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Mec. Ind. (2000) 1, 71–76 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S1296-2139(00)00109-3/FLA Utilisation de l’analyse modale comme marqueur d’endommagement lors d’essais couplés fatigue–choc Thomas Auzanneau, Catherine Froustey *, Jean-Luc Charles, Jean-Luc Lataillade Lamefip–Ensam : laboratoire matériaux endommagement fiabilité et ingénierie des procédés, École nationale supérieure d’Arts et Métiers, esplanade des Arts et Métiers, 33405 Talence cedex, France (Reçu le 5 octobre 1999, accepté le 17 novembre 1999) Résumé — Cette étude consiste à mettre en œuvre une méthode d’analyse mixte, expérimentale (par émission sonore) et numérique, afin de définir un marqueur d’endommagement par analyse modale. Elle se place dans le cadre particulier de chargements couplés fatigue–choc appliqués à un alliage d’aluminium. Cette méthode permet désormais une estimation rapide du niveau d’endommagement atteint lors des pré-chargements en fatigue. Ainsi, il est possible de prévoir les tenues résiduelles au choc d’éprouvettes sollicitées en fatigue. 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS fatigue / choc / alliage d’aluminium / essais couplés / marqueur d’endommagement / analyse modale Abstract Use of the modal analysis as damage indicator for fatigue–impact combined loadings. The aim of this study consists in the development of a mixed (sound emission/numerical) modal analysis method, to define a damage indicator. This is in the particular field of fatigue–impact combined loadings, with application on an aluminium alloy. This method now gives a rapid estimation of damage level reached during fatigue predamage. It is then possible to estimate residual impact behaviour for pretested fatigue specimens. 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS fatigue / impact / aluminium alloy / combined loadings / damage indicator / modal analysis 1. INTRODUCTION Dans le cadre de la caractérisation de l’influence d’une sollicitation de fatigue sur la tenue résiduelle au choc, comme dans toutes les études où l’on opère un pré- endommagement, se pose le problème de sa quantifica- tion. Si les techniques destructives sont riches en infor- mation, elles ne peuvent s’appliquer dans ce cadre puis- qu’elles mettent un terme à la vie de l’échantillon. Le choix d’une technique non destructive est fonction du type d’endommagement à analyser. Lorsque l’endomma- gement est observable notamment sous forme de micro- fissures, son niveau peut être défini à partir de la taille et du nombre de celles-ci [1] ou en fonction, dans la mesure du possible, de leur mode de propagation [2]. Si l’endommagement est difficilement observable, la re- cherche d’indicateur passe par le choix d’une grandeur mécanique : se posent alors les problèmes de sa sensibi- * Correspondance et tirés à part. [email protected] lité à l’endommagement et de la finesse des moyens mis en oeuvre. Les techniques, comme les méthodes ultraso- nores [3] ou par thermographie infrarouge [4], sont adap- tées mais elles ont le désavantage de nécessiter la mise en oeuvre de moyens spécialisés non disponibles dans de nombreux laboratoires. On se propose de développer une méthode mixte, ex- périmentale et numérique, par analyse modale afin de définir un marqueur d’endommagement. Ce choix est dicté par la nature des chargements couplés fatigue–choc mis en oeuvre et par les résultats expérimentaux obte- nus. Compte tenu des dimensions de la structure éprou- vette, on s’est attaché à utiliser une méthode sans contact afin d’éviter toute perturbation due aux différents cap- teurs : on étudie l’énergie sonore rayonnée par l’éprou- vette après excitation. Parmi les paramètres modaux dis- ponibles expérimentalement, la fréquence du 1 er mode de flexion est sélectionnée comme marqueur d’endommage- ment. La modélisation par éléments finis permet de pro- poser une chronologie d’évolution de celle-ci en fonction du niveau d’endommagement et des observations micro- 71

Utilisation de l'analyse modale comme marqueur d'endommagement lors d'essais couplés fatigue–choc

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Page 1: Utilisation de l'analyse modale comme marqueur d'endommagement lors d'essais couplés fatigue–choc

Mec. Ind. (2000) 1, 71–76 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservésS1296-2139(00)00109-3/FLA

Utilisation de l’analyse modale comme marqueurd’endommagement lors d’essais couplés fatigue–choc

Thomas Auzanneau, Catherine Froustey *, Jean-Luc Charles, Jean-Luc LatailladeLamefip–Ensam : laboratoire matériaux endommagement fiabilité et ingénierie des procédés, École nationale supérieure d’Arts et Métiers,

esplanade des Arts et Métiers, 33405 Talence cedex, France

(Reçu le 5 octobre 1999, accepté le 17 novembre 1999)

Résumé —Cette étude consiste à mettre en œuvre une méthode d’analyse mixte, expérimentale (par émission sonore) et numérique,afin de définir un marqueur d’endommagement par analyse modale. Elle se place dans le cadre particulier de chargementscouplés fatigue–choc appliqués à un alliage d’aluminium. Cette méthode permet désormais une estimation rapide du niveaud’endommagement atteint lors des pré-chargements en fatigue. Ainsi, il est possible de prévoir les tenues résiduelles au chocd’éprouvettes sollicitées en fatigue. 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS

fatigue / choc / alliage d’aluminium / essais couplés / marqueur d’endommagement / analyse modale

Abstract —Use of the modal analysis as damage indicator for fatigue–impact combined loadings. The aim of this study consistsin the development of a mixed (sound emission/numerical) modal analysis method, to define a damage indicator. This is in theparticular field of fatigue–impact combined loadings, with application on an aluminium alloy. This method now gives a rapidestimation of damage level reached during fatigue predamage. It is then possible to estimate residual impact behaviour for pretestedfatigue specimens. 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS

fatigue / impact / aluminium alloy / combined loadings / damage indicator / modal analysis

1. INTRODUCTION

Dans le cadre de la caractérisation de l’influence d’unesollicitation de fatigue sur la tenue résiduelle au choc,comme dans toutes les études où l’on opère un pré-endommagement, se pose le problème de sa quantifica-tion. Si les techniques destructives sont riches en infor-mation, elles ne peuvent s’appliquer dans ce cadre puis-qu’elles mettent un terme à la vie de l’échantillon. Lechoix d’une technique non destructive est fonction dutype d’endommagement à analyser. Lorsque l’endomma-gement est observable notamment sous forme de micro-fissures, son niveau peut être défini à partir de la tailleet du nombre de celles-ci [1] ou en fonction, dans lamesure du possible, de leur mode de propagation [2].Si l’endommagement est difficilement observable, la re-cherche d’indicateur passe par le choix d’une grandeurmécanique : se posent alors les problèmes de sa sensibi-

* Correspondance et tirés à [email protected]

lité à l’endommagement et de la finesse des moyens misen œuvre. Les techniques, comme les méthodes ultraso-nores [3] ou par thermographie infrarouge [4], sont adap-tées mais elles ont le désavantage de nécessiter la miseen œuvre de moyens spécialisés non disponibles dans denombreux laboratoires.

On se propose de développer une méthode mixte, ex-périmentale et numérique, par analyse modale afin dedéfinir un marqueur d’endommagement. Ce choix estdicté par la nature des chargements couplés fatigue–chocmis en œuvre et par les résultats expérimentaux obte-nus. Compte tenu des dimensions de la structure éprou-vette, on s’est attaché à utiliser une méthode sans contactafin d’éviter toute perturbation due aux différents cap-teurs : on étudie l’énergie sonore rayonnée par l’éprou-vette après excitation. Parmi les paramètres modaux dis-ponibles expérimentalement, la fréquence du 1er mode deflexion est sélectionnée comme marqueur d’endommage-ment. La modélisation par éléments finis permet de pro-poser une chronologie d’évolution de celle-ci en fonctiondu niveau d’endommagement et des observations micro-

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T. Auzanneau et al.

scopiques y sont associées afin de respecter la physiquedu phénomène. La corrélation expérience-calcul conduità l’estimation d’un volume critique représentatif du ni-veau d’endommagement atteint par l’éprouvette.

2. CONTEXTE PARTICULIER DES ESSAISCOUPLES FATIGUE–CHOC

2.1. Analyse des résultatsexpérimentaux

Les essais couplés fatigue–choc sont réalisés sur un al-liage d’aluminium 2017A T3. En traction quasi-statique,la limite d’élasticité conventionnelle et la résistancemaximale du matériau sont respectivement de 345 MPaet de 465 MPa. La géométrie d’éprouvette à profil toroï-dal privilégie une localisation de l’endommagement parfatigue en fond de tore. Son facteur de concentration decontrainte est proche de 1 (Kt = 1,03). L’état de surface,brut d’usinage, a une rugosité moyenneRa de 0,6µm. Lasurface comporte des rayures dues aux stries d’usinage,parallèles les unes aux autres, et perpendiculaires à l’axede l’éprouvette.

Le pré-chargement en fatigue est réalisé en traction-compression (R = −1) pour des niveaux de contraintesconduisant à des durées d’essais comprises entre 2·105

cycles et 106 cycles. Ce pré-chargement est obtenusur un Vibrophore Amsler en imposant à une éprou-vette un nombre de cycles donné—correspondant à uneprobabilité de rupture sélectionnée—pour un niveau decontrainte donné. Par ailleurs, la vitesse d’impact lors desessais de tenue résiduelle au choc sur une Roue à Inertiea été arbitrairement fixée à 5 m·s−1.

La campagne expérimentale a mis en évidence descomportements macroscopiques particuliers, de typeconsolidé, équivalent vierge et affaibli (figure 1), indé-pendants du mode de pré-endommagement [5]. Le com-portement consolidé est caractérisé par une forte augmen-tation de la limite d’écoulement et de la résistance à latraction (de l’ordre de 50 %). Le comportement équiva-lent vierge signifie que le pré-endommagement n’a pasété suffisant pour entraîner une modification notable dela réponse macroscopique. Le comportement affaibli setraduit soit par une perte de ductilité avec conservationde la résistance à la traction, soit par une dégradation gé-nérale des caractéristiques du matériau.

De plus, lors des observations post mortem au mi-croscope électronique à balayage on observe la présenced’un endommagement surfacique diffus, et ce quel que

Figure 1. Familles de réponse mécanique obtenues lors deschargements couplés fatigue–choc.

Figure 2. Mise en évidence du caractère diffus et multiple dela micro-fissuration lors d’une sollicitation combinée fatigue–choc (la flèche à droite indique la direction de la sollicitation).

soit le type de comportement macroscopique enregistré.Cet endommagement n’est donc pas révélé par la réponsemécanique macroscopique.

L’endommagement correspond à une micro-fissura-tion surfacique diffuse et multiple (figures 2 et 3), ilest le résultat du pré-endommagement par fatigue etn’existe pas pour des éprouvettes sollicitées en tractiondynamique seule. On constate notamment l’ouverture demicro-fissures en phase de propagation initiale. La loca-lisation des micro-fissures au niveau des stries d’usinagene permet pas une quantification de l’endommagementpar l’utilisation d’une variable micro-structurale.

2.2. Cahier des charges du marqueur

Dans le contexte particulier des essais couplés fatigue–choc ou dans celui du couplage choc–fatigue envisagé, le

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Utilisation de l’analyse modale comme marqueur d’endommagement

Figure 3. Sollicitation combinée fatigue–choc, micro-fissurede grande dimension, plus de 300 µm de long (les flèchesindiquent la direction de la sollicitation).

marqueur d’endommagement doit répondre à un certainnombre d’exigences :

– Il doit être suffisamment significatif pour mettre enévidence l’endommagement bien avant la rupture del’éprouvette en fatigue. C’est-à-dire qu’il doit être ca-pable de révéler la présence d’une zone micro-endomma-gée, aussi petite que possible, bien avant le dévelop-pement d’une micro-fissure—et/ou la coalescence desmicro-fissures—en une fissure principale. De même, ildevra révéler au mieux un pré-endommagement par choc.

– Compte tenu des sollicitations combinées que l’onsouhaite mettre en œuvre, il doit être non-destructif.Cet impératif ne permet pas un choix de grandeursmécaniques résiduelles.

– L’idée d’essais couplés fatigue–choc et choc–fatigueconduit à un choix de marqueur indépendant des moyensd’essai. L’éprouvette doit pouvoir être testée quelle quesoit son histoire ancienne et à n’importe quelle étape desa vie.

– La campagne expérimentale mise en œuvre étant re-lativement importante (soit environ 120 éprouvettes pré-endommagées en fatigue pour cette étude) et chaqueéprouvette devant être testée indépendamment des autres(compte tenu de la dispersion du phénomène de fatigue),le marqueur doit être d’un usage simple, rapide et peuonéreux.

L’analyse modale se distingue par son apparente sim-plicité—les moyens sont faciles à mettre en œuvre et peucoûteux—et par son caractère non destructif [6]. Le choixd’une méthode par émission sonore permet d’éviter touteffet de couplage entre le capteur, un sonomètre, et lastructure éprouvette. L’éprouvette excitée par un signal

Figure 4. Spectre vibratoire d’une éprouvette vierge.

à spectre large (impact bref) émet des ondes sonores envibrant selon ses modes propres.

3. MARQUEUR D’ENDOMMAGEMENT

3.1. Processus expérimental

L’éprouvette maintenue par des fils, pour pouvoirconsidérer des conditions limites de type libre–libre,est excitée au moyen d’un marteau instrumenté. Elleémet alors des ondes sonores (énergie sonore rayonnéepar le système vibrant). Un sonomètre (Brüel & Kjaer2230) associé permet de mesurer le niveau de pressionacoustique. Le traitement du signal temporel obtenupermet une étude dans le domaine spectral (figure 4). Lafréquence d’échantillonnage de la chaîne d’acquisition aété optimisée à 50 kHz afin de garantir une résolutionspectrale maximale (±1 Hz) pour la bande de fréquenceétudiée (0−20 kHz).

Le spectre vibratoire de l’éprouvette vierge sert de ré-férence et les variations des paramètres modaux (fréqu-ence, amplitude et amortissement) en fonction du ni-veau d’endommagement atteint sont analysées. La dis-persion matériau étant trop importante pour prendre unspectre moyen comme état de référence, chaque éprou-vette est testée séparément à l’état vierge puis aprèsle pré-endommagement par fatigue. Pour limiter la dis-persion expérimentale, chaque mesure correspond à unemoyenne obtenue sur cinq essais distincts.

Dans les conditions de l’expérimentation, parmi lesparamètres modaux, seule la fréquence des modespropres s’avère être un bon indicateur du niveau d’en-dommagement. Entre une éprouvette vierge et une éprou-vette pré-endommagée en fatigue la chute de fréquenceest conséquente (figure 5) ; elle atteint au moins 35 %

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T. Auzanneau et al.

Figure 5. Influence du pré-endommagement en fatigue sur laréponse spectrale.

dans le cas d’une macro-fissure visible. Par contre l’amor-tissement des modes ne peut être pris en compte, la réso-lution en fréquence ne permettant pas une mesure suffi-samment précise de ce paramètre. Il en est de même pourl’amplitude qui reste trop sensible aux conditions d’im-pact tout en ne montrant que peu de variations entre unétat vierge et un état endommagé.

Parmi les trois modes présents dans le spectre d’uneéprouvette entre 0 et 20 kHz, le mode localisé autourde 2 400 Hz possède la plus grande sensibilité et ladispersion la plus faible (±0,4 Hz soit±0,02 %). C’est lemeilleur indicateur de niveau d’endommagement atteint.Il est alors nécessaire d’identifier ce mode et de corrélerla réponse modale expérimentale à un état endommagénon directement observable. Ceci est obtenu par unemodélisation par éléments finis en analyse modale del’éprouvette.

3.2. Modélisation par eléments finis

La modélisation de l’éprouvette réalisée sur le logi-ciel de calcul par eléments finis Castem 2000 [7] néces-site la définition d’un modèle géométrique ; celui-ci uti-lise des éléments volumiques (4 536 éléments CUB 8).Le maillage a été particulièrement affiné en fond de tore.

Le calcul est effectué avec des conditions aux limites detype libre–libre, sans aucun chargement imposé. Les ré-sultats permettent l’identification des fréquences expéri-mentales : le mode de 2 400 Hz qui nous intéresse estle 1er mode de flexion. Ce résultat est logique, comptetenu du caractère surfacique de la micro-fissuration ob-servée et de l’allure de la déformée. Ce premier calculpermet d’avoir la fréquence de référence pour une éprou-vette vierge.

Il s’agit maintenant d’introduire une zone endomma-gée dans le modèle afin d’estimer son influence sur lafréquence du 1er mode de flexion. La mise en évidenced’une micro-fissuration multiple surfacique (figures 2et 3) nous conduit à définir non pas une micro-fissuremais une zone micro-fissurée. La perte d’intégrité du ma-tériau est modélisée par un matériau continu homogèneéquivalent mais ayant un module d’Young beaucoup plusfaible : au plus 15 % du module du matériau vierge. Lazone endommagée de base notéeVDS correspond à uncube de 1 mm3. Ce choix est conditionné par la lon-gueur maximale de 500µm des micro-fissures obser-vables après leur ouverture par choc.

Le volume de base est introduit au niveau de la sectionla plus faible en fond de tore conformément aux obser-vations surfaciques. Deux évolutions, par pas de 1 mm,sont proposées : l’une dans le sens de la circonférenceet l’autre dans le sens longitudinal (figure 6). La micro-fissuration étant uniquement surfacique, aucun évolutionen profondeur n’est proposée, la profondeur reste bornéeà 1 mm. Dès l’introduction de la zone micro-fissurée debase notéeVDS, on constate une chute de la fréquencede référence. Cette chute évolue de façon continue enfonction de la largueur et en fonction de la hauteur, avecune plus forte sensibilité à la largueur (figure 6). On notel’existence d’un couplage hauteur–largeur de zone micro-fissurée : lorsque la largeur est importante, l’influence dela hauteur devient significative.

Figure 6. Localisation initiale de la zone endommagée, évolutions proposées et résultats de la modélisation.

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Utilisation de l’analyse modale comme marqueur d’endommagement

3.3. Corrélationexpérience–modélisation

La sensibilité de la fréquence du 1er mode de flexionà la micro-fissuration surfacique se retrouve aussi bienexpérimentalement que par la modélisation. La modéli-sation ne permet cependant pas d’atteindre des variationsde fréquence aussi fines que l’expérience. Le volume dezone micro-fissurée reste borné, dans cette gamme destrès faibles variations expérimentales, à la définition deVDS. Au delà de ce seuil, une chute expérimentale de fré-quence peut correspondre à plusieurs volumes différentsdéfinis par différents couples (hauteur, largeur). On choi-sit alors de retenir la valeur minimale du volumeVD pourse placer dans un cadre sécuritaire.

4. DISCUSSION

Expérimentalement, il est possible de classer leséprouvettes en fonction de la chute de fréquence du 1er

mode de flexion. Ce classement correspond à une aug-mentation potentielle de l’endommagement. Il n’y pasde corrélation évidente entre ce classement et les obser-vations microstructurales, ni avec les conditions de pré-endommagement (probabilités de rupture et niveaux decontrainte), les liens sont plus évidents avec les types decomportements macroscopiques rencontrés.

Pour le comportement type équivalent vierge, toutesles éprouvettes sont classées pour moins de 0,90 % dechute expérimentale de fréquence. Pour les comporte-ments de type altéré, il faut opérer une distinction entreune perte de ductilité seule—altéré 1—et une dégradationgénérale importante des caractéristiques mécaniques—altéré 2 [5]. Le comportement type altéré 1 est localisédans le domaine de transition entre 0,15 % et 0,90 %. Lecomportement type altéré 2 est uniquement présent au-delà de 0,90 % de chute de fréquence : ce résultat estconforme aux prévisions compte tenu de la dégradationimportante des caractéristiques mécaniques résiduellesdue au chargement par fatigue.

En pratique avant d’effectuer des essais de tenuerésiduelle au choc sur des éprouvettes pré-endommagéesen fatigue, on peut prévoir, en fonction des réponsesmodales, quelles seront a priori les performances deséprouvettes. Pour des chutes de fréquence inférieuresà 0,15 % toutes les éprouvettes auront un comportementtype équivalent vierge et pour des chutes de fréquencesupérieures à 0,90 %, toutes les éprouvettes auront uncomportement type altéré 2. Pour des chutes de fréquence

TABLEAU IRépartition des états équivalent vierge et altéré en

fonction de la chute de fréquence.

< 0,15% 0,15−0,90% > 0,90%Équivalent vierge 43% 57% 0%

altéré 1 0% 100% 0%altéré 2 0% 0% 100%

dans la zone de transition (0,15−0,90 %), la résistance àla traction des éprouvettes sera garantie mais on pourraobserver une perte de ductilité. En ce qui concerne l’étatconsolidé, nous ne disposons pas de mesures de référencesur éprouvettes vierges. On peut tout de même supposerque cette famille se serait trouvée dans le domaine desfréquences inférieures à 0,90 %.

La corrélation expérience–modélisation permet derelier ces chutes de fréquence expérimentale à un volumeminimum de zone endommagée (figure 7). Pour les essaisréalisés, la limite inférieure de la zone de transitioncorrespond au volume minimum endommagé seuilVDSde 1 mm3 et celui de la limite supérieure à un volumeminimum endommagéVD de 2,2 mm3.

5. CONCLUSION

La méthode proposée afin de définir un marqueurd’endommagement est encourageante et le choix du 1er

mode de flexion est adapté à la physique du phénomènelaquelle correspond, pour l’alliage d’aluminium 2017AT3 étudié, à une micro-fissuration surfacique multipleet diffuse. Cette micro-fissuration n’est en fait révéléequ’après des chargements couplés fatigue–choc.

Expérimentalement la fréquence du 1er mode de flexi-on possède une grande sensibilité à un endommagementsurfacique (non directement observable sur l’éprouvette).Ce paramètre permet un classement des éprouvettes enaccord avec les réponses de tenue résiduelle au choc. Lemodèle proposé, dicté par les observations de la micro-structure, conduit à la définition d’un volume minimumde zone endommagée. La corrélation expérience-calculpermet de relier les différentes valeurs expérimentalesde chute de fréquence à un état potentiel d’endommage-ment.

Dans le cadre de cette étude, la méthode proposée per-met une quantification satisfaisante du pré-endommage-ment par fatigue. Pour répondre complètement au cahierdes charges, elle devra, lors des essais de couplage in-verse choc–fatigue, être révélatrice du pré-endommage-ment par choc. Ce dernier, réparti de façon plus homo-

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Figure 7. Relation entre classement expérimental des éprouvettes et volume minimum de zone endommagée.

gène dans la section de l’éprouvette pourrait être mis enévidence par l’évolution du mode propre de traction.

RÉFÉRENCES

[1] Fougeres R., Aspects microscopiques de l’amorçage de l’en-dommagement par fatigue. Application à la recherche d’indica-teurs, Actes des Journées de Printemps SFMM, Amorçage enfatigue et compteurs de dommages, 1991, Éditions de la Revuede Métallurgie (Paris) 5 (1991) 13–32.

[2] Bataille A., Magnin T., Mesure quantitative de l’endommage-ment en fatigue oligocyclique à partir des mécanismes de crois-sance en surface des micro-fissures, Actes des Journées dePrintemps SFMM, Amorçage en fatigue et compteurs de dom-mages, 1991, Éditions de la Revue de Métallurgie (Paris) 5(1991) 33–44.

[3] Baste S., El Guerjouma R., Audoin B., Effect of microcrackingon the macroscopic behavior of ceramic matrix composites:ultrasonic evaluation of anisotropic damage, Mech. Mater. 14(1) (1992) 15–31.

[4] Luong M.P., Prévision des limites de fatigue des métaux,Contrôle Industriel (1997) S 205.

[5] Auzanneau T., Influence d’un pré-endommagement par fatiguesur la tenue au choc. Application à un alliage d’aluminium2017A T3, Thèse, Ensam Bordeaux, 1999.

[6] Broch J.T., Mechanical vibration and shock measurements, in:The Application of the Brüel & Kjaer Measuring Systems, 2ndedition, 1980.

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