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mise au point | formation OptionBio | mardi 29 octobre 2013 | n° 497 23 Vaccins et grossesse Plusieurs questions se posent concernant la vaccination de la femme enceinte. Quelle est l’efficacité d’une vaccination en cours de grossesse ? Quels sont les bénéfices pour la mère, le fœtus ou le nouveau-né ? Enfin quels sont les risques d’une vaccination en cours de grossesse pour la mère ou le fœtus ? Les objectifs de la vaccination en cours de grossesse sont de protéger la femme enceinte dont l’immunité est modifiée durant cette période, de protéger le fœtus d’éventuelles fœtopathies infectieuses et enfin de conférer une immunité au nouveau-né. La vaccination en cours de grossesse peut, pour le fœtus, présenter un risque tératogène en ce qui concerne les vaccins vivants qui seront de ce fait contre-indiqués. Ce dépistage permet une prise en charge par une équipe spécialisée des femmes séropositives. Grâce à ce dépis- tage prénatal et aux traitements antirétroviraux instaurés en cas de séropositivité de la mère, le taux de transmis- sion mère-enfant du VIH1 est devenu faible en France. Streptocoque B Le dépistage du streptocoque B est recommandé chez la femme enceinte entre 35 et 38 SA. Différentes études ont montré que les protocoles de préven- tion mis en place lors d’un dépistage positif ont un impact sur les infections néonatales précoces bien que l’instau- ration d’un traitement doit toujours être posée en raison La décision de vaccination ne s’accompagne pas exactement des mêmes précautions selon qu’elle se situe avant ou pendant la grossesse. Chez toute femme en âge de procréer, la situation idéale serait de pouvoir faire, avant le début de la grossesse, le point de l’immunisation. Rubéole Cette maladie infantile évolue par épidémies tous les 3 à 10 ans et le risque, pour une femme séronégative, de contracter la maladie existe. En cas de sérologie négative en début de grossesse, une séro- logie (IgG spécifiques +/- IgM) devra être recontrôlée à 20 SA. des conséquences possibles sur l’écologie bactérienne (figure 5). Dépistage non recommandé Cytomégalovirus Bien que le CMV soit la 1 re cause d’infections congénitales dans les pays développés (0,3 à 2 % des naissances), le dépistage de ce virus en France n’est pas recommandé. Les performances variables des tests sérologiques, l’absence de traitement prénatal validé, l’absence de consensus concernant la prise en charge des infections maternelles et enfin les consé- quences négatives d’un dépistage positif (anxiété des parents, augmentation du nombre d’amniocentèses, IMG non justifiées) expliquent l’absence de recommandation. D’après une enquête réalisée en France métropolitaine en 2010, la séroprévalence du CMV chez les femmes âgées de 15 à 49 ans est de 45,6 %. Parmi les femmes séronégatives, celles qui sont le plus expo- sées à contracter une infection à CMV au cours de leur gros- sesse sont celles qui ont des contacts rapprochés avec des enfants d’âge préscolaire (< 3 ans), c’est-à-dire les mères de famille (+++), les personnels des crèches, des services de pédiatrie et de néonatologie ainsi que celles de bas niveau socio-économique. L’amélioration des techniques sérologiques de diagnostic de l’infection maternelle à CMV (recherche de l’avidité des IgG chez les femmes IgM +) pourrait amener à une évolution concernant les recommandations du dépistage du CMV. source D’après une communication de D. Antona (INVS – Saint-Maur). CEMI 18 – Prévention des infections transmises de la mère à l’enfant – Mars 2013. | Figure 5. Évolution de l’incidence des infections néonatales à streptocoque B en France entre 1997 et 2011 (réseau Epibac).

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OptionBio | mardi 29 octobre 2013 | n° 497 23

Vaccins et grossesse

Plusieurs questions se posent concernant la vaccination de la femme enceinte. Quelle est l’efficacité d’une vaccination en cours de grossesse ? Quels sont les bénéfices pour la mère, le fœtus ou le nouveau-né ? Enfin quels sont les risques d’une vaccination en cours de grossesse pour la mère ou le fœtus ?Les objectifs de la vaccination en cours de grossesse sont de protéger la femme enceinte dont l’immunité est modifiée durant cette période, de protéger le fœtus d’éventuelles fœtopathies infectieuses et enfin de conférer une immunité au nouveau-né.La vaccination en cours de grossesse peut, pour le fœtus, présenter un risque tératogène en ce qui concerne les vaccins vivants qui seront de ce fait contre-indiqués.

Ce dépistage permet une prise en charge par une équipe spécialisée des femmes séropositives. Grâce à ce dépis-tage prénatal et aux traitements antirétroviraux instaurés en cas de séropositivité de la mère, le taux de transmis-sion mère-enfant du VIH1 est devenu faible en France.

Streptocoque BLe dépistage du streptocoque B est recommandé chez la femme enceinte entre 35 et 38 SA.Différentes études ont montré que les protocoles de préven-tion mis en place lors d’un dépistage positif ont un impact sur les infections néonatales précoces bien que l’instau-ration d’un traitement doit toujours être posée en raison

La décision de vaccination ne s’accompagne pas exactement des mêmes précautions selon qu’elle se situe avant ou pendant la grossesse.Chez toute femme en âge de procréer, la situation idéale serait de pouvoir faire, avant le début de la grossesse, le point de l’immunisation.

RubéoleCette maladie infantile évolue par épidémies tous les 3 à 10 ans et le risque, pour une femme séronégative, de contracter la maladie existe.En cas de sérologie négative en début de grossesse, une séro-logie (IgG spécifiques +/- IgM) devra être recontrôlée à 20 SA.

des conséquences possibles sur l’écologie bactérienne (figure 5).

Dépistage non recommandé

CytomégalovirusBien que le CMV soit la 1re cause d’infections congénitales dans les pays développés (0,3 à 2 % des naissances), le dépistage de ce virus en France n’est pas recommandé.Les performances variables des tests sérologiques, l’absence de traitement prénatal validé, l’absence de consensus concernant la prise en charge des infections maternelles et enfin les consé-quences négatives d’un dépistage positif (anxiété des parents, augmentation du nombre d’amniocentèses, IMG non justifiées) expliquent l’absence de recommandation.D’après une enquête réalisée en France métropolitaine en 2010, la séroprévalence du CMV chez les femmes âgées de 15 à 49 ans est de 45,6 %.Parmi les femmes séronégatives, celles qui sont le plus expo-sées à contracter une infection à CMV au cours de leur gros-sesse sont celles qui ont des contacts rapprochés avec des enfants d’âge préscolaire (< 3 ans), c’est-à-dire les mères de famille (+++), les personnels des crèches, des services de pédiatrie et de néonatologie ainsi que celles de bas niveau socio-économique.L’amélioration des techniques sérologiques de diagnostic de l’infection maternelle à CMV (recherche de l’avidité des IgG chez les femmes IgM +) pourrait amener à une évolution concernant les recommandations du dépistage du CMV.

sourceD’après une communication de D. Antona (INVS – Saint-Maur).CEMI 18 – Prévention des infections transmises de la mère à l’enfant – Mars 2013.

| Figure 5. Évolution de l’incidence des infections néonatales à streptocoque B en France entre 1997 et 2011 (réseau Epibac).

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24 OptionBio | mardi 29 octobre 2013 | n° 497

B. B

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NN

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La vaccination, chez les mères séronégatives, ne sera pratiquée qu’en post-partum, sous contraception pendant 2 mois.Lors de la rubéole maternelle en cours de grossesse, un risque de fœtopathie existe quand la contamination intervient à < 18 SA (risque plus important encore à < 14 SA) avec des atteintes oculaires (cataracte, microphtalmie, rétinopathie), surdité, malformation cardiaque, microcéphalie et retard mental.Des études ont montré qu’en cas de vaccination « accidentelle » en cours de grossesse, aucun cas (registre de 797 cas) de fœtopathie n’avait été rapporté.

RougeoleMalgré la vaccination mise en place, des bouffées épidé-miques de rougeole sont observées depuis 2010 et le risque de contracter la maladie existe chez la femme enceinte avec une traduction clinique souvent sévère (pneumopathie, hépa-tite, encéphalite, panencéphalite subaiguë sclérosante) (tableau I).Pour le fœtus, en cas de rougeole maternelle, il n’y a pas de risque de fœtopathie mais un risque de mort fœtale in utero (dans les 14 jours qui suivent l’éruption de la mère), de fausse couche et de naissance prématurée dans 20 à 30 % des cas.Une rougeole congénitale peut survenir en cas de rougeole maternelle dans les 10 jours qui précèdent l’accouchement. La maladie est alors plus sévère qu’en cas de rougeole post-natale (risque de PESS x 16).En cas d’exposition au virus rougeoleux, les femmes enceintes non immunisées peuvent recevoir des Ig polyva-lentes dans les 6 jours qui suivent le contage.Hors grossesse, la vaccination doit être pratiquée chez tous les sujets nés après 1980 (2 doses de vaccin trivalent). Chez les personnels de santé et de la petite enfance nés avant 1980 et ayant une sérologie douteuse, une seule dose de vaccin trivalent sera administrée.

VaricelleLe risque de contracter la varicelle en cours de grossesse existe avec une sévérité accrue de la maladie (28 % de pneumopathie surtout en cas de tabagisme et lorsque la varicelle survient au 3e trimestre de la grossesse).Avant 20 SA, le risque fœtal existe également (retard de crois-sance in utero, anomalies des extrémités, anomalies neurolo-giques et oculaires).En cas de varicelle maternelle entre 20 et 36 SA, il peut être observé une varicelle néonatale parfois sévère (30 % de mortalité si varicelle néonatale 3 semaines avant l’accouchement).La vaccination post-exposition est contre-indiquée pendant la grossesse (vaccin vivant atténué). En cas de contage,

la femme enceinte non immunisée pourra bénéficier d’Ig polyvalentes.En pré-conceptionnel ou dans le post-partum, les femmes non immunes peuvent être vaccinées (2 doses de vaccin vivant atténué) sous contraception pendant 2 mois.Aucun effet n’a été rapporté suite à une vaccination « acciden-telle » en cours de grossesse (sur 362 fœtus exposés).

Hépatite BLe vaccin utilisé, composé d‘antigènes de surface, n’a pas de pouvoir infectant et il n’y a aucune contre-indication à cette vaccination au cours de la grossesse.

TétanosDans les pays où le tétanos est une maladie fréquente, la vaccination est possible en cours de grossesse sans respect d’un délai particulier, le vaccin étant composé d’anatoxine tétanique.

Tableau I. Sévérité de la rougeole au cours de la grossesse.

Complications Femmes enceintesN = 58

Femmes non enceintesN = 748 Risque relatif

Hospitalisations 35 (60,3 %) 246 (32,9 %) 1,8

Pneumonies 15 (25,9 %) 73 (9,8 %) 2,6

Décès 2 (3,4 %) 4 (0,5 %) 6,4

Source : Eberhart-Phillips, Obstet Gynecol 1993.

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CoquelucheIl n’y a pas en France de recommandation pour une vacci-nation en cours de grossesse. Le risque d’une coqueluche pendant la grossesse est l’accouchement prématuré mais il n’y a pas de risque fœtal.Aux États-Unis, la vaccination contre la coqueluche est recommandée à partir de 20 SA en l’absence d’immunité chez la femme enceinte pour protéger le nouveau-né.L’objectif de cette vaccination est de réduire les formes néonatales potentiellement mortelles avec formes malignes.En France, la vaccination contre la coqueluche est préconi-sée dès l’âge de deux mois ainsi que dans l’entourage de la femme enceinte et du nouveau-né (conjoint, fratrie, futurs grands-parents si rappel > 10 ans).La vaccination de la femme non immune en période d’allai-tement est également préconisée.

PneumocoqueIl n’y a pas de contre-indication à vacciner en cours de grossesse (vaccin polyoside capsulaire pneumo 23-valent) mais celle-ci n’est pratiquée qu’en cas d’indication précise (immunodépression, asplénie, hépatopathie chronique alcoo-lique, drépanocytose homozygote, VIH, insuffisance respira-toire ou cardiaque).

GrippeAu cours de la grossesse, il est observé une augmentation importante de la morbidité et de la mortalité de la grippe (4 fois plus d’hospitalisations et 4 à 13 % des décès concernent des femmes enceintes, surtout au 3e trimestre de la grossesse).Le risque obstétrical est également majoré (fausse couche, accouchement prématuré, RCIU).Par ailleurs, s’il n’existe pas de risque fœtal, chez le nouveau-né, l’impossibilité de vacciner des nouveau-nés de moins de 6 mois génère une morbidité et une mortalité élevées en cas de grippe chez ce dernier.La vaccination est recommandée chez la femme enceinte depuis février 2012 (vaccin trivalent inactivé, non adjuvanté) quel que soit le terme de la grossesse.La réponse immunitaire au vaccin administré en cours de grossesse est comparable à celle hors grossesse. Le but de la vaccination est de diminuer la morbidité maternelle et surtout de protéger le nouveau-né.

Vaccination et allaitementL’allaitement ne modifie pas la réponse immunitaire maternelle aux vaccins et hormis la fièvre jaune, toutes les vaccinations sont possibles dans le post-partum.

En conclusionLa grossesse est une période favorable à l’information sur la vaccination de la femme et de son entourage de même que la période de post-partum (tableau II). |

Déclaration d’intérêt : l’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

CHANTAL BERTHOLOMProfesseur de microbiologie

École nationale de physique-chimie-biologie – [email protected]

SourceD’après une communication de O. Anselem (Port-Royal – Paris).CEMI 18 – Prévention des infections transmises de la mère à l’enfant – Mars 2013

Tableau II. Recommandations de vaccination.

Vaccination avant la grossesse ou dans le post-partum

Vaccination pendant la grossesse

Vaccination de l’entourage

RubéoleRougeoleVaricelleCoqueluche

GrippeSi indication :DiphtérieTétanosPneumocoqueHépatite B

CoquelucheRougeoleOreillonsRubéole

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