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1
UNIVERSITE PARIS VAL-DE-MARNE
FACULTE DE MEDECINE DE CRETEIL
******************
ANNEE 2009 N°
THESE
POUR LE DIPLOME D’ETAT
DE
DOCTEUR EN MEDECINE
Discipline: Médecine Générale
-------------
Présentée et soutenue publiquement le
à CRETEIL (PARIS XII)
-------------
Par CHAUVIN Vincent
Né le 19 juin 1982 à BELFORT (90)
Elève de l’Ecole du Val de Grâce
TITRE :
CURE RADICALE DE PRIMAQUINE DANS LES ACCES DE REVIV ISCENCE A
PLASMODIUM VIVAX ET PLASMODIUM OVALE
PRESIDENT DE THESE: LE CONSERVATEUR DE LA
BIBLIOTHEQUE UNIVERSITAIRE
DIRECTEUR DE THESE:
M. le Pr Christophe RAPP
Signature du Cachet de la bibliothèque
Président de thèse universitaire
2
A ma famille ; mes parents, mes frères, ma
compagne, mes proches. Les liens francs qui nous
unissent sont ce qui compte le plus.
A mes amis, pour leur amitié solide et sans faille
à travers le temps. Merci pour les bons moments,
les mauvais conseils, et votre sincérité.
A mes enseignants, pour le respect qu’ils
m’inspirent.
3
ECOLE DU VAL DE GRACE
A Monsieur le Médecin Général Inspecteur Jean-Etienne TOUZE
Directeur de l’Ecole du Val de Grâce
Professeur Agrégé du Val de Grâce
Officier de la Légion d’Honneur
Officier de l’Ordre National du Mérite
Chevalier des Palmes Académiques
Récompenses pour travaux scientifiques et techniques - échelon vermeil -
Membre de l’Académie de Médecine
* * *
A Monsieur le Médecin Général Inspecteur Frédéric FLOCARD
Directeur Adjoint de l’Ecole du Val de Grâce
Professeur Agrégé du Val de Grâce
Chevalier de la Légion d’Honneur
Officier de l’Ordre National du Mérite
Récompense pour travaux scientifiques et techniques
Médaille d’Honneur du Service de Santé des Armées
4
RESPONSABLES PEDAGOGIQUES
A Monsieur le Médecin Chef des Services Hors Classe Bernard BAUDUCEAU
Professeur Agrégé du Val de Grâce
Chef du Service d’Endocrinologie de l’Hôpital d’Instruction des Armées Bégin
Chevalier de la Légion d’Honneur
Chevalier de l’Ordre National du Mérite
Médaille d’Honneur du Service de Santé des Armées
Récompense pour Travaux Scientifique et Technique – Echelon Vermeille
Référent pédagogique de la faculté de Médecine de Créteil
* * *
A Monsieur le Professeur Claude ATTALI
Coordonnateur du Département Universitaire d’Enseignement et de Recherche en Médecine
Générale de la Faculté de Médecine de CRETEIL
5
DIRECTEUR DE THESE
A Monsieur le Médecin en Chef Christophe RAPP
Professeur Agrégé du Val de Grâce
Chef du Service de Pathologies Infectieuses et Tropicales de l’Hôpital d’Instruction des
Armées Bégin
Référent Pédagogique de l’Hôpital d’Instruction des Armées Bégin
Veuillez accepter toute ma reconnaissance
pour votre disponibilité, votre accessibilité,
vos conseils, votre rigueur, votre
enseignement.
6
A Monsieur le Médecin Chef SIMON, spécialiste en maladies infectieuses et tropicales à
l’Hôpital d’Instruction des Armées LAVERAN,
A Monsieur le Médecin Chef MIGLIANI, Responsable du Département
d’Epidémiologie et de Santé Publique à Saint-Mandé,
Au Médecin Lieutenant OTTO Marie-Pierre, Interne des Hôpitaux des Armées (biologie
médicale) à l’Hôpital d’Instruction des Armées DESGENETTES,
Au Médecin Capitaine AOUN Olivier, Médecin militaire à Orléans,
Veuillez accepter mes remerciements pour votre aide précieuse.
.
7
TABLE DES MATIERES
PAGES
1. INTRODUCTION
12
2. OBJECTIFS
12
3. ETAT DE L’ART
13
3.1. LE PALUDISME 13 3.1.1. Généralités : 13 3.1.2. Plasmodium vivax : aspects particuliers 15 3.1.3. Plasmodium ovale : aspects particuliers 17 3.1.4. P. vivax et P. ovale : points communs 19
3.2. IMPORTANCE EPIDEMIOLOGIQUE: 22 3.2.1. Le paludisme endémique à P. vivax et P. ovale 22 3.2.2. Le paludisme d’importation à P. vivax et P. ovale 23 3.2.3. Le paludisme à P. vivax et P. ovale dans les armées françaises 25
3.3. LA PRIMAQUINE 27 3.3.1. Histoire 27 3.3.2. Mécanisme par rapport au cycle 27 3.3.3. Propriétés pharmacologiques 28 3.3.4. Indications 28 3.3.5. Contre-indications et précautions d’emploi 29 3.3.6. Tolérance 31 3.3.7. Efficacité 32 3.3.8. Résistance 33 3.3.9. Les recommandations françaises et internationales existantes 34 3.3.10. Le coût de la primaquine 35 3.3.11. L’avenir: la tafénoquine 35
8
4. MATERIEL ET METHODES 36 4.1. CADRE ET TYPE D’ETUDE 36
4.1.1. Critères d’inclusion 36 4.1.2. Critères de non-inclusion 36 4.1.3. Sélection des dossiers 36 4.1.4. Recueil de données 36
4.2. ANALYSE DES DONNEES
38
5. RESULTATS 39
5.1. DESCRIPTION DE LA POPULATION 39 5.2. CARACTERISTIQUES DES VOYAGES 39 5.3. RETENTISSEMENT SOCIO-PROFESSIONNEL 41 5.4. CARACTERISTIQUES DES CURES RADICALES 42 5.5. EFFICACITE DE LA CURE RADICALE DE PRIMAQUINE 44 5.6. CARACTERISTIQUES DES RECHUTES ET FACTEURS FAVORISANTS 45 5.7. TOLERANCE
46
6. DISCUSSION 48 6.1. MODALITES D’UTILISATION DE LA PRIMAQUINE DANS LES ARMEES 48 6.2. EFFICACITE DE LA PRIMAQUINE 49
6.2.1. Plasmodium vivax 49 6.2.2. Plasmodium ovale 51
6.3. TOLERANCE DE LA PRIMAQUINE 51 6.4. LIMITES DE L’ETUDE ET EXTRAPOLATION DES RESULTATS 51 6.5. RECOMMANDATIONS DANS LES ARMEES 52
6.5.1. Cure radicale 52 6.5.2. PART (Presomptive AntiRelapse Therapy = prophylaxie terminale) 55
6.6. RECOMMANDATIONS DU HAUT CONSEIL DE SANTE PUBLIQUE DU 17
OCTOBRE 2008 55
7. CONCLUSION
58
9
REFERENCES 59
ANNEXES 65
SERMENT MEDICAL 82
RESUME
83
TABLEAUX :
Tableau 1 : Caractéristiques évolutives des espèces plasmodiales 14 Tableau 2 : Probabilité de reviviscence en fonction des zones d’importations 16 Tableau 3 : Fréquence des reviviscences en fonction des souches et des zones
d’importations 17
Tableau 4 : Tableau récapitulatif des différences entre P. vivax et P. ovale 18 Tableau 5 : Le paludisme dans les armées françaises : données épidémiologiques 25 Tableau 6 : Les principaux effets indésirables de la primaquine 31 Tableau 7 : Exemples d’efficacité après un traitement standard de
15mg/jour/14jours ou 0,25mg/jour/14jours selon la zone d’exposition 33
Tableau 8 : Synthèse des recommandations pour l’administration de primaquine
en cure radicale chez l’adulte en l’absence de déficit en G6PD 34
Tableau 9 : Caractéristiques socio-démographiques de la population 39 Tableau 10 : Caractéristiques des voyages 40 Tableau 11 : Parcours de soins et indisponibilités 41 Tableau 12 : Modalités d’utilisation de la cure radicale de primaquine 42 Tableau 13 : Evolution et taux d’échec du schéma standard de primaquine 45 Tableau 14 : Caractéristiques des échecs et des succès parmi les 65 traitements
standard 46
Tableau 15 : Effets indésirables mineurs 47
10
FIGURES :
Figure 1 : Anophèle femelle 13 Figure 2 : Répartition du paludisme par espèce 13
Figure 3 : Cycle du Plasmodium d’après Centers for Disease Control and Prevention
(CDC)
14
Figure 4 : Les différents types de rechutes à P. vivax et P. ovale 19 Figure 5 : Les hypnozoïtes dans le cycle de P. vivax et P. ovale 20 Figure 6 : Aspect de P. vivax et P. ovale en microscopie optique. 21 Figure 7 : Répartition mondiale de P. vivax en 2005. [35] 22 Figure 8 : Répartition des espèces plasmodiales importées en France en 2006 (CNR
2006) 23
Figure 9 : Evolution de l’incidence de P. falciparum et P. vivax en Guyane [44] 24 Figure 10 : La primaquine = (Amino-4methyl-18methoxy-6quinoléine) 27 Figure 11: Protocoles de primaquine utilisés chez les patients infectés par P. vivax 43 Figure 12: Coopération entre SMU et HIA 54
11
ANNEXES :
ANNEXE 1 : Risque de piqûre par anophèle au cours du cycle journalier 65 ANNEXE 2 : Répartition de la chloroquino-résistance pour P. vivax 66 ANNEXE 3 : A/ Importance du risque d’infection à P. vivax de la population
exposée
B/ Paludisme d’importation à P. vivax en Europe par (TropNetEurop)
67
ANNEXE 4 : Données épidémiologiques du CNR en 2006 68 ANNEXE 5 : Carte du paludisme en Guyane Française 69 ANNEXE 6 : Synthèse de deux épidémies en Guyane en milieu militaire 70 ANNEXE 7 : Place de la primaquine en prophylaxie terminale 71 ANNEXE 8 : Activité de la Glucose-6-Phosphaye Déshydrogénase (G6PD) 72 ANNEXE 9 : Répartition mondiale du déficit en G6PD selon l’OMS 73 ANNEXE 10 : Cinétique des recrudescences et des reviviscences en fonction de
profil de résistance à la chloroquine 74
ANNEXE 11 : Fiche ATU (Autorisation Temporaire d’Utilisation) 75 ANNEXE 12 : Tableau de recueil de données 76 ANNEXE 13 : Détails des régions d’importations 78 ANNEXE 14 : Urticaire généralisée 79 ANNEXE 15 : Fiche de renseignements primaquine 80
12
1. INTRODUCTION
La primaquine est le seul antimalarique efficace sur les formes quiescentes de Plasmodium
vivax et Plasmodium ovale disponible en France. Utilisée depuis plus de 50 ans dans de
nombreux pays, sa délivrance relève en France d’une autorisation temporaire d'utilisation
(ATU) nominative dont l’indication est la cure radicale de P. vivax ou P. ovale après le
second accès (première reviviscence).
Les infections à P. vivax et P. ovale sont les seules potentiellement responsables d’accès de
reviviscence après l’administration d’un traitement schizonticide. Ces reviviscences prennent
leur origine à partir des formes parasitaires quiescentes dans le foie: les hypnozoïtes. Elles
sont à l’origine d’une morbidité sous-estimée. Pour la collectivité militaire et au-delà pour le
voyageur, les intérêts liés à leur étude sont multiples :
• Importance épidémiologique : augmentation du taux d’incidence dans les armées, perte de
la capacité opérationnelle liée à l’indisponibilité ;
• Difficulté diagnostique pour les praticiens en cas de reviviscence tardive ;
• Prise en charge thérapeutique adaptée méconnue : faible utilisation de la primaquine en
France par rapport au reste du monde et absence de recommandations françaises.
2. OBJECTIFS
Objectif principal:
Décrire les modalités d’utilisation de la primaquine dans les deux services de référence du
Service de Santé des Armées pour les maladies infectieuses et tropicales et les comparer aux
recommandations actuelles et aux données de la littérature.
Objectifs secondaires:
Evaluer la tolérance et l’efficacité du traitement par primaquine.
13
3. ETAT DE L’ART
3.1. Le Paludisme:
3.1.1. Généralités
Du à des hématozoaires du genre Plasmodi, le paludisme est une érythrocytopathie parasitaire
[86] s’exprimant par une anémie hémolytique. L’accès fébrile survient au moment de
l’éclatement des hématies. L’infestation se fait par inoculation à l’occasion d’une piqûre
indolore [86] par un moustique (Figure 1) qui sévit du crépuscule au petit matin : l’anophèle
femelle. (Annexe 1)
Figure 1 : Anophèle femelle
Les espèces plasmodiales et leurs répartitions géographiques :
Seules cinq espèces plasmodiales sont retrouvées en pathologie humaine : Plasmodium
falciparum, Plasmodium vivax, Plasmodium ovale, Plasmodium malariae, et Plasmodium
knowlesi [27,84].
Figure 2 : Répartition du paludisme par espèce
14
Ces espèces diffèrent par des critères cliniques et biologiques, par leur répartition
géographique (figure 2), par leur capacité à développer des résistances aux antipaludéens, et
par leur possibilité de reviviscence [60] après traitement. (Tableau 1)
Tableau 1 : Caractéristiques évolutives des espèces plasmodiales
P. falciparum P. vivax P. ovale P. malariae P. knowlesi
Accès unique Toujours Possible Possible Toujours Toujours
Reviviscences - Possible Possible - -
Accès graves, décès Fréquent - - - Possible
Résistance Endémique Localisée - - -
Le cycle parasitaire
Le cycle parasitaire est le même pour les cinq espèces : il comprend une étape chez
l’anophèle (le cycle sporogonique) et deux étapes chez l’homme (le cycle exo-érythrocytaire
et le cycle érythrocytaire). (Figure 3)
Figure 3 : Cycle du Plasmodium d’après Centers for Disease Control and Prevention (CDC)
15
Lors d’une piqûre infestante l’anophèle injecte des sporozoïtes qui atteignent le foie en 30
minutes. Pendant 7 jours la multiplication a lieu sous la forme de schizontes, puis une
cytolyse hépatique libère des mérozoïtes. Seuls P. vivax et P. ovale peuvent former des
hypnozoïtes : formes quiescentes hépatiques source de reviviscences à distance du traitement
de l’accès.
Les mérozoïtes pénètrent dans les hématies et deviennent des trophozoïtes puis des schizontes
qui se multiplient. L'éclatement du globule rouge libère les schizontes qui colonisent d'autres
hématies. Après plusieurs cycles de 48 à 72h apparaissent des gamétocytes mâles et femelles.
L’anophèle ingère les gamétocytes au cours d’un repas sanguin. La fécondation a lieu dans
son tube digestif, la multiplication dans ses glandes salivaires. Le cycle dure 10 à 40 jours
selon la température extérieure. (Obligatoirement entre 16 et 20°C selon l'espèce plasmodiale)
3.1.2. Plasmodium vivax : aspects particuliers
Répandu en Amérique du Sud et en Asie, P. vivax est plus rarement observé en Afrique [60].
Son expansion y est limitée du fait de la forte prévalence de la mutation du gène codant pour
l’antigène Duffy, antigène érythrocytaire nécessaire à l’invasion de P. vivax dans les
hématies. Son absence est un facteur protecteur [60]. L’homme est le seul réservoir de P.
vivax. Sa période d’incubation est de 11 à 13 jours. [60]
La dangerosité :
P. vivax est par tradition considéré comme une espèce bénigne [60]. Cependant des formes
graves et létales dont certaines confirmées par biologie moléculaire ont été récemment
rapportées [6,49]. Les présentations cliniques étaient proches des formes graves à P.
falciparum.
P. vivax est rarement responsable de paludismes viscéraux évolutifs et de complications
spléniques (hématome, infarctus, rupture de rate) [39,65]. La rupture de rate est la principale
cause de décès par P. vivax [39], majoritairement chez des patients non-immuns [39]. Les
formes sévères à P. vivax seraient plus fréquentes chez les jeunes enfants (< 5 ans) en zone
d’endémie [72].
16
Les reviviscences:
Les accès de reviviscence représentent 20% des consultations pour paludisme [16]. Les
modalités de reviviscence sont variables selon l’espèce plasmodiale et la situation
géoclimatique:
• Les espèces plasmodiales : les souches de Thaïlande présentent dix fois plus de
reviviscences que les souches d’Inde, deux fois plus que les souches du Brésil [33].
• Le climat : en principe les accès de reviviscence sont espacés dans les zones tempérées
(> 6 mois), et rapprochés dans les zones tropicales (< 6 mois) [7,66]. Les souches qui
présentent des cycles espacés prédominent dans les zones tempérées par pression de
sélection : la probabilité de reviviscence après la saison froide augmente, permettant au cycle
de se poursuivre chez l’anophèle, alors qu’il serait interrompu à la saison froide.
Probabilité et fréquence des reviviscences:
Les accès de reviviscence ne sont pas systématiques. Leur probabilité varie de 15 à 100 %
selon la région d’importation [7] (Tableau 2). A titre d’exemple, en Guyane Française, le taux
de reviviscence à P. vivax en milieu militaire entre 2000 et 2007 a été estimé à 47% [55].
Tableau 2 : Probabilité de reviviscence en fonction des zones d’importations [7,55]
Provenance / souche Probabilité de reviviscence (%)
Nouvelle Guinée 100%
Asie du Sud Est 50 à 60%
Indonésie 30%
Afghanistan 50%
Inde 15 à 20 %
Souche St Élisabeth 100%
Guyane > 47%
La périodicité des reviviscences varie selon les souches (Tableau 3). Les reviviscences sont
causées par la même population parasitaire que l’accès primaire. Une nouvelle infection
favorise la réactivation des populations quiescentes chez un individu porteur de plusieurs
souches [40].
17
Tableau 3 : Fréquence des reviviscences en fonction des souches et des zones d’importations
Régions Fréquence des reviviscences [60]
Zones tropicales Toutes les 5 à 10 semaines
Zones tempérées Tous les 5 à 10 mois
Souche Chesson (Papoua New Guinea) Tous les mois
Souche St Elisabeth Tous les 9 mois
Souche du Sud de la Chine Tous les ans
Autres > 1 an
La résistance à la chloroquine :
La résistance de P. vivax à la chloroquine est répandue en Asie de Sud-Est, en Indonésie et en
Papouasie Nouvelle Guinée [87, 6, 53]. Des résistances focales ont été décrites au Brésil, en
Colombie, en Ethiopie, en Guyane, au Myanmar, au Pérou, en République de Corée, dans les
Iles Salomon, en Thaïlande, au Vietnam et en Turquie, mais la sensibilité à la chloroquine
reste la règle dans ces pays [87, 5, 7]. Le détail des foyers de résistance documentée à P. vivax
a été cartographié en 2007 par Price ; il figure en annexe (Annexe 2) [67].
3.1.3. Plasmodium ovale : aspects particuliers
Plasmodium ovale sévit en Afrique intertropicale du Centre et de l’Ouest (et dans certaines
régions du Pacifique). L’homme est le seul hôte naturel pour P. ovale. [26]. La durée
d’incubation est de 15 jours au minimum mais elle peut durer jusqu’à 4 ans. Classiquement,
P. ovale est responsable de la fièvre tierce bénigne avec un pic fébrile toutes les 48h. En
pratique, plus de 90% des infections à P. ovale sont diagnostiquées devant une fièvre non
spécifique survenant plus de quatre semaines après le retour de zone d’endémie. Une
précédente infection à P. ovale diminue l’intensité de la parasitémie et de la fièvre. Dans 90%
des cas les symptômes disparaissent spontanément après une dizaine de poussées. En raison
des difficultés d’identification en microscopie optique et de la confusion fréquente avec P.
vivax, sa prévalence est sous estimée comme le confirment les études reposant sur la biologie
moléculaire qui retrouvent une prévalence de 15,6 % versus 0.3 % par les techniques
microscopiques classiques [57].
La dangerosité :
P. ovale est une espèce bénigne responsable d’accès simples. Elle est rarement responsable
de paludisme viscéral évolutif, exceptionnellement de complications spléniques [39].
18
Les reviviscences:
P. ovale est responsable d’accès de reviviscences tardifs décrits entre le 17e et le 255e jour,
parfois même après 45 mois [16,26]. Dans le cadre de la malariathérapie utilisée dans la
neurosyphilis, le risque de reviviscence était estimé à 1/200 après inoculation [26]. Dans la
littérature médicale plus récente, il concerne environ 9 % des infections à P. ovale, [16,26].
Résistances :
Il n’existe pas de chloroquino-résistance documentée pour P. ovale [57].
Les aspects particuliers qui distinguent les deux espèces plasmodiales P. vivax et P. ovale sont
résumés dans le Tableau 4.
Tableau 4 : Tableau récapitulatif des différences entre P. vivax et P. ovale
Plasmodium vivax Plasmodium ovale
Géographie Amérique du Sud, Asie Afrique
Fréquence dans le monde
72 à 80 millions (OMS)
25 à 40% des paludismes
-
5,3%
Dangerosité Formes bénignes
Rares formes graves
En zone d’endémie :
- Paludisme viscéral évolutif
- Formes graves pédiatriques
Formes bénignes
En zone d’endémie :
rare paludisme viscéral évolutif
Fréquence reviviscence Zone tropicale : < 6 mois
Zone tempérée : > 6 mois
-
Probabilité reviviscence 20% à 100% selon les souches 9%
Résistance chloroquine Indonésie
Papouasie Nouvelle Guinée
Résistances focales
Absence
19
3.1.4. P. vivax et P. ovale : points communs
Les reviviscences:
Après éradication des formes sanguines lors d’un accès palustre, P. vivax et P. ovale peuvent
être à l’origine d’une nouvelle parasitémie à partir des hypnozoïtes hépatiques (figure 5) :
c’est l’accès de reviviscence. Il doit être distingué de la recrudescence et de la réinfection
(zone d’endémie) (Figure 4).
La recrudescence est la réapparition d’une parasitémie détectable après traitement de l’accès :
un accès fébrile est imputé au traitement schizonticide s’il est précoce, à la primaquine après 4
à 5 semaines [5]. En zone d’endémie un nouvel accès peut être une réinfection, une
recrudescence, ou une reviviscence (Figure 4).
Figure 4 : Les différents types de rechutes à P. vivax et P. ovale :
20
Figure 5 : Les hypnozoïtes dans le cycle de P. vivax et P. Ovale. (Disponible sur
http://www.travmed.com/health_guide/ch7.htm)
21
Les difficultés diagnostiques
Le diagnostic d’espèce repose sur l’examen en microscopie optique d’un frottis sanguin
(Figure 6) : la sensibilité et la spécificité sont bonnes entre des mains expérimentées pour une
densité parasitaire de 10 à 50 parasites/microL. La PCR détecte une densité parasitaire de 1
parasite/microL [34]. Elle est très spécifique : elle permet de différencier les souches au sein
d'une même espèce, de différencier les reviviscences des réinfections en zone d'endémie, de
détecter les co-infections [34].
La sensibilité des tests de diagnostic rapide immunochromatographiques actuellement
disponibles est insuffisante pour P. vivax et P. ovale, augmentant parfois le retard
diagnostique [75,14].
Figure 6 : Aspect de P. vivax et P. ovale en microscopie optique.
22
3.2. Importance épidémiologique:
3.2.1.. Le paludisme endémique à P. vivax et P. ovale :
Au sein du fardeau du paludisme, première endémie parasitaire mondiale, P. vivax et P. ovale
sont responsables d’une morbidité non négligeable : On compte 2,6 milliards d’êtres humains
exposés [67,6], dont 52% en Asie, 15% à l’Est de la Méditerranée, et 13% en Amérique du
Sud.
- P. vivax serait responsable de 25 à 40% des accès palustres dans le monde [67]. L’OMS
estime entre 72 à 80 millions le nombre d’infections annuelles à P. vivax. Selon certains
auteurs ce chiffre est sous estimé : il y aurait 132 à 391 millions de nouveaux cas par an dans
le monde (Figure 7, annexe 3-A) [67].
Figure 7 : Répartition mondiale de P. vivax en 2005. [35]
- P. ovale est endémique Afrique [18] : authentifié par PCR en Afrique de l’Ouest où il a été
décrit en premier (Cameroun, Nigeria, Burkina Faso, Côte d’Ivoire), mais aussi en Afrique de
l’Est et du Sud (Ghana, Mozambique, Tanzanie) [18]. Il a été authentifié par PCR en Asie du
sud-est et en Océanie [46] (Vietnam 58 cas, Thaïlande, frontière du Myamar, Laos,
Indonésie). Il a été décrit dans les îles du Pacifique Ouest, en Nouvelle Guinée, aux
Philippines (Palawan), au Timor [46], à Malawi, au Kenya, en Ouganda [64]. Peu de cartes
actualisées sont disponibles (Figure 2).
23
3.2.2. Le paludisme d’importation à P. vivax et P. ovale :
Paludisme d’importation à P. vivax et P. ovale dans le monde et en France : [51,87,23]
Dans les pays industrialisés [51] le problème est celui du paludisme d’importation. Selon
l’OMS [87], 10000 à 30000 voyageurs par an sont victimes du paludisme dans le monde
(23% de Plasmodium vivax, 5% de Plasmodium ovale) (Annexe 3-B). La distribution des
espèces plasmodiales de paludisme d’importation dépend des habitudes de voyage des pays
concernés : P. vivax est responsable de 22 à 27% des paludismes aux USA [24], et 4 à 5% en
France [23]. En 2006, le CNR (Centre National de Référence pour le paludisme) estimait le
paludisme d’importation en France à 5267 cas (Plasmodium vivax : 5,4%, Plasmodium
ovale : 5,3%) (Figure 8) [23].
Figure 8 : Répartition des espèces plasmodiales importées en France en 2006 (n=2773) [23]
Paludisme d’importation à P. vivax en France:
On dénombre 150 cas déclarés de paludisme à P. vivax en 2006, majoritairement en
provenance d’Amérique du Sud (52%) (Annexe 4). En effet, P. vivax représente 78% des cas
de paludisme importés depuis l’Amérique du Sud, environ 60 % des paludismes importés
d’Asie et 5 à 22 % des paludismes importés d’Afrique selon les régions visitées (Annexe 4).
Le diagnostic de P. vivax est porté en moyenne 139,9 jours après le retour (médiane 66) [23].
Il s’agit donc vraisemblablement d’épisodes de reviviscences, le premier accès ayant été
masqué par la chimioprophylaxie [16].
24
Paludisme d’importation à P. ovale en France:
On dénombre 147 cas de paludisme à P. ovale déclarés en France en 2006, presque tous
importés d’Afrique. Le diagnostic de P. ovale est réalisé en moyenne 193,1 jours (Annexe 4)
après le retour (médiane 99). Il s’agit donc vraisemblablement d’épisodes de reviviscences, le
premier accès ayant été masqué par la chimioprophylaxie [41].
Au total, en 2006, le nombre de cas de paludisme à P. vivax et P. ovale est estimé à plus de
500 cas par an en métropole (CNR) [41]
Le paludisme en Guyane Française : (Annexe 5) [41,44]
La Guyane est le seul département français où le paludisme est endémique [41]. En 2007 on
comptait 2759 cas de paludisme [44]. P. vivax est l’espèce prédominante depuis 2005 (Figure
9) : il représentait 64% du paludisme en Guyane en 2007 [44] et 75% en 2008 [43]. Les
régions fluviales du Maroni et de l’Oyapock sont à transmission permanente : P. vivax est
plus fréquent le long de l’Oyapock (50 à 80%) (Annexe 5), P. falciparum prédomine le long
du Maroni (90%) [41]. Dans la région de Cayenne les 2 espèces sévissent [41]. L'incidence
annuelle varie entre 100 et 300 cas pour mille habitants dans ces régions. Le secteur du littoral
de l’île de Cayenne à Saint-Laurent-du-Maroni présente une transmission sporadique [41].
Figure 9 : Evolution de l’incidence de P. falciparum et P. vivax en Guyane [44]
25
3.2.3. Le paludisme à P. vivax et P. ovale dans les armées françaises [73]
Le paludisme fait l’objet d’une surveillance épidémiologique dans les armées. Ces données
sont analysées en fonction de l’effectif présent en zone d’endémie : 16047 hommes-année en
2005 (Afrique : 71,1%, Amérique : 23,0%, Asie : 5,9%) [73]. L’importance relative de P.
vivax et P. ovale est en augmentation (Tableau 5).
Tableau 5 : Le paludisme dans les armées françaises : données épidémiologiques [73]
2001 2002 2003 2004 2005
Taux d’incidence (TDIp.100) 1,9 2,1 5,4 4,8 3,7
Indisponibilité (jours) 7,6 7,7 7,5 7,8 8,0
Cumul jours d’indisponibilité 1361 - 5875 5574 3529
Nombre de cas:
* en zone d’endémie palustre
* en zone non impaludée
127
67
180
42
548
276
435
329
305 (51,8%)
284 (48,2%)
Espèce plasmodiale:
* Plasmodium vivax (%)
* Plasmodium ovale (%)
19,5
4,6
15,8
2,7
11,4
5,6
11,8
8,0
27,3
10,5
Taux d’incidence (p. 100)
* RCI (Rep Côte d'Ivoire)
* Guyane
8,1
1,6
14,4
1,7
15,7
5,1
11,2
3,2
7,0
5,3
P. vivax dans les armées
En 2005 on a recensé 187 cas de P. vivax dans les armées (31,2% - 27,3% sans co-infection)
[73]. P. vivax est le principal agent pathogène en Guyane et à Djibouti. En Guyane, P. vivax
représente 12 à 50% des cas de paludismes déclarés en 2007. 65% des cas déclarés
surviennent lors de séjours longs. Ils peuvent être sporadiques ou survenir sur un mode
épidémique.
On dénombre cinq épidémies depuis 2003 : Gendarmes (2003, 2004, 2005), 3e REI (2007),
et 2e RIMA (2007) (Annexe 6). Ces épidémies sont responsables de 20 % des cas déclarés en
Guyane (154/746) entre 2003 et 2007. On dénombre 10 à 37 cas par épidémie. Le taux
d’attaque varie de 13,5 à 60%. Le diagnostic de paludisme est posé après le retour dans 67 à
91 % des cas. En moyenne l’indisponibilité est chiffrée à 10 jours par accès. Près d’un patient
sur deux (47 %) a présenté un ou plusieurs accès de reviviscence.
26
P. ovale dans les armées
En 2005 on a recensé 68 cas de P. ovale (11,3% - 10,5% sans co-infection) [73]. P. ovale est
le principal agent pathogène avec P. vivax à Djibouti. Il est responsable majoritairement de
cas d’importation [73]. Le taux de P. ovale en Côte d’Ivoire est en augmentation constante :
1% avant 2000, presque 15% de nos jours [73]. Cela est expliqué par l’augmentation du
nombre de personnels exposés.
27
3.3. LA PRIMAQUINE
3.3.1. Histoire [38]
La primaquine est une molécule connue depuis les années 1950. Elle fait partie de la famille
des 8-aminoquinoléine (Figure 10). Mise au point pendant la guerre de Corée par les
Américains, ses modalités d’emploi historique répondaient à un souci d’efficacité et de
tolérance pour le traitement des vétérans en prophylaxie terminale. Il s’agissait d’administrer
15mg/jour pendant 14 jours à des sujets sains au retour de zone d’endémie, afin d’éviter la
survenue de la première reviviscence (l’accès de primo-invasion peut-être masqué par la
chimioprophylaxie). Ce protocole de 15mg/jour pendant 14 jours peut également être utilisé
en cure radicale (prophylaxie secondaire) après traitement de l’accès de reviviscence : on y
fait souvent référence dans les publications sous le nom de « traitement standard ». Ainsi la
primaquine a été jugée efficace et bien tolérée en prophylaxie terminale au retour de Corée et
en traitement standard, en l’absence de contre-indication. La recherche du déficit en G6PD
n’était pas réalisée systématiquement à cette occasion, ce qui a provoqué de nombreux cas
d’anémies hémolytiques, parfois sévères [21].
Figure 10 : La primaquine = (Amino-4methyl-18methoxy-6quinoléine)
3.3.2 : Mécanisme par rapport au cycle [61]
La primaquine est active contre le paludisme sur les formes tissulaires hépatiques (schizontes
primaires pendant l’incubation ou hypnozoïtes), sur les formes sexuées circulantes
(gamétocytes), et pour P. vivax et P. ovale sur les formes asexuées circulantes (schizontes,
trophozoïtes) [61]. Son mécanisme d’action est encore peu connu [61]. Elle agirait par
altération des membranes mitochondriales du plasmodium [61].
28
3.3.3. Propriétés pharmacologiques [61]
La primaquine est rapidement absorbée dans le tractus gastro-intestinal. La biodisponibilité de
96 % est augmentée en cas de prise alimentaire concomitante. Le pic plasmatique survient
entre 1h et 3h chez le sujet sain comme chez le sujet impaludé. La primaquine traverse la
barrière placentaire. Son volume de distribution est de 280L quelle que soit la dose absorbée.
Le premier passage hépatique est peu important. La concentration maximale varie de manière
linéaire en fonction de la dose quotidienne ingérée.
La métabolisation se fait par voie hépatique en carboxyprimaquine. Elle débute dès 30
minutes, son pic d’activité est entre 6 et 10 heures, plus précoce chez le sujet impaludé.
L’élimination se fait par voie rénale. La demi-vie est de 4 à 8 heures.
3.3.4. Indications
La primaquine peut être utilisée dans trois indications : [38]
- Cure radicale après une infection confirmée à P. vivax ou P. ovale, chez un patient
qui ne retourne pas en zone d’endémie. (grade AI)
- Prophylaxie terminale = PART (Presomptive AntiRelapse Therapy) : chez un sujet
exposé à P. vivax ou P. ovale si l’exposition est importante (durée > 6 mois) ou intense
(activités de rivière : densité importante du vecteur). L’objectif est de prévenir la 1ère
reviviscence. (Grade AII) (Annexe 7)
- Prophylaxie causale : l’objectif est de prévenir l’accès de primo invasion comme
pour la prophylaxie suppressive, mais aussi les reviviscences (Grade AI). Elle est indiquée
pour des séjours courts (1 semaine) dans des régions épargnées par P. falciparum. Elle
dispense de prophylaxie terminale. Le CDC (Center for Disease Control) propose une
utilisation de la primaquine en prophylaxie primaire en seconde intention ; mais précise que
l’indication n’est pas encore validée par la FDA (Food and Drug Administration).
L’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) [87], le Royaume-Uni [11, 50, 79] et la France
ne reconnaissent qu’une seule indication : la cure radicale.
Le Canada [19] et les Etats-Unis [38] retiennent également la prophylaxie causale et la
prophylaxie terminale comme indications.
29
3.3.5. Contre-indications [61] et précautions d’emploi
Les contre-indications de la primaquine sont principalement le déficit en G6PD, la grossesse,
et un petit nombre de contre-indications dictées par le bon sens.
Les contre-indications absolues :
- Déficit en G6PD si l’activité G6PD est inférieure à 10%,
- Grossesse,
- Allaitement si le statut fœtal en G6PD est inconnu,
- Déficit en méthémoglobine réductase (exceptionnel, pas de recherche systématique),
- Allergie.
Les contre-indications relatives :
Les maladies des hémoglobines instables, la leucopénie et les maladies potentiellement
leucopéniantes (polyarthrite rhumatoïde, lupus), la prise d’un traitement hémolytique [38]
sont des contre-indications relatives, pouvant être discutées en milieu spécialisé en fonction
du ratio bénéfices-risques.
Particularités pour les patients porteurs du déficit en activité G6PD
Le déficit en activité G6PD est une particularité génétique liée à X. Il est suspecté en cas de
présence de corps de Heinz au frottis (précipitation de l’hémoglobine liée à l’oxydation). La
G6PD permet la régénération de la glutathion réductase et la neutralisation des peroxydes
toxiques pour les hématies (Annexe 8). Les hématies du sujet déficient en activité G6PD sont
donc plus sensibles au stress oxydatif qui peut provoquer une hémolyse. L’activité G6PD est
plus importante chez les hématies jeunes et les réticulocytes ce qui explique que l’hémolyse
prédomine sur les globules rouges sénescents. La recherche du déficit en G6PD par le dosage
sanguin de l’activité G6PD des hématies peut donc être prise en défaut en cas d’hémolyse
récente (dosage faussement normal en présence d’une réticulocytose importante) [7].
La primaquine provoque une oxydation dans les hématies. La sévérité de l’hémolyse induite
n’est pas corrélée à la concentration plasmatique en primaquine [61]. L’hémolyse commence
vers le 3e ou 4e jour et se poursuit jusqu’au 7e jour.
La sévérité de l’hémolyse est fonction du variant de déficit en G6PD (> 300 décrits). La
répartition des variants est cartographiée en annexe 9. Le variant méditerranéen est connu
pour être responsable d’hémolyse sévère. [62,13]. En France l’OMS rapporte une prévalence
du déficit en G6PD de moins de 0,5% [62]. Dans le monde la prévalence du déficit en G6PD
30
est d’environ 7%. Les variants les plus fréquents sont : A- en Afrique, B- en Europe du Sud et
dans le sous-continent Indien, Mahidol en Asie du Sud-Est (Annexe 9).
Particularité pour les femmes enceintes et l’allaitement
La contre-indication au cours de la grossesse est justifiée par le statut indéterminé en G6PD
du fœtus, il existe donc un risque d’anémie hémolytique fœtale se traduisant par une
anasarque foeto-placentaire. Il n’existe pas de test d’analyse anténatale du déficit en G6PD.
Un traitement hebdomadaire par chloroquine en attendant la fin de la grossesse permet en
prophylaxie suppressive d’éviter les effets délétères d’une anémie hémolytique due aux accès
de reviviscence palustre.
En cas d’allaitement maternel, le traitement par primaquine pourra être entrepris si la
recherche du déficit en G6PD est négative chez l’enfant. Il n’y a pas de données à ce jour sur
le passage dans le lait de la primaquine et de ses métabolites. Selon l’OMS [87], l’allaitement
est sans danger, mais à notre connaissance cela n’est reporté nulle part ailleurs.
Particularités pour les enfants
Chez l’enfant, l’OMS recommande un traitement de 0,25mg/kg/jour pendant 14 jours mais
sans définir d’âge limite [87]. Les sociétés savantes américaines recommandent un traitement
de 0,5mg/kg/jour pendant 14jours en n’émettant aucune restriction liée à l’âge, et en précisant
que la primaquine est bien tolérée chez l’enfant de plus de 1 an [38].
Particularité pour les patients VIH
Il existe de nombreuses interactions médicamenteuses potentielles entre la primaquine et les
antirétroviraux [38]. Cependant l’utilisation de la primaquine est a priori possible après avis
spécialisé.
31
3.3.6. Tolérance [61]
La tolérance est dose dépendante. La primaquine est bien tolérée à des posologies inférieures
à 30 mg/j [70, 69, 85, 29]. Elle est bien tolérée pendant plus de 52 semaines à 0,5mg/kg/j
[38]. Seuls 2% des arrêts de traitement sont imputables à une mauvaise tolérance [38].
Tableau 6 : Principaux effets indésirables de la primaquine
Type Symptômes
Digestifs: nausées, vomissements
Hématologiques: anémie hémolytique chez les patients déficients en G6PD
méthémoglobinémie,
leucocytose ou leucopénie pour des doses > 120mg
Neurologiques: vertiges, céphalées
Autres: toux
Les troubles digestifs sont dose dépendants, mais il n’existe pas de différence contre placebo
jusqu’à 30mg/jour (ou 0,5mg/kg/j) si la primaquine est prise pendant les repas, même après 1
an de recul [38]. On rapporte le même taux de douleurs abdominales (5%) chez les patients
recevant le placebo, une prise journalière de 15mg, ou 30mg pendant le repas. Lors des prises
en dehors des repas on rapporte 10% de douleurs abdominales pour une posologie de
30mg/jour et 20% pour une posologie de 45mg/jour.
L’anémie hémolytique survient surtout chez les patients déficients en G6PD. Elle reste
modérée chez les patients non déficients [52].
La méthémoglobinémie est un phénomène biologique qui n’a pas de conséquence clinique en
l’absence de co-morbidités cardiaques ou pulmonaires. On la définit par une méthémoglobine
> 1%. Symptomatique à partir de 20%, elle est de l’ordre de 5% après un traitement de 14
jours par primaquine. Ce taux n’augmente pas pour des traitements prolongés. Le taux le plus
élevé décrit pendant un traitement par primaquine est de 20%. La méthémoglobinémie revient
à son niveau initial en moins de 15 jours après l’arrêt du traitement [38]. Un exceptionnel
déficit en méthémoglobine réductase contre-indique l’usage de la primaquine. En dehors de
cette hypothèse, les effets indésirables imputables à la méthémoglobinémie induite par le
traitement sont rares et de faible retentissement clinique [20].
32
3.3.7. Efficacité:
Efficacité dose-totale dépendante :
L’efficacité est conditionnée par l’observance [7], elle est évaluée par l’absence de
reviviscence à distance. Elle est dose dépendante [61, 60, 47, 2], cependant il existe un effet
seuil [33]. Le traitement standard de 15 mg/j pendant 14 jours a une efficacité estimée entre
80 et 95% [61, 60, 45]. Chez les voyageurs, une étude montre un taux de rechute de 12,5%
après un suivi prolongé de 18 mois [45]. Une méta-analyse récente a montré l’inefficacité
d’un traitement court de 5 jours [32].
L’efficacité est fonction de la dose totale en fonction du poids [61, 7, 77], quelle que soit la
posologie ou fréquence d’administration. Une dose totale de 6mg/kg est efficace partout dans
le monde [38]. En pratique, en cas d’oubli, le traitement sera poursuivi jusqu’à
l’administration complète de la dose-totale prévue pour une efficacité conservée. Cela
augmente la compliance [38].
Selon une étude, l’efficacité de la primaquine serait améliorée par l’administration synchrone
de chloroquine ou de quinine [3]. Ces résultats sont le fait d’une étude expérimentale réalisée
en 1955 à partir d’un paludisme induit [3]. Ils n’ont pas été confirmés ultérieurement, mais le
traitement synchrone est devenu une habitude dans les pays anglo-saxons [38]. D’autres
études doivent être menées avant d’affirmer l’utilité d’un traitement synchrone.
Efficacité de la cure radicale :
Les études mettent en évidence une efficacité variable de la primaquine en cure radicale selon
la dose administrée, la souche plasmodiale, la zone d’exposition, et le caractère supervisé ou
non de la prise médicamenteuse [61]. L’efficacité est aussi fonction de la durée de suivi pour
un même traitement (Tableau 7). Il ne faut pas se laisser piéger par des études où le suivi est
inférieur à un mois, pour lesquelles les reviviscences peuvent être masquées par le traitement
du dernier accès (Annexe 10). Deux études réalisées en Amérique du Sud montrent un taux
d’échec en traitement standard autour de 16% après 6 mois de suivi [61,2]. Une étude réalisée
en Guyane [52] montre un taux de rechute de 4,7% mais le suivi évolutif est seulement de 3
mois et le nombre de patients perdus de vue est important.
33
Tableau 7 : Exemples d’efficacité après un traitement standard de 15mg/jour/14jours ou
0,25mg/jour/14jours selon la zone d’exposition : [61]
Zone d’exposition Prise du Primaquine % échec Suivi
Traitement Inclus Echecs
Inde (Bombay) Supervisée 63 0 0% 6 mois
Inde (Bombay) Supervisée 131 3 2,3% 6 mois
Guyane, Afrique, Asie Non supervisée 39 1 5,6% 14 mois
Somalie Non supervisée 60 26 43,3% -
Somalie Non supervisée 45 14 31,1% -
Thaïlande Supervisée 38 7 18,4% 6 mois
Thaïlande Supervisée 43 3 7% 2 mois
Afghanistan Supervisée 100 32 32% 5 mois
Colombie Supervisée 68 12 17,6% 6 mois
Brésil Supervisée 30 2 6,7% 3 mois
Brésil Supervisée 50 7 14% 6 mois
3.3.8. Résistance à la primaquine
Parmi les échecs, certains sont liés à une résistance à la primaquine. La résistance clinique à la
primaquine est un diagnostic difficile car ne relevant que de l’observation statistique. Elle se
définie par la survenue d’accès de reviviscence dans des proportions supérieures à ce qui est
attendu. Il s’agirait d’une différence de sensibilité biologique variable selon les souches plutôt
que d’une résistance acquise : elle a été mise en évidence sur la souche Chesson mise en
culture dans les années 1950 [61,38]. Cependant ces résistances semblent circonscrites à
certaines régions du monde : pour l’OMS seules l’Océanie et en Asie du Sud-Est nécessitent
des posologies supérieures de primaquine [87].
- Pour P. vivax le taux de reviviscence après une cure radicale par primaquine en traitement
standard (15mg/kg/jours/14jours) est compris entre 0 et 43% selon les études [61]. Ces
résultats sont variables selon les régions d’importation et selon la durée du suivi. Les échecs
avec un traitement standard de 15mg/jours/14jours sont plus fréquents en Océanie et en Asie
du Sud-Est, particulièrement en Papouasie Nouvelle Guinée [67]. Des doses totales plus
importantes se sont montrées plus efficaces dans ces régions [67].
- La résistance à la primaquine de P. ovale est extrêmement rare [15]. Seules quelques
observations ont été décrites [16].
34
3.3.9. Les recommandations françaises et internationales existantes:
En France : les recommandations de l’ATU (Autorisation Temporaire d’Utilisation)
En France il n’existe pas de recommandations officielles ni d’autorisation de mise sur le
marché (AMM) : les recommandations de l’ATU (Annexe 11) font autorité. L’indication
cible les patients présentant une infection documentée à P. vivax ou P. ovale après au moins
un accès de reviviscence, à l’exclusion des femmes enceintes et des patients déficients en
G6PD. La recherche du déficit en G6PD est obligatoire. Le schéma thérapeutique
recommandé est de 15 mg/jour/14 jours.
Les recommandations nationales et internationales existantes :
En 2006, l’OMS, les Etats-Unis, le Royaume-Uni et le Canada ont élaboré des
recommandations. Certains administrent le même schéma thérapeutique indépendamment des
espèces, d’autres (UK, OMS) adaptent les posologies selon l’espèce ou l’origine
géographique de la contamination (Asie du Sud-Est, Océanie) [87].
Tableau 8 : Synthèse des recommandations pour l’administration de primaquine en cure
radicale chez l’adulte en l’absence de déficit en G6PD
Indication en cure radicale : Posologie
OMS [87] - P. vivax, P. ovale :
Hors Océanie et Asie de Sud-Est
0,25 mg/kg/jour/14 jours
- P. vivax :
Océanie et Asie de Sud-Est
0,5 mg/kg/jour/14 jours
USA
CDC [38]
- P. vivax, P. ovale,
- Diagnostic d’espèce incertain
30 mg/jour/14 jours
Synchrone au traitement schizonticide
UK
ACMP
[50,79]
- P. vivax 30 mg/jour/14 jours
Pendant ou quelques jours après le traitement
schizonticide (*)
- P. ovale 15 mg/jours/14 jours (*)
Canada [19]
CATMAT
- P. vivax et P. ovale 30 mg/jour/14 jours
France
ATU
P. vivax et P. ovale 15 mg/jour/14 jours
A distance du traitement schizonticide
35
L’objectif de ces recommandations est d’obtenir la meilleure efficacité (dose-totale
dépendante) pour la meilleure tolérance (dose journalière dépendante) : la posologie la plus
souvent conseillée est de 30 mg/jour ou de 0,5mg/kg/j jusqu’à 30 mg/jour maximum pendant
14 jours avec la possibilité de poursuivre le traitement quelques jours supplémentaires si le
patient fait plus de 60kg : les prises sont poursuivies jusqu’à atteindre une dose totale de
6mg/kg.
En France la primaquine s’administre à distance du traitement de l’accès du fait des délais
d’obtention de l’ATU qui implique la disponibilité du résultat du déficit en G6PD. D’autres
instances internationales ou nationales (CDC, ACMP) (ACMP : Health Protection Agency
Advisory Committee on Malaria Prevention) recommandent un traitement synchrone [79, 22,
38].
3.3.10. Le coût de la primaquine [17]
A l’Hôpital d’Instruction des Armées Bégin, le coût d’un traitement standard de primaquine
est de 70 euros TTC. Le dosage de l’activité en G6PD (B40) coûte 10,8 euros. Le coût d’un
traitement standard de primaquine en dehors de la pharmacie hospitalière est de 219,3 euros.
3.3.11. L’avenir : tafénoquine [83, 48]
De la même famille que la primaquine (8-aminoquinoléine), cette molécule se distingue par sa
demi-vie d’élimination longue (2 semaines). Elle est très étudiée du fait d’une efficacité en
prophylaxie primaire de 96% sur P. vivax et sur les souches multi-résistantes de P. falciparum
[82] en prise mensuelle. La tolérance semble être semblable à celle de la primaquine, mais la
compliance bien meilleure pour des traitements courts en cure radicale (1 à 3 jours) [59]. Elle
est dose dépendante. Un traitement par tafénoquine administré à la posologie de 400 mg/jour
sur 3 jours semble être de tolérance égale à un traitement de 14 jours de primaquine à
22,5mg/kg/jour [31].
L’efficacité d’un traitement court de tafénoquine (400mg/jour/3jours) est supérieure à un
traitement de 22,5mg/jour/14jours de primaquine [31], et probablement supérieure à un
traitement de 30 mg/kg/jour/14jours [31]. On rapporte une efficacité de 96,3% [48] après une
administration de 200mg/jour pendant 3 jours suivie d’une administration hebdomadaire de
200mg pendant 8 semaines. La tafénoquine semble efficace seule (sans traitement
schizonticide associé) à la fois sur le traitement de l’accès et sur la prévention des
reviviscences [58].
36
4. MATERIEL ET METHODES
4.1. Cadre et type d’étude:
Il s’agit d’une étude rétrospective réalisée dans les services des maladies infectieuses et
tropicales des hôpitaux militaires Bégin (Saint-Mandé, Val de Marne) et Laveran (Marseille),
entre le 1er janvier 2000 et le 30 juin 2008. Tous les patients traités par primaquine du 1er
janvier 2000 au 30 juin 2008 à l’hôpital Bégin et du 1er janvier 2004 au 30 juin 2008 ont été
inclus.
4.1.1. Critères d’inclusion:
Ce sont les critères imposés par l’Autorisation Temporaire d’Utilisation (ATU) :
- Critères démographiques : patients âgés de plus de 16 ans (civils ou militaires)
- Critères paracliniques : infection documentée à Plasmodium vivax ou Plasmodium ovale
4.1.2. Critères de non inclusion:
- Femmes enceintes
- Enfants < 16 ans
- Déficit en G6PD
4.1.3. Sélection des dossiers:
Utilisation des registres de délivrance des médicaments sous ATU des pharmacies des
Hôpitaux d’Instruction des Armées.
4.1.4. Recueil des données: (Annexe 12)
Un questionnaire type a été complété pour chaque patient à l’aide des informations contenues
dans le dossier médical. Les variables suivantes ont été étudiées:
Paramètres médico-administratifs :
- Nom, prénom, numéro d’ATU, numéro de téléphone et adresse, âge, sexe
37
Paramètres du patient:
- Profil des voyageurs :
• Touriste: personne d’origine française ou autre, résidant en France et effectuant un
séjour dans un pays qui lui est étranger, pour moins de 6 mois.
• Militaire: membre de l’Armée française, résidant en France et partant en mission à
l’étranger pour une durée indéterminée.
• Migrant: personne d’origine étrangère, résidant en France et effectuant un voyage
dans son pays d’origine pour visiter des proches et amis.
• Expatrié: personne d’origine française ou autre, séjournant pour des raisons
professionnelles ou personnelles, dans un pays qui lui est étranger, pour plus de 6 mois.
• Travailleur: personne séjournant pour des raisons professionnelles, dans un pays qui
lui est étranger, pour moins de 6 mois.
- Déficit en G6PD
- Poids en kg (calculer la dose/poids)
Paramètres du voyage :
- Région de contamination : Afrique, Asie du sud-est, Amérique du Sud, autre.
- Durée d’exposition
- Prise de chimioprophylaxie antipaludique pendant et après le voyage
Paramètres sur la maladie :
- Patient naïf de traitement par primaquine ou rechute après traitement par primaquine
- Nombre d’accès palustre avant traitement
- Survenue de symptômes en zone d’endémie
- Latence au retour : délai entre le retour et les symptômes
- Délai de prise en charge : délai entre les symptômes et la première consultation
- Espèce plasmodiale : Plasmodium vivax ou Plasmodium ovale
- Existence d’une co-infection
- Traitement antipaludique schizonticide utilisé lors du dernier accès
38
Paramètres sur l’utilisation de la primaquine :
- Posologie journalière
- Durée du traitement (jours)
- Dose totale (calculée) en mg
- Dose-poids (calculée): dose totale par kg de poids
- Délai après dernier traitement schizonticide : délai après traitement du dernier accès.
Paramètres concernant la tolérance de la primaquine :
- Tolérance digestive: absence, nausées, vomissements, douleurs abdominales, autres
- Tolérance neurologique: absence, céphalées, vertiges, troubles psychiatriques, autres
- Tolérance hématologique clinique: absence, anémie clinique, méthémoglobinémie
symptomatique, autre
- Intolérance autre (ni digestive, neurologique, hématologique): absence, toux, autres
- Tolérance biologique: absence d’anomalie, anémie hémolytique, neutropénie, leucocytose
Paramètres sur l’impact des reviviscences en termes d’indisponibilité:
- hospitalisation et durée d’hospitalisation (jours)
- congé maladie et durée (jours)
Paramètres d’évolution et de suivi :
- Rechute à distance et délai si rechute
- Observance déclarée du traitement par primaquine
Paramètres de suivi :
Le suivi est multimodal : clinique dans le dossier médical, dans le livret médical en unité
(contact du médecin traitant), par téléphone au moment du recueil de données.
- Durée de suivi post-primaquine
- Patients joints par téléphone à distance pour compléter les données
4.2. Analyse:
Les données ont été saisies et exploitées avec le logiciel Microsoft® Excel.
39
5. RESULTATS
5.1. Description de la population
Parmi les 94 patients éligibles, 93 ont été inclus (une seule exclusion pour déficit en G6PD).
Cent cures radicales ont été administrées : 87 pour des accès de reviviscence à P. vivax et 13
pour des accès de reviviscence à P. ovale. Le Tableau 9 résume les caractéristiques des 93
patients.
Tableau 9 : Caractéristiques socio-démographiques de la population
Population totale P. vivax P. ovale
Nombre de patients 93 80 13
Hommes (%) 90 (96,8) 77 (96) 13 (100)
Age moyen (extrêmes) 30,9 (18-59) 30,6 (18-59) 32,5 (19-52)
Militaires (%) 84 (90,3) 72 (90) 12 (92)
Civils (%) 9 (9,7) 8 (10) 1 (7,7)
- Travailleur 2 2 0
- Touriste 3 3 0
- Migrant 3 2 1
- Expatrié 1 1 0
L’échantillon était composé de 90 hommes et 3 femmes. L’âge moyen était de 30,9 ans
(extrêmes 18-59). Les patients se répartissaient en 84 militaires et neuf civils (ratio militaire /
civil 9,3).
5.2 Caractéristiques des voyages
Distribution géographique
La majorité des infections (87,5%) à P. vivax ont été acquises en Guyane (Tableau 10). Les
treize patients suivis pour une infection à P. ovale ont été infectés en Afrique. Parmi-eux, 12
ont séjourné en Côte d’Ivoire. Le détail des régions d’importation figure en annexe 13.
La durée moyenne de voyage était de 158 jours (4 à 1277). Pour 79 patients (85 %), la durée
de séjour était supérieure à 90 jours.
40
Chimioprophylaxie antipaludique
Soixante-dix-neuf patients (85%) ont déclaré la prise d’une chimioprophylaxie antipaludique
(60% bien observée). Soixante-six d’entre eux (71%) ont reçu de la doxycycline.
L’observance déclarée était adéquate chez tous les patients.
Caractéristiques des infections palustres
Quarante deux pour cent des accès de primo-invasion sont survenus pendant le voyage
(47,5% et 7.7% pour P. vivax et P. ovale respectivement). Pour les autres patients, le délai
moyen entre le retour et le premier accès (latence) était de deux mois pour P. vivax et six
mois pour P. ovale. Un accès de primo-invasion à P. vivax sur cinq est survenu plus de 3
mois après le retour.
Tableau 10 : Caractéristiques des voyages
P. vivax P. ovale
Nombre de patients 80 13
Région d’importation
- Afrique (%) 6 (7,5) 13 (100)
- Asie du Sud-Est (%) 4 (5)
- Amérique du Sud (%) 70 (87,5)
Chimioprophylaxie
- Mefloquine (%) 9 (11)
- Doxycycline (%) 54 (68) 12 (92)
Durée d’exposition > 90j (%) 71 (89) 8 (62)
Durée d’exposition moyenne +/- ET 161,4 +/- 206 127,7 +/- 80
Nombre moyen d’accès
avant primaquine +/- ET (extrêmes) 3,1 +/- 2,6 (1-15) 2,7 +/- 1,1 (1-5)
Symptômes outre-mer (%) 38 (47,5) 1 (7,7)
Latence moyenne au retour +/- ET 59,4 +/- 47 186,4 +/- 177
- entre 0 et 30 j (%) 9 (11) 2
- entre 30j et 90 j (%) 20 (25) 2
- > 90 j (%) 9 (11) 6 (46)
Délai de prise en charge +/- ET (extrêmes) 1,8 +/- 2,5 (0-10) 4,3 +/- 8,3 (0-30)
ET : Ecart type
Durées d’exposition moyenne, Latence moyenne, Délai de prise en charge : exprimés en jours
41
Pendant le temps écoulé entre l’accès de primo-invasion et l’administration de la cure radicale
de primaquine, les patients ont présenté un nombre moyen de 3,1 et 2,7 accès palustres
respectivement pour P. vivax et P. ovale. Le délai moyen de prise en charge des patients
infectés par P. ovale était plus de deux fois plus long que celui des patients infectés par P.
vivax.
5.3. Retentissement socio-professionnel
Taux d’hospitalisation
Soixante-douze (77%) patients ont été hospitalisés pour une durée moyenne de 6 jours
(extrêmes : 1-45).
Indisponibilités
A l’issue de l’hospitalisation, deux tiers des patients ont bénéficié d’un congé maladie d’une
durée moyenne de 9 et 13 jours respectivement pour P. vivax et P. ovale.
Tableau 11 : Parcours de soins et indisponibilités
P. vivax P. ovale
Nombre de patients 80 13
Hospitalisation (%) 60 (75) 12 (92)
Hospitalisation moyenne +/- ET (extrêmes) 5,8 +/- 7,5 (1-45) 6 +/- 3,9 (3-15)
Arrêt de travail (%) 50 (62,5) 9 (69)
Arrêt de travail moyen +/- ET (extrêmes) 8,8 +/- 8,1 (2-34) 13,1 +/- 9,6 (1-30)
Indisponibilité moyenne / patient 14,6 19,1
ET : Ecart type
Hospitalisation moyenne, Arrêt de travail moyen, Indisponibilité moyenne : exprimés en jours
L’indisponibilité globale moyenne était estimée à 14,6 jours soit environ 4,6 jours par accès.
L’indisponibilité totale pour la population infectée par P. vivax (n= 80) était estimée à 1168
jours, soit l’équivalent de plus de 4 ans et 9 mois de travail pour une personne.
Dans la population infectée par P. ovale l’indisponibilité moyenne était de 19,1 jours, ce qui
correspond à une indisponibilité d’environ 7 jours par accès.
42
5.4. Caractéristiques des cures radicales
Le tableau 12 résume les modalités d’utilisation de la primaquine selon les patients et les
espèces plasmodiales.
Tableau 12 : Modalités d’utilisation de la cure radicale de primaquine
P. vivax P. ovale
Nombre de cures de primaquine 87 13
Dose quotidienne
- 15mg/jour/14jours 65 13
- 30mg/jour/14jours 21 0
- 45mg/jour/14jours 1 0
Dose-totale/poids moyenne +/- ET
(extrêmes) 3,5 +/- 1,2 (2,1-7,07) 2,7 +/- 0,3 (2,2-3,2)
- Supérieure à 6 mg/kg 3 0
- Supérieure à 6 mg/kg 34 1
- Inférieure à 3 mg/kg 44 12
Traitement de l’accès
- Chloroquine 61 12
- Quinine 16
- Atovaquone / proguanil 2
- Mefloquine 1
Délai moyen après traitement du dernier
accès palustre +/- ET (extrêmes) 48 +/- 37,2 (0-210) 31,8 +/- 15,8 (6-60)
- Délai < 1 mois 24 4
- Délai > 1 mois 54 8
Traitement du dernier accès palustre
- Chloroquine 61 12
- Quinine 16 0
- Autres 3 0
ET : Ecart type ; Dose totale poids moyen exprimé en mg/kg ; Délai moyen exprimé en jours
43
Plasmodium vivax
87 cures radicales ont été administrées dans le groupe P. vivax. Dans 78 cas, il s’agissait de
cures inaugurales proposées à des patients naïfs (65 traitements standard, 13 traitements à
double-dose). Huit patients ont reçu une seconde cure (posologie 30 mg/j) après un premier
échec. Un patient a justifié l’administration de trois cures au total après 2 échecs (Figure 11).
Le schéma standard de primaquine (15 mg/jour/14 jours) a été administré dans 75% des cas.
Onze traitements ont été administrés dès l’accès de primo-invasion (4 traitements standard et
7 traitements double-dose). La dose totale de primaquine délivrée par rapport au poids des
patients était comprise entre 3mg/kg et 6mg/kg dans 39,1% des cas, elle était inférieure à
3mg/kg dans 50,6%. Seuls trois patients ont reçu une dose totale supérieure ou égale à
6mg/kg.
Dans 62% des cas, les cures radicales de primaquine ont été administrées plus d’un mois
après le dernier traitement schizonticide. La figure 11 récapitule les protocoles de cure
radicale de primaquine utilisés chez les patients infectés par P. vivax et leurs résultats.
Figure 11: Protocoles de primaquine utilisés chez les patients infectés par P. vivax
44
Plasmodium ovale
Tous les patients infectés par P. ovale ont reçu une cure radicale de primaquine à la posologie
recommandée par l’OMS (15mg/kg/jour/14jours). Dans deux tiers des cas, la cure de
primaquine était pratiquée plus d’un mois après le dernier traitement schizonticide par
chloroquine. La dose totale de primaquine délivrée par rapport au poids des patients était
inférieure à 3 mg/kg chez douze des treize patients.
5.5. Efficacité de la cure radicale de primaquine
Plasmodium vivax
Dans le groupe P. vivax le taux d’échec global de la primaquine sur l’ensemble de
l’échantillon était de 10,3% avec un recul évolutif moyen de 51,3 semaines (12,8 mois). Le
délai moyen des rechutes était de 24,4 semaines (extrêmes : 6–90). Parmi les neuf rechutes,
sept sont survenues dans les six mois suivant le traitement, une à 7 mois et demi, une à 22
mois et demi.
Dans le groupe des 65 patients naïfs traités par un schéma standard de primaquine, le taux
d’échec était de 12,3 %.
Dans le sous-groupe des patients traités avec un schéma standard (15mg/j) après un séjour en
Guyane (n = 57), huit rechutes cliniques survenues plus d’un mois après la fin de la cure de
primaquine ont été observées, soit un taux d’échec de 14 % avec un recul évolutif moyen de
53,8 semaines. Le délai moyen de rechute était de 16,4 semaines.
Aucun échec n’a été observé chez les 13 patients naïfs traités d’emblée à la posologie de
30mg/j (dose totale 420 mg).
Parmi les 21 patients traités (13 naïfs, 8 échecs du traitement standard) à la posologie de
30mg/j (dose totale 420 mg), un seul échec a été documenté, correspondant à un taux de
succès de 95 %.
Plasmodium ovale
Dans le groupe des patients infectés par P. ovale, le taux de succès de la cure radicale de
primaquine administrée à la posologie standard (210 mg) était de 100 %. Aucune rechute n’a
été constatée avec un recul évolutif moyen de 45,2 semaines (11 mois).
45
Tableau 13 : Evolution et taux d’échec de la primaquine selon les espèces plasmodiales
P. vivax P. ovale
Nombre de cures de primaquine 87 13
Suivi moyen 51,3 45,2
Suivi > 6 mois (%) 50 (57,5) 7 (53,9)
Suivi > 2 mois (%) 63 (72,4) 7 (53,9)
Rechutes (%) 9 (10,3) 0 (0)
Délai moyen de rechute +/- ET (extrêmes) 24,4 +/- 25,6 (6 – 90)
Suivi moyen et délai moyen de rechute exprimés en semaines ; ET : Ecart type
5.6. Caractéristiques des rechutes et facteurs favorisants
Nous avons comparé les caractéristiques des huit patients en échec à la posologie standard à
celles des patients en succès à l’aide d’un test de Student (Tableau 14) : les huit patients
provenaient des destinations suivantes : Guyane (n=6), Cameroun (n=1), et Mauritanie (n=1).
Six d’entre eux avaient présenté un accès de primo-invasion durant le séjour. Le délai moyen
de rechute après traitement par primaquine était de 24,4 semaines (6 mois), avec un écart type
de 25,6. La rechute la plus précoce est survenue à 6 semaines, la plus tardive a été
diagnostiquée à 90 semaines.
L’âge, le poids, la dose totale de primaquine corrélée au poids n’étaient pas significativement
différents dans les deux groupes (p> 0,3). En revanche, la latence au retour (21,3 jours versus
66 jours) était significativement associée à un échec de la primaquine (p < 0,05).
Le seul échec constaté à la posologie de 30mg/j (dose totale 420 mg) était le fait d’un homme
de 89 kg ayant séjourné 2 ans en Guyane. Cet échec est survenu lors d’une seconde cure de
primaquine administrée 60 jours après un accès à P. vivax documenté et traité par
chloroquine, dans les suites d’une cure initiale de primaquine bien conduite à posologie
standard. La dose-totale de primaquine / poids était de 4,7mg/kg. Une cure radicale de
primaquine à la posologie de 45mg/j pendant 14 jours a été réalisée avec succès.
46
Tableau 14 : Caractéristiques des échecs et des succès parmi les 65 traitements standard
Echecs Succès p
Nombre de cures 8 57
Poids moyen (Kg) 7 79,3 75,4 0,3011 *
Age moyen 33,1 29,2 0,3617 *
Nombre d'accès moyen 3,25 3,32
Région d'importation
- Guyane (%) 6 (75) 51 (89,4)
- Mauritanie (%) 1 (12,5)
- Cameroun (%) 1 (12,5)
Symptômes outre-mer (%) 5 (62,5) 26 (45,6)
Latence au retour moyenne (jours) 21,3 66 0,0087 *
Délai après traitement schizonticide (jours) 36,1 48,45
Rapport moyen : dose totale / poids (mg/kg) 2,68 2,83 0,3019 *
Durée de suivi moyen (en semaines) 25,5 64,1
*test de Student
5.7. Tolérance
Tolérance clinique
Des effets indésirables ont été rapportés à dix-sept reprises pour 15 cures radicales (15%). Ces
effets indésirables, parfois multiples chez un même patient, étaient mineurs dans 16 cas
(94%).
Ils n’ont pas empêché la poursuite du traitement. Parmi ces effets indésirables, des douleurs
abdominales sont survenues chez des patients traités à la posologie de 15, 30 et 45 mg/jour
respectivement. Deux patients ont présenté des réactions allergiques mineures (prurit,
éruption transitoire).
Un seul effet indésirable grave (1%) à type d’urticaire généralisée a été constaté au cinquième
jour de traitement chez un patient traité à la posologie de 30 mg/j. L’évolution a été favorable
après l’interruption du traitement (annexe 14).
47
Tableau 15 : Effets indésirables mineurs
P. vivax P. ovale Nombre
Effets indésirables 15mg 30mg / (45mg) 15mg total
- Nausées 1 1 2
- Vomissements 0
- Douleurs abdominales 1 (1) 1 3
- Anorexie, troubles du transit 2 1 3
- Céphalées 2 2
- Vertiges 1 1
- Troubles psychiatriques 0
- Toux 0
- Asthénie 3 3
- Eruption cutanée bénigne 1 1
- Prurit 1 1
Tolérance biologique
Aucune anémie hémolytique n’a été constatée chez les 59 patients qui ont eu un dosage
d’hémoglobine à l’issue de la cure radicale (J15). Aucune plainte fonctionnelle pouvant être
en rapport avec une méthémoglobinémie symptomatique n’a été rapportée.
48
6. DISCUSSION
6.1. Modalités d’utilisation de la primaquine dans les armées
En France, les paludismes à P. vivax et P. ovale caractérisés par la possibilité d’accès de
reviviscence sont responsables d’une morbidité sous-estimée. Cette problématique concerne
essentiellement trois groupes de populations : les voyageurs, les militaires et les résidants de
la Guyane Française où P. vivax endémique, est en progression constante [43,44]. La
possibilité d’un traitement radical par la primaquine est méconnue et peu utilisée comme en
témoigne le faible nombre d’ATU (environ 50) délivrées chaque année en France et les
données de surveillance [56]. Au sein des hôpitaux militaires sensibilisés à l’utilisation de la
primaquine, les deux centres de référence de prise en charge des maladies infectieuses ont
constitué des terrains privilégiés d’observation qui permettent de dresser les constatations
suivantes :
Indication
Dans notre étude la primaquine est réservée uniquement au traitement radical des accès de
reviviscence documentés à P. vivax ou P. ovale. Ces habitudes de prescription sont conformes
aux recommandations de l’ATU qui préconisent un traitement de 15mg/jour après la survenue
d’une première reviviscence. Elles sont également en accord avec l’OMS qui préconise un
traitement de 0,25mg/kg/jour (soit 15mg/jour pour un patient de 60kg) pour les infections à P.
vivax acquises en dehors de l’Asie du Sud-Est [87]. Cette attitude d’expectative s’explique par
le caractère variable des reviviscences après un premier accès palustre à P. vivax (de 15% en
Inde à 100% en Nouvelle Guinée) [60]. En écho aux recommandations internationales, à
compter de 2008, onze patients ont reçu une cure radicale dés l’accès de primo-invasion à P.
vivax. [19, 38, 50, 79].
Latence thérapeutique
Le délai moyen écoulé entre les symptômes liés au premier accès et la première cure radicale
de primaquine était environ de 142 jours (extrêmes 1 - 769). La cure radicale était administrée
plus d’un mois après le dernier traitement schizonticide chez deux tiers des patients infectés
par P. vivax et chez 61 % des sujets infectés par P. ovale. Plusieurs facteurs expliquent ce
retard thérapeutique:
49
- L’ignorance de cette molécule par les patients et les praticiens (urgentistes en particulier)
- L’usage uniquement hospitalier de la primaquine lié à l’absence d’autorisation de mise sur
le marché (AMM) en France justifiant une demande d’ATU.
- La crainte d’une anémie hémolytique par les praticiens peu habitués à manier une
molécule considérée comme ancienne et toxique.
- La nécessité de disposer d’un dosage de G6PD pour instruire la demande administrative
d’ATU auprès de AFSSAPS ce qui retarde d’autant l’accès à la molécule
Posologie
Le schéma standard de primaquine (dose totale 210 mg) a été utilisé systématiquement pour
les infections à P. ovale. La dose totale moyenne de primaquine rapportée au poids était de
2,7mg/kg. Concernant les infections à P. vivax, il a été proposé à 65 patients naïfs de
primaquine. La dose totale moyenne de primaquine rapportée au poids était de 3,5mg/kg.
Seuls trois patients ont reçu une dose totale supérieure ou égale à 6mg/kg comme cela est
préconisé par les recommandations internationales de 2006. A compter de 2008, les patients
en échec d’une première cure à 210 mg ont bénéficié d’un schéma thérapeutique à 420 mg.
A l’inverse des recommandations de certains auteurs qui préconisent un traitement synchrone
[38], dans notre étude, la cure radicale a été administrée à distance du dernier traitement
schizonticide. Cette pratique ne semble pas avoir influencé défavorablement les résultats
comme nous le verrons plus loin au chapitre efficacité.
Au total, on observe globalement un respect des règles de l’ATU nominative, un recours
tardif à la primaquine et l’administration d’une dose sous-optimale en regard des
recommandations internationales de 2006.
6.2. Efficacité de la primaquine
6.2.1. Plasmodium vivax
Dans notre étude, l’efficacité de la cure radicale de primaquine non supervisée, s’est révélée
satisfaisante. Parmi les patients traités, 89,7% ont été considéré comme guéris avec un recul
évolutif moyen de 51 semaines, plus de deux fois plus important que la majorité des études
publiées [61]. Concernant P. vivax, le taux de succès de 87.7% en « intention de traiter » de
la cure radicale de primaquine standard (dose totale 210 mg) est superposable aux données
rapportées par Jelinek et al qui rapporte un taux de succès de 87.5% avec un recul évolutif de
18 mois et un délai moyen de survenue de rechute de 110 jours après la prise de primaquine
50
chez des voyageurs allemands [45]. Ces résultats sont également proches des constatations de
Elliot et al qui retrouve un taux d’échec de 9% sur une population de 32 voyageurs australiens
[30]. Ces résultats sont supérieurs à ceux décrits respectivement chez des voyageurs
australiens au retour de Papouasie Nouvelle Guinée (taux d’échec 16,6%) et des militaires
américains au retour de Somalie (43%) [61]. Il faut toutefois préciser la difficulté de
comparer ces études non supervisées réalisées sur des populations différentes infectées par
des souches plasmodiales d’origines très diverses.
Contrairement aux nombreux travaux qui ont souligné le rôle majeur de la dose totale de
primaquine administrée par rapport au poids, dans notre étude, le ratio dose totale de
primaquine/poids n’était pas significativement différent dans le groupe des patients en échec.
Ce résultat qui doit être tempéré par le faible effectif suggère le rôle potentiel d’autres
facteurs de rechute tels que les caractéristiques intrinsèques des souches plasmodiales
(virulence, résistance) [7, 39, 61]. Dans notre travail, la seule variable significativement
associée aux rechutes était un temps de latence bref au retour. L’influence potentielle de cette
variable a été également soulignée dans une étude conduite au Brésil (Amazonie) qui a mis en
évidence le rôle associé des variables suivantes : latence brève, sexe féminin, parasitémie
initiale [61].
Parmi les patients infectés en Guyane, l’efficacité du schéma standard (n=57) de primaquine a
été estimée à 89,5%. Faute de données chez le voyageur, nous pouvons la comparer avec la
seule étude réalisée en Guyane Française qui retrouvait une efficacité de 95,3% avec un recul
évolutif de 3 mois. Cette étude réalisée dans une zone endémique présentait cependant deux
limites importantes : un nombre élevé de perdus de vue et un recul évolutif moyen de 3 mois
insuffisant pour prendre en compte les rechutes tardives qui ont été diagnostiquées avec un
délai moyen de 6 mois dans notre série. D’autres études réalisées en Amérique du Sud [61]
avec un traitement standard montrent une efficacité comprise entre 82,4% et 93,3%.
Parmi les patients traités à double posologie (dose totale 420 mg), le taux de succès de 95%
retrouvé dans notre effectif est comparable aux données de la littérature. Il suggère une
efficacité supérieure de ce schéma par comparaison au schéma standard. Cependant, il faut
préciser que sept traitements ont été délivrés dès l’accès de primo-invasion (Soudan 1,
Guyane 6).
51
6.2.2. Plasmodium ovale
En accord avec les données de la littérature où seules quelques observations d’échecs du
schéma standard de primaquine ont été rapportées, notre étude confirme la sensibilité des
diverses souches de P. ovale à la primaquine [15].
6.3. Tolérance de la primaquine
Notre étude confirme la bonne tolérance de la primaquine comme l’atteste la très faible
incidence des effets indésirables graves (un épisode d’allergie sévère à manifestation cutanéo-
muqueuse à la posologie de 30mg/j). Le taux de 15% d’effets indésirables mineurs retrouvé
est comparable à ceux de la littérature, voire inférieur à celui des antimalariques couramment
utilisés en traitement curatif [10,74]. En revanche, dans notre série, le faible effectif de
patients traités à double dose (420 mg) ne permet pas de tirer de conclusions sur le caractère
dose-dépendant des effets indésirables. Contrairement aux pratiques usuelles dans certaines
régions endémiques, la recherche systématique d’un déficit en G6PD imposée en France par
l’AFSSAPS est un élément de sécurité comme en témoigne l’absence d’hémolyse constatée
chez nos patients.
6.4. Limites de l’étude et extrapolation des résultats
Ce travail présente les limites d’une étude rétrospective (biais de mémorisation). La
population des patients pris en charge dans les deux centres référents est comparable aux
données nationales et internationales sur le paludisme en terme d’âge (moyenne = 31 et 32,2
ans). Le sex-ratio hommes/femmes est différent avec une prédominance d’hommes, de 9 dans
notre étude versus 2 au niveau national, et s’explique par le recrutement de militaires [23].
En ce qui concerne le lieu d’acquisition du paludisme, notre étude se distingue par la
prédominance de cas importés de Guyane Française (P. vivax) et de Côte d’ivoire (P. ovale)
qui correspondent aux missions permanentes de l’armée française dans ces régions du monde.
La durée d’exposition (161 jours dans notre population contre 34 jours au niveau national) est
à rapprocher de la nature des séjours (missions militaires) classiquement associés à une durée
plus importante. Cette durée d’exposition longue explique d’ailleurs la fréquence des
symptômes outre-mer rapportés chez près de la moitié des patients. La durée écoulée entre les
premiers symptômes et le diagnostic est plus brève que celle rapportée au niveau national
probablement du fait du suivi médical spécifique des militaires et de la sensibilisation des
52
médecins militaires au paludisme [23].
Concernant l’efficacité de la cure radicale de primaquine, nos données sont comparables aux
études réalisées chez les voyageurs avec un suivi clinique prolongé et un appel téléphonique
à distance des patients qui a permis d’éliminer une éventuelle rechute tardive.
En raison de la prédominance des infections à P. vivax, les résultats de notre étude sont
surtout pertinents pour des séjours en Guyane ou en Amérique du Sud. En revanche, les
données de tolérance sont extrapolables à une population de voyageurs sains.
6.5. Recommandations dans les armées
6.5.1. Cure radicale
Indication
Les résultats de notre étude plaident en faveur d’un élargissement de la cure radicale de
primaquine dans les armées. En effet, l’administration d’une cure de primaquine dès le
premier accès palustre présente deux avantages évidents. D’une part, la réduction de la
morbidité individuelle liée aux reviviscences, d’autre part une limitation de la perte de
capacité opérationnelle due aux indisponibilités des militaires. En effet, considérant
qu’environ 47% des patients infectés en Guyane par P. vivax font des accès de reviviscences,
qu’un patient présente en moyenne 3,4 accès avant traitement, que l’efficacité de la
primaquine en traitement standard est de 88,7%, et qu’un accès palustre implique 4,6 jours
d’indisponibilité : le gain à espérer d’une cure radicale dès le premier accès au retour de
Guyane est d’environ 530 jours d’indisponibilités pour 100 patients infectés, soit l’équivalent
du temps de travail de 2 hommes à temps plein pendant 1 an.
Choix du schéma thérapeutique
En terme de modalités d’emploi, plusieurs facteurs concourent à l’adoption d’une cure
radicale de 30mg/j de primaquine pendant 14 jours (dose totale 420 mg).
- La fréquence des échecs de la primaquine en traitement standard (10,5% dans nos
résultats chez les patients au retour de Guyane ou la résistance est peu documentée) sur les
souches guyanaises majoritaires dans les armées.
- Les recommandations internationales de 2006 qui préconisent désormais d’augmenter les
doses à la posologie de 6mg/kg en dose totale quelle que soit la région de contamination
[19, 38, 79].
53
- L’excellente tolérance du schéma à dose totale de 420 mg indépendamment de la durée
nécessaire pour obtenir la dose totale adéquat, favorisée par une prise au cours des repas
[38]
- Enfin, il ne faut pas négliger l’aspect réglementaire et l’intérêt d’une prescription
homogène et standardisée susceptible d’être plus facilement appliquée par les praticiens.
Si le schéma à 420 mg en dose totale dès l’accès de primo-invasion n’est pas discutable pour
P. vivax, concernant P. ovale, les questions du moment idéal d’administration et de la
posologie optimale ne sont pas consensuelles comme en témoignent les recommandations
internationales divergentes [19, 38, 50, 79, 87]. En effet, pour P. ovale la probabilité de
rechute dix fois inférieure à celle de P. vivax et la bonne sensibilité à la primaquine font
discuter l’intérêt d’un traitement systématique dés le premier accès. A contrario, en milieu
militaire, le souci de préserver la capacité opérationnelle peut justifier une cure radicale
précoce en regard des difficultés diagnostiques et de l’importance de l’indisponibilité (9 jours
par accès versus 5 jours par accès pour P. vivax) due à cette espèce plasmodiale.
Place de la recherche du déficit en G6PD :
La stratégie de cure radicale de primaquine impose idéalement la connaissance préalable du
statut en G6PD des patients. Compte tenu du coût de l’examen, et du caractère uniquement
potentiel de l’infection à Plasmodium vivax ou ovale, il ne parait pas justifié ni coût-efficace
de réaliser la recherche du déficit en G6PD chez tous les militaires dès l’incorporation. La
question se pose pour tous les sujets se rendant en zone d’endémie palustre (40000 hommes
par an). En l’état actuel, ce dosage de l’activité en G6PD apparaît pertinent lors de la mise en
condition sanitaire de militaires se rendant en Guyane pour une mission de courte durée de
plus d’un mois ou un séjour prolongé. Afin d’évaluer les différentes stratégies, un groupe de
réflexion du Service de Santé des Armées a été mis en place en 2008 et des propositions
concrètes sont attendues en 2009.
Proposition d’un circuit de prise en charge : Circuit Hôpital d’Instruction des Armées –
Services Médicaux d’Unité
Le mode de délivrance (ATU nominative) de la primaquine impose une délivrance
hospitalière. L’optimisation de la prise en charge précoce repose donc sur l’organisation d’un
protocole HIA –SMU (Hôpitaux d’Instruction des Armées – Services Médicaux d’Unité) dont
nous présentons les principales étapes (figure 12)
54
Figure 12 : Coopération entre SMU et HIA
- Devant toute suspicion de paludisme, le médecin d’unité (médecin traitant) adresse le
patient aux urgences d’un hôpital afin de réaliser le diagnostic parasitologique (frottis,
goutte épaisse, QBC) en urgence (résultat disponible dans les deux heures).
- Le diagnostic de paludisme étant posé, il supervise le traitement ambulatoire schizonticide
de l’accès.
- En cas de diagnostic d’espèce à P. vivax ou P. ovale il pose l’indication de la cure radicale
et demande confirmation à un référent en maladies infectieuses.
- Ensuite, le médecin traitant vérifie l’absence de contre-indication (grossesse en
particulier), planifie la recherche du déficit en G6PD nécessaire à la rédaction de la
demande d’ATU (formulaire cerfa 10058601, Annexe 11) et fait parvenir le résultat par
fax au spécialiste hospitalier. Le formulaire complété par le pharmacien est adressé à
l’AFSSAPS bureau des ATU.
- Après accord de l’AFSSAPS, la délivrance nominative de la primaquine est réalisée lors
d’une consultation spécialisée hospitalière au cours de laquelle une fiche d’information
spécifique est remise au patient. (Annexe 15)
- Les comprimés de primaquine (420 mg dose totale, soit 56 cps à 7,5 mg) sont délivrés par
la pharmacie à usage intérieur (PUI) de l’HIA de rattachement.
- Le suivi clinique et biologique est ensuite organisé par le médecin traitant (SMU),
l’exemption de sport ou un congé maladie seront délivrés à l’appréciation des praticiens.
55
- Aucun examen biologique n’est obligatoire, la réalisation d’un hémogramme en fin de
traitement associé à un frottis sanguin un mois après la cure de primaquine est la règle. A
distance la récidive de fièvre dans les six mois justifie la réalisation d’un frottis sanguin en
urgence et une consultation spécialisée urgente afin de documenter un échec de la
primaquine (biologie moléculaire).
Pharmacovigilance
En cas de survenue d’un évènement indésirable grave, celui-ci doit être déclaré par le
médecin traitant et/ou le spécialiste à l’aide du formulaire adhoc. Une fiche de surveillance
épidémiologique spécifique H11 doit être rédigée parallèlement et adressé au département de
santé publique (DESP). Un signalement doit être adressé dans les meilleurs délais à
l’AFSSAPS.
6.5.2. PART (Presomptive AntiRelapse Therapy = prophylaxie terminale)
Dans les armées françaises, une autre stratégie pourrait être envisagée, il s’agit de la
prophylaxie terminale utilisée par les armées américaines et australiennes [30,38]. Cette
stratégie qui consiste en l’administration systématique d’une cure radicale de primaquine
(après élimination d’un déficit en G6PD) pourrait être ciblée aux personnels ayant séjourné
dans des régions où le risque d’infection est important : durée d’exposition longue (plusieurs
mois), exposition intense au vecteur (activités en rivières tropicales où la densité en anophèles
infestées est élevée). Concernant la Guyane, siège de bouffées épidémiques récurrentes la
primaquine pourrait ainsi être administrée pour l’ensemble d’une section ou d’une compagnie
lorsque un nombre significatif de cas y est détecté pendant le séjour par la surveillance
épidémiologique. Cela permettrait d’éviter des accès palustres au retour. L’administration se
fait classiquement pendant les 15 derniers jours de la chimioprophylaxie comme cela est
figuré en annexe. (Annexe 7).
6.6. Recommandations du Haut Conseil de la Santé Publique du 17 octobre 2008
Pendant la fin de la rédaction de cette thèse le Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP) a
émis des recommandations relatives à l’élargissement des prescriptions de la primaquine en
France (17 octobre 2008) [36]. Elles viennent compléter nos réflexions en milieu militaire en
proposant une cure radicale de primaquine d’emblée dès le premier accès à P. vivax ou P.
ovale à la posologie unique de 420 mg en dose totale indépendamment de la région de
contamination. En accord avec la réglementation nous les diffusons dans leur intégralité.
58
7. CONCLUSION
Dans notre étude, les contraintes réglementaires de l’autorisation temporaire d’utilisation sont
à l’origine d’une administration tardive de la cure radicale de primaquine en métropole. Le
schéma posologique de primaquine recommandé apparaît sous optimal en regard des
recommandations internationales. L’efficacité du traitement standard est satisfaisante sur les
souches de P. vivax provenant de Guyane Française et remarquable sur les souches de P.
ovale. Ces résultats pourraient être améliorés par l’utilisation d’une dose totale de 6mg/kg de
primaquine. Sous réserve du respect des contre-indications (déficit en G6PD), la tolérance est
excellente. En accord avec les recommandations du HCSP, l’élargissement de la cure radicale
de primaquine à la posologie de 30mg/j pendant 14 jours dès le premier accès devrait
diminuer la morbidité due aux accès de reviviscence dans les armées et chez les voyageurs.
59
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65
ANNEXE 1
RISQUE DE PIQURE PAR ANOPHELE AU COURS DU CYCLE JOURNALIER
Vêtements
couvrants
Vêtements
couvrants Moustiquair
e
Vêtements
couvrants
Risque
anophélien
Crépuscule Jour Jour 1ère Heure
du jour
Nuit Aurore
66
ANNEXE 2
REPARTITION DE LA CHLOROQUINO-RESISTANCE POUR P.VIVAX [67]
Répartition de la Chloroquino-résistance pour P.vivax :
Publications rapportant des échecs après traitements par chloroquine en monotherapie (25 mg
base/kg jusqu’à 1,55g pendant 3 jours):
- Etoiles blanches : Etude clinique, > 10% de recrudescence dans les 28 premiers jours
- Etoiles noires : Série de cas, < 5% de recrudescence dans les 28 premiers jours
- Cercles noirs : Absence de recrudescence dans les 28 premiers jours (après 2000)
67
ANNEXE 3
A/ IMPORTANCE DU RISQUE D’INFECTION A P.VIVAX DE LA POPULATION EXPOSEE
[35]
Importance du risque d’infection à P.vivax : les grandeurs sont modifiées en fonction du taux
national de population à risque de développer un paludsime à P.vivax.
B/ PALUDISME D’IMPORTATION A P.VIVAX EN EUROPE PAR (TROPNETEUROP) [56]
68
ANNEXE 4 :
DONNEES EPIDEMIOLOGIQUES DU CNR EN 2006 [41]
Délai de diagnostic (en jours) par rapport à la date de retour de la zone d’endémie en fonction
de l’espèce plasmodiale en 2006
70
ANNEXE 6
SYNTHESE DE DEUX EPIDEMIES EN GUYANE EN MILIEU MILI TAIRE
[81, 12]
Date de l’épidémie Janvier 2005 Octobre 2007
Participation séance d’éducation sanitaire - 94%
Durée d’exposition 108 jours 4 mois
Site d’infection présumé en Guyane Sikini (Oyapock) Camopi
Taux d’attaque 25% 16,7%
Taux d’incidence (pour 100 hommes/mois) 13 4,4
Nombre de patients infectés / effectif 5 / 40 17/114
Au moins 1 accès de reviviscence 5 (100%) 9 (53%)
1er accès (zone d’endémie / 1er mois / après 1er mois) - 1/3 – 1/3 – 1/3
73
ANNEXE 9
REPARTITION MONDIALE DU DEFICIT EN G6PD SELON L’OMS [62]
- En Afrique le variant A- est le plus fréquent dans les régions endémiques à P. vivax et P.
ovale, l’activité résiduelle de ces patients est supérieure à 10% [61]. Ils peuvent bénéficier
d’une cure radicale par primaquine en milieu spécialisé : ils tolèrent bien un traitement de 45
mg/semaine en association avec un prise hebdomadaire de chloroquine jusqu’à
l’administration d’une dose/poids adaptée. Avec ce schéma on rapporte une baisse de
l’hémoglobine entre 0,5 et 2,5 g/dl.
- Les variants en Europe du Sud et dans le sous continent Indien (Variant B- le plus fréquent)
ont un déficit le plus souvent plus prononcé : activité résiduelle < 10%. [61] Le variant B-
présente une très mauvaise tolérance à la primaquine: pour 16 patients traités on dénombre 7
anémies hémolytiques, 5 transfusions, 2 insuffisances rénales aigues, 1 dialyse péritonéale
[38].
- En Asie du Sud-Est 10% de la population présente un déficit en activité G6PD. Le variant
mahidol est le plus fréquent. Chez ces patients l’administration d’un traitement standard
provoque une hémolyse modérée ne nécessitant pas de transfusion [61].
74
ANNEXE 10
CINETIQUE DES RECRUDESCENCES ET DES REVIVISCENCES EN FONCTION
DU PROFIL DE RESISTANCE A LA CHLOROQUINE
(a) Rechutes après quinine (demi-vie courte) : reviviscences précoces.
(b) Rechutes après chloroquine (demi-vie longue) : recrudescences en cas de chloroquino-
résistance (en rouge) avant 14 jours, reviviscences différées après 28 jours pour les souches
sensibles (en violet) après 28 jours.
La chloroquine qui a une demi-vie longue inhibe les accès de reviviscence 1 mois pour les
souches sensibles. Avec la quinine qui à une demi-vie courte la majorité des reviviscences
surviennent avant 35jours, c’est donc le traitement de choix pour les études sur les
reviviscences.
:
76
ANNEXE 12
TABLEAU DE RECUEIL DE DONNEES
renseignements médico-administratifs
Date n°ATU nom prénom régiment si militaire téléphone Adresse civile
Patient
âge sexe Poids Type de voyageur déficit G6PD
(année)
M = 1
F = 0 (Kg)
Migrant=1 militaire = 4
touriste=2 expatrié = 0
travailleur=3
Oui = 1
Non = 0
voyage(s) en zone d'endémie:
type d'accès nombre d'accès palustre région d'importation durée d'exposition
- cure initiale = 1
- rechute sous
primaquine = 0
en comptant le premier
accès P.vivax ou P.ovale
et les reviviscences:
Afrique=1
Asie du sud est=2
Amerique du Sud=3
autre = 0 (jours)
Symptômes
outre-mer latence au retour délai de PEC chimioprophylaxie
Oui = 1
Non = 0
Délai entre le retour et
l'apparition des
symptômes
en jours
Délai entre les
symptômes et la
consultation
en jours
Absence =0
Chloroquine=1
Savarine=2
Mefloquine=3
Doxycycline=4
Malarone=5
Autre =6
Espèce
plasmodiale co-infection traitement du dernier accès
P. vivax=1
P. ovale=0
Absence = 0 P. Vivax=3
Falciparum=1 P. Ovale=4
Malariae=2
Chloroquine=1 Quinine=4
Mefloquine=2 Autre=5
Malarone=3
77
PRIMAQUINE
posologie/prise durée dose-totale délai après traitement schizonticide dose poids
(mg) (jours) (mg) (jours) - 0 si traitements synchrone mg/kg
Tolérance / retentissement:
hospitalisation arrêt de travail
Oui = 1
Non = 0
durée
en jours
Oui = 1
Non = 0
durée
en jours
effets indésirables
Digestifs
Absence = 0
nausées = 1
vomissements = 2
douleur abdominale = 3
autres = 4
Neurologiques
Absence = 0
céphalées = 1
vertiges = 2
troubles psychiatriques = 3
autres = 4
Hématologiques:
Absence = 0
anémie clinique = 1
autres = 2
effets indésirables
effets indésirables cliniques autres:
* pas d'effets indésirables = 0
* toux = 1
* autres que digestifs, neurologiques,
hématologiques, et toux = 2
Biologiques:
absence d'anomalie = 0 neutropénie = 3
anémie hémolytique = 1 leucocytose = 4
methémoglobinémie = 2
Evolution
durée du suivi
post-primaquine rechute à distance délai de rechute
observance
déclarée
(semaine)
Oui = 1
Non = 0
délai entre rechute et traitement
par primaquine (jours)
Oui = 1
Non = 0
78
ANNEXE 13
DETAILS DES REGIONS D’IMPORTATION
Paramètres
Population
totale P.vivax P.ovale
Nombre de patients 93 80 13
Pays d’importation
- Guyane 70 (75%) 70 (87%) 0
- Cote d'ivoire 13 (14%) 1 12 (92%)
- Cameroun 1 1 0
- Mauritanie 1 1 0
- Madagascar 1 1 0
- Inde 1 1 0
- Comores 1 1 0
- Cambodge 1 1 0
- Indonésie 1 1 0
- Ouganda 1 0 1
- Soudan 1 1 0
- Afghanistan 1 1 0
80
ANNEXE 15
FICHE DE RENSEIGNEMENTS PRIMAQUINE
Hôpital d’Instruction des Armées Bégin
Service des maladies infectieuses et tropicales
Fiche d’information patient sur la cure radicale de primaquine
Les paludismes
Le paludisme est une infection due à un parasite transmis à l’homme par les moustiques lors d’un séjour en pays
tropical. Il en existe plusieurs espèces.
� Plasmodium falciparum est l’espèce la plus fréquente, la plus grave car elle peut conduire à la mort en
l’absence de traitement, mais elle ne rechute jamais.
���� Plasmodium vivax et Plasmodium ovale sont des espèces plus rares et moins dangereuses que Plasmodium
falciparum, mais ont la capacité de rechuter sous forme d’accès fébrile de façon imprévisible et prolongée
pendant plusieurs années (2 à 4 ans).
Vous souffrez d’un paludisme à rechutes à Plasmodium vivax ou à Plasmodium ovale
Ceci est dû à l’existence de formes « dormantes » du parasite dans le foie. Elles sont inaccessibles aux
traitements classiques des accès de paludisme et peuvent se transformer secondairement pour passer dans le
sang, entraînant des nouveaux accès de fièvre. Ces accès, parfois plus d’un par mois, sont invalidants pour la vie
quotidienne et professionnelle. Exceptionnellement, ils peuvent être responsables de manifestations sévères
(rupture de rate).
Pourquoi vous faut-il un traitement par PRIMAQUINE ?
Le traitement des rechutes est indispensable, pour interrompre la fièvre, mais il n’évite jamais les rechutes
ultérieures. La PRIMAQUINE est le seul médicament efficace et disponible en France pour éliminer les formes
dormantes de Plasmodium vivax ou Plasmodium ovale.
Comment prescrit-on la PRIMAQUINE en France ?
Votre médecin spécialiste peut décider de vous traiter par PRIMAQUINE dès votre première rechute. Ce n’est
pas une prescription d’urgence. Le médicament n’est pas disponible en pharmacie d’officine. Ce médicament
doit être importé de Grande-Bretagne sur commande de l’équipe de votre hôpital. Votre médecin spécialiste
rédige une demande spéciale d’autorisation temporaire d’utilisation (ATU) auprès de l’Agence Française du
Médicament (AFSSAPS) Il y explique votre situation médicale, les doses envisagées et l’absence de contre-
indications. Ce n’est que quand l’accord est obtenu (en quelques jours) que le traitement est délivré par la
pharmacie de l’hôpital.
Quelles sont les précautions avant la prise du traitement par PRIMAQUINE ?
Ce médicament ne peut pas être utilisé si vous y avez déjà présenté une allergie (exceptionnel), ni si vous avez
une maladie des globules rouges appelée « déficit en glucose-6-phosphate deshydrogénase (G6PD) ou
81
« favisme ». Cette anomalie génétique sera recherchée systématiquement (dosage sanguin réalisé en dehors
d’une crise) avant la délivrance du produit. L’utilisation de la primaquine est également déconseillée en cas de
grossesse ou d’allaitement.
Comment se déroule une cure de PRIMAQUINE ?
Vous devrez prendre chaque jour à la même heure de deux à quatre comprimés de 7,5 mg selon votre poids et
l’origine de la contamination, lors d’un repas, pendant 14 jours.
Y a-t-il des effets secondaires ?
La tolérance du traitement est bonne. Néanmoins, vous pourrez ressentir des troubles digestifs à type de nausée,
de vomissements et de crampes abdominales modérées mais ceci est peu fréquent aux doses prescrites. Le
traitement peut également entraîner une baisse transitoire de vos globules blancs et de vos globules rouges.
Toute fatigue inhabituelle sous traitement justifie que vous preniez contact avec votre médecin pour vérifier par
une prise de sang qu’il n’apparaît pas un effet secondaire exceptionnel comme une destruction excessive des
globules rouges ou l’accumulation d’un métabolite appelé méthémoglobine.
Que faut-il faire pendant le traitement ?
Vivez normalement. Le repos n’est pas obligatoire. En cas de besoin, un emploi sédentaire peut être proposé par
votre médecin d’unité. Il n’y a pas de recommandation standardisée pour la surveillance médicale en France.
Nous proposons un contrôle biologique en fin de cure afin de vérifier l’absence d’anomalies au décours du
traitement. En cas de survenue d’effets indésirables graves ou inattendus, une déclaration sera adressée par les
médecins au centre de pharmacovigilance conformément à la législation en vigueur. Il est important que votre
médecin soit informé si vous n’avez pas pu respecter la prescription (durée raccourcie).
Quelle est l’efficacité de la PRIMAQUINE ?
L’efficacité est excellente, à plus de 95 %. Environ 5 % des patients peuvent ne pas être définitivement guéris
après la première cure ; il s’agit souvent des patients de plus de 80 kgs. Il est alors indispensable de confirmer la
rechute par une recherche de paludisme par frottis. Une ordonnance vous est remise à cet effet en même temps
que celle de la PRIMAQUINE, gardez-la sur vous et en cas de suspicion de rechute, présentez-là à votre
laboratoire. Si la rechute est confirmée, votre médecin spécialiste vous prescrira une nouvelle cure à doses plus
élevées dans le cadre d’une nouvelle demande d’ATU. La guérison définitive est quasi-constante après deux
cures.
Pour joindre le service des maladies infectieuses et tropicales
Secrétariat : 0143985021 aux heures ouvrables ; fax : 0143985279
En dehors des heures ouvrables : SAU 0143985001 (astreinte référent infectiologie)
82
“SERMENT DE GENEVE”
(Association Médicale Mondiale)
Au moment d’être admis au nombre des membres de la profession médicale :
"Je prends l’engagement solennel de consacrer ma vie au service de l’humanité. Je garderai à mes maîtres le respect et la reconnaissance qui leur sont dus, j’exercerai mon art avec conscience et dignité, je respecterai le secret de celui qui se sera confié à moi, même après la mort du patient, je maintiendrai dans toute la mesure de mes moyens, l’honneur et les nobles traditions de la profession médicale, mes collègues seront mes frères, je ne permettrai pas que des considérations de religion, de race, de parti ou de classe sociale viennent s’imposer entre mon devoir et mon patient, je garderai le respect absolu de la vie humaine dès sa conception, même sous la menace, je n’admettrai pas de faire usage de mes connaissances médicales contre les lois de l’humanité. Je fais ces promesses solennellement, librement, sur l’honneur. "
83
ANNEE : 2009
NOM ET PRENOM DE L’AUTEUR : CHAUVIN Vincent
DIRECTEUR DE THESE : Monsieur le Professeur RAPP Christophe
TITRE DE LA THESE :
Cure radicale de primaquine dans les accès de reviviscence à Plasmodium vivax et Plasmodium ovale
Introduction :
Plasmodium vivax et Plasmodium ovale représentent 11% des paludismes d’importation français et 38% des
paludismes notifiés dans les armées. Ces deux espèces caractérisées par la possibilité d’accès de reviviscence sont
responsables d’une morbidité sous-estimée. La primaquine est la seule molécule disponible en France efficace sur
la prévention de ces reviviscences. Peu de données sont disponibles sur les modalités d’utilisation, l’efficacité et
la tolérance de la primaquine (PQ) en métropole.
Objectifs :
Décrire les modalités d’utilisation de la primaquine dans les deux services de référence du Service de Santé des
Armées pour les maladies infectieuses et tropicales et les comparer aux recommandations actuelles et aux
données de la littérature. Evaluer la tolérance et l’efficacité du traitement par primaquine
Matériel et méthode :
Etude rétrospective des patients traités par une cure radicale de primaquine pour une infection documentée à
P.vivax ou P.ovale dans les services de pathologies infectieuses des Hôpitaux militaires Bégin (janvier 2000 - juin
2008) et Lavéran (janvier 2004 - juin 2008). Un déficit en G6PD a été systématiquement éliminé.
Résultats :
Parmi les 94 patients éligibles, 93 patients (hommes 90, femmes 3) d’âge moyen 30,9 ans (extrêmes : 18-59). ont
été inclus. Il s’agissait majoritairement de militaires (n=84). Les 80 cas de paludisme à P.vivax ont été contractés
majoritairement en Guyane Française (87,5%). Les 13 cas de paludisme à P. ovale ont été acquis en Afrique. Le
délai moyen entre l’accès de primo-invasion et la cure radicale de PQ était de 142 jours. Durant cette période le
nombre moyen d’accès était de 3,1 (extrêmes : 1-15) pour P.vivax, 2,7 pour P.ovale. L’indisponibilité par accès a
été chiffrée (P.vivax : 4,6 jours, P.ovale : 7 jours). Un traitement de PQ standard (dose totale 210 mg) a été
administré dans 78 cas (P. vivax 65, P. ovale 13). La posologie totale moyenne de PQ rapportée au poids utilisée
était de 3.5mg/kg. Vingt et un patients ont eu une cure de 420 mg. La tolérance de la PQ était satisfaisante (une
seule interruption de traitement pour allergie cutanée). Chez les 65 patients naïfs, l’efficacité du schéma standard
de PQ était estimée à 89.7% pour P. vivax [8 rechutes documentées dans un délai moyen de 24 semaines
(extrêmes 6-90)] avec un recul évolutif moyen de 51 semaines. Aucun échec n’a été observé pour P. ovale.
Conclusion :
En France, le recours tardif à la primaquine et l’utilisation d’une posologie sous-optimale s’expliquent par le
mode contraignant de délivrance (ATU). Sous réserve du respect des contre-indications la cure radicale de
primaquine apparait efficace et bien tolérée. En accord avec les recommandations du HCSP, l’élargissement de la
cure radicale de primaquine à la posologie de 30mg/j pendant 14 jours dés le premier accès devrait diminuer la
morbidité due aux accès de reviviscence dans les armées et chez les voyageurs.
MOTS-CLES : Primaquine - administration et posologie, Plasmodium vivax, Plasmodium ovale, Paludisme -
traitement médicamenteux, Récidive.
ADRESSE DE L’ UFR : 8, Rue du Général SARRAIL 94 010 CRETEIL CEDEX
84
ANNEE : 2009
NOM ET PRENOM DE L’AUTEUR : CHAUVIN Vincent
DIRECTEUR DE THESE : Monsieur le Professeur RAPP Christophe
TITRE DE LA THESE :
Primaquine radical cure in Plasmodium vivax and Plasmodium ovale relapses
RESUME
Introduction †:
Plasmodium vivax and Plasmodium ovale represent 11% of all French imported malaria cases and 38% of notified
malaria cases in French armed forces. These two species, which are characterized by possible relapses, are
responsible of an underestimated morbidity. Primaquine is the only molecule available in France which is effective
on the prevention of these relapses. Few data is available on the terms of use, efficacy and tolerance of primaquine
(PQ) in metropolitan France.
Objectives :
To describe the utilization conditions of primaquine in the two infectious and tropical diseases departments of
reference of the French health corps and to compare them to current recommendations and literature data. To
evaluate the tolerance and efficacy of primaquine therapy
Methods :
Retrospective study of patients treated by a primaquine radical cure for a P.vivax or P.ovale documented infection
in the infectious and tropical diseases wards of the Bégin and Laveran military hospitals from January 2000 to
June 2008 and January 2004 to June 2008 respectively. G6PD deficiency was routinely ruled out.
Results :
Among the 94 eligible patients, 93 were included (90 males, 3 females) with an average age of 30.9 years (range :
18-59). Most were in the military (n=84). The 80 P.vivax malaria cases were imported mainly from French Guiana
(87.5%). The 13 P. ovale malaria cases were acquired in Africa. The average time between the first acute infection
and the PQ radical cure was 142 days. During this time frame the mean number of relapses was 3.1 (range: 1-15)
for P.vivax and 2.7 for P.ovale. The unavailability per relapse was calculated (P.vivax : 4.6 days, P.ovale : 7 days).
A standard PQ primaquine treatment (210 mg global dose) was administered in 78 cases (P. vivax : 65, P. ovale :
13). Mean global PQ dose brought to weight was 3.5mg/kg. Twenty one patients had a 420 mg cure. PQ tolerance
was satisfying (one treatment interruption for cutaneous allergy). In the 65 naive patients, the efficacy of the PQ
standard regimen was estimated at 89.7% for P. vivax [8 confirmed relapses in a 24 week mean duration (range 6-
90)] after an average follow up of 51 weeks. No failure was observed for P. ovale.
Conclusion :
In France, late administration of primaquine and use of underdosed regimen are due to the restrictive mode of
prescription (Temporary Use Authorization). Providing the respect of contra-indications, primaquine radical cure
seems effective and well tolerated. In agreement with the recommendations of the French High Committee of
Public Health, a larger use of primaquine radical cure at a 30mg/day dose during 14 days upon the first acute
infection would lower the relapses-related morbidity in armed forces and travelers.
Key words: Primaquine, radical cure, Plasmodium vivax, Plasmodium ovale, relapses.
ADRESSE DE L’ UFR : 8, Rue du Général SARRAIL 94 010 CRETEIL CEDEX