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Valence / Espagne 29 octobre 30 octobre 2015 LABOUR LAW COMMISSION / IMMIGRATION LAW COMMISSION Date de la séance : Vendredi 30 octobre 2015 Employee mobility in the global world Pascal PETREL (Cabinet P&A-Société d’Avocats), 65, rue du Faubourg St Honoré 75008 Paris, France Tel 01.53.30.76.10 / Fax 01.40.06.01.18 [email protected] © UIA 2015

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Valence / Espagne

29 octobre – 30 octobre 2015

LABOUR LAW COMMISSION /

IMMIGRATION LAW COMMISSION

Date de la séance : Vendredi 30 octobre 2015

Employee mobility in the global world

Pascal PETREL (Cabinet P&A-Société d’Avocats),

65, rue du Faubourg St Honoré 75008 Paris, France

Tel 01.53.30.76.10 / Fax 01.40.06.01.18

[email protected]

© UIA 2015

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Préambule

La problématique du détachement de travailleurs à l’international revêt un caractère très actuel

dans la politique de l’emploi non seulement française, mais également européenne, et plus

largement, internationale.

Ce faisant, à l’heure où les dispositifs d’accueil de travailleurs étrangers sont scrutés par le

législateur et les services administratifs du travail comme pouvant constituer des formes de

« dumping social », l’étude de ce sujet apparaît primordiale.

Du point de vue des entreprises, le détachement ou l’expatriation visent les thèmes suivants, qui

seront successivement évoqués par le présent rapport :

→ Aspects de législation de sécurité sociale applicables en matière de détachement /

expatriation ;

→ Contrats de travail de personnel détaché par une société mère française au sein d’une filiale

étrangère ;

→ Clauses de mobilité ;

→ Modalités de rupture du contrat de travail dans le cadre de contrats entre salarié / société-

mère et salarié / filiale ;

→ Compétence juridictionnelle et loi applicable au contrat de travail.

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Thème n°1 : Aspects de législation de sécurité sociale applicables en matière de détachement

/ expatriation

Le système français de rattachement d’un salarié au régime de sécurité sociale national est régi,

d’une part, par le système européen applicable, et d’autre part, par les conventions bilatérales de

sécurité sociale entre la France et des États tiers. Lorsque le détachement ou l’expatriation s’opère

en direction d’un pays hors UE et non signataire d’une convention internationale, le Code de

sécurité sociale français fixe le régime applicable.

Dans le cadre du présent rapport, ne seront bien naturellement présentées que les principales

dispositions afférentes aux détachements communautaires et hors EEE dans des pays n’ayant pas

conclu de convention bilatérale de sécurité sociale avec la France.

Pour information, les pays suivants ont signé des conventions bilatérales de sécurité sociale avec

la France : Algérie, Andorre, Argentine, Bénin, Bosnie-Herzégovine, Brésil, Cameroun, Canada,

Cap-Vert, Chili, Congo, Corée, Côte d'Ivoire, États-Unis, Gabon, Guernesey, Inde, Israël, Japon,

Jersey, Kosovo, Macédoine, Madagascar, Mali, Maroc, Mauritanie, Monaco, Monténégro, Niger,

Nouvelle Calédonie, Philippines, Polynésie française, Québec, Saint-Marin, St-Pierre-et-

Miquelon, Sénégal, Serbie, Togo, Tunisie, Turquie, Uruguay.

Alors que les règles applicables au détachement fixent par principe une durée limitée et en règle

générale, assez courte, permettant le maintien du salarié au régime de sécurité sociale de son pays

de résidence et dans lequel il travaille, l’expatriation implique le plus souvent affiliation au régime

du pays d’accueil et rupture des liens avec le système du pays de départ.

1. Détachement dans un pays de l’Espace Économique Européen

Le détachement dans un pays de l’EEE suit des règles particulières. Il faut appliquer le règlement

communautaire du 14 juin 1971 et les règlements (CE) 883/2004 et 987/2009 permettant d’établir

si un salarié entre dans le cadre du détachement au regard du droit communautaire.

Le salarié ne va cotiser que dans un seul pays en vertu du principe d’unicité. Il faut coupler à ce

principe, le principe de territorialité. Cela signifie que le salarié cotise dans le pays où il travaille

sauf si un texte prévoit une solution contraire. Si le salarié entre dans le cadre du détachement

communautaire alors il pourra ne cotiser que dans le pays où il travaille sinon il devra cotiser dans

les deux pays.

Les règlements communautaires s’appliquent à l’espace économique européen correspondant aux

Etats membres de l’Union Européenne, le Lichtenstein, la Norvège, la Suisse et l’Islande.

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1.1.Conditions du détachement

Les conditions nécessaires à remplir pour établir un détachement au niveau communautaire :

→ La durée du détachement ne doit pas excéder 24 mois. (durée prévue par le règlement de

2004 sur les autres conditions, celles-ci sont prévues par le règlement de 2009)

→ L’Employeur doit avoir un établissement dans lequel il exerce une activité significative,

habituelle dans l’Etat dans lequel le salarié est envoyé.

→ L’employeur et le salarié doivent garder un lien de subordination. Ce lien s'appréciant par

rapport à un faisceau d'éléments, responsabilité en matière de recrutement, de contrat de

travail, de rémunération, de licenciement et pouvoir de déterminer la nature du travail… Ces

critères étant appréciés en tenant compte de la nature réelle des activités exercées par

l'entreprise dans l'Etat d'établissement.

→ Délai de carence à respecter de deux mois entre deux détachements.

→ Le formulaire de détachement doit être demandé avant le départ du salarié hors de France

Le détachement doit en effet être déclaré auprès de l'institution de rattachement qui doit sans

délai mettre à la disposition de la personne concernée et de l'institution de l'Etat où s'exerce

l'activité les informations sur la législation applicable.

1.2.Maintien du régime de sécurité sociale

Selon l’article 761-1 du Code de la Sécurité sociale, les travailleurs considérés comme détachés

au sens du droit communautaire sont soumis à la législation française de sécurité sociale puisqu’ils

sont présumés avoir leur résidence située en France et leur lieu de travail situé en France.

C’est ainsi qu’ils disposent d’un maintien de leur régime de sécurité sociale français quand bien

même ils travaillent à l’étranger.

Selon l’article 36 du règlement de 2004, le salarié détaché dans un autre EEE que celui de son

employeur reçoit les prestations en nature en cas d’ATMP de l’institution de l’Etat de résidence

selon sa législation pour le compte de l’Etat compétent. Il reçoit par ailleurs les prestations en

espèce par l’institution compétente sauf convention contraire entre les deux Etats membres.

(Article 21 du règlement de 2004).

Il y a une exception qui concerne l’hypothèse où le salarié détaché effectue un séjour dans son Etat

d’origine. S’il tombe malade à ce moment-là alors il touchera ses prestations en espèce et en nature

directement de l’institution de l’Etat d’origine (Compétent) (Article 18 du règlement de 2004).

De plus, selon l’article L332-3 du CSS al 1 les assurés et ayants droits ne bénéficient pas par

principe de l’assurance maladie maternité pour des soins prodigués hors de France. Mais l’alinéa

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2 pose une exception, en effet la CPAM peut prévoir un remboursement forfaitaire pour les soins

prodigués hors de France ou dans un EEE aux assurés sociaux et leurs ayants droit dans la mesure

où ils tombent malades inopinément. La CPAM remboursera les frais déboursés hors de France

dans la limite des tarifs français en vigueur.

1.3.Paiement des cotisations sociales

Selon l’article 12 du règlement communautaire de 2004 le détachement se caractérise par

l’envoi par un employeur situé dans l’EEE d’un de ses salariés dans un autre Etat de l’EEE pour

exercer une prestation de travail pour une durée maximum de 24 mois. Si le salarié répond à ces

conditions alors il conserve ses droits en matière de protection sociale dans l’État où est établi son

employeur et de ce fait il ne pourra s’affilier que dans ledit Etat.

Cela lui évite une double affiliation au régime de sécurité sociale des deux États.

Le salarié détaché qui ne réside pas fiscalement en France ne paye pas ni la CSG ni la CRDS mais

une cotisation maladie spécifique.

1.4.Concernant le bulletin de salaire

Le détachement suppose que le salarié reste sous l’entière subordination de son Employeur durant

toute la durée de la mission à l’étranger. Il reste dans les effectifs de son employeur et c’est ce

dernier qui lui paye sa rémunération.

De plus le code du travail impose lorsque la durée du détachement est supérieure ou égale à un

mois, les bulletins de paie de chaque salarié détaché ou tout document équivalent attestant de la

rémunération et comportant les mentions suivantes :

→ salaire minimum et paiement du salaire, y compris les majorations pour les heures

supplémentaires ;

→ Période et horaires de travail auxquels se rapporte le salaire en distinguant les heures

payées au taux normal et celles comportant une majoration ;

→ Congés et jours fériés et éléments de rémunérations s’y rapportant

→ Conditions d’assujettissement aux caisses de congés et d’intempéries le cas échéant

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2. Détachement dans un pays hors EEE et non conventionné avec la France

2.1.Conditions du détachement

Le détachement par un employeur situé sur le territoire français d’un de ses salariés dans un pays

hors de l’EEE et avec lequel il n’est pas lié par une convention bilatérale suit un régime défini par

le Code de sécurité sociale.

En effet, l’article L761-2 de ce Code prévoit qu’un salarié envoyé par son employeur pour

effectuer une mission à l’étranger pour une durée maximum de 3 ans (CSS, art. R761-3) peut être

maintenu au régime de sécurité sociale français.

A ce titre, le salarié doit garder ses liens contractuels intacts avec son employeur, ce qui signifie

qu’il effectue une prestation de travail pour le même employeur sous lequel il reste subordonné et

qui lui verse ainsi une rémunération.

2.2.Maintien du régime de sécurité sociale français

Selon l’article L761-2 du Code de sécurité sociale, le salarié qui est considéré comme détaché le

droit au maintien du régime français durant toute la durée de son détachement à l’étranger.

Si le salarié détaché subit un accident du travail à l’étranger au cours de sa mission il aura droit au

remboursement des soins dépensés dans la limite de ce qui aurait été remboursé si les soins avaient

été prodigués en France. Ainsi il sera remboursé aux tarifs français sur la base des frais réellement

engagés (R762-37 et -38 du CSS).

Il pourra recevoir de ce fait les mêmes prestations que s’il résidait en France.

Selon l’article R761-4 du CSS, les prestations en espèce seront délivrées par l’Etat compétent

lorsque le salarié détaché effectue un séjour au cours du détachement en France.

De plus, selon l’article L332-3 du CSS al 1 et à l’instar du détachement communautaire tel que

susvisé les assurés et ayants droits ne bénéficient pas par principe de l’assurance maladie maternité

pour des soins prodigués hors de France. Mais l’alinéa 2 pose une exception, en effet la CPAM

peut prévoir un remboursement forfaitaire pour les soins prodigués hors de France aux assurés

sociaux et leurs ayants droit dans la mesure où ils tombent malades inopinément. La CPAM

remboursera les frais déboursés hors de France dans la limite des tarifs français en vigueur.

En outre, le salarié détaché pourra bénéficier des allocations familiales françaises dans la mesure

où si l’allocataire ne vit plus en France, ses enfants y résident toujours selon l’article R761-6 du

CSS. Seuls les enfants qui y résident ont droit aux prestations familiales. Lors d’une dispersion des

enfants les prestations sont calculées comme si tous les enfants y résidaient au prorata de ceux qui

y vivent.

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2.3.Cotisations sociales

Dans la mesure où des salariés français sont envoyés à l’étranger par leur employeur pour effectuer

une prestation de travail d’une durée inférieure à 3 ans renouvelable une fois, ils peuvent bénéficier

du maintien au régime français. Cependant, si l’Etat dans lequel ces salariés ont été détachés n’est

lié avec la France par aucune convention bilatérale et n’est pas situé dans l’EEE alors cet Etat

pourra imposer à ces salariés de s’affilier également dans son Etat à un régime de sécurité sociale.

De ce fait les cotisations pour ces salariés peuvent être double.

2.4.Bulletin de paie

Le détachement suppose que le salarié reste sous l’entière subordination de son Employeur durant

toute la durée de la mission à l’étranger. Il reste dans les effectifs de son employeur et c’est ce

dernier qui lui paye sa rémunération.

3. Possibilité d’affiliation à la Caisse des Français de l’Etranger

Selon l’article L762-1 du CSS, les salariés de nationalité française qui exerce habituellement et

durablement une activité professionnelle en dehors du territoire français, dans un pays avec lequel

aucune convention bilatérale n’a été signée ni de règlement communautaire pouvant s’appliquer à

leur cas, bénéficient de la possibilité de s’assurer volontairement auprès de la Caisse des Français

de l’Étranger.

Selon les articles L762-6 et L762-4 du CSS l’assurance volontaire maladie maternité octroi des

prestations en nature aux assurés sur la base des frais réels engagés dans la limite des tarifs français

et dans la limite de ce qu’ils auraient touchés s’ils résidaient en France. (L766-1-2 du CSS sur la

résidence).

La CFE peut également accorder des prestations en espèces aux adhérents mais ils devront opter

pour une cotisation supplémentaire.

Concernant l’assurance volontaire invalidité, le travailleur touche la même pension si l’invalidité

était survenue en France. L762-7 du CSS. Idem pour l’assurance volontaire vieillesse.

Dans le cadre de l’assurance volontaire accidents du travail et maladies professionnelles, le

travailleur a droit à l’ensemble des prestations en nature sans ticket modérateur et aux IJ

(provisoire) et/ ou rente (permanente).

Au titre de l’assurance volontaire pour frais médicaux, la CFE rembourse les frais réellement

engagés à l’étranger dans la limite de ce que les salariés auraient pu toucher s’ils résidaient en

France.

Concernant les soins prodigués sur le territoire français, la CFE peut prévoir pour l’assurance

volontaire maladie maternité une cotisation supplémentaire pour les adhérents.

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Concernant enfin la retraite, les personnes de nationalité française titulaire d’un avantage de retraite

d’un régime obligatoire ou volontaire français qui résident à l’étranger ont la faculté de s’assurer

volontairement.

* * * * *

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Thème n°2 : Contrats de travail de personnel détaché par une société mère française au sein

d’une filiale étrangère

Préambule

La présente partie vise à exposer les règles de droit du travail français qui permettent d’envoyer du

personnel à l’étranger et, plus particulièrement, les différentes formes de contrat qui peuvent être

mises en œuvre.

A cette occasion et d’un point de vue général, il est à préciser qu’il n’existe pas, en droit français,

un corps de règles particulier et spécifique applicable à l’envoi de personnel à l’étranger mais plutôt

un ensemble diffus de réglementations qui peut, le cas échéant, trouver à s’appliquer selon telle ou

telle option.

Ainsi et contrairement aux dispositions du droit de la Sécurité Sociale, il n’existe pas de définition

du détachement en droit du travail ou de l’expatriation.

Au fur et à mesure des situations, la jurisprudence est amenée à se prononcer sur différents points

concernant ces modes de mise à disposition.

Il est donc tout d’abord nécessaire d’envisager les différentes opérations qui peuvent intervenir

lorsque l’envoi de personnel à l’étranger est projeté par l’entreprise pour ensuite s’intéresser aux

différents montages contractuels retenus en pratique et enfin, aborder les règles communes

afférentes à l’envoi de personnel à l’étranger.

1. Opérations envisageables en matière d’envoi de personnel à l’étranger

Même si le Code du travail français ne fixe pas de règle particulière en matière de définition de

détachement ou d’expatriation, il n’en reste pas moins que ces opérations correspondent le plus

souvent à des montages calqués sur le statut de protection sociale du salarié.

Dans le cadre de l’expatriation, il est d’usage de considérer que le salarié n’accomplit plus aucun

travail au service de son employeur d’origine pour se focaliser uniquement sur les missions qui

peuvent être confiées à l’étranger.

Il n’est ainsi plus comptabilisé dans les effectifs de l’employeur d’origine et sa rémunération est

versée par l’entreprise d’accueil.

L’expatriation correspond ainsi à l’envoi du salarié dans un pays étranger pour une durée

relativement longue (pour rappel, plus de deux ans en matière de maintien du salarié au

régime français de sécurité sociale).

Durant ce temps, l’entreprise d’origine ne donne que très peu d’instructions au salarié expatrié.

Au contraire et dans le cadre du détachement, la pratique démontre que le départ du salarié à

l’étranger est conçu comme étant d’une durée beaucoup plus courte.

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Ainsi, tel montage suppose que la personne en question réintègre l’entreprise et son poste à l’issue

de la période de travail à l’étranger.

Il est à préciser, que le détachement fait l’objet de dispositions particulières dans le Code du travail

mais, cette fois-ci, pour l’accueil de salariés en France de nationalité étrangère. Les

dispositions nationales répondent ainsi aux règles européennes en matière de détachement

temporaire dans le cadre d’une prestation de service et visent principalement à éviter le phénomène

de dumping social.

Outre le vocable de détachement ou d’expatriation, les entreprises emploient parfois le terme

d’envoi en mission à l’étranger, de transfert ou de mise à disposition internationale.

Bien naturellement et lorsqu’il s’agit d’entreprises françaises régies par les dispositions nationales,

l’ensemble des interdictions relatives au travail illégal, à savoir principalement le prêt de main

d’œuvre à but lucratif ou encore le marchandage, est intégralement applicable.

Ainsi et sous couvert de l’application d’une législation étrangère, il n’est pas possible aux

entreprises françaises de s’affranchir des règles applicables à l’emploi de salariés sur le territoire

national lorsque la commission de ces faits a lieu dans un pays tiers.

2. Formes contractuelles envisageables

A l’instar des éléments susvisés en matière de définition de l’expatriation ou du détachement, le

Code du travail n’impose pas l’utilisation d’une forme contractuelle particulière. Ce sont donc les

praticiens qui définissent les montages contractuels en fonction des besoins de leurs clients.

La situation la plus traditionnelle est la conclusion d’un contrat de travail en France avant

l’expatriation se trouvant suspendu durant l’exécution de la mission à l’étranger.

Lorsque la réglementation du pays l’impose ou lorsque cela correspond à une volonté particulière

de l’entreprise, un contrat de droit local peut parfaitement être conclu, ce qui entraînera, lors du

retour du salarié, l’application des dispositions de l’article L 1231-5 du Code du travail.

Il reste cependant parfaitement possible de ne conclure qu’un seul et unique contrat dont

l’exécution se déroule à l’étranger.

Enfin et dans certaines situations, le contrat de travail français reste pleinement en vigueur lorsque

le travail du salarié à l’étranger correspond pour partie à un travail au sein d’une filiale et pour

l’autre partie, à un travail au service de la maison mère.

→ Contrat de mission à l’exportation

Certaines formes contractuelles particulières ont été envisagées par le Code du travail telles que le

contrat de mission à l’exportation. Celui-ci est défini par les articles L 1223-5 à L 1223-7 du Code

du travail.

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La particularité de ce contrat réside tout d’abord dans l’ouverture du droit d’y recourir.

Ainsi, selon les dispositions de l’article L 1223-5 du Code du travail, il revient à un accord collectif

de branche ou d’entreprise de déterminer les contrats de travail conclus pour la réalisation d’une

mission à l’exportation accomplie en majeure partie hors du territoire national.

La seconde spécificité d’un tel contrat réside dans l’application, lors du licenciement, non pas des

règles du licenciement économique, ce qui ferait sens en l’espèce dans la mesure où celui-ci

interviendrait pour un motif non inhérent à la personne du salarié mais, au contraire, des

dispositions du licenciement pour motif personnel.

L’article L 1223-6 du Code du travail fixe enfin le contenu obligatoire de l’accord collectif de

branche mettant en place les contrats de mission à l’exportation, étant en outre rappelé que les

dispositions en matière de protection sociale de la branche ou de l’entreprise sont applicables au

bénéficiaire du contrat de mission à l’exportation.

→ Contrats précaires (CDD ou CTT)

Les contrats de travail à durée déterminée ou les contrats de travail conclus avec des entreprises de

travail temporaire sont également applicables pour l’exécution de missions à l’étranger.

En droit français, le cas de recours à de telles formes contractuelles est strictement délimité par les

dispositions de la loi et du règlement. En effet, en vue d’être valablement conclu, tel contrat doit

nécessairement contenir un motif de recours précis, tel que défini par les dispositions légales.

A cette occasion, le législateur a permis que soient conclus des contrats dits d’usage dans les

secteurs pour lesquels le recours à un contrat à durée indéterminée est exceptionnel et ce, pour

certaines tâches seulement.

Cela concerne notamment le bâtiment et les travaux publics pour les chantiers à l’étranger, les

activités de coopération, d’assistance technique, d’ingénierie et de recherche à l’étranger et enfin,

la recherche scientifique réalisée dans le cadre d’une convention internationale ou d’un

arrangement administratif international pris en application d’une telle convention (C. trav., art.

D1242-1)

→ CDD à objet défini

Il doit enfin être précisé dans le cadre des dispositions de droit français l’existence d’un contrat à

durée déterminée spécifiquement mis en œuvre pour réaliser un objet déterminé. Cela concerne les

prestations intellectuelles ou techniques de haut niveau puisque le Code du travail impose que

celui-ci soit réservé à des cadres ou ingénieurs.

Des dispositions particulières quant à son contenu sont prévues et il est parfaitement envisageable

qu’une entreprise souhaite recruter, dans le cadre d’un tel contrat, un cadre ou un ingénieur afin de

lui faire effectuer une mission spécifique à l’étranger.

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→ Autres formes contractuelles en marge du droit du travail

Le présent rapport ne s’attache pas à la présentation d’autres formes contractuelles de travail à

l’étranger et qui sont en marge du droit du travail telles que le volontariat international en

entreprise.

Toutefois, il semble intéressant de mentionner leur existence par l’importance qu’elles revêtent

pour les entreprises.

3. Règles communes afférentes à l’envoi de personnel à l’étranger

Ces étapes impératives concernent, d’une part, l’information que l’employeur doit remettre au

salarié avant son départ et, d’autre part, les formalités à accomplir.

→ Information du salarié

Tout d’abord et du point de vue des informations que l’employeur doit remettre à son salarié, le

Code du travail précise, en son article R 1221-34, qu’en cas d’expatriation du salarié d’une durée

supérieure à un mois, celui-ci doit remettre dans un document au salarié :

- la durée de l’expatriation,

- la devise servant au paiement de la rémunération,

- les avantages en espèces et en nature liés à l’expatriation,

- les conditions de rapatriement du salarié.

La modification d’une ou plusieurs de ces informations doit faire l’objet d’un document

complémentaire remis par l’employeur au salarié au plus tard un mois après la date de prise d’effet

des modifications.

Ces obligations, issues du Code du travail, sont à compléter avec celles de la directive n° 91/533

CE du 14 octobre 1991 qui précise, en son article 2, que l’employeur est tenu de porter à la

connaissance du salarié les éléments essentiels du contrat ou de la relation de travail tels que

définis :

- identité des parties,

- lieu de travail ou, à défaut, lieu du travail fixe ou prédominant, principe d’affectations

multiples du travailleur ou, le cas échéant, domicile de l’employeur,

- titre, grade, qualité ou catégorie d’emploi dans lequel le travailleur est occupé ou

caractérisation ou description sommaire du travail,

- date de début du contrat ou de la relation de travail,

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- en cas de relation de travail temporaire, durée prévisible,

- durée du congé payé auquel le travailleur a droit,

- durée des délais de préavis observés par l’employeur et le travailleur en cas de cessation du

contrat,

- montant de base initial et éléments constitutifs, ainsi que la périodicité du versement de la

rémunération,

- durée du travail journalière ou hebdomadaire,

- statut collectif applicable.

Il est à préciser que la durée du congé payé, du délai de préavis, le montant de la rémunération de

base, ainsi que la durée du travail journalière ou hebdomadaire peuvent faire l’objet d’une simple

mention comportant un renvoi aux dispositions législatives, réglementaires, administratives,

statutaires ou convention collective régissant les matières concernées.

Spécifiquement applicable au travailleur expatrié, l’article 4 de cette même directive précise que

les documents susvisés doivent être en possession du travail avant son départ et doivent comporter

les informations supplémentaires liées à la durée du travail exercée à l’étranger, la devise servant

au paiement de la rémunération, le cas échéant, les avantages en espèces et en nature liés à

l’expatriation et enfin, les conditions de rapatriement du travailleur.

Sans que cette obligation ne soit visée par un texte réglementaire, il est à conseiller aux employeurs

de bien préciser au salarié avant son départ quel va être le contenu exact du travail qui sera effectué

à l’étranger, ainsi que les conditions applicables dans le pays où la prestation sera effectuée.

Pour ce faire et dans la mesure où il n’existe pas d’obligation réglementaire, il est souvent conseillé

de renvoyer le salarié aux informations émises par les autorités publiques de l’Etat sur le pays en

question.

Il est également important de bien s’assurer du respect des règles d’hygiène et sécurité qui seront

applicables au travailleur envoyé dans un pays étranger.

Enfin et concernant toujours l’information, la jurisprudence au eu l’occasion de reconnaître la

responsabilité de l’employeur quant à la carence d’explications sur le régime de protection

sociale applicable pour le travail à l’étranger (Cass. Soc. 25 janvier 2012, n° 11-11.374).

La Chambre Sociale de la Cour de cassation a ainsi reconnu, sur la base de l’obligation de

l’exécution de bonne foi du contrat de travail, que l’employeur devait informer le salarié expatrié

de sa situation au regard de la protection sociale pendant la durée de son expatriation.

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Il s’agissait, dans cette situation, des droits à retraite du salarié qui n’avaient pas été

alimentés durant l’ensemble de la relation de travail à l’étranger, ce dont le salarié n’avait

pas été informé.

→ Formalités préalables au départ

Du point de vue des formalités préalables à l’envoi à l’étranger d’un salarié, l’employeur devra

s’assurer des règles afférentes à la circulation du travailleur, c’est-à-dire les visas éventuels et

permis de travail nécessaires et lui faire passer une visite médicale afin de garantir, d’une part, les

vaccinations obligatoires dans le pays d’accueil et, d’autre part, l’aptitude médicale à l’expatriation.

* * * * *

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Thème n°3 : Clauses de mobilité

Préambule

La clause de mobilité est définie par le droit français comme celle par laquelle l’employeur se

réserve la possibilité de modifier le lieu habituel de travail du salarié.

Cette définition est importante du fait du traitement par la jurisprudence des modifications pouvant

toucher aux conditions dans lesquelles le salarié exécute sa prestation de travail.

Ainsi, et sans procéder à une étude détaillée, un socle contractuel intangible est traditionnellement

déterminé par la rémunération, le temps de travail et le lieu de travail du salarié, étant toutefois

rappelé que d’autres éléments peuvent y figurer (qualification du salarié, fonctions et

responsabilités…).

L’employeur ne peut, selon la jurisprudence, procéder à une modification de ces éléments qu’avec

l’accord du salarié. En matière de lieu de travail, et à défaut de clause précisant que celui-ci est

considéré comme un élément essentiel, l’employeur peut simplement faire évoluer le lieu de travail

au sein d’un même secteur géographique, cette notion s’appréciant en fonction de la distance entre

le domicile du salarié et le nouveau lieu de travail ainsi que des moyens de desserte disponibles.

En revanche, une modification du lieu de travail du salarié au sein d’un secteur géographique

différent sera soumise à l’accord du salarié.

C’est dans ce contexte que la clause de mobilité trouve son intérêt principal.

En effet, lorsqu’elle est valablement insérée au contrat de travail, un employeur qui procède à un

changement des conditions de travail d'un salarié, en modifiant le lieu de travail en application

d'une clause de mobilité, ne fait qu'exercer son pouvoir de direction, auquel le salarié doit se

soumettre sous peine de se voir licencié (Cass. soc., 10 juin 1997, no 94-43.889).

Avant de procéder à l’étude plus poussée du dispositif de clause de mobilité du salarié, il est à

préciser que le champ d’application de celle-ci s’entend des situations de modification permanente

du lieu de travail du salarié.

Lorsqu’il s’agit d’une affectation très temporaire, et que celle-ci résulte des fonctions même du

salarié, il ne peut s’y opposer (Cass. Soc. 11 juillet 2012, n°10-30219). Cette affaire concernait un

consultant international mais pourrait être transposée à tout salarié dont les fonctions

professionnelles doivent le conduire à voyager à l’étranger.

Ces éléments rappelés, seront successivement étudiées les conditions de validité de la clause de

mobilité, les règles afférentes à sa mise en œuvre ainsi que les limites d’application du dispositif.

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A l’instar des autres règles exposées dans le présent rapport, l’employeur doit dans tous les cas

respecter les dispositions des conventions collectives applicables à l’entreprise qui peuvent, selon

le cas, prévoir des aménagements aux clauses contractuelles de mobilité, sous réserve de respecter

les principes exposés par le Code du travail en matière de conflit entre norme collective et contrat

individuel (C. trav., art. L2254-1).

* * * * *

1. Conditions de validité de la clause de mobilité

1.1. Fixation de la mobilité par voie contractuelle

La clause de mobilité doit figurer dans le contrat de travail (ou dans un avenant ou un écrit en

tenant lieu), lequel doit être signé par le salarié. À défaut, la clause lui est inopposable (Cass.

soc., 2 avr. 1998, no95-43.541).

Elle peut toutefois être rendue opposable par une disposition conventionnelle, dès lors que le salarié

a bien été en mesure d’en prendre connaissance lors de l’embauche et que celle-ci se suffit à elle-

même (Cass. Soc. 27 juin 2002, n°00-42646 et Cass. Soc. 24 janvier 2008, n°06-45088).

1.2. Délimitation de la zone géographique de mobilité

La clause doit définir de façon précise sa zone géographique d'application et ne peut conférer à

l'employeur le droit d'en étendre unilatéralement la portée (Cass. soc. 7 juin 2006 n° 04-45846).

A titre d’exemple, est nulle la clause par laquelle une association se réservait le droit de modifier

l'affectation de la salariée en fonction de ses nécessités (Cass. Soc., 14 octobre 2008, no 06-46400).

Il en est de même pour la clause prévoyant, sans plus de précision, que « les évolutions dans

l'organisation de l'entreprise pourront amener cette dernière à modifier tant l'établissement que le

bureau de rattachement » (Cass. soc., 12 juillet 2006, no 04-45396).

Il convient de rappeler que ce n’est pas parce que le champ de mobilité est large qu’il n’est

pas précis.

Une clause de mobilité « sur tout le territoire français » n’est ni floue ni évolutive, elle est donc

opposable au salarié (Cass. soc., 9 juillet 2014, no 13-15573), dès lors que celui-ci est en mesure

de connaître avec précision les implantations auxquelles il peut être rattaché.

Il doit être noté, cependant, que les fonctions exercées par le salarié et son secteur d'activité sont

de nature à assouplir la condition de précision exigée (Cass. soc. 13 mars 2013 n° 11-28916l).

Du point de vue de la mobilité internationale, la Cour de cassation ne fixe pas de limite au territoire

national français. Il est donc parfaitement possible d’envisager une mobilité sur un périmètre

international, dès lors que celui-ci est très précisément défini et que le salarié peut disposer d’une

visibilité certaine sur les établissements auxquels il pourrait être affecté.

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2. Règles de mise en œuvre de la clause

La décision de mutation ne doit pas révéler de la part de l'employeur un abus de droit ou un

détournement de pouvoir et doit être dictée par l'intérêt de l'entreprise.

2.1. Mise en œuvre dans l’intérêt de l’entreprise

La décision de mettre en œuvre une clause de mobilité doit être dictée par l'intérêt légitime de

l'entreprise (Cass. soc., 3 nov. 2004, n° 03-40.158).

L'intérêt de l'entreprise est en jeu lorsque la décision de mutation est justifiée par les besoins de

réorganisation de l'agence au sein de laquelle le salarié était affecté (Cass. Soc., 27 mars 1985,

n°83-42983) ou qu'elle est prise dans le seul souci d'une bonne organisation de l'entreprise (Cass.

Soc., 8 juillet 1980, n°79-40117).

En revanche l'intérêt de l'entreprise n'est pas reconnu lorsque l'employeur détourne la clause

et l'utilise pour une raison différente de celle pour laquelle elle a été prévue.

C'est pourquoi la Cour de cassation considère que l'employeur fait un usage abusif de la clause de

mobilité lorsqu'il la fait jouer en raison d'une insuffisance professionnelle, et lorsqu’il la fait jouer

à la suite d'accusations de harcèlement moral envers les salariés et de discrimination raciale envers

la clientèle, cette situation relevant de la sanction disciplinaire et non de la mise en œuvre d'une

clause de mobilité (Cass. soc., 16 septembre 2009, n° 08-43019 ; Cass. soc., 10 décembre 2008,

n°07-43283).

La bonne foi contractuelle étant présumée, les juges n'ont pas à rechercher si la décision de

l'employeur de faire jouer une clause de mobilité est conforme à l'intérêt de l'entreprise.

C'est au salarié qu'il incombe de démontrer que cette décision a été, en réalité, prise pour des

raisons étrangères à cet intérêt, ou bien qu'elle a été mise en œuvre dans des conditions exclusives

de la bonne foi contractuelle (Cass. soc., 23 févr. 2005, n° 04-45.463).

2.1.1. Abus de droit et détournement de pouvoir

La mise en œuvre d'une clause de mobilité ne doit pas révéler de la part de l'employeur un abus de

droit ou un détournement de pouvoir.

A titre d’exemple, en dépit d'une clause de mobilité, la Cour de cassation considère que l'employeur

commet un abus de droit en n'assurant pas au salarié les moyens de se rendre sur son nouveau lieu

de travail.

En l'espèce, la salariée se trouvait dans l'impossibilité, en l'absence de transport en commun, de se

rendre à l'heure prévue sur le nouveau lieu de travail qui lui était imposé (Cass. soc., 10 janvier

2001, n° 98-46226).

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De même, en imposant brutalement et sans raison à une journaliste âgée de 62 ans, employée depuis

18 ans à la rédaction de Toulouse, une affectation qui impliquait un changement de lieu de travail

et de résidence, sans lui donner d'informations précises sur ses futures fonctions, l'employeur a mis

en œuvre la clause de mobilité de façon discrétionnaire et abusive (Cass. soc., 24 novembre 2004,

n° 02-46988).

2.1.2. Délai de prévenance

L'employeur ne doit pas agir avec précipitation. Sauf si la convention collective en fixe un, il

n'existe pas de délai minimal pour mettre à exécution la clause de mobilité.

En outre, lorsque le contrat de travail prévoit des modalités particulières pour la mise en place de

la clause de mobilité, le non-respect de celles-ci empêche l’employeur de se prévaloir d’un refus

et par voie de conséquence, prive le licenciement prononcé de cause réelle et sérieuse (Cass. Soc.

18 septembre 2002, n°99-46136).

3. Limites à la mise en œuvre de la clause de mobilité

3.1. L'exigence de proportionnalité

L'article L1121-1 du Code du travail aux termes duquel « nul ne peut apporter aux droits des

personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées

par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché », vient limiter le pouvoir

de mise en œuvre des clauses de mobilité.

En 2008, la Cour de cassation, faisant référence au droit du salarié à une vie personnelle et

familiale, a reproché aux juges du fond de ne pas avoir contrôlé si cette atteinte aux droits de la

salariée, même pour une durée limitée, était bien proportionnée au but recherché et justifiée par la

tâche à accomplir par cette dernière (Cass. Soc., 14 octobre 2008, no 07-40523).

Selon la Haute Juridiction, le libre choix du domicile personnel et familial constitue l'un des

attributs du droit au respect du domicile inscrit à l'article 8 de la Convention européenne de

sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.

Ainsi, l'aliénation partielle de ce droit est possible, encore faut-il qu'elle soit justifiée et

indispensable à la fonction occupée par le salarié (Cass. Soc., 13 avril 2005, no 03-42965).

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3.2. Mutations s'accompagnant d'autres modifications du contrat

Sous couvert de mettre en œuvre une clause de mobilité, l'employeur ne peut modifier d’autres

éléments du contrat de travail, tels que les fonctions exercées ou encore la rémunération du salarié.

En agissant de cette manière, l'employeur procéderait à une modification du contrat que le salarié

serait en droit de refuser, puisque par définition, elle s’étendrait au-delà de la seule modification

du lieu de travail (Cass. Soc., 18 mai 1999, n° 96-44.097 ; Cass. soc., 25 février 2004, n° 01-

47.104).

En effet, une clause de mobilité ne concerne que le lieu de travail, et ne peut impliquer pour le

salarié l'acceptation, par avance, de la modification d'un autre élément de son contrat de travail.

Ce principe a amené la Cour de cassation à préciser qu’en aucun cas, une clause de mobilité ne

peut être mise en œuvre par l’employeur pour demander au salarié un changement de lieu de travail

s’accompagnant d’un changement d’employeur, quand bien même le changement se situerait

dans le même groupe, ou une même unité économique et sociale (Cass. Soc. 23 septembre 2009,

n°07-44200).

3.3. Salariés protégés

Ces salariés bénéficient, en raison des mandats dont ils sont investis et dans l’intérêt de la

communauté des salariés qu’ils représentent, d’une protection exorbitante du droit commun.

Ainsi, même un simple changement des conditions de travail ne peut être imposé, en principe, à un

salarié protégé. Cela est en effet de nature à affecter les conditions d'exécution de son mandat.

En raison de la protection exceptionnelle et exorbitante du droit commun reconnue aux salariés

protégés, il est donc impossible de se prévaloir d’une clause de mobilité et ce, même si, ce qui sera

le cas le plus fréquent, la stipulation de la clause est antérieure à l'acquisition du mandat (Cass.

Soc. 28 janvier 1988 n° 85-43400)

3.4. Dispositions particulières liées à une mobilité internationale

Il est enfin à préciser que l’article L1132-3-2 du Code du travail interdit, au titre de l’interdiction

des discriminations, toute mesure prise à la suite du refus d’une affectation par un salarié en raison

de son orientation sexuelle dans un pays incriminant l’homosexualité :

« Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire

mentionnée à l'article L. 1132-1 pour avoir refusé en raison de son orientation sexuelle une mutation

géographique dans un État incriminant l'homosexualité. »

Dans le cadre de ce texte, et peu important l’existence d’une clause de mobilité et sa mise en œuvre

de bonne foi par l’employeur, le salarié pourra refuser l’affectation dans un pays étranger en raison

de son orientation sexuelle.

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Enfin, il n’est pas à exclure qu’un salarié entende faire usage de son droit de retrait d’une situation

dangereuse, notamment s’il considère que l’affectation dans la pays d’accueil n’est pas à même de

garantir sa sécurité.

* * * * *

En conséquence de l’ensemble de ces éléments, il apparaît que la mobilité internationale des

travailleurs ne passe que rarement par le biais d’une clause de mobilité, en raison de ses difficultés

pratiques de mises en œuvre et d’une grande part d’interprétation laissée aux juges par la Cour de

cassation.

Au contraire, la décision de l’envoi du salarié à l’étranger correspondra bien souvent à une décision

murement réfléchie par l’entreprise et pleinement acceptée par le salariée.

Si le candidat refuse, l’employeur qui ne serait pas en mesure de conserver l’emploi de celui-ci au

sein de l’entreprise ou de l’établissement auquel il est rattaché aura tout intérêt à envisager le

licenciement de celui-ci, ce que la jurisprudence admet, lorsque la modification du contrat de travail

est décidée pour un motif lié à l’intérêt de l’entreprise et que le licenciement ne repose pas sur le

seul refus du salarié. Ce motif peut le cas échéant être économique.

* * * * *

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Thème n°4 : Modalités de rupture du contrat de travail dans le cadre de contrats entre

salarié / société-mère et salarié / filiale

Préambule

Ainsi que rappelé au titre du thème n°2, si les modalités de l’envoi des travailleurs à l’étranger ne

sont pas expressément déterminées par le Code du travail, il n’en reste pas moins que les modalités

de la rupture ont quant à elles été balisées par le législateur.

L’hypothèse visée par le législateur est celle dans laquelle un contrat de travail a été conclu avec

la Société Mère et un contrat de travail de droit local a également été mis en place par la filiale.

Cela ne signifie pas que les salariés ne bénéficiant pas de ce montage juridique ne soient pas

protégés par le Code du travail.

Au contraire, le contrat signé sur le territoire français et auquel les dispositions légales afférentes

sont pleinement applicables, ne peut se voir rompu que pour une cause réelle et sérieuse, ce qui

exclut donc que la fin de la mission à l’étranger soit une cause permettant en soi de mettre fin au

contrat, sauf si celui-ci était à durée déterminée avec un terme précis.

Ainsi, un motif valable de rupture devra dans tous les cas présider à la rupture du contrat.

Le présent thème s’attache donc à présenter quelles peuvent être les règles et conséquences de la

rupture du contrat de travail français d’un salarié embauché avant expatriation, sans préjudice de

la possibilité dont dispose dans tous les cas l’employeur de rompre le contrat en cours de mission

d’expatriation, si par exemple le salarié commet une faute au service de la filiale et qui peut rejaillir

sur la maison mère.

* * * * *

1. Sur les modalités de rupture d’un contrat de travail suite à une expatriation

1.1. Application du droit français

Les modalités de retour d’un salarié détaché à l’étranger par une société mère pour y travailler au

sein d’une filiale sont déterminées par les dispositions de l’article L 1231-5 du Code du travail :

« Lorsqu’un salarié engagé par une société mère a été mis à disposition d’une filiale étrangère et

qu’un contrat de travail a été conclu avec cette dernière, la société mère assure son rapatriement en

cas de licenciement par la filiale et lui procure un nouvel emploi compatible avec l’importance de

ses précédentes fonctions en son sein.

Si la société mère entend néanmoins licencier ce salarié, les dispositions du présent titre sont

applicables.

Le temps passé par le salarié au service de la filiale est alors pris en compte pour le calcul du préavis

et de l’indemnité de licenciement. »

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A titre liminaire, il est à rappeler que cet article s’applique dans tous les cas où un salarié a été

recruté par une société mère pour travailler au sein d’une filiale du groupe, et qu’un contrat de

travail a été conclu avec cette dernière.

Celui-ci s’applique même si le salarié n’a effectué aucune mission au sein de la société mère avant

son départ (Cass. Soc., 7 décembre 2011, n° 09-67.367).

Ce texte est également applicable même si le contrat de travail conclu par le salarié avec la filiale

était soumis aux dispositions du droit local (Cass. Soc. 30 mars 2011, n° 09-70.306).

Dans une telle situation, les relations entre le salarié et la Société mère sont ainsi régies par

le droit français. Dès lors et à la fin de la période effectuée au service de la filiale par le salarié

et lorsque cette dernière le licencie, la société mère est tenue de réintégrer le salarié.

Si celle-ci ne procède pas à la réintégration, elle doit licencier le salarié en respectant l’ensemble

des règles applicables, en fonction du motif choisi (inhérent / non inhérent à la personne du salarié).

1.2. Réintégration et rupture du contrat

En fonction des possibilités dont dispose l’employeur en vertu de l’article L1231-5 susvisé, la

jurisprudence a eu l’occasion de fixer les contours de la proposition de reclassement de

l’employeur, ainsi que des modalités de la rupture éventuelle lorsque le salarié a terminé sa mission

d’expatriation.

1.2.1. Réintégration du salarié

Ainsi, l’offre de réemploi doit être sérieuse et précise et ne peut pas être mise en œuvre sans

l’accord express du salarié (Cass. Soc. 21 novembre 2012, n° 10-17.978).

Il est à souligner dans ce cadre la proximité des termes employés par la jurisprudence avec le droit

du licenciement pour motif économique, même si la Cour de cassation n’a pas eu l’occasion d’en

cerner de façon aussi précise les contours du fait du nombre moindre de contentieux existants en

matière de détachement et d’expatriation.

Si le salarié ne peut être réintégré dans l’entreprise, son contrat de travail doit être rompu.

1.2.2. Rupture du contrat de travail

La rupture intervient à l’initiative de l’employeur lorsque :

→ Celui-ci ne veut pas réintégrer le salarié à l’issue de sa mobilité internationale ;

→ Celui-ci ne peut proposer un poste de reclassement conforme ;

→ Le salarié refuse le poste de reclassement.

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A ce titre, la rupture du contrat consécutive au refus par la société mère de réintégrer le salarié

licencié par la filiale étrangère s’analyse nécessairement comme étant un licenciement sans cause

réelle et sérieuse (Cass. Soc. 13 novembre 2008, n° 07-41.700).

En revanche, le licenciement peut être fondé sur un autre motif, tel que les difficultés économiques.

Du point de vue de la justification, il est à préciser que la rupture postérieure au retour du salarié

implique que les faits invoqués par la société mère soient des éléments la concernant directement

(Cass. Soc. 18 mai 1999, n° 96-45.439 ; Cass. Soc. 13 juin 2006, n° 04-40.256).

Ainsi, des difficultés économiques de la filiale ne sont pas des motifs pouvant être invoqués par la

société mère, sauf, le cas échéant, si celle-ci dispose d’un motif économique lui étant propre.

Pour autant, il a été reconnu que le licenciement pouvait être prononcé pour faute grave lorsque,

au service de la filiale, le salarié avait gravement porté atteinte à l’image de l’employeur à

l’étranger (Cass. Soc. 17 novembre 2010, n° 09-42.695).

Enfin, il est à préciser que la jurisprudence considère le refus du salarié de réintégrer la société

mère lorsque celle-ci lui propose un poste de reclassement adapté comme étant un motif valable de

licenciement (Cass. Soc. 26 janvier 1983, n° 81-41.522 ; Cass. Soc. 28 mars 1983, n° 81-42.270).

De la même manière, l’absence de postes disponibles malgré les efforts de reclassement de

l’employeur peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement (Cass. Soc. 11 décembre

1984, n° 82-42.695).

Dans ces deux dernières hypothèses, le licenciement est considéré comme disposant d’une

cause réelle et sérieuse, ce qui ne dispense toutefois pas l’employeur de verser au salarié une

indemnité de licenciement ainsi qu’une indemnité de préavis.

2. Calcul des indemnités au titre de la rupture du contrat du salarié

Selon les dispositions de l’article L 1231-5 du Code du travail, le licenciement par la société mère

du salarié ayant été détaché dans une filiale à l’étranger doit faire l’objet du respect des dispositions

du Code du travail afférentes au licenciement.

Dans ces conditions, le temps passé par le salarié au service de la filiale doit être pris en

compte pour le calcul du préavis et de l’indemnité de licenciement. Il est également à préciser

que pour le calcul des indemnités de rupture, le dernier salaire d’expatriation doit être pris

en compte (Cass. Soc. 27 octobre 2004, n°02-40648)

La jurisprudence a eu l’occasion de préciser les règles applicables en matière de cumul

d’indemnisation par le salarié au titre de la rupture de son contrat de travail avec la filiale.

Ce faisant, elle a affirmé comme principe général que les indemnités ayant le même objet ne

peuvent se cumuler (Cass. Soc. 20 janvier 1993, n° 89-43.873).

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Elle distingue toutefois entre les différentes indemnités auxquelles peut prétendre le salarié en cas

de rupture de son contrat :

→ Indemnité de licenciement ;

→ Indemnité compensatrice de préavis ;

→ Indemnité compensatrice de congés payés.

2.1. Indemnité de licenciement

Dans le cadre du versement de l’indemnité de licenciement, la jurisprudence considère que le

salarié a droit à l’obtention d’une indemnité couvrant l’ensemble de sa période d’emploi au sein du

groupe, sous déduction de ce qu’il a déjà reçu au titre de la période pour laquelle il était au service

de la filiale.

Ainsi, ce n’est que si la filiale a versé des indemnités calculées sur l’ensemble de la carrière et

équivalentes à celles qu’il aurait perçu en France que le salarié ne peut obtenir à nouveau une

indemnité de rupture de la part de la société mère (Cass. Soc. 4 décembre 1985, n° 88-41.913).

Il est à préciser que ces décisions ne concernent que l’indemnité de licenciement légale ou

conventionnelle.

Elles ne concernent en revanche pas les indemnités pouvant être obtenues par le salarié au titre

d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, puisque par nature, celles-ci sont fixées par le juge

dans le cadre d’un contentieux.

2.2. Indemnité de préavis

En matière de préavis, la jurisprudence considère dans tous les cas que celui-ci est dû au titre de

chacun des contrats de travail qui sont rompus, tant par la filiale que par la société mère.

Ainsi, et même si la filiale a versé au salarié une indemnité compensatrice de préavis, la Société

mère sera redevable d’une même indemnité, pour l’ensemble de la période d’emploi.

2.3. Indemnité de congés payés

Enfin et en matière d’indemnité de congés payés, la société mère n’est pas redevable à l’endroit du

salarié d’une indemnité de congés payés pour la période afférente au service de la filiale étrangère.

* * * * *

La rupture du contrat de travail d’un salarié détaché ou expatrié par la Société mère l’ayant

embauché avant son départ répond donc de conditions strictes et contraignantes pour lesquelles

l’employeur devra prendre le soi de provisionner une éventuelle rupture du contrat après le retour

du salarié.

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* * * * *

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Thème n°5 : Compétence juridictionnelle et loi applicable au contrat de travail

Préambule

Compte tenu des éléments de rappel susvisés quant à l’envoi à l’étranger d’un salarié français, la

loi applicable au contrat de travail conclu par la Société mère avant le départ du salarié est la loi

nationale française, les juridictions prud’homales étant dans le même temps reconnues comme

étant pleinement compétentes.

Les hypothèses visées au titre de la présente partie concernent donc la situation dans laquelle un

questionnement existe quant aux règles effectivement applicables au contrat, c’est-à-dire, celle

d’un salarié dont le contrat de travail aurait été conclu et s’exécuterait en tout ou partie à l’étranger

ou dans des rapports de droit intégrant une personne morale basée à l’étranger.

1. Loi applicable au contrat de travail

L'existence et la validité du contrat ou de l'une de ses clauses sont régies par la loi qui serait

applicable si le contrat (ou la clause) était valable.

S'agissant des règles de forme, un contrat conclu entre des personnes se trouvant dans un même

pays est valable s'il satisfait aux conditions de forme de la loi régissant le contrat au fond ou de la

loi du pays dans lequel il a été conclu.

Le règlement Rome I du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles reprend

les principes essentiels de la convention de Rome pour les contrats conclus à compter du 17

décembre 2009.

Il s'applique dans tous les Etats membres de l'UE, à l'exception du Danemark et du Royaume-Uni,

et s'impose aux juges européens même si la loi désignée n'est pas celle d'un Etat membre.

La convention de Rome du 19 juin 1980 reste applicable dans les relations entre les deux pays

précités et les autres Etats membres ainsi que pour la résolution des conflits de lois relatifs à des

contrats conclus avant le 17 décembre 2009.

1.1.Principe de libre choix de la loi applicable

Le Règlement Rome I pose le principe de la liberté de choix par les parties de la loi applicable.

Ce choix doit être exprès ou résulter de façon certaine des dispositions du contrat ou des

circonstances de la cause. Il est en général formalisé par un écrit, signé par les deux parties, prenant

la forme d'une clause ou d'un avenant au contrat de travail.

Les parties peuvent désigner la loi applicable à la totalité du contrat de travail ou soumettre le

contrat à plusieurs lois nationales. Cette technique est en principe valable, à condition que la

cohérence du contrat soit maintenue et que le choix de ces différentes lois ne conduise pas à

l'application de solutions contradictoires. Elles peuvent convenir, à tout moment, de modifier la loi

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applicable au contrat. La modification doit être explicite ou résulter de façon certaine du contrat ou

des circonstances de la cause.

En tout état de cause, le choix de la loi applicable au contrat ne peut avoir pour effet de priver le

salarié de la protection résultant des dispositions auxquelles il ne peut être dérogé par accord en

vertu de la loi qui serait applicable à défaut de choix étant rappelé que cette loi se substitue à la loi

choisie ou vient la compléter si elle offre une meilleure protection au salarié ou de porter atteinte

à l'application des lois de police du juge saisi.

Le règlement 593/2008 du 17 juin 2008 définit les lois de police comme des dispositions

impératives dont le respect est jugé crucial par un pays pour la sauvegarde de ses intérêts publics,

tels que son organisation politique, sociale ou économique, au point d'en exiger l'application à toute

situation entrant dans son champ d'application, quelle que soit par ailleurs la loi applicable au

contrat.

Le juge saisi fait primer les lois de police de sa propre législation sur toute autre loi.

Par ailleurs, les dispositions impératives auxquelles il ne peut être dérogé par accord, notion plus

large que celle des lois de police, sont en principe définies par chaque législation nationale.

Ainsi, en droit français, sont considérées comme des dispositions impératives la convention 158 de

l'OIT prévoyant notamment que la période d'essai doit avoir une durée raisonnable, le dispositif

légal régissant le licenciement des salariés non protégés et des représentants du personnel, le statut

légal des journalistes et celui des VRP.

La définition même du contrat de travail qui permet au salarié de bénéficier d'un certain nombre

de dispositions impératives résultant de la loi et des règlements applicables en France entre dans

les dispositions auxquelles la loi française ne permet pas de déroger. Il en est de même des

dispositions relatives à la rupture des CDD. En revanche, les règles de procédure prévoyant des

délais de saisine des juridictions du travail ne sont pas des dispositions impératives.

1.2.Loi applicable à défaut de choix

A défaut de choix de loi applicable par les parties, la loi compétente sera en principe (Règlement

Rome I, article 8) :

→ soit celle du pays dans lequel ou, à défaut, à partir duquel le salarié accomplit

habituellement son travail, en exécution du contrat ; un travail temporaire dans un autre

pays n'ayant pas pour effet de modifier cette règle ;

→ soit, si elle ne peut être déterminée sur cette base, la loi du pays où est situé l'établissement

ayant embauché le travailleur.

Toutefois, s'il résulte de l'ensemble des circonstances que le contrat de travail présente des liens

plus étroits avec un autre pays, c'est la loi de cet autre pays qui est applicable. Ce critère permet

souvent de rattacher le contrat à la loi du pays d'origine. Il peut être retenu par le juge national

même en présence d'un pays habituel de travail ou d'un lieu d'embauche identifiable.

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2. Compétence juridictionnelle

La détermination de la juridiction compétente pour connaître d'un litige relatif à un contrat de

travail international est indépendante de la détermination de la loi applicable au contrat de travail.

Le juge compétent peut donc être amené à appliquer une loi étrangère.

Les règles permettant de désigner le juge compétent sont différentes selon que le litige est ou non

susceptible de ressortir de la juridiction d'un Etat membre de l'Union européenne (UE) ou de

l'Association européenne de libre-échange (AELE).

2.1.Espace judiciaire européen

Dans les pays membres de l’Union Européenne, les règles applicables aux conflits de juridictions

sont celles issues du Règlement UE du 12 décembre 2012 I qui se substitue, pour les actions en

justice intentées à compter du 10 janvier 2015, au règlement CE 44/2001 du 22 décembre 2000

(Règlement Bruxelles 1) dont il reprend l'essentiel des dispositions.

Les principes posés par les articles 20 à 23 du règlement UE 1215/2012 sont les suivants :

→ Lorsque l'employeur est domicilié sur le territoire d'un Etat membre, l'action du

salarié à son encontre peut être portée :

Soit devant les juridictions de l'Etat membre où l'employeur a son domicile.

Soit devant la juridiction du lieu où, ou à partir duquel, le salarié accomplit

habituellement son travail, soit devant celle du dernier lieu où il a accompli

habituellement son travail, étant précisé que si le salarié exerce son activité

dans plus d'un Etat membre, le lieu où il accomplit habituellement son travail

est l'endroit où, ou à partir duquel, il s'acquitte de l'essentiel de ses

obligations envers son employeur

Soit, lorsque le salarié n'accomplit pas ou n'a pas accompli habituellement

son travail dans un même pays, devant la juridiction du lieu où se trouve

l'établissement l'ayant embauché.

Ces règles s'imposent ainsi aux juridictions françaises qui ne peuvent pas, lorsqu'elles sont saisies

par un salarié d'une demande dirigée contre un employeur domicilié dans un autre Etat membre, se

référer aux règles de droit interne pour déterminer la juridiction compétente.

→ L'action de l'employeur ne peut être portée que devant les juridictions de l’Etat

membre sur le territoire duquel le salarié a son domicile.

→ Il ne peut être dérogé aux dispositions fixant les conditions de détermination de

la juridiction compétente par une convention que si elle est postérieure à la

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naissance du différend ou si elle permet au travailleur de saisir d'autres

juridictions que celles indiquées par le règlement 1215/2012.

2.2.Hors espace judiciaire européen

A défaut de convention internationale spécifique, il y a lieu de se référer aux règles du Droit

International Privé et à l'existence ou non, dans le contrat, d'une clause attributive de juridiction ou

d'une clause compromissoire. Interdites dans les contrats de droit interne, ces clauses sont admises,

sous certaines conditions, dans les contrats de travail internationaux.

Les règles de compétences juridictionnelle ainsi applicables en droit français à défaut de

convention internationale sont les suivantes :

→ Article R1412-1 du Code du travail (établissement où est accompli le travail ou en l’absence

de travail fixé dans un établissement, lieu de domicile du salarié) ;

→ A défaut, article 42 du Code de procédure civile (lieu de résidence du défendeur) ;

→ A défaut, privilèges de juridiction des articles 14 et 15 du Code civil (à raison de la

conclusion par un étranger d’obligations avec un ressortissant français et pour le français

ayant conclu une obligation avec un ressortissant étranger).

La clause attributive de juridiction désignant un tribunal français est valable en France étant

rappelé que cela ne préjuge pas de la position d'un juge étranger qui pourrait être éventuellement

saisi.

Lorsqu'elle désigne un tribunal étranger, sa validité peut être admise par la Cour de cassation en

raison du caractère international du contrat, à condition toutefois que cette clause soit suffisamment

claire et précise et qu'elle ait été acceptée sans équivoque par le salarié.

Elle ne peut en outre s'appliquer pour la période durant laquelle le salarié ayant conclu un contrat

devant s'exécuter à l'étranger fait l'objet d'un détachement de longue durée en France, où il réside

puisqu’une clause attributive de compétence figurant dans un contrat de travail international ne

peut pas faire échec à la compétence du Conseil de prud’hommes lorsque le contrat s'exécute en

France.

Enfin, si le contrat de travail international comporte une clause compromissoire, la jurisprudence

considère que celle-ci n'est pas opposable au salarié qui a saisi régulièrement la juridiction française

en vertu des règles applicables, peu important la loi régissant le contrat de travail.

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