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UNIVERSITÉ PARIS 1 PANTHÉON - SORBONNE U.F.R de Science Politique Master 2 Coopération Internationale Aide Humanitaire Politiques de Développement L’Épidémie de Maladies Chroniques dans les Pays en Développement : L’Action Sanitaire Internationale à l’épreuve de la Mondialisation Dr Guillaume DERVAUX (MD) Directeur de mémoire : Yves VILTARD Année 2008 / 2009

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UNIVERSITÉ PARIS 1 PANTHÉON - SORBONNE

U.F.R de Science Politique

Master 2

Coopération Internationale Aide Humanitaire

Politiques de Développement

L’Épidémie de Maladies Chroniques dans les Pays en Développement :

L’Action Sanitaire Internationale à l’épreuve de la Mondialisation

Dr Guillaume DERVAUX (MD)

Directeur de mémoire : Yves VILTARD

Année 2008 / 2009

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« L’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne n’entend donner aucune approbation aux opinions

émises dans les mémoires. Ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur. »

A Fatima, Pacôme et Soulémane.

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Résumé

Dans les pays en développement, la prévalence des maladies chroniques explose. L’appel à agir de

l’Organisation Mondiale de la Santé reste sans effet. Les acteurs en charge de l’action sanitaire

internationale ne se mobilisent pas. Nous étudierons dans quelles mesures le processus de

mondialisation concoure, tout à la fois, à l’émergence rapide de cette épidémie dans le Sud et à la

défaillance de la gouvernance mondiale de la santé publique.

Mots Clef

Maladies chroniques, Maladies non transmissibles, Facteurs de risques, Pays en développement,

Épidémiologie, Santé publique, Gouvernance mondiale de la santé, Mondialisation, Action

sanitaire internationale, Relations internationales, Organisation Mondiale de la Santé.

Abstract

The burden of non-communicable diseases rises in developing countries. WHO call to action is

not heard. Actors who lead international health policies are apathetic. The global health

governance failed to prevent and control chronic diseases, whereas globalization crisis still cause

huge damages in South.

Keywords

Chronic diseases, Non-communicable diseases, Risk factors, Developing countries, Low-income

and middle-income countries, Epidemiology, Public health, Global health governance,

Globalization, Global health policies, International relations, World Health Organisation.

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Plan

Introduction…………………………………………………………………………….... …...3 Partie I. L’épidémie oubliée de maladies chroniques dans le Sud

A/ Un double fardeau sanitaire pour les pays en développement………………….7

1. Les maladies chroniques, une urgence négligée………………………………..7

2. La mondialisation, un catalyseur des risques de maladies chroniques……........14

B/ L’OMS, pionnier isolé de la lutte contre les maladies chroniques…………….23

1. Un appel à l’action mondiale de l’OMS, au faible effet mobilisateur………….23

2. Les résultats contrastés des politiques initiées par l’OMS…………………….32 Partie II. Les défaillances de la gouvernance mondiale de la santé publique

A/ La santé publique, un observatoire de la mondialisation……………………....38

1. La multiplication des acteurs en charge de la santé mondiale………………....38

2. La santé, une priorité récente des relations internationales…………………...48

B/ La mondialisation, facteur aggravant de l’accès inégal au droit à la santé………………………………………………………………...56

1. La gouvernance mondiale de la santé : anarchie multipolaire et partage de l’autorité politique……………………………………………56

2. La précarité des actions sanitaires internationales : entre normes

de santé instables et crises de la mondialisation………….…………………65 Conclusion……………………………………………………………………………….. …..76

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Liste des abréviations

ADPIC : Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle touchant au Commerce

BM : Banque Mondiale

BPM : Bien Public Mondial

FCTC : Framework Convention on Tobacco Control

GATT : General Agreement on Tariffs and Trade

GSDPAH : Global Strategy on Diet, Physical Activity and Health

HNP : Health Nutrition and Population (project)

MC : Maladie Chronique

MCV : Maladie CardioVasculaire

MNT : Maladie Non Transmissible

NCCD : Non-Communicable Chronic Disease

OMC : Organisation Mondiale du Commerce

OMD : Objectif du Millénaire pour le Développement

OMS : Organisation Mondiale de la Santé

OIG : Organisation Inter Gouvernementale

ONG : Organisation Non Gouvernementale

OTC : (accord sur les) Obstacles Techniques au Commerce

PED : Pays En Développement

PNUD : Programme des Nations Unies pour le Développement

PPP : Partenariat Public-Privé

RI : Relations Internationales

RNB : Revenu National Brut

SPS : (accord sur les produits) Sanitaires et Phyto-Sanitaires

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Introduction

La charge des maladies chroniques (maladies cardiovasculaires, cancers, diabète, obésité,

maladies respiratoires, troubles neuropsychiatriques, etc.) s’accroît très rapidement dans les pays à

revenu faible ou intermédiaire. Or, les politiques de santé publique se focalisent toujours sur les

maladies infectieuses (VIH/SIDA, paludisme, tuberculose) ou la malnutrition dans les pays en

développement (PED). Notre propos n’est pas de nier la gravité et la persistance de ces

pathologies infectieuses et nutritionnelles, mais plutôt d’attirer l’attention sur le double fardeau

qui pèse désormais sur les populations du Sud. Ce biais de perception des besoins de santé dans

les PED est dramatique, car il sous estime une épidémie de maladies non transmissibles, devenue

en une décennie leur première charge sanitaire1. A l’exception de l’Afrique subsaharienne, les

maladies chroniques y surpassent déjà toutes les autres causes de décès et d’invalidités réunies.

Les acteurs en charge de la santé mondiale semblent prisonniers d’une représentation

anachronique des enjeux de santé touchant les habitants les plus pauvres de notre planète.

Il est aujourd’hui légitime d’évoquer une épidémie oubliée. L’Organisation Mondiale de la

Santé (OMS), pionnière de la lutte contre les maladies chroniques, a pourtant lancé dès 2005 un

appel à la mobilisation2. Celui-ci n’est pas pris en compte par les acteurs publics (Etats, autres

OIG) et privés (ONG, fondations, firmes) qui coopèrent pour définir les priorités sanitaires

internationales. La gouvernance mondiale de la santé publique est défaillante, incapable de poser

un diagnostic lucide sur la santé des populations des PED, et tout aussi incapable d’élaborer une

stratégie pour juguler cette épidémie de maladies chroniques.

Notre travail expose dans un premier temps l’urgence à agir dans les PED au regard de la

rapide progression épidémiologique des maladies chroniques. Nous analysons ensuite les causes

de l’inertie des acteurs de la santé mondiale. Le dénominateur commun de ces deux parties est le

processus de mondialisation. Il concoure tout à la fois à catalyser les facteurs de risque de

maladies chroniques (Lifestyle Epidemy) et à précariser toute initiative d’action collective

internationale dans le secteur de la santé.

1 ANDERSON GF, CHU E. “Expanding Priorities. Confronting Chronic Disease in Countries with Low Income”. New England Journal of Medicine, 356, 3, 2007, pp. 209-211. 2 WHO. Preventing Chronic Diseases: A Vital Investment. Geneva, World Health Organisation, 2005.

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Il est surprenant de constater à quel point nos croyances de santé structurent notre

perception de la santé des populations les plus pauvres, en particulier si elles résident dans des

PED. Alors que mon activité professionnelle de soignant me conduit chaque jour à prendre en

charge des patients atteints de maladies chroniques (obésité et maladies cardiovasculaires) ; le

thème de cet exposé ne s’est pas imposé comme une évidence. Le processus de déconstruction

de mes représentations de santé a débuté par un événement fortuit. A l’occasion d’une recherche

bibliographique sur les maladies négligées dans les PED, je télécharge une conférence organisée

en octobre 2008 par la Citée des Sciences et de l’Industrie (Paris) sur le thème « Mondialisation et

Santé »3. Au fil de cette écoute, la quasi-totalité des intervenants discourent sur la nécessité de

combattre les maladies infectieuses affectant les populations des PED. J’étais bien au cœur du

sujet que je devais traiter à l’époque. Pourtant, une intervention intitulée « l’épidémie ignorée »

retint toute mon attention. Catherine LE GALES-CAMUS y aborde, à ma grande surprise, les

maladies chroniques dans le Sud4. Ce fut d’ailleurs la seule intervention, en deux jours de

colloque, qui ne se focalisa pas sur les maladies transmissibles. Ma surprise se doubla rapidement

d’une mise en résonnance avec mon parcours et mes compétences professionnelles, d’où mon

présent attachement à explorer ce sujet.

Notre travail n’a pas pour ambition de révolutionner la problématique des maladies

chroniques dans les PED ; s’il permet au lecteur de prendre conscience de la gravité de cette

épidémie et de l’urgence à agir, il atteindra son objectif premier. Ce mémoire pourrait aussi être

scénarisé comme le récit des difficultés rencontrées par une institution internationale, l’OMS,

dans sa lutte pour défendre une valeur menacée par la mondialisation : l’équité d’accès aux soins.

Notre exposé explore les interactions croissantes entre mondialisation et santé. Il tente de

déterminer les causes politiques de l’inertie actuelle des acteurs en charge de la santé publique, en

analysant leurs interactions au sein des relations internationales (RI). En préambule, nous

proposons de définir deux concepts récurrents dans notre mémoire, qui pourraient prêter à

erreurs d’interprétation : la gouvernance et la mondialisation.

3 Santé et Mondialisation. Colloque Internationale, Cité des Sciences et de l’Industrie, Paris, 21et 22 octobre 2008. 1ère journée consultable sur : http://www.cite-sciences.fr/francais/ala_cite/college/v2/html/2008_2009/cycles/cycle_301.htm. 2nd journée consultable sur : http://www.cite-sciences.fr/francais/ala_cite/college/v2/html/2008_2009/cycles/cycle_302.htm 4 Catherine LE GALES-CAMUS est une ancienne sous-directrice générale de l’OMS pour les Maladies Non Transmissibles et la Santé Mentale. Elle est aujourd’hui directrice de recherche à l’INSERM, Paris. Son intervention lors de ce colloque, Une Epidémie Ignorée, est consultable sur : http://www.cite-sciences.fr/francais/ala_cite/college/v2/html/2008_2009/conferences/conference_478.htm

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Une gouvernance, qu’elle soit locale, nationale ou internationale, vise l’atteinte d’objectifs

communs et partagés par les acteurs engagés. Une gouvernance nécessite des mécanismes

procéduraux qui organisent la poursuite de ces objectifs. Ainsi selon FIDLER, « les objectifs

communs et les mécanismes procéduraux se combinent pour structurer une gouvernance »5.

Dans de nombreux domaines des relations internationales, le thème de la gouvernance est

abordé, en particulier si sa défaillance se manifeste. C’est le cas de la gouvernance de la santé,

défaillante sur l’enjeu des maladies chroniques dans les PED. L’actualité médiatique se focalise

actuellement sur d’autres gouvernances mondiales, celle de la finance suite à la crise des

« subprimes » ou celle du changement climatique.

La mondialisation peut être définie de manière restrictive comme étant la propagation

mondiale de pratiques néolibérales économiques, de régulations et de valeurs. Nous adopterons le

point de vue plus large de l’Économie Politique Internationale (EPI)6. La mondialisation procède

avant tout d’un processus en cours, partout dans le monde, à l’origine d’une transformation des

relations sociales entre acteurs7. Ce processus affecte tous les domaines : social, économique,

politique, écologique ; et bien sur sanitaire. L’élément central de cette mondialisation est la

complexité croissante des interdépendances qui se créent entre acteurs étatiques et non étatiques.

Plusieurs évolutions sont cruciales pour comprendre les fondements et les effets de cette

mondialisation. MAC LEAN et MAC LEAN en font une synthèse en cinq points que nous

reprenons ici8. Premièrement, la transnationalisation de la production et de la finance favorisent

les relations entre politique et économique, de plus en plus interdépendantes et déterritorialisées.

Deuxièmement, la technologie est à la fois le moteur et le produit de la transnationalisation de

l’économie. Troisièmement, un glissement du pouvoir au niveau mondial se produit des Etats

vers les entreprises et les firmes. Ce basculement occasionne une crise de l’Etat, contraint de

s’adapter à un changement de rôle sur la scène internationale et à la remise en cause de sa

souveraineté. Quatrièmement, les politiques publiques privilégient des orientations favorables au

Marché, au détriment de l’équité et de la redistribution sociale. Enfin cinquièmement, le déclin de

l’Etat providence menace le bien être humain et sa sécurité. Ces changements liés au processus de

mondialisation provoquent d’importantes répercussions sanitaires sur les populations,

5 FIDLER D. “Architecture amidst Anarchy: Global Health’s Quest for Governance”. Global Health Governance, vol. 1, n°1, January 2007. Consultable sur : http://www.ghgj.org 6 PALAN R. “Introduction” in Global Political Economy: Contemporary Theories. London & New York, ed. Ronen Palan, Routledge, 2000. 7 AART SCHOLTE J. Globalization: A Critical Introduction. 2nd edition, Houndmills, New York, St Martin’s, 2005. 8 MACLEAN S, MACLEAN D. “Transnational Affairs of the Heart: Political Economy and the Globalization of Cardiovascular Disease”. Global Health Governance, vol. 2, n°1, 2008.

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directement en affectant leurs conditions de santé, ou indirectement par des changements sociaux

qui modifieront leur état de santé9 .

9 WOODWARD D. et al. “Globalization and Health: A Framework for Analysis and Action”. Bulletin of the World Health Organisation, 79, n°9, 2001.

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I- L’épidémie oubliée de maladies chroniques dans l e Sud

A- Un double fardeau sanitaire pour les pays en dév eloppement

1- Les maladies chroniques, une urgence négligée

La terminologie de Maladie Chronique (MC), en anglais Non-Communicable Chronic

Disease (NCCD), se réfère à des maladies ne se révélant qu’après quelques décennies. Le plus

souvent, l’origine des maladies chroniques remonte à l’enfance et s’accompagne d’une exposition

pendant plusieurs années à un ou plusieurs facteurs de risques (cf. annexe 1). Des actions de

prévention précoces sont efficaces pour limiter l’apparition ou l’évolution des MC. Celles-ci

évoluent silencieusement sur une période de latence plus ou moins longue, avant de se révéler à

l’âge adulte sous la forme de symptômes cliniques ou au décours d’une première complication. A

ce stade, la régression de la MC est difficile à obtenir, l’individu nécessite alors fréquemment des

soins tout au long de sa vie.

Depuis plusieurs siècles, les maladies infectieuses représentent la principale cause de décès

dans le monde, des épidémies incontrôlables limitaient alors l’espérance de vie. Après la seconde

guerre mondiale, les progrès médicaux dans le domaine de la vaccination, des antibiotiques et

l’amélioration des conditions de vie ; transforment les enjeux de santé publique dans les pays

industrialisés. Les maladies cardiovasculaires, le diabète, les cancers ou les maladies respiratoires y

supplantent les maladies infectieuses en termes de morbi-mortalité, au point de devenir la

première charge et la priorité de leurs systèmes de santé. Pour ces raisons, les maladies

chroniques sont souvent perçues comme des pathologies de l’abondance, ne touchant que les

pays riches ou les habitants riches de pays pauvres.

Le vingt et unième siècle se caractérise par une extension géographique des MC, leur

progression s’accélère dans les PED. Les pays du Sud se confrontent désormais au double

fardeau des maladies infectieuses et des maladies chroniques. Leurs systèmes de santé auront de

grandes difficultés à supporter une telle situation sanitaire, alors que des épidémies telles que le

VIH/SIDA, le paludisme, ou la tuberculose demeurent hors de contrôle. Le poids des maladies

chroniques ne cessera de croître ; en 2020 elles seront à l’origine de 70% de la mortalité dans les

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PED, et de huit décès sur dix dans le monde10. L’Organisation Mondiale de la Santé évoque

désormais une pandémie mondiale². Les maladies infectieuses demeurent la priorité des politiques

mondiales de santé publique, pourtant les conséquences sanitaires des maladies chroniques

s’avèrent prépondérantes dans toutes les régions du monde. Seule exception notable, l’Afrique

subsaharienne, où la mortalité liée aux maladies infectieuses reste supérieure aux 20% des décès

imputables aux maladies chroniques11.

Figure 1. Evolution (en millions) des cas de maladies infectieuses et chroniques, dans les PED 12

Le poids sanitaire d’une maladie ne s’évalue pas au regard de la seule mortalité engendrée,

les maladies chroniques occasionnent aussi des incapacités (ou morbidités) qui perdurent

plusieurs années. L’unité de mesure la plus courante de la morbidité est le DALY Disability

Adjusted Life Years, qui équivaut à une année de vie perdue pour un individu en bonne santé. Cette

méthode réalise une combinaison entre le nombre d’année de vie perdue par décès prématuré, et

le nombre d’années de vie avec une incapacité ou un état de santé précaire. Les maladies

cardiovasculaires, les cancers et les blessures constituent les trois premières causes de

mortalité dans les PED13. Les trois principales causes de morbidité diffèrent ; puisque celles-ci

s’apparentent aux blessures, aux maladies mentales et aux accidents cardiovasculaires (cf. figure

2.). Par ailleurs, les maladies chroniques dans le Sud pèsent sur une population plus jeune que

dans les pays industrialisés. Elles affectent d’avantage des individus en âge de travailler, qui

procurent souvent un soutien familial essentiel.

10 WHO. The World Health Report 2002. Reducing Risks Promoting Healthy Life. Geneva, World Health Organisation, 2002. 11 LOPEZ AD, MATHERS CD, EZZATI M, JAMISON DT, MURRAY CJ. “Global and Regional Burden of Disease and Risk Factors 2001: Systematic Analysis of Population Health Data”. The Lancet, 367, 2006, pp 1747-1757. 12 BOUTAYEB A. “The Double Burden of Communicable and Non-Communicable Diseases in Developing Countries”. Transactions of the Royal Society of Tropical Medicine and Hygiene, 100, 2006, pp 191-199. 13 ANDERSON GF, CHU E. “Expanding Priorities. Confronting Chronic Disease in Countries with Low Income”. The New England Journal of Medicine, 356, 2007, pp 209-211.

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Figure 2. Causes de mortalité et de morbidité (DALY), dans les PED et dans le monde 14

En 2006, 53,8% de tous les décès dans les PED sont attribuables aux maladies

chroniques, alors que 36,4% dépendent des maladies infectieuses15. Toutefois, le rapport de

l’OMS Preventing Chronic Disease. A Vital Investment² met en lumière les disparités entre PED en

fonction de leur situation régionale, de leur Revenu National Brut (RNB) par habitant16, ou de

caractéristiques propres à chaque pays. Ce rapport conclut que les maladies chroniques

constituent la principale cause de morbi-mortalité dans toutes les régions du monde à l’exception

14 MIRANDA JJ, KINRA S, CASAS JP, DAVEY SMITH G, EBRAHIM S. “Non-Communicable Diseases in Low and Middle-Income Countries: Context, Determinants and Health Policy”. Tropical Medicine and International Health, vol. 13, n° 10, 2008, pp. 1225-1234. 15 LOPEZ AD, Disease Control Priority Project. Global Burden of Disease and Risk Factors. New York & Washington DC, Oxford University Press & World Bank, 2006. 16 La Banque mondiale distingue quatre catégories de pays en fonction de leur RNB par habitant : revenu faible, moins de 745 $ US / revenu intermédiaire inférieur, de 745 à 2975 $ US / revenu intermédiaire supérieur, de 2976 à 9205 $ US / revenu élevé, plus de 9206 $ US.

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du continent africain (cf. figure 3/4). La situation de l’Afrique subsaharienne explique cette

exception, dans la mesure où l’épidémie de VIH/SIDA y demeure le premier fléau sanitaire.

Figure 3. Mortalité par région du monde,

tous âges confondus, en 2005 ²

Figure 4. Morbidité par région du monde,

tous âges confondus, en 2005 ²

Figure 5. Mortalité en fonction du niveau de revenu

des pays, tous âges confondus, en 2005 ²

Figure 6. Morbidité en fonction du niveau de revenu des pays,

tous âges confondus, en 2005 ²

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Cependant dans l’ensemble des pays à faible revenus, incluant ceux d’Afrique sub-

saharienne, la charge liée aux maladies chroniques a bien dépassé celle des maladies perçues

comme spécifiques des populations pauvres : pathologies infectieuses, affections maternelles et

périnatales, ou malnutrition (cf. annexe 2). Dans les pays à niveaux de revenu intermédiaire

inférieur ou supérieur, le basculement des maladies transmissibles vers les maladies chroniques est

encore plus significatif (cf. figure 5 et 6).

Les pays émergents (Chine, Inde, Brésil…) voient s’accroître encore plus

substantiellement la charge associée aux maladies chroniques (cf. figure 7). Parmi la population

chinoise, 177 millions d’adultes présentent une hypertension artérielle et 303 millions fument,

représentant à eux seuls un tiers des tous les fumeurs dans le monde. De plus, la prévalence du

surpoids et de l’obésité explose en Chine17. L’épidémie des maladies chroniques devient le

principal défi de santé publique des pays émergents, associé à une inflation sans précédent du

coût des soins occasionnés.

Figure 7. Mortalité dans certains pays, tous âges confondus, en 2005 ²

Quatre pathologies contribuent à l’essentiel de la charge des maladies chroniques dans le

monde : les maladies cardiovasculaires, les cancers, les maladies respiratoires chroniques et le

diabète (cf. figure 8). Afin de comprendre l’impact de ces maladies sur la vie d’un individu, et les

actions de santé publique envisageables, nous les détaillons succinctement. Nous limitons le sujet

17 YANG G, KONG L, ZHAO W, WAN X, ZHAI Y, CHEN LC, KOPLAN JP. “Emergence of Chronic Non-Communicable Diseases in China”. The Lancet, 372, 2008, pp. 1697-1705.

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de notre exposé à ces quatre maladies chroniques, les plus fréquentes. Notons toutefois que bien

d’autres maladies chroniques pèsent sur les populations des PED : troubles mentaux, troubles de

la vue et de l’audition, maladies de l’appareil bucco-dentaire, troubles du squelette et des

articulations, maladies génétiques, etc.

Figure 8. Principales causes de mortalité dans le monde, tous âges confondus, en 2005 ²

Les maladies cardiovasculaires (MCV) sont la première cause de décès dans le monde, et

dans une majorité de PED (cf. figure 2) ; responsables à elles seules de 30,9% des tous les décès

annuels, soit 17 millions de personnes. Les MCV se manifestent le plus fréquemment sous la

forme de cardiopathies ischémiques dont l’infarctus du myocarde ; ou d’accidents vasculaires

cérébraux. L’athérosclérose représente la première étiologie des MCV, elle occasionne les lésions

vasculaires. La progression des MCV dans les PED est très rapide, 80% des décès qui leur sont

imputables surviennent déjà dans les pays du Sud18. La consommation de tabac et d’alcool, les

modifications alimentaires, et l’inactivité physique constituent les principaux facteurs de risques

de ces maladies cardiovasculaires.

Les cancers se caractérisent par une prolifération anormale de cellules tumorales dans un

organe. Le tabagisme en est l’une des causes majeures, avec pour conséquence une augmentation

rapide de la prévalence du cancer du poumon dans les PED. Dans une moindre mesure, on

assiste aussi à une recrudescence des cancers colorectaux, du sein, et de la prostate dans le Sud.

18 REDDY S. “Cardiovascular Diseases in the Developing Countries: Dimensions, Determinants, Dynamics and Directions for Public Health Action”. Public Health Nutrition, 5, 2002, pp. 231-237.

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Les maladies respiratoires chroniques se caractérisent par une obstruction du passage de

l’air lors de l’inspiration. Diverses formes existent, les plus répandues étant les broncho-

pneumopathies chroniques obstructives et l’asthme. Le tabagisme, une fois de plus, se révèle être

un facteur étiologique essentiel.

Quant au diabète, il se traduit par une élévation du taux de sucre dans le sang (la

glycémie). Dans plus de 90% des cas, le diabète apparaît chez un adulte présentant un excès de

poids. Ce diabète de type 2 est lié à un déficit de sécrétion en insuline par le pancréas

(insulinopénie), couplé à une utilisation limitée par les tissus périphériques du peu d’insuline

produite (insulino-résistance). L’obésité et l’inactivité physique se présentent comme ses deux

principaux déterminants. Ses complications sont très invalidantes : cécité, amputation des

membres inférieurs, insuffisance rénale, etc. Avec plus d’un milliard d’adultes en surpoids dans le

monde, et 312 millions en obésité19 ; la prévalence du diabète devrait doubler sur la période 2000-

2030, passant de 171 à 366 millions de cas (cf. figure 9). La charge liée à cette maladie demeure

encore très largement sous estimée dans les pays en développement.

Figure 9. Millions de cas de diabètes en 2000, projection en 2030, progression en pourcentage 20

19 HOSSAIN P, KAWAR B, NAHAS M. “Obesity and Diabetes in the Developing World - A Growing Challenge”. New England Journal of Medicine, 356, 2007, pp. 213-215. 20 WILD S, ROGLIC G, GREEN A, SICREE R, KING H. “Global Prevalence of Diabetes: Estimates for the Year 2000 and Projections for 2030”. Diabetes Care, 27, 2004, pp.1047-1053.

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Les causes des maladies chroniques sont multiples (cf. figure 10). Toutefois, trois facteurs

de risques s’identifient clairement comme responsables des quatre pathologies étudiées. Tous

trois se révèlent modifiables, ils n’apparaissent qu’à l’occasion de changement de modes de vie ;

d’où l’appellation anglo-saxonne de « Lifestyle Epidemy ». Il s’agit du tabagisme (cf. annexes

3/4) ; du déséquilibre alimentaire (cf. annexes 5/6/7) ; et de l’inactivité physique. Des actions de

prévention ont prouvé leur efficacité dans les pays industrialisés (cf. annexe 8) et seraient

reproductibles dans les PED à condition que leur système de santé et leurs ressources financières

le permettent. Dans l’hypothèse contraire, actuellement hautement probable, les habitants du Sud

demeureront les premières victimes de l’épidémie de maladies chroniques.

Figure 10. Les causes de maladies chroniques ²

2- La mondialisation, un catalyseur des risques de maladies

chroniques

OMRAN21 décrit en 1971 le modèle de transition épidémiologique, actuellement en cours

dans les pays en développement22. Durant la première phase de notre histoire, « l’âge de peste et

de la famine » pour reprendre l’expression de l’auteur, les individus meurent le plus souvent de

maladies infectieuses ou de malnutrition avant l’âge de trente ans. Ensuite survient la phase dite

de « l’âge du recul des pandémies » ; les maladies infectieuses sont sous contrôle tout en

demeurant la principale cause de mortalité, l’espérance de vie atteint la cinquantaine. La troisième

étape, qu’OMRAN pensait être la dernière, s’appelle « l’âge des maladies dégénératives causées

par l’homme » ; elle se caractérise par un net recul de la mortalité liée aux maladies infectieuses et

21 Epidémiologiste et démographe d’origine égyptienne, il a travaillé à l’Université de Caroline du Nord et à l’Ecole de Santé Publique John Hopkins de Baltimore (USA) 22 OMRAN A. “The Epidemiologic Transition: a Theory of the Epidemiology of Population Change”. Milbank Memorial Fund Quarterly, 49, 1971, pp. 509-538.

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une progression inverse de la mortalité due aux maladies chroniques. Cette phase a commencé au

début du vingtième siècle, à différents moments et dans divers pays du monde. Tous les pays

industrialisés l’ont achevé depuis les années 1950 : Amérique du Nord, Europe de l’Ouest, Japon,

Australie et Nouvelle Zélande. Une quatrième étape, oubliée par l’auteur, a ensuite été ajoutée

« l’âge du recul des maladies chroniques »23. Elle ne concerne pour l’heure que les pays

industrialisés ; la mortalité liée aux maladies cardiovasculaires y a diminué de 70% au cours des

trente dernières années (cf. figure 11). Enfin, une cinquième étape a été incluse en raison de la

situation de la Fédération de Russie et de certains pays d’Europe de l’Est après l’effondrement du

bloc soviétique. Cette dernière phase se dénomme « l’âge de la régression de la santé et des

bouleversements sociaux ». Elle se traduit par une réémergence des maladies chroniques et une

diminution de l’espérance de vie24. Les pays en développement poursuivent actuellement leur

transition épidémiologique, en passant massivement de la deuxième à la troisième phase du

modèle d’OMRAN. L’évolution s’avère particulièrement rapide dans les villes de Chine et d’Inde,

dans toute l’Amérique Latine et en Europe de l’Est25.

Trois types de déterminants sont avancés pour expliquer cette transition épidémiologique.

Les progrès agronomiques ont permis d’assurer, à la ville comme à la campagne, une base

alimentaire suffisante. Les avancées socio-économiques, favorisées par l’émergence des Etats et le

développement des transports ou du commerce, ont structuré la filière alimentaire et contribué à

un amortissement des effets des crises locales de production. La dernière cause est attribuée aux

progrès de la médecine expérimentale et de la santé publique. Paradoxalement plus l’espérance de

vie s’allonge dans un pays, plus sa population est susceptible de développer des maladies

chroniques. Par ailleurs, dans l’hypothèse où des politiques sanitaires seraient conduites pour

lutter contre ces pathologies, la transition épidémiologique offre une fenêtre d’opportunité de

vingt ans. Celle-ci apparaît lors du basculement des maladies infectieuses vers les maladies

chroniques comme cause principale de mortalité. Au cours de cette période, la population

d’enfants malades en bas âge diminue tandis que celle d’adultes atteints de maladies chroniques

ne progresse pas encore. Cette accalmie sur la demande de soins se présente comme un moment

privilégié et unique qu’un pays peut saisir pour investir dans la prévention des facteurs de risques

de MC, avant que l’épidémie ne s’aggrave et ne soit hors de contrôle26.

23 PICHERAL H. “Géographie de la Transition Epidémiologique”. Annales de géographie, XCVIIIème année, 1989, pp. 546. 24 En Russie, l’espérance de vie d’un homme était de 64 ans en 1990, elle chute à 59 ans en 2003. 25 GREENBERG H, RAYMOND S, LEEDER S. “Global Health assistance for Chronic Illness: A Look at the Practical”. Progress in Cardiovascular Diseases, Vol. 51, n° 1, 2008 pp. 89-96. 26 RAYMOND SU. “Foreign Assistance in an Aging World”. Foreign Affairs, n° 82, 2003, pp. 91-105.

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Figure 11. Adaptation du modèle de transition épidémiologique, aux maladies cardiovasculaires 27

La mondialisation accélère la transition épidémiologique dans les PED, qui se révèle plus

courte que celle observée dans les pays industrialisés. De rapides mutations économiques ou

sociales et des changements de comportements culturels s’opèrent dans les PED depuis une

décennie. Les forces à l’œuvre dans le processus de mondialisation ont d’importantes

répercussions sur la santé des populations, directement en modifiant leurs conditions de santé, ou

indirectement par des changements sociaux qui les affectent. Les maladies chroniques ne se

limitent pas à une problématique biomédicale ; des déterminants politiques et économiques

contribuent à la propagation des ces pathologies dans les PED28. L’urbanisation et la

consommation de tabac, étroitement liés au processus de mondialisation, sont deux déterminants

essentiels de la diffusion mondiale des MC.

27 YUSUF S, REDDY S, OUNPUU S. “Global burden of Cardiovascular Diseases: Part 1: General Consideration, The Epidemiologic Transition, Risk Factors, and the Impact of Urbanization”. Circulation, 104, 2001, pp. 2746-2753. 28 MACLEAN S, MACLEAN D. “Transnational Affairs of the Heart: Political Economy and the Globalization of Cardiovascular Disease”. Global Health Governance, vol. 2, n°1, 2008.

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L’urbanisation dans les PED progresse rapidement depuis une décennie. Selon le

Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), 26,3% de la population des

PED vivait en milieu urbain en 1975. Cette proportion atteint 40,87% en 2001, et se portera à

48,6% en 2015. La mondialisation, en modifiant la division internationale du travail et en

favorisant la transnationalisation de la production, offre des opportunités d’emploi dans les villes

du Sud. Par ailleurs, dans un contexte de libéralisation des marchés, les petites exploitations

agricoles présentent de grandes difficultés à faire face à la concurrence de firmes agroalimentaires

transnationales. L’exode rural s’accélère et s’accompagne d’une transformation des modes

d’alimentation en milieu urbain. Le « régime alimentaire de transition » se traduit par une

surconsommation d’aliments hypercaloriques, plus riches en graisses saturées et sel, et pauvres en

sucres complexes, fibres alimentaires, fruits et légumes. En conséquence, la prévalence du

surpoids et de l’obésité s’élève (cf. figure 12/13) et conduit à terme au développement de

maladies cardiovasculaires ou diabétiques, auxquelles les populations étaient peu exposées en

milieu rural. Cette évolution est clairement démontrée par des études comparant l’état de santé

des populations rurales et citadines en Inde29 et en Chine30.

Figure 12. Projection de la prévalence du surpoids, chez les femmes âgées de plus de 30 ans, selon le niveau de revenu des pays ²

29 REDDY S. “Cardiovascular Disease in India”. World Health Statistics Quarterly, n°46, 1993, pp. 101-107. 30 CHONGHAU Y, ZHAOSU W, YINGKAI W. “The Changing Pattern of Cardiovascular Diseases in China”. World Health Statistics Quarterly, vol. 46, n°2, 1993, pp. 113-118.

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Figure 13. Projection de la prévalence du surpoids, chez les femmes âgées de plus de 30 ans, selon les pays ²

Le tabagisme demeure l’une des causes majeures de maladies chroniques (cf. annexe 4).

Dans les pays du Nord, un recul de la consommation de tabac s’opère depuis plusieurs années.

Les politiques de santé publique portent leurs fruits : campagnes de prévention, législation sur la

publicité et le tabagisme dans les lieux publics, et taxation élevée des cigarettes. Une diminution

des MCV s’observe d’ailleurs sur la même période. Fort de ce constat, les firmes du tabac

recherchent de nouveaux marchés ; les pays du Sud deviennent leurs cibles prioritaires. Le succès

de cette réorientation stratégique des firmes s’avère indéniable, la consommation de tabac y

augmente annuellement de 2,8% entre 1971 et 199831. L’industrie de la cigarette profite, dans le

Sud, de la libéralisation des règles du commerce international et de l’absence de politique de

prévention du tabagisme. La Banque Mondiale estime que 1,3 milliards de fumeurs vivent dans

les PED32. Sur les 5 millions de décès annuels imputables au tabac, 50% surviennent actuellement

dans les pays à niveau de revenu faible ou intermédiaire. Cette proportion pourrait atteindre 70%

d’ici 2020.

La lutte contre les maladies chroniques nécessite une stratégie de prévention des facteurs

de risques, afin d’inciter les populations à adopter des comportements « sains » de santé. Ces

politiques de santé publique demeurent indispensables mais non suffisantes pour prévenir ces

facteurs de risque. Les aspects économiques et politiques de l’épidémie de MC sont à considérer.

La compréhension des interactions directes ou indirectes entre mondialisation et déterminants de

31 UNFAO. Higher World Tobacco Use Expected by 2010, Growth Rate Slowing Down. United Nations Food and Agriculture Organization, 2004. 32 GUINDON G, BOISCLAR D. Past, Current and Future Trends in Tobacco Use. Health, Nutrition and Population (HNP) Discussion Paper (Economics of Tobacco Control Paper No. 6). Washington, World Bank, 2003.

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santé, est à affiner avant d’initier une stratégie efficace de lutte contre les MC dans les PED33.

Sans une approche systémique et transdisciplinaire, la probabilité de contraindre les entreprises à

réduire la vente ou l’utilisation des produits nocifs pour la santé (tabac, sel, graisses saturées, etc.)

s’amenuise ; car ces mesures de prévention s’opposent à leurs intérêts financiers de producteurs

ou de distributeurs. Par ailleurs, l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) s’affirme

désormais comme un acteur ayant une emprise sur la santé mondiale, par le biais des accords sur

les Aspects du Droit et de la Propriété Intellectuelle (ADPIC) qui définissent les conditions

d’accès aux médicaments traitant les MC34, ou par les règles du commerce international du tabac

et des produits alimentaires. L’OMC devient un acteur incontournable de la lutte contre les

maladies chroniques, alors que la santé publique ne relève pas de son mandat.

Les relations complexes entre le processus de mondialisation et le développement de la

pauvreté dans les PED doivent être analysées ; car la corrélation entre pauvreté et maladies

chroniques est, pour sa part, clairement établie. Or l’urbanisation rapide des PED s’accompagne

d’une plus grande pauvreté dans les villes35.

Par ses répercussions sur la santé, la pauvreté constitue un déterminant des maladies

chroniques36. Le développement économique semble initialement favoriser l’exposition des

classes aisées des PED aux facteurs de risques, avant de rapidement se concentrer sur les plus

pauvres. Ceux-ci ont une probabilité supérieure de mourir de maladies chroniques, et ils

concentrent l’essentiel de la charge de morbidité. Ils sont plus vulnérables en raison de leur

manque de moyens, de comportements à risques plus fréquents, de conditions de vie difficiles, un

niveau d’instruction plus faible, et d’un accès limité aux soins médicaux (cf. figure 14). Une fois la

maladie chronique déclarée, elle affecte plus durement les personnes pauvres, en particulier les

femmes. Les études notent des similitudes dans le comportement des plus démunis : une

orientation plus rapide vers le « régime alimentaire de transition », une surconsommation de

33 WOODWARD D. et al. “Globalization and Health: A Framework for Analysis and Action”. Bulletin of the World Health Organisation, vol 79, n°9, 2001. 34 L’Organisation Mondiale du Commerce négocie dès 1995 un accord sur les Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle touchant au Commerce (ADPIC) afin de les inclure aux règles régissant le commerce international entre pays membres. Ces ADPIC concernent notamment les brevets de produits pharmaceutiques et leurs procédés de fabrication. 35 MERCADO S, HAVERMANN K, SAMI M, UEDA H. “Urban Poverty: an Urgent Public Health Issue”. Journal of Urban Health, 84, pp. 7-15, 2007. 36 La pauvreté peut être qualifiée d’extrême quand les ménages ne peuvent pas satisfaire les besoins vitaux ; de modérée quand ces besoins sont à peine satisfaits ; et de relative lorsque le revenu du ménage n’atteint pas le revenu national moyen par habitant. SACHS JD. The end of poverty. New York, Penguin Press, 2005.

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tabac, et un comportement plus sédentaire37 38. Le coût de l’alimentation illustre clairement que

les options de vie les plus saines correspondent généralement aux plus onéreuses et aux moins

accessibles pour les pauvres. Ce constat vaut également pour les populations défavorisées des

pays riches39. Ainsi, les aliments produits par l’industrie agroalimentaire (hyper-énergétiques,

riches en graisses et en sel) présentent un coût par calorie inférieur à celui des produits frais

(fruits, légumes ou poissons).

Figure 14. De la pauvreté aux maladies chroniques ²

En retour, les maladies chroniques exposent les populations atteintes au risque de

pauvreté, créant un cercle vicieux d’auto-aggravation. La banque mondiale souligne que la

pauvreté se majore rapidement à l’occasion du décès ou de l’incapacité du principal soutien de

famille40. Les maladies chroniques pèsent principalement sur les épaules d’une population en âge

de travailler. La majorité des décès ou des incapacités liées aux MC dans les PED concernent des

individus de moins de 60 ans (cf. figure 15), soit dix années plus tôt que dans les pays

industrialisés. En l’absence de protection sociale, les maladies chroniques représentent une charge

économique directe considérable pour une famille. Des soins sont requis pendant plusieurs

37 YU Z, NISSINEN A, VARTIAINEN E, SONG G, GUO Z, ZHENG G. et al. “Associations between Socioeconomic Status and Cardiovascular Risk Factors in an Urban Population in China”. Bulletin de l’Organisation Mondiale de la santé, 78, 2000, pp. 1296-1305. 38 BOVET P, ROSS AG, GERVASONI JP, MKAMBA M, MTASIWA DM, LENGELER C. et al. “Distribution of Blood Pressure, Body Mass Index and Smoking Habits in the Urban Population of Dar Es Salaam, Tanzania, and Associations with Socioeconomic Status”. International Journal of Epidemiology, 31, 2002, pp. 240–247. 39 STRONKS K, VAN DE MHEEN HD, MACKENBACH JP. “A Higher Prevalence of Health Problems in Low Income Groups: does it reflect Relative Deprivation?” Journal of Epidemiology and Community Health, 52, 1998, pp. 548-555. 40 HULME D, SHEPHERD A. “Conceptualizing Chronic Poverty”. World Development, 31, 2003, pp.403-423.

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années voire tout au long de la vie. Or il s’avère le plus souvent impossible au malade de

compenser entièrement, pendant les phases de rémission, le manque à gagner subi pendant les

périodes de maladie41. Les répercussions économiques indirectes des MC affectent les

perspectives d’emploi de tous les membres de la famille et donc leurs capacités de subsistance.

Une part conséquente du revenu familial étant consacrée aux soins ; la vente de biens du foyer

devient nécessaire pour compenser cette perte de revenu, et financer le coût du traitement. A

long terme, une famille qui vend ses outils de production, augmente sa vulnérabilité et menace

d’aggraver sa situation de pauvreté. L’incidence inter-génération des maladies chroniques est

majeure, elle se traduit souvent par une déscolarisation des enfants du malade, compromettant

ainsi leur chance future de trouver un travail. La prévention des MC et la promotion de la santé

recèlent un potentiel sous estimé de recul de la pauvreté dans les PED.

Figure 15. Causes des décès survenant avant l’âge de 60 ans, selon le niveau de revenu des pays 42

Le coût macro-économique des maladies chroniques dans les PED s’accroît aussi

considérablement. Ces pays enregistrent une perte importante de revenu national en raison de

l’incidence de la mortalité liée aux MC, sur l’offre de main d’œuvre, la consommation ou

l’épargne. Ces pertes s’accumulent avec le temps car le nombre de décès augmente chaque année.

Les modèles de l’OMS estiment que les pertes subies en 2015 seront trois et six fois plus élevées

que celles enregistrées en 2005 (cf. figure 16/17). A cet horizon, elles pourraient atteindre 558

milliards de dollars pour la Chine. Ces coûts ne cesseront d’augmenter si aucune mesure de

prévention n’est mise en œuvre. Les acteurs de la gouvernance mondiale de la santé publique

41 KOCHAR A. “Ill-Health, Savings and Portfolio Choices in Developing Countries”. Journal of Developing Economics, 2004, 73, 2004, pp.257-285. 42 MATHERS CD, BERNARD C, IBURG KM, INOUE M, MA FAT D, SHIBUYA K, STEIN C, TOMIJIMA N 2003. “The Global Burden of Disease in 2002: data sources, methods and results”. Discussion Paper n°54. Geneva, World Health Organ isation, 2003.

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commettent une grave erreur stratégique en négligeant l’enjeu des maladies chroniques dans les

pays du Sud.

Figure 16. Projection de la perte de revenu national (milliards $) entre 2005 et 2015, imputable aux cardiopathies, aux accidents vasculaires cérébraux et au diabète ²

Figure 17. Projection de la réduction annuelle du PIB (%) de 2005 à 2015, imputable aux cardiopathies, aux accidents vasculaires cérébraux et au diabète ²

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B- L’OMS, pionnier isolé de la lutte contre les mal adies chroniques

1- Un appel à l’action mondiale de l’OMS, au faible effet

mobilisateur

Publié en 2005, le rapport Preventing Chronic Diseases : A Vital Investment ² peut être

considéré comme la pierre fondatrice du plaidoyer de l’OMS en faveur de la lutte contre les

maladies chroniques dans les PED. Ce rapport se fonde sur des preuves épidémiologiques

intangibles quant à la charge croissante des maladies chroniques dans le Sud. L’argumentaire de

l’OMS repose aussi sur l’impact économique et sur les interactions entre pauvreté et maladies

chroniques. Ce rapport demeure aujourd’hui l’un des rares documents de référence consacré à

cette épidémie dans les PED. Il fournit d’ailleurs la plupart des données statistiques et

économiques utilisées pour la rédaction de la première partie de notre exposé (I/A. Un double

fardeau sanitaire pour les pays en développement).

Les politiques de santé publique donnent la priorité à la lutte contre les maladies

transmissibles dans les PED, alors que leur poids en termes de morbi-mortalité s’avère désormais

inférieur à celui des maladies chroniques. Face à ce constat, l’OMS lance un appel à l’action en

s’appuyant sur l’expertise de son rapport de 2005. Tous les acteurs en charge des questions

sanitaires internationales sont invités à prendre conscience du poids de cette épidémie. L’OMS

plaide pour une inscription des maladies chroniques à l’agenda de la gouvernance mondiale de la

santé. Cette institution souhaite promouvoir les MC comme un objectif de développement,

jusqu’ici sous estimé. Des acteurs publics (gouvernements, bailleurs de fond, organisations inter

gouvernementales) et privés (industries, fondations, ONG, société civile) se trouvent visés par

cette campagne.

L’OMS propose d’inscrire un objectif mondial de prévention et de contrôle des maladies

chroniques en complément des Objectifs du Millénaire pour le Développement43 (OMD, cf.

annexe 9). Les maladies chroniques n’ont pas été initialement incluses dans les cibles mondiales44.

43 En septembre 2000, la Déclaration du Millénaire de l’ONU est approuvée par 189 pays. Une feuille de route propose des objectifs à atteindre d’ici 2015. La santé est au centre de la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), trois d’entre eux se rapportant spécifiquement aux problèmes sanitaires : réduire la mortalité infantile (OMD n°4), améliorer la santé maternelle (OMD n°5) et combattre le VIH/SID A, le paludisme et d’autres maladies (OMD n°6) 44 FUSTER V, VOUTE J. “MDGs: Chronic Diseases are not on the Agenda”. The Lancet, 366, 2005, pp. 1512-1514.

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Elles pourraient l’être, par exemple, dans l’OMD 6 « combattre le VIH/SIDA, le paludisme et

d’autres maladies »45. Par ailleurs, la prévention des maladies chroniques participe aussi à la

diminution de la pauvreté, promue par l’OMD 1. L’OMS entend compléter l’OMD 6 par une

réduction annuelle supplémentaire de 2% des décès liés aux maladies chroniques dans le monde.

Afin de prouver les bénéfices potentiels de cet objectif ; le département des maladies chroniques

et de promotion de la santé de l’OMS a réalisé une étude prospective dans vingt-trois PED, qui

supportent ensemble 80% de la charge des maladies chroniques dans le Sud46 (cf. annexe 10). Le

modèle statistique utilisé estime que la réalisation de cet objectif, sur la période 2006-2015,

permettrait d’épargner 36 millions dans ces pays. Par ailleurs, 57% de ces décès évités

concerneraient des individus de moins de soixante ans (cf. figure 18).

Figure 18. Projection des décès prévenus et d’années de vie gagnées, entre 2006 et 2015, dans 23 PED sélectionnés, par une réduction annuelle de 2% de la mortalité liée aux maladies chroniques,

Une intervention visant à prévenir et réduire les maladies chroniques dans un PED,

répond à plusieurs conditions47. Premièrement, elle cible des facteurs de risques qui occasionnent

des MC. Deuxièmement, l’intervention doit être efficace et conduire à des changements

favorables de comportement, aptes à réduire la morbi-mortalité des MC. Troisièmement, elle

apporte la preuve que cette intervention est soutenable et rentable pour les PED, et que son

intensification sera envisageable. Trois interventions, recommandées par l’OMS, répondent à ces

45 WHO. La Santé et les Objectifs du Millénaire pour le Développement. Genève, World Health Organisation, 2005. 46 ABEGUNDE DO, MATHERS CD, ADAM T, ORTEGON M, STRONG K. “The Burden and Costs of Chronic Diseases in Low-Income and Middle-Income Countries”. The Lancet, 370, 2007, pp. 1929-1938. 47 GAZIANO TA, GALEA G, REDDY KS. “Scaling up Interventions for Chronic Disease Prevention: the Evidence”. The Lancet, 370, 2007, pp.1939-1946.

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conditions : la lutte contre le tabagisme, la réduction du sel alimentaire, et une prescription poly-

médicamenteuse pour les patients à haut risque cardiovasculaire. Le rapport coût-efficacité de ces

interventions dans les PED est excellent, et permettrait leur mise en œuvre malgré des ressources

financières limitées. Par ailleurs, leur impact sur la réduction des maladies chroniques concourrait

à la réalisation de l’OMD complémentaire proposé par l’OMS.

La réduction de 15% de la consommation de sel et l’application de la convention anti-

tabac de l’OMS48 sont envisageables pour un coût annuel inférieur à 0,40$ par habitant dans les

pays à revenu faible et intermédiaire49. En une décennie, de 2006 à 2015, ces deux mesures

permettraient d’épargner 13,8 millions de décès dans les PED (cf. figure 19). Les décès évités le

seraient par une réduction de maladies cardiovasculaires (75%), des maladies des voies

respiratoires (15%) et des cancers (9%). Deux tiers des effets bénéfiques dépendent de la

réduction de la consommation de sel, et un tiers de la diminution de consommation de tabac.

Figure 19. Morts prévenues selon le niveau d’intervention, dans la population des PED, de 2006 à 2015

Proposer une poly-chimiothérapie médicamenteuse aux patients à risque cardiovasculaire

dans les PED, permettrait d’éviter à 17,9 millions de décès sur la période 2005-2016. En majorité

ces individus sauvés seraient âgés de moins de 70 ans (56%), et proportionnellement plus de

femmes que d’hommes50. Le coût financier de cette mesure est estimé à 47 milliards de dollars sur

une décennie. Le coût moyen par habitant s’établirait autour de 1,10$ par an (de 0,43 à 0,93$ dans

48 SHIBUYA K, CIECIERSKI C, GUINDON E. et al. “WHO Framework Convention on Tobacco Control: Development of an Evidence Based Global Public Health Treaty”. BMJ, 327, 2003, pp. 154-157. Cette convention FCTC « Framework Convention on Tobacco Control » sera détaillée dans la partie I/ B.2. 49 ASARIA P, CHISHOLM D, MATHERS C, EZZATI M, BEAGLEHOLE R. “Chronic Disease Prevention: Health Effects and Financial Costs of Strategies to Reduce Salt Intake and Control Tobacco Use”. The Lancet, 370, 2007, pp. 2044-2053. 50 LIM SS, GAZIANO TA, GAKIDOU E, REDDY KS, FARZADFAR F, LOZANO R, RODGERS A. “Prevention of Cardiovascular Disease in High-Risk Individual in Low-Income and Middle-Income Countries: Health Effects and Costs”. The Lancet, 370, 2007, pp. 2054-2062.

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les pays à faible revenu, et de 0,54 à 2,93$ dans les pays à revenu intermédiaire). Cette poly-

chimiothérapie se prendrait sous la forme d’un comprimé contenant trois médicaments :

l’aspirine, un antihypertenseur et un hypocholestérolémiant. Il serait attribué en prévention

secondaire aux individus ayant des antécédents personnels de maladie cardiovasculaire, et en

prévention primaire aux personnes exposées à une forte probabilité de développer ces

pathologies. Les constituants de ce traitement appartiennent au domaine public, ils peuvent donc

être produits à faible coût.

Pour soutenir son plaidoyer, l’OMS ne se contente plus de publier des études de santé

publique dans les plus prestigieuses revues médicales (en l’occurrence The Lancet). Actant

l’irruption de nouveaux acteurs sur la scène internationale, l’OMS intègre les effets de la

mondialisation à la réflexion qui fonde sa stratégie de lutte contre les MC. L’OMS se propose de

coopérer avec ces acteurs pour définir une gouvernance mondiale de la santé, elle semble

accepter la fin de son monopole sur les questions sanitaires. Les partenariats recherchés

prendraient la forme de collaborations sur la base d’une division convenue du travail, au service

d’objectifs communs. Par ailleurs, l’OMS souhaite la création d’une structure organisationnelle

pour gérer de manière efficace ces partenariats. Un accord commun entre toutes les parties

établirait le rôle et les responsabilités de chacun, avant de fixer des résultats à atteindre. Des

partenaires qui présentent des conflits d’intérêt avec la finalité de ces partenariats seront d’office

écartés. L’OMS évoque par exemple l’industrie du tabac et de l’armement.

Tenant compte de l’importance croissante des préoccupations économiques dans

l’élaboration des politiques internationales, l’OMS prend soin de souligner le faible coût des

actions de préventions envisagées. Elles s’avèrent sans commune mesure avec les dépenses

colossales qu’engendreront les MC dans les années à venir, si aucune politique de prévention

n’est initiée. L’OMS certifie rentables et financièrement applicables, les interventions qu’elle

propose dans les PED. Leur excellent rapport coût-bénéfice constitue l’un des principaux

arguments du plaidoyer de l’OMS en faveur d’une plus grande équité d’accès aux soins. Les

publications de l’OMS mettent souvent en parallèle deux projections économiques : le coût de

l’inaction entre 2006 et 2015 (84 milliards $ US de perte de RNB) et le coût des politiques de

prévention pour sauver 36 millions de vies d’ici 2015 (6 milliards $ US). Par chance, ces

interventions dans les PED s’avèrent être « bon marché ». Dans l’hypothèse inverse, le discours

de l’OMS censé convaincre ses partenaires de soutenir sa démarche aurait été plus ardu à trouver.

L’inaliénabilité du droit à la santé, est un argument qui se suffirait à lui-même. Ce principe a déjà

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été défendu par l’OMS, avec courage et conviction, au sujet de l’accès aux médicaments

essentiels51. Cependant l’épidémie de VIH/SIDA demeure toujours hors de contrôle dans de

nombreuses régions du monde, et continue de progresser dramatiquement en Afrique

subsaharienne.

L’effet mobilisateur de l’appel à l’action de l’OMS demeure encore aujourd’hui très

modeste, pour ne pas dire inexistant. Alors que les maladies infectieuses et la malnutrition sont

communément admises comme des pathologies touchant les plus pauvres ; les croyances de santé

persistent au sujet des maladies chroniques, toujours considérées comme des maladies de

personnes riches ou âgées. Pourtant la réalité diffère, les MC affectent en priorité les individus

pauvres et deviennent la première charge des pays en développement. La gravité de cette

épidémie est notoirement sous estimée, comme le prouve son sous financement flagrant. En

2002, la Banque Mondiale, l’OMS et les agences bilatérales de développement ont consacré

ensemble 69 millions de dollars à la lutte contre les maladies chroniques dans les PED. Cela

représente moins de 1% du total de l’aide publique au développement fournie par les pays de

l’OCDE pour le secteur de la santé52. En 2007, la fondation Bill et Melinda Gates ne finançait pas

de programme de la lutte contre les MC, malgré son objectif déclaré de prévenir et de traiter les

principales causes de décès dans le Sud53 54. L’indifférence et la léthargie de tous ces acteurs

contrastent avec l’urgence et la charge croissante de l’épidémie dans les PED.

Toutefois certaines initiatives, encore sporadiques, répondent à l’appel à l’action lancé par

l’OMS. Identifiés les pionniers qui s’engagent pour lutter contre cette épidémie, nous permet de

cerner les futurs acteurs qui, à l’instar de l’OMS, pourraient inscrire la lutte contre les maladies

chroniques à l’agenda international.

Plusieurs Etats du Sud initient des politiques de prévention des maladies chroniques, sans

bénéficier d’un soutien international.

51 OMS. “Mondialisation, ADPIC et Accès aux Produits Pharmaceutiques”. Perspectives politiques de l’OMS sur les médicaments, n°3, mars 2001. 52 YACH D, HAWKES C. Towards a WHO Long-Term Strategy for Prevention and Control of Leading Chronic Diseases. Geneva, World Health Organization, 2004. 53 Bill & Melinda Gates Foundation. Global Health Priority Diseases and Conditions. Consultable sur : http://www.gatesfoundation.org/global-health/pages/overview.aspx 54 A partir de 2008, la Fondation Bill et Melinda Gates apportera son soutien financier à l’initiative du maire de New York, Michael BLOOMBERG, pour lutter contre le tabagisme dans les PED (cf. page 33)

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Singapour adopte ainsi des mesures législatives de lutte contre le tabagisme : restreindre

les conditions de vente de cigarettes, homologuer des débits de tabac, apposer des mises en garde

sanitaires sur les paquets, interdire l’usage du tabac dans les lieux publics et pour les moins de 18

ans. Ces mesures permettent un recul de la prévalence du tabagisme de 18% en 1992, à 17% en

1995, puis 15% en 199855.

Les Philippines promeuvent aussi une politique anti-tabac. En 1999, la loi intitulée Clear

Aid Act qualifie de polluant la fumée de cigarette et impose la création de lieux non fumeur dans

tous les établissements publics et les restaurants. Parallèlement, le montant des taxes sur les

cigarettes est relevé. En 2003, une campagne de sensibilisation menée auprès des élèves et des

professeurs, précède l’interdiction de fumer sur les campus universitaires sous peine d’amendes.

La même année, une loi prohibe la publicité pour les cigarettes et leur vente aux mineurs, et

impose des messages sanitaires sur les paquets. Chez les élèves, les résultats sont spectaculaires.

Sur la période 2000-2003, la proportion de garçons qui fument a reculé de 27% à 14%, et de 13%

à 9% pour les filles56.

Le Brésil lance en 1996 le programme Agita, dont l’objectif est d’inciter les 37 millions

d’habitants de l’Etat de Sao Paulo à avoir une activité physique. Ce programme compte trois

cents institutions partenaires qui relaient les messages du programme dans leur propre réseau. Les

déclarations de pratique d’activité physique augmentent, passant de 55% de la population en 1998

à 60% en 2003. Par ailleurs, un sous groupe cible de patients diabétiques et hypertendus voit

augmenter de 96% le nombre de personne s’adonnant à une activité physique57.

Pour sa part, la Chine initie dès 1995 un programme de prévention des maladies

chroniques dans sept villes et dans plusieurs régions de la province de Yunnan. Au total, ce

programme concerne 90 millions d’habitants. Notons d’ailleurs qu’il reçoit le soutien financier de

la Banque Mondiale. Quatre domaines d’action ont été choisis : développer les institutions de

santé, mener des réformes politiques, promouvoir des ressources humaines, et surveiller l’état de

55 TAN ASL, ARULANANDAM S, CHNG CY, VAITHINATHAN R. “Overview of Legislation and Tobacco Control in Singapore”. International Journal of Tuberculosis and Lung Disease, 4, 2000, pp. 1002-1008. 56 MIGUEL-BAQUILOD M, FISHBURN B, SANTOS J, JONES NR, WARREN CW. “Tobacco Use among Students aged 13–15 years, Philippines, 2000 and 2003”. Morbidity and Mortality Weekly Report, 54, 2005, pp. 94-97. 57 MATSUDO SM, MATSUDO VR, ANDRADE DR, ARAUJO TL, ANDRADE E, DE OLIVEIRA L. et al. “Physical Activity Promotion: Experiences and Evaluation of the Agita Sao Paolo Program using the Ecological Mobile Model”. Journal of Physical Activity and Health, 1, 2004, pp. 81-97.

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santé de la population pour intervenir plus efficacement58. Une réduction de 59% à 44% de la

prévalence du tabagisme chez les hommes est constatée. A Beijing, le dépistage et les soins de

patients atteints d’hypertension artérielle augmentent. La mortalité liée aux maladies

cardiovasculaires (accidents vasculaires cérébraux et maladie cardiaque) décroit fortement, passant

de 1,6% à 0,8% entre 2000 et 2002. A Shenyang, la prévalence du tabagisme recule de 29% à 13%

entre 1997 et 2002, tandis que la proportion de personnes pratiquant une activité physique

régulière progresse de 41% à 84%.

L’Inde développe un programme de prévention du diabète, qui repose sur des

interventions modifiant le style de vie, et la prescription d’un antidiabétique oral (Metformine)59.

Ce pays développe des programmes d’action communautaire qui aident des malades aveugles,

habitants les zones rurales, à se déplacer et à accomplir des tâches courantes60.

Le Pakistan initie lui aussi un programme d’action communautaire. Des bénévoles formés

identifient les personnes handicapées dans certains villages et bidonvilles, afin de leur proposer

une rééducation61. Une amélioration de la qualité de vie des sujets s’observe dans plus de 80% des

cas.

Enfin, le Mexique lance une campagne visant à améliorer la qualité des services de santé,

et tente de proposer des soins plus efficaces aux personnes atteintes de diabète. Un projet pilote

dans l’Etat de Verra Cruz combine plusieurs actions : une information sur cette pathologie, un

renforcement des compétences des agents de santé, la création de dispensaires pour les

diabétiques, des visites de médecins auprès de groupes de patients se traitant seuls, et la formation

des sujets diabétiques pour qu’ils deviennent des agents de santé communautaire. Les prises en

charge conformes aux recommandations de traitement du diabète passent de 28% à 39% des

patients. De plus, ceux-ci sont désormais 7,1% à s’injecter eux-mêmes l’insuline, contre 3,5%

auparavant62.

58 TIAN HG, GUO ZY, HU G, YU SJ, SUN W, PIETINEN P. et al. “Changes in Sodium Intake and Blood Pressure in a Community based Intervention Project in China”. Journal of Human Hypertension, 9, 1995, pp. 959-968. 59 RAMACHANDRAN A, SNEHALATHA CM, MARY S, MUKESH B, BHASKAR AD, VIJAY V. “The Indian Diabetes Prevention Programme shows that Lifestyle Modification and Metformin Prevent Type 2 Diabetes in Asian Indian Subjects with Impaired Glucose Tolerance”. Diabetologia, 49, 2006, pp. 289-297. 60 VIJAYAKUMAR V, JOHN RK, DATTA D, THULASIRAJ RD, NIRMALAN PK. “Quality of Life After Community-based Rehabilitation for Blind Persons in a Rural Population of South India”. Indian Journal of Ophthalmology, 52, 2004, pp. 331-335. 61 FINNSTAM J, GRIMBY G, NELSON G, RASHID S. “Evaluation of Community-based Rehabilitation in Punjab, Pakistan: I: Use of the WHO manual, Training Disabled People in the Community”. International Disability Studies, 10, 1988, pp. 54-58. 62 Pan American Health Organization. Proyecto Veracruz para el Mejoramiento de la Atención a la Diabetes. Veracruz Initiative for Diabetes Awareness (VIDA) final report. Washington DC, PAHO, 2005.

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La prise de conscience des acteurs institutionnels demeure encore plus discrète. La

Banque Mondiale publie finalement en 2007 un rapport dans lequel elle souligne l’importance des

politiques publiques de prévention des maladies chroniques, et la nécessité pour les PED de

préparer leurs services à cette épidémie63. Cependant la Banque Mondiale n’a pas encore réaffecté

ses ressources en ce sens.

Deux organismes gouvernementaux d’aide au développement, australien64 et

britannique65, font désormais référence aux maladies chroniques dans leurs orientations

stratégiques, respectivement depuis 2006 et 2007. Cette préoccupation attend maintenant de se

traduire par un soutien financier aux pays du Sud.

Alors que les priorités sanitaires des pays du Sud évoluent, les fonds alloués par les

fondations se focalisent essentiellement sur les maladies infectieuses (VIH/SIDA, tuberculose,

paludisme). L’initiative du maire de New York fait exception à la règle. Créée en 2006, The

Bloomberg Initiative a pour but de lutter contre le tabagisme dans les PED66. Sa démarche est

soutenue par la Fondation Bill et Melinda Gates depuis 2008. Un investissement commun total de

500 millions de dollars aide les gouvernements des PED à mettre en œuvre des politiques de lutte

anti-tabac.

Les Organisations Non Gouvernementales (ONG) qui s’alarment de la progression de

l’épidémie de MC dans les PED, se font rares. La lutte contre les maladies chroniques se heurte

inlassablement aux croyances sur la santé des plus pauvres, encore largement prédominantes. Les

maladies infectieuses et la malnutrition dans les PED conservent un fort potentiel de

sensibilisation, et une meilleure exposition médiatique. Or les ONG restent dépendantes de

collectes de fond auprès des particuliers, ou de financements publics nationaux voire européens.

Cela pourrait expliquer la faible mobilisation des ONG sur cette question. Cette hypothèse mérite

d’être posée, car une explication alternative serait alors leur méconnaissance du poids des MC

dans les PED. Dans ce cas, les ONG s’exposent à un affaiblissement de leur légitimité, car elles

63 ADEYI O, SMITH O, ROBLES S. Public Policy and the Challenge of Chronic Non-Communicable Diseases. Washington, The World Bank, 2007. 64 AusAID. A Policy for Australian Development Assistance in Health. Canberra, Australian Agency for International Development, 2006. 65 DFID. Working Together for Better Health. DFID Health Strategy 2007. Department For International Development, London, 2007 66 FRIEDEN T, BLOOMBERG M. “How to Prevent 100 million Deaths from Tobacco”. The Lancet, 369, 2007, pp 1758-1761. The Bloomberg Initiative, consultable sur : http://www.tobaccocontrolgrants.org/

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se présentent comme des sentinelles des enjeux sanitaires dans les pays du Sud et communiquent

sur la pertinence et l’efficacité de leurs programmes d’actions.

Handicap International fait figure de pionnier parmi les ONG internationales. Certains de

ses programmes soutiennent la prévention et les soins auprès de patients diabétiques67. Cette

prise de conscience nait de la perception par les équipes de terrain, de l’émergence de cette

épidémie au sein des centres de réadaptation de l’association. Les complications du diabète

occasionnent un nombre croissant d’amputations des membres inférieurs. Cette pathologie

deviendrait ainsi l'une des principales causes mondiales de handicap au cours des prochaines

décennies. Cette ONG est aussi l’une des premières à stigmatiser l’inertie de la communauté

internationale, qui sous estime les conséquences de cette maladie invalidante. Handicap

International, avec le soutien de partenaires locaux, mène différentes actions de réduction des

facteurs de risques de diabète : promouvoir l'activité physique et une alimentation équilibrée ;

former le personnel médical local au dépistage précoce des patients ; soutenir les activités de

soins de diabétiques ; faciliter l'accès aux médicaments ; permettre un suivi régulier proche du lieu

de vie ; fournir un appareillage adapté à chaque patient diabétique amputé ; et soutenir les

associations de diabétiques. Ces projets se développent dans 8 pays : Philippines, Nicaragua,

Thaïlande, Mali, Inde, Madagascar, Kenya et Burundi. Par ailleurs cette ONG soutient un

plaidoyer national et international pour que le diabète soit reconnu comme une priorité de santé

publique dans les PED.

La mobilisation au sein de la société civile commence à voir le jour. Un partenariat

d’experts indépendants The Chronic Disease Action Group, s’est constitué pour soutenir l’appel à

l’action de l’OMS (cf. annexe 11). En 2007, ce groupe est à l’origine d’une série d’articles de la

revue anglaise The Lancet68. Ces publications sollicitent un changement urgent de stratégie des

acteurs de la santé mondiale et détaillent, études à l’appui, l’excellent rapport coût-efficacité des

programmes de prévention des MC dans les PED.

La sensibilisation des individus à la prévention des maladies chroniques se diffuse

désormais par Internet via des réseaux communautaires. L’information sur les MC y circule plus

librement et plus rapidement. Les ressources documentaires se présentent le plus souvent en

67 Handicap International. Diabète, en Lutte contre une Epidémie Annoncée. Consultable sur : http://www.handicap-international.fr/s/nos-savoir-faire/sante/diabete-en-lutte-contre-une/index.html 68 BEAGLEHOLE R, EBRAHIM S, REDDY S, VOUTE J, LEEDER S, on behalf of the Chronic Disease Action Group. “Prevention of Chronic Diseases: A Call to Action”. The Lancet, 370, 2007, pp. 2152–2157.

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accès libre (Open Access). Ces réseaux émanent encore très majoritairement de communautés

basées dans les pays industrialisés. L’un des plus anciens et des plus influents réseaux

d’information est le North Karelia Project Website69. Citons aussi : 3 FOUR 50 An Oxford Health

Alliance Initiative70, Global Health Council71, SciDev.net72, Global Forum for Health Research73, Global

Health Governance74. Ces réseaux de gouvernance informelle se multiplient aussi dans les PED,

toutefois leur accessibilité pour la population demeure partielle et leurs impacts difficiles à

évaluer.

2- Les résultats contrastés des politiques initiées par l’OMS

Depuis sa création le 7 avril 1948, l’OMS a subi de multiples critiques. La charge la plus

étayée et la plus virulente est publiée en 1994 dans une série de trois articles parus dans la revue

British Medical Journal75. Y étaient particulièrement pointés son manque d’efficacité, ses choix

politiques erronés, ses luttes de pouvoir, et sa faible capacité opérationnelle.

Un groupe d’experts internationaux et de praticiens de la santé se sont interrogés sur

l’efficacité de la structure institutionnelle de l’OMS, afin de savoir si elle est adaptée aux défis

futurs de la santé dans le processus de mondialisation. Leur rapport publié en 1996 conclut que le

principal rôle de l’OMS sera d’établir les normes de santé mondiale, que cette fonction mérite

d’être renforcée dans les années à venir sans avoir à pâtir d’un accent mis sur l’assistance

technique76. Cette institution devrait donc assumer le leadership de la définition des normes de

santé mondiale afin de promouvoir plus de cohérence et d’équité dans la mise en œuvre des

politiques internationales. Cette réorientation stratégique a longtemps fait débat au sein de l’OMS.

69 Consultable sur : http://www.cvhpinstitute.org/links/northk.htm. Programme de réduction des facteurs de risques cardiovasculaires initié en 1972 dans la région de Carélie du Nord en Finlande, pays qui enregistrait alors le taux de mortalité cardiovasculaire le plus élevé au monde. Ce programme communautaire visait à changer les habitudes de vie de la population de cette région par une éducation nutritionnelle et une sensibilisation aux risques du tabagisme. Une diminution de la mortalité cardiovasculaire de 57% entre 1972 et 1992 est constatée chez les hommes de 35 à 64 ans. Les résultats exceptionnels de ce programme ont accéléré sa diffusion. Il est devenu un modèle pour de nombreux programmes, notamment ceux de l’OMS en Europe. 70 Consultable sur : http://www.3four50.com/ 71 Consultable sur : http://www.globalhealth.org/ 72 Consultable sur : http://www.scidev.net 73 Consultable sur : http://www.globalforumhealth.org/ 74 Consultable sur : http://ghgj.org/ 75 GODLEE F. “WHO in Retreat: is it Losing its Influence” British Medical Journal, 309, n°6967, 1994, pp.1491-1495 ; GODLEE F. “WHO in Crisis” British Medical Journal, 309, n°6966, 1994, pp.1424-1428 ; GODLEE F. “WHO Fe llowships, What do they Achieve?” British Medical Journal, 310, n°6972, 1995, pp.110-112. 76 Pocantico Retreat. Enhancing the Performance of International Health Institutions. 1-3 Février 1996.

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Les conclusions de ce rapport sont en partie avaliser en 2007 par Margaret CHAN, directrice

générale de l’OMS, lors de la définition des priorités essentielles de cette OIG : renforcer son

leadership sur les problèmes critiques de santé ; fixer des normes et des règlements, surveiller leur

mise en application ; définir un agenda de recherches ; et proposer des politiques combinant

preuves scientifiques et souci éthique77.

L’OMS a initié deux politiques internationales de lutte contre les maladies chroniques, The

Global Strategy on Diet, Physical Activity and Health (GSDPAH)78 en 2004, et The WHO Framework

Convention on Tobacco Control (FCTC)79 en 2005. Ces deux normes de santé mondiale n’adoptent

pas la même forme juridique, et ne disposent pas du même pouvoir contraignant. La GSDPAH

s’assimile à une recommandation de l’OMS rapidement entrée en vigueur, qui promeut une large

coopération entre acteurs. La FCTC est un traité international dont la ratification par l’ensemble

des pays membres de l’OMS se poursuit.

The Global Strategy on Diet, Physical Activity and Health est adoptée en mai 2004 par

l’Assemblée mondiale de la Santé80. Elle a pour principal objectif de prévenir les maladies

chroniques, en se focalisant sur deux facteurs de risques modifiables : l’alimentation et l’activité

physique. Cette stratégie s’appuie sur une coopération entre tous les acteurs de la santé, et précise

le rôle spécifique de chacun (OMS, autres OIG, Etats, industries agroalimentaires, société civile,

ONG, etc.). Ces recommandations visent à initier des actions locales, nationales ou

internationales concourant à réduire la mortalité liée à la sédentarité et à des comportements

alimentaires non sains. Cette stratégie souligne la nécessité pour les pays d’élaborer des politiques

multisectorielles sur le long terme et des plans d’action durables, qui sont seuls propices à un

changement de comportement des individus et des communautés.

La mise en œuvre de la stratégie GSDPAH dans les pays en développement se heurte aux

faibles capacités de leurs systèmes de santé, et de leurs finances publiques. De plus, son statut de

simple recommandation n’a aucun caractère contraignant. Certains PED améliorent leurs moyens

de prévention et de contrôle des maladies chroniques, cependant leurs actions au niveau national

et infranational doivent être soutenues pour atteindre des résultats significatifs. A cette fin, l’OMS

77 WHO. Draft Medium-Term Strategic Plan 2008-2013. Genève. World Health Organisation, 2007. Consultable sur : http://www.who.int/gb/e/e_mtsp.html 78 WHO. Global Strategy on Diet, Physical Activity and Health. WHA57.17. Genève, World Health Organisation, 22 May 2004. 79 WHO. WHO Framework Convention on Tobacco Control. WHA56.1. Genève, World Health Organisation, 27 February 2005. 80 Consultable sur : http://www.who.int/dietphysicalactivity/en/

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choisit de leur consacrer plus de ressources financières et humaines, en particulier dans les pays à

faibles revenus. D’autre part, la coopération de l’industrie agroalimentaire est encore très

parcellaire81. Des efforts sur l’information du consommateur et l’étiquetage des produits ont été

entrepris, toutefois ces mesures restent de portée limitée alors que des actions d’envergure

s’avèrent indispensables pour faire face à l’urgence de l’épidémie. L’OMS doit renforcer son

emprise sur l’industrie agroalimentaire. Rappelons que plus de 77% des produits alimentaires

vendus dans le monde en 2002, correspondent à des aliments transformés ou des boissons82.

The WHO Framework Convention on Tobacco Control est le premier traité de santé mondiale

négocié sous les auspices de l’OMS83. Il cible l’épidémie de maladies chroniques imputable au

tabagisme, et affirme l’importance des stratégies de réduction de l’offre et de la demande. Entré

en vigueur le 27 février 2005, ratifié par plus de cent cinquante pays, ce traité s’avère être l’un des

plus largement adopté de l’histoire des Nations Unies. Parmi les pays non signataires, citons la

Fédération de Russie, l’Indonésie, et les Etats-Unis qui l’ont toutefois signé mais pas ratifié. L’un

des principaux fondements de ce traité est d’augmenter les taxes sur le tabac pour réduire sa

consommation, et dégager ainsi des ressources financières pour soutenir les programmes de lutte

anti-tabac ou d’autres actions de prévention des maladies chroniques. Cette convention prévoit

aussi l’élaboration de normes mondiales pour réglementer les constituants des produits du tabac.

Cette convention FCTC occupe une place singulière dans l’histoire de l’OMS et du droit

international. L’OMS a pour la première fois utilisé son pouvoir législatif pour promulguer un

traité international afférant à la santé. Il impose une législation nationale sur la vente du tabac en

dehors du cadre de négociations de l’OMC, en invoquant une exception de santé84.

Plusieurs difficultés compliquent l’application de cette convention FCTC. Elle nécessite

d’être incorporée aux législations nationales, qui doivent prévoir de puissants leviers d’exécution

et de suivi. Un engagement sans faille des gouvernements est requis, faisant fi des pressions

croissantes des firmes transnationales du tabac. Toutes ces conditions sont parfois difficiles à

réunir dans certains pays en développement. Cependant, une fois mis en place, ce traité permet

une réduction significative de la consommation de tabac et des maladies chroniques. Des résultats

dont la stratégie GSDPAH ne peut encore se prévaloir. Les politiques anti-tabac menées par

81 Anonym. “Nestle M. Food Industry and Health: Mostly Promises, Little Action”. The Lancet, 368, 2006, pp. 564-565. 82 GEHLHAR M, REGMI A. “Factors Shaping Global Food Markets”. United States Department of Agriculture Information Bulletin, 794, 2005, pp. 5-17. 83 Consultable sur : http://www.who.int/fctc/fr/index.html 84 BETTCHER D, SHAPIRO I. “Tobacco Control in an Era of Trade Liberalisation”. Tobacco Control, 10, 2001, pp. 65-67.

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Singapour ou Les Philippines illustrent au mieux les bénéfices potentiels sur la santé des

populations (cf. page 31).

Parallèlement à la promulgation de ces deux politiques, l’OMS choisit en 2008 de redéfinir

les soins de santé primaire comme une priorité dans les pays à faible niveau de revenu85. A

l’occasion de son trentième anniversaire, la déclaration d’Alma Ata voit ses principes fondateurs

réactualisés (cf. annexe 12). L’objectif n’est plus La Santé Pour Tous, mais une prévention et un

contrôle plus efficaces des maladies chroniques dans les PED86. Les différences de prise en

charge entre pathologies aiguës et maladies chroniques fondent cette orientation. Les MC

requièrent une surveillance constante des facteurs de risques, une intervention à un stade précoce

de la maladie, la délivrance sur le long terme de soins et de médicaments, une éducation

thérapeutique du patient, et un suivi régulier. Autant de caractéristiques, qui conduisent l’OMS à

réaffirmer son soutien aux soins de santé primaire dans les pays du Sud87.

Enfin, le 18 avril 2008, la soixante et unième assemblée générale de la Santé Mondiale

adopte un Plan d’action mondiale 2008-2013 de prévention et de contrôle des maladies non transmissibles88.

Cette stratégie qui guidera les actions futures de l’OMS, cible les maladies cardiovasculaires, les

cancers, les maladies respiratoires chroniques et le diabète comme les principales menaces pour la

santé. Ce plan d’action préfère employer le terme de Maladies Non Transmissibles (MNT) à celui

de maladies chroniques. Il vise donc à prévenir les maladies non transmissibles et à aider les

millions de personnes déjà atteintes, en particulier dans les pays à revenu faible ou intermédiaire.

L’OMS souligne à nouveau que les MNT doivent être considérées comme un problème majeur

de développement, et incluses dans une liste modifiée des Objectifs du Millénaire pour le

Développement, sous l’appellation « OMD Plus ». Pour les six ans à venir, six objectifs sont

proposés aux États Membres, au Secrétariat de l’OMS et aux partenaires internationaux (cf. figure

20). En premier lieu, l’OMS va cartographier l’épidémie émergente de MNT, afin de réduire

l’exposition aux facteurs de risque dans les pays et de renforcer les soins aux personnes atteintes.

85 WHO. World Health Report 2008: Primary Health Care - Now More than Ever. Geneva, World Health Organization, 2008. Consultable sur : http://www.who.int/whr/2008/whr08_en.pdf 86 LEWIN S, LAVIS JN, OXMAN AD, BASTIAS G, CHOPRA M, CIAPPONI A, FLOTTORP S, MARTI SG, PANTOJA T, RADA G, SOUZA N, TREWEEK S, WIYSONGE CS, HAINES A. “Supporting the Delivery of Cost-effective Interventions in Primary Health-Care Systems in Low-Income and Middle-Income Countries: an Overview of Systematic Reviews”. The Lancet, 39, 2008, pp. 928-939. 87 BEAGLEHOLE R, EPPING-JORDAN JA, PATEL V, CHOPRA M, EBRAHIM S, KIDD M, HAINES A. “Improving the Prevention and Management of Chronic Disease in Low-income and Middle-income Countries: a Priority for Primary Health Care”. The Lancet, 372, 2008, pp. 940-949. 88 OMS, 61ème Assemblée mondiale de la Santé. Plan d’Action Mondiale 2008/2013 de Prévention et de Contrôle des Maladies Non Transmissibles. A61/818. Genève, Organisation Mondiale de la Santé, 18 avril 2008. Consultable sur : http://www.who.int/nmh/publications/ncd_action_plan_en.pdf

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Figure 20. Les 6 Objectifs du plan d’action OMS 2008-2013 de prévention et de contrôle des maladies non transmissibles

1- Donner une plus grande priorité aux MNT dans les actions de développement aux niveaux mondial et national et intégrer la prévention de ces maladies dans les politiques de tous les ministères gouvernementaux

2- Etablir et renforcer les politiques et plans nationaux pour prévenir et combattre les maladies non transmissibles

3- Promouvoir des interventions visant à réduire les principaux facteurs de risque communs: le tabagisme, la mauvaise alimentation, la sédentarité et l’usage nocif de l’alcool

4- Promouvoir la recherche pour prévenir et combattre ces maladies

5- Promouvoir les partenariats de lutte contre les maladies non transmissibles

6- Suivre les maladies non transmissibles et leurs déterminants et évaluer les progrès enregistrés aux niveaux national, régional et mondial

Pour mettre en œuvre ce plan avec succès, l’OMS compte sur un engagement politique de

haut niveau et une coopération internationale, aptes à réorienter les actions de santé publique et à

accroître les fonds disponibles. La situation alarmante des PED est très explicitement

mentionnée : « les ressources allouées à la prévention et à la lutte des MNT sont en général

insuffisantes dans les PED, alors que l’ampleur de l’épidémie croît d’année en année ». L’OMS se

fixe comme première mission d'établir des preuves significatives sur les liens entre la pauvreté et

les MNT ; afin de proposer des mesures efficaces de prévention pour les communautés qui

souffrent de pauvreté. En outre, l’OMS veillera à ce que le renforcement des systèmes de santé

des PED soit une priorité pour les partenaires internationaux. Le plan d’action repose sur la mise

en œuvre de la convention anti-tabac FCTC et de la stratégie GSDPAH.

L’appel à la mobilisation internationale de l’OMS n’a pas conduit aux résultats

escomptés ; l’épidémie de maladies chroniques dans les PED poursuit son expansion. De même,

les deux politiques de santé promues par cette institution n’atteignent pas leurs objectifs initiaux.

La nouvelle stratégie 2008-2013 est ambitieuse, et entretient l’espoir d’une action sanitaire

internationale. Toutefois, les premières initiatives sporadiques répondant à cet appel ne doivent

pas masquer la réalité, à savoir la léthargie et l’indifférence actuelle des acteurs en charge des

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questions de santé publique. La gouvernance mondiale de la santé est défaillante, dramatiquement

incapable de faire face au premier enjeu sanitaire des pays du Sud.

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II- Les défaillances de la gouvernance mondiale de la santé publique

A- La santé publique, un observatoire de la mondial isation

1- La multiplication des acteurs en charge de la sa nté mondiale

Identifier les acteurs étatiques et non étatiques en charge de la gouvernance mondiale de

la santé, particulièrement ceux concernés par les maladies chroniques dans les PED, nous permet

de recenser les partenaires potentiels de l’OMS dans sa lutte contre cette épidémie ; et d’envisager

le rôle et les compétences de chacun89.

Parallèlement à cette recherche d’identité, nous inscrivons la gouvernance de la santé

mondiale dans le cadre des relations internationales (RI). Les acteurs de la santé, de par leurs

interactions sur la scène internationale, y sont pleinement impliqués. Ils ne peuvent se soustraire

aux mutations liées à l’effondrement du bloc socialiste et à l’accélération du processus de

mondialisation.

Parmi les acteurs publics en capacité d’influer sur l’élaboration et la conduite des

politiques internationales de santé, les Organisation Inter Gouvernementales (OIG) occupent un

rôle central. Elles prescrivent des normes internationales de santé, et interagissent en permanence

entre coopération et concurrence.

Depuis sa création en 1948, l’OMS est un acteur incontournable de la santé mondiale90.

Cette institution tire sa légitimité de sa Constitution, qui lui confère trois types de missions91.

Premièrement, l’OMS établit des règles normatives de santé qui peuvent prendre différentes

formes plus ou moins contraignantes : conventions, accords internationaux, règlements,

recommandations. Deuxièmement, elle oriente et coordonne les politiques de santé. A titre

89 MAGNUSSON R. “Non-Communicable Diseases and Global Health Governance: Enhancing Global Processes to Improve Health Development”. Globalization and Health, 3, 2007. Consultable sur : http://www.globalizationandhealth.com/content/3/1/2 90 La Constitution de l’OMS a été adoptée par la Conférence Internationale de la Santé, tenue à New York du 19 juin au 22 juillet 1946, signée par les représentants de 61 Etats le 22 juillet 1946 (Actes off. Org. Mond. Santé, 2, 100), elle est entrée en vigueur le 7 avril 1948. Consultable sur : http://www.who.int/governance/eb/who_constitution_fr.pdf 91 RUGER JP, YACH D. “The Global Role of the World Health Organization”. Global Health Governance, vol. 2, n°2, fall 2008 / spring 2009.

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d’exemple citons certaines grandes thématiques de ses actions sanitaires internationales : la santé

pour tous, la pauvreté et la santé, l’accès aux médicaments essentiels, ou encore des programmes

spécifiques à des maladies. Troisièmement, elle mène des actions de coopération technique et de

recherche ciblant des urgences sanitaires ou l’éradication de maladies.

Le mandat de l’OMS lui permet de définir des normes de santé mondiales sur les produits

alimentaires, pharmaceutiques et biologiques. L’article 21(a) de sa Constitution lui reconnaît de

droit d’établir « des mesures sanitaires et de quarantaine ou d'autres procédures visant à prévenir

la propagation internationale des maladies ». Le terme « maladies » peut légitimement être pris

dans une acception large, en y incluant les maladies chroniques. En réponse à cette épidémie,

l'OMS peut donc utiliser son pouvoir de traité (article 19) ou promouvoir des recommandations

non obligatoires (article 23). Toutefois, l’application de l'article 19 nécessite un consensus

politique des deux tiers des pays membres de l'Assemblée mondiale de la Santé. Si celui-ci n’est

pas atteint, l'OMS peut établir des recommandations internationales sur la base de l’article 23.

L’OMS dispose donc de réelles possibilités d'utiliser le droit international comme un processus

d'application de normes de santé. Les facteurs transnationaux qui influencent les tendances

alimentaires, et le degré de contrôle que les sociétés transnationales exercent sur les régimes

alimentaires mondiaux ; tendraient à justifier l'application de telles normes mondiales.

Sur la problématique des maladies chroniques, l’OMS demeure l’un des rares acteurs de la

santé mondiale à percevoir la gravité de cette épidémie dans les PED. Cette institution lance un

appel à l’action mondiale en 2005, en publiant un rapport qui fait encore référence Preventing

Chronic Diseases : A Vital Investment ². Parallèlement, l’OMS initie deux politiques internationales de

lutte contre les maladies chroniques : The Global Strategy on Diet, Physical Activity and Health92 en

2004 ; et The WHO Framework Convention on Tobacco Control93 en 2005. Enfin, la stratégie de l’OMS

pour les années à venir est définie par The 2008-2013 Action Plan for the Global Strategy for the

Prevention and Control of Noncommunicable Diseases94. Toutes ces initiatives politiques de l’OMS ont

été détaillées dans la partie I/B.2.

De son côté, la Banque Mondiale (BM) étend son emprise sur les enjeux de santé au

milieu des années 1990. La publication, en 1993, de son rapport sur le développement Investing in

92 WHO. Global Strategy on Diet, Physical Activity and Health. WHA57.17. Genève, World Health Organisation, 22 May 2004. 93 WHO. WHO Framework Convention on Tobacco Control. WHA56.1. Genève, World Health Organisation, 27 February 2005. 94 Consultable sur : http://www.who.int/nmh/en/

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Health, marque le tournant idéologique de cette institution sur les questions de santé95. Très

rapidement, elle les place au cœur de ses préoccupations de développement. La BM est

aujourd’hui l’un des bailleurs de fond les plus importants dans le secteur de la santé. Entre 1997

et 2006, elle a dépensé 13,7 milliards de dollars pour ses programmes de santé et de nutrition

Health Nutrition and Population project (HNP). Ces subventions se répartissent à parts égales entre

des prêts bancaires et des aides concessionnelles.

Les bénéfices des interventions de la BM dans le secteur de la santé restent très

controversés, en raison de son attachement passé à la doctrine néolibérale énoncée par le

consensus de Washington96. Jusqu’à la fin des années 1990, la BM a mis en œuvre des

programmes d’ajustement structurels dans les PED, souvent au prix de graves déstructurations

des services publics et des systèmes de santé existants. Toutefois cette institution présente

plusieurs atouts comme acteur de la santé mondiale. Elle a l’expérience du travail dans les PED,

elle est implantée dans la plupart des régions du monde, et possède la capacité de coopérer avec

tous les secteurs gouvernementaux notamment les ministères des finances. Elle dispose de

ressources humaines et financières conséquentes pour mettre en œuvre des programmes de

santé à grande échelle.

Depuis 1997, la stratégie HNP définit les priorités d’actions de la BM dans les PED :

financer les systèmes de santé et les soins, et améliorer la santé et la nutrition des populations les

plus pauvres97. En accord avec cette stratégie, la BM pourrait devenir un acteur incontournable de

la lutte contre les maladies chroniques dans le Sud. Pour l’heure, la BM n’a pas réorienté ses

financements en ce sens, préférant se focaliser sur l’atteinte des Objectifs du Millénaire98.

Toutefois, dans un rapport datant de 2007, la BM reconnaît que les maladies non transmissibles

deviennent un défi critique pour les PED en raison de la consommation de tabac et de l’épidémie

d’obésité99. Elle précise aussi son intention de renforcer les systèmes de santé de façon globale

95 World Bank. World Development Report 1993: Investing in Health. Washington DC, World Bank, Oxford University Press, 1993. 96 PRAH RUGER J. “What Will the New World Bank Head Do for Global Health?”. The Lancet, 365, 2005, pp. 1837-1840. 97 World Bank: Health, Nutrition, and Population Sector Strategy Paper. Washington DC, The World Bank, 1997. 98 World Bank / International Monetary Fund. 2005 Review of the PRS Approach: Balancing Accountabilities and Scaling Up Results. Washington DC, The World Bank / IMF, 2005. 99 World Bank. Repositioning Nutrition as Central to Development: A Strategy for Large-Scale Action. Washington DC, The World Bank, 2006.

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pour atteindre ses objectifs, sans se focaliser sur certaines pathologies100. Cette orientation est

susceptible de bénéficier à la prise en charge des maladies chroniques, qui requièrent une

continuité des soins, la délivrance régulière d’un traitement, des services de prévention primaire et

secondaire, et une surveillance des facteurs de risques101.

Pour sa part, l’Organisation Mondiale du Commerce ne présente aucune expertise dans le

domaine de la santé. L’élaboration d’une norme de santé mondiale n’est pas dans ses attributions.

Dans un rapport conjoint OMC/OMS, cette OIG mentionne qu’elle préfère se rallier à une

norme initiée par l’OMS, plutôt que l’inverse102. Ce fut le cas pour la convention anti-tabac

FCTC, qui évita tout conflit entre les objectifs sanitaires mondiaux et les obligations

commerciales des pays. L’élaboration de normes de santé compatibles avec les règles de l’OMC

permet à l’OMS de proposer des politiques internationales qui n’exposent pas les pays, qui

souhaitent les appliquer, à des différends commerciaux. En vertu du General Agreement on Tariffs

and Trade (GATT), les pays membres de l’OMC ne peuvent adopter de mesures discriminatoires.

Les deux principes directeurs de l’OMC sont ceux de « La nation la plus favorisée » (égalité de

traitement pour les autres membres de l'OMC) et de « L’intérêt national » (égalité de traitement

entre les étrangers et les nationaux)103.

Les maladies chroniques, particulièrement l’obésité et les maladies cardiovasculaires,

dépendent étroitement de la qualité nutritionnelle des aliments consommés par les individus. Le

commerce mondial des produits alimentaires et des boissons relève de la compétence de l’OMC.

Cette institution est donc amenée à jouer central dans la prévention et le contrôle des MC, alors

que son mandat ne porte pas sur la santé.

Des obstacles techniques au commerce s’appliquent si les Etats souhaitent prendre des

mesures de protection de la santé ou de la vie, par exemple en restreignant l’importation de

certaines marchandises sur leur territoire national104. Deux règles prévoient des exceptions pour la

100 World Bank. World Bank Strategy for Health, Nutrition and Population Results. Background Note for a Briefing to the Committee on Development Effectiveness on the Preparation of the New Bank HNP [Health, Nutrition, and Population] Strategy. Washington DC, World Bank, May 2006. 101 EBRAHIM S, SMEETH L. “Non-Communicable Diseases in Low and Middle-Income Countries: A Priority or a Distraction?”. International Journal of Epidemiology, 34, 2005, pp. 961-966. 102 WHO / WTO. WTO Agreements and Public Health: A Joint Study by the WHO and the WTO Secretariat. Geneva, WTO / WHO, 2002. Consultable sur : http://www.wto.org/english/res_e/booksp_e/who_wto_e.pdf 103 WTO. General Agreement on Tariffs and Trade (GATT). Geneva, World Trade Organisation, 1994. Consultable sur : http://www.wto.org/english/docs_e/legal_e/06-gatt_e.htm 104 L'article XXb du GATT garantit le droit des Etats membres de prendre des mesures pour restreindre les importations et les exportations de produits lorsque ces mesures sont nécessaires à la protection de la santé et de la vie des personnes.

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santé, et supplantent toutes les autres obligations commerciales de l’OMC : l'accord OTC Obstacle

Technique au Commerce105 et l'Accord SPS produits Sanitaires et PhytoSanitaires106. L’OMS perçoit

l’intérêt de collaborer avec l’OMC pour établir des normes de santé qui respectent le cadre

procédural de ces deux mesures. Une étude conjointe du secrétariat de l’OMC et de l’OMS a

d’ailleurs été menée en 2002 sous le titre Les Accords de l’OMC et la Santé Publique 107.

L’accord OTC autorise des restrictions au commerce si les Etats souhaitent poursuivre

des « objectifs légitimes », par exemple la protection de la santé. Les Etats sont invités à fonder

leurs mesures sur des normes internationales de santé. L'utilisation de telles normes évite de

multiplier les prescriptions techniques et les procédures d'évaluation de normes nationales, qui

pourraient faire obstacle au commerce.

L'Accord SPS a un lien plus direct avec la santé, il contient des règles spécifiques

destinées à restreindre le commerce pour assurer la sécurité sanitaire des produits alimentaires et

la protection des personnes contre les maladies transmises par les végétaux ou les animaux.

L’utilisation de normes internationales pour justifier cette exception est, dans ce cas, imposée par

l’OMC. Les Etats peuvent toutefois adopter des mesures SPS axées sur des problèmes sanitaires

pour lesquels il n'existe pas de normes internationales, à condition qu'ils soient scientifiquement

justifiés.

Ces deux accords ne possèdent pas la même portée, l’encadrement de l’accord SPS s’avère

beaucoup plus strict que l’accord OTC. Les objectifs d’une mesure SPS doivent se conformer à

l’une des quatre catégories prévues (cf. annexe 14). Si le but de la mesure ne correspond pas aux

règles SPS, c’est sans doute une mesure OTC. La distinction entre ces deux accords est

importante, car les droits et les obligations énoncés diffèrent. L'Accord SPS présente le lien le

plus étroit entre commerce et question de santé, comme par exemple la sécurité sanitaire des

produits alimentaires. Il donne clairement aux pouvoirs publics le droit de restreindre le

commerce pour réaliser des objectifs de santé. L’enjeu des normes de santé produites par l’OMS

au sujet de l’alimentation, est de justifier des exceptions aux règles de l’OMC et de protéger les

Etats qui les invoquent pour mener une politique de santé publique. D’autant plus que l’accord

105 WTO. Agreement on Technical Barriers to Trade (TBT Agreement). Genève, World Trade Organisation. Consultable sur : http://www.wto.org/french/tratop_f/tbt_f/tbt_f.htm 106 WTO. Agreement on the Application of Sanitary and PhytoSanitary Measures (SPS Agreement). Genève, World Trade Organisation. Consultable sur : http://www.wto.org/french/tratop_f/sps_f/sps_f.htm 107 OMC / OMS. Les Accords de l’OMC et la Santé publique. Etude Conjointe du secrétariat de l’OMC et de l’OMS. Genève, Organisation Mondiale du Commerce / Organisation Mondiale de la Santé, 2002.

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SPS reconnaît formellement les normes et recommandations établies par l’OMS au sein de la

commission du Codex Alimentarius.

Deux autres aspects du commerce mondial présentent des implications mineures pour la

prévention des maladies chroniques. La vente et la distribution du tabac est déjà réglementée par

la convention FCTC. Le commerce des médicaments se réfère à l’accord sur les ADPIC ; qui a

toutefois peu d’incidence sur l’accès aux médicaments requis pour traiter les quatre maladies

chroniques étudiées, car les molécules sont pour la plupart tombées dans le domaine public et

peuvent être produites à très bas coût sous forme de génériques.

La FAO Food and Agriculture Organisation, présente elle aussi de nombreuses synergies

avec l’OMS pour initier des politiques de prévention des MC, en particulier au sujet des facteurs

de risque d’origine alimentaire108. Le rôle stratégique de la FAO tient à sa position au sein de la

commission du Codex Alimentarius. Ce dernier a été créé conjointement par la FAO et l'OMS en

1962, il établit des normes en matière de sécurité sanitaire des produits alimentaires. Des experts

techniques indépendants choisis par les deux OIG élaborent des normes et recommandations

destinées à protéger la santé des consommateurs. Cette commission comprend actuellement 165

Etats membres qui approuvent officiellement les normes du Codex après examen des documents

scientifiques produits. Ces normes demeurent facultatives. Cependant les Etats membres

s’attachent à les appliquer car elles sont reconnues par l’OMC, et par son règlement SPS. De plus

les produits alimentaires qui y répondent, élargissent leurs possibilités d'exportation.

Plusieurs travaux en cours de la commission du Codex portent sur la prévention des

maladies chroniques. A titre d’exemple, l’étiquetage des aliments est envisagé comme source

d’information nutritionnelle et de recommandations de santé pour le consommateur109.

Toutefois, l’ampleur des réformes menées par le Codex reste sujette à caution du fait du

noyautage de ce dernier par l’industrie agroalimentaire110. Historiquement le Codex se focalise sur

la sécurité sanitaire, négligeant la qualité nutritionnelle des aliments. Cherchant à éviter un conflit

avec le Codex, l’OMS envisage de le recentrer sur ses seules expertises techniques, en sortant de

son champ de compétences les domaines clef de la prévention des maladies chroniques :

108 WHO / FAO. Fruit and Vegetables for Health. Report of a Joint FAO / WHO Workshop. 1-3 September 2005. Kobe Japan, WHO / FAO, 2005. 109 Codex Alimentarius Commission, Joint FAO / WHO Food Standards Programme. Discussion Paper Prepared by WHO in Cooperation with FAO: Implementation of the WHO Global Strategy on Diet, Physical Activity and Health: Action that Could be Taken by Codex. Twenty-eighth Session, Rome, 4-9 July 2005, CAC/28 LIM/6. 110 SIKES L. “FDA's Consideration of Codex Alimentarius Standards in Light of International Trade Agreements”. Food and Drug Law Journal, 53, 1998, pp. 327-335.

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étiquetage, allégations nutritionnelles, composition des aliments, teneur en sel, sucres ou graisses

saturées.

Parmi les autres acteurs publics concernés par les MC, les Etats le sont au premier chef

car le poids de cette épidémie s’accroît au sein de leur population. Tous les Etats peuvent

librement adopter des lois nationales de prévention des maladies chroniques. Cependant, les

normes internationales appliquées au niveau national constituent les seules références imposables

aux entreprises transnationales. Ces normes (traités, réglementations, recommandations)

permettent de protéger au mieux les PED, en raison de leur vulnérabilité aux pressions des firmes

de l’agroalimentaire ou du tabac.

Les Etats occupent une place essentielle dans la mise en application des politiques de

santé publique sur leur territoire national. Au cours de trente dernières années, les pays

industrialisés ont démontré que les stratégies de prévention des maladies chroniques s’avèrent

efficaces ; la réduction significative de leur mortalité cardiovasculaire le prouve. Les pays du Nord

se présentent aujourd’hui comme le laboratoire des réponses juridiques à l’obésité, du fait de

l’antériorité de cette épidémie sur leur sol111 112. Ainsi, le Danemark interdit l'utilisation des acides

gras trans dans les aliments. La ville de New York a pris une décision similaire pour ses

restaurants, et exige en sus l’affichage d'informations nutritionnelles sur leurs menus. Aux États-

Unis, l’organisme de santé publique fait pression sur la Food and Drug Administration pour

qu’elle reconnaisse le sel comme un additif alimentaire113.

Cependant, aussi pertinentes soient-elles, les normes de santé mondiale émises par l’OMS

menacent d’être inapplicables par les Etats du Sud. Dans nombre de ces pays, les infrastructures

et les systèmes de soins sont défaillants. De même, leurs ressources financières se montrent

insuffisantes pour faire face à l’épidémie de maladies chroniques. L’excellent rapport coût-

efficacité des politiques de prévention des maladies chroniques (cf. partie I/B.1) n’exonère pas la

communauté internationale d’un effort de solidarité.

111 GOSTIN L. ”Law as a Tool to Facilitate Healthier Lifestyles and Prevent Obesity”. Journal of the American Medical Association, 297, 2007, pp. 87-90. 112 MELLO M, STUDDERT D, BRENNAN T. “Obesity. The New Frontier of Public Health Law”. New England Journal of Medicine, 354, 2006, pp. 2601-2610. 113 HAVAS S, ROCELLA E, LENFANT C. “Reducing the Public Health Burden from Elevated Blood Pressure Levels in the United States by Lowering Intake of Dietary Sodium”. American Journal of Public Health, 94, 2004, pp. 19-22.

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Les acteurs privés engagés dans la gouvernance mondiale de la santé peuvent poursuivre

deux types de but : lucratif (firmes et entreprises) ou non lucratif (fondations, ONG, société

civile). Etudions en premier lieu deux acteurs privés industriels, dont les productions représentent

un déterminant majeur des maladies chroniques dans le monde.

L’industrie du tabac demeure un acteur influant sur la santé des populations, puisque sa

production est l’un des principaux facteurs de risques de maladies chroniques dans le monde.

L’OMS a choisi de ne pas collaborer avec cette industrie, au regard des pressions exercées sur les

pays du Sud et des conflits d’intérêt avec les objectifs de la convention FCTC. Les firmes

transnationales du tabac ciblent actuellement les marchés des PED. Leur orientation stratégique

vers le Sud procède d’un double constat. D’une part, la libéralisation du commerce mondial

facilite la pénétration de ces marchés. D’autre part, les politiques anti-tabac menées dans les pays

industrialisés occasionnent une baisse de leurs ventes. Notons par ailleurs que cette industrie

s’organise en cartel, dominé par un petit nombre de firmes transnationales américaines, anglaises

et japonaises.

L’OMS considère l’industrie agroalimentaire comme un partenaire potentiel dans sa lutte

contre l’obésité et les maladies cardiovasculaires, à la différence de l’industrie du tabac. Sa

stratégie GSDPAH l’énonce clairement, elle souhaite que ces acteurs privés promeuvent une

alimentation plus saine et des comportements de santé adéquats114. Il s’agit pourtant d’un pari

périlleux, comme en témoigne les pressions exercées par l’industrie sucrière américaine lors de

l’élaboration de la stratégie GSDPAH115.

Une étude mondiale menée en 2006 conclut que seule une minorité de fabricants et de

distributeurs alimentaires modifient leurs pratiques commerciales, au mépris des objectifs de la

stratégie GSDPAH. Parmi les vingt cinq plus grosses entreprises du secteur, seules dix ont pris

des mesures sur le sel, cinq sur le sucre, quatre sur les graisses, et huit sur les acides gras trans. De

plus, seules deux entreprises réduisent la taille de leurs portions116. Les firmes de l’agro-

alimentaire saisissent toutes les opportunités qui leur sont offertes pour mener des actions de

lobbying en faveur de leurs propres intérêts. D’autant plus facilement que leur budget de publicité

114 CHOPRA M, GALBRAITH S, DARNTON-HILL I. “A Global Response to a Global Problem: the Epidemic of Overnutrition”. Bulletin of the World Health Organization, 80, 2002, pp. 952-958. 115 CANNON G. “Why the Bush Administration and the Global Sugar Industry are Determined to Demolish the 2004 WHO Global Strategy on Diet, Physical Activity and Health”. Public Health Nutrition, 7, 2004, pp. 369-380. 116 LANG T, RAYNER G, KAELIN E. “The Food Industry, Diet, Physical Activity and Health: A Review of Reported Commitments and Practice of 25 of the World's Largest Food Companies”. April 2006. Consultable sur : http://www.city.ac.uk/news/archive/2006/04_april/04042006.html

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surpasse de plusieurs fois celui de l’OMS. La rhétorique de ces firmes fait valoir que

l’alimentation, contrairement au tabac, n’est pas nocive pour la santé ; que les changements de

comportement des consommateurs demeurent la première cause de réduction des maladies

cardio-vasculaires ; ou enfin que les déterminants de l’obésité sont multiples.

Toutefois, si la coopération entre l’OMS et ces firmes permet l’atteinte de résultats

tangibles, cela renforcera la poursuite d’engagements volontaires et se révèlera plus rapide et

moins coûteux qu’un processus de standardisation imposé. Certaines initiatives des entreprises de

l’agroalimentaire vont en ce sens. Aux Etats-Unis, neufs fabricants de boissons gazeuses

s’engagent à ne pas faire de publicité auprès des enfants de moins de onze ans. The Alliance for a

Healthier Generation a négocié avec trois marques de boissons gazeuses et cinq fabricants

d’aliments à grignoter, le respect de recommandations alimentaires dans 123.000 écoles117. Le

dilemme pour l’industrie agroalimentaire consiste à accepter de réduire la marge de ses profits en

privilégiant la production d’aliments sains nutritionnellement (respect des teneurs en sel, en

sucres simples, en graisses saturées) au détriment de « mauvais aliments » beaucoup plus

rentables118. Il est totalement rationnel pour une firme agroalimentaire, de coopérer pour valoriser

son image et d’éviter le coût des régulations futures ; tout en continuant à préserver face à ses

concurrents, son marché d’aliments hautement caloriques et à faible valeur nutritionnelle.

Le processus de mondialisation se caractérise aussi par une emprise croissante des acteurs

privés à but non lucratifs sur la gouvernance de la santé mondiale.

Depuis plus d’un siècle, les fondations investissent le domaine sanitaire. Un renouveau de

leurs actions se produit au cours des années 1990. Elles cherchent alors à coopérer avec d’autres

acteurs publics et privés. Dans le domaine de la santé, la Fondation Gates est l’une des plus actives

et des mieux dotées. Ces fondations naissent d’une transformation du monde de l’entreprise, qui

y trouve une indéniable valeur ajoutée. A la différence de la Fondation Rockefeller au début du

vingtième siècle, les fondations acceptent désormais de collaborer et de soutenir financièrement

des OIG. Elles disposent rarement d’équipes de recherche en leur sein, préférant soutenir des

programmes externes. Les fondations ne peuvent plus mener seules la totalité d’un processus de

117 Clinton Foundation, Press Release: President Clinton and American Heart Association Announce Joint Agreement Between Alliance for a Healthier Generation and Food Industry Leaders to Set Healthy Standards for Snacking in School. Consultable sur: http://www.healthiergeneration.org/media.aspx. Cette alliance est une initiative conjointe de l’AHA American Heart Association et de la Fondation Clinton. 118 CARAHER M, COWBURN G. “Taxing Food: Implications for Public Health Nutrition”. Public Health Nutrition, 8, 2005, pp. 1242-1249.

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recherche ; les compétences scientifiques requises et le coût de ces investissements dépassent

aujourd’hui leurs capacités119.

Les organisations non gouvernementales et les réseaux de la société civile jouent un rôle

informel dans l’élaboration de normes de santé. Les ONG ont ainsi été associées à la rédaction de

la convention anti-tabac FCTC, en participant à la conférence des parties120. Leur capacité

d’influence sur les politiques sanitaires des gouvernements pourrait favoriser une plus grande

équité de la santé mondiale, par exemple en plaidant pour une stratégie de lutte contre les

maladies chroniques dans les PED.

En tant que consommateurs, les individus disposent aussi de moyens de pressions sur

l’industrie agroalimentaire. Ils peuvent orienter l’offre des industriels, en privilégiant l’achat

d’aliments sains ou présentant un étiquetage nutritionnel complet. Par ailleurs, les individus

accèdent désormais, grâce à Internet et aux réseaux sociaux, à une large source d’informations sur

la prévention des maladies chroniques et leurs facteurs de risques121.

Au regard du panorama de la santé mondiale que nous venons de dresser, la mise en

œuvre d'une stratégie globale et pertinente de lutte contre les maladies chroniques nécessite une

intervention dans des secteurs qui vont bien au-delà des mandats traditionnels de l’OMS et des

ministères de la santé (commerce, agriculture, fiscalité, éducation, aménagement urbain,

développement, etc.)122. Aucun acteur n’est en mesure de mener seul, sans coopération, une

politique de lutte contre les maladies chroniques. Le choix des partenaires devient alors crucial,

pour éviter de céder le contrôle des questions sanitaires à des acteurs dont l'objectif pourrait

affaiblir les normes de santé mondiale.

Au final, l'Organisation Mondiale de la Santé perd son statut de seul acteur légitime à

coordonner les politiques mondiales de santé. Elle doit tenir compte de l’engagement croissant de

nouveaux acteurs. La Banque mondiale intensifie son emprise sur les enjeux de nutrition,

119 GUILBAUD A. Le paludisme. La Lutte Mondiale contre un Parasite Résistant. Paris, Chaos International, L'harmattan, 2008, pp. 73-74. 120 DAYNARD R. “Lessons from Tobacco Control for the Obesity Control Movement”. Journal of Public Health Policy, 24, 2003, pp. 291-295. 121 RAYMOND S, GREENBERG H, LIU H, LEEDER S. “Civil Society Confronts the Challenge of Chronic Illness”. Development, 47, 2004, pp. 97-103. 122 GREENBERG H, RAYMOND S, LEEDER S. “Cardiovascular Disease and Global health: Threat and Opportunity”. Health Affairs, 2005. Web exclusive: http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/15671084?dopt=Abstract

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d'obésité et de tabagisme dans les PED. Depuis une décennie, elle se présente à la fois comme un

partenaire de poids pour l’OMS, et un rival potentiel.

Toutefois seule l’OMS dispose de la capacité de légiférer sur les questions de santé

internationale, et de promulguer des normes. Il s’agit là d’un atout qu’elle a encore peu exploité, à

l’exception de la convention anti-tabac FCTC. Le développement de normes demeure un

processus éminemment politique. L’énonciation d’une norme internationale n’est pas auto-

exécutoire, il s’agit d’un préalable nécessaire mais parfois insuffisant à l’acceptation de cette

norme par les autres acteurs d’une gouvernance. L’OMS en fait actuellement l’expérience au sujet

de la lutte contre les maladies chroniques dans les PED, une norme de santé qu’elle tente de

diffuser depuis 2005. Son effet mobilisateur demeure modeste, d’autant plus que les pays du Sud

ne disposent pas des capacités pour la mettre en œuvre.

Un partenariat mondial est nécessaire pour juguler cette épidémie, sous réserve que tous

les acteurs s’entendent sur une norme de santé mondiale, et que les engagements négociés

aboutissent. Sur ce dernier point, le comportement de l’industrie agroalimentaire sera

déterminant.

2- La santé, une priorité récente dans les relation s internationales

Depuis deux décennies, la santé acquiert une importance sans précédent dans l’histoire

des relations internationales. L’appropriation des défis sanitaires par de nouveaux acteurs

étatiques et non étatiques (cf. partie II/A.1) le révèle. Plusieurs éléments étayent la véracité d’une

telle révolution.

L’émergence de nouveaux défis sanitaires mondiaux a participé à ce renouveau des RI. En

vingt ans, deux nouvelles pandémies mondiales apparaissent : le VIH/SIDA dans les années

1980, et les maladies chroniques dans les années 1990. De plus, les années 2000 sont marquées

par une prise de conscience des effets potentiels sur la santé, du changement climatique et de la

pollution de notre environnement. La succession sur une période aussi courte de problèmes

graves de santé est inédite. Cette évolution s’avère inquiétante car elle met aussi en lumière la

faillite de la gouvernance de la santé mondiale, incapable de prévenir ou à défaut de contrôler des

maladies affectant toute l’humanité.

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Depuis les années 1990, le concept de santé s’élargit. Auparavant préoccupation quasi-

exclusivement sanitaire et humanitaire, la santé devient une priorité pour la sécurité et le

développement économique des Etats. Le dernier rapport du National Intelligence Council (organe

de la CIA) estime que d’ici 2025 les dangers liés à des problèmes mondiaux de santé vont

s’accroître, rendant plus difficiles les interventions des Etats, des OIG et des acteurs non

étatiques123.

L’Organisation Mondiale de la Santé a récemment défini de nouvelles politiques

internationales de santé. La stratégie GSDPAH en 2004 et la convention FCTC en 2005 portent

sur la prévention et le contrôle des maladies chroniques (cf. partie I/B.2). Autre initiative promue

en 2005, une réglementation qui vise à prévenir la diffusion mondiale de risques aigus, The IRH

International Regulation Health124. Cet instrument juridique international a force de loi pour les pays

signataires. Ceux-ci s’engagent à informer l’OMS de l’émergence de pandémies infectieuses

(grippe, syndrome respiratoire aigu sévère, etc.) et de toute menace globale (accident nucléaire,

pollution chimique, etc.).

Les partenariats public-privé (PPP) se multiplient pour faire face aux problèmes sanitaires

dans le monde. Ils fonctionnent sur le principe d’un « multilatéralisme de marché » en combinant

deux principes d’action : le multilatéralisme auquel les acteurs publics sont rompus, et les règles

du Marché auxquelles se conforment les acteurs privés125. La plupart de ces PPP se focalisent

encore sur les maladies infectieuses ou négligées dans les PED : UNITAID126 ; Le Fond Mondial de

lutte contre le VIH/SIDA, le Paludisme et la Tuberculose127 ; Roll Back Malaria128 ; l’Alliance GAVI129.

Les questions de santé mondiale se trouvent désormais inscrites à l’agenda des réunions

de travail du G8130. A l’occasion du G8 d’Okinawa en juillet 2000, un thème de santé est abordé

pour la première fois « la lutte contre les maladies transmissibles ». Les institutions académiques

123 NIC. Global Trends 2025: A Transformed World. Washington DC, National Intelligence Council (CIA), 2008-003, nov. 2008. Consultable sur : http://www.dni.gov/nic/NIC_2025_project.html. Les principales conclusions de ce rapport sont résumées dans l’annexe 13. 124 Consultable sur : http://www.who.int/ihr/fr/index.html 125 GUILBAUD A. Le paludisme. La Lutte Mondiale contre un Parasite Résistant. Paris, Chaos International, L'harmattan, 2008, pp. 111-115. 126 Consultable sur : http://www.unitaid.eu/fr/ 127 Consultable sur : http://www.theglobalfund.org/fr/ 128 Consultable sur : http://www.rollbackmalaria.org/ 129 Consultable sur : http://www.gavialliance.org/ 130 KIRTON J, ROUDEV N, SUNDERLAND L. “Making G8 Leaders Deliver: An Analysis of Compliance and health Commitments”. Bulletin of the World Health Organisation, 85, n°3, 2007, pp. 192-199.

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et les groupes de réflexion politique (think tanks) manifestent aussi un intérêt grandissant pour la

santé publique internationale. Cela traduit un élargissement de la perception des enjeux de la

santé, glissant de la seule communauté médicale vers des experts des relations internationales131.

FIDLER soutient que la santé mondiale occupe désormais une place centrale dans les

relations internationales, en raison d’une triple révolution : économique, intellectuelle et

politique132.

Premièrement, les financements accordés à la santé mondiale augmentent

significativement entre 2000 et 2008, soulignant la volonté des acteurs publics et privés d’investir

dans ce domaine133. Ces financements se révèlent inégalement répartis ; six thématiques de santé

bénéficient d’un soutien accru : l’achat de traitements anti-rétroviraux pour les patients atteints du

VIH/SIDA, l’achat de vaccins prévenant les maladies infectieuses infantiles, la fourniture de

moustiquaires imprégnées pour limiter la contamination par le paludisme dans les zones infestées,

l’assainissement de l’eau et la fourniture d’eau potable pour lutter contre les dysenteries tel que le

choléra, l’amélioration des conditions d’accouchements des mères, et enfin la mise en place d’un

système de surveillance de la grippe aviaire (mesures qui s’appliquent actuellement à la pandémie

de grippe A H1N1).

Ces capitaux investis pour améliorer la santé des populations des PED atteignent un

montant historique au cours des huit premières années de notre siècle. Toutefois, cette aide

fournie par les pays du Nord à ceux du Sud ne doit pas occulter la persistance des inégalités de

santé. Le VIH/SIDA a ainsi réduit l’espérance de vie à moins de quarante ans en Afrique

subsaharienne, soit un niveau inconnu depuis les années 1960.

Deuxièmement, une importante production intellectuelle aborde le thème de la santé dans

les relations internationales depuis plus d’une décennie. La santé mondiale se voit désormais

conceptualisée comme une question de politique internationale, que tous les acteurs

s’approprient. Quittant le seul domaine médical et humanitaire ; la santé publique porte

désormais des enjeux politiques de conflits régionaux, de migrations de populations, de

131 Exemples de “think tanks” qui travaillent sur la problématique de santé mondiale : Center for Strategic and International Studies, Chatham House, Council of Foreign Relations, The Stockholm International Peace Research Institute. 132 FIDLER D. “After the Revolution: Global Health Politics in a Time of Economic Crisis and Threatening Future Trends”. Global Health Governance, vol. 2, n°2, Fall 2008/Spring 2009. Consultable s ur : http://www.ghgj.org 133 GARETT L. “The Challenge of Global Health”. Foreign Affairs, Fev. 2007. Consultable sur : http://www.foreignaffairs.com/articles/62268/laurie-garrett/the-challenge-ofglobal-health

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développement économique ou humain. Ces relations avec la santé n’avaient jamais été articulées

jusque très récemment. Historiquement, les maladies transmissibles correspondent aux premières

pathologies perçues comme une menace potentielle pour la sécurité nationale et internationale134.

Le 10 janvier 2000, le Conseil de Sécurité des Nations Unies évoque l’enjeu du VIH/SIDA en

Afrique comme un problème de sécurité, lors d’une séance intitulée « l’impact du SIDA sur la

paix et la sécurité en Afrique »135. La même année, un rapport du National Intelligence Council (CIA)

souligne le lien entre crise de santé publique dans les PED, sécurité internationale, et risques de

contagion d’instabilités socio-économiques136.

Les paradigmes du développement ont longtemps soutenu que la croissance économique

d’un pays mène sa population à un meilleur état de santé, sans jamais concevoir la relation

inverse. En 1993, un rapport de la Banque Mondiale appelle à investir dans la santé137. Les pertes

économiques considérables qu’engendrent des pandémies infectieuses telles que le VIH/SIDA

dans les PED, conduisent la BM à soutenir les systèmes de santé des pays du Sud. Les Etats du

Nord, qui répondent à cet appel, espèrent aussi défendre leurs propres intérêts économiques. Cet

investissement dans la santé apparaît désormais comme un des moteurs de la croissance

économique. En janvier 2000, l’OMS a d’ailleurs créé une commission Macroeconomics and Health

pour s’interroger sur les liens entre santé et développement économique mondial ; et exposer de

nouveaux arguments aux bailleurs de fonds qu’elle sollicite138. Notons d’ailleurs que la promotion

des services de santé est l’une des composantes de la stratégie contre-insurrectionnelle « Win the

Hearts and Minds » des Etats-Unis en Irak et en Afghanistan139.

Cette stimulation intellectuelle se concrétise aussi par une redéfinition du « droit à la

santé », en particulier sous la forme d’un droit à l’accès aux médicaments essentiels

(antirétroviraux) pour les populations des PED affectées par le VIH/SIDA. L’opposition des

firmes pharmaceutiques à ce nouveau droit atteint son paroxysme en 2001 lors du procès de

134 Mc INESS C, LEE K. “Health, Security and Foreign Policy” Review of International Studies, 32, n°1, 2006, pp. 5-23. 135 CHABROL F. “Le Sida en Afrique Subsaharienne : Perceptions d’un Enjeu de Sécurité Internationale”. Revue Internationale et Stratégique, Dalloz, n°46, 2002. 136 GORDON D. The Global Infectious Disease Threat and its Implications for the United States. Washington DC, National Intelligence Council, janv.2000. 137 Banque Mondiale. Rapport sur le Développement dans le Monde 1993 : Investir dans la Santé. Washington DC, Banque Mondiale, Oxford University Press, 1993. 138 WHO. Macroeconomics and Health: Investing in Health for Economic Development, Report of the Commission on Macroeconomics and Health. Geneva, World Health Organisation, Commission on Macroeconomics and Health, 2001. Consultable sur : http://www.who.int/macrohealth/en/index.html 139 BAKER JB. “Medical Diplomacy in Full-Spectrum Operations”. Military Review, Sept./Oct. 2007, pp. 67-73.

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Prétoria en Afrique du Sud. Les accords sur les Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle

touchant au Commerce (ADPIC), adoptés en 1995, accordent aux laboratoires pharmaceutiques

une durée minimale de 20 ans pour leurs brevets ; préservant ainsi leur position dominante sur le

marché du médicament et leur niveau de rentabilité. Une campagne de mobilisation internationale

conduit les pays membres de l’OMC à changer en novembre 2001 les règles d’application des

ADPIC, par la Déclaration de Doha140. L’article 31 de cette Déclaration reconnaît à un pays le

droit de protéger sa santé publique en promouvant l’accès aux médicaments essentiels, si besoin

en émettant des licences obligatoires141. En l’état, cette disposition privilégiait surtout les pays

producteurs de génériques, puisque l’utilisation des licences obligatoires était essentiellement

destinée à approvisionner un marché intérieur. Cet obstacle disparaît en 2003 suite à une décision

de l’OMC, permettant aux pays producteurs de génériques de les exporter dans le cadre de

licences obligatoires142.

Concomitamment, au cours des dix dernières années, l’idée de « droits humains

fondamentaux » comme la santé, l’alimentation, ou la sécurité prend de l’ampleur. L’influence

conjointe du PNUD143, d’ONG actives dans le domaine des droits de l’homme et d’intellectuels

reconnus comme Amartya SEN144 ; a été décisive. La place de la santé se conforte au sein de ces

droits humains essentiels, comme en témoigne sa prise en compte dans presque tous les

indicateurs de développement humain élaborés depuis une quinzaine d’années145. La notion de

Bien Public Mondial (BPM) appliquée à la santé, énonce un bien commun prioritaire dont la

gestion devrait être collective et équitable. On constate une relation étroite entre la définition des

BPM et la notion de droits humains fondamentaux.

140 Conférence Ministérielle de l’OMC. Déclaration sur l’accord sur les ADPIC et la santé publique. Doha, 14 novembre 2001. 141 Les licences obligatoires permettent aux pouvoirs publics d’autoriser un tiers à fabriquer un produit breveté ou à utiliser un procédé breveté sans le consentement du titulaire du brevet. Ces licences obligatoires relèvent de l’article 31 de la déclaration de Doha. Notons que l’article 30 de la même déclaration autorise aussi les Etats à prévoir des exceptions limitées au droit des brevets lorsque l’intérêt général le justifie, sans avoir recours à une négociation préalable. 142 Une dérogation temporaire à l’article 31.f de l’accord sur les ADPIC est adoptée en ce sens par les Etats membre de l’OMC en août 2003. Cette décision sera entérinée de façon définitive par un amendement adopté en décembre 2005. Pour cela, un article 31 bis fut s’intègre aux accords sur les ADPIC. 143 KAUL I, GRUNBERG I, STERN MA. Global Public Goods: International Cooperation in the 21st Century. New York, PNUD, Oxford University Press, 1999. 144 SEN A. Éthique et Economie, Paris, PUF, 1993. Amartya SEN reçoit en 1998 le Prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d'Alfred Nobel. 145 BOOYSEN F. “An Overview and Evaluation of Composite Indices of Development”. Social Indicators Research, n°59, 2002, pp.115-151.

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Les BPM dérivent de la théorie standard des biens publics146. Les BPM sont non rivaux

dans la consommation, leur consommation par une personne ne diminue pas leur utilité pour une

autre personne. De plus, ils possèdent un caractère non exclusif, en ce sens que leur usage ne

peut être réservé à certains au détriment des autres147. L’OMS justifie l’usage de ce terme en

précisant la distinction entre les biens publics locaux (police, défense…) et les biens publics

globaux. Ces derniers ne peuvent être suffisamment pris en charge par les pouvoirs publics

nationaux ou locaux, et font l’objet d’externalités positives ou négatives au-delà des frontières.

Ainsi, la lutte contre les maladies nécessite des investissements importants en biens publics

globaux, au-delà des moyens d’action des gouvernements148. LAROCHE considère que les BPM

« ne peuvent faire l’objet d’aucune appropriation étatique, sont reconnus patrimoine commun, et

à ce titre appellent aujourd’hui des techniques de gestion collective et des mesures de

sauvegarde »149.

La santé devient donc au cours des deux dernières décennies, une référence pour l’action

collective internationale. Elle est perçue comme un problème mondial parce qu’elle concerne

l’ensemble de l’humanité, et entraine des effets intergénérationnels importants. Toutefois le

concept de santé comme BPM pose problème, car aucun consensus n’est établi sur ce que le

terme « santé » englobe. Selon les acteurs, cette définition fluctue et inclut au choix : la lutte

contre les épidémies infectieuses, les médicaments, les vaccins, etc.150. Toutefois, l’acception

croissante de la santé comme un BPM, renforce l’idée qu’elle s’affirme comme une composante

essentielle des droits humains.

Enfin la troisième révolution évoquée par FIDLER est politique. Elle se traduit par une

attention sans pareil des acteurs des relations internationales pour les questions de santé mondiale

(Global Health en anglais). L’influence de la santé sur la gouvernance mondiale a déjà connu

d’importantes évolutions par le passé, mais historiquement ces changements étaient liés à des

progrès scientifiques ou technologiques. A la fin du dix-neuvième siècle, la découverte des germes

a suscité une coopération internationale pour contrôler les maladies infectieuses dans la plupart

146 SAMUELSON PA. “The Pure Theory of Public Expenditure”. Review of Economics and Statistics, n°36, 1954, pp.387-389 et “Diagrammatic Exposition of a Theory of Public Expenditure”. Review of Economics and Statistics, n°37, 1955, pp.350-356. 147 GABAS JJ, HUGON P. “Les Biens Publics Mondiaux et la Coopération Internationale“. Alternatives économiques, L'Économie Politique, n°12, 2001, pp. 19-31. 148 OMS. Macroeconomics and Health: Investing in Health for Economic Development. Genève, rapport de la Commission Macroéconomie et Santé, présidée par Jeffrey SACHS, OMS, 2001. 149 LAROCHE J. Politique Internationale. 2ème Edition, Paris, LGDJ, 2000, p433. 150 CHIFFOLEAU S. “Santé et Inégalités Nord-Sud : La Quête d’un Bien Public Equitablement Mondial“, in CONSTANTIN F. (Éd.) Les biens publics mondiaux. Un mythe légitimateur pour l’action collective ?, Paris, L’Harmattan, 2002, pp. 245-268.

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des pays en cours d’industrialisation. Les progrès scientifiques portant sur les vaccins et les

antibiotiques au milieu du vingtième siècle, ont inauguré de nouvelles politiques internationales

de santé publique. A contrario, les dernières évolutions en matière de santé mondiale sont de

nature politique ; aucune avancée significative des sciences ou des technologies médicales ne les

portent.

En ratifiant La Déclaration du Millénaire, l’Assemblée générale des Nations Unies a

consacré trois des huit défis mondiaux de développement d’ici 2015, à l’amélioration des

conditions de santé des populations du Sud151 (OMD 4/5/6, cf. annexe 9). Sous l’impulsion de

son secrétaire général Kofi HANAN, cet élan politique se construit autour de partenariats entre

Etats et OIG, dont l’expertise et le soutien financier sont sollicités. Deux OIG s’investissent

particulièrement dans la réalisation des OMD relatifs à la santé, l’OMS et la Banque Mondiale. La

santé se situe très clairement au cœur de l’agenda politique de l’ONU, même si les maladies

chroniques en demeurent singulièrement absentes.

Le droit à l’accès aux médicaments antirétroviraux pour les populations contaminées par

le VIH/SIDA résulte avant tout d’un processus politique. La seule découverte de ces

antirétroviraux ne constitue pas le facteur déterminant qui a conduit l’OMC à amender les

ADPIC pour y inclure le principe de licences obligatoires (cf. page 55). L’accessibilité à moindre

coût de ces traitements pour les populations des PED s’impose suite à une campagne de

sensibilisation internationale menée par des Etats du Sud, avec le soutien actif d’ONG152 153. Cette

avancée du droit à la santé mondiale est le fruit d’une stratégie politique, définie et conduite par

quelques acteurs sur la scène internationale.

Paradoxalement peu de découvertes scientifiques marquent le tournant de notre siècle.

Alors que l’espoir d’un vaccin contre le VIH/SIDA tarde à se concrétiser ; de nouvelles maladies

émergent, et les résistances aux antibiotiques progressent dans le traitement du paludisme et de la

tuberculose. D’autre part, les principaux progrès sanitaires enregistrés relèvent de politiques de

santé publique, déconnectées de tout progrès médical : lutte contre le tabagisme grâce à la

convention FCTC, prévention des pandémies infectieuses par la réglementation IRH, réduction

de la morbi-mortalité palustre par la distribution de moustiquaires imprégnées, prévention des

151 United Nations, General Assembly: United Nations Millennium Declaration. UN Doc. A/RES/55/2, 18 Septembre 2000. 152 HAMEL A. “L’Accès aux Soins des Populations les plus Démunies : Un Débat enfin Ouvert“. Revue Internationale et Stratégique, n° 44, 2001, pp. 9-16. 153 Médecins Sans Frontières, MSF Campaign for Access to Essential Medicines. Consultable sur : http://www.msfaccess.org/

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blessures causées par les accidents de la circulation routière154. Seules les nouvelles technologies

de l’information ont permis des avancées sanitaires significatives, en particulier dans le domaine

de la surveillance épidémiologique et la prévention des maladies transmissibles. Internet, en

favorisant un partage rapide de l’information, transforme les modes d’action au sein de la

gouvernance mondiale de la santé. Les Etats, OIG et ONG les intègrent à leurs systèmes d’alerte

de pandémies infectieuses. Des réseaux sociaux l’utilisent pour diffuser largement des

connaissances sur une pathologie, ou pour soutenir un plaidoyer en faveur d’initiatives de santé.

A la lumière de ces évolutions récentes de RI, un paradoxe se dessine : des acteurs

multiples s’engagent comme jamais auparavant dans la gouvernance mondiale de la santé, mais

négligent pourtant l’épidémie de maladies chroniques dans les PED, en dépit des alertes émises

par l’OMS. Face à cette défaillance, il est légitime de s’interroger sur le fonctionnement et les

priorités de cette gouvernance de la santé publique, dans le cadre de la mondialisation. Cela nous

conduit aussi à explorer les modalités de diffusion d’une norme de santé publique internationale.

Car si cette dernière ne définit pas la lutte contre les maladies chroniques comme un enjeu

prioritaire, l’efficacité des politiques de prévention initiées par l’OMS demeure très hypothétique.

.

154 WHO. World Report on Road Traffic Injury Prevention. Genève, World Health Organization, 2004. Consultable sur : http://www.who.int/violence_injury_prevention/publications/road_traffic/world_report/en/index.html

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B- La mondialisation, facteur aggravant de l’accès inégal au droit à la

santé

1- La gouvernance mondiale de la santé : anarchie m ultipolaire et

partage de l’autorité politique

L’examen de la défaillance de la gouvernance de la santé mondiale soulève la question des

logiques et des stratégies des différents acteurs. Sur la problématique des maladies chroniques

dans les PED, elles ne concordent pas et mettent en lumière les lacunes actuelles de la

gouvernance.

La montée en puissance du droit à la santé comme droit humain essentiel semble

pourtant progresser, en tout cas dans les discours. Le concept de la santé comme BPM apparaît

récemment dans les déclarations des acteurs. Il témoigne d’une probable prise de conscience, sans

qu’à ce jour une amélioration notable ne soit observée dans les PED. Le contenu ambigu du

concept de BPM révèle un déficit de compréhension du fondement des actions menées par les

différents acteurs.

Envisager un meilleur état de santé des populations du Sud, par exemple en prévenant les

maladies chroniques, nous conduit donc à analyser les mécanismes de cette gouvernance. Or si

nous souhaitons comprendre les valeurs et les stratégies des différents acteurs, ou s’assurer que

les partenariats reposent sur des objectifs répondant réellement aux besoins de santé ; il nous faut

étudier cette gouvernance dans son cadre politique, celui des relations internationales.

Les régimes de gouvernance et les institutions, construits majoritairement après la

seconde guerre mondiale et pendant la guerre froide, se trouvent pris à défaut suite à

l’effondrement du bloc socialiste. Un nouvel espace politique international s’ouvre pour les Etats,

mettant fin à un système bipolaire focalisé sur une concurrence de sécurité et de pouvoir entre

superpuissances. La paix et la guerre entre nations cessent d’être une préoccupation première, au

moins pour les pays du Nord ; pour qui la guerre avec d’autres Etats devient une option bien trop

coûteuse et dangereuse. Le centre de gravité des relations internationales évolue, glissant vers des

préoccupations principalement économiques. La concurrence entre Etats ne se fait plus pour des

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territoires, mais pour des parts de marchés afin d’assurer la prospérité et de consolider la paix

sociale. Cette transition historique conduit les Etats à revoir leurs priorités de politique

internationale, et accélère l’inclusion de la santé dans les enjeux nationaux essentiels155. Les

questions de santé quittent rapidement la marge des relations internationales, pour intégrer

désormais de multiples domaines politiques.

Les évolutions actuelles de la gouvernance de la santé mondiale reflètent celles à l’œuvre

dans la gouvernance des relations internationales. FIDLER compare la gouvernance de la santé à

une sentinelle qui dessine la toile de fond de la gouvernance des RI156.

Les relations internationales connaissent de nombreuses mutations depuis deux

décennies, souvent liées entre elles : l’émergence de Etats-Unis comme la seule grande puissance ;

la reconstruction du marché mondial par les puissances occidentales ; et l’émergence rapide, hors

de leur pays d’origine, de firmes transnationales dont les filiales et les marchés couvrent le monde

entier. L’intrication du politique et de l’économique s’accroît au niveau mondial, et transforme les

relations internationales.

L’économie politique internationale propose un nouveau cadre d’analyse des RI ;

STRANGE soutient que dans la seconde moitié du vingtième siècle, la dynamique du

changement concerne peu les Etats ou les OIG mais principalement les marchés et les

entreprises157. Le pouvoir glisse des Etats vers le Marché sous l’effet de deux facteurs clef. Le

premier est le développement d’entreprises transnationales qui globalisent leur production afin

d’amortir le coût de leurs investissements. Le second correspond au développement des marchés

financiers mondiaux, qui profitent de la concurrence entre places financières et du besoin de

financement croissant des Etats et des entreprises. Les RI se caractérisent désormais par des

transactions entre Etats et entreprises, où le contrôle des bénéfices attendus peut être négocié.

Ces partenariats s’avèrent inégaux car les entreprises constituent entre elles des réseaux d’alliance

transnationale, alors qu’elles négocient de façon bilatérale avec les Etats. Le contrôle des marchés

échappe aux Etats, et leurs prétentions à les encadrer demeurent vaines158. Toutefois, les Etats-

155 FIDLER D. “After the Revolution: Global Health Politics in a Time of Economic Crisis and Threatening Future Trends”. Global Health Governance, vol. 2, n°2, Fall 2008/Spring 2009. Consultable s ur : http://www.ghgj.org 156 FIDLER D. “Architecture amidst Anarchy: Global Health’s Quest for Governance”. Global Health Governance, vol. 1, n°1, 2007. Consultable sur : http://www.ghgj.org 157 STRANGE S. The Retreat of States: The Diffusion of Power in the World Economy. 2nd edition, Cambridge, Cambridge University Press, 1997. 158 STRANGE S. States and Markets: An Introduction to International Political Economy. London, Pinters Publishers, 1988.

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Unis occupent une place particulière, au centre de ce système. Ce pays domine le crédit mondial

et les marchés monétaires, et se situe au cœur de la nouvelle diplomatie créée par les entreprises.

Comme nul autre pays, les Etats-Unis ont la capacité de façonner le monde selon leurs intérêts,

d’imposer leur valeurs, tirant profit de leur position actuelle au sommet des RI.

Le processus de mondialisation conduit à l’irruption de multiples acteurs publics et privés

sur la scène internationale. Une redistribution de l’autorité politique s’opère pour conduire la

gouvernance. Le monopole des Etats sur l’orientation de l’action collective internationale est

remis en cause, ils se trouvent désormais contraints de collaborer avec de nouveaux acteurs. La

défense de leurs intérêts nationaux s’avère plus ardue. Le processus de mondialisation a ainsi

renforcé et complexifié les relations d’interdépendances entre acteurs159. Le concept stato-centré

des relations internationales (Westphalien160) devient inopérant, et appelle à une révision de la

théorie réaliste des RI.

Le centre d’intérêt des RI ne se limite plus à l’arène stratégico-diplomatique héritée de la

guerre froide, l’économie y gagne une importance croissante. Nous assistons à une dispersion des

pouvoirs et à la mise en concurrence des instances détenant l’autorité. Cette perspective pluraliste

réduit l’importance de la distinction traditionnelle entre national et international ; elle dote

l’espace politique mondial de plus d’autorité que d’Etats. Les choix politiques relèvent d’une large

combinaison d’acteurs publics et privés. En politique, l’interrogation qui consiste à savoir « qui

obtient quoi, quand et comment »161 se complexifie avec la pluralité des acteurs et le partage du

pouvoir. En ce qui concerne notre travail, il est essentiel de comprendre quel(s) acteur(s) a (ont)

aujourd’hui la capacité de sélectionner la problématique des maladies chroniques dans les PED, et

de la porter sur la scène internationale.

STORY, reprenant la thèse de l’EPI d’une arène de négociation dynamique et pluraliste,

définit ainsi le pouvoir selon la dialectique de l’objectif et du résultat, et l’applique aux RI :

« l’acteur A veut X, et l’acteur B veut Y, et le résultat est X ; cela signifie que le pouvoir appartient

à l’acteur A, ou que l’acteur A détient plus de pouvoir que l’acteur B … Deux hypothèses sont

alors formulables pour expliquer pourquoi B cède à A : soit les moyens de A l’emportent sur ceux

de B, qui souhaite éviter une confrontation et se rallie à son choix ; soit la volonté de A est plus

159 LAROCHE J. Mondialisation et Gouvernance Mondiale, Paris, PUF, 2003, pp. 11-26. 160 L’adjectif « Westphalien » se réfère aux traités de Westphalie signés en 1648 pour mettre fin à la guerre de trente ans entre catholiques et protestants en Europe. Ce traité consacra l’Etat-nation comme l’acteur souverain des relations internationales. 161 LASSWELL HD. Who Get’s What, When and How? New York, P. Smith, 1950.

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forte que celle de B »162. Cette deuxième hypothèse suppose qu’un engagement en faveur d’idées,

peut aboutir en dépit de moyens inégaux entre acteurs. Il n’existe pas toujours de correspondance

entre les moyens et le résultat, il ne suffit pas de savoir que A est doté de plus de ressources que

B. La négociation détermine en partie les résultats ; or tous les acteurs ne disposent pas du même

talent dans ce domaine.

L’emprise croissante des acteurs privés sur la gouvernance des relations internationales se

révèle comme un des traits significatifs des mutations en cours. Ces acteurs non étatiques se

révèlent désormais en capacité d’influer sur les choix politiques des Etats. A titre d’exemple, les

fondations (Bill et Melinda Gates, Rockefeller), les firmes transnationales (industries

pharmaceutiques, agroalimentaires, du tabac), les ONG (Médecins Sans Frontière, Oxfam), ou les

individus (Bill CLINTON, Jeffrey SACHS, BONO) s’impliquent dans la gouvernance de la santé.

L’engagement d’acteurs non étatiques, en particulier les firmes et les fondations, s’accompagne

d’une transformation du financement des actions sanitaires internationales. La santé mondiale

dépend plus que jamais de fonds privés. Les partenariats public-privé, actuellement en forte

expansion, sollicitent le soutien financier de ces acteurs privés. Ainsi, les deux programmes

emblématiques de lutte contre le VIH/SIDA, le Fond Mondial et UNITAID, sont conçus comme

des instruments financiers d’action sur les marchés163.

La santé des populations, qui relève pourtant de l’intérêt collectif, se définit par des

partenariats précaires à géométrie variable, auxquels ne participent que les acteurs qui visent des

intérêts à y faire prévaloir. Comme le soutient DIXNEUF, « la gouvernance de la santé mondiale

oscille entre maîtrise et absence totale de contrôle » ; cet auteur considère « la santé publique

comme un observatoire de la mondialisation »164 . En associant des acteurs très divers, elle est

soumise à des tensions transnationales qui ne se limitent pas au domaine purement médical.

L’indifférence et la sous estimation de l’épidémie de maladies chroniques dans les PED,

pourraient alors s’expliquer par une configuration de partenariats non propices à une stratégie de

lutte coordonnée. Cette défaillance interroge aussi les moyens dont dispose aujourd’hui l’OMS

pour diffuser son appel à l’action ; qui n’a pas été entendu, ou non pris en compte par les autres

acteurs.

162 STORY J. “Le Système Mondial de Susan Strange”. Politique Etrangère, vol. 66, n°2, 2001, pp. 433-447. 163 GUILBAUD A. Le paludisme La Lutte Mondiale contre un Parasite Résistant. Paris, Chaos International, L'harmattan, 2008, pp. 79-81. 164 DIXNEUF M. La Santé Publique comme Observatoire de la Mondialisation. Paris, PUF, 2003, pp. 213-225, in LAROCHE J. dir. Mondialisation et gouvernance mondiale, Paris, PUF, 2003.

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Au regard de ces mutations, nous constatons une fragilisation de la légitimité de l’OMS

sur les questions de santé internationales. Les critiques contre cette institution se multiplient

lorsqu’Hiroshi NAKAJIMA assume sa direction (1988-1998). L’efficacité de sa gestion des

épidémies de maladies transmissibles dans les PED est remise en cause, en particulier celle du

VIH/SIDA. En cédant aux pressions des firmes pharmaceutiques sur le dossier de l’accès aux

médicaments essentiels, l’OMS s’expose aux accusations de promotion d’une vision néolibérale

de la santé. Lorsque Gro Harlem BRUNDTLAND prend les rênes de l’OMS (1998-2003), cette

position est d’ailleurs amendée. De plus, cette institution se confronte à de rudes difficultés

financières ; certains Etats membres ayant diminués leur contribution. L’OMS se voit contrainte

de recourir à des financements externes privés pour élaborer son budget annuel.

La capacité d’emprise et le pouvoir directeur de l’OMS sur la santé mondiale s’érodent. La

coordination de la lutte contre le VIH/SIDA lui échappe au profit d’ONUSIDA, une nouvelle

agence des Nations Unies. L’OMS peine à affirmer son mandat face à d’autres OIG qui

investissent le secteur de la santé (Banque Mondiale, OMC, UNICEF165, FAO166, PNUD167…) et

qui disposent pour certaines de moyens financiers supérieurs. L’exemple de la Banque Mondiale

est révélateur des conflits d’intérêts ou de compétences qui peuvent naître entre l’OMS et d’autres

OIG. La concurrence de l’OMS avec la BM devient frontale sur le sujet des maladies infectieuses,

puisque cette dernière gère le Fond Mondial.

L’engagement actuel de l’OMS en faveur de la lutte contre les maladies chroniques dans

les PED, ne souffre aucune contestation. Toutefois l’OMS ne lance son appel à l’action mondiale

qu’en 2005, or à cette date l’épidémie est déjà en phase de diffusion rapide dans les PED. Les

maladies chroniques y supplantent déjà les maladies transmissibles comme principale cause de

mortalité. L’efficacité d’une intervention de santé publique s’avère d’autant plus grande qu’elle

survient au premier stade d’une épidémie. Le renforcement des missions de l’OMS est

fréquemment envisagé pour assurer une gouvernance de la santé plus efficace et équitable ;

cependant cette institution doit aussi veiller à accomplir pleinement son rôle de veille sanitaire,

sous peine de voir sa légitimité un peu plus fragilisée.

L’anarchie de la gouvernance des RI se caractérise par une instabilité que favorise la

dispersion de l’autorité, la faiblesse de la norme internationale, et un grand nombre de problèmes 165 UNICEF : United Nations Children's Fund, consultable sur : http://www.unicef.fr/ 166 FAO : Food and Agriculture Organization of the United Nations, consultable sur : http://www.fao.org/index_fr.htm 167 PNUD : Programme des Nations Unies pour le Développement, consultable sur : http://www.undp.org/french/

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ou de conflits non résolus. Pour notre travail, ce problème non résolu correspond à la lutte

contre les maladies chroniques dans les PED. STRANGE propose de remplacer « régime » par

« pouvoir structurel », qui est le pouvoir de façonner les structures de l’économie politique

globale à l’intérieur desquelles d’autres acteurs doivent opérer168. De même, elle substitue

« problématique » par « valeur ». Les acteurs qui détiennent le pouvoir structurel définissent les

valeurs du système et les résultats souhaitables pour celui-ci. Ils acquièrent la capacité de

déterminer le choix des autres acteurs sans exercer de pressions sur eux. Pour cela, ils doivent

contrôler toutes les clefs de la structure de pouvoir ; STRANGE en énonce quatre : la sécurité, la

production, la finance, et le savoir. A l’évidence, l’OMS ne détient pas actuellement toutes les

clefs de ce pouvoir structurel.

La gouvernance de la santé mondiale n’échappe pas aux mutations à l’œuvre dans les

relations internationales que nous venons de détailler. La diversité des actions menées par les

acteurs publics ou privés ne permet plus d’identifier un leadership de l’OMS sur les politiques de

santé internationale. Comme le souligne FIDLER, il n’existe pas de « House That WHO

Built »169. La gouvernance de la santé mondiale s’assimile à une pluralité non structurée170. Les

questions de santé occupent le cœur des préoccupations des politiques mondiales, et des actions

collectives internationales. Pour autant, aucune stratégie centralisée ne coordonne les initiatives

de l’ensemble des acteurs. Certains auteurs, comme le doyen de la Harvard School of Public Health,

évoquent le besoin d’une nouvelle architecture de la gouvernance de la santé mondiale171.

D’autres en appellent à un nouveau Bretton Woods172 de la santé publique internationale173.

L’argument selon lequel les politiques sanitaires mondiales se conduisent sans la

coordination d’une gouvernance soulève cependant un paradoxe. En effet, cette gouvernance

168 STRANGE S. States and Markets: An Introduction to International Political Economy. London, Pinters Publishers, 1988, pp. 24-25. 169 FIDLER D. “Architecture amidst Anarchy: Global Health’s Quest for Governance”. Global Health Governance, vol. 1, n°1, 2007. Consultable sur : http://www.ghgj.org 170 GODAL T. “Do We Have the Architecture of Health Aid Right? Increasing Global Aid Effectiveness” Nature Reviews: Microbiology, vol. 3, n°. 11, 2005, pp. 899-903. 171 Cité par COHEN J. “The New World of Global Health,” Science, Vol. 311, 2006, pp. 162-167. 172 Les accords de Bretton Woods ont défini le système financier international après la Seconde Guerre mondiale. Leurs objectifs étaient de mettre en place une organisation monétaire mondiale, et de favoriser la reconstruction des pays touchés par la guerre. Ils furent signés le 22 juillet 1944 à Bretton Woods (USA) par l’ensemble des 44 nations alliées. Le système monétaire mondial s’organise autour du dollar américain, dont la convertibilité en or établissait un système de change fixe (Gold Exchange Standard). Ces accords ont donné naissance à deux organismes internationaux, la Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement (BIRD), aujourd'hui l'une des composantes de la Banque mondiale (BM) ; et le Fond Monétaire International (FMI). En août 1971, les États-Unis suspendent la convertibilité du dollar en or. Le système des taux de change fixes disparaît en mars 1973 avec l'adoption du régime de changes flottants. 173 EPSTEIN P, GUEST G. “International Architecture for Sustainable Development and Global Health” in: GUEST G. Globalization, Health and the Environment: An Integrated Perspective. Landham, Altamira Press, 2005, pp. 239-258.

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sans architecture apparente produit des résultats supérieurs à ceux enregistrés par l’OMS dans les

années 1970 avec ses programmes verticaux (La Santé pour Tous). Rien n’assure que la fécondité

actuelle de cette gouvernance plurielle et non structurée résisterait à un processus de

centralisation des stratégies. A contrario, l’un des arguments des tenants d’une nouvelle

architecture est d’éviter toute défaillance qui conduirait à négliger un enjeu de santé publique,

comme la prévention des maladies chroniques dans les PED. La réforme de la gouvernance

mondiale est un sujet récurrent dans de nombreux domaines des relations internationales :

réforme de la gouvernance des Nations Unies (élargissement du conseil de sécurité, refonte de la

commission des droits de l’Homme), réforme de la gouvernance de l’OMC (érosion du

multilatéralisme par des accords commerciaux bilatéraux), etc. Ces exemples montrent combien

le désir de réforme de la gouvernance mondiale se répand, au point d’en devenir « épidémique »

comme le souligne FIDLER. Ce désir est exacerbé par la frustration née de la défaillance des

institutions et des régimes de gouvernance issus de la guerre froide, désormais inadaptés au

processus de mondialisation.

Les critiques de la gouvernance de la santé mondiale se révèlent donc en phase avec le

sentiment d’efficacité sous optimale qui affecte toutes les formes de coopération internationale,

dessinant la toile de fond des mutations en cours dans les RI. D’autant plus que la santé y occupe

désormais une place centrale. Elle se présente comme une préoccupation majeure de nouveaux

acteurs, qui l’intègrent à de multiples agendas politiques internationaux (cf. partie II/A.2). Sa

qualification de Bien Public Mondial se traduit par son omniprésence dans les divers programmes

de gouvernance ; et révèle les avantages potentiels qu’en attendent les acteurs des RI dans de

multiples domaines autres que la santé : développement, croissance économique, réduction de la

pauvreté, droit de l’Homme, sécurité nationale, etc. Plus la santé internationale élargit sa base

normative, plus elle échappe à l’OMS.

L’anarchie, au sein de laquelle évoluent les acteurs de la santé mondiale, détermine de

nouveaux modes de gouvernance174. D’une situation d’anarchie des RI où seuls les Etats-nations

interagissent en cherchant à limiter les restrictions sur leur souveraineté ; se substitue une

anarchie plus ouverte et accessible à de multiples acteurs étatiques et non étatiques. Utilisant la

métaphore des logiciels en accès libre, FIDLER qualifie cette nouvelle anarchie des RI d’« Open

174 FIDLER D. “Architecture amidst Anarchy: Global Health’s Quest for Governance”. Global Health Governance, vol. 1, n°1, 2007. Consultable sur : http://www.ghgj.org

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Source Anarchy »175. Chaque acteur est en mesure d’exploiter ce nouvel espace de gouvernance,

en fonction de ses préoccupations et de ses intérêts en lien avec la santé mondiale. Ce mode de

gouvernance expose au risque de surexploitation ou inversement de sous-exploitation de certains

enjeux de santé publique internationale. Ainsi, les maladies transmissibles ont-t-elles été

surinvesties par l’ensemble des acteurs, et choisies comme OMD. A contrario, les maladies

chroniques dans les PED se présentent comme une question marginalisée, que seule l’OMS

souhaite régler en priorité. Le cas des maladies négligées dans le Sud rappelle celui des maladies

chroniques, très peu d’acteurs investissent cette thématique. En s’engageant sur des sujets de

santé mondiale qui servent leurs intérêts, les acteurs se hasardent à ne plus répondre aux besoins

réels de santé des populations du Sud. La juxtaposition de ces différentes politiques peut alors

produire des résultats sous optimaux, voire contre-productifs en terme d’amélioration de la santé.

Cet effet paradoxal donne du crédit à ceux qui souhaitent qu’une architecture ordonne

cette « pluralité non structurée ». Cependant, acteurs étatiques et non étatiques s’opposent tous

deux à une restriction de leurs prérogatives et de leur liberté d’action. Ce comportement des Etats

est classiquement évoqué par la théorie réaliste des RI ; il s’applique aussi aux acteurs privés.

Ainsi la Fondation Gates ou la Banque Mondiale veillent jalousement sur leur indépendance vis-à-

vis de l’OMS. La mondialisation, en redistribuant de l’autorité politique et en facilitant l’irruption

d’acteurs privés sur la scène internationale, crêt un environnement des RI non propice à un mode

de gouvernance centralisée. Sur les questions de santé publique, aucun acteur n’a la légitimité et la

capacité de coordonner seul les politiques mondiales. Cette situation se révèle difficile à accepter

pour l’OMS, d’autant plus que ce rôle lui revenait autrefois. D’autre part, la conviction que son

analyse sur l’épidémie de MC dans les PED est pertinente, rend ce travail de « deuil » douloureux.

Désormais lorsque l’OMS énonce une norme mondiale de santé, aussi juste et équitable soit-elle,

cela ne suffit plus à la faire accepter par tous les acteurs de la gouvernance.

Le défi pour la gouvernance mondiale de la santé consiste à définir une norme applicable,

de façon efficiente, dans tous les domaines des RI qui concernent la santé. Le caractère pluraliste

et non structuré de cette gouvernance ne peut être modifié sans un consensus des acteurs. Les

actions collectives internationales s’adaptent donc en permanence à l’évolution des acteurs

engagés, des politiques initiées, voire des revirements de position. En conséquence, la prévention

des maladies chroniques dans les PED, n’intègre pas la norme de santé mondiale.

175 FIDLER D, GARRET L, BERGEN P, HEWITT D. Report of the Working Group on State Security and Transnational Threats. Princeton Project on National Security, 11, 2005.

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La base normative de la santé mondiale s’élargit radicalement, au fil de son appropriation

par de multiples acteurs étatiques ou privés. Depuis les origines de la coopération sanitaire

internationale, cette norme évolue. Cependant l’accélération de ce phénomène depuis deux

décennies est sans précédent. A la fin du dix-neuvième siècle, cette norme demeure stato-centrée

et reflète surtout les intérêts commerciaux des puissances européennes. Après la seconde Guerre

Mondiale, la création de l’OMS concoure à définir le droit à la santé comme un droit de

l’Homme. Dans les années 1970, la déclaration d’Alma Ata énonce le droit à l’accès universel aux

soins de santé primaire dans les PED (cf. annexe 12). Le slogan La Santé Pour Tous stigmatise ce

nouvel élan. L’épidémie de VIH/SIDA modifie profondément dans les années 1990 cette

norme ; en y incluant des préoccupations de développement économique, de sécurité, d’accès aux

médicaments essentiels. La santé apparaît désormais comme un bien public mondial. La norme

de santé n’a cessé de s’élargir. Cependant depuis une décennie, la majorité de ces changements

conceptuels provient d’acteurs traditionnellement extérieurs à la communauté sanitaire

internationale (cf. partie II/A.2).

Cette anarchie au sein de la gouvernance de la santé mondiale, présente certains

avantages. L’activisme des ONG en faveur du droit à l’accès aux médicaments essentiels, a été

déterminant pour amender les ADPIC. Les Etats et les OIG sont contraints de prendre position

et de réagir à des initiatives d’acteurs non étatiques. Cela fut aussi le cas au début de l’Internet

lorsque le réseau de surveillance des maladies infectieuses ProMED176, utilisant la messagerie

électronique pour diffuser des alertes mondiales, se révéla plus efficace que les instruments des

Etats ou de l’OMS. En s’immisçant dans de multiples domaines des relations internationales, la

santé publique peut potentiellement bénéficier de nouveaux moyens de financements. Quant aux

politiques mises en œuvre, elles se révèlent plus rapidement adaptables et interopérables par une

majorité d’acteurs. La fécondité et la vigueur de la gouvernance de la santé mondiale atteint un

niveau jamais atteint lorsque seule l’OMS présidait à son orientation. Cette gouvernance

anarchique, qui repose sur une pluralité d’initiatives non structurées, stigmatise les conséquences

de la mondialisation sur les relations internationales.

L’OMS a prouvé qu’elle était capable de s’adapter avec succès à ce nouvel environnement

politique international, à ce partage du pouvoir dans un monde multipolaire. Deux des ses

176 ProMED-mail. Consultable sur : http://www.promedmail.org

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initiatives ont su tirer profit de l’élargissement de la norme de santé mondiale pour s’imposer aux

autres acteurs : sa convention anti-tabac FCTC177 en 2003, et son règlement IRH178 en 2005.

La convention FCTC (cf. page 34) ne s’apparente pas à une approche traditionnelle de

lutte anti-tabac. Ce traité intègre à son argumentaire une analyse économique portant sur le coût

du tabagisme et des maladies pour les sociétés et les Etats. Le lien entre développement

économique et droit de l’Homme y est aussi souligné. Enfin, l’OMS a cherché le soutien des

ONG pour contenir l’opposition des firmes transnationales du tabac.

De même, pour ratifier le règlement IRH (cf. page 49), l’OMS utilise un nouveau discours

normatif. Cette institution fait valoir auprès des Etats, l’intérêt qu’ils y trouveraient en matière de

sécurité nationale et de préservation du commerce mondial. Les droits de l’Homme ont aussi été

abordés, sous le regard critique des acteurs non étatiques.

2- La précarité des actions sanitaires internationa les : entre

normes de santé instables et crises de la mondialis ation

Si l’anarchie de la gouvernance mondiale de la santé permet à toute sorte d’acteurs publics

ou privés, d’adopter, d’appliquer, et de modifier la norme de santé publique ; cette pluralité

innovante demeure hautement instable et n’exclut pas un risque de défaillance. Les échecs de la

gouvernance sont possibles, comme le démontre l’inertie au sujet de l’épidémie de maladies

chroniques dans les PED. Cet échec est d’autant plus dommageable qu’il concerne la principale

charge sanitaire de ces pays. Sur cette problématique, l’OMS n’a pas trouvé la stratégie adéquate

pour mobiliser les autres acteurs, alors qu’elle avait su le faire pour la convention FCTC ou le

règlement IRH. Son plan d’action 2008-2013 de prévention des maladies chroniques corrigera

peut-être cette carence. En tout état de cause, il est encore trop tôt pour en juger. Par ailleurs,

l’hypothèse d’autres défaillances de la gouvernance de la santé mondiale ne peut être exclue.

La structure anarchique de la gouvernance présente l’avantage de permettre un

remodelage rapide de la norme de santé mondiale, sous l’impulsion de nouveaux acteurs.

Toutefois, elle ne garantit pas l’inclusion de tous les enjeux sanitaires à l’agenda de cette

gouvernance. Ainsi les maladies chroniques demeurent, pour l’heure, ignorées des politiques

177 WHO. WHO Framework Convention on Tobacco Control. WHA56.1. Genève, World Health Organisation, 27 February 2005. 178 Consultable sur : http://www.who.int/ihr/fr/index.html

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sanitaires internationales. Le sous investissement d’une question de santé mondiale pose le

problème de l’élaboration d’une norme internationale. En variant ses stratégies politiques sur

divers enjeux de santé, l’OMS n’a pas abouti aux mêmes résultats quant à l’adoption de ses

normes de santé. Son échec est flagrant sur la prévention et le contrôle des maladies chroniques

dans les PED. Comprendre pourquoi cette norme de santé ne se diffuse pas, est un préalable à

l’élaboration de toute nouvelle stratégie de lutte contre cette épidémie. Analyser la chronologie de

diffusion d’une norme internationale permet d’identifier le moment où les partenaires potentiels

de l’OMS jugent cette norme inadaptée, et ne la sélectionnent pas.

Dans les relations internationales, une norme peut être définie comme « un étalon de

comportement adéquat pour un type d’acteurs spécifiques »179 ; elle est socialement construite, et

possède une force contraignante. Quoi qu’il en pense, un acteur se conforme à une norme car il

sait ce qui est attendu de lui. L’Etat perd le monopole de promotion de norme internationale, la

mondialisation accélère l’emprise d’acteurs non étatiques (ONG, fondations, entreprises,

individus). Leur motivation peut aussi bien être l’altruisme que l’intérêt, ou les deux à la fois. Ils

prétendent tous au statut de promoteurs de normes de santé mondiale, et tentent de modifier le

comportement d’un ou de plusieurs acteurs, choisis de manière stratégique pour maximaliser

l’efficacité des campagnes. Convertir un acteur à sa cause et l’associer à la promotion d’une

norme de santé permet un effet de levier d’autant plus efficace, que cet acteur est influent.

D’autre part, l’institutionnalisation d’une norme par une OIG comme l’OMS facilite grandement

sa diffusion mondiale, en l’amplifiant au niveau international180. La diffusion d’une norme se

produit par étapes, DELHAYE en propose trois successives181.

La première étape est l’émergence de la norme. Les entrepreneurs de normes se

mobilisent pour la formuler et cibler le comportement d’acteur(s). A l’origine, la norme se fonde

sur le diagnostic d’une situation imparfaite. Celle-ci conduit à la découverte de causes explicatives,

et à la définition d’une stratégie correctrice, pour aboutir enfin à la formulation de la norme. La

dilution de l’autorité politique dans les RI ne permet plus au seul promoteur d’imposer sa norme.

Il essaie donc de convaincre d’autres acteurs de se joindre à lui, pour former une coalition qui

179 FINNEMORE M, SIDDINK K. “International Norms Dynamics and Political Change”. International Organisation, vol. 52, n°4, 1998, pp. 887-917. 180 KECK ME, SIDDINK K. Activists Beyond Borders: Advocacy Networks in International Politics. Ithaca (NY) et Londres, Cornell University Press, 1998. 181 DELHAYE G. “Comprendre la Mondialisation des Normes”, in SCHEMEIL Y, EBERWEIN WD. Normer le Monde. Paris, L’harmattan, 2009, pp. 87-110.

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soutienne cette norme. La création d’alliance serait l’élément déclencheur de l’énonciation d’une

norme, son « moment d’universalisation ».

L’étape suivante permet la banalisation de la norme. Cette phase est souvent celle de

l’institutionnalisation de la norme, qui peut prendre différentes formes : accord multilatéral,

création d’un organisme spécifique, mise à l’agenda d’un organisme déjà existant, etc. Survient

ensuite une « cascade d’adoption de la norme » par un grand nombre d’acteurs à l’échelle

mondiale, sur une courte période. Plusieurs hypothèses sont formulées pour expliquer cette

réaction en chaine : l’efficacité des sanctions mises en place ; la simple perception de la contrainte

des sanctions potentielles ; des pressions d’ordre sociale sur les acteurs ciblés ; ou encore la

capacité de persuasion de ses promoteurs. Au terme de ce processus de banalisation, la norme

s’internationalise. Le comportement qu’elle promeut cesse d’être l’objet de délibération, il n’est

plus questionné et il va de soi. Au niveau étatique, l’internationalisation ne correspond pas

forcément à une internalisation de la norme. Une loi peut être promulguée sans être mise en

œuvre, ou respectée par peur de la sanction sans que les acteurs y adhèrent.

Enfin la troisième et dernière phase correspond au déclin d’une norme. Il s’agit là de son

destin inéluctable, prélude à l’émergence d’une nouvelle norme.

Les idées politiques dominantes au sein d’une gouvernance influencent le devenir d’une

norme internationale. La résonance ou la dissonance d’une norme modulent son adoption. Son

succès varie en fonction de sa compatibilité avec les autres normes en vigueur ; et de sa synergie

avec les jugements de valeurs dominants, qui proscrivent ou prescrivent certains comportements.

La mise en résonnance ou en dissonance d’une norme mondiale est une activité de cadrage de

cette norme. Les promoteurs de normes adaptent en permanence leur discours et leur stratégie

pour mieux convaincre leurs cibles. En utilisant la métaphore darwinienne de la sélection des

espèces, les normes résonnantes les plus adaptées à leur environnement possèdent la

capacité d’être sélectionnées et de survivre. A l’inverse, les normes dissonantes se révèlent

inadaptées et disparaissent182. Selon leur talent de négociation, les acteurs ont donc de la

possibilité de faciliter la sélection ou le rejet d’une norme, indépendamment des moyens ou des

ressources dont ils disposent.

182 FLORINI A. “The Evolution of International Norms“. International Studies Quarterly, Blackwell Publishing Limited, 1996.

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Au regard de cette dynamique de diffusion d’une norme mondiale, la question de la lutte

contre les maladies chroniques dans les PED ne semble pas avoir dépassée la première phase, à

savoir l’émergence d’une norme. L’OMS a identifié cette épidémie, à proposer plusieurs stratégies

correctrices, sans susciter la mobilisation des acteurs. L’OMS n’a toujours pas réussi à nouer des

alliances pour universaliser cette norme mondiale de santé. Pourtant les partenaires potentiels

existent : Banque Mondiale, fondations, ONG, autres organismes multilatéraux, Etats, etc. La

plupart de ces acteurs présentent des intérêts de santé qui seraient compatibles avec un contrôle

des maladies chroniques dans le Sud. Ils pourraient créer un puissant effet de levier s’ils se

ralliaient à cette norme. Une stratégie de mise en résonnance de cette norme est à penser. Pour

l’heure, les représentations sur la santé de populations des PED demeurent centrées sur la lutte

contre les maladies infectieuses ou la malnutrition. Il se peut que ces croyances entrent en

dissonance avec l’urgence de juguler une épidémie de maladies chroniques.

Les firmes de l’agroalimentaire et du tabac adoptent un comportement spécifique au sein

de la gouvernance de la santé mondiale. Ces entreprises se montrent plus opposées

qu’indifférentes aux politiques promues par l’OMS, cherchant prioritairement à préserver leurs

marges de profits et leurs positions dominantes sur les marchés. Notons d’ailleurs que les firmes

ciblent en priorité les marchés prometteurs des PED dits émergents (Chine, Inde, Brésil,

Russie…), où la prévalence des maladies chroniques explose. La dynamique du capitalisme

s’accommode mal des recommandations de santé publique, surtout lorsque celles-ci limitent

l’accumulation de capital183 184. Cette théorie, d’influence marxiste, trouve pourtant un écho

presque parfait dans le discours officiel de l’OMS. Sa directrice générale déclarait ainsi en octobre

2008 : « quand les politiques de production, de commerce et de distribution internationale de

produits alimentaires sont régies par l’appât du gain et non par les besoins nutritionnels de

l’humanité, il ne faut pas s’étonner que le système engendre une crise du fait de l’augmentation en

flèche des prix des produits alimentaires et des maladies chroniques liées à l’alimentation … Sous

l’influence de la mondialisation, le paysage de la santé publique a changé d’une manière profonde

et presque universelle. Dans le monde entier, ce sont les mêmes forces puissantes qui modèlent

les problèmes de santé … La santé publique n’a plus de limites nettes et elle s’étend désormais à

d’autres secteurs qui influent sur ses possibilités et les résultats sanitaires. Les déterminants

économiques, sociaux, environnementaux et politiques de la santé prennent une importance

183 BRAUDEL F. La Dynamique du Capitalisme. Paris, Arthaud, 1985. 184 WALLERSTEIN I. Comprendre le Monde, Introduction à l’Analyse des Système-Monde. Paris, La Découverte, 2006.

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croissante »185. Les relations d’interdépendances entre firmes et Etats se complexifient. Toutefois

l’exemple de la convention anti-tabac FCTC prouve que l’OMS a déjà su manœuvrer, avec

succès, dans cet environnement politique « mondialisé ».

Plus inquiétant encore, d’autres causes de défaillances de la gouvernance mondiale de la

santé doivent être envisagées, même si une norme de santé se trouve admise et appliquée par tous

les acteurs. L’atteinte de résultat n’est jamais assurée, un tel échec pourrait d’ailleurs s’appliquer à

la lutte contre les maladies chroniques si d’aventure elle venait à être incluse dans la norme de

santé mondiale.

Le VIH/SIDA s’impose comme une des priorités de santé de la gouvernance. La lutte

contre cette épidémie est acceptée par tous les acteurs, à l’inverse des maladies chroniques.

Pourtant cette pandémie demeure toujours hors de contrôle, malgré la mobilisation internationale

et les initiatives successives : programmes globaux de lutte contre le VIH, dont la dernière

initiative 3 by 5 de l’OMS186 ; création par l’ONU d’une agence de coordination ONUSIDA187 et

du Fond Mondial188. Tous les aspects d’une question sanitaire internationale ont été explorés pour

combattre le VIH/SIDA : santé publique, droits de l’Homme, dangers pour la sécurité des Etats,

problèmes de développement économiques, etc. Malgré cette variété des politiques et la plasticité

de la norme de santé mondiale, les résultats demeurent insuffisants en particulier en Afrique sub-

saharienne.

La faiblesse des infrastructures de santé des PED représente une autre source de

défaillance de la gouvernance. La dynamique de l’anarchie pluraliste tend à élargir la norme de

santé, à la diffuser dans de multiples domaines des RI sous l’influence d’acteurs étatiques et non

étatiques. Un écart grandissant se creuse entre la révolution normative de la santé mondiale, et les

capacités locales de mise en œuvre de cette norme. La construction et l’entretien des

infrastructures de santé demeurent à la charge exclusive des gouvernements. Sans coopération

internationale, il faut craindre une inadéquation entre les politiques mondiales de santé publique

et leur application dans les PED. Le débat sur la justesse ou l’équité des normes serait alors vain.

Plusieurs initiatives de santé n’ont pas prévue les moyens de leurs ambitions. Certains pays

185 CHAN M. Mondialisation et Santé. Discours prononcé devant l’Assemblée Générale des Nations Unies, New York, USA, 24 octobre 2008. Consultable sur : http://www.who.int/dg/speeches/2008/20081024/fr/index.html 186 Consultable sur : http://www.who.int/3by5/en/ 187 Consultable sur : http://www.unaids.org/fr/default.asp 188 Consultable sur : http://www.theglobalfund.org/fr/

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d’Afrique subsaharienne se trouvent dans l’incapacité de distribuer efficacement les médicaments

antirétroviraux ou les moustiquaires imprégnées qu’ils reçoivent. La convention FCTC ou le

règlement IRH, succès politiques de l’OMS, se heurtent sur le terrain à une fuite des personnels

de santé qualifiés et à un manque de moyens des gouvernements189. Le soutien des capacités

sanitaires dans le Sud est un levier négligé par la gouvernance mondiale de la santé.

Le déficit d’inclusion des PED dans l’action sanitaire internationale constitue un handicap

supplémentaire pour lutter contre les maladies chroniques. La participation des acteurs du Sud est

pourtant essentielle, car elle offre une meilleure connaissance des besoins de santé de leur

population, et facilite l’appropriation des politiques initiées. La sous représentation des PED au

sein des organisations internationales dédiées à la santé est patente ; ils ne pèsent pas sur la

gouvernance mondiale de la santé. L’OMS, malgré un principe démocratique de

fonctionnement190, demeure sous l’emprise des pays industrialisés en raison de leur poids

financier191. Une situation identique se produit au sein de la Banque Mondiale192. La connaissance

des besoins des populations du Sud ne fait pas l’objet d’une attention suffisante. En conséquence,

la demande de santé dans les PED est méconnue et expose au risque d’échec des politiques de

santé publique planifiées au niveau international193. L’oubli de l’épidémie de maladies chroniques

dans ces pays illustre malheureusement cette situation.

Toutefois, la principale cause de défaillance de la gouvernance mondiale de la santé était

encore inconnue il y a un an. Imprévisibles par leur ampleur et leur concomitance ; les crises qui

affectent le monde en 2008, sonnent le glas de la révolution des RI sur les questions de santé (cf.

partie II/A). FIDLER parle d’une « Annus Horribilis » pour la santé mondiale194. Quatre crises

concernant l’économie mondiale, le changement climatique, les ressources alimentaires, et

l’énergie bousculent les priorités des RI, et excluent la santé des préoccupations immédiates. Un

tournant historique des RI se dessine, une fenêtre d’opportunité se ferme pour la lutte contre les

189 WHO. International Health Migration: A Challenge for Health Systems in Developing Countries. Report by the Secretariat. World Health Organization, doc. A59/18, May 2006. 190 L’Assemblée mondiale de la Santé regroupe l’ensemble des ministres de la santé des Etats membres. 191 GUILLAUMONT P, GUILLAUMONT-JEANNENEY S. “Les PMA et la Gouvernance Mondiale“ in Conseil d’Analyse Economique, Gouvernance mondiale, Rapport de synthèse, La documentation française, 2002. 192 CHIFFOLEAU S. “Systèmes de Santé et Pauvreté au Sud. En quête d’un Bien Public Equitablement Mondial“. Colloque Les Biens Publics Mondiaux, AFSP, Pau, 25 et 26 octobre 2001. 193 BOIDIN B. “Droit à la Santé et Coopération Internationale : Les Déficiences Institutionnelles“. Mondes en Développement, vol. 33, n°129, 2005, pp. 75-92. 194 FIDLER D. “After the Revolution: Global Health Politics in a Time of Economic Crisis and Threatening Future Trends”. Global Health Governance, vol. 2, n°2, Fall 2008/Spring 2009. Consultable s ur : http://www.ghgj.org

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maladies chroniques dans les PED. L’espoir de les voir inscrites en haut de l’agenda de la

gouvernance mondiale, s’amenuise encore un peu plus. D’autant plus qu’avant l’éclatement de ces

quatre crises, l’indifférence des acteurs face à cette épidémie prévalait déjà. La mondialisation, qui

complexifie l’élaboration de politiques mondiales de santé publique, semble désormais rendre

cette tâche insurmontable au regard des conséquences qu’elle engendre depuis 2008.

Paradoxalement, ces crises génèrent de nouveaux périls pour la santé mondiale, sans que cette

aggravation ne se traduise par un renforcement des actions sanitaires internationales.

La crise du climat ne s’apparente pas à une problématique nouvelle, toutefois

l’accumulation de preuves a accéléré l’omniprésence de cet enjeu planétaire dans les relations

internationales. L’impact du changement climatique sur les déterminants de la santé mondiale est

clairement établi, l’OMS s’inquiète d’ailleurs des répercussions potentielles à court terme195.

Toutefois ces deux problématiques semblent concurrentes dans les RI. Leurs interconnexions ne

semblent pas évidentes aux yeux des acteurs de gouvernance mondiale. L’agenda des RI atteste

de ce regain de mobilisation internationale196 197. Son point d’orgue est prévu du 7 au 18 décembre

2009, lors de la conférence de Copenhague organisée par les Nations Unies. Les menaces

climatiques sont désormais considérées comme plus dangereuses que celles pesant sur la santé.

Pourtant cette dérégulation du climat affectera en premier lieu la santé des populations les plus

vulnérables, celle des pays en développement et des pays les moins avancés. Selon les dernières

projections, l’Afrique sera gravement touchée dès 2020. D’ici là, 75 à 250 millions d’africains

devront faire face à une pénurie croissante d’eau, alors que les rendements des cultures dans

certains pays devraient baisser de 50%. Les propositions adoptant un « angle de santé » sont

perçues comme manquant de crédibilité pour répondre aux effets de cette crise. Des problèmes

mondiaux plus pressants supplantent les questions de santé, et réorientent les financements

internationaux : accès à l’eau potable et aux terres arables, productivité agricole et malnutrition,

montée du niveau des océans, migrations de populations, déstabilisation régionale et conflits

transfrontaliers, etc. Dans ce contexte, le soutien aux systèmes de santé des PED ou la

prévention des maladies chroniques apparaissent moins urgents, alors qu’ils demeurent plus que

jamais essentiels.

195 WHO. Health Impact of Climate Change Needs Attention. Genève, World Health Organization, mars 2009. consultable sur : http://www.who.int/mediacentre/news/notes/2009/climate_change_20090311/fr/index.html 196 Mobilisation des acteurs étatiques. Exemple du gouvernement français, consultable sur : http://www.conference-copenhague.gouv.fr/copenhague 197 Mobilisation des acteurs non étatiques. Exemple des ONG, consultable sur : http://www.copenhague-2009.com

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En 2008, la flambée du prix du pétrole a ravivé le spectre d’une crise énergétique

mondiale, le baril atteignant un niveau record en juillet 2008 (147$). Immédiatement, des

répercussions directes ou indirectes impactent la santé. Cette tension sur le prix du pétrole a

précipité l’émergence d’une crise alimentaire mondiale, qui s’est traduite par des épisodes de

famines dans certains PED (cf. infra). Cette pénurie d’énergie a affecté la santé des populations

les plus vulnérables : femmes enceintes, enfants en bas âge et personnes âgées198. Confrontés à

des dépenses énergétiques imprévues, certains PED ont été contraints de réorienter leurs

ressources budgétaires au détriment de systèmes de santé déjà fragiles ; aggravant la défaillance de

leurs infrastructures et leurs difficultés d’approvisionnement en vaccins et médicaments

essentiels. De plus, cette augmentation du coût de l’énergie détériore le niveau de pauvreté des

millions de personnes dans le Sud. Or la pauvreté s’avère être l’un des principaux déterminants de

l’état de santé d’une population. Cette crise énergétique a pris fin au second semestre 2008 avec

l’éclatement de la crise économique. Toutefois elle a révélé la vulnérabilité économique des PED

et les conséquences sanitaires potentielles. Cette menace pour la santé mondiale n’est que

différée ; la volatilité des prix énergétiques perdurera en raison de réserves en pétrole épuisables,

d’une demande à la hausse, et d’une dépendance quasi-totale des pays du Sud aux énergies

fossiles. Une fois de plus, les enjeux de santé apparaissent comme un impact collatéral d’une crise

plus pressante à traiter.

De plus, l’année 2008 débute par une crise alimentaire mondiale aux multiples

déterminants, mais dont l’une des causes premières demeure la flambée des prix du pétrole. Cette

dernière est à l’origine d’une augmentation rapide du coût des certains intrants comme les engrais

ou le transport, et d’une répercussion sur le prix des denrées alimentaires. D’autres facteurs se

conjuguent pour expliquer cette crise : sécheresse et accidents climatiques, tension sur la

demande, spéculation financière sur le marché des matières alimentaires. En tout état de cause,

l’inflation des prix accroît les difficultés d’accès à l’alimentation dans de nombreux PED. Cette

situation fragilise la santé des populations, directement corrélée à leur état nutritionnel. Dans les

pays à faible revenu, une famille peut consacrer jusqu’à 80% de ses revenus à se nourrir, elle n’a

pas de marge de manœuvre pour absorber le choc d’une hausse des prix. Si elle doit consacrer

davantage de ressources pour pouvoir manger, elle en aura moins pour se soigner. De plus, les

choix alimentaires s’avèrent très sensibles à l’augmentation des prix. Les premiers produits

auxquels les populations pauvres renoncent, sont justement les plus sains et les plus coûteux

(fruits et légumes, protéines de haute qualité) au profit de produits transformés plus gras, plus

198 WHO. Extreme Cold and Energy Shortages Create Crisis in Tajikistan. Genève, World Health Organization, Février 2008. Consultable sur : http://www.euro.who.int/emergencies/fieldwork/20080208_1?language=French

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sucrés et pauvres en éléments nutritifs. Dans ces conditions, l’OMS craint une cascade de

conséquences sur la santé des plus vulnérables dans le Sud : augmentation de la mortalité

maternelle et fœtale, troubles du développement psychomoteur des enfants, résurgence de

maladies transmissibles, recrudescence des maladies chroniques199. Les conséquences de cette

crise ne se bornent pas au domaine sanitaire, son impact se ressent sur des problématiques

connexes comme la sécurité nationale, le développement socio-économique, l’environnement, ou

les droits de l’Homme. Le secrétaire général des Nations Unies s’inquiète de voir mis à bas la

majorité des progrès réalisés dans le cadre des OMD200. Afin de parer à une telle éventualité, une

équipe spéciale chargée de répondre à la crise alimentaire mondiale voit le jour en avril 2008201.

Loin d’être une bénédiction, la crise économique a permis un recul de l’indice des prix

alimentaires au second semestre 2008. Les acteurs des RI intègrent que le monde reste exposé à

des épisodes similaires. Toutefois malgré les interactions connues entre santé et nutrition, aucun

soutien supplémentaire n’est prévu pour les systèmes de santé des PED.

Enfin, une crise économique mondiale éclate au deuxième semestre 2008, suite à

l’effondrement du secteur des « subprimes » aux Etats-Unis. Initialement financière, cette crise a

ensuite touché l’ensemble de l’économie mondiale, dans des proportions jamais vues depuis la

crise de 1929. Un rapport de la Banque Mondiale datant de mars 2009 détaille l’étendu de

conséquences : la production industrielle mondiale a diminué de 20% au cours du dernier

quadrimestre 2008 ; le produit intérieur brut mondial diminuera en 2009, pour la première fois

depuis la fin de la seconde guerre mondiale ; quant au commerce mondial, il enregistre sa baisse la

plus important depuis 80 ans202. Tous les pays du Nord et du Sud subissent cette récession, mais

une fois encore les PED sont très vulnérables en raison de leurs capacités économiques limitées,

et la faiblesse de leurs services publics. Le FMI craint que cette crise n’annule l’ensemble des

bénéfices financiers enregistrés par les pays africains depuis une décennie203. Cette crise

économique se double d’une crise sociale et humaine dans les PED, elle aggrave les conditions de

survie de populations qui ne disposent d’aucune marge de manœuvre pour atténuer son impact.

199 WHO. WHO and the Global Food Security Crisis. Genève, World Health Organization, 2008. Consultable sur : http://www.who.int/food_crisis/global_food_crisis/en 200 High-Level Task Force on the Global Food Security Crisis. Comprehensive Framework for Action, July 2008. Consultable sur : http://www.un.org/issues/food/taskforce/pdf/OutcomesAndActionsBooklet_v9.pdf 201 Consultable sur : http://www.un.org/french/issues/food/taskforce/ 202 World Bank. Swimming Against the Tide: How Developing Countries Are Coping with the Global Crisis. World Bank Background Paper for the G20 Finance Ministers and Central Bank Governors Meeting, Horsham, United Kingdom, 13-14 March 2009. 203 FMI. World Economic Outlook. Crisis and Recovery. Washington DC, Fond Monétaire International, Avril 2009, pp. 93-96. Consultable sur : http://www.imf.org/external/pubs/ft/weo/2009/01/pdf/text.pdf

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En raison de son ampleur inégalée, cette crise vire à l’obsession pour les acteurs des relations

internationales. L’OMS a tenté, sans succès, d’alerter ses partenaires sur la gravité des

conséquences sanitaires204. Les ressources financières disponibles pour soutenir les systèmes de

santé ont été considérablement réduites, car allouées en priorité aux plans de soutien et de relance

économique des Etats. Le montant de l’aide publique au développement régresse nettement en

2008, après des années d’augmentation. Les engagements promis aux pays du Sud ne seront pas

tenus205. L’ironie de cette crise est qu’elle survient l’année où l’OMS a souhaité renouveler les

principes de la déclaration d’Alma Ata (cf. annexe 12) pour guider ses actions dans les PED206. Or

cette stratégie axée sur les soins de santé primaire avait déjà échoué dans les années 1970, suite à

l’émergence d’une crise pétrolière suivie d’une récession mondiale.

Les crises économiques, climatiques, énergétiques et alimentaires mondiales sont toutes

gravement préjudiciables à la santé des populations des PED. Chacune de ces crises a révélé son

interdépendance croissante avec la santé mondiale, alors que cette dernière n’a qu’une faible

emprise sur les causes de ces crises. La santé voit remis en cause son caractère prioritaire dans les

relations internationales, et devient la première variable d’ajustement. Margaret CHAN, directrice

générale de l’OMS, dénonçait cette situation dans un discours officiel en octobre 2008 : « Nous

sommes confrontés à la fois à une crise énergétique, à une crise alimentaire, à une grave crise

financière et nous voyons s’amorcer des changements climatiques menaçants. Toutes ces crises

ont des causes et des conséquences mondiales. Toutes ont des conséquences profondes, et

profondément injustes, sur la santé. Je veux être claire. Le secteur de la santé n’a pas été consulté

lorsque les politiques à l’origine de ces crises ont été élaborées. Or c’est la santé qui en supporte

les conséquences … La santé a traditionnellement toujours été à la merci de l’économie mondiale,

un secteur dont on peut réduire le budget en cas de difficultés financières »207. Les crises ont non

seulement généré des conditions plus difficiles pour atteindre des objectifs sanitaires mondiaux,

mais ont aussi déplacé l’urgence à agir hors du cadre de la santé. En d’autres termes, pour les

acteurs de la gouvernance mondiale, réduire la prévalence des maladies chroniques dans les PED

204 WHO. The Financial Crisis and Global Health, Report of a High-Level Consultation. Genève, World Health Organization, Information Note, 9 Janvier 2009. Consultable sur : http://www.who.int/mediacentre/events/meetings/2009_financial_crisis_report_en_.pdf 205 Coordination Sud est la coordination nationale des ONG françaises de solidarité internationale, elle rassemble six collectifs d’ONG et plus de 130 ONG. En 2009, elle dénonce le recul des engagements français en termes d’Aide Publique au Développement. Consultable sur : http://www.coordinationsud.org/IMG/pdf/Calcul_perte_APD_francaise_2007-2012-2.pdf 206 WHO. World Health Report 2008: Primary Health Care, Now More than Ever. Genève, World Health Organization, 2008. Consultable sur : http://www.who.int/whr/2008/whr08_en.pdf 207 CHAN M. Mondialisation et Santé. Discours prononcé devant l’Assemblée Générale des Nations Unies, New York, USA, 24 octobre 2008. Consultable sur : http://www.who.int/dg/speeches/2008/20081024/fr/index.html

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ne ralentira pas le changement climatique, et n’apportera aucune solution à la pénurie

programmée de pétrole.

L’année 2008 a donc vu la fin de la révolution politique de la santé au sein des relations

internationales. Il y a encore un an, l’OMS s’interrogeait sur la stratégie à adopter pour inclure la

prévention des maladies chroniques dans les PED, à l’agenda de la gouvernance mondiale.

L’OMS espérait enfin tirer les leçons de ses échecs passés. Aujourd’hui, la mondialisation lui

impose d’évoluer dans un nouvel espace politique international ; car à l’évidence, les quatre crises

apparues en 2008 lui sont intimement liées, voire consubstantielles. Elles s’érigent comme autant

de nouveaux obstacles à surpasser, bien plus hauts et ardus à franchir que ceux auxquels l’OMS

se heurtait jusqu’à présent. Par cette « pirouette de l’Histoire », la mondialisation nous rappelle

qu’elle demeure avant tout une source d’instabilité des relations internationales, et qu’elle n’a

jamais garanti d’équité dans le domaine de la santé mondiale. Depuis deux décennies,

l’importance accordée aux questions sanitaires dans les relations internationales avait entretenu

l’espoir d’une mobilisation contre l’épidémie de maladies chroniques dans le Sud. Cet espoir est

peut-être sans lendemain, au mieux seraient-ce de lointains lendemains. D’ici là, cette épidémie

continue de progresser dramatiquement, recrutant de nouveaux malades à la faveur de ces

nouvelles crises de la mondialisation.

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Conclusion

Les maladies chroniques ne sont plus pathognomoniques des sociétés riches. Les

populations des pays en développement supportent désormais l’essentiel de leur charge mondiale.

L’urbanisation rapide, la diffusion des modes de vie « malsains » s’affirment comme des

tendances universelles, qui accélèrent la propagation de cette épidémie à l’ensemble de la planète.

Les maladies chroniques (cardiovasculaires, obésité, diabète…), une fois déclarées, nécessitent des

soins et un accompagnement de plusieurs années voire tout au long de la vie du patient. Les pays

du Sud ne disposent pas des ressources budgétaires et des systèmes de santé pour y faire face.

Pourtant, les mesures de prévention des facteurs de risques existent et présentent un excellent

rapport coût-efficacité. Mais toute la difficulté de cette prévention est qu’elle échappe au contrôle

direct du secteur de la santé, et qu’elle s’avère dramatiquement sous financée.

Depuis dix ans, l’Organisation Mondiale de la Santé n’a eu de cesse de promouvoir la

prévention et le contrôle des maladies chroniques auprès des autres acteurs de la gouvernance

mondiale de la santé. Son appel à l’action n’a pas eu l’effet mobilisateur escompté. Ses initiatives

sanitaires internationales n’ont pas ralenti la progression de cette épidémie dans le Sud. L’impact

de déterminants économiques, sociaux, ou environnementaux sur les maladies chroniques

s’accroît. La stratégie politique des l’OMS est donc tenue en échec. La mondialisation permet

l’irruption de nouveaux acteurs en charge de la santé mondiale, complexifiant les relations

d’interdépendances entre acteurs publics et privés. Le partage de l’autorité politique sur la scène

internationale a affaibli la légitimité de l’OMS à conduire seule la gouvernance de la santé

publique internationale. Une anarchie multipolaire règne au sein des relations internationales,

source de d’incompréhension ou de conflits entre partenaires de cette gouvernance. Par ailleurs,

le pouvoir structurel des firmes transnationales du secteur agroalimentaire ou du tabac, est

désormais considérable. Or ces acteurs privés s’opposent à toute politique de santé publique qui

tenterait de réglementer leur production. En paraphrasant une expression en anglaise, nous

pourrions résumer ainsi leur position : Capitalism as Usual.

Paradoxalement, depuis deux décennies la santé mondiale occupe une place centrale dans

l’agenda des RI. Pour autant, les actions sanitaires internationales ne se sont jamais révélées aussi

précaires et exposées à un risque de défaillance. La plasticité de la norme de santé mondiale

s’accroît. Elle s’élargit désormais à de multiples problématiques hors du champ médical, mais peu

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tout aussi bien sous investir un enjeu sanitaire essentiel. En l’occurrence, c’est le sort réservé à la

lutte contre les maladies chroniques dans les PED ; préoccupation de l’OMS qui n’a jamais

accédée au statut de norme internationale de santé.

Depuis 2008, les crises de la mondialisation (économique, climatique, énergétique,

alimentaire) provoquent de nouvelles secousses qui déstabilisent la santé mondiale, et l’exposent à

des conséquences dramatiques. Margaret CHAN fustigeait cette situation en octobre 2008 : « Ce

sont les décisions politiques qui, au bout du compte, déterminent la gestion des économies, la

structure des sociétés et la protection sociale dont peuvent bénéficier les groupes vulnérables et

déshérités … Les disparités dans les résultats sanitaires ne sont pas une fatalité : elles signent un

échec politique … Les systèmes de santé ne deviendront pas naturellement plus justes et plus

efficaces. Les accords commerciaux et économiques internationaux ne tiendront pas

automatiquement compte de leurs conséquences sur la santé. La mondialisation ne s’autorégulera

pas non plus de façon à favoriser une juste répartition des bénéfices … Les politiques qui

régissent les systèmes internationaux par lesquels nous sommes tous étroitement liés doivent,

dans leur propre intérêt, envisager autre chose que les gains financiers immédiats, les bénéfices

commerciaux et la croissance économique »208. A trois reprises au cours de notre exposé nous

avons fait référence à cette allocution qu’a tenue la directrice générale de l’OMS devant

l’Assemblée générale des Nations Unies. Ce discours étonne par sa lucidité quant aux causes et

aux effets de ces crises. Il est aussi ambivalent, exprimant à la fois un aveu d’impuissance de cette

institution face à la mondialisation, et un sentiment de colère et de non résignation face à ces

inégalités. De plus, ce discours est prononcé par la directrice de l’OMS, l’organisme international

qui peine à promouvoir plus d’équité dans la santé mondiale. Toutefois il expose des arguments

qui pourraient soutenir un engagement individuel en faveur de changements du système politique

international, qui ne cesse de faillir.

Dans les décennies à venir, les menaces sur les déterminants de santé vont s’accroître,

compliquant les actions collectives internationales. La poursuite du processus de mondialisation

renforcera les interactions entre la santé mondiale et les différentes crises, qui sont amenées à

perdurer. Les causes de conflits se multiplieront à mesure que les ressources en énergie, en eau

potable, en terre cultivables se raréfieront. Les crises actuellement à l’œuvre pourrait prendre un

caractère chronique au cours de ce siècle, touchant prioritairement les populations vulnérables

des pays en développement.

208 CHAN M. Mondialisation et Santé. Discours prononcé devant l’Assemblée Générale des Nations Unies, New York, USA, 24 octobre 2008. Consultable sur : http://www.who.int/dg/speeches/2008/20081024/fr/index.html

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L’action collective internationale sera alors confrontée à la difficulté d’établir des

coopérations entre acteurs dans de multiples domaines des relations internationales, afin de

produire des politiques coordonnées et durables. Autant dire que cette hypothèse demeure

aujourd’hui hautement improbable car elle va à l’encontre de la dynamique actuelle de la

mondialisation. Le nombre d’acteurs engagés dans la gouvernance mondiale de la santé

continuera de progresser, se traduisant par une emprise croissante des acteurs non étatiques et

des pays émergents. Les relations internationales risquent de s’enfoncer dans une « multipolarité

sans multilatéralisme »209, toujours incapable de juguler l’épidémie de maladies chroniques dans les

PED, ou toute autre menace pesant sur la santé mondiale.

En raison de leur inefficience, les institutions internationales héritées de la guerre froide

pourraient être totalement refondées au cours des décennies à venir, dessinant un paysage

politique méconnaissable. La parenthèse historique qui avait permis aux questions de santé

d’occuper pendant deux décennies le cœur des relations internationales, se referme. Toutefois,

cela ne signifie pas que les problèmes de santé mondiale disparaitront des objectifs des RI. Le défi

à venir pour l’action sanitaire internationale est de s’inscrire comme une réponse potentielle aux

effets des crises de la mondialisation, alors qu’elle ne peut agir sur les déterminants de ces crises.

La redéfinition de la gouvernance mondiale doit, autant que possible, rester centrée sur la santé.

Bien que fortement affectée en 2008, et à peine remise de la fin de sa « révolution politique » ; la

santé mondiale conserve des atouts pour s’inscrire dans les futurs espaces de gouvernance

mondiale. Elle ne pourra probablement plus prétendre à être l’enjeu majeur des relations

internationales. Cependant les acteurs de sa gouvernance ne doivent pas renoncer à influer sur les

décisions politiques à venir. Espérons que ces acteurs feront preuve de talent dans les

négociations internationales pour promouvoir une santé plus équitable ; car la mondialisation

s’est déjà chargée de réduire les moyens dont ils disposent pour défendre cette valeur. En tant

qu’individus et citoyens, nous avons aussi à défendre le droit à la santé comme un droit

inaliénable et universel ; et à refuser qu’il soit subordonné à la loi du profit maximal.

209 FIDLER D. “After the Revolution: Global Health Politics in a Time of Economic Crisis and Threatening Future Trends”. Global Health Governance, vol. 2, n°2, Fall 2008/Spring 2009. Consultable s ur : http://www.ghgj.org

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Annexes

- Annexe 1 (p. 80) : Etude de l’évolution des maladies chroniques tout au long de la vie - Annexe 2 (p. 80) : Projections des causes de décès dans les pays à faible revenu, 2002-2030 - Annexe 3 (p. 81) : Pourcentage de fumeurs adultes en 2005 - Annexe 4 (p. 81) : Les 10 principales causes de décès dans le monde en 2005,

et la part attribuable au tabagisme - Annexe 5 (p. 82) : Prévalence de la surcharge pondérale chez les femmes âgées

de plus de 30 ans, en 2005 - Annexe 6 (p. 82) : Prévalence de l’obésité chez les hommes âgés de plus de 15 ans, en 2002 - Annexe 7 (p. 83) : Prévalence de l’obésité chez les femmes âgées de plus de 15 ans, en 2002 - Annexe 8 (p. 83) : Taux de mortalité par maladie cardiaque chez les hommes

de 30 ans et plus, 1950-2002 - Annexe 9 (p.84) : Les Objectifs du Millénaire pour le Développement - Annexe 10 (p. 86) : Projection du taux de mortalité par maladies chroniques, en 2005,

dans 23 PED sélectionnés, tous âges et sexes confondus - Annexe 11 (p. 87) : A global call for action

- Annexe 12 (p. 88) : Déclaration internationale d’Alma-Ata - Annexe 13 (p. 91) : Global Trends 2025, A Transformed World

(National Intelligence Council) - Annexe 14 (p. 92) : Quatre catégories prévues pour recourir à l’accord de l’OMC

sur les mesures Sanitaires et Phyto-Sanitaires (SPS).

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80

Annexe 1

Etude de l’évolution des maladies chroniques tout au long de la vie ²

Source : WHO. Preventing Chronic Diseases : A Vital Investment. Geneva, World Health Organisation, 2005

Annexe 2

Projections des causes de décès dans les pays à faible revenu, 2002-2030 (En pourcentage des décès totaux)

Source : MATHERS CD, LONCAR D. “Updated Projections of Global Mortality and Burden of Disease, 2002-2030: Data Sources, Methods and Results”. Geneva, World Health Organisation, 2005.

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Annexe 3

Pourcentage de fumeurs adultes en 2005

Source : WHO, World Health Statistics 2008. Geneva, World Health Organisation, 2008

Annexe 4

Les 10 principales causes de décès dans le monde en 2005,

Part attribuable au tabagisme

Source : WHO, World Health Statistics 2008. Geneva, World Health Organisation, 2008

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Annexe 5

Prévalence de la surcharge pondérale (IMC* supérieur à 25 kg/m²) Chez les femmes âgées de plus de 30 ans, en 2005

Source : WHO. Preventing Chronic Diseases : A Vital Investment. Geneva, World Health Organisation, 2005

Annexe 6

Prévalence de l’obésité (IMC supérieur à 30kg/m²) Chez les hommes âgés de plus de 15 ans, en 2002

Source : WHO, The SuRF 2 Report. Geneva, World Health Organisation, 2005

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Annexe 7

Prévalence de l’obésité (IMC supérieur à 30kg/m²) Chez les femmes âgées de plus de 15 ans, en 2002

Source : WHO, The SuRF 2 Report. Geneva, World Health Organisation, 2005

Annexe 8

Taux de mortalité par maladie cardiaque chez les hommes de 30 ans et plus, 1950-2002

Source : WHO. Preventing Chronic Diseases : A Vital Investment. Geneva, World Health Organisation, 2005

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Annexe 9

Les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD)

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Annexe 10

Projection du taux de mortalité par maladies chroniques (pour 100000), en 2005, dans 23 PED sélectionnés, tous âges et sexes confondus

Source : ABEGUNDE DO, MATHERS CD, ADAM T, ORTEGON M, STRONG K. “The Burden and Costs of Chronic Diseases in Low-Income and Middle-Income Countries”. The Lancet, 370, 2007, pp. 1929-1938.

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Annexe 11

A global call for action

Consultable sur http://www.globalink.org/

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Annexe 12

Déclaration internationale d’Alma-Ata, Conférence sur les soins de santé primaire. (Alma-Ata, Kazakhstan, URSS, Septembre 1978)

12 septembre 1978

Déclaration d'Alma-Ata sur les soins de santé primaires

La Conférence internationale sur les soins de santé primaires réunie à Alma-Ata ce douze septembre mille neuf cent soixante-dix-huit, soulignant la nécessité d'une action urgente de tous les gouvernements, de tous les personnels des secteurs de la santé et du développement ainsi que de la communauté internationale pour protéger et promouvoir la santé de tous les peuples du monde, déclare ce qui suit :

I

La Conférence réaffirme avec force que la santé, qui est un état de complet bien-être physique, mental et social et ne consiste pas seulement en l'absence de maladie ou d'infirmité, est un droit fondamental de l'être humain, et que l'accession au niveau de santé le plus élevé possible est un objectif social extrêmement important qui intéresse le monde entier et suppose la participation de nombreux secteurs socioéconomiques autres que celui de la santé.

II

Les inégalités flagrantes dans la situation sanitaire des peuples, aussi bien entre pays développés et pays en développement qu'à l'intérieur même des pays, sont politiquement, socialement et économiquement inacceptables et constituent de ce fait un sujet de préoccupation commun à tous les pays.

III

Le développement économique et social, fondé sur un nouvel ordre économique international, revêt une importance fondamentale si l'on veut donner à tous le niveau de santé le plus élevé possible et combler le fossé qui sépare sur le plan sanitaire les pays en développement des pays développés. La promotion et la protection de la santé des peuples est la condition sine qua non d'un progrès économique et social soutenu en même temps qu'elles contribuent à une meilleure qualité de la vie et à la paix mondiale.

IV

Tout être humain a le droit et le devoir de participer individuellement et collectivement à la planification et à la mise en œuvre des soins de santé qui lui sont destinés.

V

Les gouvernements ont vis-à-vis de la santé des populations une responsabilité dont ils ne peuvent s'acquitter qu'en assurant des prestations sanitaires et sociales adéquates. L'un des principaux objectifs sociaux des gouvernements, des organisations internationales et de la communauté internationale tout entière au cours des prochaines décennies doit être de donner à tous les peuples du monde, d'ici l'an 2000, un niveau de santé qui leur permette de mener une vie socialement et économiquement productive. Les soins de santé primaires sont le moyen qui permettra d'atteindre cet objectif dans le cadre d'un développement empreint d'un véritable esprit de justice sociale.

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VI

Les soins de santé primaires sont des soins de santé essentiels fondés sur des méthodes et des techniques pratiques, scientifiquement valables et socialement acceptables, rendus universellement accessibles à tous les individus et à toutes les familles de la communauté avec leur pleine participation et à un coût que la communauté et le pays puissent assumer à tous les stades de leur développement dans un esprit d'autoresponsabilité et d’autodétermination. Ils font partie intégrante tant du système de santé national, dont ils sont la cheville ouvrière et le foyer principal que du développement économique et social d'ensemble de la communauté. Ils sont le premier niveau de contacts des individus, de la famille et de la communauté avec le système national de santé, rapprochant le plus possible les soins de santé des lieux où les gens vivent et travaillent, et ils constituent le premier élément d'un processus ininterrompu de protection sanitaire.

VII

Les soins de santé primaires:

● reflètent les conditions économiques et les caractéristiques socio-culturelles et politiques du pays et des communautés dont ils émanent et sont fondés sur l'application des résultats pertinents de la recherche sociale et biomédicale et de la recherche sur les services de santé, ainsi que sur l'expérience de la santé publique;

● visent à résoudre les principaux problèmes de santé de la communauté, en assurant les services de promotion, de prévention, de soins et de réadaptation nécessaires à cet effet;

● comprennent au minimum : une éducation concernant les problèmes de santé qui se posent ainsi que les méthodes de prévention et de lutte qui leur sont applicables, la promotion de bonnes conditions alimentaires et nutritionnelles, un approvisionnement suffisant en eau saine et des mesures d'assainissement de base, la protection maternelle et infantile y compris la planification familiale, la vaccination contre les grandes maladies infectieuses, la prévention et le contrôle des endémies locales, le traitement des maladies et lésions courantes et la fourniture de médicaments essentiels;

● font intervenir, outre le secteur de la santé, tous les secteurs et domaines connexes du développement national et communautaire, en particulier l'agriculture, l'élevage, la production alimentaire, l'industrie, l'éducation, le logement, les travaux publics et les communications, et requièrent l'action coordonnée de tous ces secteurs;

● exigent et favorisent au maximum l'autoresponsabilité de la collectivité et des individus et leur participation à la planification, à l'organisation, au fonctionnement et au contrôle des soins de santé primaires, en tirant le plus large parti possible des ressources locales, nationales et autres, et favorisent à cette fin, par une éducation appropriée, l'aptitude des collectivités à participer;

● doivent être soutenus par des systèmes d'orientation/recours intégrés, fonctionnels et se soutenant mutuellement, afin de parvenir à l'amélioration progressive de services médico-sanitaires complets accessibles à tous et accordant la priorité aux plus démunis;

● font appel tant à l'échelon local qu'à celui des services de recours aux personnels de santé—médecins, infirmières, sages-femmes, auxiliaires et agents communautaires, selon le cas, ainsi que, s'il y a lieu, praticiens traditionnels—tous préparés socialement et techniquement à travailler en équipe et à répondre aux besoins de santé exprimés par la collectivité.

VIII

L'humanité tout entière pourra accéder à un niveau acceptable de santé en l'an 2000 si l'on utilise de façon plus complète et plus efficace les ressources mondiales dont une part considérable est actuellement dépensée en armements et en conflits armés. Une politique authentique d'indépendance, de paix, de détente et de désarmement pourrait et devrait permettre de dégager des ressources supplémentaires qui pourraient très utilement être consacrées à des fins pacifiques et en particulier à l'accélération du développement économique et social dont les soins de santé primaires, qui en sont un élément essentiel, devraient recevoir la part qui leur revient.

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IX

Tous les pays se doivent de coopérer dans un esprit de solidarité et de service en vue de faire bénéficier des soins de santé primaires l'ensemble de leur population, puisque l'accession de la population d'un pays donné à un niveau de santé satisfaisant intéresse directement tous les autres pays et leur profite à tous. Dans ce contexte, le rapport conjoint FISE/OMS sur les soins de santé primaires constitue une base solide pour l'avenir du développement de la mise en œuvre des soins de santé primaires dans le monde entier.

X

L'humanité tout entière pourra accéder à un niveau acceptable de santé en l'an 2000 si l'on utilise de façon plus complète et plus efficace les ressources mondiales dont une part considérable est actuellement dépensée en armements et en conflits armés. Une politique authentique d'indépendance, de paix, de détente et de désarmement pourrait et devrait permettre de dégager des ressources supplémentaires qui pourraient très utilement être consacrées à des fins pacifiques et en particulier à l'accélération du développement économique et social dont les soins de santé primaires, qui en sont un élément essentiel, devraient recevoir la part qui leur revient.

***

La conférence internationale sur les soins de santé primaires demande instamment que soit lancée d'urgence aux plans national et international, une action efficace pour développer et mettre en œuvre les soins de santé primaires dans le monde entier et, en particulier, dans les pays en développement, conformément à l'esprit de la coopération technique et d'un nouvel ordre économique international. Elle appelle les gouvernements, l'OMS et le FISE et les autres organisations internationales ainsi que les organismes multilatéraux et bilatéraux, les organisations non gouvernementales, les organismes de financement, tous les personnels de santé et l'ensemble de la communauté mondiale à appuyer aux plan national et international l'engagement de promouvoir les soins de santé primaires et à lui fournir un soutien technique et financier accru en particulier dans les pays en développement. La Conférence les exhorte tous à collaborer pour instaurer et maintenir les soins de santé primaires conformément à l'esprit et à la lettre de la présente déclaration.

Source : OMS, Déclaration d’Alma-Ata, consultable sur : http://www.who.int/topics/primary_health_care/alma_ata_declaration/fr/

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Annexe 13

Global Trends 2025: A Transformed World

Source : National Intelligence Council (CIA), Nov. 2008. Consultable sur : http://www.dni.gov/nic/NIC_2025_project.html.

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Annexe 14

Quatre catégories prévues pour recourir à l’accord de l’OMC sur les mesures Sanitaires et Phyto-Sanitaires (SPS).

Source : OMC / OMS. Les Accords de l’OMC et la Santé publique. Etude Conjointe du secrétariat de l’OMC et de l’OMS. Genève, Organisation Mondiale du Commerce / Organisation Mondiale de la Santé, 2002.

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Table des matières

Plan………………………………………………………………………………………. 1

Liste des abréviations…………………………………………………………………… 2

Introduction…………………………………………………………………………….... 3

Partie I. L’épidémie oubliée de maladies chroniques dans le Sud

A/ Un double fardeau sanitaire pour les pays en développement ...…………………. 7

1. Les maladies chroniques, une urgence négligée.....……….…………………………… 7

2. La mondialisation, un catalyseur des risques de maladies chroniques……………………. 14

B/ L’OMS, pionnier isolé de la lutte contre les maladies chroniques……………... 23

1. Un appel à l’action mondiale de l’OMS, au faible effet mobilisateur……………………... 23

2. Les résultats contrastés des politiques initiées par l’OMS………………………………... 32

Partie II. Les défaillances de la gouvernance mondiale de la santé publique

A/ La santé publique, un observatoire de la mondialisation…………………………..38

1. La multiplication des acteurs en charge de la santé mondiale……………………………. 38

2. La santé, une priorité récente des relations internationales……………………………… 48

B/ La mondialisation, facteur aggravant de l’accès inégal au droit à la santé...............................................................................................................................56

1. La gouvernance mondiale de la santé : anarchie multipolaire et partage de l’autorité politique…………………………………………………………. 56

2. La précarité des actions sanitaires internationales : entre normes de santé instables et crises de la mondialisation……………………………....................................... 65

Conclusion……………………………………………………………………………….. 76

Annexes…………………………………………………………………………………... 79

Bibliographie…………………………………………………………………………….. 93

Tables des matières……………………………………………………………………... 102