendiab 2003] ont réalisé des pastilles de nanotubes très bien orientés par
rapport au plan de la pastille en appliquant une pression uni-directionnelle sur une poudre de
nanotubes.
Vigolo et al. [Vigolo 2000] ont réalisé des rubans de nanotubes alignés en injectant une
dispersion de nanotubes dans le flux d’un polymère coagulant en rotation. Ce ruban, au
séchage, se condense en une fibre (Figure I-12). Les nanotubes sont préférentiellement
orientés le long de l’axe de la fibre [Launois 2001, Anglaret 2003] (Figure I-10(a)). Cette
fibre peut être retrempée et gonflée dans une solution d’un solvant du polymère utilisé, un
poids est attaché à l’une de ses extrémités de manière à étirer la fibre et à améliorer
l’alignement des nanotubes [Vigolo 2002-1]. Le module d’Young de telles fibres augmente
quand l’alignement des nanotubes augmente et peut atteindre jusqu’à 40 GPa. Des actuateurs
électromécaniques réalisés à partir de ces fibres possèdent de meilleures propriétés
mécaniques que ceux réalisés avec des buckypapers. L’étude de ce type de fibres fait l’objet
du chapitre III.
24
Figure I-12: photographie d’une fibre de nanotubes monoparois (les diamètres de ces fibres est de 10 à
100µm). Les nanotubes sont alignés préférentiellement suivant l’axe de la fibre. [Vigolo 2000]
Les propriétés mécaniques des différents types d’assemblées de nanotubes alignés que nous
venons de décrire sont bien souvent meilleures que celle de buckypapers. Ainsi, leur module
d’Young peut atteindre jusqu’à 60 GPa à comparer à 1 GPa pour les buckypapers. Les
propriétés optiques, thermiques et électriques de ces matériaux sont anisotropes [Launois
2003].
Synthèse de nanotubes alignés.
La synthèse de nanotubes par CVD permet d’obtenir des nanotubes alignés.
La croissance de nanotubes peut être réalisée dans des matériaux méso- ou nano-poreux
(Figure I-10(d)), l’avantage de cette méthode est que l’orientation et le diamètre des
nanotubes seront contrôlés par les pores dans lesquels ils croissent. Che et al. [Che 1998-1,
Che 1998-2] ont réalisé la croissance de nanotubes dans de l’alumine poreuse. Tang et al.
[Tang 1998] ont synthétisé des nanotubes monoparois dans les canaux parallèles de
monocristaux de zéolithe. Les nanotubes sont presque parfaitement alignés [Launois 2000].
Grâce à ce très bon alignement, il a pu être montré que ces nanotubes possèdent un
comportement supraconducteur en dessous de 20 K [Tang 2001].
Li et al. [Li 1996], Terrones et al. [Terrones 1997], Fan et al. [Fan 1999], Mayne et al.
[Mayne 2001] et Zhang et al. [Zhang 2002] montrent qu’il est possible d’obtenir des
nanotubes alignés en les faisant croître sur des substrats de quartz (Figure I-13), de silice, de
verre, etc. Les nanotubes poussent perpendiculairement au substrat (Figure I-10(c)). L’étude
de tels nanotubes « en tapis » sera présentée au chapitre II.
25
Figure I-13: image MEB d’un tapis de nanotubes de carbone [Mayne 2003]
De véritables architectures à partir de nanotubes peuvent être réalisées grâce aux méthodes de
synthèse par CVD. Par exemple, Wang et al.[Wang 2001, Wang 2002] ont synthétisé des
piliers formés de nombreux nanotubes, Wei et al. ont réalisé de superbes fleurs de nanotubes
(Figure I-14) [Wei 2002-1]...
Figure I-14: image MEB de fleurs de nanotubes [Wei 2002-1]
I.4 Diffusion des rayons X
La structure cristalline d’un matériau peut être déterminée par diffraction des photons,
des neutrons et des électrons. Les rayonnements ou particules utilisés en diffraction ont une
longueur d’onde λ ( λ=2π/k où k est le vecteur d’onde) de l’ordre de l’angström, c’est-à-dire
comparable aux distances interatomiques. Un certain nombre d’études sur les nanotubes de
carbone ont été réalisées par diffraction des électrons [Amelinckx 1999]. La diffraction
électronique est une méthode d’analyse locale, qui permet de déterminer la structure d’un
nanotube isolé, ou d’un faisceau de nanotubes. La diffraction des neutrons et des rayons X
26
permettent d’analyser des assemblées macroscopiques de nanotubes et ces techniques sont
donc particulièrement intéressantes pour les sortes d’échantillons discutés au paragraphe I.3.
Dans cette partie, nous introduirons quelques bases de la diffraction des rayons X, qui
est la technique que nous avons principalement utilisée, puis nous calculerons l’intensité
diffusée par un nanotube monoparoi et ensuite par une poudre de nanotubes monoparois.
Nous présenterons aussi les diffractogrammes attendus dans le cas de poudres de nanotubes
multiparois. Pour finir, nous montrerons comment déterminer l’alignement des nanotubes
dans des échantillons où les nanotubes sont orientés.
I.4.1 Rappels sur la diffusion des rayons X
Formule de base : intensité diffusée
Les rayons X interagissent avec les électrons des atomes, et l’intensité diffusée est
donnée par :
( ) ( ) ( )*QFQFQIrrr
⋅∝ (éq. 5)
le facteur de structure ( )QFr
étant la transformée de Fourier de la densité électronique
ueélectroniqρ :
( ) ( ) ( ) rdrQirQF ueélectroniqrrrrr
.exp⋅=∫ρ (éq. 6)
Il s’ensuit :
( ) ( ) ( ) ( )( ) ''.exp' rdrdrrQirrQI ueélectroniqueélectroniqrrrrrrr
−⋅∝∫ ρρ (éq. 7)
L’intensité diffusée dépend du vecteur d’onde Q , qui a la dimension de l’inverse d’une
longueur : ceci explique pourquoi l’on parle d’espace « réciproque » en diffraction.
L’intensité s’exprime en terme d’une fonction de corrélation de paires positionnelles. Les
modulations de l’intensité diffusée traduisent l’importance et la portée des corrélations.
Schématiquement, l’extension des modulations dans l’espace réciproque est inversement
proportionnelle à la portée des corrélations dans l’espace direct [Guinier 1956].
27
Diffraction par un cristal : condition de Bragg et sphère d’Ewald
Un cristal est la répétition périodique d’un réseau et d’un motif placé en chaque nœud
du réseau. Il est définit par les vecteurs de base ,a b et c . Son réseau réciproque a pour
vecteurs de base :
vbacv
acbvcba
rrrrrrrrr ∧=∧=∧= πππ 2*;2*;2* (éq. 8)
où le produit mixte v = ( )cba rrr∧. est le volume de la maille du réseau direct.
On déduit de l’équation 7 que pour un cristal l’intensité n’est diffusée que dans
certaines directions très piquées dans l’espace. La diffraction des rayons X par un cristal
donne lieu à un ensemble de pics de diffraction très fins appelés réflexions de Bragg. La loi de
Bragg permet de définir les conditions de diffraction :
λθ nd Bhkl =sin2 (éq. 9)
où dhkl est une distance interréticulaire, θB est l’angle de Bragg -défini comme le demi-angle
entre vecteur d’onde incident et vecteur d’onde diffusé-, λ est la longueur d’onde et n est un
entier.
Une manière géométrique de vérifier les conditions de diffraction consiste à utiliser la
construction d’Ewald. Cette construction (Figure I-15) s’appuie sur les deux conditions
d’existence d’une diffraction élastique.
- Condition de diffusion élastique : les vecteurs de l’onde incidente et de l’onde diffusée ont
des modules égaux, qui valent 2π/λ.
- Condition de Laue : le vecteur de diffusion Q appartient au réseau réciproque
Le cristal est situé au centre d’une sphère de rayon 2π/λ appelée sphère d’Ewald. L’origine du
réseau réciproque O est à l’intersection du faisceau incident et de la sphère d’Ewald. Le
vecteur de diffusion Q doit être un nœud du réseau réciproque : on peut observer un pic de
diffraction lorsqu’un nœud du réseau réciproque intersecte la sphère d’Ewald.
28
Figure I-15 : construction d’Ewald
Diffraction par une poudre
L’orientation du cristal dans l’espace direct définit celle du réseau réciproque : les
directions de diffraction dépendent de l’orientation du cristal. Pour une orientation donnée du
cristal, on observera sur un détecteur bi-dimensionnel plan placé derrière le cristal un
ensemble de pics de diffraction. Un autre diagramme sera obtenu si l’on tourne l’échantillon.
Une poudre est une assemblée de petits cristaux présentant toutes les orientations
possibles. Les rayons ne seront plus diffractés selon certaines directions particulières comme
pour un monocristal : les rayons diffractés s’appuient sur des cônes définis par les valeurs des
angles de Bragg permis pour les cristaux. Sur un détecteur bidimensionnel, on observera des
anneaux de diffraction. L’intensité diffractée dépend seulement du module du vecteur d’onde.
Diffraction par un échantillon texturé
Pour un échantillon dans lequel les cristaux ont une distribution d’orientations autour
d’une orientation préférentielle, cas intermédiaire entre la poudre et le monocristal, on
observera des anneaux de diffraction dont l’intensité variera en fonction de l’angle sur un
détecteur plan.
29
I.4.2 Diffraction par un faisceau de nanotubes monoparois
Considérons un faisceau de nanotubes monoparois (Figure I-16). Nous allons calculer
l’intensité diffractée par ce faisceau. Ce calcul est réalisé pour s’appliquer aux expériences de
diffusion des rayons X où nous nous intéressons à des vecteurs d’ondes inférieurs à 2Å-1 (il
n’y a malheureusement pas de signal suffisamment intense pour être détecté au-delà pour les
échantillons macroscopiques formés de nanotubes monoparois). Pour ces petites valeurs de
vecteurs d’onde, on n’est pas sensible à la structure atomique des nanotubes, que l’on peut
approximer comme des cylindres homogènes. La densité surfacique en atomes de carbone est
σc~0.37 at/Å2. Les nanotubes ont un rayon RT et une hauteur L. Dans les formules finales, on
fera tendre L vers l’infini, ce qui est justifié par le fait que les tubes sont très longs au regard
de la résolution expérimentale.
Figure I-16. Faisceau de nanotubes en projection perpendiculairement à l’axe des tubes
Le facteur de structure d’un nanotube, transformée de Fourier de sa densité
électronique, est donné par :
( ) dzrdrdrQiRrQfQF TccT θδσ ).exp()()( rrr∫∫∫ −= (éq. 10)
où fc(Q) est le facteur de forme du carbone.
On en déduit (la démonstration est détaillée dans l’annexe, en (a)) :
2/)2/sin()()2)(()( //0 LQ
LQRQJLRQfQFz
zTcTCT σπ=
r (éq. 11)
30
où J0 est la fonction de Bessel cylindrique d’ordre 0, //Q est la composante du vecteur d’onde
dans le plan (x,y) et Q// son module, et zQ est la composante du vecteur d’onde suivant z et
Qz son module.
Le facteur de structure d’un faisceau de nanotubes s’écrit
).exp()()( iTi
RQiQFQFrrrr
∑= (éq. 12)
où iR repère la position de l’intersection de l’axe du nanotube « i » du faisceau avec le plan
(x,y). Pour un faisceau formé de nanotubes de rayon RT, on fixe le paramètre de maille à 2RT
+ 3,2Å, la distance inter-tubes de 3,2 Å étant une distance raisonnable pour des objets à base
de carbone interagissant par des forces de van der Waals.
L’intensité diffusée par le faisceau, par unité de longueur, est alors donnée par :
).exp(*)(*)(~)(,
ijji
TTfag RQiL
FFL
QFQFQIrr
rrr
∑=× (éq. 13)
avec jiij RRR −=
On obtient finalement (démonstration détaillée : Annexe, en (b))
( )( ) ∑ji
ijzTcTcfag RQiQRQJRfQI,
//2
//0 ).exp()(2~)(rrr
δσπ (éq. 14)
Commentons cette formule :
- le terme ( )( )TcTc RQJRf //02 σπ est le facteur de forme d’un cylindre de carbone. C’est un terme
oscillant, dont les oscillations sont déterminées par la fonction de Bessel J0 [Thess 1996]. Les
oscillations seront d’autant plus rapides que le rayon du cylindre sera grand. Les intensités des
maxima successifs diminuent avec le vecteur d’onde.
- la distribution de Dirac est liée à l’hypothèse de longueur infinie pour les cylindres : la
diffusion est localisée dans le plan équatorial perpendiculaire à l’axe du faisceau.
- le terme ∑ji
ijRQi,
// ).exp(rr
reflète l’organisation des nanotubes en faisceau. Pour un faisceau très
grand (comprenant une « infinité » de nanotubes), on trouvera dans le plan équatorial les pics
de Bragg du réseau hexagonal 2D. Pour un faisceau de petite taille, on observera dans ce plan
des modulations d’intensités plus diffuses.
31
I.4.3 Diffractogramme d’une poudre de nanotubes monoparois
Dans le cas d’un échantillon se présentant sous forme de poudre, l’équation 14 doit
être moyennée sur toutes les orientations des objets composant la poudre. Une procédure
équivalente consiste à effectuer une moyenne sur toutes les directions du vecteur de diffusion
Qr
[Rols (2000)]. Ainsi pour une poudre de faisceaux de nanotubes :
∫∫= QQQfag ddQIQI ϕθθπ )sin()(41)(
r (éq. 15)
où Qθ et Qϕ sont les deux angles qui repèrent l’orientation du vecteur d’onde Q en
coordonnées sphériques. On obtient finalement (démonstration dans l’annexe, en (c))
( )( ) ( )( )∑ji
ijTcTc QRJQRJRfQQI,
02
021~)( σπ (éq. 16)
Rols et al. [Rols 1999] ont présenté la première étude détaillée d’un diffractogramme
de poudre de nanotubes monoparois. Ils ont considéré une distribution de rayons des
nanotubes dans l’échantillon (les synthèses ne permettent pas de réaliser des nanotubes de
rayon parfaitement bien défini), supposant que ce sont les nanotubes de mêmes rayons qui
s’assemblent en faisceaux : l’équation 15 est intégrée sur la distribution -supposée
Gaussienne- des rayons. Il est alors possible de déterminer le rayon moyen des nanotubes, la
largeur de la distribution de rayons et la valeur moyenne du diamètre des faisceaux.
Nous illustrons ce type d’études sur un diffractogramme (Figure I-18) que nous avons
obtenu au Laboratoire de Physique des Solides (LPS) sur des nanotubes synthétisés par arc
électrique [Hinkov 2003]. Le diffractogramme reflète l’arrangement des nanotubes sous
forme d’un réseau hexagonal bidimensionnel, comme le montre l’indexation des pics de la
Figure I-18 (le pic le plus intense observé - situé aux alentours de Q = 0,45Å-1 - correspond à
la réflexion sur les plans (1,0) de ce réseau ). Il faut toutefois noter que les positions des
maxima des pics ne sont pas dans les rapports exacts attendus pour un réseau hexagonal. En
effet, les faisceaux comportant un nombre limité de nanotubes, les pics de diffraction associés
sont assez larges et la modulation par le facteur de forme oscillant des nanotubes peut induire
un déplacement de ces pics (Figure I-17) [Thess 1996].
32
Figure I-17: (a) diffractogramme expérimental obtenu pour une poudre de nanotubes monoparois pour
lequel un fond a été soustrait, (b) diffractogramme calculé pour un réseau triangulaire de cylindres
uniformément chargés. Les barres verticales montrent les positions de Bragg calculées. La courbe (c)
montre comment le carré du facteur de forme -de la fonction de Bessel (J0(QRT))2- module les intensités et
déplace les positions des différents pics. [Thess 1996]
Pour déterminer avec précision les caractéristiques structurales des nanotubes, il est
important d’effectuer des simulations et de comparer les diagrammes de diffraction simulés et
celui mesuré. Les paramètres ajustables dans nos simulations étaient le rayon moyen des
nanotubes RT , la largeur de la distribution -supposée Gaussienne- des rayons et la taille des
faisceaux. Nous avons obtenu un bon accord entre simulations et mesures (Figure I-18) pour
les paramètres suivants : rayon moyen des tubes ≈ 7,5Å, largeur totale à mi-hauteur de la
distribution des rayons ≈ 0,5Å et avec environ 40 nanotubes par faisceau.
Intensité (u.a.)
33
Figure I-18 : Diffractogramme expérimental obtenu sur une poudre de nanotubes synthétisés par arc
électrique (cercles noirs) ; ligne continue : diffractogramme calculé pour une poudre de nanotubes rayon
moyen 7.5Å, avec 40 nanotubes par faisceau et une distribution de rayons de 0.5Å [Hinkov (2003)]
I.4.4 diffractogramme d’une poudre de nanotubes multiparois
Les nanotubes multiparois sont constitués de cylindres concentriques. Les données de
la littérature s’accordent sur une distance inter-plans d002=3,44Å pour les nanotubes avec un
nombre suffisamment important de parois. Cette distance est légèrement plus grande que la
distance entre deux feuilles de graphène dans le graphite : 3,35Å, et très proche de la valeur
caractéristique trouvée dans les carbones turbostratiques. Saito et al. ont étudié la distance
entre les parois des nanotubes multiparois [Saito (1993)], ils trouvent une distance inter-parois
de 3,44Å. Burian et al. ont aussi déterminé par diffraction des neutrons que la distance inter-
parois étaient de 3,41Å [Burian (1999)]. Kiang et al. ont établi une loi empirique décrivant la
distance inter-parois d002 en fonction du diamètre du tube intérieur D [Kiang (1998)] :
( )2exp1,0344,0002 Dd −×+= 0≥D (éq. 17)
Dans cette équation toutes les constantes sont exprimées en nanomètres.
La limite asymptotique d002=3,44Å est trouvée pour des tubes ayant un diamètre supérieur à
10nm.
34
Le diffractogramme de nanotubes multiparois se compose de deux familles de
pics décrites dans la référence [Lambin (2002)]:
• Pour un vecteur de diffusion égal à un multiple de 2π/d002, on trouve les pics 00l
comme pour le graphite. La position de ces pics donne la distance inter-parois. Etant
donné la distance inter-parois considérée : 3,44Å, le pic 002 se trouvera à Q = 1,83Å-1,
le pic 004 à Q = 3.65Å-1, etc... L’intensité et la largeur de ces pics dépendent du
nombre de parois, des variations des distances inter-parois, etc .
• La deuxième famille de pics comprend les réflexions sur les plans de type hk d’une
feuille de graphène. Cette famille de pics est due à la structure en nid d’abeille des
feuillets des tubes. Le premier pic 10 est trouvé à Q ~ 3Å-1, le second 11 est situé à Q
~ 5 Å-1. Sur un diffractogramme de poudre, ces pics ont une forme asymétrique, en
dent de scie, le sommet se trouvant vers les petites valeurs du vecteur d’onde, et la
queue à l’opposé. Dans le cas du graphite, on observe les raies hk0 qui ont une forme
symétrique et les raies hkl pour l non nul sont visibles. Dans le cas des carbones
turbostratiques, on observe seulement les raies hk, avec une forme asymétrique qui
vient du fait qu’il n’y a pas de corrélations entre les plans de graphène. Ainsi, le
diffractogramme obtenu dans le cas des nanotubes multiparois est très similaire à celui
des carbones turbostratiques.
La Figure I-19 montre ces deux familles de pics.
35
Figure I-19 : diffractogramme obtenu sur une poudre de nanotubes/nanoparticules, la courbe lisse
représente les calculs effectués dans le cas d’un graphite désordonné. [Reznik (1995)].
I.4.5 Orientation préférentielle des nanotubes de carbone
Dans certains échantillons : tapis, fibres, etc, les nanotubes présentent une orientation
préférentielle. Les mesures que nous présenterons dans ce manuscrit sont effectuées sur des
détecteurs plans, et l’orientation préférentielle des nanotubes se traduit sur les clichés de
diffraction par des modulations de l’intensité sur les différents cercles de diffusion attribués
aux nanotubes. Les études structurales réalisées sur des échantillons dans lesquels les
nanotubes sont orientés permettent d’obtenir des informations plus fines que celles obtenues à
partir d’un spectre de poudre puisqu’il n’y a plus de moyenne angulaire complète. Ainsi, on
montrera au chapitre II que cela permet de déterminer l’axe de croissance préférentiel de
nanofils de fer dans les nanotubes et au chapitre IV que cela permet, dans le cas des peapods,
de séparer les signaux dus à l’arrangement en faisceau des nanotubes de ceux des chaînes de
fullerènes.
L’alignement des nanotubes peut être observé à partir de techniques de microscopies
(MEB - Microscopie Electronique à Balayage, MET - Microscopie Electronique en
Transmission) ou par des méthodes optiques, mais les résultats obtenus sont seulement
qualitatifs. La diffusion des rayons X permet d’obtenir des résultats quantitatifs. Elle permet
36
de déterminer la distribution de probabilité d’orientation des nanotubes de carbone. Pour ce
faire, on considérera une approche qui a été proposée dès 1933 par Von O. Kratky pour
décrire les effets d’alignements de la matière fibreuse [Kratky 1933], basée sur des calculs
réalisés antérieurement à ce travail par Pierre-Antoine Albouy et Pascale Launois. Cette
approche suppose :
- que la diffusion étudiée correspond à la diffusion dans le plan équatorial des objets qui
composent le matériau (I~ δ(Qz)). C’est effectivement le cas des nanotubes
monoparois (équation 14) comme de ceux multiparois (les réflexions (00l) sont
perpendiculaires aux empilements des feuilles de graphène et donc perpendiculaires à
l’axe long des nanotubes)
- que la symétrie d’orientation est axiale (orientation préférentielle autour d’un axe). Ce
sera le cas pour les tapis et les fibres de nanotubes étudiés aux chapitres II et III, ainsi
que pour les peapods alignés dans un film étudiés au chapitre IV.
Il est bien sûr possible de pousser plus loin les calculs dans le cadre d’autres hypothèses.
Ainsi, nous les avons récemment développés au laboratoire pour calculer les spectres de
diffraction de chaînes de fullerènes dans un matériau de peapods orientés, prenant en compte
la diffusion non équatoriale [Goudichaud 2005]. Mais ceci dépasse le cadre de ce manuscrit et
ne sera pas discuté en détails.
Dans le cas des tapis ou des fibres de nanotubes, on observe sur le diagramme de
diffraction -mesuré sur détecteur plan placé derrière l’échantillon- des modulations d’intensité
des signaux de diffraction des nanotubes (réflexions 00l pour les nanotubes multiparois ou
signaux caractéristiques du facteur de forme des tubes ou de leur assemblage en réseau
hexagonal pour les nanotubes monoparois isolés ou en faisceaux). Ceci est schématisé sur la
Figure I-20. Le signal est maximal perpendiculairement à l’axe d’orientation préférentielle car
les réflexions considérées sont des réflexions équatoriales : pour des nanotubes parfaitement
alignés, le signal serait localisé perpendiculairement à l’axe d’orientation.
37
Figure I-20 : schéma de la figure de diffraction obtenue pour des assemblées de nanotubes alignés
préférentiellement autour d’un axe.
Notre objectif est d’établir le lien entre la distribution d’orientation des nanotubes dans
l’espace direct et la distribution d’intensité observée sur le détecteur.
Considérons donc une distribution d’orientation des nanotubes f(β) de symétrie conique et qui
vérifie la condition de normalisation :
∫ =π
βββπ0
1)sin()(2 df . (éq. 18)
Nous montrons en détail dans l’Annexe, en (d), comment calculer la distribution d’intensité
I(τ) mesurée sur le film à vecteur d’onde constant, à la position d’un des signaux des
nanotubes c’est-à-dire pour un certain angle de Bragg θB, en fonction de la distribution
d’orientation des nanotubes f(β).
On obtient :
∫−
−
2/
))cos()(arccos(cos2/222 )(cos)(cossin
)()sin(~)(π
τθπτθβ
βββτB
B
dfI (éq. 19)
Le dénominateur dans l’intégrale diverge à la borne d’intégration inférieure ce qui posera des
difficultés lors des calculs numériques. Il est intéressant d’effectuer le changement de variable
suivant :
β −> ξ avec cos(ξ)=cos(β)/sin(arccos(cos(θB)cos(τ))), qui donne
38
[ ]∫2/
0
)))cos()(arccos(cossin()(arccos(cos~)(π
ξτθξτ dfI B (éq. 20)
En pratique, on utilise ce résultat comme suit. On choisit une distribution d’orientation f, on
calcule I numériquement grâce à l’équation 19. On compare l’intensité calculée à celle
mesurée expérimentalement, modifiant la distribution de départ choisie jusqu’à obtenir un bon
accord : on a alors déterminé les caractéristiques de la distribution d’orientation des nanotubes
dans l’espace direct. Je détaillerai ci-après deux cas, qui correspondent aux cas rencontrés lors
des expériences que nous présenterons aux chapitre II-IV : distribution d’intensité Gaussienne
ou Lorentzienne sur le diagramme de diffraction. Nous ne discuterons pas dans ce manuscrit
des raisons pour lesquelles les distributions d’orientation sont différentes dans les différents
échantillons qui sont à priori multiples (conditions de préparation des échantillons,
interactions entre nanotubes ou avec une matrice, rigidité ou courbure des nanotubes, …).
Nous nous contenterons d’identifier la distribution d’orientation à considérer pour quantifier
l’alignement des nanotubes.
Distributions Gaussiennes
Supposons que f soit une Gaussienne définie par sa demi-largeur à mi-hauteur wd :
( ) ⎟⎠
⎞⎜⎝
⎛ −2
22lnexp~
dwfβ
β pour 0≤β≤π/2 (éq. 21)
Tant que les largeurs restent raisonnables (<40°)6, l’intensité dans l’espace réciproque est elle-
aussi une Gaussienne, de mi-largeur à mi-hauteur wr :
( )( )
⎟⎟⎟
⎠
⎞
⎜⎜⎜
⎝
⎛ −−2
2
22lnexp~
rwIπτ
τ pour 0≤τ≤π (éq. 22)
La relation entre largeurs dans l’espace direct et dans l’espace réciproque est illustrée par la
Figure I-21. Pour les petites valeurs, on trouve wd=wr.cos(θB). Cette relation est montrée
analytiquement en (e) dans l’annexe. Moins l’alignement est bon, plus l’écart entre wr et wd
6 N.B. : les angles seront en général donnés en radians dans les équations et en degrés pour les valeurs expérimentales.
39
augmente. On trouve parfois dans la littérature l’hypothèse wr=wd [Zhou 2004]. Nos calculs
montrent que cela conduit à légèrement sur-estimer la largeur de la distribution d’orientation.
Figure I-21. Demi-largeur à mi-hauteur de la probabilité d’orientation (Gaussienne) dans l’espace direct
en fonction de celle de la distribution d’intensité (Gaussienne) dans l’espace réciproque ; pour θB=5.9°
(angle de Bragg correspondant à la réflexion 002 de nanotubes multiparois étudiés à la longueur d’onde
du molybdène). La ligne continue est une droite de pente cos(θB).
Distributions Lorentziennes
Dans le cas où la variation angulaire de l’intensité diffusée est une Lorentzienne, on peut
montrer, en calculant numériquement la fonction I(τ) à partir de distributions d’essais qui sont
des Lorentziennes à une certaine puissance, qu’une Lorentzienne dans l’espace réciproque
correspond à une Lorentzienne à la puissance 1,5 dans l’espace direct (à laquelle on doit
ajouter une constante) :
( ) ( )2
2
21
1~
rw
Iπτ
τ−
+
(éq. 23)
corrrespond à
40
C
w
f
d
+
⎥⎥⎥⎥
⎦
⎤
⎢⎢⎢⎢
⎣
⎡
⎟⎠⎞
⎜⎝⎛+
5.1
27664,01
1~)(β
β (éq. 24) (0≤τ≤π, 0≤β≤π/2)
On construit alors des abaques donnant la correspondance entre l’espace direct et réciproque,
comme illustré sur la Figure I-22. Notre objectif a été de modéliser avec des fonctions aussi
simples que possible intensité mesurée et probabilités d’orientation ; les valeurs négatives ne
doivent pas choquer car la fonction probabilité f reste elle positive pour toute valeur de β.
Figure I-22 : Cas d’une distribution Lorentzienne pour l’intensité : wd (cercles) et C (croix) en fonction de
wr (équation 20 et équation 23)
Quelques points pour terminer :
- les calculs/abaques présentés ci-dessus le sont pour des distributions angulaires d’intensité
suffisamment étroites pour que l’intensité s’annule en ses minima (pour τ = 0 et 180°) dans
les modèles Gaussien ou Lorentzien. Il n’y a pas d’obstacle à traiter le cas des plus grandes
41
largeurs mais cela introduit quelques complications car il faut tenir compte des effets de
recouvrement entre Gaussiennes ou Lorentziennes centrées à 180° l’une de l’autre.
- la connaissance de la distribution dans l’espace direct nous permet on l’a vu de déterminer
l’orientation des nanotubes. Que recouvre réellement cette notion d’orientation ? Les
nanotubes pouvant être courbés à assez grande échelle : l’orientation mesurée prend en
compte à la fois l’orientation moyenne de chaque nanotube et la courbure des nanotubes.
- Parmi les grandeurs intéressantes pour appréhender le degré d’alignement, mentionnons les
taux Nwd et N2wd de nanotubes dont l’axe long se situe à l’intérieur des cônes d’ouverture wd
et 2wd respectivement. Ils sont calculés par :
∫=dw
wd dfN0
)sin()( βββ (éq. 25)
et
∫=dw
wd dfN2
02 )sin()( βββ (éq. 26)
la densité de probabilité f étant normée comme indiqué dans l’équation 18.
Dans le cas d’une distribution Gaussienne de l’intensité, on trouve Nwd ~ 50% et N2wd ~ 94%
(taux constant pour les valeurs de wr sur la Figure I-21, pour θB=5,9°, on trouve pour wr = 1° :
Nwd = 50% et N2wd = 94%, pour wr = 44° : Nwd = 55% et N2wd = 97%); pour la distribution
lorentzienne, Nwd ~ 30-45% et N2wd ~ 60-85% (pour θB=5,9°, on trouve pour wr = 5° : Nwd =
32% et N2wd = 60%, pour wr = 30° : Nwd = 46% et N2wd = 84%). Les valeurs plus faibles dans
le second cas traduisent la présence de « queues » plus importantes de la densité de
probabilité dans l’espace direct.
42
I.5 Motivations et plan de la thèse
Les nanotubes sont, comme cela a été montré dans ce chapitre introductif, des nano-
objets extrêmement originaux en terme de structure (caractère unidimensionnel, diamètres et
hélicités variables) et dont les propriétés électroniques, mécaniques, d’émission de champ, etc
sont très prometteuses. Dans notre travail, l’outil d’investigation principal est la diffusion des
rayons X. Elle permet d’obtenir des informations statistiques sur des assemblées
macroscopiques de nanotubes. Nous nous sommes particulièrement intéressés à analyser les
caractéristiques structurales d’échantillons de nanotubes partiellement alignés. Nous nous
sommes attachés à discuter les mécanismes de l’alignement des nanotubes (lors de la synthèse
ou lors de traitement post-synthèse). Les propriétés physiques des matériaux formés à partir
de ces nano-objets anisotropes que sont les nanotubes devraient dépendre de leur alignement :
c’est effectivement le cas pour les fibres de nanotubes. Nos mesures structurales nous
permettent de discuter de la relation alignement-propriétés mécaniques ou électriques des
fibres. Enfin, parmi les questions d’actualité dans le domaine des nanotubes, on peut citer la
compréhension fine et la maîtrise de leurs mécanismes de croissance. A partir des résultats
structuraux obtenus sur les « tapis » de nanotubes synthétisés par CCVD d’aérosol, nous
discutons de leurs mécanismes de croissance.
Soulignons qu’après la découvertes des nanotubes, des études structurales très diverses
ont été mises en œuvre : par microscopies électroniques, diffraction, microscopie à effet
tunnel, spectroscopies optiques, spectroscopie Raman, etc [Lambin (2002)]. Elles ont permis
de déterminer des paramètres structuraux tels que les diamètres, les hélicités ou encore
l’organisation des nanotubes. Les études utilisant la microscopie électronique sont très
nombreuses, cette technique permet d’étudier les nanotubes individuellement ou en très petit
nombre. Les études utilisant la diffusion des rayons X étaient encore peu nombreuses au début
de ma thèse, la plupart des études réalisées avaient été effectuées sur des poudres de
nanotubes [Reznik 1995, Rols 1999], pour étudier statistiquement certains aspects
structuraux : distribution de diamètres des nanotubes, organisation sous forme de faisceau,
taille des faisceaux, dans des assemblées macroscopiques de nanotubes. Les études de
diffusion des rayons X réalisées sur des assemblées de nanotubes alignés étaient assez rares
[Launois 2000, Launois 2001], ceci étant en particulier dû au fait que ces matériaux ont été
réalisés plus tard que les poudres.
43
Ainsi, dans cette thèse, nous nous sommes intéressés à déterminer -et ce de manière
quantitative, à partir du formalisme présenté au paragraphe I.4.5- l’alignement et la structure
des nanotubes de carbone dans différents types de matériaux où les nanotubes sont orientés,
comme les tapis ou les fibres de nanotubes.
Dans ces nanomatériaux, on trouve d’autres composés que les nanotubes : des nanofils de fer
encapsulés à l’intérieur des nanotubes organisés dans les tapis (étudiés au chapitre II), le
polymère permettant la coagulation des nanotubes dans les fibres (étudié au chapitre III), et
des fullerènes C60 et C70 encapsulés dans les tubes dans les échantillons de peapods (étudiés
au chapitre IV). Les études de diffusion des rayons X effectuées permettent d’obtenir aussi
des informations structurales intéressantes sur ces composés.
Le chapitre II présentera les recherches effectuées sur les tapis de nanotubes. Nous
décrirons brièvement la méthode de synthèse utilisée (LFP, Saclay), ainsi que les échantillons
étudiés. Nous présenterons les expériences de diffusion des rayons X réalisées et leur analyse.
Une attention particulière sera portée à l’identification de la nature des particules responsables
de la nucléation des nanotubes ; l’apport de nos résultats pour la compréhension des
mécanismes de croissance sera discuté. Nous discuterons également de l’influence des
différents paramètres de synthèse sur l’alignement des nanotubes dans ces matériaux ou du
rôle de contraintes d’encombrement stérique. Enfin, nous présenterons nos études de la
diffraction par les nanofils métalliques qui remplissent partiellement les nanotubes, qui nous
ont permis de mettre en évidence la présence d’un axe de croissance préférentiel de ces
nanofils. Je résumerai l’ensemble des résultats obtenus dans un dernier paragraphe.
Le chapitre III sera consacré aux fibres de nanotubes. Tout d’abord nous décrirons le
procédé de mise en forme des nanotubes utilisé (CRPP Bordeaux) pour réaliser les fibres ainsi
que les traitements d’étirement post-synthèse effectués sur les fibres. Nous présenterons les
expériences de diffusion des rayons X, qui nous permettent de déterminer l’alignement des
nanotubes et des chaînes du polymère coagulant. L’influence des traitements d’étirement sur
l’alignement des nanotubes et des chaînes polymère sera modélisé dans le cadre d’un modèle
affine d’orientation induite. Des études utilisant un microfaisceau de rayons X, qui permettent
d’étudier l’homogénéité de l’alignement des nanotubes au sein de la fibre, seront également
présentées. Nous discuterons ensuite l’évolution de certaines propriétés physiques des fibres
de nanotubes. Des mesures des propriétés mécaniques et de conductivité électrique réalisées
44
au CRPP et à l’université de Pennsylvanie couplées à nos expériences de diffusion des rayons
ont permis d’étudier quantitativement l’influence de l’alignement des nanotubes sur les
propriétés physiques des fibres de nanotubes. Nous discuterons en particulier l’évolution du
module d’Young dans le cadre de la mécanique des milieux continus. Nous terminerons ce
chapitre par une étude, encore préliminaire, qui fait le lien entre notre travail sur les tapis et
sur les fibres de nanotubes : étude de la mise en fibre des nanotubes synthétisés sous forme de
tapis, ainsi que des propriétés structurales, mécaniques et électriques des premières fibres
réalisées.
Le chapitre IV, beaucoup plus court que les deux précédents, portera sur de nouveaux
nano-objets hybrides qui peuvent être réalisés en introduisant des molécules de fullerènes
dans les nanotubes : les « peapods ». Nous présenterons d’abord les résultats structuraux que
nous avons obtenus sur des poudres. La diffusion des rayons X permet d’obtenir des
informations sur le taux de remplissage moyen des nanotubes par les fullerènes et sur la
distance interfullerènes. Nous présenterons ensuite nos premiers résultats sur des échantillons
dans lesquels les peapods sont partiellement alignés. Nous discuterons l’intérêt des
échantillons de peapods alignés pour les analyses structurales.
Dans la conclusion générale du manuscrit, nous reprendrons les principaux résultats
obtenus et soulignerons certaines directions dans lesquelles ce travail pourrait être poursuivi.
45
II Tapis de nanotubes de carbone
II.1 Introduction
Parmi les différentes méthodes de synthèse décrites dans le chapitre précédent, l’une
d’entre elle semble particulièrement intéressante, le dépôt chimique en phase vapeur catalysé
(CCVD). Deux méthodes sont utilisées, la CVD de liquides qui permet d’obtenir des tapis7
denses de longs nanotubes multiparois (pouvant atteindre le millimètre) [Mayne 2001, Singh
2003-1], et la CVD de gaz qui permet d’obtenir des tapis de nanotubes monoparois ou de
nanotubes multiparois en général moins denses et plus courts (quelques dizaines de microns)
que dans le cas de la CVD de liquides. Pour en savoir plus sur ces méthodes de synthèse, le
lecteur peut se réferrer à la thèse de Mathieu Pinault [Pinault 2005-2]. Dans ce chapitre nous
présenterons des résultats obtenus sur des tapis de nanotubes synthétisés par CVD de liquides,
cette méthode permet de faire croître en grande quantité et à faible coût [Mayne 2001, Singh
2003-1], des nanotubes multiparois alignés perpendiculairement à un substrat ; des nanofils
métalliques encapsulés dans les nanotubes peuvent aussi être produits par cette méthode. Les
tapis de nanotubes sont très intéressants à étudier autant du point de vue fondamental que du
point de vue des applications.
Au plan « fondamental », on peut noter par exemple les questions ouvertes concernant
leur mécanisme de croissance ou la structure des nanofils métalliques à l’intérieur des
nanotubes.
- Des mécanismes de croissance par la base (la particule catalytique étant fixe, située à la base
du nanotube) ou par le haut (particule catalytique mobile, en haut du nanotube) peuvent être
invoqués, un modèle de croissance par le sommet a été proposé par Amelinckx et
collaborateurs [Amelinckx 1994] et un modèle de croissance par la base a été proposé par Dai
et collaborateurs [Dai 1996] (Figure II-1). Au niveau expérimental, les deux modes de
croissance sont discutés [Andrews 1999, Banhart 2001]. Certaines équipes rapportent des
mécanismes de croissance par le bas [Singh 2003-2] et d’autres par le haut [Zhang 2002].
Ainsi, on peut se poser la question de savoir quel est le mécanisme de croissance qui se
7 Du fait de leur géométrie : nanotubes alignés perpendiculairement à un substrat, ces échantillons sont nommés : « tapis de nanotubes »
46
produit dans les synthèses de nos échantillons et quels sont les paramètres qui déterminent le
mode de croissance?
Figure II-1 : modèles de croissance par la base (haut) et par le sommet (bas).
- Quelle est la nature, la structure et éventuellement l’axe de croissance préférentiel des
nanofils encapsulés dans les nanotubes qui se forment au cours de la synthèse, en même
temps que les nanotubes? Les études reportées dans la littérature attestent, selon la méthode
de synthèse, de l’existence de ferrite (fer-α), d’austénite (fer-γ) et de cémentite Fe3C [Mayne
2001, Prados 2002, Satishkumar 2002, Mühl 2003], avec dans certains cas des axes de
croissance différents (par exemple, pour des nanofils de ferrite les axes <100> ou <110> sont
alignés avec l’axe du nanotube [Mayne 2001, Satishkumar 2002]).
- Quel est, quantitativement, l’alignement des nanotubes en tapis ? Les échantillons sont-ils
homogènes sur toute leur hauteur, les processus de croissance sont-ils les mêmes durant toute
la synthèse ? Aucune étude n’était reportée sur le sujet avant le début du travail de thèse
présenté ici.
Nous montrerons dans ce chapitre comment la méthode de diffusion des rayons X permet
d’étudier ces questions.
Au plan des applications envisagées, citons :
- le stockage magnétique haute densité [Grobert 1999, Mühl 2003, Prados 2002, Satishkumar
2002, Leonhardt 2003]. Certaines études montrent déjà qu’il est possible de produire des
échantillons possédant des champs coercitifs élevés par rapport à d’autres composés utilisés
47
plus fréquemment dans ce domaine. Ceci peut être attribué au caractère anisotrope des
nanofils de fer α dans les nanotubes. La question sur la nature et la structure des nanofils
encapsulés revêt donc ici toute son importance.
- les membranes pour la séparation chimique ou les capteurs. Une membrane poreuse peut
être obtenue en comblant les espaces entre nanotubes par un polymère. Hinds et
collaborateurs [Hinds 2004] ont montré qu’il est possible d’influer sur le transport
moléculaire au travers de la membrane en modifiant la longueur des nanotubes ou en
fonctionnalisant leurs extrémités, ce qui ouvre la voie vers des applications dans les domaines
de la séparation chimique ou des capteurs. Pour réaliser de telles membranes à partir des tapis
de nanotubes, il faut préalablement pouvoir en expulser les nanofils de fer. Ce point sera
discuté au paragraphe II.7.
- le domaine des composites. Singh et collaborateurs [Singh 2003-1] soulignent que les
nanotubes alignés se dispersent mieux que ceux, enchevêtrés, obtenus par d’autres méthodes.
Nous reviendrons sur l’intérêt des nanotubes en tapis pour les fibres de nanotubes au chapitre
III (§ III.4).
Dans ce chapitre, nous allons tout d’abord présenter la méthode de synthèse mise en
oeuvre pour réaliser des tapis de nanotubes multiparois, en détaillant les différents
échantillons étudiés. Les tapis de nanotubes de carbone ont été synthétisés au Laboratoire
Francis Perrin (LFP) au CEA Saclay dans le cadre de la thèse de Mathieu Pinault effectuée
sous la direction de M. Mayne-L’Hermite et Cécile Reynaud [Pinault 2005-2]8. Nous
détaillerons ensuite la technique expérimentale principalement utilisée pour caractériser la
structure et l’arrangement des échantillons : la diffraction des rayons X, grâce à laquelle nous
avons pu déterminer l’alignement des nanotubes de carbone, ainsi que la nature des phases
présentes dans les différents échantillons. M. Pinault a aussi réalisé des analyses en MEB et
MET des échantillons, dont nous présenterons certains résultats en parallèle avec nos études
de diffusion des rayons X. Un paragraphe sera consacré à la détermination du mode de
croissance des nanotubes, ainsi qu’à l’identification des particules catalytiques permettant la
nucléation des nanotubes. Nous présenterons les résultats obtenus pour l’alignement des
nanotubes dans les différents échantillons. Enfin, nous décrirons les différentes phases que
nous avons identifiées dans ces échantillons : les nanofils de fer γ (avec un axe de croissance
préférentiel), les particules de fer α et de cémentite. Nous discuterons de la présence de ces 8 J’ai eu l’opportunité de participer à l’une des expériences de M. Pinault pendant mon doctorat, ce qui m’a permis d’appréhender de manière concrète la méthode de synthèse.
48
différentes phases en fonction des conditions thermodynamiques (diagrammes de phase).
Nous conclurons ce chapitre en reprenant les principaux résultats.
II.2 Synthèse
II.2.1 Méthode de synthèse : CCVD d’aérosols liquides
La méthode de synthèse utilisée est la CCVD d’aérosol liquide [Mayne 2001, Mayne
2003, Pinault 2004]. L’intérêt de cette technique, par rapport à d’autres méthodes (permettant
aussi d’obtenir des tapis de nanotubes multiparois organisés) pour lesquelles des particules
métalliques (Fe, Ni ou Co), qui vont ensuite servir de catalyseur, sont pré-déposées sur un
substrat [Emmenegger 2000, Wei 2002-2, Ago 2000], est que le réacteur est alimenté
simultanément et en continu par l’hydrocarbure et la source métallique : elle pourrait donc
être utilisée pour la production de masse.
La procédure de synthèse est la suivante (Figure II-2). L’aérosol est généré à partir
d’une solution mixte de ferrocène et d’un hydrocarbure (toluène ou cyclohexane), ceci grâce
soit à une pastille piézoélectrique soit à un système à injection. Dans le cas de la pastille
piézoélectrique, ses vibrations induisent la formation de fines goutelettes qui constituent
l’aérosol à la surface du liquide. Le système à injection consiste en une vanne aiguille dont
l’ouverture est contrôlée en durée et fréquence alors qu’une pression est exercée sur le
liquide : un jet de gouttelettes est émis à chaque ouverture de l’aiguille, un évaporateur est
placé à la sortie du système à injection. L’aérosol est ensuite entraîné par un flux de gaz inerte
(l’argon), pendant toute la durée de la synthèse, dans un réacteur de quartz cylindrique placé
dans un four de pyrolyse. Des pièges réfrigérants sont placés à la sortie du réacteur de manière
à récupérer les gaz volatiles, qui n’ont pas servi durant la réaction, sortant du four. A la fin de
la synthèse (typiquement, 15 minutes à 850°C), le réacteur est lentement refroidi (pendant
environ 2 heures) jusqu’à la température ambiante.
La Figure II-2 montre le schéma du premier montage qui a été utilisé, que nous
appellerons « US-1 » (US pour ultrasons). La génération d’aérosol est stoppée dès le début de
la phase de refroidissement, mais le balayage en argon est poursuivi pendant cette phase. Au
49
début du refroidissement, l’argon balaie l’aérosol présent en surface de la surface de la
solution, dont les caractéristiques peuvent évoluer (densité, concentration en ferrocène,…). En
outre, les hydrocarbures volatiles peuvent être emmenés jusqu’au réacteur pendant toute la
phase de refroidissement, ce qui peut induire la formation de matériaux carbonés au début du
refroidissement. M. Pinault et collaborateurs ont donc ajouté une seconde entrée d’argon au
montage (voir la Figure II-3, le nouveau système est appelé « US-2 ») pour mieux contrôler la
fin de la croissance des nanotubes. Le troisième montage utilisé comporte un injecteur à la
place du générateur d’ultra-sons, avec une seule entrée d’argon comme dans « US-1 » ; la fin
de croissance est contrôlée par l’arrêt du système d’injection.
Figure II-2: schéma du montage de synthèse avec un générateur d’aérosol à ultrasons
four
50
Figure II-3 : schéma des montages de synthèse US-1 (a) et US-2 (b) avec un générateur d’aérosol à
ultrasons
A la fin de la synthèse, un dépôt noir recouvre le réacteur en quartz (Figure II-4). Ce
dépôt noir est composé de tapis de nanotubes de carbone (Figure II-5). Ces tapis sont
récupérés en grattant les parois du réacteur, ce qui peut perturber l’alignement les
échantillons, et de plus, les tapis récoltés sont légèrement incurvés de par la courbure du
réacteur. Pour s’affranchir de ces problèmes, de fins substrats de silicium de dimensions
adaptées aux expériences de diffusion de rayons X (voir §II.3), ont été placés dans le réacteur
de quartz et sont récupérés après synthèse de tapis sur leur surface. Notons que ces substrats
de silicium utilisés sont recouverts d’une fine couche de SiO2, Zhang et al. [Zhang 2000] ont
montré que les nanotubes poussent par croissance par CVD sur des substrat de SiO2, alors que
les nanotubes ne poussent pas sur des substrats de silicium.
51
Figure II-4 : dépôt noir de tapis de nanotubes de carbone récoltés en fin de synthèse [Pinault 2005-2].
Les nanotubes obtenus sont des nanotubes multiparois, ils peuvent atteindre une
longueur de quelques mm (il est possible de les suivre de bas en haut par MEB - Microscopie
Electronique à Balayage) ; les images MEB montrent qu’ils sont alignés (Figure II-5 et Figure
II-6a). De plus on trouve des nanofils9 à base de fer encapsulés à l’intérieur (Figure II-6b).
Les diamètres internes et externes des nanotubes sont respectivement de l’ordre de 4 à 12 nm
et de 10 à 140 nm, avec une majorité comprise entre 20 et 70 nm.
9 Nanofils ou particules anisotropes, dans ce manuscrit nous ne ferons pas la différence entre nanofils et particules encapsulées (selon leur longueur)
52
Figure II-5 : image MEB typique obtenue sur un
tapis synthétisé durant 15 minutes sur un
substrat de silicium
Figure II-6 : a) image MEB d’un tapis de
nanotubes b) image HRTEM montrant des
nanofils (ou particules anisotropes) encapsulés
dans les nanotubes
II.2.2 Echantillons synthétisés
Un intérêt de la méthode de synthèse utilisée est sa souplesse : de nombreux
paramètres peuvent être contrôlés, permettant de mieux cerner le rôle de chacun d’entre eux et
donc d’obtenir des informations quant aux mécanismes de croissance. Nous présentons ci-
après les différents échantillons dont nous avons effectué l’analyse structurale pour
déterminer le rôle des différents paramètres.
Les différents paramètres de synthèse qui ont été modifiés sont les suivants ( Tableaux 1 à 7).
- La température de synthèse. Le rendement catalytique est le meilleur à 850°C [Mayne
2003], la température de synthèse a été modifiée pour essayer d’influer sur la structure et la
nature des nanofils de fer (nous en discuterons au § II.6). Les échantillons 1, 2 et 3 ont été
synthétisés respectivement à 800°C, 850°C et 900°C, la température de synthèse est la seule
différence entre les trois échantillons (Tableau 1).
53
Echantillon Conditions de synthèse % fer global
(ATG) Longueur tapis (µm)
1 T+F 5% 800°C, 15 min 6.6 350
2 T+F 5% 850°C, 15 min 4.7 600
Mon
tage
US
-1
3 T+F 5% 900°C, 15 min 2.8 650
ATG = Analyse Thermo-Gravimétrique (réalisée par Mathieu Pinault au CEA Saclay)
F = ferrocène, T = toluène, C = cyclohexane
Tableau 1 : liste des échantillons pour lesquels la température de synthèse a varié.
- La nature de l’hydrocarbure utilisé. Les échantillons 4 et 5 ont été synthétisés en utilisant
respectivement du cyclohexane et du toluène (Tableau 2)
Echantillon Conditions de synthèse % fer global
(ATG) Longueur tapis (µm)
Injecteur 4 C+F 2,5% 850°C, 15 min 2.4 950
Injecteur 5 T+F 2,5% 850°C, 15 min 6.3 200
Tableau 2 : liste des échantillons pour lesquels la nature de la source carbonée est différente.
- La durée de la synthèse, de manière à étudier les premiers instants de la croissance et ainsi à
déterminer la nature des particules catalytiques. Les échantillons 6, 7, 8 et 9 ont été
synthétisés pour des temps de synthèse de 2 minutes maximum avec différentes conditions de
synthèse (Tableau 3).
54
Echantillon Conditions de synthèse
6 C+F 2,5% 850°C, 2 min
7 T+F 2,5% 850°C, 2 min
8 T+F 5% 850°C, 2 min
Nou
veau
mon
tage
US
(2
arriv
ées
d'Ar
)
9 T+F 5% 850°C, 30s
Tableau 3 : liste des échantillons synthétisés pendant des temps courts.
- La concentration en ferrocène. Les échantillons 7 et 8 ont été synthétisés en utilisant
respectivement une solution contenant du ferrocène 2,5% et du ferrocène 5% (Tableau 4).
Echantillon Conditions de synthèse
7 T+F 2,5% 850°C, 2 min montage
US-2 8 T+F 5% 850°C, 2 min
Tableau 4 : liste des échantillons pour lesquels la concentration en ferrocène est différente.
- Montages US-1 vs US-2. Les échantillons 2 et 10 (Tableau 5) ont été synthétisés
respectivement avec le 1er et le 2ème montage.
Echantillon Conditions de synthèse % fer global
(ATG) Longueur tapis (µm)
montage
US-1 2 T+F 5% 850°C, 15 min 4.7 600
montage
US-2 10 T+F 5% 850°C, 15 min 7.5 300
Tableau 5 : liste des échantillons pour lesquels la procédure de fin de synthèse est différente.
55
- Une procédure expérimentale spécifique basée sur plusieurs injections séquencées d’un
aérosol a été développée par Mathieu Pinault [Pinault 2005-2] dans le but de mettre en
évidence le mécanisme de croissance des nanotubes. Ce protocole permet ainsi d’injecter
séquentiellement, au cours d’une seule expérience de synthèse, plusieurs aérosols dont la
composition ou le temps d’injection peuvent varier. Le générateur US a été utilisé pour les
séquences où seule la durée de chaque injection était changée en utilisant toujours le même
liquide précurseur.
Ainsi, l’échantillon 11 a été synthétisé de manière séquencée en trois séquences de 15, 15 et
20 minutes en utilisant le montage US-2 (Tableau 6). Il s’agit d’un tapis multi-couches. En
mesurant l’épaisseur des couches de tapis de nanotubes formées, il est possible de déterminer
la chronologie de formation de ces couches, et donc de savoir si la croissance s’effectue par la
base ou par le sommet.
Echantillon Conditions de synthèse % fer global
(ATG)
Longueur des tapis
empilés (µm)
montage
US-2 11 T+F 5%
850°C, 15+15+20
min 3.4 ~1500
Tableau 6 : conditions de synthèse de l’échantillon multi-couches
- L’échantillon 12 est un recuit à 2000°C sous argon [Pinault 2004] d’un tapis provenant de la
même synthèse que l’échantillon 4 (Tableau 7). Ces échantillons ont été réalisés de manière à
mettre en évidence les modifications structurales intervenant à haute température :
« graphitation » (amélioration de la structure des plans de graphène), transitions de phase pour
les phases métalliques encapsulées dans les tubes ou pour les autres phases présentes dans
l’échantillon.
Echantillon Conditions de synthèse % fer global
(ATG)
Injecteur 12 Echantillon 4 recuit 2000°C-2h
sous Ar 0
Tableau 7 : caractéristique du recuit effectué.
56
II.3 Diffusion des rayons X
II.3.1 Conditions expérimentales
Des expériences de diffusion de rayons X ont été effectuées pour analyser la structure
et l’alignement des nanotubes de carbone, ainsi la structure et l’orientation des nanofils et la
nature des particules catalytiques. Les expériences ont été réalisées au Laboratoire de
Physique des Solides (LPS) sur des anodes tournantes, ou au LURE (D43) à Orsay
(Laboratoire pour l’Utilisation du Rayonnement Electromagnétique) et à l’ESRF (European
Synchrotron Research Facility ,ID13) à Grenoble en utilisant le rayonnement synchrotron.
Dans les trois cas, la géométrie de l’expérience est la même (Figure II-7), les tapis de
nanotubes sont étudiés en transmission, les tubes sont initialement positionnés
orthogonalement au faisceau incident sur une tête goniométrique. L’utilisation d’une tête
goniométrique permet d’orienter et de placer l’échantillon dans le faisceau. La rotation de
l’échantillon autour de l’axe x (angle φ) apporte comme nous le montrerons au § II.6, des
informations intéressantes sur les orientations (sur la Figure II-7, φ = 0°). Un détecteur
bidimensionnel (caméra CCD, image plate ou plaque photographique) est placé derrière
l’échantillon et permet de collecter les diagrammes de diffraction.
Figure II-7 : schéma de la géométrie de l’expérience
57
Les expériences ont été réalisées de manière à limiter la diffusion par l’air. Au LPS,
les mesures sont effectuées sous vide, au LURE et à l’ESRF, le « puits » (arrêt du faisceau
direct) est placé aussi près que possible de l’échantillon.
Les tapis de nanotubes ont été synthétisés sur des substrats de silicium d’une épaisseur
de 13µm, d’une largeur de 0,5 mm environ et de longueur variable, de manière à limiter
l’absorption par le substrat et par le tapis. La profondeur de l’échantillon traversée par le
faisceau de rayon X ne doit pas être trop importante afin que les pics sur le diffractogramme
soient assez bien définis en Q (vecteur de diffusion). De plus, les échantillons contiennent du
fer, ainsi pour limiter la fluorescence et l’absorption du fer, nous avons choisi au synchrotron
des longueurs d’onde correspondant à des énergies (E(keV) ~12.4/λ(Å)) situées suffisamment
en-dessous du seuil K d’excitation du fer (7,112 KeV).
Les longueurs d’onde utilisées sont les suivantes :
LPS : MoKα : 0.711 Å ou 1.542 Å
LURE : 0.756 Å
ESRF : 0.9755 Å
Les études sur les tapis de nanotubes ont débuté au LPS, avec des collimateurs ayant
un diamètre de 0,5 mm à 1 mm. Dans ce cas, les signaux de diffusion des rayons X provenant
de l’échantillon étaient moyennés sur toute la hauteur de l’échantillon. Pour observer plus
précisément la structure des tapis, des expériences ont été effectuées avec un collimateur de
100µm au LURE. Les échantillons ont pu être étudiés de la base au sommet du tapis révélant
ainsi des différences structurales entre la base, le corps et le sommet du tapis. Pour aller
encore plus loin, nous avons pu utiliser un faisceau d’un diamètre de 2µm maximum sur la
ligne ID13 à l’ESRF (Figure II-8). Les expériences utilisant le rayonnement synchrotron ont
été effectuées sur D43 au LURE (contact local : Dominique Durand) et sur ID13 à l’ESRF
(contacts locaux : Manfred Burghammer et Christian Riekel) ; l’ équipe du LFP a participé
avec Pascale Launois et moi aux expériences en synchrotron.
58
Figure II-8 : photographie de la ligne microfaisceau ID13 (ESRF) : (a) échantillon, (b) puits, (c) caméra
CCD
Par la suite, les résultats seront présentés de la manière la plus logique possible sans
suivre la chronologie des expériences présentée ci-dessus.
(a) (b)
(c)
59
II.3.2 Bases pour l’analyse des données
II.3.2.1 Nanotubes de carbone
II.3.2.1.1 Sans orientation préférentielle
Le lecteur peut se référer au paragraphe I.4.4, où nous avons discuté le
diffractogramme de poudre de nanotubes multiparois et où nous avons montré un
diffractogramme typique (Figure I.14).
II.3.2.1.2 Avec orientation préférentielle
Les clichés de rayons X obtenus à partir d’échantillons dans lesquels les nanotubes
sont orientés présenteront des modulations d’intensité pour les raies 00l. Nous avons montré
paragraphe I.4.5 comment, à partir de ces modulations, nous pouvons trouver la distribution
d’orientation des nanotubes dans l’espace direct.
II.3.2.2 Autres composés
II.3.2.2.1 Sans orientation préférentielle
En plus des nanotubes de carbone, on montrera la présence d’autres phases dans les
échantillons : fer α (ferrite), fer γ (austénite), magnétite Fe3O4 ou maghémite γ-Fe2O3 et
cémentite Fe3C. Nous allons donc ici présenter leur structure et les diffractogrammes associés.
Les diffractogrammes ont été calculés à partir de fiches JCPDS ou de données sur la structure
atomique des composés étudiés, en corrigeant l’intensité par un facteur de Lorentz pour
prendre en compte la géométrie planaire du détecteur.
Fer alpha :
Le fer α est la phase stable du fer à température ambiante et présente une structure cubique
centré. Son groupe d’espace est Im(-3 )m et son paramètre de maille est 2,8664Å. Le
diffractogramme correspondant est présenté Figure II-9.
60
Figure II-9 : diffractogramme du fer α calculé à partir des données structurales de PDF 6-696, JCPDS-
ICDD convoluées par une fonction de résolution Gaussienne
Fer gamma :
Le fer α se transforme en fer γ à 912°C (à pression atmosphérique). Le fer γ a une structure
cubique à faces centrées, son groupe d’espace est Fm(-3)m et son paramètre de maille est
3,6467Å à 912°C. Le diffractogramme correspondant est présenté sur la Figure II-10.
Figure II-10 : diffractogramme du fer γ calculé à partir des données structurales de PDF, JCPDS-ICDD
convoluées par une fonction de résolution Gaussienne
61
Magnétite Fe3O4 :
La magnétite Fe3O4 a une structure cubique à faces centrées, son groupe d’espace est Fd(-
3)m, son paramètre de maille est 8,396Å. Le diffractogramme correspondant est présenté sur
la Figure II-11.
Figure II-11 : diffractogramme de la magnétite Fe3O4 calculé à partir des données structurales de PDF 19-
629, JCPDS convoluées par une fonction de résolution Gaussienne.
Maghémite Fe2O3 :
La maghémite Fe2O3 a une structure cubique, son groupe d’espace est P4132, son paramètre
de maille est 8,3515Å. Le diffractogramme correspondant est présenté Figure II-12.
Figure II-12 : diffractogramme de la maghémite Fe2O3 calculé à partir des données structurales de PDF
39-1346, JCPDS-ICDD convoluées par une fonction de résolution Gaussienne.
62
Les diffractogrammes obtenus pour la magnétite et la maghémite sont presque identiques. En
effet, la maghémite a une structure très similaire à celle de la magnétite. Dans la magnétite,
les atomes de fer sont trivalents ou divalents. Dans la maghémite, tous les atomes Fe sont
dans un état trivalent, les ions Fe2+ de la magnétite sont remplacés par des lacunes
cationiques. L’arrangement des lacunes donne lieu à des surstructures, ce qui explique les pics
supplémentaires, de faible intensité, observés sur le diffractogramme de la maghémite.
Cémentite Fe3C :
La cémentite Fe3C a une structure orthorhombique, son groupe d’espace est Pbnm, ses
paramètres de maille sont a = 5,09Å, b = 6,74Å et c = 4,52Å. Le diffractogramme
correspondant est présenté Figure II-13.
Figure II-13 : diffractogramme de la cémentite Fe3C calculé à partir des données structurales de [Fasiska
(1965)] convoluées par une fonction de résolution Gaussienne.
II.3.2.2.2 Avec un axe d’ orientation préférentielle
Pour déterminer l’orientation préférentielle des nanofils contenus à l’intérieur des
nanotubes, nous avons simulé numériquement la figure de diffraction des rayons X que nous
devrions obtenir pour différents types de nanofils (ferrite, austénite, cémentite) présentant une
distribution d’orientations d’un axe [h0k0l0] -que nous pouvons choisir- autour de la normale
au tapis ; les orientations cristallines autour de l’axe [h0k0l0] sont supposées équiprobables. Le
63
programme utilisé a été conçu pour rendre compte de la croissance des nanofils dans les
nanotubes suivant la direction [h0k0l0] parallèle à l’axe du nanotube. La distribution
d’orientations dans ce cas correspondra à la distribution d’orientation des nanotubes,
« supports » de la croissance uniaxiale.
Les paramètres du programme utilisé pour simuler la figure de diffraction sont les suivants :
• structure du nanofil
• axe cristallographique préférentiel [h0k0l0] des nanofils
• coordonnées sphériques qui définissent l’orientation de l’axe perpendiculaire
au tapis par rapport au faisceau de rayons X
• distribution d’orientations des nanofils
On calcule la diffraction par un nanofil dans un repère qui lui est attaché, où l’axe z est l’axe
[h0k0l0]. Puis on effectue un changement de repère pour passer dans le repère du laboratoire
en pondérant l’intensité diffractée calculée par la distribution d’orientations. Le résultat
obtenu est intégré sur toutes les orientations possibles des nanofils. On calcule ensuite la
projection de l’intensité diffractée sur le détecteur bidimensionnel de manière à pouvoir
simuler la figure de diffraction attendue.
64
II.3.3 Principe de l’analyse des données
La Figure II-14 montre un cliché de diffraction obtenu sur un tapis de nanotubes.
Figure II-14 : cliché typique obtenu par diffraction des rayons X en transmission sur un échantillon de
tapis de nanotube (corps de l’échantillon 2, expérience réalisée au LURE avec un faisceau de 100µm).
A partir de ce cliché, grâce à des traitements d’images numériques effectués avec le
programme « image » réalisé par Denis Petermann au Laboratoire de Physique des Solides
d’Orsay ou avec le programme FIT2D réalisé par A. Hammersley et fourni par l’ESRF, nous
pouvons obtenir plusieurs informations :
• La position des anneaux de diffraction, qui permet d’identifier les différentes phases
présentes dans l’échantillon (Figure II-15). (Cf § II.3.2.1.1 et II.3.2.2.1)
• Les modulations d’intensité le long des anneaux de diffraction, qui sont observées
pour les phases présentant une orientation préférentielle (Figure II-16). (Cf § II.3.2.1.2
et II.3.2.2.2.)
65
Figure II-15 : En relevant l’intensité le long d’une ligne, il est possible de tracer le graphique donnant
l’intensité en fonction du module du vecteur d’onde Q dans une direction : scan radial.
Figure II-16 : En relevant l’intensité le long d’un cercle à une valeur fixée du module du vecteur d’onde
fixée, il est possible de tracer le graphique donnant l’intensité en fonction de l’angle sur ce cercle : scan
angulaire.
66
II.4 Croissance par la base, nature des particules
catalytiques
Les mécanismes de croissance des nanotubes par CCVD ne sont pas encore compris en
détails.
Le mode de croissance des nanotubes n’est pas encore clairement déterminé, deux
modèles de croissance sont proposés pour expliquer la formation des nanotubes, des
mécanismes de croissance par la base (la particule catalytique étant fixe, située à la base du
nanotube) ou par le haut (particule catalytique mobile, en haut du nanotube) ont été rapportés
[Andrews 1999, Banhart 2001, Singh 2003-2, Zhang 2002]. On peut donc se demander quel
est le mécanisme mis en jeu dans la procédure de synthèse utilisée dans notre cas.
La nature des particules catalytiques dépend du protocole expérimental. Certaines
équipes trouvent que la croissance des nanotubes est initiée par des particules catalytiques de
carbure de fer [Nishimura 2004], d’autres observent une croissance à partir de particules de
fer [Liu 2001, Takenaka 2003]. Dans les deux cas, la naissance des nanotubes se fait par
décomposition d’un gaz carboné sur la surface ou en volume d’une particule métallique suivie
de la nucléation de plans de graphène sur la particule métallique.
II.4.1 Mise en évidence du mécanisme de croissance par la base
des nanotubes
Mayne-L’Hermite et collaborateurs [Mayne-L’Hermite 2003] ont montré que la
vitesse de croissance des nanotubes est constante (pour la méthode de synthèse CVD utilisée)
pour des synthèses plus longues que deux minutes. Ainsi, le fait de pouvoir synthétiser des
tapis de nanotubes multi-couches (Figure II-17) avec des couches de différentes épaisseurs
(l’épaisseur de chaque couche dépendra du temps de chaque synthèse) constitue un moyen très
simple de discriminer entre croissance par la base ou le sommet.
67
Figure II-17 : image MEB du tapis 11 multi-couche synthétisé avec le générateur ultrasons.
Le tapis 11 montré sur la Figure II-17 a été synthétisé en trois injections de 15, 15 et
20 minutes. L’image MEB nous montre que la dernière couche synthétisée est plus épaisse
que les autres. La vitesse de croissance étant constante, il est clair que cette couche
correspond à la dernière injection qui a duré 20 minutes, ce qui montre que les couches
poussent les unes sous les autres en soulevant la couche précédemment formée. Ce résultat,
illustré ici sur l’exemple du tapis 11 que nous avons étudié par diffusion des rayons X, a été
observé sur toute une série d’échantillons différents [Pinault 2005-3]. Ainsi, le mécanisme de
croissance des nanotubes par la base est mis en évidence.
II.4.2 Synthèses pour des temps courts
II.4.2.1 Présentation des échantillons
Les échantillons 6, 7, 8 et 9 ont été synthétisés dans le but de mieux comprendre les
mécanismes de formation des nanotubes. En effet, des résultats préliminaires à cette étude
[Pinault (2004)], ont montré qu’au début de la croissance des nanotubes, une couche de
nanoparticules se forme à la surface du substrat utilisé et qu’un nanotube pousse à partir d’une
particule qui est toujours située à la base des nanotubes démontrant un mécanisme de
croissance par la base dès les premiers instants de formation des tapis. Il est donc fondamental
de déterminer la nature de ces particules. Ainsi, 4 échantillons ont été synthétisés pour des
temps courts (≤ 2 minutes). Différentes conditions de synthèse ont été choisies de manière à
étudier l’influence de certains paramètres -nature de l’hydrocarbure et taux de ferrocène- sur
68
la formation de la couche de particules et la nucléation des nanotubes. Les conditions de
synthèse de ces échantillons sont résumées dans le Tableau 3.
Figure II-18 : (gauche) image MEB de l’échantillon 9, (droite) image MEB de l’échantillon 8 [Pinault
(2005-1)]
Pour caractériser ces échantillons, plusieurs techniques ont été utilisées : la
microscopie électronique à balayage (MEB), la diffraction des rayons X, la spectroscopie de
photoélectrons X (XPS), et la spectroscopie de perte d’énergie d’électron (EELS).
Pour les échantillons 7 et 9, les images MEB montrent une couche de nanoparticules sur le
substrat. On n’observe pas ou presque pas de nanotubes. Les échantillons 6 et 8 consistent en
un tapis dense de nanotubes, d’une trentaine de microns, alignés préférentiellement
perpendiculairement au substrat (Figure II-18). Ainsi, dans un premier temps, on observe la
formation d’une couche relativement dense de nanoparticules sur le substrat, la croissance des
nanotubes s’initiant ensuite. Mathieu Pinault a estimé les tailles des particules à partir des
images MEB : la plupart des particules ont des diamètres compris entre 15 et 50 nm, des
particules plus grosses (50 à 500 nm) sont aussi observées, mais celles-ci sont probablement
le résultat de la coalescence de plus petites particules [Breton 2004].
Pour l’échantillon 8, il a été possible de détacher les nanotubes du substrat de silicium, des
observations MEB (Figure II-19) montrent que des particules sont fixées à la base des
nanotubes confirmant le mécanisme de croissance par la base des nanotubes. Ces particules
sont facettées comme le montrent des études HRTEM [Pinault 2005-1] et leur diamètre est
69
compris entre 35 et 90nm. Les nanotubes qui ont poussés à partir de ces particules ont en
général des diamètres internes (<10nm) et externes (de 40 à 65nm) plus petits que ceux des
particules [Pinault 2005-1].
Figure II-19 : image MEB du tapis 8 décroché du substrat
Les observations MEB donnent des informations intéressantes sur la morphologie et la
taille des particules observées, mais ne permettent pas de déterminer la nature et la structure
de ces particules. Les analyses par diffraction des rayons X, XPS et EELS permettent de
déterminer la nature des particules.
II.4.2.2 Nature des particules catalytiques
Les expériences de diffusion des rayons X ont été effectuées au LURE pour
l’échantillon 8 et au Laboratoire de Physique des Solides pour l’échantillon 9, les échantillons
sont étudiés en transmission. La Figure II-20 confirme l’absence (ou le très faible nombre) de
nanotubes pour l’échantillon 9, et la présence de nanotubes pour l’échantillon 8. De plus, ces
deux diffractogrammes montrent la présence de magnétite Fe3O4, ou de maghémite γ-Fe2O3
ou de Fe3-xSixO4 (ces trois structures étant très similaires, il n’a pas été possible de les
différencier) [Pinault 2005-1].
70
Figure II-20 : intensité diffusée en fonction du vecteur d’onde pour l’échantillon 8 (à gauche) et 9 (à
droite), les flèches sur les deux figures pointent le pic le plus intense de la magnétite (pic 311). La ligne
pleine correspond aux données expérimentales, les triangles et les croix indiquent les positions des
contributions provenant respectivement des nanotubes et du silicium. Les cercles ouverts représentent
l’intensité diffusée par la magnétite Fe3O4 (calculée à partir des données structurales de PDF 19-629,
JCPDS convoluées par la fonction de résolution).
Des expériences de spectroscopie de photoélectrons X (XPS) [Pinault 2005-1] ont été
effectuées par Dominique Ballutaud du Laboratoire de Physique des Solides et de
Cristallogénèse de Meudon en collaboration avec l’équipe du LFP (M. Pinault, M. Mayne-
L’Hermite et Cécile Reynaud), sur des échantillons synthétisés en 30 secondes à 850°C
(échantillon 9), pour déterminer l’environnement atomique local des éléments présents dans
l’échantillon. Un spectromètre Escalab 220i XL V.G. équipé d’un faisceau de rayons X
monochromatique (longueur d’onde: Al Kα) a été utilisé. La précision sur les énergies de
liaisons mesurées est de 0.2 eV.
Le spectre du film de nanoparticules se trouvant à la surface du substrat de silicium indique la
présence de silicium, d’oxygène, de carbone, et de fer (double pic Fe2p1/2 et Fe2p3/2).
Le niveau de coeur du fer Fe2p est séparé en deux composantes 2p1/2 et 2p3/2 (Figure II-21).
La Figure II-21 montre que le fer ne se trouve pas sous forme métallique (pic attendu à 706.5
– 707.1 eV ). Le signal Fe2p3/2 est formé d’un pic à 710.8 eV caractéristique des ions Fe3+
dans les structures Fe2O3 ou Fe3O4, et d’un épaulement à 709.8 eV associé aux ions Fe2+ dans
les structures Fe3O4 ou FeO. En revanche, aucun signal provenant de liaisons entre les ions
Fe2+ et Fe3+ et le silicium n’a pu être observé, écartant ainsi la possibilité d’avoir des
particules de Fe3-xSixO4.
71
Figure II-21 : spectre XPS obtenu sur un échantillon synthétisé en 30 secondes à 850°C à partir d’une
solution de toluène-ferrocène (5%) .
En résumé, la diffraction des rayons X permet de conclure que les particules seraient
formées de magnétite Fe3O4 et/ou de maghémite γ-Fe2O3 et/ou de Fe3-xSixO4, tandis que les
spectres XPS correspondent aux phases Fe3O4, Fe2O3 ou FeO. Ainsi, l’association des
analyses par diffraction des rayons X et XPS montrent que les particules qui sont à l’origine
de la nucléation des nanotubes sont des particules de maghémite ou de magnétite [Pinault
2005-1].
Ces deux techniques sont des techniques globales, grâce auxquelles on étudie un
ensemble de particules. La spectroscopie EELS permet de réaliser des expériences locales,
d’obtenir des cartographies chimiques des particules avec une sonde de 1nm. Comme nous
l’avons vu précédemment, il est possible de détacher les nanotubes du substrat avec leur
particule catalytique accrochée à la base du tube. Ainsi, des tubes arrachés d’un substrat ont
été dispersés dans de l’éthanol pour pouvoir effectuer des analyses par spectroscopie EELS.
Ces analyses ont eu lieu au Laboratoire de Physique des Solides avec Mathieu Kociak.
La Figure II-22 montre une image MET d’une particule qui a été analysée.
72
Figure II-22 : image microscopie électronique en transmission d’un nanotube avec une particule à la base,
les flèches (c) et (d) montrent les traversées de la particule effectuées avec la sonde.
Les Figure II-23 (c) et (d) montrent que la particule se trouvant au bout du nanotube est
composée de fer et d’oxygène sur toute son épaisseur. Ce résultat confirme les conclusions
précédentes : les particules catalytiques sont entièrement composées d’oxyde de fer. La
courbe HADF (High Annular Dark Field) présente un palier. Le fond noir annulaire à grand
angle recueille le signal diffusé élastiquement à grand angle. Ce signal est proportionnel au
nombre d’atomes diffuseurs de telle façon qu’il est possible d’obtenir des renseignements sur
la géométrie ou l’épaisseur des objets traversés. Ce résultat peut donc signifier que les
particules situées à la base des nanotubes présentent une morphologie facettée comme il a
déjà été observé par microscopie.
Figure II-23 : graphique montrant la composition chimique de la particule se trouvant à une extrémité
d’un nanotube suivant les deux traversées effectuées (les signaux mesurés correspondent au seuil K du
carbone et de l’oxygène et au seuil L du fer).
La diffraction des rayons X, l’XPS et la spectroscopie EELS montrent que les
particules qui sont à l’origine de la nucléation des nanotubes sont des particules d’oxyde de
fer (magnétite Fe3O4 ou maghémite γ-Fe2O3). Ce résultat peut surprendre, car dans la
littérature peu d’études ont montré la croissance de nanotubes à partir de particules d’oxyde
de fer pour la croissance par CVD d’hydrocarbures. Citons les références suivantes pour
73
l’oxyde de fer : [Fan 1999, Baker 1982, Mauron 2002] ou la croissance rapide de nanotubes
monoparois observée à partir de particules d’oxyde de cobalt par Alvarez et al. [Alvarez
(2001)]. Pour la plupart des études sur la croissance de nanotubes par CVD d’hydrocarbures,
la croissance des nanotubes se fait à partir de particules Fe3C, Fe-C, Fe α ou Fe γ [Nishimura
2004, Takenaka 2004, Liu 2002, Coquay 2002].
Il est important d’essayer de comprendre comment se forment ces particules d’oxyde
de fer et les nanotubes.
Dans un premier temps, la pyrolyse d’aérosols de toluène/ferrocène à 850°C permet la
vaporisation du toluène et du ferrocène (à 110°C et entre 175°C et 190°C respectivement)
[Singh 2003-1, Cheng 1998, Andrews 1999]. Ensuite, le ferrocène se décompose à 400°C
[Cheng 1998] dans la phase gazeuse. Les conditions de température et de pression dans le
réacteur sont telles que la pression de vapeur du fer dépasse sa pression de vapeur d’équilibre.
La nucléation homogène, dans la phase gazeuse, de particules à base de fer se produit donc
dans le réacteur [Moisala 2003, Nasibulin 2003]. Une grille de microscopie électronique a été
placée à la sortie du réacteur, de manière à récolter des particules se trouvant dans la phase
gazeuse : les observations réalisées en Microscopie Electronique en Transmission (MET)
révèlent la présence de particules à base de fer, confirmant cette description.
Après un temps court, les particules vont se déposer sur le substrat de silicium ou sur les
parois du réacteur [Moisala 2003, Nikolaev 1999]. Il est plausible d’imaginer que ces
particules vont réagir avec la couche de SiO2 native se trouvant en surface du substrat de
silicium ou avec le quartz pour donner des particules d’oxyde de fer. Notons néanmoins que
l’oxydation de ces particules à base de fer pourrait aussi avoir eu lieu dans la phase gazeuse
dans le réacteur, car il pourrait y avoir un petit peu d’oxygène dans l’atmosphère du réacteur
durant la synthèse. En effet, aucune purge du réacteur n’est faite avant la synthèse, la pureté
de l’Argon est de 99,995, et la pureté du toluène et du ferrocène sont respectivement 99,9 et
98%. Soulignons ici une différence importante entre le procédé de synthèse CVD du LFP et
beaucoup des autres procédés développés dans d’autres laboratoires : le gaz porteur est
l’argon dans le premier cas, l’hydrogène dans le second. Même si de l’oxyde de fer s’est
formé dans le second cas, il aura été réduit par l’hydrogène.
Les expériences MEB et de diffusion des rayons X réalisées sur les échantillons 9 et 8, où le
temps de synthèse varie de 30s à 2 mn, ont permis de montrer que les particules métalliques
se formaient avant les nanotubes. De plus, le produit récupéré en sortie du four grâce à la
grille de microscopie électronique ne contient pas de nanotubes. On peut donc conclure que la
74
décomposition du toluène est activée par les particules d’oxydes de fer se trouvant sur le
substrat, ou par les particules à base de fer se trouvant dans la phase gazeuse, mais que la
croissance des nanotubes débute principalement sur les particules d’oxyde de fer déposées sur
le substrat.
Nous avons donc montré sans ambiguité que la croissance de nanotubes est catalysée
par des particules d’oxyde de fer avec le dispositif de synthèse utilisé. Soulignons néanmoins
que nous ne pouvons pas discuter de la meilleure activité catalytique du fer -souvent reporté
comme catalyseur de la croissance des nanotubes dans la littérature- ou de l’oxyde de fer à
partir de nos expériences, où toutes les particules catalytiques sont de l’oxyde de fer.
L’activité catalytique des particules permettant la nucléation des nanotubes dépend de la taille
et de la nature des particules [Cheung 2002].
II.4.2.3 Influence de la concentration du précurseur métallique
L’échantillon 7 a été synthétisé à partir d’une solution en ferrocène moins concentrée
(2,5%) par rapport à l’échantillon 8 (5%), la durée de synthèse est identique. En comparant les
diffractogrammes des échantillons 7 et 8 obtenus par diffraction des rayons X (Figure II-24),
on s’aperçoit que l’échantillon 7 ne présente pas de signaux provenant des nanotubes,
contrairement à l’échantillon 8. Par ailleurs, ces diffractogrammes montrent tous deux la
présence de magnétite Fe3O4 ou de maghémite Fe2O3.
75
Figure II-24 : intensité diffusée en fonction du vecteur d’onde pour l’échantillon 7 (à gauche) et 8 (à
droite), les flèches sur les deux figures pointent le pic le plus intense de la magnétite (pic 311). La ligne
pleine correspond aux données expérimentales, les triangles et les croix indiquent les positions des
contributions provenant respectivement des nanotubes et du silicium. Les cercles ouverts représentent
l’intensité diffusée par la magnétite Fe3O4 (PDF 19-629, JCPDS).
Pour une même durée de synthèse, les nanotubes poussent plus vite en utilisant une solution
en ferrocène plus concentrée. En effet, avec un aérosol plus concentré en ferrocène, la
proportion de catalyseur par rapport au toluène sera plus importante et donc la décomposition
du toluène s’effectuera plus rapidement, et les nanotubes pousseront plus rapidement.
II.4.2.4 Influence de la nature de l’hydrocarbure
La Figure II-25 montre les diffractogrammes de diffusion de rayons X obtenus pour les
échantillons 6 et 7, la différence entre ces deux synthèses est la nature de la source carbonée
utilisée : le cyclohexane et le toluène respectivement.
76
Figure II-25 : : intensité diffusée en fonction du vecteur d’onde pour l’échantillon 6 (à gauche) et 7 (à
droite), les flèches sur les deux figures pointent le pic le plus intense de la magnetite (pic 311). La ligne
pleine correspond aux données expérimentales, les triangles et les croix indiquent les positions des
contributions provenant respectivement des nanotubes et du silicium. Les cercles ouverts représentent
l’intensité diffusée par la magnétite Fe3O4 (PDF 19-629, JCPDS)
Les signaux provenant de la diffusion des rayons X par les nanotubes sont visibles pour
l’échantillon 6 et pas pour l’échantillon 7. Dans les deux cas, on trouve la présence de
magnétite Fe3O4 ou de maghémite γ-Fe2O3, mais le pic 311 de la magnétite (maghémite) est
beaucoup moins intense comparé à celui des nanotubes dans le diffractogramme de
l’échantillon 6. Il est possible que la plupart des particules d’oxyde de fer aient été réduites
dans le cas de la synthèse avec cyclohexane. En effet, la formule moléculaire du cyclohexane
est C6H12, et la formule moléculaire du toluène est C7H8, ainsi, lors de la décomposition de
ces deux gaz, l’atmosphère de la synthèse utilisant le cyclohexane comme source carbonée
sera plus réductrice du fait de son nombre plus important de molécules d’hydrogène. Ce
résultat, préliminaire, demande à être confirmé. Mais s’il l’était, l’étude d’échantillons réalisés
avec du cyclohexane apporterait probablement des éléments intéressants pour comparer
activités catalytiques du fer et de l’oxyde de fer.
II.4.3 Synthèses pour des temps longs
Pour des échantillons synthétisés durant 15 minutes sur un substrat de silicium, on
trouve aussi des particules à la base des tapis (au niveau du substrat). Des expériences de
diffusion de rayons X effectuées au LURE sur l’échantillon 2, avec un faisceau de 100 μm de
diamètre, ont montré la présence de particules (de même nature que celles observées
précédemment) sur le substrat (Figure II-26). Compte tenu de la taille du faisceau, nous ne
77
pouvions néanmoins pas décider si ces particules se trouvaient dans les tubes ou à la base des
tubes.
Figure II-26 : intensité diffusée en fonction du vecteur d’onde pour les 50µm situés au-dessus du substrat
dans l’échantillon 2 (dont la base était centré sur le faisceau de rayons X). Les cercles pleins
correspondent aux données expérimentales, les triangles et les carrés indiquent les positions des
contributions provenant respectivement des nanotubes et du fer gamma. Les cercles ouverts représentent
l’intensité diffusée par la magnétite Fe3O4 (PDF 19-629, JCPDS)
Pour localiser plus précisément ces particules, nous avons entrepris des expériences en
utilisant le micro-faisceau disponible sur ID13 (ESRF). Les tapis ont été analysés en
déplaçant le tapis de nanotubes devant le faisceau, suivant la hauteur des nanotubes,
permettant ainsi d’établir des cartographies des différents signaux de diffraction observés.
Deux échantillons ont été étudiés : les échantillons 2 et 11 dont les conditions de synthèse
sont rappelées dans le Tableau 8.
2 T+F 5% 850°C, 15 min Ancien montage US
11 T+F 5% 850°C, 15+15+20 min Nouveau montage USTableau 8 : conditions de synthèse des échantillons 2 et 11.
La Figure II-27 montre la présence de magnétite ou de maghémite dans les premiers microns
situés juste au-dessus du substrat de silicium pour l’échantillon 2. On ne trouve plus de
particules d’oxyde de fer dans le reste du tapis, ce qui confirme les résultats précédents :
l’oxyde de fer est le catalyseur de la croissance, qui a lieu à la base du tapis.
78
Figure II-27 : intensité du pic le plus intense de la magnétite (maghémite) : pic 311 en fonction de la
position du faisceau sur le tapis 2. L’origine des abscisses correspond à la position du substrat de silicium.
La Figure II-28 montre un excès du signal de diffraction des particules d’oxyde de fer juste
au-dessus du substrat de silicium pour l’échantillon 11. Cet échantillon a été obtenu par
croissance séquentielle et comporte trois tranches : l’échantillonnage des mesures a été
augmenté aux interfaces, autour de 750 et 1250 μm, et aucun excès d’oxyde de fer n’y est
reporté par rapport aux « corps » des tranches. On corrobore donc les résultats déduits des
épaisseurs des différentes tranches au § II.4.1 : elles poussent successivement à partir du
substrat.
Figure II-28 : intensité du pic 311 de la magnétite (maghémite) en fonction de la position du faisceau sur le
tapis 11. Carrés : scan radial suivant une direction, cercles : scan radial suivant la direction
perpendiculaire à la première (cf Figure II-15). Le nombre de points plus élevé aux interfaces est dû au
pas plus petit que nous avons fait près des interfaces.
79
La microdiffraction des rayons X permet donc de localiser les particules catalytiques
d’oxydes de fer dans les échantillons synthétisés pendant plus de 15 mn, de grande longueur :
elles sont principalement situés à la base du tapis, sur le substrat. Ces résultats corroborent
parfaitement ceux obtenus pour les échantillons synthétisés pendant des temps courts.
Notons enfin que la Figure II-28, où les intensités mesurées dans deux directions
perpendiculaires sur le détecteur sont les mêmes, illustre une caractéristique de nos
mesures sur différents échantillons: les signaux de diffraction de la magnétite (ou de la
maghémite) ne sont pas modulés angulairement. Les particules catalytiques ne présentent
donc pas d’orientation préférentielle.
II.5 Alignement des nanotubes
Les expériences de diffusion des rayons X révèlent, dans la plupart des échantillons (tous
sauf les échantillons 7 et 9), la présence de nanotubes multiparois. On retrouve les mêmes
familles de pics que celles décrites dans le § I.4.4 (Figure II-29) :
• Pour un vecteur de diffusion Q ≈ 1,83Å-1, on trouve le pic 002, pour Q ≈ 3,65Å-1, le
pic 004, pour Q ≈ 5,48Å-1, le pic 006.
• Pour un vecteur de diffusion Q ≈ 3Å-1, on trouve la raie 10, pour Q ≈ 5,1Å-1, la raie
11.
80
Figure II-29 : diffractogrammes obtenus à partir de l’échantillon 12, intensité diffusée en fonction du
vecteur de diffusion, scan radial suivant deux directions perpendiculaires.
La Figure II-29 montre que les signaux diffusés n’ont pas la même intensité suivant la
direction du scan radial, ce qui prouve que les nanotubes ont une orientation préférentielle.
Par exemple, le signal des raies 00l est beaucoup plus faible suivant la direction parallèle à la
normale au tapis que suivant la direction perpendiculaire. On retrouve ce type de courbe pour
tous les échantillons montrant un signal de diffusion provenant des nanotubes.
Comme nous l’avons vu au paragraphe I.4.5, il est possible de déterminer l’orientation
préférentielle et la distribution d’orientation des nanotubes grâce à l’étude de la dépendance
angulaire du signal diffractée. Dans le cas des tapis de nanotubes, la courbe intensité en
fonction de l’angle τ est une Lorentzienne de largeur wr (Figure II-30). Cela correspond dans
l’espace direct à une distribution d’orientation qui est une Lorentzienne à la puissance 3/2
plus une constante. Pour les valeurs relatives faibles des largeurs que nous avons trouvées
expérimentalement, largeurs dans l’espace direct et dans l’espace réciproque sont
approximativement proportionnelles (wd = 0,7664wr – Figure I.17).
81
Figure II-30: exemple de courbe obtenue dans le cas de tapis de nanotubes, les points et la ligne pleine
correspondent respectivement aux données expérimentales, et à une distibution Lorentzienne.
Nous montrerons au chapitre III, dans le cas des fibres, que le signal de diffraction
peut être considéré comme ayant deux composantes : l’une constante sur le cercle de
diffraction, qui correspond à une fraction de nanotubes sans orientation préférentielle aucune
et l’autre, modulée, qui correspond à des nanotubes orientés préférentiellement selon une
direction. Dans le cas des études sur les tapis présentées ci-après, la fraction de nanotubes
sans orientation préférentielle est extrêmement faible et ne sera donc pas discutée.
II.5.1 Alignement des nanotubes en fonction de la hauteur sur le
tapis
Nous avons utilisé au LURE un faisceau de rayons X collimaté à 100 micromètres de
diamètre pour étudier la structure des tapis. Les tapis, qui mesurent plusieurs centaines de μm
de hauteur (voir tableaux 1-7), ont pu être analysés en différents endroits de leur base à leur
sommet. Nous commencions par placer l’échantillon de telle sorte qu’une de ses bases soit au
centre du faisceau, il était ensuite analysé tous les 100µm (en le translatant par pas de 100 µm
le long de la normale à sa base après chaque cliché de diffraction).
82
II.5.1.1 Un alignement record
La Figure II-31 montre l’alignement des nanotubes en fonction de la hauteur du tapis
pour l’échantillon 4 : on observe que l’alignement des nanotubes est le meilleur dans le corps
du tapis, les extrémités des tapis montrent un moins bon alignement des nanotubes par rapport
au corps du tapis. Les extrémités correspondent au début et à la fin de croissance des tapis.
L’échantillon 4 n’a pas été synthétisé sur un substrat : il a été arraché de la paroi du four. Les
valeurs d’alignement à la base ne reflètent donc pas l’alignement du tapis avant la
manipulation. La diminution de l’alignement au sommet du tapis est par contre significative et
a été observée dans tous les échantillons étudiés.
Figure II-31 : Mi-largeur à mi-hauteur wr de la modulation de l’intensité diffractée en fonction de la
position du faisceau par rapport au tapis 4.
Dans le corps du tapis, on trouve wr = 5.5° pour le tapis 4 [Pichot 2004]. Peu de
résultats quantitatifs concernant la distribution d’orientation des nanotubes dans des matériaux
à base de nanotubes présentant une géométrie similaire à celle des tapis ont été reportés : Dore
et al. [Dore 2001] donnent wr = 17° pour des nanotubes synthétisés dans une matrice poreuse
d’alumine, Bower et al. [Bower 2000] trouvent wr = 8° dans le cas de nanotubes synthétisés
par CCVD plasma. Les meilleures valeurs obtenues pour des fibres de nanotubes sont
d’environ 15° [Lucas 2002] et nous reporterons au chapitre III des valeurs record de 7,5°. La
valeur trouvée de 5,5° est la meilleure trouvée à ce jour sur un échantillon de dimensions
macroscopiques. Nous avions souligné au § I.4.5 que l’orientation mesurée par diffusion des
rayons X rendait compte à la fois de la distribution des orientations moyennes des nanotubes
83
et de leur courbure éventuelle. La très bonne valeur d’alignement trouvée ici montre que les
nanotubes synthétisés sont très rectilignes.
II.5.1.2 Début de croissance : sommet du tapis
Etant donné qu’il s’agit d’un mécanisme de croissance par la base, les expériences
effectuées sur des échantillons synthétisés pendant des temps courts (30 secondes à 2 minutes)
nous permettent d’expliquer le moins bon alignement des nanotubes au sommet des tapis. En
effet, la Figure II-32 montre que pour des temps courts de synthèse, les nanotubes sont très
mal orientés. Des expériences effectuées au LURE, sur l’échantillon 8 montrent un signal
provenant des nanotubes. Dans cet échantillon, on trouve wr = 33,5°, ainsi, les nanotubes sont
moins bien orientés dans cet échantillon que dans le corps de n’importe quel autre échantillon.
Ces nanotubes ne poussent pas avec un bon alignement, car au début de la synthèse, il n’y en
a pas assez, ensuite avec le nombre croissant de nanotubes nucléant, la gène stérique force les
nanotubes à pousser de manière plus alignée. Nous avons vu que les nanotubes croissaient par
la base, ainsi, nous allons retrouver cette partie où les nanotubes sont mal orientés au sommet
du tapis.
Figure II-32 : image MEB d’un tapis de nanotubes synthétisé en 80 secondes
II.5.1.3 Fin de croissance : base du tapis
Pour observer les perturbations de l’alignement des nanotubes aux extrémités des tapis
plus finement, nous sommes allés au centre de rayonnement synchrotron de Grenoble : ESRF,
84
où il est possible d’utiliser un microfaisceau (ligne ID 13) d’un diamètre maximum de 2µm.
Grâce à cette petite taille de faisceau, les extrémités des tapis ont été analysées en se déplaçant
par pas de 2µm, et non plus de 100µm comme c’était le cas au LURE.
Les échantillons 2 et 10 ont été synthétisés dans les même conditions : toluène +
ferrocène pendant 15 minutes à 850°C, seule la procédure de fin de synthèse était différente.
Ces échantillons ont été synthétisés sur des substrats de silicium, ce qui nous a permis de
différencier les extrémités des tapis : la partie proche du silicium étant la base du tapis et
l’autre extrémité étant le sommet du tapis (par rapport à d’autres échantillons comme 4, 5, 1…
pour lesquels nous ne pouvions savoir à coup sûr quelle extrémité était la base ou le sommet
du tapis).
La Figure II-33 montre que l’alignement des tubes est bien moins bon dans les
cinquante premiers microns au-dessus du substrat dans l’échantillon 2 (wr ~ 30°), qui a été
synthétisé avec le montage initial US-1, que dans l’échantillon 10 (wr ~ 12.5°), qui a été
synthétisé à partir du montage modifié US-2. Après les cinquante premiers microns,
l’alignement des nanotubes devient constant et environ le même dans les deux échantillons :
wr ~ 17° [Pichot 2005].
Figure II-33 : Mi-largeur à mi-hauteur w r de la modulation de l’intensité diffractée mesurée en fonction
de la position du faisceau sur le tapis 2 (triangles noirs) et sur le tapis 10 (cercles gris).
A partir des formules de correspondance entre l’espace direct et l’espace réciproque
déterminées au §I.4.5, il est possible d’obtenir la densité de parois des nanotubes dans
85
l’échantillon. On mesure sur le détecteur la largeur angulaire du signal de diffraction ainsi que
l’intensité IM en son maximum, à moniteur constant. Cette intensité -intégrée en vecteur
d’ondes car le pic de diffraction est limité par la résolution- est proportionnelle au nombre N p
de parois des nanotubes qui diffractent. La connaissance de la largeur du signal Lorentzien
dans l’espace réciproque nous permet de déterminer la fonction de distribution (Lorentzienne
à la puissance 3/2 + constante) dans l’espace direct d’après l’équation 24. Cette fonction est
normée (éq.18). Utilisant alors l’équation 20 pour τ=π/2,on obtient :
∫2/
0
)(/~π
ξξ dfIN Mp (éq. 27)
Le nombre de parois qui diffractent est reporté en fonction de la hauteur sur le tapis sur la
Figure II-34. Les nanotubes croissent à partir de la base du tapis et apparaissent continus
ensuite : le nombre de nanotubes est une constante, le nombre de parois diffractantes peut
donc être considéré comme un nombre de parois par nanotube. La Figure II-34 montre que le
nombre de parois des nanotubes décroît près de la base du tapis dans l’échantillon 2 alors
qu’il est environ constant dans l’échantillon 10. Ce résultat est à corréler avec l’alignement
des nanotubes : on observe un alignement des nanotubes moins bon pour les cinquante
premiers microns situés au-dessus du substrat dans le cas du tapis 2. Deux interprétations non
exclusives sont possibles :
- on peut imaginer que les nanotubes à plus faible nombre de parois soient moins rectilignes
que les autres, oscillent autour d’une valeur moyenne d’orientation, ce qui expliquerait le
moins bon alignement mesuré à la base du tapis 2
- on peut penser que l’alignement est d’autant meilleur que les nanotubes sont gros, invoquant
un mécanisme de gêne stérique.
86
Figure II-34 : calcul du nombre de parois (à une constante près) des nanotubes en fonction de la position
du faisceau sur l’échantillon pour les échantillons 2 (noir) et 10 (gris)
Comment expliquer la différence entre les synthèses réalisées avec les montages US-1
et US-2 ? Le montage initial (utilisé pour la synthèse du tapis 2) ne comprenait qu’une seule
entrée d’argon. Lorsque la synthèse était arrêtée, l’argon emmenait toujours de l’aérosol dans
le réacteur, mais les caractéristiques de l’aérosol étaient différentes de celles durant la
synthèse (densité, concentration en ferrocène,…) donnant ainsi des conditions de croissance
différentes pour les nanotubes et induisant la formation de nanotubes avec moins de parois
que durant la synthèse. Le montage a été modifié en ajoutant une seconde entrée d’Argon
(utilisé pour la synthèse du tapis 10) qui n’emmène pas l’aérosol dans le réacteur de manière à
stopper brutalement l’approvisionnement en aérosol en fin de synthèse. Il n’y a donc plus
croissance des nanotubes dans des conditions perturbées à la fin de la synthèse. La procédure
de fin de synthèse est donc un paramètre important pour le contrôle de l‘alignement des tubes.
Nous venons de montrer que la modification du montage de synthèse permet d’obtenir un
alignement et une densité des nanotubes plus homogènes dans le tapis.
87
II.5.2 Alignement des nanotubes en fonction des paramètres de
synthèse
- Source de carbone utilisée durant la synthèse
Si nous comparons l’alignement des tubes dans le corps des tapis 4 et 5 (le seul paramètre de
synthèse qui diffère entre les deux échantillons est la nature de la source carbonée), nous nous
apercevons (Figure II-35) que l’alignement des tubes est meilleur lorsqu’on utilise du
cyclohexane par rapport à du toluène (cependant seulement 2 échantillons ont été analysés, ce
résultat demande donc à être confirmé). Pour l’échantillon 5, on trouve w = 15° dans le corps
du tapis, tandis que pour le tapis 4, on trouve w = 5.5° [Pichot 2004].
Figure II-35 : Mi-largeur à mi-hauteur wr de la modulation de l’intensité diffractée mesurée en fonction de
la position du faisceau sur le tapis 4 (carrés) et le tapis 5 (triangles).
- Température de synthèse
Les échantillons 1, 2 et 3 ont été synthétisés à des températures différentes, respectivement à
800°C, 850°C et 900°C.
Dans le corps des tapis 1, 2 et 3, on trouve respectivement : HWHM = 15°, 16° et 12,5-15°.
La température de synthèse des tapis de nanotubes n’a donc pas d’effet notable sur le degré
d’alignement des nanotubes.
88
- Générateur d’aérosol
Les échantillons synthétisés avec des générateurs d’aérosol différents (ultrasons ou injecteur)
n’ont pas été réalisés sous les mêmes conditions (5% ferrocène pour le générateur ultrason et
2,5% ferrocène pour le générateur injecteur). Nous ne pouvons donc pas en toute rigueur
conclure que l’un des générateurs permet d’obtenir des nanotubes mieux alignés. Néanmoins,
l’ensemble des résultats que nous avons obtenus indique que l’alignement serait meilleur
quand l’aérosol est réalisé avec le système à injection.
II.5.3 Alignement des nanotubes dans l’échantillon synthétisé de
manière séquencée
Figure II-36 : (gauche) wr mesurée en fonction de la position du faisceau sur l’échantillon multi-couches
(n°11), la position du substrat de silicium est indiquée par Si, les positions des deux interfaces sont
indiquées par I1 et I2 ; (droite) image MEB de l’échantillon 11.
L’échantillon 11 -multi-couches- a été réalisé de manière séquencée (cf § II.2.2 pour
plus de détails). Nous avons étudié l’alignement des nanotubes sur un tel échantillon en
microfaisceau (ID13, ESRF) : les résultats sont reportés sur la Figure II-36. On observe une
légère détérioration de l’alignement des tubes aux interfaces, qui peut être due à un léger
« décollement » des couches au niveau des interfaces, visible au MEB. De plus, on observe
que l’alignement des nanotubes devient meilleur de couche en couche (meilleur dans la
seconde couche poussée que dans la première…). Ceci est sans doute dû au fait que les
nanotubes qui poussent à partir de la deuxième séquence poussent à la suite de nanotubes déjà
alignés, à partir de nanoparticules catalytiques déjà formées. Ainsi, en utilisant cette méthode
de synthèse, il doit être possible d’obtenir des tapis très bien alignés, si on arrive à
Si I1 I2
89
désolidariser les premières couches formées au sommet du tapis (le « décollement » aux
interfaces est encourageant de ce point de vue : les interfaces sont des points faibles
mécaniquement).
II.5.4 Densité des nanotubes en tapis
Nous avons aussi effectué des mesures de transmission sur l’échantillon 11, dont le
résultat est présenté dans la Figure II-37 : les différentes couches se différencient en
transmission. La transmission est la plus faible lorsque le faisceau se trouve sur le substrat.
Elle est environ constante sur la couche du bas (jusque 750 microns), puis sur la seconde
(jusque 1250 microns), puis diminue fortement sur la troisième. Ceci peut être dû à la
présence de plus de particules à base de fer au sommet du tapis (cf. § II.6).
Figure II-37 : courbe de transmission réalisée à l’ESRF sur ID13 sur l’échantillon 11.
A partir de cette courbe de transmission, il est possible de déterminer un ordre de
grandeur de la distance entre nanotubes. Supposons que les nanotubes -partiellement remplis
de fer- se trouvent sur un réseau hexagonal de paramètre d (Figure II-38) ; ce n’est pas le cas
mais notre objectif ici est de déterminer un ordre de grandeur de distance seulement. Prenons,
sur la base des résultats de microscopie, comme diamètre intérieur et extérieur des tubes :
d1=10nm et d2=60nm.
On peut calculer l’intensité transmise
90
⎟⎠⎞
⎜⎝⎛−== ∑
iii xI
IT ρμexp0
(éq. 28)
x est l’épaisseur de l’échantillon traversée par le faisceau de rayons X, μi et ρi correspondent
respectivement au coefficient massique d’absorption et à la densité du composé considéré
(nanotube ou fer).
La densité de nanotubes s’écrit
( )2
21
22
23
4d
ddGrNT
−=
πρρ
(éq. 29)
ρGr est la masse volumique du graphite, d est la distance entre nanotubes.
L’échantillon 11 considéré contient environ 3% en masse de fer, l’intensité transmise s’écrit
alors
( )( )xT NTFec ρμμ 03,0exp +−= (éq. 30)
A la longueur d’onde utilisée (0.9755Å) : μc=1,2 cm2/g, μFe=90,8 cm2/g, l’épaisseur traversée
x = 0,035cm et ρGr=2,26 g/cm3. On a mesuré T~0,95.
On trouve donc ρNT=0,37 g/cm3,
ce qui donne d = 140nm.
Figure II-38 : représentation schématique de l’organisation des nanotubes.
Cette valeur est en accord avec les résultats MEB de l’équipe de M. Mayne-L’Hermite et C.
Reynaud, qui montrent que les nanotubes sont espacés d’une distance de l’ordre d’une
centaine de nanomètres.
Notons que ce résultat soulève une question à propos de la notion de gêne stérique,
invoquée dans la littérature par différents auteurs et dans ce manuscrit au § II.5.1.2 où nous
91
avons montré que l’alignement des nanotubes est corrélé à leur nombre de parois. En effet, les
nanotubes sont assez éloignés en moyenne ; la portée des interactions de van der Waals -
quelques angströms- est bien plus faible que la distance entre les parois externes des
nanotubes d’environ 80 nm (=d-d2). Comment les nanotubes se gênent-ils donc exactement
(courbure et rapprochements à quelques angströms ?…)? Cette question n’a pas été
approfondie dans le cadre de notre travail, nous nous contentons donc simplement de la
soulever ici.
II.6 Nanofils et autres particules à base de fer
II.6.1 Différentes phases à base de fer
En plus des particules catalytiques d’oxyde de fer et des nanotubes de carbone, on
trouve d’autres composés dans les échantillons : cémentite Fe3C, fer alpha (ferrite) et fer
gamma (austénite). Ceci est illustré par la Figure II-39. Les anneaux de diffraction des phases
Fe3O4, Fe3C et Fe α ne présentent pas de modulations d’intensité, ce qui montre que les
particules de fer alpha, de cémentite et de magnétite (ou maghémite) ont des orientations
aléatoires. Nous nous intéresserons plus en détail au fer γ, orienté dans les nanotubes, dans le
paragraphe suivant.
Figure II-39 Diffractogramme obtenu à la base du tapis 2, expérience réalisée au LURE avec un faisceau
de 100µm de diamètre, les flèches noires pointillées, noires, grises et grises pointillées indiquent
respectivement les pics provenant de la cémentite, de la magnétite, du fer gamma et du fer alpha.
92
On observe que la composition en nanoparticules/nanofils à base de fer varie selon la
hauteur sur le tapis [Pichot 2004]. Dans le corps du tapis 4 par exemple, la phase majoritaire
est le fer γ, mais on trouve un excès de cémentite au sommet du tapis Figure II-40.
Figure II-40 : cliché de diffraction des rayons X obtenu sur le sommet du tapis 2, expérience réalisée au
LURE avec un faisceau de 100µm de diamètre. Les flèches blanches indiquent la présence d’anneaux de
diffraction provenant de la cémentite.
Notons que les particules ne sont pas toutes nécessairement dans les nanotubes : ainsi la
Figure II-41 illustre la présence de particules fixées sur les nanotubes, à l’extérieur, en
sommet de tapis.
Figure II-41 : image MEB du sommet (gauche) et du corps (droite) du tapis 2.
Des mesures effectuées à l’ESRF sur la ligne ID13 (microfaisceau) en transmission sur
l’échantillon 2 (Figure II-42) montrent que la transmission est plus élevée pour les cinquante
premiers microns du tapis situés directement au-dessus du substrat, elle diminue puis devient
constante dans tout le corps du tapis, puis elle diminue encore sur les cinquante derniers
93
microns du tapis. Comme nous l’avons vu dans le paragraphe II.5.1.3, la densité des
nanotubes est plus faible dans les cinquante premiers microns situés juste au-dessus du
substrat pour l’échantillon 2, la densité de nanofils encapsulés dans les tubes est donc aussi
moins importante qu’à d’autres endroits du tapis. Ceci explique la transmission élevée sur les
cinquante premiers microns. La densité des nanotubes devient ensuite quasiment constante ce
qui est en accord avec la courbe présentée ci-dessus. Pour le sommet du tapis, on observe une
diminution de la transmission alors que la densité des nanotubes devrait logiquement
diminuer du fait que les nanotubes sont moins bien alignés au sommet du tapis. Ainsi, on peut
supposer que cette diminution du signal de transmission vient de quantités plus importantes de
particules à base de fer -telles que la cémentite- localisées au sommet du tapis : la
concentration en fer est plus forte en haut du tapis. Ceci est peut-être dû à l’exposition
constante du haut du tapis à la vapeur chargée en fer pendant la synthèse ou à la fin de
l’expérience.
Figure II-42 : courbe de transmission réalisée à l’ESRF sur ID13 sur l’échantillon 2.
En résumé : différentes phases à base de fer sont observées dans les échantillons,
certaines correspondant à des nanofils à l’intérieur des tapis comme illustré sur la Figure II-6
et d’autres correspondant à des sous-produits se présentant sous forme de particules attachées
aux nanotubes (Figure II-41). La teneur en fer est plus importante en haut du tapis. La
« propreté » des échantillons en termes de sous-produits, si elle est déjà très bonne dans le
corps du tapis au regard des résultats de la littérature [Mayne 2003], est encore à améliorer
pour les derniers microns du tapis.
94
II.6.2 Nanofils de fer γ
Les nanotubes synthétisés par CVD contiennent des nanofils métalliques [Prados
2002, Mühl 2003, Zhang 2002].
Résultats EELS
Des analyses EELS ont eu lieu au Laboratoire de Physique des Solides avec Mathieu
Kociak. La Figure II-43 montre que la particule se trouvant à l’intérieur du nanotube est
composée de fer sur toute son épaisseur, aucune trace d’oxygène n’a été détecté comme
c’était le cas pour la particule en bout de tube précédemment analysée (Figure II-23). En
revanche, la courbe HADF ne présente pas de palier comme c’était le cas pour la particule
située en bout de tube (Figure II-23), les segments de fer encapsulés semblent donc épouser la
forme du cœur central du nanotube.
Figure II-43 : (gauche) image microscopie électronique en transmission d’un nanotube avec une particule
à la base et une particule se trouvant à l’intérieur d’un nanotube, la flèche (b) montre la traversée de la
particule effectuée avec la sonde. (droite) graphique montrant la composition chimique de la particule se
trouvant à l’intérieur d’un nanotube suivant la traversée effectuée (les signaux mesurés correspondent au
seuil K du carbone et au seuil L du fer).
En général la nature des remplissages des nanotubes a été déterminée par diffraction
électronique. La diffraction électronique est une technique d’analyse locale, elle permet de
déterminer la nature d’un nanofil dans un tube à la fois, ensuite, il faut regarder plusieurs
tubes pour obtenir de la statistique sur l’échantillon. La diffraction des rayons X permet
d’obtenir une analyse plus globale de l’échantillon.
95
Résultats expérimentaux de diffraction des rayons X
Dans tous les échantillons synthétisés en plus de 2 minutes, on observe sur les
diagrammes de diffraction X (Figure II-44) les anneaux de diffraction caractéristiques du fer γ
(§II.3.2.2.1), à la base, dans le corps et au sommet du tapis. Ces anneaux présentent des
modulations d’intensité (Figure II-45), qui montrent que le fer γ possède une orientation
cristallographique préférentielle. L’orientation préférentielle des nanofils de fer γ sera plus
aisée à déterminer pour des échantillons où les nanotubes sont très bien alignés, où les
signaux sont mieux définis angulairement. Ainsi, on voit sur la Figure II-44 que les signaux à
une même valeur du vecteur d’onde provenant du fer gamma se recouvrent moins pour
l’échantillon 4 que pour l’échantillon 2.
Figure II-44: image plate obtenues pour les échantillons 4 (gauche), et 2 (droite), les flêches pointent le
cercle de diffusion situé à 3,48Å-1 (réflexion 200) provenant du fer gamma.
96
Figure II-45 : scan angulaire sur un cercle de diffusion du fer gamma (Q = 3,48Å-1, réflexion (200)) pour
les échantillons 2 (gris) et 1 (noir) (gauche) et 4 (droite)
Analyse
Pour réussir à identifier sans ambiguité l’axe cristallographique d’orientation
préférentielle, nous avons réalisé des clichés de diffraction pour différentes orientations de la
normale au tapis par rapport au faisceau de rayons X incident (ϕ sur la Figure II-7). Pour ϕ =
0° : les tubes sont perpendiculaires au faisceau de rayons X, ϕ = 90° : les tubes sont parallèles
au faisceau. Pour déterminer l’orientation préférentielle des nanofils d’austénite, nous avons
simulé la figure de diffraction des rayons X que nous devrions obtenir pour des nanofils
d’austénite ayant différents axes de croissance préférentiels [hkl] et présentant des
distributions d’orientation le long de ces axes (§II.3.2.2.2 et Figure II-46). Ces calculs ont été
effectués pour les différentes orientations du tapis par rapport au faisceau de rayons X
(différents angles ϕ) pour lesquelles on avait effectué des mesures et comparés aux
expériences. La Figure II-47 montre que, l’axe d’orientation préférentiel est [110] pour le fer
γ. La distribution d'orientation trouvée est la même que pour les nanotubes (5,5°) : le fer γ se
trouve dans les nanotubes, sous forme de nanofils dont les plans (110) sont perpendiculaires à
l’axe des tubes (Figure II-48)) [Pichot 2004].
97
Figure II-46 : figure de diffraction simulée pour des nanofils de fer gamma présentant un axe de
croissance préférentiel [110] et une distribution d’orientation de ±5,5° (demi-largeur à mi-hauteur 5,5°) ;
orientation de l’échantillon : ϕ = 0°.
Figure II-47 : Cercles pleins : intensité mesurée pour un scan angulaire à Q = 4, 9Å-1 (réflexion 220) en
fonction de l’angle τ, ϕ = 15° (échantillon 4). Les carrés creux montrent les résultats de la simulation pour
un axe de croissance préférentiel [110] du fer gamma. Les cercles et les triangles creux correspondent
respectivement aux simulations obtenues pour des axes [100] et [111]. Les simulations ont été effectuées
pour une fonction de distribution d’orientation de mi-largeur à mi-hauteur w=5,5° (calculs effectués pour
une Gaussienne ; la faible statistique sur le signal du fer ne permet pas de distinguer entre ajustement par
une Gaussienne ou une Lorentzienne). Un bon accord avec l’expérience est trouvé pour l’axe [110].
98
Figure II-48 : (gauche) structure cubique à faces centrées du fer gamma, le plan tracé en gris montre les
plans (110), (droite) la direction [110] des nanofils de fer gamma se trouve le long des tubes.
Sur la Figure II-44, on remarque un cercle continu sous les modulations d’intensité à
Q=3,48Å-1 : une partie du fer γ seulement est orienté. En comparant l’intensité maximum et
minimum pour chaque cercle de diffraction provenant du fer gamma, on peut trouver la
quantité de nanofils désorientés ou possédant une orientation aléatoire. Pour cela, il suffit de
résoudre le système d’équations suivantes :
211 cvcm III ×+×= βα
212 chcm III ×+×= βα
où 1mI et 2mI sont respectivement les intensités mesurées sur un maxima et sur un minima
d’intensité provenant du signal du fer gamma à 3,48Å-1, vcI1 et hcI1 sont respectivement les
intensités calculées pour un maxima et un minima d’intensité provenant du signal du fer
gamma à 3,48Å-1 dans un échantillon où les nanofils de fer sont orientés, hcI1 = 0, 2cI est
l’intensité calculée pour un maxima d’intensité provenant du signal du fer gamma à 3,48Å-1
dans un échantillon où les nanofils de fer gamma possèdent des orientations aléatoires (Figure
II-49). α et β sont respectivement les taux de nanofils orientés et désorientés.
On trouve que βαβ+ =40% : 40% des nanofils de fer gamma ont une orientation aléatoire
tandis que les 60% présentent l’orientation préférentielle <110>.
99
Figure II-49 : figure de diffraction obtenue sur le tapis 4 (gauche), figure de diffraction simulée pour des
nanofils de fer orientés (centre) pour des nanofils de fer orientés aléatoirement (droite)
Cette analyse détaillée a été réalisée pour l’échantillon 4, dans lequel les nanotubes
sont les mieux alignés. Des modulations d’intensité des signaux du fer gamma sont aussi
observées pour les autres échantillons (Figure II-45). Les nanofils de fer gamma présents dans
les échantillons 1, 2 et 5 semblent avoir le même axe de croissance préférentiel que pour
l’échantillon 4.
II.6.3 Discussion
Pourquoi le fer γ?
Dans tous les échantillons analysés, nous trouvons toujours de l’austénite et de la
ferrite. Or c’est le fer α est la phase de fer stable à température ambiante d’après le
diagramme de phase fer-carbone (Figure II-50). Pour obtenir de l’austénite à température
ambiante, une des solutions est d’effectuer une trempe, c’est-à-dire un refroidissement très
rapide de l’échantillon : la trempe d’un échantillon a pour effet de figer la structure qu’il avait
à plus haute température. Mais les refroidissements effectués à la fin des synthèses des tapis
sont assez lents (environ 2 heures), et donc l’austénite aurait dû transiter en ferrite. Il y a donc
un mécanisme qui bloque cette transition. Le modèle de Bain, pour la transition austénite-
ferrite, propose une dilatation du paramètre de maille suivant deux directions. C’est le
confinement de nanofils d’austénite dans les nanotubes qui empêcherait la transition de se
produire [Pichot 2004, Kim 2005-2]. Le module élastique très élevé des nanotubes ne permet
pas l’augmentation de volume de l’austénite de 9 % nécessaire à la transition austénite-ferrite.
Il peut également y avoir de la ferrite à l’intérieur des nanotubes.
1mI
2mI
vcI1
hcI1
2cI
100
Pinault et collaborateurs ont réalisé une expérience de synthèse à 800°C, se fondant
sur le diagramme de phase Fer-Carbone (Figure II-50), dans l’espoir d’obtenir du fer alpha en
plus grandes quantités. La synthèse effectuée à 800°C montre toujours une forte présence
d’austénite (Figure II-51) : nous n’avons pas réussi à obtenir principalement du fer alpha
comme nous l’espérions. Il faut noter que les températures et conditions thermodynamiques
dans les diagrammes de phase sont différentes entre des objets de tailles volumiques
importantes et des objets de tailles nanomètriques [Ding 2004]. De plus la croissance ne
s’effectue pas dans l’équilibre thermodynamique. Néanmoins, sur la base du diagramme de
phases en volume, on peut inférer que les nanoparticules/nanofils de fer pourraient ne pas
correspondre au fer pur mais à un alliage fer-carbone dont la concentration massique en
carbone serait supérieure à 0,01%.
Figure II-50 : diagramme de phase fer-carbone
101
Figure II-51 : diffractogrammes obtenus dans le corps des échantillons des tapis 1 (courbe noire), 2
(courbe grise).
Pourquoi l’axe de croissance préférentiel [110]?
On peut se demander pourquoi les nanofils ont une orientation cristallographique
préférentielle, quels sont les mécanismes mis en jeu ? Existe-t-il une relation d’épitaxie entre
les nanofils de fer et les parois des murs des nanotubes ? L’interaction fer-carbone joue-t-elle
un rôle dans la croissance de ces nanofils de fer ?
L’orientation préférentielle des nanofils pourrait être reliée à des processus de minimisation
d’énergie à l’interface carbone-métal [Yang 1989, Helveg 2004]. Tyagi et al. [Tyagi 2005]
observent ainsi des orientations préférentielles des nanofils de nickel dans des nanotubes de
carbone (plans (111) inclinés de 39.5° par rapport à l’axe du nanotube), qu’ils discutent en
terme d’énergie élastique et de tension de surface. Un autre point doit être considéré : la
possibilité qu’il y ait une mince couche d’une autre phase à l’interface nanofil-nanotube.
Ainsi, Singh et collaborateurs [Singh 2003] ont mis en évidence l’existence de Ni3C à
l’interface nanofils de Ni-nanotubes dans leurs échantillons. Des expériences d’EELS
pourraient s’avérer particulièrement utiles pour tester cette hypothèse.
Audier et al. [Audier 1981] ont étudié la structure de particules métalliques situées à
l’intérieur de nanofibres de carbone de diamètres allant de 10 à 100 nanomètres par
microscopie électronique et diffraction aux petits angles. Ils trouvent la présence d’un axe de
croissance préférentiel pour des alliages FeCo et FeNi de différentes compositions présentant
102
une structure cubique faces centrées. L’axe [110] est toujours parallèle à l’axe des tubes de
carbone pour ce type de structure. Nous avons obtenu le même résultat dans les nanotubes de
diamètres internes ~ 8 nanomètres : pour le fer γ qui a une structure cubique faces centrées,
nous trouvons un axe de croissance préférentiel [110] le long de l’axe des tubes.
D’autres études [Kim 2005-1, 2005-2, Zhang 2002] ont également montré grâce à des études
en microscopie électronique haute résolution que des nanoparticules d’austénite sont
encapsulées dans des nanotubes synthétisés par CVD à partir de systèmes ferrocène/xylène et
présentent des axes [110] le long de l’axe des nanotubes.
II.7 Traitement thermique Nous avons étudié l’effet de traitement thermique post-synthèse. La Figure II-52 montre
les diffractogrammes obtenus en analysant le corps des échantillons 4 et 12, l’échantillon 12
est un recuit à 2000°C sous argon de l’échantillon 4. On s’aperçoit que le diffractogramme de
l’échantillon 12 ne contient plus que les pics correspondant à la diffusion par les nanotubes,
toute trace de fer à disparu [Pinault 2004]. Les particules de fer gamma se trouvant dans les
tubes sont sorties des tubes par évaporation.
Figure II-52 : diffractogrammes obtenus sur les échantillons 4 (noir) et 12 (gris). Les flèches noires
indiquent les pics correspondant au fer γ, la flèche noire pointillée correspond au pic du fer α. Expérience
réalisées au LURE en utilisant un faisceau de 100µm.
103
Les images de Microscopie Haute Résolution (Figure II-53) montrent que les parois
internes des tubes sont plus droites et mieux définies, et que les tubes sont vides après
traitement de recuit.
Figure II-53 : image microscopie haute résolution montrant les nanotubes avant (gauche) et après (droite)
recuit.
Ainsi, nous venons de voir qu’il est possible, en effectuant des traitements thermiques, de
retirer les phases à base de fer présentes dans les tubes et ainsi d’obtenir des nanotubes
propres et vides (sans sous-produits) qui pourront servir pour des applications dans le
domaine des membranes ou des capteurs.
104
II.8 Conclusion
Dans ce chapitre, nous avons étudié l’orientation et la structure des différents éléments
composant les tapis de nanotubes de carbone, grâce à des expériences de rayons X standard
ou à des expériences de microdiffraction.
Des résultats nouveaux ont pu être obtenus en ce qui concerne les mécanismes de
croissance. Nous avons déterminé grâce aux études de diffusion des rayons X, complétées par
des expériences de spectroscopies XPS et EELS la nature des particules qui sont responsables
de la nucléation des nanotubes, il s’agit de particules d’oxyde de fer : magnétite Fe3O4 ou
maghémite γ-Fe2O3. Le mécanisme de croissance des nanotubes est un mécanisme de
croissance par la base. Ce phénomène a été démontré de trois manières : grâce aux synthèse
effectuées de manière séquencées pour lesquelles nous avons vu qu’elles permettaient de
déterminer la chronologie de la croissance des nanotubes [Pinault 2005-2], grâce à l’étude des
premiers instants de la croissance, et enfin grâce à l’étude de l’influence des modifications des
paramètres de synthèse (modification du montage de synthèse) sur l’alignement des
nanotubes. La dernière démonstration est basée sur nos expériences de diffusion des rayons X.
Nous avons analysé quantitativement l’alignement des nanotubes, ce qui n’avait pas été
réalisé auparavant. Nous avons montré qu’il était possible d’obtenir des très bonnes valeurs
d’alignement dans certains tapis : la valeur de 5,5° pour la mi-largeur à mi-hauteur de la
distribution d’orientation des nanotubes mesurée est la meilleure valeur qui a été obtenue sur
des échantillons de dimension macroscopique. La méthode de synthèse développée au LFP
apparaît donc très prometteuse. Nous avons de plus montré qu’alignement des nanotubes et
nombre de feuillets de graphène par nanotube sont directement corrélés et avancé l’hypothèse
d’un effet de gêne stérique.
La nature des nanofils encapsulés dans les nanotubes a été déterminée : il s’agit
majoritairement de nanofils d’austénite, qui présentent un axe de croissance préférentiel [110]
le long des nanotubes. Nous expliquons la présence d’austénite à température ambiante par
une contrainte de confinement dans les nanotubes.
105
Nous avons étudié l’effet d’un traitement thermique à haute température effectué après
la synthèse : la diffusion des rayons X montre qu’il est possible de retirer toutes les phases à
base de fer présentes dans les échantillons en effectuant des recuits à 2000°C ; de plus, la
structure des nanotubes s’en trouve améliorée. Ce résultat permet d’envisager l’utilisation des
tapis de nanotubes, vidés de leurs nanofils, comme membranes par exemple.
Il reste encore beaucoup de questions non résolues ou à approfondir bien sûr.
Les particules d’oxyde de fer ont-elles une meilleure ou une moins bonne activité
catalytique que celles de fer ? L’étude d’échantillons synthétisés sous atmosphère réductrice
(hydrogène au lieu d’argon comme gaz porteur, ou peut-être simplement cyclohexane au lieu
de toluène comme hydrocarbure) pourrait permettre de répondre à ces questions.
On peut se demander s’il est possible d’obtenir des alignements encore meilleurs que
le record de 5,5° reporté ici. Pour cela, dans le cadre de l’hypothèse d’un effet de gêne
stérique entre nanotubes, on pourrait tenter d’augmenter la densité surfacique de nanotubes
sur la base du tapis.
Comment se forment les différentes phases à base de fer observées dans les différents
échantillons ? Des expériences de croissance in-situ sous faisceau de rayons X pourraient
nous permettre d’obtenir certaines réponses, notamment sur la formation de la couche de
particules d’oxyde de fer observée, ou encore sur la formation des nanofils d’austénite
encapsulés dans les tubes : est-ce que ces particules se détachent des particules d’oxyde quand
celles-ci sont sursaturées en fer ? Quel est leur rôle dans la croissance des nanotubes ?
Un autre point important serait de pouvoir comprendre et contrôler la nature et la
structure de l’axe de croissance préférentiel des nanofils encapsulés dans les nanotubes. Du
point de vue structural, l’étude du diagramme de phases des nanofils de fer, où effets de taille
et de confinement interviendront, serait extrêmement intéressante. L’obtention de nanofils de
fer α serait importante pour des applications de stockage magnétique haute densité par
exemple. Un certain nombre d’études fondamentales sur les propriétés magnétiques des
nanofils de fer encapsulés ou sur l’influence du nanofil sur la structure électronique des
nanotubes pourraient aussi se développer à l’avenir.
106
III Fibres de nanotubes
Les nanotubes de carbone présentent, comme on l’a souligné au chapitre I, des propriétés
exceptionnelles. Avec un module d’Young de typiquement 1TPa et une résistance à la rupture
de l’ordre de 50GPa, les nanotubes sont extrêmement résistants (bien plus résistants que
l’acier par exemple). Ils présentent aussi d’intéressantes propriétés électromécaniques
(courbure du nanotube sous l’effet de charges électriques [Baughmann 1999]). Leur
utilisation en fibres, à l’échelle macroscopique, est prometteuse. Des fibres comme
actionneurs électromécaniques [Vigolo 2002-2, Badaire 2005] aux fibres à ténacité record
[Dalton 2003], la gamme d’applications potentielles est large : de la robotique aux matériaux
à haute ténacité tels que gilets pare-balles, ceintures de sécurité, etc.
Les nanotubes, objets unidimensionnels, ont des propriétés anisotropes : leur alignement
au sein des fibres jouera à priori un rôle important au regard des propriétés des fibres. De plus,
les fibres étudiées, réalisées par filage dans un bain coagulant de polymère [Vigolo 2000,
Badaire 2005], sont des matériaux composites. Elles sont formées de nanotubes et de chaînes
de polymère enchevêtrées : le rôle du polymère doit aussi être considéré. Ce chapitre traite
des propriétés structurales des fibres de nanotubes et de la corrélation entre propriétés
structurales (alignement des nanotubes, structure du polymère…) et propriétés physiques des
fibres. Tout d’abord, nous rappellerons la méthode de filage des fibres et décrirons les
traitements post-synthèse qui ont été mis en oeuvre pour modifier leurs caractéristiques
structurales. Le principe des expériences de diffusion des rayons X réalisées au LPS ou en
rayonnement synchrotron pour étudier les caractéristiques structurales des fibres sera ensuite
décrit. Puis nous présenterons les études de diffusion des rayons X menées pour analyser les
propriétés structurales des fibres de nanotubes monoparois en fonction du traitement post-
synthèse subi. L’étude de l’homogénéité de l’alignement des nanotubes le long du diamètre
des fibres -réalisée pour la première fois et qui a nécessité l’utilisation d’un microfaisceau-
sera présentée. Un paragraphe sera consacré à l’étude de l’évolution des propriétés physiques
en fonction des caractéristiques structurales des fibres (propriétés mécaniques en III.3.1 et
propriétés électriques en III.3.2). Enfin, nous terminerons ce chapitre en présentant les
premiers essais de réalisation de fibres de nanotubes multiparois à partir des nanotubes, très
rectilignes, produits par CCVD au LFP (cf. chapitre II). Nous discuterons les premiers
résultats obtenus quant à leurs caractéristiques structurales, mécaniques ou électriques.
107
Notre étude sur les fibresde nanotubes s’inscrit dans le cadre d’une collaboration entre le
LPS et le CRPP Bordeaux. Mentionnons aussi les collaborations avec l’équipe de J. Fisher de
l’université de Pennsylvanie (USA) et celle de C. Reynaud et M. Mayne-L’Hermitte au LFP
Saclay. Mon travail de thèse concerne principalement les expériences de diffusion des rayons
X et leur analyse, ainsi que l’analyse de la relation entre propriétés structurales et propriétés
mécaniques. Les fibres de nanotubes monoparois et les mesures mécaniques ont été réalisées
au CRPP par Stéphane Badaire lors de sa thèse effectuée sous la direction de Philippe Poulin
et Cécile Zakri, les propriétés structurales ont été étudiées par diffusion des rayons X au LPS
ou en rayonnement synchrotron sur D43 au LURE (contact local : Dominique Durand) et sur
ID13 à l’ESRF (contacts locaux : Manfred Burghammer et Christian Riekel) ; l’ équipe du
CRPP a participé avec Pascale Launois et moi aux expériences en synchrotron. Les propriétés
électriques ont été étudiées par les équipes de Jack Fischer et Philippe Poulin. Enfin, pour ce
qui est des fibres de nanotubes multiparois réalisées à partir des nanotubes des tapis du LFP,
j’ai eu l’opportunité de participer aux expériences de filage et de mesure des propriétés
mécaniques au CRPP avec M. Pinault (LFP), S. Badaire, M. Maugey et P. Poulin (CRPP).
III.1 Mise en forme des nanotubes
III.1.1. Fibres brutes
Différentes méthodes ont été développées ces dernières années pour obtenir des fibres
à base de nanotubes : le lecteur peut se référer aux articles de revue de Launois et Poulin
[Launois 2002] et de Davis et Pasquali [Davis 2004]. Nous rappelons simplement ici le
principe du procédé de filage en voie liquide développé au CRPP [Vigolo 2000] et utilisé pour
réaliser les fibres que nous avons étudiées. Il se décompose en deux étapes : la dispersion des
nanotubes en solution puis leur coagulation dans un bain de polymère en rotation.
- Dispersion
Les nanotubes (nanotubes multiparois ou faisceaux de nanotubes pour ceux monoparois) sont
dispersés dans l’eau à l’aide de molécules de sodium dodécylsulfate (SDS). La molécule SDS
108
est une molécule amphiphile, elle est constituée d’une tête polaire hydrophile et d’une chaîne
carbonée hydrophobe. Ce tensioactif, qui fonctionnalise les nanotubes (ou faisceaux de
nanotubes) de manière non covalente, permet de disperser les nanotubes dans l’eau. La mise
au point des dispersions adéquates a demandé une étude approfondie de leurs diagrammes de
phase [Vigolo 2002-3, Poulin 2002, Badaire 2005]. Pour obtenir des dispersions homogènes,
il est aussi nécessaire de disperser les nanotubes aux ultrasons, de manière à casser/séparer les
agglomérats.
- Coagulation
La dispersion de nanotubes est injectée, grâce à une seringue, de manière continue et
homogène dans une solution aqueuse de polymère en rotation, l’aiguille étant placée
tangentiellement au flux de polymère (Figure III-1). Le polymère utilisé est le poly (vinyl
alcool) (PVA). Amphiphile, le PVA s’adsorbe sur les nanotubes (déplaçant sans doute les
molécules de SDS). Il joue alors le rôle d’agent floculant : les nanotubes, pontés par les
chaînes de PVA, s’agrègent et forment un ruban noir. Le ruban est lavé plusieurs fois à l’eau
pour éliminer les excès de PVA avant d’être tiré lentement hors de l’eau de manière à le faire
sécher. Le ruban se condense en une fibre. La longueur des fibres peut être ajustée à la
demande (un procédé de filage continu a récemment été mis au point au CRPP). Leur
diamètre est typiquement de 20-100 μm. Les mesures de thermo-gravimétrie [Badaire 2005]
permettent d’évaluer le taux en masse de PVA dans la fibre à approximativement 50%
(éventuellement moins pour les rubans rincés à l’eau).
Figure III-1 : schéma du dispositif utilisé pour la mise en fibre des nanotubes.
109
III.1.2. Traitements post-synthèse
Une fois la fibre sèche, il est possible d’effectuer des traitements permettant
d’améliorer l’alignement des nanotubes de carbone. Deux types de traitements sont utilisés :
des étirements de fibres mouillées dans un solvant du PVA [Vigolo 2002-1, Lucas 2002] et
des étirements à chaud [Badaire 2005].
Mouillage et étirement
La fibre, à laquelle est suspendue une masse connue m (m~100 mg -1g), est plongée dans un
solvant pour le PVA (mélange eau-acétone) (Figure III-2). La fibre -qui ne se dissout pas dans
le solvant du PVA parce que les nanotubes et le PVA forment un système composite
enchevêtré- peut ainsi être fortement étirée. Elle est ensuite retirée du solvant et séchée sous
contrainte de masse, conservant définitivement son élongation. En faisant varier la masse
suspendue, il est possible d’obtenir un jeu de fibres avec différentes élongations (de quelques
% à presque 100%).
Figure III-2 : schéma du dispositif utilisé pour l’étirement des fibres
Chauffage et étirement
Le deuxième traitement consiste à placer une fibre sous contrainte dans un flux d’air chaud,
au-delà de la température de transition vitreuse du PVA (Tg≈85°C). En effet, au-delà de cette
température, les zones amorphes du polymère acquièrent « une plus grande flexibilité », ce
110
qui va permettre d’étirer la fibre [Badaire 2005]. Les étirements obtenus peuvent atteindre
plusieurs centaines de %, ce qui est bien supérieur aux valeurs obtenues grâce au traitement
décrit précédemment.
III.1.3. Fibres étudiées
Les fibres de nanotubes monoparois que nous avons étudiées ont été réalisées [Badaire
2005] à partir de nanotubes monoparois synthétisés sous forme de poudre par Carbon
Nanotechnologies Inc., grâce au procédé HiPco [Nikolaev 2004] décrit au chapitre I. Les
fibres brutes obtenues ont été étirées par l’une ou l’autre des méthodes décrites au paragraphe
précédent.
Les fibres ont été réalisées à partir de trois lots de nanotubes (CM26, R0211 et R0217
selon la nomenclature de Carbon Nanotechnologies Inc.), les fibres résultantes sont notées
HiPn, Hin et HiHTn. Les nanotubes obtenus à partir du procédé HiPco contiennent peu
d’impuretés carbonées, mais des quantités non négligeables de particules catalytiques (~10 %
en nombre d’atomes). Le lot CM26 a été purifié par oxydation thermique de fer puis
dissolution de l’oxyde de fer à l’acide chlorhydrique : le taux de particules catalytiques est
environ dix fois plus faible après purification [Badaire 2005, Chiang 2001]. Les notations HiP
et Hi correspondent respectivement aux fibres obtenues à partir de nanotubes HiPco (Hi)
purifiés (P) ou non purifiés. Les fibres Hi0 et HiP0 ont été filées à partir d’une suspension à
0,2% en masse de nanotubes et 1% de SDS, homogénéisée aux ultrasons à 20W pendant 30
minutes. Cette suspension a été injectée avec un débit de 40 ml/h dans un bain de PVA
(Aldrich 100000 g.mol-1) à 5% en masse dans l’eau, en rotation à 100 trs/min. Le ruban
obtenu a été rincé trois fois à l’eau puis séché, permettant d’obtenir une longue fibre. La fibre
obtenue a été coupée en morceaux qui ont été étirés dans un mélange eau-acétone 50/50 avec
différentes masses. Les fibres étirées sont notées Hin et HiPn (n≠0). Les fibres HiHT1 et 2 ont
elles été obtenues à partir d’un bain de PVA de plus grande longueur (Aldrich 150000 g.mol-
1) et ensuite étirées à chaud (la notation HT se réfère au traitement à Haute Température). Ces
deux dernières fibres sont des fibres multibrins assemblées à partir de 8 fibres chacune.
111
Les dénominations des différentes fibres et les allongements obtenus après traitement sont
résumés dans le Tableau 9. L’allongement est défini comme ini
inifin
LLL
LL −=Δ
(éq. 31), où Lini
et Lfin sont respectivement les longueurs de la fibre avant et après étirement (les fibres brutes
sont celles pour lesquelles l’allongement est 0).
Fibre Allongement
(%)
Hi0 0
Hi1 23
Hi2 37
Hi3 43
Hi4 56
Hi5 71
HiP0 0
HiP1 14
HiP2 27
HiP3 38
HiP4 53
HiP5 68
HIP6 80
HiHT1 564
HiHT2 670
Tableau 9. Fibres étudiées par diffusion des rayons X
112
III.2 Etude structurale des fibres de nanotubes
monoparois
III.2.1 Conditions expérimentales
A partir des expériences de diffusion des rayons X, il est possible d’obtenir des
informations structurales très complètes sur les fibres de nanotubes [Launois 2001] :
organisation des nanotubes en faisceaux, alignement des nanotubes, nature des particules
catalytiques, structure (amorphe, cristalline) du polymère, orientation du polymère…
La diffraction par une fibre est étudiée en transmission, l’axe de la fibre étant
perpendiculaire au faisceau ; le signal diffracté est collecté grâce à un détecteur bi-
dimensionnel (Image Plate, caméra CCD ou plaque photographique). Le principe de
l’expérience est résumé par la Figure III-3. Fibres et tapis de nanotubes ont donc été étudiés
de manière assez similaire : les explications sur les scans radiaux ou angulaires, développées
au chapitre II (§II.3.3), ne seront pas reprises ici.
Figure III-3 : schéma de la géométrie de l’expérience
Les fibres Hi et HiP ont été étudiées au LURE (D43) sous vide (collimateur, fibre et
détecteur sont placés dans une chambre sous vide) et pour une longueur d’onde λ=1,795Å.
L’utilisation d’une chambre de diffusion sous vide est importante pour l’étude des fibres de
nanotubes monoparois : le signal diffracté par les nanotubes monoparois se situe à faibles
113
vecteurs d’onde et la diffusion par l’air, qui correspond aussi à des vecteurs d’onde faibles,
doit être minimisée. La longueur d’onde choisie permet de travailler à une énergie légèrement
inférieure à celle du seuil Kα du fer, utilisé pour la catalyse des nanotubes : on évite ainsi les
phénomènes de fluorescence. Les fibres HiHT ont aussi été étudiées sous vide mais les
expériences ont été réalisées au LPS sur un tube de rayons X à la longueur d’onde du
molybdène λ=0,711 Å. Dans ce cas, l’énergie du rayonnement est très supérieure à celle du
seuil Kα du fer, ce qui permet aussi de réduire fortement la fluorescence. Enfin, les
expériences réalisées en microfaisceau à l’ESRF correspondent à λ=0,9775Å.
III.2.2 Fibres étirées dans un solvant
Nous présentons dans ce paragraphe l’étude structurale des fibres Hin et HiPn, étirées
dans un solvant du PVA. Nous nous sommes particulièrement intéressés à l’amélioration de
l’alignement des nanotubes et du polymère après étirement. Les résultats sont discutés dans le
cadre d’un modèle affine d’orientation induite.
Composition des fibres
Un cliché de diffraction des rayons X obtenu sur la fibre HiP5 est présenté en Figure
III-4(a).
La diffraction par les nanotubes se traduit par un signal diffus particulièrement intense à petits
vecteurs d’ondes, qui décroît globalement avec Q, avec toutefois deux modulations autour de
0,5 et 0,8Å-1 (flèches blanches sur la Figure III-4(b)) ; le signal est mesurable jusque 1Å-1. Ce
résultat se compare bien à celui obtenu par Zhou et collaborateurs sur des fibres de nanotubes
HiPco réalisées par un autre procédé [Zhou 2004]. La large distribution de diamètres des
nanotubes dans ces échantillons [Nikolaev 2003] permet de comprendre ce résultat. On
comprend bien que la sommation des contributions de nanotubes isolés et/ou en faisceaux
(détaillée au paragraphe I.4.3) de diamètres différents, qui chacun contribue pour des pics
éventuellement larges et à des positions différentes en Q, donne un signal diffus. La
décroissance en Q est liée à la diminution avec Q des valeurs des maxima du carré de la
fonction de Bessel cylindrique qui intervient dans le facteur de structure d’un nanotube. Il est
114
possible que la porosité de la fibre contribue aussi pour une partie de l’intensité mesurée à
petits vecteurs d’onde. Les modulations à 0,5 et 0,8Å-1 n’ont pas été analysées en détail,
comme ceci a pu être fait dans les réf. [Rols 1999, Hinkov 2004], car compte tenu de
l’importance du signal diffus, il sera difficile d’obtenir à partir des expériences de diffusion
des rayons X uniquement une bonne estimation des distributions de diamètres de nanotubes
ou de la taille des faisceaux.
Figure III-4 : (a) cliché typique obtenu sur une fibre de nanotubes HiPco (fibre HiP5, voir tableau 9), (b)
zoom sur la zone centrale
Le signal diffracté par le PVA est l’anneau diffus situé à 1,4Å-1 : le PVA dans les fibres Hin
ou HiPn est présent à l’état amorphe [Hong 1994].
Les anneaux fins à plus grands vecteurs d’onde sont caractéristiques des particules à base de
fer (catalyseur).
En résumé, on distingue clairement sur le diagramme de diffraction les trois
composantes principales de la fibre : les nanotubes, le polymère -à l’état amorphe-, et les
particules catalytiques.
Orientation des nanotubes et des chaînes de polymère
Signal du PVA
Signal des nanotubes
Signaux des particules catalytiques
115
Les signaux des nanotubes et du PVA sont modulés angulairement, ce qui montre que
nanotubes et chaînes de PVA sont orientés (Figure III-4). Au contraire, des cercles de
diffraction d’intensités constantes sont observés pour les particules catalytiques.
Le formalisme développé au chapitre I pour décrire l’orientation autour d’un axe d’un
ensemble d’objets dont l’intensité diffractée est localisée dans le plan équatorial
perpendiculaire à leur axe long s’applique au cas des nanotubes mais aussi à celui des chaînes
de PVA dans une fibre. En effet :
Nous considérons les chaînes de PVA comme des entités unidimensionnelles rigides ;
l’intensité diffractée est localisée dans le plan équatorial perpendiculaire à la chaîne de PVA
(les effets de périodicité, la diffusion dans les plans non équatoriaux ne sont pas mesurables).
La symétrie d’orientation est la symétrie conique, l’axe du cône étant l’axe de la fibre.
L’intensité diffractée est maximale perpendiculairement à l’axe de la fibre, qui est vertical sur
la Figure III-4.
Notons que si les nanotubes (chaînes de PVA) peuvent être considérés comme des
cylindres droits (chaînes rigides) sur des longueurs supérieures à l’inverse de la largeur de la
résolution expérimentale, ils (elles) peuvent se courber à plus grande échelle. De nombreuses
images montrent les nanotubes monoparois comme des sortes de « spaghettis », ils sont très
flexibles. Soulignons que les orientations mesurées en diffusion des rayons X prennent à la
fois en compte l’orientation moyenne d’un nanotube (du PVA) et les effets de courbure. Ainsi
pour une distribution d’orientations moyennes données, une meilleure orientation sera trouvée
pour des nanotubes droits que si des effets de courbure s’ajoutent.
Nous avons réalisé des scans angulaires à vecteur d’onde constant (pour différentes
valeurs de Q<1Å-1 pour le signal des nanotubes, Q~1,4Å-1 pour celui du PVA) sur les clichés
de diffraction des différentes fibres étudiées (Figure III-5). Ils peuvent être affinés par deux
Gaussiennes centrées en τ = 90 et 270°, de même demi-largeur à mi-hauteur wr (τ = 0°
correspond à l’orientation de l’axe de la fibre, τ est l’angle mesuré sur le détecteur). Un
ajustement Gaussien du scan angulaire dans l’espace réciproque correspond à une distribution
d’orientations Gaussienne dans l’espace direct (§I.4.5 Chapitre I). En principe, la largeur wd
de la distribution dans l’espace direct est différente de celle wr dans l’espace réciproque et
dépend de l’angle de Bragg. Néanmoins, dans le cas présent, où angles de Bragg et largeurs
mesurées dans l’espace réciproque sont assez faibles, largeurs dans l’espace direct et dans
116
l’espace réciproque sont sensiblement les mêmes, wr=wd=w. La largeur du signal est la même
quel que soit le vecteur d’onde Q<1Å-1 choisi : tous les nanotubes (en faisceaux ou isolés, de
différents diamètres) de la fibre dont on mesure le signal de diffraction ont le même
alignement. Enfin, les largeurs trouvées pour les nanotubes et le PVA sont sensiblement les
mêmes (Tableau 10 ).
Figure III-5. Scans angulaires à Q=1,4Å-1 (PVA) et pour Q<1Å-1
(NT) ; fibre Hi1. Les cercles et croix
correspondent aux données expérimentales et les traits pleins aux affinements par des fonctions
Gaussiennes.
Les fonctions Gaussiennes utilisées pour affiner les scans angulaires sont étroites et leur
contribution est quasiment nulle pour τ = 0° (180°). Or, on observe encore une contribution
importante du PVA dans cette direction (Figure III-6).
117
Figure III-6. Intensité mesurée sur le cliché de diffraction le long d’une ligne correspondant à τ=0°
(triangles) et le long d’une ligne orthogonale (τ=90°, cercles) ; fibre Hi1
On peut la quantifier par le rapport r entre l’intensité intégrée du signal du PVA mesurée
selon la direction correspondant à τ=0° et celle correspondant à τ=90°. Ce rapport est donné
dans le Tableau 10. Le signal de diffraction du PVA est donc affiné par une constante et une
Gaussienne : la distribution d’orientation du PVA est décrite avec une fraction désorientée et
une orientée (distribution Gaussienne de demi-largeur à mi-hauteur wd) dans l’espace direct :
p(θ)=(p1(θ)+f.p2(θ))/(1+f) (éq. 32)
avec (éq. 33)
( )( )∫∫
−=−
⎟⎠⎞⎜
⎝⎛ −−+−
−=
πϕπθ
ϕθθπθθ
θθ
20,0:
22
2
1
)sin()])(2lnexp()2ln[exp(
)2lnexp()(
ddww
wp
dd
d
soit ( )
( )∫ −
−= 2/
0
2
2
1
sin)2lnexp(4
)2lnexp()( π
θθθπ
θθ
dw
wp
d
d
(cette expression valable pour θ compris entre 0 et π/2 rad suppose que wd est assez faible
pour que la contribution de la Gaussienne soit nulle en π/2, ce qui est le cas)
et
avec p2(θ)=1/(4π). (éq. 34)
118
La fraction de chaînes de PVA désorientées f est le rapport entre nombre total de chaînes de
PVA sans orientation préférentielle et le nombre total de chaînes présentant une distribution
d’orientations Gaussienne. En utilisant le formalisme permettant de relier données dans
l’espace réciproque et dans l’espace direct (éq 20, §I.4.5, chapitre I), on obtient :
( )rrdpf −= ∫ 1.)(8
2/
0
1
π
ξξ (éq. 35)
Les résultats numériques sont reportés dans le Tableau 10. Pour réaliser la même analyse pour
les nanotubes, il faut quantifier le rapport entre intensités des signaux à 0.5 ou 0.8Å-1, ce qui
s’avère délicat compte-tenu de leur faible intensité. Nous avons néanmoins pu effectuer cette
analyse sur la fibre HiP5 et avons trouvé un rapport comparable à celui obtenu pour le PVA.
Fibre Etirement w (NT) w (PVA) rappI f
Hi0 0% 24.5° 23° 0.62 3.81
Hi1 23% 22° 20.5° 0.4 1.76
Hi2 37% 18° 19° 0.38 1.83
Hi3 43% 15° 16° 0.26 1.24
Hi4 56% 14° 15.5° 0.26 1.28
Hi5 71% 14.5° 15.5° 0.21 0.97
HiP0 0% 27.5° 26° 0.48 1.94
HiP1 14% 26.5° 25.5° 0.47 1.93
HiP2 27% 21.5° 21.5° 0.42 1.88
HiP3 38% 23.5° 21.5° 0.34 1.34
HiP4 53% 18° 19° 0.26 1.02
HiP5 68% 18° 17.5° 0.26 1.10
HiP6 80% 16.5° 17° 0.15 0.57
Tableau 10 : Alignement des nanotubes dans les fibres étudiées par diffusion des rayons X. Les
allongements subis par les fibres lors du traitement post-synthèse sont rappelés en colonne 2. w (NT) et w
(PVA) sont les demi-largeurs à mi-hauteur des Gaussiennes utilisées pour paramétrer les scans angulaires
à Q<1Å-1 et Q=1.4Å-1; rappI est le rapport entre l’intensité du signal PVA selon les directions parallèle et
perpendiculaire à la fibre ; f est la fraction de PVA (nanotubes) non orientée.
Nous avons aussi repris les données obtenues avant mon travail sur deux fibres synthétisées à
partir de nanotubes obtenus par la méthode de l’arc électrique [Launois 2001], pour lesquelles
119
le signal des nanotubes est mieux défini (distribution de diamètre des nanotubes moins
grande, faisceaux contenant un nombre relativement important de nanotubes). Nous avons
obtenu approximativement les mêmes rapports d’intensité pour le PVA et les nanotubes. Ces
résultats nous permettent de supposer que les fractions non orientées de nanotubes sont les
mêmes que pour le PVA dans toutes les fibres étudiées. Les nanotubes et le PVA forment un
réseau extrêmement intriqué, et ils auraient les mêmes caractéristiques orientationnelles.
Figure III-7. Mi-largeur à mi-hauteur w de la distribution Gaussienne d’orientations des nanotubes et du
PVA (cercles pleins et creux pour les fibres Hi et HiP) et fraction f de nanotubes -de PVA- non orientés
(triangles pleins et creux pour les fibres Hi et HiP), en fonction de l’allongement des fibres. L’ensemble des résultats obtenus sur l’orientation des nanotubes (du PVA) est reporté
sur la Figure III-7. Elle montre que la largeur de la distribution d’orientation gaussienne des
nanotubes (du PVA) et le taux de nanotubes (PVA) non orientés diminuent quand l’étirement
de la fibre augmente, ce qui signifie que l’alignement des nanotubes (du PVA) devient
meilleur avec l’étirement des fibres. La plus petite valeur de w obtenue est d’environ 15°. Ce
résultat rejoint celui de Lucas et al. (16°) sur des fibres du même type [Lucas 2002]. Au
regard des données de la littérature sur les fibres de nanotubes, ceci correspond à un bon
alignement. Pour comparaison, Ericson et al. [Ericson 2004] trouvent une largeur wr de 15,5°
dans des fibres de nanotubes réalisées à partir de tubes HiPco, Vigolo et al. [Vigolo 2002-1]
avaient obtenu wr~25° pour des fibres réalisées à partir de nanotubes synthétisés par arc
électrique, Wei et al. [Wei 2002] ont trouvé une largeur de 37,5° dans une fibre de nanotubes
120
synthétisée directement par CVD. Le lecteur peut se référer à l’article de revue écrit par P.
Launois et P. Poulin pour obtenir une vue d’ensemble sur l’alignement des nanotubes dans
des échantillons macroscopiques (nanotubes en fibre, mais aussi nanotubes en tapis,
nanotubes orientés dans des films 2D ou nanotubes dont la croissance a été effectuée dans des
matrices poreuses à canaux parallèles) [Launois 2002].
Modèle affine d’orientation induite
Lors de l’étirement des fibres, les chaînes de PVA deviennent plus flexibles (elles sont
plongées dans un solvant du PVA). La fibre gonfle mais ne se dissout pas car elle est formée
d’un réseau intriqué de nanotubes et de polymère. Sous l’action de la masse attachée à
l’extrémité, les chaînes de PVA vont s’orienter suivant le sens de traction. Les nanotubes,
reliés entre eux par les chaînes de polymère, vont aussi se ré-orienter suivant le sens de la
traction effectuée. On comprend ainsi qualitativement pourquoi l’orientation des nanotubes et
du PVA est améliorée sous traction [Vigolo 2002].
Pour aller au-delà de cette description qualitative, nous nous sommes placés dans le
cadre d’un modèle affine d’orientation induite [Kratky 1933, Ahir 2005]. Les mesures SEM
(Scanning Electron Microscopy) de l’évolution de la section des fibres en fonction de
l’allongement permettent de conclure que le volume de la fibre reste approximativement
constant [Badaire 2004]. Le tenseur de déformation s’écrit donc
⎥⎥⎥⎥⎥⎥⎥⎥
⎦
⎤
⎢⎢⎢⎢⎢⎢⎢⎢
⎣
⎡
=Λ
λ
λ
λ
00
0/10
00/1
λ est défini par : LL
LL
inifin Δ+== 1λ (éq. 36). Ce tenseur décrit un changement affine de
longueur sous l’effet de la contrainte d’étirement. Après déformation, on trouve donc le long
de l’axe de la fibre et perpendiculairement : zz LL λ=' et ⊥⊥= LLλ
1' .
Pour un faisceau de nanotubes d’angle θ par rapport à l’axe de la fibre, on obtient alors un
nouvel angle θ’ défini par )(.1'
''')( 2/3 θλθ tgLLtg
z== ⊥ . (éq. 37)
121
Du changement de variable : θ→atg(λ3/2tg(θ’)), on déduit que :
sin(θ)dθ→ ( ) '''')sin('')(sin'')(cos 2/3232
3
θθθλθ
λd
+ (éq. 38)
La distribution d’orientation p(θ) devient
( ) 2/3232
3
'')(sin'')(cos'')'(
θλθλ
θ+
=p p (atg(λ3/2tg(θ’))), (éq. 39) d’où :
( ) 2/3232
3
'')(sin'')(cos'')'(
θλθλ
θ+
=p (p1 (atg(λ3/2tg(θ’)))+ f.p2)/(1+f). (éq. 40)
A partir des valeurs d’alignement déduites des données expérimentales sur les fibres Hi0 et
HiP0, on calcule pour chaque valeur d’allongement -à laquelle correspond une valeur
différente de λ (équation 36)- la fonction p’(θ’). On l’affine ensuite par une fonction
Gaussienne et une constante, ce qui permet d’obtenir : p’(θ’)=(p’1(θ’)+f’.p’2(θ’))/(1+f’) où p’1
et p’2 sont correctement normalisées ( ∫∫ =1''''')sin('')(' ϕθθθ ddp i ). La distribution p’1 est
caractérisée par sa mi-largeur à mi-hauteur w’ et f’ est la fraction de nanotubes désorientés10.
Ces valeurs calculées sont reportées avec celles déduites des expériences dans le Tableau 11
et sur la Figure III-8. Nous montrons que le modèle affine d’orientation induite à volume
constant permet de bien rendre compte de l’amélioration de l’alignement des nanotubes (du
PVA) pour les fibres étirées.
Fibre Etirement w (°) f w’ f’
Hi0 0% 24 3.81 24 3.81
Hi1 23% 21 1.76 21 1.86
Hi2 37% 18.5 1.83 18.5 1.54
Hi3 43% 15.5 1.24 18 1.37
Hi4 56% 15 1.28 16.5 1.16
Hi5 71% 15 0.97 14.5 1.06
HiP0 0% 27 1.94 27 1.95
10 L’affinement Gaussien, s’il est optimisé pour un allongement nul, ne le sera plus ensuite : une Gaussienne n’est pas transformée en une Gaussienne avec l’équation III.9. Néanmoins, l’affinement reste acceptable et la procédure utilisée permet donc de comparer correctement les données expérimentales et calculées.
122
HiP1 14% 26 1.93 21 1.76
HiP2 27% 21.5 1.88 19 1.38
HiP3 38% 21.5 1.34 17.5 1.19
HiP4 53% 19 1.02 15.5 1
HiP5 68% 17.5 1.10 14 0.87
HiP6 80% 17 0.57 12.5 0.88
Tableau 11. Demi-largeur à mi-hauteur de la distribution Gaussienne d’orientations et fraction de NTs
(PVA) désorientée : d’après les expériences de diffusion des rayons X (w et f), calculées selon le modèle
affine (w’ et f’).
Figure III-8. Demi-largeur à mi-hauteur de la distribution Gaussienne d’orientations et fraction de NTs
(PVA) désorientée : d’après les expériences de diffusion des rayons X (cercles et triangles vides), valeurs
calculées selon le modèle affine (croix et carré pleins) ; à gauche : fibres Hin, à droite : fibres HiPn.
123
III.2.3 Fibres étirées à chaud
Deux fibres réalisées à partir de nanotubes HiPco -HiHT1 et 2- ont subi un étirement à
chaud (la température n’a pas été mesurée précisément lors de ces premières expériences,
faites à l’aide d’un «sèche-cheveux » [Badaire 2005] ; ces expériences ont été reprises depuis
dans des conditions mieux définies, à 180°C [Miaudet à paraître]). Le fait d’étirer la fibre à
chaud permet d’obtenir de très grands allongements (plusieurs centaines de %).
La Figure III-9 montre les clichés de diffraction de rayons X obtenus à partir de ces
fibres. L’étirement à chaud induit la cristallisation -au moins en partie- du PVA (des résultats
similaires sont reportés pour des fibres de PVA pur [Hong 1994]). Les réflexions de Bragg
caractéristiques du PVA cristallisé [Bunn 1948, Hong 1994 (Figure III-10)] sont indiquées par
des flèches sur la Figure III-9. On note aussi un très bon alignement des nanotubes de carbone
et du PVA. En mesurant les largeurs angulaires du signal des nanotubes ou des réflexions
équatoriales du PVA, on obtient :
- pour la fibre HiHT1, étirée à 564%, wr=8° pour les nanotubes et de 5° pour le PVA.
- pour la fibre HiT2, étirée à 670%, wr=7.5° pour les nanotubes et de 4° pour le PVA.
Ces valeurs ont été obtenues par un ajustement lorentzien de la distribution d’orientation des
nanotubes et du PVA.
Il faut souligner que ces valeurs d’alignement des nanotubes sont les meilleures obtenues à ce
jour pour des fibres de nanotubes de carbone. Ceci est à relier aux très forts taux d’étirements
des fibres (plusieurs centaines de %).
124
Figure III-9 : clichés de diffraction de rayons X obtenus sur deux fibre réalisées à partir de nanotubes
HiPco et étirées à chaud à 564% (gauche) et 670% (droite) ; la partie plus claire sur le cliché de droite
correspond à l’absorption par un film fin placé devant la moitié de l’image plate pour tester l’existence
d’éventuelles contamination en λ/2. Les flèches indiquent les signaux caractéristiques du PVA cristalisé.
Figure III-10 : cliché de diffraction obtenu sur une fibre de PVA étirée, les signaux observés sont
caractéristiques du PVA cristallisé [Hong 1994 ].
III.2.4 Homogénéité de l’alignement des nanotubes dans la
fibre ?
Des expériences de spectroscopie Raman polarisée [Anglaret 2002] sur des fibres
réalisées en utilisant le même procédé de filage que pour les fibres étudiées ici, mais à partir
de nanotubes synthétisés par arc électrique, ont donné des résultats différents de ceux obtenus
par diffraction des rayons X [Launois 2001]. En effet, à partir de la spectroscopie Raman, la
largeur de la distribution d’orientations des nanotubes est trouvée deux fois plus faible qu’à
partir de la diffusion des rayons X. La spectroscopie Raman utilise un faisceau de diamètre de
1µm, et la profondeur de pénétration dans l’échantillon est du même ordre de grandeur, tandis
125
que la taille des faisceaux utilisés en rayons X est plutôt de l’ordre de la centaine de microns
voire supérieure et que les rayons X ne sont pas absorbés par la fibre. Ainsi, pour les rayons
X, la fibre est analysée sur tout son volume (sur la hauteur du faisceau), la valeur
d’orientation obtenue étant une valeur moyenne, tandis que la spectroscopie Raman sonde
uniquement la surface de la fibre.
Pour tenter de concilier les résultats obtenus par spectroscopie Raman et par diffusion
des rayons X, nous avons réalisé des expériences de microdiffraction à l’ESRF sur la ligne
ID13 où nous disposons d’un faisceau de taille micrométrique. Comme lors des expériences
réalisées sur les tapis de nanotubes (chapitre II), l’échantillon est étudié pour différentes
positions du microfaisceau (de diamètre 1μm environ) par rapport à la fibre (une
représentation schématique de la fibre et du trajet du faisceau -pour une position x du faisceau
par rapport au centre de la fibre- est donnée sur la Figure III-11). Son diagramme de
diffraction est collecté sur une caméra CCD placée derrière l’échantillon. On obtient des
clichés similaires à celui montré sur la Figure III-4(a). L’analyse des diagrammes obtenus
pour différentes valeurs de x permet de déterminer l’alignement des nanotubes dans la fibre
depuis sa surface jusqu’à son cœur .
Les expériences de microdiffraction ont été effectuées sur plusieurs types de fibres :
des fibres réalisées à partir de nanotubes produits par arc électrique, de nanotubes multiparois,
de nanotubes synthétisés par le procédé HiPco. Etant donné le nombre impressionnant de
données récoltées sur chaque fibre et le temps de dépouillement pour chaque série de données,
je n’ai pas pu traiter toutes les données en détails, et je présenterai uniquement les résultats
obtenus sur la fibre HiP6.
Figure III-11. Représentation schématique, en coupe perpendiculaire à l’axe de la fibre : la « surface » de
la fibre définie par une épaisseur de 1μm est représentée en gris foncé, le microfaisceau de rayons X de
largeur w est représenté en gris clair.
126
L’intensité du signal de diffusion des rayons X augmente avec le volume diffusant. La
difficulté expérimentale à laquelle nous avons été confrontée est la diminution notable du
signal en bord de fibre. Il nous fallait donc nous assurer que les mesures pour lesquelles on
observait encore un signal correspondaient bien au bord de la fibre. Autrement dit, la
détermination précise du diamètre de la fibre étudiée est fondamentale. Nous avons déterminé
ce diamètre lors des expériences de diffusion X.
D’une part, nous avons, à l’aide d’une diode, mesuré l’intensité transmise par la fibre selon sa
position dans le faisceau (Figure III-12) et d’autre part, en intégrant le signal mesuré sur le
détecteur autour de 1,4Å-1, nous avons déterminé l’intensité totale diffusée par le PVA (Figure
III-13).
Ces deux grandeurs peuvent être calculées en fonction du diamètre de la fibre.
- Calcul de la transmission
La transmission T est définie par
dxxeTx
x∫ −Δ=
2
1
))(exp(1 μρ éq. 41
où :
μ est la coefficient d’absorption massique de la fibre, ρ sa densité et 222)( xRxe −= son
épaisseur à l’abscisse x (x=0 représente le centre de la fibre, R est son rayon).
x1 et x2 sont les valeurs inférieure et supérieure de x qui délimitent la portion de la fibre dans
le faisceau, schématisé par une fonction créneau de largeur wfaisceau=1 μm :
x1=MAX(x- wfaisceau /2,-R), x2=MIN(x+ wfaisceau /2,R), (MIN = plus petite des deux valeurs,
MAX=plus grande) , Δ=x2-x1.
L’absorption mesurée est très faible (1%), ainsi, on peut utiliser le développement limité :
exp(-μρe(x))=1-μρe(x).
En utilisant aussi que )/sin(22222
22Rxa
RxRxdxxR +
−=−∫ (éq. 42), on obtient :
127
[ ]))/sin()/sin((1 1222
12
122
22 RxaRxaRxRxxRxT −+−−−Δ−= μρ
(éq. 43) pour x1≥-R et
x2≤R et T=1 sinon.
- Calcul de l’intensité diffusée totale
L’absorption étant très faible, l’intensité diffusée peut être considérée proportionnelle à la
section de fibre traversée par le faisceau :
))/sin()/sin((~ 1222
12
122
22 RxaRxaRxRxxRxI −+−−− (éq. 44) pour x1≥-R et x2≤R et
I=0 sinon.
Le meilleur ajustement des données expérimentales à l’aide des équations 43 et 44 est obtenu,
pour l’intensité transmise comme pour celle diffusée totale, pour un diamètre Φ=19 μm
(Figure III-12 et Figure III-13). Les mesures d’absorption et de diffusion des rayons X nous
ont donc permis de déterminer sans ambiguïté le diamètre de la fibre étudiée.
Une autre grandeur intéressante, reportée sur la Figure III-13, est la contribution de la surface
de la fibre au signal de diffraction, proportionnelle à la surface de la fibre : elle permet de
définir le « bord » de la fibre dans notre expérience.
128
Figure III-12 : intensité transmise par la fibre HiP6 en fonction de la position du faisceau sur la fibre, les
cercles ouverts représentent les résultats expérimentaux, la ligne pleine représente la transmission calculée
pour une fibre de diamètre de 19µm.
Figure III-13 : intensité diffusée par le PVA (cercles ouverts), calcul des intensités diffusées par une fibre
de diamètre 19µm et par la surface de la fibre (ligne pointillée et ligne pleine respectivement) en fonction
de la position du faisceau sur la fibre.
Sur la Figure III-14, on reporte l’alignement des nanotubes -obtenu en affinant les
scans angulaires réalisés à Q<1Å-1 comme détaillé au paragraphe III.2.2- ainsi que la
contribution de la surface au signal diffracté rapportée au signal total (rapport des aires des
portions de la surface et de la fibre traversées par le faisceau). On en déduit que l’orientation
des NTs est bien mesurée jusqu’en bord de fibre et qu‘elle ne varie pas suivant le diamètre de
129
la fibre. Nos premières analyses sur les autres fibres étudiées indiquent que ce résultat serait
général.
Figure III-14 : cercle noirs : mi-largeur à mi-hauteur w provenant du signal des nanotubes à Q = 0,67Å-1
en fonction de la position du faisceau sur la fibre, ligne grise : contribution relative de la surface de la
fibre par rapport à l’intensité totale diffusée ; en abscisse : la position du faisceau sur la fibre.
La contradiction entre les résultats obtenus en Raman et en diffusion des rayons X ne
peut donc pas s’expliquer par une différence d’alignement entre bord et cœur de la fibre.
Deux possibilités peuvent être considérées :
- une différence structurale entre les fibres étudiées en Raman et en diffusion X. Elle nous
semble peu probable dans la mesure où les fibres étudiées avaient été réalisées dans des
conditions similaires au CRPP et parce que des mesures effectuées en diffusion des rayons X
sur différentes fibres réalisées de manière analogues ont toujours donné des valeurs
d’alignement comparables [P. Launois, communication privée]. Néanmoins, cette hypothèse
ne peut être exclue dans l’état actuel des expériences. Des expériences réalisées sur les mêmes
fibres en spectroscopie Raman polarisée et en diffusion X sont en cours d’analyse.
- une inadéquation du modèle développé [Anglaret 2002] pour déduire l’orientation des
nanotubes des mesures de diffusion Raman.
Soulignons finalement que l’homogénéité de l’orientation des nanotubes selon le
diamètre est importante au regard des propriétés physiques des fibres. En effet, elles seront les
130
mêmes en tout point de la fibre dans une fibre où l’orientation des nanotubes est homogène.
La relation structure-homogénéité-propriétés est par exemple illustrée dans le cas de fibres de
carbone par les expériences en microfaisceau de Loidl et collaborateurs [Loidl 2003].
III.3 Evolution des propriétés physiques en
fonction de l’alignement des nanotubes dans la
fibre
Nous montrerons dans ce paragraphe que nos études structurales permettent de corréler
propriétés électriques et mécaniques des fibres [Badaire 2004, Badaire 2005] à l’alignement
des nanotubes ; une modélisation dans le cadre de la mécanique des milieux continus [Liu
2003] est utilisée pour rendre compte des propriétés mécaniques des fibres étirées dans un
solvant.
III.3.1 Propriétés mécaniques
Les propriétés mécaniques des fibres ont été étudiées en utilisant une machine de
traction. Les extrémités des fibres sont collées entre deux morceaux de papier, ensuite, les
papiers sont placés dans les mors de la machine de traction (Figure III-15). Un exemple de
courbe de traction obtenue à partir d’une fibre de nanotubes HiPco non purifiés est donné
Figure III-16. Cette courbe se divise en 2 parties. Une première partie de la courbe est
linéaire, il s’agit du régime élastique, la deuxième partie de la courbe est plus plate, c’est le
régime plastique. A partir de cette courbe, on peut obtenir plusieurs grandeurs importantes :
on peut déterminer le module d’Young (E) qui est la pente de la partie élastique de la courbe,
on peut aussi déterminer la valeur de la contrainte à la rupture qui est la valeur de la contrainte
pour laquelle le matériau casse et la valeur de l’allongement à la rupture. Enfin, il est possible
de remonter à la ténacité du matériau en calculant l’aire se trouvant sous la courbe de traction.
Cette dernière grandeur caractérise la capacité du matériau à absorber l’énergie.
131
Figure III-15 : schéma de la machine de traction
III.3.1.1 Fibres étirées par voie humide
Figure III-16 : courbe de traction obtenue sur la fibre Hi6 (d’après [Badaire 2005])
A partir des courbes de traction obtenues sur les fibres « Hin » et des mesures
structurales, nous obtenons l’évolution du module Young et de la contrainte à la rupture en
fonction des alignements des nanotubes. La Figure III-17 montre que le module d’Young
ainsi que la contrainte à la rupture augmentent avec l’allongement des fibres lors du
132
traitement post-synthèse, et donc avec l’alignement des nanotubes (rappelons que
l’alignement des nanotubes est caractérisé par deux valeurs : la mi-largeur à mi-hauteur de la
distribution Gaussienne pour les nanotubes orientés et la fraction de nanotubes désorientés ;
toutes deux diminuent quand les fibres sont allongées dans un solvant, avant séchage puis
mesure des propriétés mécaniques). Le module d’Young peut atteindre 22 GPa, et la
contrainte à la rupture 170MPa. Ces valeurs ne sont pas des valeurs records pour une fibre de
nanotubes. L’intérêt des mesures présentées ici est qu’elles constituent actuellement les seuls
résultats quantitatifs permettant de relier l’alignement des nanotubes et les propriétés
mécaniques des fibres. L’allongement à la rupture, mesuré entre 3 à 12%, n’est pas reporté
ici : son comportement est assez erratique, cette grandeur est très sensible aux défauts
structuraux. La ténacité varie donc elle aussi de manière irrégulière, entre 2 et 12 J/g.
Figure III-17 : évolution du module d’Young (cercles) et de la contrainte à la rupture (triangles) en
fonction de l’allongement des fibres lors du traitement post-synthèse (fibres Hi1-Hi5).
133
III.3.1.2 Fibres étirées à chaud
Une courbe de traction typique d’une fibre étirée à chaud est reportée sur la Figure
III-18. La contrainte à la rupture (1730 MPa) et le module d’Young (36,8 GPa) sont
respectivement un ordre de grandeur et 2 fois plus grand que ceux mesurés pour des fibres
étirées par voie humide. La ténacité est de 41,3 J/g, un peu supérieure à celle des fibres de
kevlar (~30J/g). Les propriétés mécaniques des fibres étirées à chaud sont nettement
supérieures à celles des fibres étirées dans un solvant.
Figure III-18 : courbe de traction obtenue pour une fibre étirée à chaud (d’après [Badaire 2005])
III.3.1.3 Discussion
Nous avons montré que les propriétés mécaniques des fibres pré-étirées dans un
solvant s’améliorent avec l’alignement des nanotubes. Liu et Kumar [Liu 2003] avaient prédit
une amélioration du module d’Young avec l’alignement des nanotubes dans le cadre de la
mécanique des milieux continus. Nous présentons ici l’application de leur modèle à nos
résultats expérimentaux. Les auteurs ne prennent pas en compte dans leur modèle l’aspect
composite des fibres, formées à 50% de PVA et à 50% de nanotubes. Cette hypothèse peut se
justifier dans la mesure où des expériences de traction réalisées sur des fibres de nanotubes
dont le PVA a été brûlé [Vigolo 2002-3, Badaire 2005] montrent que le module d’Young reste
le même avec et sans PVA (la partie plastique de la courbe disparaît quand on brûle le PVA
134
par contre). Dans le cadre du modèle de Liu et Kumar, le module d’Young d’un échantillon
de nanotubes orientés s’écrit 11 :
)(cos2111)(cos22115,0
4
1
12
1221
2
21
12
122θθ ⎟
⎠⎞
⎜⎝⎛ +−++⎟
⎠⎞
⎜⎝⎛ −−+
=
Ev
GEEEEv
GE
E ,
où E1, E2, G12 et v12 désignent respectivement le module longitudinal, le module transverse, le
module de cisaillement et le coefficient de Poisson d’un faisceau de nanotubes. Les valeurs
moyennes <cos2(θ)> et <cos4(θ)> sont prises sur la distribution orientationnelle des nanotubes
i.e. à partir des données du Tableau 10 pour les fibres Hi1-Hi5. Comme dans la référence [Liu
2003], nous avons supposé E1=640 GPa, E2=15 GPa et v 12= 0,17 (soit approximativement les
valeurs calculées par Popov et collaborateurs [Popov 2000]), et nous avons ajusté la valeur de
G12, qui dépend du caractère isolé ou de l’assemblage en faisceaux des tubes, pour rendre
compte de nos résultats expérimentaux. La valeur obtenue -15GPa- n’est qu’indicative
(compte-tenu en particulier de l’hypothèse qui consiste à négliger le rôle du PVA) mais est
raisonnable : elle correspond à des faisceaux de faibles diamètres [Salvetat 1999]. Les valeurs
mesurées et calculées du module d’Young sont reportées sur la Figure III-19. L’accord
mesures-calcul n’est que qualitatif, la variation du module d’Young calculée étant un peu trop
faible, mais on trouve bien une amélioration du module d’Young avec l’amélioration de
l’alignement des nanotubes, i.e. pour les fibres qui ont été les plus allongées dans le solvant.
Une vue d’ensemble de la courbe module d’Young en fonction de l’alignement des nanotubes
est donnée sur la Figure III-20 : ce calcul a été réalisé en supposant simplement une
distribution d’orientation Gaussienne des nanotubes, pour les mêmes valeurs des modules
longitudinal, transverse, de cisaillement et du coefficient de Poisson que précédemment. Si les
nanotubes étaient parfaitement orientés (<cos2(θ)>=1 et <cos4(θ)>=1), le module d’Young
tendrait vers E1/2~320 GPa (E1 est le module longitudinal d’un nanotube, le facteur 2 est dû à
la densité 1/2 des nanotubes dans la fibre). Pour des nanotubes sans aucune orientation
préférentielle (<cos2(θ)>=1/3 et <cos4(θ)>=1/5), on obtient
GPaGE
GE
Ev
GEE
E 1144
154238
5.7122
122
1
12
1212
≈+
≈−++
=
Il apparaît donc, dans le cadre du modèle proposé :
11 Cette formule est celle donnée dans la réf. [Liu 2003] au facteur 0.5 près. Liu et Kumar avaient en effet considéré la densité de la fibre comme représentant celle des nanotubes : le facteur 0.5 est introduit pour prendre en compte la densité des nanotubes dans la fibre (50% en poids).
135
- que la faible variation du module (Figure III-19) est due à l’alignement « insuffisant » des
nanotubes (la pente de la courbe module d’Young = f(alignement) augmente avec
l’alignement sur la Figure III-20)
- que de bien meilleures valeurs que celles mesurées sont espérées pour de très bons
alignements.
Figure III-19. Fibres Hi1-Hi5 : module d’Young mesuré (cercles) et calculé (croix) dans le cadre du
modèle de Liu et Kumar [Liu 2003]. En abscisse : allongement des fibres lors du traitement par étirement
dans un solvant.
Figure III-20. Module d’Young calculé dans le cadre du modèle de Liu et Kumar pour une distribution
d’orientation Gaussienne pour les nanotubes ; en abscisse : la demi-largeur à mi-hauteur de la
distribution. La ligne en pointillée correspond à la limite où les nanotubes ne seraient pas orientés.
136
Le meilleur module d’Young obtenu sur les fibres Hin est de 22 GPa pour une
contrainte à la rupture de 170 GPa. Ces valeurs peuvent être comparées aux autres données
reportées dans la littérature. Vigolo et al. [Vigolo 2002-1] trouvent un module d’Young de 40
GPa et une contrainte à la rupture 230 MPa pour des fibres étirées réalisées par le même
procédé, à partir de nanotubes synthétisés par arc électrique. Dalton et al. [Dalton 2003]
rapportent un module d’Young de 80GPa pour des fibres mixtes nanotubes HiPco + PVA.
Ericson et al. [Ericson 2004] trouvent pour des fibres de nanotubes HiPco réalisés sans PVA,
après une dissolution dans un bain d’acide sulfurique fumant et filage, un module d’Young de
120 GPa et une contrainte à la rupture de 116 MPa. En résumé, les valeurs de module
d’Young et de contrainte à la rupture que nous avons reportées ne sont pas les meilleures
même si elles sont tout à fait correctes. L’intérêt de ces mesures est la démonstration,
quantitative, de l’évolution des propriétés des fibres avec l’amélioration de l’alignement des
nanotubes.
Les très bonnes propriétés mécaniques des feuillets de graphène ont été étudiées et
utilisées bien avant la découverte des nanotubes de carbone : de nombreuses études sur les
fibres de carbone se sont développées à partir de 1950 (voir par exemple l’introduction du
livre de M. Dresselhaus et collaborateurs [Dresselhaus 2001]). Il est intéressant de comparer
nos résultats à ceux obtenus pour des fibres de carbone. Ces dernières se divisent
schématiquement en deux catégories : les fibres à haut et ultra-haut module d’Young et celles
à grande contrainte à la rupture. Les modules d’Young des premières atteignent presque 800
GPa, pour une contrainte à la rupture de 2 GPa, et la contrainte à la rupture des fibres de la
seconde catégorie atteint 6 GPa pour un module d’Young de 200 à 250 GPa (cf. Fig. 6 de la
référence [Dresselhaus 2001]). Les modules d’Young et contraintes à la rupture des fibres à
base de nanotubes sont donc encore un peu faibles au regard des fibres de carbone.
Une autre propriété mécanique est importante: la ténacité, c’est-à-dire, la capacité d’un
matériau à absorber l’énergie. Dalton et collaborateurs [Dalton 2003] ont obtenu une ténacité
record de 570 Jg-1 pour leurs fibres mixtes nanotubes-PVA. Ceci est en partie dû au très grand
étirement de leurs fibres sous traction, de l’ordre de 100% (rappelons que la ténacité d’un
matériau est proportionnelle à l’aire se trouvant sous la courbe de traction). Ce résultat a fait
137
sensation dans la mesure où la ténacité du fil d’araignée -matériau « le plus tenace » au
monde- était dépassée (le fil de traîne de certaines araignées possède une ténacité de 165 Jg-1).
Ce résultat avait été obtenu sur des fibres analogues à celles HiPn que nous avons étudiées et
qui ne présentaient pas de telles propriétés. Il peut maintenant être reproduit par l’équipe de P.
Poulin [Miaudet à paraître], qui l’attribue en grande partie à une amélioration de la qualité des
nanotubes utilisés pour le filage. Si une ténacité de plusieurs centaines de Jg-1 est
exceptionnelle, les valeurs des étirements (~100%) peuvent limiter les domaines
d’application. De ce point de vue, les fibres étirées à chaud apparaissent particulièrement
intéressantes : elles possèdent une ténacité de 40Jg-1, supérieure par exemple à celle des fibres
synthétiques de kevlar (~30Jg-1) pour un allongement à la rupture de seulement quelques %.
Dans le cas des fibres étirées à chaud, la forte ténacité est due aux grandes valeurs du
module d’Young (~37GPa) et de la contrainte à la rupture (~1,7GPa). Le très bon alignement
des nanotubes après le traitement d’étirement à chaud est a priori l’un des facteurs qui
explique l’amélioration des propriétés mécaniques. Néanmoins, un autre aspect doit être
considéré : le rôle du PVA, qui cristallise (au moins en partie) lors de l’étirement à chaud. En
effet, la forme des courbes de traction sur les Figure III-16 et Figure III-18, pour des fibres
formées de nanotubes et de PVA amorphe ou cristallisé, est différente, ce qui indique un rôle
particulier du PVA cristallisé. Hong et Miyasake [Hong 1991] reportent d’ailleurs de très
bonnes propriétés mécaniques pour des fibres de PVA cristallisé pur. Enfin, le PVA cristallisé
peut former autour des nanotubes un revêtement qui optimiserait les transferts de contraintes
[Coleman 2004]. En résumé, les propriétés mécaniques des fibres mixtes nanotubes-PVA
traitées à haute température sont très prometteuses mais ne peuvent pas être analysées dans le
cadre d’un modèle aussi simple que celui présenté pour les fibres traitées dans un solvant. Le
rôle du polymère doit être analysé en détails.
138
III.3.2 Propriétés électriques
Les fibres « HiPn » ont été utilisées pour analyser l’évolution de la conduction
électrique avec l’alignement des nanotubes [Badaire 2004], comme illustré sur la Figure
III-21 qui reporte la résistivité à température ambiante selon l’allongement des fibres lors de
l’étirement sous solvant.
Les résistivités mesurées sont de quelques centaines d’ohm.cm. Ces valeurs assez
élevées sont dues au caractère composite de la fibre : si les faisceaux de nanotubes, composés
pour 1/3 de nanotubes métalliques et 2/3 de nanotubes semi-conducteurs, peuvent être
considérés globalement comme conducteurs, le PVA lui est un isolant. Le PVA peut être
éliminé par recuit des fibres à 1000°C sous hydrogène [Launois 2001]. Les résistivités
mesurées sont alors 4 à 5 ordres de grandeur plus faibles [Badaire 2004]. Sur des fibres de
nanotubes obtenues par traitement acide, sans PVA, Ericson et collaborateurs [Ericson 2004]
reportent aussi une résistivité très faible (0,0002 Ωcm).
La résistivité diminue avec l’allongement des fibres c’est-à-dire pour un meilleur
alignement des nanotubes, ceci pour des fibres nanotubes+PVA ou nanotubes seuls. Ce
résultat a été interprété comme suit par S. Badaire [Badaire 2005]. La résistivité est supposée
être principalement due aux résistances de contact entre les faisceaux. La densité des
nanotubes étant importante (~50% pour les fibres PVA+NTs, « 100% » pour les fibres NTs),
on peut supposer que les améliorations de l’alignement des nanotubes modifieront peu le
nombre de contacts entre faisceaux. A nombre de contacts constant, on explique alors la
diminution de la résistivité par le changement de la géométrie du contact avec l’alignement du
nanotube. S . Badaire calcule ainsi une diminution de la résistivité pour de meilleurs
alignements. Néanmoins, la courbe qu’il obtient est trop monotone au regard de celle
expérimentale, où l’on observe d’abord une forte décroissance de la résistivité puis une
évolution beaucoup plus lente, comme montré sur la Figure III-21. Le facteur limitant la
diminution de la résistivité n’a pas encore été clairement identifié.
139
Figure III-21 : résistivité à température ambiante en fonction l’allongement des fibres (deux séries de
« morceaux » des fibres « HiPn » ont été utilisées, correspondant aux ronds vides et aux carrés pleins). La
courbe en pointillés est un guide pour l’œil.
Pour terminer ce paragraphe, je mentionne ici une autre étude intéressante qui a été
réalisée par l’équipe d’H. Bouchiat au LPS, en collaboration avec F. Ladieu au SPEC-Saclay,
sur des échantillons du CRPP : l’étude de leur diamagnétisme. La mesure de la conductivité
de fibres de nanotubes « isolées » avait montré qu’elles deviennent supraconductrices à basses
températures [Kociak 2001]. L’étude des propriétés magnétiques d’échantillons
macroscopiques a permis de mettre en évidence un effet Meissner [Ferrier 2004, Ferrier
soumis].
III.4 Des tapis aux fibres de nanotubes
Les nanotubes monoparois -utilisés dans les fibres dont nous avons présenté l’étude
jusqu’ici- sont assez flexibles : on obtient à l’issue de la synthèse une poudre qui ressemble à
un « plat de spaghettis », c’est-à-dire qui est formée de nanotubes courbes et enchevêtrés. Les
nanotubes multiparois dans les tapis synthétisés au LFP (chapitre II) présentent la particularité
d’être bien plus rigides et très longs. Ceci pourrait être un atout dans des fibres, et nous avons
donc essayé de réaliser des fibres à partir de ces nanotubes. Nous présentons ici les premiers
essais de filage des nanotubes multiparois du LFP et les premiers résultats sur la structure, les
propriétés mécaniques et les propriétés électriques des fibres réalisées.
140
III.4.1 Synthèse des fibres
Pour chaque nouveau type de nanotubes utilisés pour faire des fibres, il est nécessaire
d’optimiser les différents paramètres de dispersion et de filage (étude du diagramme de phase
SDS-NTs, nature de la solution de polymère utilisée, distance de l’injection par rapport au
centre du bain de polymère…). Néanmoins, grâce à l’expérience acquise ces dernières années
au CRPP et des expériences préliminaires réalisées par Philippe Poulin, nous avons réussi à
réaliser des petits bout de fibres en à peine une semaine. Les nanotubes utilisés ont été
synthétisés à partir du générateur d’aérosol et ont été recuits à 2000°C sous argon pendant 2
heures (cf. chapitre II). Les expériences de dispersion et de coagulation sont détaillées ci-
après.
Dispersion des nanotubes.
On place dans un tube à essai de petits morceaux de tapis de nanotubes (0,7% en poids), de la
poudre de SDS (1,4%) et on verse de l’eau. Les nanotubes se déposent au fond du tube à
essai, ce qui montre qu’ils ne sont pas dispersés. On agite alors mécaniquement le tube à
essai, jusqu’à commencer à observer un léger noircissement de la solution. Une sonde
ultrasons permet ensuite d’améliorer la dispersion en cassant les gros agglomérats de
nanotubes se trouvant en solution ; plusieurs cycles de 15 minutes à 30 Watts sont effectués
jusqu’à obtenir une dispersion convenable. L’état de la dispersion a été testé par microscopie
optique en déposant une goutte de solution provenant du fond du tube (si il reste des
agglomérats, ils auront tendance à sédimenter au fond du tube) entre deux lamelles de
microscope. On montre sur la Figure III-22 une mauvaise dispersion (en (a)) et une meilleure
dispersion (en (b)). Les essais de filage ont été réalisés à partir de solution de nanotube
dispersés comme illustré sur la Figure III-22(b). Notons qu’il est à craindre que les nanotubes,
initialement très longs, aient été cassés et soient beaucoup plus courts, à l’issue des
traitements ultrasons. Cet aspect sera à étudier et à améliorer dans l’avenir.
Coagulation.
Dans le cas des nanotubes HiPco, l’injection de la dispersion de nanotubes dans un bain de
PVA (Aldrich 72000 g.mol-1) tournant permettait d’assurer l’agglomération. Pour les
141
nanotubes multiparois du LFP, les premières fibres réalisées ainsi se décomposaient dans le
bain de polymère peu de temps après l’arrêt de la rotation du bain. Ainsi, nous avons dû
rajouter un peu de floculant (CH498) de manière à mieux agréger les nanotubes et le
polymère entre eux. De plus, pour faciliter le coulage des fibres, un peu d’acide (HCl) a été
ajouté dans le bain de polymère. Finalement, certaines fibres ont ensuite été placées dans un
bain statique de PVA tandis que d’autres ont été lavées à l’eau. Elles ont ensuite été sorties du
bain (PVA ou eau) et séchées à l’air, à température ambiante. Les fibres obtenues (Tableau
12) ont typiquement un diamètre compris entre 30 et 100 μm. Elles sont assez inhomogènes :
il est possible de distinguer visuellement des parties de fibres qui sont plus ou moins épaisses.
Figure III-22. Observation de gouttes de suspension en microscopie optique : (a) nanotubes mal dispersés ;
de gros agglomérats sont visibles, (b) nanotubes mieux dispersés.
142
Fibres Conditions de mise en fibre
Fibre 1 Injection dans un bain tournant de PVA + 0,1%
floculant
Fibre 2 Injection dans un bain tournant de PVA + 0,1%
floculant
Fibre 3 Bain tournant : PVA + acide ; lavage à l’eau
Fibre 4 Comme fibre 3
Fibre 5 Comme fibre 3 mais injection avec seringue plus proche
de l’axe de rotation du bain (cisaillement plus faible)
Fibre 6 Bain : PVA + acide + floculant ; fibre re-trempée dans
PVA
Tableau 12 : liste et conditions de synthèse des fibres réalisées à partir des nanotubes multiparois
provenant des tapis de nanotubes synthétisés au LFP.
III.4.2 Alignement des nanotubes
L’orientation des nanotubes dans les fibres obtenues a été analysée par diffusion des
rayons X. Les expériences de diffusion de rayons X ont été effectuées au Laboratoire de
Physique des Solides sur une anode tournante, à la longueur d’onde du cuivre : λ = 1.5418Å.
Les fibres sont analysées en transmission suivant la même géométrie que celle décrite dans la
partie III.2. La Figure III-23 montre un cliché de diffraction typique, sur lequel on voit
clairement que le signal du PVA -amorphe- à 1.4Å-1 et la réflexion 002 des nanotubes sont
modulés angulairement, avec un maximum d’intensité perpendiculairement à l’axe de la fibre.
Cela montre que les nanotubes comme le PVA sont orientés le long de l’axe de la fibre. La
mi-largeur à mi-hauteur wr de la distribution angulaire de la réflexion 002 est reportée dans le
Tableau 13. Les largeurs trouvées varient entre 15 et 35° selon les fibres ou selon les portions
des fibres placées dans le faisceau de rayons X (rappelons en effet que les fibres ne sont pas
homogènes). L’obtention de très bons alignements (15°) dès les premiers essais est à priori à
attribuer à la rigidité des nanotubes utilisés : la mise en fibres de nanotubes rigides apparaît
donc -comme espéré- être une option intéressante.
143
Figure III-23 : cliché de diffraction des rayons X obtenus sur la fibre 1 (flèche pointillée : signal du PVA
amorphe, flèche pleine : réflexion 002 des nanotubes).
III.4.3 Propriétés mécaniques et électriques des fibres
Pour étudier les propriétés mécaniques des fibres, une longueur de 3 cm minimum est
nécessaire : seules les fibres 2, 4 et 5 étaient assez longues pour être étudiées. Pour chacune
d’elles, nous avons obtenu des courbes de traction (Figure III-24) à partir desquelles nous
avons déterminé le module d’Young, la contrainte à la rupture et l’allongement à la rupture.
La fibre 2 possède des propriétés mécaniques correctes par comparaison avec les fibres de
nanotubes monoparois, avec un module d’Young de 4GPa, une contrainte à la rupture de 140
MPa et un allongement à la rupture de 40%. Les 2 autres fibres ont de moins bonnes
propriétés : le module d’Young est inférieur à 1GPa. On peut difficilement à ce stade, compte-
tenu de l’inhomogénéité de ces premières fibres, discuter de la relation entre structure et
propriétés mécaniques.
144
Figure III-24 : courbe de traction réalisée sur la fibre 2.
La résistivité électrique à température ambiante varie entre 0,03 et 3,5 Ωcm. Les plus
grandes valeurs correspondent aux fibres re-trempées dans un bain de PVA (fibres 1 et 6) et
les plus faibles aux fibres rincées à l’eau (fibres 3-5). Les fibres rincées à l’eau contiennent
moins de PVA, isolant, ce qui explique que leur résistivité soit moindre. Enfin, on peut noter
que les valeurs de résistivités obtenues pour les fibres de nanotubes multiparois sont plus
faibles que celles pour les monoparois : les contacts électriques seraient meilleurs pour des
nanotubes multiparois, plus larges [Badaire 2005]. Rappelons enfin que les tubes ont été
fortement hachés aux ultrasons et qu’ensuite seuls les plus petits ont probablement été
conservés (pas de prise du sédiment) ; il sera intéressant d’améliorer les conditions de
dispersion et de filage pour réaliser des fibres avec des nanotubes plus longs : ces fibres
pourraient présenter une meilleure conduction.
145
Fibres wr
Module
Young
(GPa)
Contrainte
rupture
(MPa)
Allongement
à la rupture
(%)
Résistivité
(ohm.cm)
Fibre 1 15° - 16° 3,5
Fibre 2
22,5° - 36° 4 140 40
Fibre 3 30,5°
0,06
Fibre 4
30° 0,3 13 5,5 0,4
Fibre 5
30° 0,5 19 5,5 0,03
Fibre 6
32° - 35° 1
Tableau 13 : Demi largeur à mi-hauteur de la distribution angulaire de la réflexion (002) des nanotubes,
module d’Young, contrainte à la rupture, allongement à la rupture et résistivité électrique à température
ambiante mesurées pour les différentes fibres.
III.4.4 Discussion
Les résultats obtenus lors de ces premières expériences nous semblent tout à fait
prometteurs. En effet, nous avons montré :
i) qu’il est possible de disperser les nanotubes très rectilignes synthétisés sous forme de tapis
et de les filer pour obtenir des fibres.
ii) que l’alignement des nanotubes dans ces fibres peut atteindre de bonnes valeurs (wr=15°),
probablement –comme nous l’escomptions- parce que les nanotubes sont rectilignes
iii) que les propriétés mécaniques des fibres sont correctes
iv) que leurs propriétés de conduction électriques sont intéressantes.
La dispersion et le filage des nanotubes, très longs, de grands diamètres, se sont
néanmoins avérés difficiles (ainsi, il a fallu couper fortement les nanotubes lors de l’étape de
sonication). Les fibres obtenues sont assez inhomogènes. Il est donc important au stade actuel
146
de reprendre l’étude détaillée de ces deux étapes. Des résultats encourageants en terme de
dispersions viennent d’être obtenus récemment au LFP [M. Mayne-L’Hermite,
communication privée].
147
III.5 Conclusion
Nous avons dans un premier temps étudié l’influence du traitement d’allongement post-
synthèse sur la structure de fibres de nanotubes monoparois. L’alignement des nanotubes a
pour la première fois été analysé de manière détaillée dans le cadre d’un modèle permettant de
relier quantités mesurées dans l’espace réciproque et fonction d’orientation dans l’espace
direct. De plus, l’amélioration de l’alignement des nanotubes avec l’allongement de la fibre, si
elle est intuitive, n’avait pas encore été modélisée, ce que nous avons fait dans le cadre d’un
modèle affine d’orientation sous traction. L’accord entre modélisation et expériences est bon.
L’écart entre les valeurs d’orientation obtenues par diffusion des rayons X et par
spectroscopie Raman avait il y a trois ans soulevé la question de la variation de l’alignement
des nanotubes selon le diamètre de la fibre : l’alignement est-il meilleur au bord de la fibre
qu’en son centre ? Nous avons pu répondre à cette question grâce à des expériences de
microdiffraction X : l’alignement des nanotubes est le même dans toute la fibre.
Il faut souligner les très bonnes valeurs d’alignement obtenues après étirement dans un
solvant (15°) ou après étirement à chaud (7,5°). Dans le cas de l’étirement à chaud, la
diffusion des rayons X permet aussi de montrer que le PVA, amorphe dans la fibre brute, est
partiellement cristallisé dans la fibre qui a été étirée.
Dans un deuxième temps, nous nous sommes intéressés à la relation entre propriétés
mécaniques et électriques des fibres et l’alignement des nanotubes. Elles sont améliorées par
l’orientation des nanotubes. Dans le cas des fibres étirées dans un solvant, nous avons montré
que l’évolution du module d’Young avec l’alignement des nanotubes peut en première
approximation être rendue dans le cadre de la mécanique des milieux continus. Les meilleures
valeurs de module d’Young et contrainte à la rupture obtenues (respectivement 22GPa et
170MPa) ne sont pas encore suffisamment élevées si on les compare au mêmes grandeurs
pour les fibres de carbone. Néanmoins les propriétés mécaniques optimales attendues des
fibres de nanotubes sont bien meilleures que celles actuelles : la marge de progression est
importante. Enfin, dans le cas des fibres étirées à chaud, la ténacité est très forte (meilleure
que pour le kevlar), ce qui ouvre des perspectives dans le domaine de l’absorption d’énergie
(gilets pare-balles, ceintures de sécurité, etc.) .
148
Enfin, nous avons montré qu’il était possible de filer sous forme de fibres les
nanotubes multiparois très rectilignes étudiés en tapis dans le chapitre 2, que de bons
alignements des nanotubes pouvaient être obtenus (15°) et que les propriétés de conduction
électrique de ces fibres sont prometteuses.
149
IV Peapods
IV.1 Introduction
Les « peapods » sont des systèmes hybrides composés de fullerènes encapsulés à
l’intérieur de nanotubes monoparois. La dénomination « peapod » qui signifie « cosse de
petits pois » en français a été donnée en raison des images observées en microscopie
électronique en transmission (Figure IV-1), le nanotube de carbone est assimilé à la cosse, et
les fullerènes aux petits pois.
Figure IV-1 : image de microscopie électronique en transmission (L. Noé)
Les premiers échantillons de peapods ont été observés en 1998 [Smith 1998]. Lors
d’expériences de synthèse par ablation laser utilisant des catalyseurs métalliques, il est
possible d’obtenir à la fois des nanotubes monoparois d’une part et des fullerènes d’autre part.
Smith et al. ont réussi à observer par microscopie électronique haute résolution la présence de
molécules de C60 à l’intérieur des nanotubes. Des taux de remplissages de quelques % dans
des échantillons macroscopiques étaient reportés en 1999 [Burtheau 1999], puis très vite des
progrès importants ont été réalisés en terme de taux de remplissage, comme illustré par les
résultats de Kataura et collaborateurs en 2001 [Kataura 2001]. Le lecteur peut sur le sujet se
référer à l’article de revue [Monthioux 2002].
Les échantillons macroscopiques de peapods sont obtenus en partant d’échantillons de
nanotubes monoparois et de fullerènes synthétisés séparément au préalable. Les nanotubes
doivent être ouverts pour permettre l’insertion des fullerènes. Leur ouverture est réalisée par
attaque chimique (par H2O2 à 1250°C [Kataura 2001] ou par oxydation sous air à ~ 420°C
[Cambedouzou 2004]). Les nanotubes ouverts sont placés, avec la poudre de fullerènes, dans
un réacteur sous vide. Le réacteur est chauffé (~ 650°C) pour sublimer les fullerènes. Ces
derniers diffusent dans les nanotubes [Ulbricht 2003] et y restent « piégés » : leur énergie de
liaison est négative (pour des diamètres adaptés des nanotubes).
150
Deux méthodes peuvent être adoptées pour obtenir des échantillons de peapods
orientés :
i) la mise en forme d’échantillons de peapods préalablement réalisés sous forme de poudre.
Nous avons mentionné au chapitre I (§I.3) la réalisation de pastilles de nanotubes très bien
orientés par rapport au plan de la pastille [Bendiab 2003] : des études sont menées pour
réaliser les mêmes échantillons avec des peapods [R. Almairac, communication privée, Zhou
2004]. Par ailleurs, dans le cadre d’une collaboration entre les équipes de M. Monthioux au
CEMES (Toulouse), de P. Launois au laboratoire et de P. Poulin au CRPP (Bordeaux), de
premiers échantillons de fibres de peapods ont pu être réalisés très récemment.
ii) l’insertion des fullerènes dans les échantillons de nanotubes dans lesquels ils sont déjà
orientés : cette insertion ne semble pas perturber notablement l’alignement préalable des
nanotubes . Ainsi, Kataura et collaborateurs [Kataura 2001] ont utilisé les « papiers » 2D de
nanotubes [Rinzler 1998] pour réaliser des « papiers » de peapods. F. Simon, à l’Institut für
Materialphysik de Vienne, a synthétisé des peapods à partir de papiers de nanotubes orientés
selon un axe dans le plan du papier, obtenus en filtrant des dispersions de nanotubes sous
champ magnétique [Walter 2001].
Les peapods sont des objets intéressants de différents points de vue. Sur le plan
structural tout d’abord, où le confinement dans le nanotube impose une structure
unidimensionnelle aux chaînes de fullerènes. Ceci est vrai pour des nanotubes de diamètres
suffisamment faibles (ce sera le cas dans les études présentées ici). Au-delà, d’autres
structures originales, zigzag ou spirales, sont attendues [Troche 2005]. Par ailleurs, les
propriétés des peapods viendront probablement enrichir la liste déjà longue des propriétés
originales des nanotubes eux-mêmes (§I.2.3) : ainsi, par exemple, les molécules encapsulées
peuvent modifier les propriétés électroniques du nanotube [Hornbaker 2002, Okada 2003].
Les études structurales que nous présenterons ici portent sur des échantillons de
peapods en papier réalisés par H. Kataura ainsi que sur les échantillons plus orientés de F.
Simon. Les études sur les échantillons de Kataura ont été réalisées en collaboration avec J.
Cambedouzou, S. Rols et R. Almairac du LCVN (ex-GDPC) à Montpellier. Dans ce chapitre
assez court, nous souhaitons illustrer l’intérêt pour les études structurales d’aligner les
peapods. Nous ne présenterons pas en détail tous les aspects du travail réalisé. En particulier
pour ce qui est des différents modes de remplissages partiels possibles des nanotubes ou de
151
l’analyse approfondie de la détermination du taux de remplissage, le lecteur peut se référer à
[Cambedouzou 2004].
IV.2 Diffusion des rayons X
IV.2.1 Echantillon sous forme de poudre
IV.2.1.1 Calcul de la diffraction par une poudre de faisceaux de peapods
Pour calculer l’intensité diffractée par un peapod, il faut considérer le facteur de
structure d’une molécule de C60 et d’un nanotube. Dans ce calcul, réalisé pour s’appliquer aux
expériences de diffusion des rayons X où nous nous intéressons à des vecteurs d’ondes
inférieurs à 2Å-1, on se placera dans une approximation homogène. En effet, pour ces petites
valeurs de vecteurs d’onde, on n’est pratiquement pas sensible à la structure atomique des
nanotubes et des fullerènes, que l’on peut approximer par des cylindres homogènes (rayon RT
et densité surfacique en atomes de carbone σc~0,37 at/Å.) ou par des sphères (rayon
rC60=3,55Å). Considérons un faisceau de nanotubes monoparois comme au chapitre I, mais
cette fois-ci, les nanotubes sont remplis de molécules sphériques (Figure IV-2). Les
nanotubes, de longueur NcL, sont constitués de Nc cylindres de hauteur L contenant chacun
une molécule C60 ; L est la distance entre C60.
Figure IV-2 : Faisceau de nanotubes en projection perpendiculaire à l’axe des tubes (gauche), cylindre de
hauteur L contenant une molécule de C60.
152
La démarche suivie et les notations utilisées ci-après sont les mêmes qu’aux § I.4.2 et I.4.3.
Nous avons vu au chapitre I (équation 11) que le facteur de structure d’un nanotube de
longueur L s’écrit :
2/)2/sin()()2)(()( //0 LQ
LQRQJLRQfQFz
zTcTCT σπ= (éq. 45)
Pour le fullerène C60, on calcule l’intégrale de la transformée de Fourier de la densité
électronique sur une sphère de rayon rC60 et on obtient :
)()(60)( 60060 CCC QrjQfQF = (éq. 46) où xxxj )sin()(0 = est la fonction de Bessel sphérique
d’ordre zéro.
Le facteur de structure d’un faisceau de peapods de longueur NcL s’écrit alors :
( ) ( )∑−
=+∑=
1
0exp).exp())(exp()()()( 60
cN
nzizzCT
inLiQRQiiTiQQFQFQF
rrrrr (éq. 47)
Tz(i) est un nombre aléatoire compris entre 0 et L, ce terme étant introduit pour rendre compte
du fait que les C60 ne sont pas corrélés d’un tube à l’autre.
Notons ( )))()exp(()( 60 iTiQQFQFA zzCT
rr+=
et ( )))()exp(()(* 60 iTiQQFQFA zzCT −+=rr
son complexe conjugué.
L’intensité diffractée par un faisceau par unité de longueur s’écrit donc :
( ) ∑∑−
=−
1
0,,))(exp().exp(*1~
cN
mnz
jiij
cfag LmniQRQiAA
LNQI
rrr (éq. 48),
avec jiij RRRrrr
−=
D’où en faisant tendre Nc vers l’infini :
( ) ∑∑∞
−∞=−
kz
jiijfag LkQRQiAAQI )2().exp(*~
,
πδrrr
(éq. 49)
153
Le terme Qz=0 de l’équation 49 s’écrit :
∑+=ji
ijcTcTzc RQiQrjRQJLRQfC,
2600//02 ).exp())(60)(2)((rr
σπδ
et celui LkQz π2= avec k≠0 donne :
).)exp()()((exp())(60()2(,
26000,
2 ijji
zzzckk
zc RQijTiTiQQrjLkQfDrr
∑∑ −−=∞
≠−∞=
πδ
Pour ce calcul (qui vise à calculer une moyenne de poudre au final), considérons maintenant
un très grand nombre de faisceaux parallèles : nous considérons la moyenne sur les positions
Tz des fullerènes dans les tubes i et j des différents faisceaux. Ces positions étant aléatoires,
0)))()((exp( =− jTiTiQ zzz pour i≠j, 1)))()((exp( =− jTiTiQ zzz pour i=j.
Ainsi on obtient :
∑∞
≠−∞=−=
0,
26002 )2())(60(kk
zccT LkQQrjfND πδ
où NT est le nombre de nanotubes par fagot.
DCQI fag +~)(r
, soit :
⎟⎟⎠
⎞⎜⎜⎝
⎛−++ ∑∑
∞
≠−∞= 0,
2600,
2600//02 )2())(60().exp())(60)(2)((~)(kk
zcTji
ijcTcTzcfag LkQQrjNRQiQrjRQJLRQfQI πδσπδrrr
(éq. 50)
Dans le plan équatorial, on trouvera, comme pour les faisceaux de nanotubes, des maxima
d’intensité diffractée autour des positions du réseau hexagonal 2D du faisceau. Les intensités
sont néanmoins modifiées puisque données par le carré de la somme des facteurs de forme du
nanotube sur la longueur L et du C60. Cela donne lieu à des effets d’interférence importants
que nous discuterons plus loin. Dans les plans non équatoriaux, distants de 2π/L où L est la
période de l’arrangement 1D des C60, on observe de la diffusion diffuse, modulée seulement
par le carré du facteur de forme des C60.
Pour une poudre de faisceaux de nanotubes, en moyennant l’équation 50 sur toutes les
orientations possibles du vecteur d’onde dans l’espace réciproque, on obtient alors
(démonstration : annexe (f)): (éq. 51)
154
( ) ( ) ⎥⎦
⎤⎢⎣
⎡++∝ ∑ 2
600,
02
60002
)(60))2/((2)()(60)(2)( CTji
ijCTTc QrjQLIntNQRJQrjQRJLRQ
fQI πσπ
où Int(x) est la partie entière de x.
On a supposé dans les calculs précédents que le remplissage des nanotubes par les fullerènes
était complet. Pour un remplissage partiel p≤1 des nanotubes par des chaînes périodiques
supposées plus longues que la résolution expérimentale, on obtient : (éq. 52)
( ) ( ) ⎥⎦
⎤⎢⎣
⎡++∝ ∑ 2
600,
02
60002
)(60))2/((2)()(60)(2)( CTji
ijCTTc QrjpQLIntNQRJQrjpQRJLRQ
fQI πσπ
A partir de l’équation 52, il est possible de calculer numériquement l’intensité diffusée
par une de poudre de peapods. Un programme a été mis au point permettant de déterminer
cette intensité. Les paramètres d’entrée sont le rayon des nanotubes RT, le rayon des faisceaux
de nanotubes, la distance entre fullerènes à l’intérieur des tubes L, et le taux de remplissage p.
Un exemple de diffractogramme calculé est présenté dans la Figure IV-3.
Figure IV-3 : comparaison entre les diffractogrammes calculés pour une poudre de faisceaux de 12
nanotubes de rayons 6,8Å (haut) et une poudre de faisceaux de 12 peapods avec L=9,5Å. Les flèches
montrent les pics asymétriques caractéristiques de l’arrangement périodique 1D des fullerènes
[Cambedouzou 2004].
0 0,5 1 1,5 2 Q (Å-1)
155
Sur ce diffratogramme, on note deux points importants :
1) L’intensité du pic 10 situé à 0,44Å-1 pour les rayons des nanotubes considérés (6,8Å)
devient très faible lorsque les nanotubes sont remplis de C60. La forte diminution de l’intensité
du pic 10 est due à l’annulation de la somme des facteurs de forme du nanotube de longueur L
et du C60 à ce vecteur d’onde. L’intensité du pic 10 est donc un élément important pour
discuter du taux de remplissage des nanotubes.
2) De nouveaux pics, asymétriques, apparaissent à 0,66Å-1 et 1,32Å-1, soit à respectivement
2π/L et 4π/L, où L est la distance interfullerènes. Ils sont caractéristiques de l’arrangement
péridioque 1D des fullerènes. La position de ces pics permet sur un diffractogramme
expérimental de déterminer la distance entre les molécules de C60.
IV.2.1.2 Expériences de diffusion X : résultats et analyse
Des expériences de diffusion de rayons X ont été effectuées au LPS et au LCVN.
L’échantillon étudié consiste en de très petits morceaux de papier de peapods placés dans un
capillaire pour obtenir un équivalent d’un échantillon de poudre. Le diffractogramme obtenu à
partir de cet échantillon est présenté sur la Figure IV-4. La longueur d’onde utilisée pour cette
expérience était la longueur d’onde de la raie Kα du cuivre (1,542 Å), les données présentées
ont été récoltées sur le détecteur incurvé INEL CPS120 du LVCN.
156
Figure IV-4 : diffractogramme obtenu sur un échantillon équivalent à une poudre de peapods (haut),
diffractogramme calculé pour une poudre de peapods (bas) contenant 30 nanotubes par faisceau, la
distribution de rayons des nanotubes est très étroite et centrée autour de 6,76Å, la distance interfullerènes
considérée est de 9,8Å, le taux de remplissage est de 75%.
On représente aussi sur la Figure IV-4 une courbe calculée qui, on le voit, rend bien
compte du diffractogramme obtenu expérimentalement. De nombreux calculs ont été réalisés
pour différents paramètres. Ceux permettant d’obtenir ce bon accord avec l’expérience sont
les suivants : distribution de rayons très étroite centrée autour de 6,76Å pour les nanotubes,
faisceaux formés de 30 nanotubes, distance interfullerènes de 9,8Å et taux de remplissage de
75%12.
Ainsi, l’étude du diffractogramme d’une poudre de peapods permet de déterminer la
distance interfullerènes et le taux de remplissage des fullerènes. Il faut néanmoins noter que
cette détermination peut être difficile dans certains échantillons dont les diagrammes de
diffraction présenteraient des pics moins bien définis. En particulier, on peut être gêné par la
proximité de la raie des fullerènes et de la raie 11 des faisceaux (situées sur la Figure IV-4 à
~0,64 et 0,7 Å-1). De ce point de vue, disposer d’échantillons où les peapods sont au moins
partiellement orientés est intéressant.
12 La bonne valeur du taux de remplissage reportée pour les échantillons étudiés ici [Kataura 2001] a aussi pu être obtenue par d’autres équipes. Ainsi, nous avons mesuré des taux de remplissage de 90% sur les peapodssynthétisésau CEMES par L. Noé et M. Monthioux [Delhey 2005].
157
IV.2.2 Echantillons avec une orientation préférentielle des
peapods
Les expériences de diffusion des rayons X ont été effectuées au Laboratoire de
Physique des Solides sur anode tournante à la longueur d’onde de la raie Kα du cuivre
λ=1,542Å (pour l’échantillon de papier de peapods, des résultats similaires à ceux que nous
présentons ci-après sont obtenus par l’équipe du LVCN). Les mesures ont été réalisées sous
vide primaire de manière à limiter la diffusion par l’air. En effet, le signal diffracté par les
nanotubes monoparois et les peapods se situe à faibles vecteurs d’onde et la diffusion par
l’air, qui correspond aussi à des vecteurs d’onde faibles, doit être minimisée. Des détecteurs
bidimensionnels (image plate), plans ou cylindriques selon les cas, ont été utilisés pour
obtenir les signaux de diffusion.
Nous ne traiterons pas ici des calculs effectués dans le cas d’échantillon orientés,
détaillés en [Henry 2004, Goudichaud 2005] : nous nous limiterons -dans le but d’illustrer
l’intérêt de disposer de nanotubes alignés pour les études structurales- à la présentation des
résultats expérimentaux.
Dans le papier de peapods réalisé par H. Kataura, les peapods sont préférentiellement
alignés dans le plan du papier mais présentent une orientation quelconque à l’intérieur de ce
plan. Selon que le papier est placé perpendiculairement ou parallèlement au faisceau de
rayons X (en transmission ou en « réflexion », Figure IV-5), la répartition d’intensité -
mesurée perpendiculairement à l’axe du « porte-image plate » cylindrique- est tout à fait
différente. On le montre sur la Figure IV-6
158
Figure IV-5. Schéma du positionnement de l’ échantillon (rectangle noir) dans le faisceau de rayons X
Figure IV-6 : Peapods C60@SWNTs: courbe d’intensité en fonction du vecteur de diffusion Q quand
l’échantillon est positionné en réflexion (triangles) et en transmission (cercles). La flèche indique sur les
courbe en transmission le pic dû à l’arrangement périodique des fullerènes C60.
On observe que le pic relatif à la périodicité des fullerènes situé à 0,66Å-1 ressort beaucoup
plus fortement en transmission qu’en réflexion. On peut donc commencer à discriminer entre
signaux provenant de l’arrangement des nanotubes en faisceaux et ceux dû à l’arrangement
périodique 1D des fullerènes grâce aux papiers de peapods, en effectuant des expériences en
transmission et en « réflexion ». La raison est la suivante. Les pics de diffraction liés à
l’arrangement en faisceau et à l’arrangement périodique 1D des fullerènes ne sont pas situés
159
dans les mêmes régions de l’espace réciproque pour un faisceau de nanotubes : les premiers se
situent dans le plan équatorial perpendiculaire au faisceau tandis que le pic à 0,66Å-1 dû aux
C60 arrangés périodiquement correspond à de la diffusion localisée dans un plan non
équatorial, autour de l’axe Qz (équation 50). Pour un échantillon de peapods partiellement
orientés, les intensités des différentes composantes ne sont donc pas les mêmes dans toutes les
directions de l’espace réciproque.
Nous avons aussi étudié un échantillon dans lequel les peapods sont préférentiellement
alignés autour d’un axe : celui du champ magnétique appliqué lors de la déposition des
nanotubes de départ sur un filtre. On a déterminé par diffraction des rayons X une valeur de
wr de 13,5° pour l’orientation des nanotubes (dans le plan du papier et hors du plan du
papier), ce qui rejoint les meilleures valeurs obtenues pour des fibres étirées par voie humide.
Un cliché de diffraction typique est présenté Figure IV-7. On voit immédiatement l’intérêt
d’avoir un échantillon où les nanotubes sont aussi bien orientés, car on sépare spatialement les
signaux dus à l’arrangement des peapods en faisceaux (perpendiculaires à l’axe d’orientation
préférentielle) et le signal de la chaîne 1D de fullerènes (le long de l’axe d’orientation
préférentielle). Cela nous a permis d’obtenir des résultats que nous n’aurions pas obtenu sur
poudre sur la forme du pic des fullerènes et donc sur la longueur sur laquelle l’ordre 1D est
établi ; ceci est détaillé en [Goudichaud 2005].
160
Figure IV-7 : cliché de diffraction obtenu sur un papier de peapods, les peapods présentent une
orientation préférentielle. Les flèches indiquent le pic 10 des faisceaux (il n’est pas éteint car les nanotubes
n’étaient remplis qu’à 40%) et le pic à 0,63Å-1 dû à la périodicité de l’arrangement des fullerènes.
IV.3 Conclusion
Dans ce chapitre, nous avons vu qu’il était possible d’obtenir des informations
structurales sur des échantillons de peapods en poudre. Ceci nécessite la comparaison
attentive entre spectres de diffraction mesurés et spectres calculés pour différents paramètres
structuraux. On a ainsi dans un échantillon sous forme de poudre déterminé le taux de
remplissage des nanotubes et la distance entre fullerènes à l’intérieur des nanotubes. La
détermination du taux de remplissage global dans un échantillon macroscopique est une
avancée par rapport aux premières études, réalisées par microscopie électronique, à partir
desquelles il était difficile d’obtenir une information statistiquement valable.
Nous montrons aussi, à partir d’expériences réalisées sur des peapods orientés dans un
plan ou selon un axe, l’intérêt des échantillons où les nanotubes sont orientés pour les
analyses structurales. En effet, dans de tels échantillons, les signaux de diffusion dus à
161
l’arrangement bi-dimensionnel des peapods en faisceaux et à l’arrangement uni-dimensionnel
des fullerènes dans les nanotubes peuvent être séparés. Cela permet d’obtenir des
informations structurales (formes des raies de diffraction…) difficiles à extraire des
diffractogrammes de poudre où les signaux se superposent.
Des études sur des échantillons de peapods contenant des fullerènes C70 ont également
été commencées au laboratoire [Henry 2004, Goudichaud 2005, Delhey 2005]. Les clichés de
diffraction obtenus montrent qu’il faut alors considérer deux distances interfullerènes. En
effet, les fullerènes C70 peuvent avoir plusieurs orientations. Les études d’échantillons de
peapods C70 orientés pourraient permettre d’obtenir de nouvelles informations par rapport à
celles déjà publiées [Maniwa 2003] sur les orientations des C70 et leur diagramme de phase en
fonction de la température.
162
V Conclusion générale et perspectives
Nous avons montré dans ce travail que l’outil d’investigation qu’est la diffusion des
rayons X permet d’obtenir différentes informations structurales sur les assemblées
macroscopiques de nanotubes de carbone. Nous nous sommes particulièrement intéressés à
analyser les caractéristiques structurales d’échantillons de nanotubes partiellement alignés.
L’alignement des nanotubes a pour la première fois été analysé de manière détaillée dans le
cadre d’un modèle permettant de relier quantités mesurées dans l’espace réciproque et
fonction d’orientation dans l’espace direct. Nous avons montré l’intérêt des études menées par
diffusion des rayons X sur ces nanomatériaux en obtenant des informations nouvelles tant sur
les mécanismes de croissance des nanotubes dans le cas des tapis que sur la relation entre les
propriétés physiques et l’alignement des nanotubes dans les fibres. Dans ces nanomatériaux,
on trouve d’autres composés que les nanotubes : des nanofils de fer encapsulés à l’intérieur
des tubes organisés dans les tapis, le polymère permettant la coagulation des nanotubes dans
les fibres, et des fullerènes C60 encapsulés dans les tubes dans les échantillons de peapods. Les
études de diffusion des rayons X effectuées nous ont permis d’obtenir aussi des informations
structurales sur ces composés.
Pour les tapis de nanotubes de carbone -élaborés au Laboratoire Francis Perrin-, la
nature des particules responsables de la nucléation des nanotubes a été déterminée grâce à des
études de diffusion des rayons X couplées à d’autres techniques comme la spectroscopie XPS
(expériences réalisées par l’équipe du LFP avec Dominique Ballutaud du Laboratoire de
Physique des Solides et de Cristallogénèse) et la spectroscopie EELS (expériences réalisées
au LPS avec Mathieu Kociak). Il s’agit de particules d’oxyde de fer : magnétite Fe3O4 ou
maghémite γ-Fe2O3. Nous avons pu déterminer que le mécanisme de croissance des nanotubes
est un mécanisme de croissance par la base. Cela a été démontré de trois manières : grâce aux
synthèses effectuées de manière séquencée au LFP, qui permettent de déterminer la
chronologie de la croissance des nanotubes, grâce à l’étude des premiers instants de la
croissance, et enfin grâce à l’étude de l’influence des modifications des paramètres de
synthèse (modification du montage de synthèse) sur l’alignement des nanotubes. La dernière
démonstration est basée sur nos expériences de diffusion des rayons X.
163
Nous avons montré qu’il est possible d’obtenir des très bonnes valeurs d’alignement dans
certains tapis : la valeur de 5,5° pour la mi-largeur à mi-hauteur de la distribution
d’orientation des nanotubes mesurée dans le cas d’une synthèse réalisée avec le système
injecteur est la meilleure valeur qui ait été obtenue sur des échantillons de dimension
macroscopique. Nous avons relié expérimentalement bonnes valeurs d’alignement et nombre
importants de parois des nanotubes. Un modèle de « gêne stérique » a été évoqué pour
expliquer l’alignement des nanotubes.
La nature de nanofils encapsulés dans les nanotubes a été déterminée : il s’agit de nanofils
d’austénite ; nous avons mis en évidence la présence d’un axe de croissance préférentiel [110]
le long de l’axe des nanotubes.
L’étude d’échantillons recuits à haute température (2000°C) a permis de montrer qu’il est
possible de retirer toutes les phases à base de fer présentes dans les nanotubes : ceci ouvre des
perspectives dans le domaine des capteurs chimiques et des membranes.
Malgré les avancées qui ont été réalisées, certaines questions ne sont pas encore résolues.
Quelle est la meilleure valeur d’alignement que l’on pourrait obtenir ? Comment se forment
les différentes phases à base de fer observées dans les échantillons ? Des expériences de
croissance in-situ sous faisceau de rayons X pourraient nous permettre d’obtenir certaines
réponses. Quel est le rôle des nanofils de fer dans la croissance des nanotubes ? Comment, par
ailleurs, contrôler la structure des nanofils encapsulés dans les nanotubes ? Quel est le
diagramme de phase température-pression de ces nanofils, où des effets de dimensionalité
réduite et de confinement interviendront ? Cette liste non exhaustive de questions illustre la
richesse des sujets abordés avec l’étude des tapis de nanotubes, dans lesquels nombre d’études
doivent encore être menées, aussi bien pour éclaircir certains aspects de physique
fondamentale qu’en vue d’utiliser les tapis de nanotubes pour des applications dans les
domaines des capteurs chimiques, des membranes sélectives ou du stockage magnétique haute
densité.
En ce qui concerne les fibres de nanotubes -réalisées au Centre de Recherche Paul
Pascal-, nous avons étudié l’influence du traitement d’allongement post-synthèse sur la
structure de fibres de nanotubes monoparois. L’amélioration de l’alignement des nanotubes
164
avec l’allongement de la fibre, si elle est intuitive, n’avait pas encore été modélisée, ce que
nous avons fait dans le cadre d’un modèle affine d’orientation sous traction. L’accord entre
modélisation et expériences est très correct. Il faut souligner les très bonnes valeurs
d’alignement obtenues après étirement dans un solvant (15°) ou après étirement à chaud
(7.5°). Dans le cas de l’étirement à chaud, la diffusion des rayons X nous a aussi permis de
montrer que le PVA, amorphe dans la fibre brute, est partiellement cristallisé dans la fibre qui
a été étirée.
L’écart entre les valeurs d’orientation obtenues par diffusion des rayons X et par
spectroscopie Raman avait il y a trois ans soulevé la question de l’homogénéité de
l’alignement des nanotubes selon le diamètre de la fibre. Des expériences de
microdiffraction X nous ont permis de répondre à cette question : l’alignement des nanotubes
est le même dans toute la fibre.
Nous nous sommes ensuite intéressés à la relation entre certaines propriétés physiques des
fibres et l’alignement des nanotubes. Nous avons vu que les propriétés mécaniques et
électriques sont améliorées lorsque l’orientation des nanotubes est meilleure. Dans le cas des
fibres étirées dans un solvant, nous avons montré que l’évolution du module d’Young avec
l’alignement des nanotubes peut en première approximation être rendue dans le cadre de la
mécanique des milieux continus. Les meilleures valeurs de module d’Young et contrainte à la
rupture obtenues (respectivement 22GPa et 170MPa) ne sont pas encore suffisamment élevées
comparées aux mêmes grandeurs pour les fibres de carbone, mais la marge de progression, si
l’on se réfère aux prédictions théoriques, est grande. Dans le cas des fibres étirées à chaud, la
ténacité est très forte (meilleure que pour le kevlar), ce qui ouvre des perspectives dans le
domaine de l’absorption d’énergie (gilets pare-balles, ceintures de sécurité, etc.).
Malgré les progrès réalisés sur les propriétés mécaniques des fibres de nanotubes au cours de
ces dernières années, gageons que d’autres avancées pourraient survenir dans les années à
venir. De même que pour les tapis, on peut se demander s’il est encore possible d’améliorer
l’alignement des nanotubes au sein de la fibre. En plus de l’alignement des nanotubes, le
phénomène de cristallisation du polymère semble être un paramètre important pour
l’amélioration de la ténacité de ces matériaux. La nature exacte de l’interaction entre le
polymère et les nanotubes sera un facteur important à étudier dans l’avenir.
165
Nous avons réalisé un lien entre nos études sur tapis de nanotubes multiparois et sur
fibres de nanotubes monoparois en proposant de filer sous forme de fibres les nanotubes
multiparois très rectilignes obtenus dans les échantillons de tapis de nanotubes. Nous avons
montré lors de premières expériences effectuées au CRPP que le filage était possible, que de
bons alignements des nanotubes pouvaient dans certains cas être obtenus (15°) et que les
propriétés de conduction électrique des fibres de nanotubes multiparois réalisées sont
prometteuses. Il aurait été intéressant d’appliquer à ces fibres les traitements post-synthèse
discutés dans le cas des fibres de nanotubes monoparois mais les quantités de fibre obtenues
lors des premières expériences étaient trop faibles. Il serait intéressant de poursuivre les
études préliminaires présentées dans ce manuscrit et d’optimiser la dispersion et le filage des
nanotubes multiparois rectilignes synthétisés en tapis dans le but d’obtenir des meilleures
propriétés structurales et physiques pour ces fibres.
En ce qui concerne les échantillons de peapods de C60, nous avons vu qu’il était
possible à l’aide de modélisations théoriques d’obtenir des informations structurales
importantes sur ces échantillons : taux de remplissage des nanotubes, distance entre
fullerènes à l’intérieur des nanotubes… De plus, l’intérêt de travailler sur des échantillons où
les nanotubes sont orientés a été souligné : dans de tels échantillons, les signaux de diffraction
des nanotubes et des fullerènes sont séparés, ce qui devrait permettre d’obtenir des
informations structurales plus détaillées.
Les études ont été effectuées sur des papiers de peapods orientés, mais il pourrait également
être intéressant d’assembler les peapods sous forme de fibres et d’étudier les propriétés de ces
nouveaux objets. Des études préliminaires (CRPP) ont montré la possibilité de réaliser de
telles fibres. Comme pour les nanotubes multiparois du LFP, la procédure de mise en fibre
doit maintenant être optimisée.
L’étude du diagramme de phases ou des propriétés de peapods formés de molécules plus
« complexes » que les C60 est actuellement en développement dans notre laboratoire. Des
effets de mise en ordre orientationnelle sont attendus dans le cas de fullerènes d’ordre plus
élevé, comme le C70, plus ovoïdal que le C60. L’extension des études sur les peapods de
fullerènes à ceux de métallo-fullerènes, pour lesquels de nouvelles propriétés physiques
pourraient être obtenues -en utilisant par exemple les propriétés magnétiques de l’atome dans
le fullerène- serait elle aussi extrêmement intéressante.
166
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179
VII ANNEXE
(a) Calcul du facteur de structure d’un nanotube monoparoi de longueur L dans l’approximation homogène
Dans l’approximation homogène, le facteur de structure d’un nanotube est donné par l’équation 10:
dzrdrdrQiRrQfQF TccT θδσ ).exp()()()( rrr∫∫∫ −=
où fc(Q) est le facteur de forme du carbone, σc est la densité d’atomes de carbone sur la surface d’un nanotube (~0.37 at/Å2) , RT est le rayon du nanotube. Les vecteurs Q
ret rr sont
définis par leurs coordonnées cylindriques : Qr
(Q//, θQ, Qz) rr (r, θ, z)
Rappelons que )()()( 00 xfdxxfxx =−∫δ On obtient :
∫∫ +−= dzdzQRiQRfQF zQTtccT θθθσ ))cos(exp()( //r
soit :
∫ ∫−= dzziQdRiQRfQF zQTtccT )exp())cos(exp()( // θθθσr
Utilisant l’expression intégrale de la fonction de Bessel cylindrique d’oredre 0 :
∫=π
π0
0 )cosexp(1)( dyyixxJ , on en déduit :
)(2))cos(exp( //0
2
0
// TQT RQJdRiQ πθθθπ
=−∫
180
De plus, ∫−
=2
2 2
)2sin()exp(
L
L
zz LQz
LQLdzziQ
On obtient donc finalement l’équation 11 :
2/)2/sin()()2()( //0 LQ
LQRQJLRfQFz
zTcTCT σπ=
(b) Calcul de l’intensité diffractée par un faisceau de nanotubes monoparois de longueur infinie
L’intensité diffractée par un faisceau de nanotubes par unité de longueur L s’écrit (équation 13):
).exp(*)(,
ijji
TTfag RQiL
FFQIrrr
∑=
A partir du résultat obtenu en (a), on écrit :
( )L
QLQRQJRf
LFF z
zTcTc
TT
2
//2
022
2/)2/sin()(2
*⎟⎠⎞
⎜⎝⎛
=σπ
Or )()sin(
lim
2
0xx
xδε
πε
ε=
⎟⎟⎟
⎠
⎞
⎜⎜⎜
⎝
⎛
+→
Prenant ε = 2/L et x = Qz, on obtient :
( ) )(2)(2*lim //2
022
zTcTcTTL
QRQJRfLFF πδσπ=
∞→
L’intensité diffractée par un faisceau de nanotubes s’écrit donc :
( )( ) ).exp()(2~)(,
2//0 ij
jizTcTcfag RQiQRQJRfQI
rr∑ δσπ
Le vecteur ijRr
appartient au plan orthogonal au tube, ainsi ijij RQRQrrrr
.. //= Donc finalement, on obtient l’équation 14:
( )( ) ∑ji
ijzTcTcfag RQiQRQJRfQI,
//2
//0 ).exp()(2~)(rr
δσπ
181
(c) Calcul de l’intensité diffractée par une poudre de faisceaux de nanotubes monoparois
Partons de l’équation 15 :
∫∫= QQQfag ddQIQI ϕθθπ )sin()(41)( avec 0≤
Qθ ≤π et 0≤
Qϕ ≤2π
et de l’équation 14
( )( ) ∑ji
ijzTcTcfag RQiQRQJRfQI,
//2
//0 ).exp()(2~)(rr
δσπ
Nous travaillons ici en coordonnées sphériques : Qz QQ θcos=
QQQ θsin// =
( )( ) ∑∫ ∫ −ji
RijQijQQTQcTcQQQ RiQQRQJRfddQI,
2
0 0
20 ))cos(sinexp()cos(sin2sin~)( ϕϕθθδθσπθθϕ
π π
Effectuons le changement de variable : Qx θcos=
dx = - Qθsin Qdθ , Qθsin = 21 x−
On rappelle que )(1)( xa
ax δδ =
On obtient :
( )( ) ∑∫ ∫ −−−− ji
RijQijTcTcQ RxiQRxQJRfQxdxdQI,
22
0
1
1
220 ))cos(1exp(121)(~)( ϕϕσπδϕ
π
D’où ( )( ) ∑∫ −ji
QRijQijTcTc diQRQRJRfQQI,
2
0
20 ))cos(exp(21~)(
π
ϕϕϕσπ
En utilisant l’expression intégrale de la fonction de Bessel J0 ((a) de l’annexe), on obtient donc l’équation 16 :
( )( ) ( )( )∑ji
ijTcTc QRJQRJRfQQI,
02
021~)( σπ
182
(d) Calcul de l’intensité diffractée par des nanotubes orientés
L’axe d’un nanotube est repéré par rapport à la direction d’orientation préférentielle z (normale au tapis, axe de la fibre…) par les coordonnées sphériques (β,α). Dans le repère fixe de l’échantillon, le vecteur de diffusion est repéré par (ϕ,ψ). Dans un repère lié au nanotube (z’= axe nanotube), il est repéré par (ϕ’,ψ’).
La distribution d’orientation des nanotubes est donnée par f(β) (présentant une symétrie conique) qui vérifie
∫ =π
βββπ0
1)sin()(2 df (f(β) ne dépend pas de α).
Dans le cas qui nous intéresse (objets non polaires), cette fonction est symétrique par rapport au plan (x,y) normal à l’axe d’orientation préférentiel : f(π-β)=f(β) et donc
πβββπ
4/1)sin()(2/
0∫ =df .
A module du vecteur d’onde Q fixé, la diffusion de type équatoriale par les nanotubes
est donnée par |F|2(ϕ,ψ) ~ δ(Qz) ~ δ(cosϕ’). Or, d’après la relation du triangle sphérique*: cos(ϕ’) = cos(β) cos(ϕ) + sin(β) sin(ϕ) cos(ψ−α).
Axe d’orientation préférentielle
Axe nanotube Q
β
α
ϕ
ψ ϕ’
183
*Un triangle sphérique est un triangle tracé sur une sphère. Un angle, comme Â, est défini par les tangentes aux grands cercles passant respectivement par A et B d'une part, A et C d'autre part; â est l’angle entre OB et OC, etc…
cos â = cos b ×cos c + sin b ×sin c ×cos ⇒ cos(φ’) = cos(β) cos(φ) + sin(β) sin(φ) cos(ψ-α)
D’où : |F|2(ϕ,ψ) ~ δ(g(α)) avec g(α) = cos(β) cos(ϕ) + sin(β) sin(ϕ) cos(ψ−α). L’intensité mesurée en un point du détecteur plan, pour l’angle de Bragg (le vecteur de diffusion) choisi, dépend de l’angle τ sur le détecteur. Elle est proportionnelle au carré du facteur de structure calculé ci-dessus et doit être intégrée sur les orientations possibles des nanotubes pondérées par leur probabilité. On trouve :
( ) ( )⎥⎦
⎤⎢⎣
⎡∫∫ππ
αδαβββτ2
00
)(.)()sin(~ gdfdI
Nous la calculerons pour τ compris entre 0 et π/2 (car Ι(π−τ)=I(τ))
Rayons X 2θB
τ ϕ Q
θBO
M
P
z
A C
184
Rappelons que ( )( ) ( )∑≠=
=0)('0)(.. '
1iii etggqt ig
gααα α
αδ
g s’annule pour
( ) βϕπ
αψ tan)2tan(
cos−
−=− i , soit pour ϕπβϕπ +≤≤− 22
avec ( ) ϕβαψϕβα 22 cossinsinsinsin)'( −=−= iig
De plus, l’intégrale entre β:π/2−ϕ et π/2+ ϕ est égale à deux fois celle pour β:π/2−ϕ à π/2. On trouve donc finalement :
∫− −
2/
2/22 )(cos)(sin
)sin()(~)(π
ϕπ ϕββββτ dfI
L’angle τ -angle mesuré sur le détecteur- et l'angle ϕ -orientation du vecteur d'onde
dans l'espace réciproque, sont reliés par** : cos(ϕ)=cos(τ)cos(θB) D’où l’équation 19 :
∫− −
2/
))cos()(arccos(cos2/222 )(cos)(cos)(sin
)sin()(~)(π
τθπ τθββββτ
B B
dfI
** Relation entre angles τ et ϕ Soient O, l'origine du réseau réciproque, M, extrémité du vecteur d’onde OQ et P, projection de M sur le détecteur - ( AM , AO )=θB - OP est dans le plan perpendiculaire aux RX : OP est perpendiculaire à AO - OM est perpendiculaire à AM d’où l’on déduit (OP ,OM )=θB
A O
M
2θB
θB
C
185
(z, OM )=ϕ (z, OP )=τ Les plans (z, OP ) et (OP ,OM ) sont orthogonaux. Soit M’ : projection orthogonale de M sur OP et soit M’’ projection orthogonale de M’ sur Oz (1) Dans le repère (X,Y,Z) :
))cos(),sin(,0)()cos(cos("));cos(,0,0('));cos(,0),(sin( τττθθθθ BBBB OMOMOMOMOMOM ===
D’où il vient : )sincos),sin())cos(cos(),sin(("" 2τθττθθ BBBOMOMOMMM −−=−= , donc
0"". =OMMM , les vecteurs "MM et "OM sont donc orthogonaux (2) (1)=> )cos()cos(")cos(');cos('" BB OMOMOMOMOMOM θτθτ ==>== (2)=> )cos(" ϕOMOM = Donc : cos(ϕ)=cos(τ)cos(θB) (e) Correspondance espace direct-espace réciproque pour une distribution Gaussienne fine D’après l’équation 20 :
( )( )( )∫ −2
0
2sincoscosexp~)(
π
ξϕξτ daAI où 22lndwA=
où ϕ = ))cos()(arccos(cos τθB
Pour de petites valeurs de wd, ( )( )( )2sincosarccosexp ϕξA− n’est non négligeable que si arccos(cosξsinφ) est petit aussi.
Or pour z≥0 petit, ( ) zz 21arccos =− On obtient
( )( )∫ −×−2
0
sincos12exp~)(
π
ξϕξτ dAI
On peut là encore arguer que ( )( )ϕξsincos12exp −×−A n’est non négligeable que si 1-cosξsinφ est petit, donc si ξ est petit.
Or pour z petit, 21)cos(2z
z −=
Avec z = ξ, on obtient
∫ ⎟⎟⎠
⎞⎜⎜⎝
⎛⎟⎟⎠
⎞⎜⎜⎝
⎛⎟⎠
⎞⎜⎝
⎛−−×−
2
0
2
sin2112exp~)(
π
ξϕξ
τ dAI
M
P z
O
τ θB
ϕ
Z
X
Y
M’ M’’
186
( ) ( ) ( )∫ −−2
0
2sinexpsin2exp2exp~)(
π
ξϕξϕτ dAAAI
La largeur wd de la Gaussienne étant très faible :
( ) ( )∫∫∞
−−0
22
0
2 sinexp~sinexp ξϕξξϕξ
π
dAdA
Or ( ) adxax π=−∫∞
0
2exp
donc( )
ϕϕτ
sinsin2exp~)( AI (on ne s’intéresse qu’à la dépendance angulaire de l’intensité et
on omet donc les constantes multiplicatives) La largeur wd étant faible, )sin2exp( ϕA n’est non négligeable si φ~π/2.
Considérons donc δφ= π/2-φ, alors 21~cos)2sin(sin2δϕ
δϕδϕπϕ −=−=
On obtient donc 41~sin2δϕ
ϕ − et 41~sin1 2δϕ
ϕ+
d’où ( ) ( ) ⎟⎟⎠
⎞⎜⎜⎝
⎛+−⎟⎟
⎠
⎞⎜⎜⎝
⎛+− 411~41exp~)(
22
22
δϕδϕ
δϕδϕτ AAI
( ) ( ) 2411~ δϕτ AI −+
Pour wd petit, 1/4 est négligeable devant A, ainsi ( ) ( )22 exp~1~ δϕδϕτ AAI −−
Il nous faut maintenant déterminer la relation entre δφ et δτ, où δτ= π/2-τ (l’intensité est maximale pour τ proche de π/2).
Bθτϕ coscoscos ×= , donc Bθδτδϕ cossinsin ×= ou encore Bθδτδϕ cos×= car δφ et δτ sont petits.
Donc ( ) ⎟⎠⎞
⎜⎝⎛ ×− 22
2 cos2lnexp~ δτθτ BdwI
Finalement, on obtient
( ) ( ) ⎟⎟⎟
⎠
⎞
⎜⎜⎜
⎝
⎛−= 2
2
cos
2lnexp δτ
θ
τ
Bdw
I
Pour une Gaussienne très piquée dans l’espace direct, on trouve dans l’espace réciproque une Gaussienne très piquée ; wr=wd/ cos(θB)
187
(f) Calcul de l’intensité diffractée par une poudre de faisceaux de peapods
Partons de l’équation 15 :
∫∫= QQQfag ddQIQI ϕθθ )sin()()( avec 0≤Q
θ ≤π et 0≤Q
ϕ ≤2π
et de l’équation 50
⎟⎟⎠
⎞⎜⎜⎝
⎛−++ ∑∑
∞
≠−∞= 0,
2600,
2600//02 )2())(60().exp())(60)(2)((~)(kk
zcTji
ijcTcTzcfag LkQQrjNRQiQrjRQJLRQfQI πδσπδrrr
Nous travaillons ici en coordonnées sphériques : Qz QQ θcos=
QQQ θsin// =
I(Q) est la somme de deux termes I1 et I2 :
( )( ) ∑∫ ∫ −+ji
RijQijQQCTQcTcQQQc RiQQQrjRQJLRfddfI,
2
0 0
2600021 ))cos(sinexp()cos()(60sin2sin~ ϕϕθθδθσπθθϕ
π π
∫ ∫ ∑∞
≠−∞=−
π ππδθθϕ
2
0 0 0,
260022 )2(sin))(60(~kk
zQQQcTc LkQddQrjNfI
Effectuons le changement de variable : Qx θcos=
dx = - Qθsin Qdθ , Qθsin = 21 x−
On rappelle que )/(1)( abxa
bax −=− δδ
On obtient pour le 1er terme
( )( ) ∑∫ ∫ −−+−− ji
RijQijCTcTcQc RxiQxQrjRxQJLRfQdxdfI,
22
0
1
1
26002021 ))cos(1exp()()(60121~ ϕϕδσπϕ
π
D’où ( )( ) ∑∫ −+ji
QRijQijCTcTcc diQRQrjQRJLRfQ
fI,
2
0
26000
21 ))cos(exp()(602~
π
ϕϕϕσπ
188
Or )(2))cos(exp( 0
2
0
ijQRijQij QRJdiQR πϕϕϕπ
=−∫
D’où ( ) ∑+ji
ijCTTc QRJQRjQRJLRQ
fI,
02
60002
1 )()(60)(2~ σπ
Pour le second terme, on a
∫ ∑∫∞
≠−∞=−
−π
πδϕ2
0 0,
1
1
260022 )2(1))(60(~kk
QcTc LQkxQdxdQrjNfI
∑ ∫∞
≠−∞= −
−0,
1
1
202
2 )2())(60(~ 60
kkT
c
LQkxdxQrjNQfI C
πδ
Pour que l’intégrale sur la distribution delta soit non nulle (auquel cas elle est égale à 1), il faut que son argument compris entre –1 et 1. On obtient donc :
)2(2)2(0,
1
1π
πδ QLIntLQkxdxkk
=−∑ ∫∞
≠−∞= −
où )2( πQLInt est la partie entière de )2( π
QL .
Soit : )2())(60(2~ 202
2 60 πQLIntQrjNQ
fI CTc
A partir de 21)( IIQI += , on obtient finalement l’équation 51:
( ) ( ) ⎥⎦
⎤⎢⎣
⎡++∝ ∑ 2
600,
02
60002
)(60))2/((2)()(60)(2)( CTji
ijCTTc QrjQLIntNQRJQrjQRJLRQ
fQI πσπ