585
VERITE POUR L’ALLEMAGNE L’ ..hypothèse selon laquelle l’Allemagne serait coupable du déclenchement de la ..seconde guerre mondiale est réfutée. La recherche historique à venir pourra peut- être amplifier les faits qui sont ici rapportés; mais elle ne pourra plus les ignorer. Le public d’aujourd’hui dispose d’un nombre considérable de documents, en Allemagne ou à l’étranger, sur la politique étrangère menée par les Grandes Puissances jusqu’en septembre 1939, ainsi que de très nombreux écrits ou mémoires de l’époque concernant les personnes directement impliquées dans les décisions qui ont conduit au déclenchement de la Guerre. Ces documents permettent de reconstituer la mosaïque des événements qui ont précédé le déclenchement du conflit en 1939. On peut supposer avec une probabilité voisine de la certitude que dès 1945 et durant les vingt années qui suivirent, les Puissances Victorieuses ont dépouillé, utilisé et publié tout ce qui dans les archives allemandes pouvait être exploité à charge de l’Allemagne. On peut donc aussi pour le moins s’attendre à ce qu’il y ait des éléments à décharge dans les documents d’archives gouvernementales du Reich qui n’ont pas été publiés. La même remarque s’applique aux archives alliées qui, à l’ouest comme à l’est, sont aujourd’hui encore tenues secrètes et interdites d’accès. Quoi qu’il en soit, il ne sera pas aisé de qualifier de “tendancieux”, à seule fin de l’ignorer ou de le rejeter, un livre qui analyse sous une forme condensée l’état de choses qu’un ensemble complexe de causes à effets a engendré avant le déclenchement de la guerre en 1939 en Europe. Une “tendance” présuppose toujours une absence de méthode scientifique, un manque d’érudition, un travail “à l’aveuglette” basé sur des “conjonctures” et des “interprétations”, une connaissance insuffisante des sources documentaires ainsi que la tentative d’imposer un objectif partisan. Ce livre n’a été publié qu’après une étude intensive des sources documentaires avec le souci constant d’un rejet de tout travail basé sur des interprétations arbitraires. Cet ouvrage n’est pas au service d’un parti politique et n’est pas destiné uniquement au peuple allemand; il ne veut que contribuer à procurer à l’humanité de nouvelles bases de compréhension et de connaissances. La question des responsabilités de la seconde guerre mondiale POUR L’ALLEMAGNE Udo Walendy Walendy VERITE POUR L’ALLEMAGNE ISBN 978-0-906879-99-3 Historical Review Press PO Box 62, Uckfield, Sussex, TN22 IZY, UK Website: www.ety.com/HRP H R P H R P VERITE

Vérite Pour l'Allemagne, Udo Walendy (Responsabilité de La Seconde Guerre Mondiale)

  • Upload
    bushka

  • View
    236

  • Download
    8

Embed Size (px)

DESCRIPTION

Recherche des responsabilités de la seconde guerre mondiale

Citation preview

  • VERITE POUR LALLEMAGNE

    L..hypothse selon laquelle lAllemagne serait coupable du dclenchement de la ..seconde guerre mondiale est rfute. La recherche historique venir pourra peut-tre amplier les faits qui sont ici rapports; mais elle ne pourra plus les ignorer. Le public daujourdhui dispose dun nombre considrable de documents, en Allemagne ou ltranger, sur la politique trangre mene par les Grandes Puissances jusquen septembre 1939, ainsi que de trs nombreux crits ou mmoires de lpoque concernant les personnes directement impliques dans les dcisions qui ont conduit au dclenchement de la Guerre. Ces documents permettent de reconstituer la mosaque des vnements qui ont prcd le dclenchement du conit en 1939.

    On peut supposer avec une probabilit voisine de la certitude que ds 1945 et durant les vingt annes qui suivirent, les Puissances Victorieuses ont dpouill, utilis et publi tout ce qui dans les archives allemandes pouvait tre exploit charge de lAllemagne. On peut donc aussi pour le moins sattendre ce quil y ait des lments dcharge dans les documents darchives gouvernementales du Reich qui nont pas t publis. La mme remarque sapplique aux archives allies qui, louest comme lest, sont aujourdhui encore tenues secrtes et interdites daccs.

    Quoi quil en soit, il ne sera pas ais de qualier de tendancieux, seule n de lignorer ou de le rejeter, un livre qui analyse sous une forme condense ltat de choses quun ensemble complexe de causes eets a engendr avant le dclenchement de la guerre en 1939 en Europe. Une tendance prsuppose toujours une absence de mthode scientique, un manque drudition, un travail laveuglette bas sur des conjonctures et des interprtations, une connaissance insusante des sources documentaires ainsi que la tentative dimposer un objectif partisan.

    Ce livre na t publi quaprs une tude intensive des sources documentaires avec le souci constant dun rejet de tout travail bas sur des interprtations arbitraires. Cet ouvrage nest pas au service dun parti politique et nest pas destin uniquement au peuple allemand; il ne veut que contribuer procurer lhumanit de nouvelles bases de comprhension et de connaissances.

    La question

    des responsabilits

    de la seconde

    guerre mondiale

    POURLALLEMAGNE

    Udo Walendy

    WalendyVERITE POU

    R LALLEMAG

    NE

    ISBN 978-0-906879-99-3

    Historical Review PressPO Box 62, Uckeld, Sussex, TN22 IZY, UK

    Website: www.ety.com/HRP

    HRP

    HRP

    VERITE

  • UDO WALENDY

    Vrit pour lAllemagne

    La question des responsabilitsde la seconde guerre mondiale

  • 2Traduction revue en conformit avec le texteallemand original (1965)

    par R. Neuville2007

    Copyright byVerlag fr Volkstum und Zeitgeschichtsforschung

    D-32602 Vlotho / WeserDruck: Klle Druck GmbH, D-32361 Pr.Oldendorf

    2002

    ISBN 978-0-906879-99-3

    Historical Review PressPO Box 62, Uckfield, Sussex, TN22 1ZY

    UKWebsite: www.ety.com/HRP

    2008

  • 3Table des Matires

    Leitmotiv: Vrit pour lAllemagne 5Rsoudre la question des responsabilits de la guerre: Une condition pralable toute paix future 10Versailles (1919) face la question des responsabilits de la guerre 16Jugements ports contre lAllemagne depuis 1919 La peur comme moteur fatal de lagitation 26 Winston Churchill et la philosophie sanguinaire 49Vienne Munich Prague 72, 88, 122La Pologne veut la guerre Des terres allemandes aux mains des Polonais 140 Les revendications territoriales de la Pologne 149

    La Pologne face ses minorits Principes fondamentaux 163 1938-1939: la situation saggrave 173 La politique trangre de la Pologne envers lAllemagne Stratgie 184 De Munich la guerre 194 Les interventions polonaises contre Dantzig 209Hitler face la Pologne

    Sa position de principe partir de 1933 225Les propositions allemandes du 24 octobre 1938 229Pourquoi avoir choisi cette date?Le droulement des ngociations 233Du printemps jusquau mois daot 1939 240

    Ltat de larmement en 1939-Allemagne 255 Forces ariennes 270 Forces navales 271-Grande-Bretagne 273-France 276-Tchcoslovaquie en 1938 278-Pologne 278-Union sovitique 279

    Prparation psychologique la guerre 281La politique trangre des grandes puissances la veille de la guerre Grande-Bretagne

    La politique de lquilibre europen dans les annes prcdant la guerre 290

  • 4La politique allemande de la Grande-Bretagne depuis Munich jusquau 15 mars 1939 308La raction britannique au 15 mars 1939 316Le blanc-seing anglais la Pologne du 31 mars 1939 324Politique de rumeurs et dencerclement de mars aot 1939 340Lextension du chque en blanc du 25 aot 1939 361Objectif de la guerre: lanantissement de lAllemagne 369

    Les tats-Unis dAmrique 377 L Union sovitique 404Les derniers jours de paix

    Le pacte de non-agression germano-sovitique 420Lordre de marche du 23 aot 1939 423Les activits du gouvernement britannique du 25 au 28 aot 429Lentretien du 29 aot entre Hitler et Henderson 441Collaboration entre Londres et Varsovie, du 29 au 31 aot 446Initiatives du gouvernement du Reich 454Un ambassadeur polonais indolent 460La ligne de conduite de Lord Halifax 463

    La responsabilit de la guerre devant le tribunal de Nuremberg 481Documents hostiles Hitler

    Revendications despace vital dans Mein Kampf 490Documents-cls du TMI sur les confrences internes de Hitler 493Le Rapport HobachAllocution de Hitler devant les commandants en chef de la Wehrmacht le 5 novembre 1937 494Allocution de Hitler devant la presse allemande le 10 novembre 1938 498Allocution de Hitler devant les officiers suprieurs de la Wehrmacht le 23 mai 1939 499Allocution de Hitler devant les commandants en chef de la Wehrmacht le 22 aot 1939 504Allocution de Hitler devant les commandants en chef de la Wehrmacht le 23 novembre 1939 514

    Mmoires tchcoslovaques pour la Confrence de Paix de Paris 1919-1920 516

    Annexes et Sources 521

  • 5Leitmotiv: Vrit pour lAllemagne

    Toute politique de paix prsuppose un dialogue franc et objectif, enraci-n dans lhistoire. Ceux qui dforment le pass des peuples agissent en con-tradiction avec ces deux principes et ne mritent aucune confiance; ils nesont pas non plus en mesure de garantir la paix et le droit des peuples. Lerespect qui est d au pass comme lavenir exige de lhistorien quilsefforce de parvenir une ide aussi exacte que possible de la vie despeuples, quil retrace et dfende la vrit, indpendamment de toute consi-dration politique. Il doit savoir rsister aux courants dopinion du moment,qui sefforcent aujourdhui dimposer un dogme sur tous les aspects de lavie laide des moyens de pression gouvernementaux et de la presse. Il nesert rien de rpter des jugements de circonstance et de dissimuler desdocuments.1) Le monde actuel ne peut plus se permettre de mensonges. Leprsent et lavenir exigent que lon examine enfin la question des responsa-bilits de la seconde guerre mondiale autrement quen se basant sur le droitdu plus fort. Dans une guerre future, aucun des belligrants ne pourra consi-drer quune telle maxime soit conforme aux rgles du droit international.Seul un jugement quitable, et reconnu par les deux parties en ce quil sefonde sur des faits et sur des vrits objectives peut tre constructif. Lespersonnes qui ne sont pas prtes accepter que ces principes de droit soientappliqus lAllemagne, sexcluent elles-mmes du petit nombre de ceuxqui, ayant compris la signification des vnements qui ont secou lEuropeau cours des dernires dcennies, se sont engags en faire part au public, rtablir la vrit, le droit, lhonneur, et par suite sauvegarder la paix.

    Celui qui entend imputer tous les torts Adolf Hitler na jamais d tenterde sexpliquer les causes de la premire guerre mondiale ni des guerres quisont survenues entre 1918 et 1939. Il ne peut pas davantage dfinir la part deresponsabilit de chacun dans les guerres prcdentes et dans celles qui ontsuivi, ni expliquer les tensions actuelles est-ouest en se rfrant toujours Adolf Hitler ou au peuple allemand. Vouloir tablir en dogme ternel la cul-pabilit dAdolf Hitler revient refuser de prendre en considration des1) tels que le compte rendu des sances du conseil des ministres britannique, la correspondance

    Churchill-Roosevelt et les archives du Kremlin, notamment, pour ce qui est de la secondeguerre mondiale.

  • 6donnes capitales pour la question des responsabilits de la guerre et plusgnralement pour la vie des hommes et des peuples. Il est ncessaire de sedbarrasser des dogmes politiques, des prjugs et des explications gros-sires, si lon veut avoir une vue plus large de lhistoire des peuples etpouvoir porter un jugement densemble impartial. Vouloir imputer toutesles responsabilits de la guerre aux seuls Allemands revient crer une nou-velle mentalit de haine.

    La propagande de guerre des allis de la premire guerre mondiale, quiconsistait la plupart du temps rpandre la haine par le mensonge, a fini pardevenir le fondement spirituel des peuples, du fait que les hommes politiqueset les hommes daffaires qui en furent les initiateurs sont rests en posteaprs la guerre et ont continu dexercer leur influence sur lopinion publique.Ce processus sest rpt dans les mmes conditions lors de la secondeguerre mondiale, mais les Allis victorieux ont perfectionn leur tactique.Les thses dveloppes dans leur propagande sont devenues par leur soin lesbases historiques du comportement de tous les peuples civiliss. Quoidtonnant ce que nous soyons confronts des crises mondiales de plusen plus graves?

    Seul celui qui sait apprcier galement la pratique politique et militairedes deux parties en prsence et a conscience que les actes des responsablesde la politique et des peuples ne sont pas uniquement le fruit du libre-arbitre, dun calcul prmdit et de bonnes ou de mauvaises intentions, peutcomprendre les vnements tragiques de la seconde guerre mondiale. On nepeut porter de jugement sur cette poque que si lon sest efforc de consi-drer objectivement la question des responsabilits de la guerre. Aucunetentative de cet ordre na jamais t entreprise officiellement jusquici.

    Dans cette enqute, lauteur sest efforc de rassembler des documentssur un certain nombre de faits historiques et den faire une prsentation quisera utile pour lavenir. Pour pouvoir comprendre lhistoire, il faut savoir etadmettre que la politique est insparable du pouvoir et que les moyens et lesmthodes employs par tout homme politique, ft-il allemand, ft-il AdolfHitler, lui sont en grande partie dicts par ladversaire. Sous peine de suc-comber, Hitler a d employer les mmes armes que son adversaire; il seraitdonc injuste de ne reprocher qu lui seul lusage des moyens et des mtho-des en question.

    Prenons en considration certaines mesures prises par la NSDAP. Ont-elles caractris le national-socialisme, ou plutt les circonstances qui r-gnaient lpoque? De sanglants soulvements communistes ont t lori-

  • 7gine de la Rpublique de Weimar.2) Ds le mois de janvier 1919, la direction duparti social-dmocrate allemand SPD levait les premires troupes de volontairespour combattre ces insurrections, entre autres le Rot-Front-Kmpfer-Bund, leStahlhelm (Casques dacier), le Reichsbanner Schwarz-Rot-Gold (Banniredempire), (ultrieurement Eiserne Front), la Rote Marine, les Corps francs,le Wehrwolf, le Jungdeutscher Orden et les trs nombreuses units de pro-tection. Il faut se rappeler que ni la direction autoritaire, ni les dictaturesprsidentielles, ni la propagande, ni linterdiction de partis dopposition, niles camps de concentration ou les prisons pour dtenus politiques, nilantismitisme, ni le rarmement ou le service militaire obligatoire, ni les loisdexception en temps de crise, ni la politique de puissance, ni la stratgiemilitaire, ni les crimes de guerre ne sont des inventions de Hitler, de la NSDAPou du peuple allemand. Ces phnomnes nont nullement t bannis de lhistoiremondiale aprs 1945. Des pratiques semblables de gouvernement, qui semultiplient aux quatre coins du monde, paraissent de nos jours attirer aussipeu lattention que les actes des adversaires de lAllemagne de 1933 1945 ouceux des puissants de ce monde auparavant. Or aucune morale unilatralenest en mesure de rsoudre les problmes politiques mondiaux. Si lon veutcombattre ces phnomnes visiblement intemporels, objectif vers lequeltendent tous nos efforts, il nous faut diriger nos regards au-del des frontiresde lAllemagne.

    La souverainet des peuples inclut le droit la rvolution dans la mesureo elle peut vaincre un tat de chaos intrieur et contribuer restaurer lecrdit de ce pays ltranger. Cela vaut plus forte raison encore pour unparti qui a accd lgalement au pouvoir. De quelque manire que lonpuisse voir les choses, notre jugement ne doit pas tre li des considrationsdintrts nationaux: nous devons partir de principes valables et impratifspour tous les peuples. Il ne doit pas tre influenc non plus par certainsvnements qui ont pu se drouler dans des moments de crise, une poquede guerre totale. Dans lhistoire, nous avons affaire une foule dvnementscondamnables. Cela ne nous dcharge pas du devoir de rechercher un critre

    2) Le soulvement des matelots Kiel, le 3 novembre 1918, a donn le signal dune rbellionarme qui sest bientt tendue la plupart des villes de lempire allemand. Les insurrectionsdobdience communiste se sont multiplies. Pour ne citer que les premires dentre elles:Berlin, janvier 1919 (156 morts en une semaine); Halle, mars 1919; grves gnrales etaffrontements entre rvolutionnaires et forces de lordre dans de nombreuses villes (plus de1000 morts pour la seule anne 1919); Munich, avril-mai 1919, proclamation de la rpubliquedes soviets (800 morts); territoire de la Ruhr, mars-avril 1920 (quelque 1000 morts en troissemaines) tout cela une poque o personne ne parlait encore de Hitler. H. Prinz zuLwenstein, Deutsche Geschichte, p. 511.

  • 8dapprciation.3) Or on ne peut trouver ce critre que dans une vision objectivede lhistoire, qui en inclut tous les aspects essentiels. La question desresponsabilits de la guerre se trouve au cur de ce dbat; elle est devenue,particulirement notre poque de guerres mondiales, une question depuissance, de doctrine et de dogme. On a limpression quil ne sagit pas enloccurrence de rechercher la vrit, mais dinterprter ces responsabilitsde guerre en vue de les rendre utilisables pour certains groupes de pression.Pourquoi stonner ds lors si des intrts nationaux ou proltariensdcident de linterprtation et de lapprciation donner des faitssecondaires?

    Dclarer une guerre, alors que ses propres intrts ne sont pas menacs,et tendre ainsi le conflit un autre peuple est un acte dont la gravit ne doitpas tre mconnue. Et cest l prcisment lorigine de la seconde guerremondiale, qui a cot la vie quelque 55 millions dtres humains; tous lesautres vnements nen sont que des consquences.

    Le 3 septembre 1939 lAngleterre et la France dclarrent la guerre lAllemagne. Ce faisant elles transformaient en guerre mondiale ce quintait quun litige territorial limit propos de Dantzig et tout faitsoluble entre la Pologne et lAllemagne. On ne peut comprendre le sens donner ces vnements quaprs analyse de lenchevtrement des causeset effets qui ont pouss ces deux grandes dmocraties europennes opterpour la guerre plutt que pour la ngociation.

    On ne peut pas davantage se faire une ide juste de la situation si parexemple on ignore les principaux crimes de guerre commis par les Allis oufuturs allis avant et aprs le 3 septembre 1939 (cf. p. 45, n. 40), ou si lonne tient pas compte du fait que lUnion sovitique sest dcide engager laguerre contre lAllemagne (pour la destruction du fascisme et lextensionde la rvolution mondiale) ds mai-juin 1940, soit un an avant le dclenche-ment de la guerre germano-sovitique (ce fait a t confirm officiellement13 ans plus tard par les Sovitiques; cf. p. 404 et suivantes). Lauteur sestfix pour objectif ici de faire la lumire sur les connaissances historiqueset de crer les conditions partir desquelles il sera possible de tirer desleons de lhistoire et des conclusions pour lavenir. Ainsi pourra-t-onpeut-tre viter une troisime guerre mondiale. Lexposition des faitsrveillera sans doute de vieux ressentiments nationaux de la part desvainqueurs mais elle enterrera certains dogmes ciments par des annes depropagande. On ne peut toutefois refuser la discussion en invoquant

    3) cf. G. Ludwig, Massenmord im Weltgeschehen.

  • 9premptoirement la politique nationale-socialiste lencontre des Juifs pendantla guerre. Il doit tre permis un Allemand de lever la charge qui accable lenom Allemand en sengageant uniquement avec les armes de lesprit dans un combat pour la paix du monde.

    En tchant de rtablir la vrit et de dmasquer dans ce livre tous lesmensonges de propagande, lauteur espre apporter une premire contributionpour atteindre cet objectif. Mais il ne sagit, dans Vrit pour lAllemagne,que du premier chapitre dune uvre qui, dpassant le domaine historique,abordera le domaine des sciences physiques et naturelles. Les questions quise posent, concernant les responsabilits de la guerre et lavenir delhumanit ne sont plus uniquement politiques, elles sont aussi idologiques.Et ces dernires prennent elles-mmes leur source dans les lois de lanature.

    Cette conception globale du savoir se donne pour objectif de com-prendre, pour mieux sen prserver, un mcanisme qui a abouti la deuxi-me guerre mondiale et qui engendre ou engendrerait une troisime guerremondiale.

  • 10

    Rsoudre la questiondes responsabilits de la guerre,

    une condition pralable toute paix future

    Tels des ouragans, deux guerres mondiales se sont abattues sur lEurope.Ceux qui ont survcu ces temptes de la mort et de la misre sontdemeurs comme ptrifis, sans comprendre. Dinnombrables villes se sonttransformes en un tas de ruines et de cendres. Sur tous les fronts, desarmes entires pntres didalisme ont vers leur sang, croyant servirune cause juste. Femmes, enfants et vieillards ont trouv la mort sous lesdcombres, sous les bombes et le phosphore dverss par des escadrillesariennes ennemies. Des millions de personnes ont accept leur destin avecstocisme et bravoure. Combien de destines ne se sont-elles pastransformes en des tragdies insenses!

    Qui est responsable de ces vnements dramatiques? Un homme? Une ouplusieurs cliques de criminels? Une conspiration mondiale de capitalis-tes? Les Juifs? Les nazis? Les fascistes? Les communistes? Unehumanit charge du pch originel? Dieu? Est-ce la nature, avec sesinnombrables lois caches nos yeux, qui fait que de minimes particules les hommes ne cessent de se combattre sur une plante pourtant siinsignifiante dans limmensit du cosmos? Y a-t-il un responsable? Est-cela destine, la volont de Dieu ou le hasard qui fait que les hommes sontlibres daccomplir leur destine comme ils lentendent? La victoire et ladfaite ne sont-elles que lexpression du jugement rendu par lhistoire surles peuples et les individus? La vrit, la noblesse dme, la droiture,lamour, lesprit dhumanit et le progrs triomphent-ils toujours dans cemonde?

    Seul le savoir peut nous clairer sur ces questions lmentaires; lacroyance ne peut y parvenir. La gravit de la situation, la misre, les millionsde morts, de blesss, tous les peuples touchs par la guerre nous invitent rsoudre cette nigme avec le srieux, lobjectivit et le courage ncessaires.Il va sans dire quune mthode de travail scientifique simpose.

    La recherche scientifique exige labsence de tout prjug et une ind-pendance totale lgard des puissances politiques. Lhumanit na quefaire de thories, dhypothses et de doctrines contradictoires. Et cestjustement parce que nous savons quaucune croyance, aucune doctrine

  • 11

    scientifique ou politique ni aucune philosophie nont jamais apportdexplication dfinitive, claire, juste et prcise aux phnomnes de cemonde, que nous devons faire la critique de tous les dogmes politiques, enparticulier des plus intolrants dentre eux et de ceux qui sinsinuent le plusprofondment dans la destine de lhumanit. Les consquences de cesdeux dernires guerres mondiales ont t trop dsastreuses et les contra-dictions trop manifestes pour que les peuples puissent plus longtempsaccepter comme explication de leur origine la folie, la sottise, la volont depuissance, la recherche du profit, la barbarie, lerreur de calcul ou unesoudaine dfaillance nerveuse.

    En dpit des dvastations survenues dans le pass, de lexprience dedeux guerres mondiales et de la misre qui a rgn dans tous les paystouchs, lhomme voit poindre quelques dcennies seulement aprs la fin dela plus terrible des guerres le danger dun troisime conflit mondial. Face une ralit impitoyable, il cherche dsesprment une issue, une rponsesatisfaisante aux questions qui le tourmentent. Ne peut-on empcher que leshommes se combattent? Do cela provient-il? Par le moyen de la guerre, lanature a-t-elle voulu mettre un frein la multiplication illimite de notreespce? Cette nature connat-elle la justice et la piti? Est-ce dlibrmentque nos anctres ont choisi de vivre dans la misre, alors quil leur taitpossible de se prononcer pour la paix? Pendant des millnaires, ils ontaspir la libert, lgalit, la fraternit et au bonheur. Leurs dclarationsen faveur de la paix ntaient-elles que de vaines paroles, dnues de sens,par lesquelles ils ont induit les peuples en erreur? Chaque gnration na-t-elle pas mis son point dhonneur surpasser les prcdentes en dveloppantlaltruisme et lamour du prochain?

    Il semble que lon ait de tout temps essay dtouffer lidalisme de lajeunesse et de nier ses plus nobles motivations. Mais quespre aujourdhuila nouvelle gnration? Qui peut prtendre tre plus fort et plus avis queses anctres?

    Si nous avions voulu les surpasser par notre lutte pour le maintien de lapaix, nous serions parvenus depuis longtemps dj carter une fois pourtoutes les menaces de guerre; nous avons les moyens techniques de rendreles peuples plus rceptifs une bonne entente internationale. Le non-sensde la guerre nest jamais apparu avec plus de clart quaujourdhui. On adclench deux guerres mondiales dune atrocit inimaginable pour abolirles guerres, rendre les peuples mrs pour la dmocratie, vaincre latyrannie et rtablir lesprit dhumanit, tout cela en vain. Chaque fois, ona not une aggravation nouvelle de linjustice et des rivalits, ainsi quunemultiplication des sujets de discorde entre les peuples. Malgr lexistence

  • 12

    de nouveaux rapports de force, les phnomnes qui ont de tout tempsconduit aux guerres et les ont caractrises: les slogans, la propagande, lamalhonntet, lgosme, le refus du principe dautodtermination despeuples et la politique dsastreuse de la haine et de lintransigeance, toujoursau nom de valeurs humanitaires, sont plus manifestes que jamais. Lhistoirede lhumanit na jamais t rgle par la raison ou la justice, ni par lafraternit, la gnrosit ou le progrs.

    Une culpabilit de guerre fabrique de toutes pices, impose aux moyensde puissantes pressions politiques, a servi de point de dpart et de justificationpour instaurer une nouvelle forme de socit cre par les forces armesdes vainqueurs. Malgr la rfutation de cette thse de propagande par larecherche historique, malgr la violation manifeste par les Allis du principedautodtermination des peuples, et malgr linstauration de structures socia-les dmocratiques, la libert dexpression, denseignement et dactionsarrte au principe de culpabilit de guerre, dcisif pourtant pour la destinedes peuples et de lhumanit.

    Si nous entreprenons de faire une rtrospective historique, nous som-mes tents de nous demander si le monde sest transform au cours dessicles. De nouvelles formes de domination sont apparues, qui ont succd celles du pass, mais les structures sociales des socits antiques taient-elles bien diffrentes de celles daujourdhui? Malgr la similitude dessituations dans lhistoire, sous des noms parfois diffrents, et avec desnuances, il nous faut tenir compte de certains lments nouveaux:

    1) La capacit de jugement et la position sociale du citoyen clairdaujourdhui;

    2) Lapparition et lampleur prise par des moyens de communicationnouveaux, vritables formateurs de la vie moderne;

    3) Les dimensions catastrophiques dune guerre moderne;4) Les problmes nouveaux poss par son ampleur (la destruction de

    toutes les valeurs tablies, le danger de suicide collectif);5) Notre exprience de toutes les formes de gouvernement possibles;6) Les diffrents aspects de la co-existence entre les peuples.Lhomme pouvait-il faire davantage pour tenter de rgler pacifiquement

    les diffrends entre les peuples que de crer des institutions internationales(Socit des Nations, ONU) avec leurs annexes multiples, et les in-dispensables Cours darbitrage? Ces institutions nont pas t cres pourendormir les peuples, mais pour veiller une conscience internationale.Mme si leurs conceptions, leurs actes, leurs rgles de procdure et leursstatuts sont souvent en contradiction avec les ncessits de la politiqueinternationale et le droit des peuples, on doit reconnatre la prsence de

  • 13

    telles organisations.Lhomme politique doit tenir compte de la volont souveraine des autres

    hommes dtat: la collaboration internationale exige un libre consentementdes individus. Il manque la politique mondiale une puissance, une loi et unordre de valeurs supra-nationaux. Est-ce faute de bonne volont de la partdes hommes si la paix dans le monde est sans cesse menace? Le caschant, un gouvernement mondial pourrait, par dautres chemins, parvenirau maintien de la paix. Il devrait toutefois sappuyer sur la confiance detoutes les nations. L, plusieurs conditions simposent, notamment une vueobjective de lhistoire, particulirement de celle des hommes dtat et dessystmes politiques dont la loi du destin a permis la destruction, et lacomprhension des facteurs de causalit auxquels lhumanit est soumise. ces conditions sajoute lobligation de sen tenir des valeursuniversellement reconnues. Durant ces cent dernires annes, la pratique amontr que les organisations internationales ont toujours t cres partirde coalitions de puissances victorieuses et que la culpabilit ou la non-culpabilit des tats belligrants a directement dpendu du sort des armes.Ainsi cres, les organisations internationales se sont efforces de maintenirune image fausse et partiale de lhistoire, puis de lui donner une valeurinternationale et conforme au droit des peuples. Cest ainsi que lesorganisations internationales se sont toujours refuses jusquici adopterune attitude objective, entreprendre des recherches historiques dans le butde dcouvrir la vrit et quelles se sont toujours opposes toutemodification du statu quo qui aurait exig lapplication du droit et lareconnaissance de la vrit historique mais qui aurait aussi pu crer lesconditions dune paix durable. Il nest donc pas tonnant que les organisationsinternationales ne bnficient pas de la confiance des peuples et que lesdiverses nations ne se sentent nullement lies par leurs arrts. On a pu voirque, profitant de sa victoire, le vainqueur avait dj pu une fois sattaqueraux conceptions de droit de son adversaire et les dclarer criminelles. Ilnavait pourtant aucun droit dimposer ses conceptions personnelles unpays qui lui tait gal en droit. Il va sans dire que le recours de tellesmthodes est la fois en opposition au droit des peuples et inhumain, pourne pas dire criminel.

    Dautre part, il ne rsout aucun des problmes qui se posent. Les grandespuissances desquelles seules peuvent survenir les guerres futures nesont prtes dialoguer que sur un pied dgalit. Et cest dans cet esprit quelhomme politique, tourn vers lavenir, et lhistorien, confront avec lepass, devront se mettre au travail.

    La guerre en tant que telle nappartient pas quau pass, mais elle exige

  • 14

    aussi, aujourdhui comme demain, que les peuples se tiennent prts en casdalarme, car elle nest pas lie au temps et peut survenir toutes lespoques. Toute personne souhaitant faire une tentative dexplication de cephnomne doit ds maintenant renoncer tablir des liens avec une poque,un lieu, une puissance ou une idologie.

    La guerre mondiale est une tragdie pour toute lespce humaine, et nonpas seulement pour un peuple ou un parti. Nous ne pourrions jamais endcouvrir les causes si nous refusions la parole notre ancien adversairesous prtexte que le sort des armes lui a t dfavorable. Lhumanit entireveut tre entendue et elle y a droit. Par gard pour le pass et pour lavenir,il est du devoir de tout homme politique et chercheur en histoire de lcouter.

    Les proportions gigantesques atteintes par les conflits mondiaux ontamen la question des responsabilits de guerre au centre du dbat danslopinion publique. En enfermant Napolon aux les dElbe et de Sainte-Hlne, on avait pu luder cette question. Au vingtime sicle, trop depassions se sont acharnes sur la recherche des origines, sur les fruits decette recherche et sur les leons quil fallait tirer pour lavenir. Des millionsde morts, de blesss, de sinistrs, de gens perscuts et de rfugisdemandent la condamnation des coupables. Ils demandent que soient res-pects leurs droits individuels et les droits de leur peuple. Labsence detribunal international ou mme dune commission internationale pour larecherche des causes de la premire guerre mondiale, disposant des archi-ves de tous les pays belligrants, semble avoir favoris le dclenchement dela seconde guerre mondiale. Mme si lon ne pouvait esprer, par le recours des excutions capitales, dissuader les hommes politiques de livrer desguerres massivement meurtrires, la connaissance des origines du conflit,des coupables et des normes internationales du droit auraient peut-tre puempcher une nouvelle catastrophe de se dchaner. Or on a recommencles mmes erreurs en 1945.

    On ne peut imputer au peuple ou au gouvernement allemand la responsa-bilit de cette absence de juridiction. Toutes les propositions faites du ctallemand dans le sens de la cration dune commission internationaledinvestigation des causes et des origines de la premire guerre mondialeainsi que louverture de toutes les archives se sont heurtes un refus despuissances victorieuses. Ces dernires navaient nullement lintention, commeelles le proclamaient, de faire rgner la justice et le droit et de garantir parce moyen la paix mondiale.

    Le professeur sudois Sven Hedin, spcialiste des questions dAsiecentrale, a trs justement crit:

  • 15

    Quand on tudie lhistoire contemporaine, il est rare de pouvoiraffirmer avec certitude quune guerre entre deux pays ou deux blocs denations commence lors de la dclaration de guerre, ou lors du dclen-chement des hostilits. Les circonstances qui ont rendu invitables lesdeux guerres mondiales que notre gnration a d subir remontent as-sez loin dans le temps. Lattentat de Sarajevo nest pas un simple coupdu hasard, il a seulement fait clater lorage qui menaait lEurope de-puis trs longtemps.

    La seconde guerre mondiale, quant elle, na certainement pascommenc le 1er septembre 1939, lorsque les troupes allemandes ontfranchi la frontire germano-polonaise. Elle tire sa source de la pre-mire guerre mondiale, ou plutt du jour o les reprsentants de trente-deux nations se sont runis dans la Galerie des Glaces de Versaillespour apposer leur signature au bas dun document que lon a faussementappel un trait de paix.1)

    Laissons la parole un historien:

    La conception daprs laquelle un conflit sengage lors de la dcla-ration de guerre nest pas toujours exacte. Entre la guerre et la paix, ilexiste une multitude de stades qui ne rpondent aucune de ces deuxsituations. Cest la raison pour laquelle on a invent le terme de guerrefroide.2)

    Au vu des expriences passes, lhistorien peut entrevoir le nuage sombrequi sabat actuellement sur lhumanit. Il ne doit pas attendre le premiercoup de feu dune nouvelle guerre pour tre en mesure dapprcier lesdonnes du problme et les conventions qui existent entre les belligrants.Les historiens et les scientifiques ont le devoir dindiquer clairement tou-tes les sources possibles de conflit, que celles-ci rsident dans le pass oule prsent. Puis, en liminant les causes, on pourra aussi liminer lesconflits eux-mmes.

    1) S. Hedin, Amerika im Kampf der Kontinente, p. 60. La date et le lieu dimpression des ouvrages cits en rfrence sont indiqus dans la bibliographie.2) G. Moltmann, Amerikas Deutschlandspolitik im Zweiten Weltkrieg, p. 4.

  • 16

    Versailles (1919) face la questiondes responsabilits de la guerre

    Jusqu prsent, la question des responsabilits de la guerre na jamaist prise vritablement au srieux. travers elle, les hommes politiques ontplutt vu la possibilit datteindre bon compte leurs objectifs respectifs.Cest ainsi que les puissances victorieuses sen sont servi comme duninstrument pratique pour diffamer le peuple vaincu, le priver de ses droits etmorceler son territoire national. Dans ces conditions, la confiance mutuel-le, la morale et le droit, qui seuls auraient pu rsoudre cette question ont tabolis.

    La France et lAngleterre ont dict au peuple allemand des conditionsdarmistice et de paix qui taient en contradiction totale avec le programmeen 14 points labor lors des ngociations darmistice en 1918 et quirompait dlibrment avec la conception internationale du droit. Par lediktat de Versailles, on a considr que lAllemagne portait lentire res-ponsabilit du dclenchement de la premire guerre mondiale. Elle devaitdonc en payer les frais. Cest ainsi que le diktat de Versailles est devenu labase juridique et politique de lEurope des tats. Les puissances victorieu-ses et leurs allis ont lgitim les mensonges, lexploitation conomique un terme incroyablement long, les annexions brutales, la perscution desminorits ethniques, le vol des colonies dautres pays, la dmilitarisationforce, la tutelle de gouvernements trangers, loccupation militaire deterritoires trangers et un bon nombre dautres mesures discriminatoires.Les Allis ont donn un sens nouveau aux termes de droit, de dmocratie,de trait, de vrit, dautodtermination et de libert. Ceux qui onttent de sopposer ces pratiques de peuples civiliss ont t traits dervisionistes, de revanchards, et ont t accuss de violation du droit.

    Les dispositions les plus importantes de leur nouvel ordre internatio-nal se trouvent incluses dans les paragraphes du trait de Versaillesconcernant les responsabilits de guerre ( 231) et dans la note du 16 juin1919, dont nous reproduisons ici les passages essentiels:

    De lavis des puissances allies et des pays associs, la guerre quisest dclenche le 1er aot 1914 est le plus grand crime contre

  • 17

    lhumanit et contre la libert des peuples qui ait jamais t commispar une nation dite civilise. Des annes durant, les dirigeants alle-mands, fidles la vieille tradition prussienne, ont tent dimposer leurhgmonie en Europe. Par la suite, ils ont essay de dominer et detyranniser lEurope assujettie, comme ils avaient domin et tyrannislAllemagne.

    Pour atteindre leurs objectifs, ils ont fait tout ce qui tait en leurpouvoir pour persuader leurs sujets quen matire internationale, puis-sance et droit taient identiques.

    Leurs prparatifs termins, ils ont incit un de leurs allis ... dclarer la guerre la Serbie. Pour sassurer du dclenchement duneguerre gnralise, ils se sont refuss toute tentative de conciliationet toute consultation jusquau moment o il a t trop tard, o taitdevenue invitable cette guerre mondiale quils ont dclenche et pourlaquelle seule lAllemagne tait vritablement prpare.

    La responsabilit qui incombe lAllemagne ne se limite toutefoispas au seul fait davoir voulu et dclench cette guerre. Elle est respon-sable de son caractre cruel et inhumain.

    Les Allemands sont les premiers avoir utilis les gaz nocifs, ...larme sous-marine ... et avoir envoy avec une insigne brutalit desmilliers de personnes, hommes, femmes et enfants, en dportation ltranger. Ce sont eux qui se sont permis, sur la personne des prison-niers, des actes devant lesquels les peuplades les plus primitives auraientrecul.

    Le comportement de lAllemagne est pratiquement unique danslhistoire de lhumanit. On peut ainsi rsumer lnorme responsabilitqui pse sur elle: plus de sept millions de personnes sont enterres enEurope, tandis que plus de vingt millions dtres humains peuvent t-moigner par leurs blessures ou par les maux quils ont soufferts de ceque lAllemagne a voulu imposer sa tyrannie par la guerre. Ce sont lesraisons pour lesquelles les puissances allies et les pays associsdclarent avec force que lAllemagne doit se voir imposer le paiementde rparations de guerre. Le montant de ce tribut devra correspondre la limite de ce que lAllemagne est en mesure de payer. La rparationdes fautes que lon a commises est lessence mme de lquit.

    Les puissances allies et les pays associs considrent en cons-quence que leurs propositions de paix ne sont que lexpression du droit,conformment aux principes reconnus lpoque de larmistice...

    Les puissances victorieuses ont mis obstacle toute tentative dexplica-tion objective des causes et des origines de la premire guerre mondiale,car elles ont voulu la transformer en une affaire politique. Ds les annesvingt, aucun historien digne de ce nom na plus dfendu la thse de laresponsabilit unique de lAllemagne. Pourtant, on a toujours repouss avec

  • 18

    vigueur les notes de protestation des gouvernements de Weimar ainsi queleurs demandes de rhabilitation et de rvision de cette thse, sans toutefoisoffrir dautres arguments que celui de la puissance. Aucun des vainqueursna jamais prsent de rapport historique lappui de ses attaques verbalescontre lAllemagne, et pourtant, ils se sont tous refuss restreindre ou rtracter ces attaques au vu des rsultats auxquels sont parvenusultrieurement les historiens. Lors de la confrence de Londres sur le sujetdes rparations de guerre, le Premier ministre britannique David LloydGeorge dclarait:

    Pour les Allis, il est dune importance fondamentale que lesAllemands portent la responsabilit de la guerre. Cest la base mme deldifice sur lequel a t difi le trait. Si nous rejetons la thse de saculpabilit, tout ldifice scroule ... Nous tenons donc soulignerune fois pour toutes que la responsabilit allemande ne saurait treremise en question par les Allis.1)

    La thse de la culpabilit allemande tait ncessaire pour couvrir lespropres actes des Allis. Ce nest que de cette manire que lon avaitjustifi toutes les sanctions infliges lAllemagne sous formedannexions, de discriminations arbitraires, de rparations,2) de confiscations,de droits de contrle, etc... et empch quelles soient remises en question.

    Vous avez lavenir entre vos mains!

    Cest par ces paroles que Raymond Poincar, prsident de la Rpubliquefranaise, a reu les dlgus des 27 nations lors de louverture de laConfrence de Paix de Versailles, le 18 janvier 1919. Ces paroles allaientrevtir une importance historique. Ce nest pas parce que lon a dict auxAllemands des conditions particulirement dures que le trait de Versail-les a t une catastrophe, cest parce quen obligeant le gouvernementallemand signer ce document sous la menace dune occupation militairede son pays, on a agi selon des normes de droit iniques. De nombreuxhommes politiques allemands et trangers de lpoque ont reconnu eux-mmes les dangers de ce trait de paix.

    Philippe Scheidemann, chancelier social-dmocrate allemand, dclarait

    1) H. Lutz, Verbrechervolk im Herzen Europas? p. 98.2) Les Allis nont jamais renonc officiellement aux rparations de guerre. Les paiements ont t

    suspendus en 1932 par suite de la dpression conomique. En 1950, les Allis occidentauxont rouvert le dbat en dclarant que la question des rparations de guerre attendait unrglement. H. Prinz zu Lwenstein, Deutsche Geschichte, p. 511.

  • 19

    en mai 1919:

    Permettez-moi de vous exposer ici sans aucune considration tac-tique notre point de vue: ce gros livre, dont les cent premiers paragra-phes commencent par: lAllemagne renonce, renonce et renonce, cetnonc diabolique par lequel un grand peuple doit reconnatre sa propreindignit, donner son accord un dmantlement impitoyable de sonterritoire et se soumettre un esclavage innommable, ce trait nesaurait servir de nouveau code pour lavenir.

    Des mains implacables nous enchanent, puis on nous demande detravailler, tels des esclaves, pour remplir les caisses du grand capitalinternational...

    Ce trait est jug inacceptable par le gouvernement du Reich. Il estsi peu acceptable que je ne parviens pas encore aujourdhui croire quele monde ait pu produire un tel livre, sans que des gorges de millions etde millions de personnes de toutes nationalits et de tous pays retentis-se le cri: Non ce plan criminel!3)

    Dinnombrables personnes de France, dAngleterre, dItalie et dautrespays ont reconnu ds 1919 que le nouvel ordre institu par le trait deVersailles, notamment en ce qui concerne les frontires germano-polonaises,devait ncessairement conduire une nouvelle guerre.

    Robert Lansing, ancien ministre des Affaires trangres amricain, citpar Francesco Nitti, prsident du Conseil italien:

    Les vainqueurs ont voulu satisfaire leurs ambitions au dtriment duvaincu, mais ils confondent dlibrment leur intrt personnel aveccelui de lhumanit.

    De la manire dont est conduite lheure actuelle la politique euro-penne, nous sommes la merci de toutes les ambitions et de toutes lesintrigues par lesquelles sera dclare juste la plus manifeste des injus-tices. Ce trait de paix napportera pas de paix durable, car il nest btique sur le sable des intrts individuels.

    Je ne suis pas le seul porter ce jugement, ajoutait Lansing. En fait,je me trouvais quelques jours plus tard Londres parmi de hauts fonc-tionnaires anglais, afin de discuter de ce trait. Ils saccordaient tous dire quil tait absurde et inapplicable, le produit dintrigues etdambitions et quil tait plus propre provoquer une nouvelle guerrequ garantir la paix.4)

    Francesco Nitti, pour sa part, dclarait la mme poque:

    3) Tgliche Rundschau, 11 mai 1919.4) F. Nitti, DieTragdie Europas und Amerika? pp. 12-14.

  • 20

    Jamais une paix srieuse et durable na t btie sur le pillage, latorture et la ruine dun peuple, encore moins sur celle dun grandpeuple. Or le trait de Versailles nest rien dautre que cela.4)

    J. W. Kneeshaw, dput travailliste britannique, lors du congrs annuelde son parti Scarborough en 1920:

    Si nous tions le peuple vaincu et que nous nous voyions dicter detelles conditions, nous ne nous soumettrions certainement pas cesobligations. Nous enseignerions nos enfants au contraire se prpa-rer pour une nouvelle guerre de revanche qui pt se librer du jougintolrable, insupportable des vainqueurs. Les conditions poses nesont pas seulement un coup port lAllemagne et lAutriche, ellessont aussi un complot contre la civilisation.5)

    Ren van Swinderen, ambassadeur hollandais Londres, au diplomatebritannique E. Howard:

    Les conditions de paix de Versailles contiennent en elles-mmesles germes dune guerre juste et longue.6)

    Le prsident amricain Woodrow Wilson, en 1919:

    Comment, par exemple, une puissance telle que les tats-Unis puisque je ne puis parler pour aucune autre situe 3000 milles pardel locan, peut-elle signer ce trait, se retirer dEurope, et dire auxAmricains quun trait de paix a t cr pour le monde, tandis que sontexte arrte des lments que lon ne peut considrer comme durables?Jai estim quil mincombe de lui refuser ma signature.7)

    Est-il surprenant que la Rpublique de Weimar ait refus de se plier auxexigences des Allis et de leur livrer les prtendus criminels de guerre (unterme ne sappliquant toujours quaux Allemands), ou quelle ait permisensuite lun de ces criminels les plus en vue, le marchal von Hinden-burg, de se faire lire, puis rlire, prsident du Reich?

    Tous les gouvernements de la Rpublique de Weimar, quelle que ft leurcouleur politique, ont rejet les attaques contenues dans le diktat de Ver-

    5) W. Jaksch, Europas Weg nach Potsdam, p. 214.6) E. Howard of Penrith, Theatre of Life, vol. II, p. 375.7) E. Viefhaus, Die Minderheitenfrage und die Entstehung der Minderheitenschutzvertrge auf

    der Pariser Friedenskonferenz 1919, p. 193.

  • 21

    sailles et demand ce que soit cr un tribunal neutre qui prononce unjugement quitable; en vain, naturellement. Les grandes puissances nontpas ragi. Entre les nations, la confiance a disparu. Par ses exigencesdmesures, le trait de Versailles a favoris la formation dun front unien Allemagne, qui a pris cur de combattre cette injustice; ce frontdaction ne sest pas seulement manifest en paroles, il a galement agi.

    Un Anglais, Lord Buckmaster, dclare:

    Inviter une nation, aussi malfaisante et abominable quelle soit, dposer les armes sur la base de certaines conditions et lui en imposerensuite de tout autres, lorsquelle se trouve sans dfense, est un acte dedshonneur, une infamie qui ne pourra jamais tre oublie.8)

    Mais ce nest pas tout. Lloyd George a reconnu, le 7 octobre 1928, lorsdun discours quil a prononc dans le Guild Hall de Londres:

    Toute la documentation qui nous a t fournie par certains de nosallis tait mensongre et truque. Nous avons dcid [ Versailles*)]sur des faux.9)

    Les dlgus allis qui, munis des pleins pouvoirs, se sont runis auPetit Trianon le 8 mai 1919 lors de la Confrence de Paix, ont reconnuquils navaient aucune connaissance des problmes de lEurope centrale.10)

    Pourtant, aucun de ces aveux na conduit une modification quelconque dela situation.

    Les gouvernements de ces peuples ont toujours manqu la parole quilsavaient donne lAllemagne et au monde. LAllemagne a dpos les armesen novembre 1918 en croyant que les 14 points auxquels Lloyd George pourla Grande-Bretagne et Clemenceau pour la France avaient donn leur accord(au mme titre que les tats-Unis), seraient respects. Or, la conventiondarmistice a t viole ds le dpart par la poursuite du blocus conomiquecontre lAllemagne. Elle la t de nombreuses fois par la suite, unepoque pourtant o aucun gouvernement allemand ne lui en avait encoredonn loccasion et o Hitler ne faisait quentrer dans la vie politique. Voicila liste de ces violations des engagements:

    8) R. Grenfell, Unconditional Hatred, p. 84. *) Les adjonctions aux citations (toujours entre crochets) nont pour but que de rendre le texte

    plus comprhensible. Elles sont le fait de lauteur. 9) K. Rabl, Das Selbstbestimmungsrecht der Vlker, p. 97; Henri Lebre in Les Origines Secrtes

    de la Guerre 1939-45, p. 17.10) H. Lebre, op. cit., p. 96.

  • 22

    1. Non-respect de la souverainet du Reich et de la libre dterminationde son peuple;

    2. Annexion par la Pologne de certaines parties de la Haute-Silsie, endpit dun plbiscite favorable au rattachement lAllemagne;

    3. Violation par la Pologne des frontires fixes par le trait deVersailles;

    4. Annexion sans plbiscite du territoire de Memel par la Lituanie;5. Appropriation illgale des colonies allemandes par la France et la

    Grande-Bretagne (en violation avec lart. 5 des 14 points du rglementimpartial auxquels avait souscrit le prsident Wilson);

    6. Non respect des droits, garantis par le trait, des minorits allemandesdans les territoires dtachs du Reich;

    7. Occupation militaire, en 1921 de Ruhrort, Duisburg, Dsseldorf,Mhlheim et Oberhausen, ainsi que de plusieurs villes situes dans la partieoccidentale de lAllemagne, et dplacement des frontires; occupation mi-litaire de la Ruhr par la France, en janvier 1923;

    8. Interdiction de lunion douanire entre lAutriche et lAllemagne(sans parler de linterdiction de toute unification de ces deux pays);

    9. Non-observation des promesses de dsarmement;10. Dcision ultrieure du Conseil de la Socit des Nations de res-

    treindre encore les liberts dont jouissait le territoire de Dantzig;11)

    11. Expulsion des Allemands de souche (Volksdeutsche), notammentdes territoires dtachs du Reich allemand; leur nombre atteignait un millionen 1922, sans compter ceux qui furent interns par les Allis:

    200 000 Allemands de ltranger et des colonies120 000 Alsaciens-Lorrains500 000 rfugis des provinces de Prusse occidentale (Posen) et de

    Haute-Silsie100 000 Allemands de Russie et des tats Baltes.Tous ces faits nont pourtant conduit aucune autocritique de la part de

    ces pays. Les voix isoles de quelques courageux ont t noyes dans le flotconstant de la haine anti-allemande. Cette haine semble avoir t dans cespays un bon alibi, voire une preuve de bon caractre et de civisme; elle estaussi devenue le fondement mme de la politique europenne et internatio-

    11) La politique extrieure de la Ville libre de Dantzig tait laisse linitiative de la Pologne.Dantzig tait territoire douanier polonais, son rseau de chemin de fer tait rattach ladministration polonaise et son port ouvert tous les bateaux polonais, y compris lesnavires de guerre. Par ailleurs, la Socit des Nations se chargeait de la protection de laVille libre. Aucune prrogative ntait laisse par contre au Reich allemand.

  • 23

    nale. Les puissances victorieuses, nullement impressionnes par les voixdes critiques, ont vu dans llaboration de leur trait un moyen adquat deraliser leur politique au dtriment de lAllemagne. Ce pays a t affaibli,dmantel, dchir, isol politiquement, ruin sur le plan conomique etperptuellement soumis la menace dune intervention militaire trangre.Tous les territoires qui avaient t dtachs de lAllemagne, [Dantzig, Prus-se occidentale (Posen), Haute-Silsie et Silsie orientale, Memel, Sarre,Schleswig septentrional, pays des Sudtes, Eupen-Malmedy, Tyrol du Sud etAlsace-Lorraine,*)] ont constitu autant dobstacles une rconciliationentre les peuples. Et, nimporte quel moment, un front europen unipouvait se construire contre lAllemagne.

    Adolf Hitler dclarait le 17 mai 1933, lors dun discours au Reichstag:

    Les esprances que lon avait fondes dans la cration dune nou-velle conception du droit international ont t dtruites par le trait [deVersailles]. Pour justifier toutes les mesures de ce diktat, il a en effetfallu dclarer lAllemagne responsable [de cette guerre]. Une telleprocdure est aussi simpliste quinique. lavenir, le vaincu devratoujours porter la responsabilit du conflit, puisque le vainqueur a lapossibilit dimposer ses thses. Si ce processus a eu des consquencesaussi dsastreuses, cest parce quil a ainsi justifi la modification desrapports de force la fin de la guerre en lui assurant une base juridique.Les notions de vainqueur et de vaincu sont devenues le fondement dunnouvel ordre juridique et social international.12)

    Il faudra attendre 1958 pour quune autocritique officielle manant deParis rende justice aux vnements:

    Tout le poids de llaboration du trait [de Versailles] reposait surlAngleterre, la France et sur les nouveaux tats dEurope orientale, quine sont jamais parvenus vaincre vritablement leurs difficults inter-nes. Les vainqueurs ntaient ni suffisamment forts pour imposer leurvolont aux vaincus, ni suffisamment magnanimes pour se rconcilieravec eux. Malgr linternationalisme idaliste de Genve, on nest pasparvenu saccorder sur une politique europenne constructive et lon

    *) Avant la premire guerre mondiale, 95,2% de la population alsacienne tait composdAllemands (1 136 056 personnes) contre 4,8% de Franais (56 634 personnes), tandis que74,7% des Lorrains taient Allemands (439 066 personnes) contre 25,3% de Franais (146940 personnes). LAlsace-Lorraine a t rattache sans plbiscite la France en 1919.Lorsquen 1871 le gouvernement du Reich avait procd un recensement des 1,5 millions,seuls 39 560 dentre eux avaient fait usage de leur droit se dclarer Franais.

    12) G. Rhle, Das Dritte Reich, vol. 1933, pp. 169-170.

  • 24

    en est rest au stade des expdients, destins maintenir prcaire unquilibre des forces.

    Tout le tragique de lhistoire de lentre-deux-guerres sexprime travers limpuissance de la Socit des Nations.

    LAllemagne tait le pays qui avait le plus de raisons de se mfierdune institution qui tait issue dune alliance entre vainqueurs.

    La France a voulu pousser lAllemagne vaincue aux dernires extr-mits. LAllemagne a t accule la misre, mais la France ny a riengagn...

    La cration dtats nouveaux, qui sappuyait sur le principe dudroit lautodtermination, na pas apport de solution satisfaisantepour la simple raison que ce droit na t accord en pratique qucertains peuples majoritaires...

    Par suite, les milliers de kilomtres de frontire crs en Europecentrale et orientale nont rsolu aucun des problmes conomiques; aucontraire.13)

    Rsumons les ides essentielles quon vient dmettre:1) Les nouveaux tats dEurope orientale issus du trait de Versailles ne

    sont jamais parvenus vaincre leurs difficults internes;2) Les vainqueurs de Versailles ntaient pas suffisamment magnanimes

    pour se rconcilier avec les vaincus;3) La Socit des Nations na pas pu mettre daccord ces nations sur une

    politique europenne constructive;4) Le trait de Versailles a cr un quilibre des forces prcaire;5) Pour la Socit des Nations, cet quilibre des forces devait tre

    maintenu;6) Par ses exigences, la France a accul lAllemagne la misre;7) Le droit lautodtermination na t accord qu certains peuples.Cet aveu vient trop tard. Il ne porte plus consquence. Ces hommes

    dtat, qui ont combattu lAllemagne impriale pour vaincre la tyrannie etremdier l absence de droit international nont rien fait aprs la victoirepour donner une chance relle la dmocratie allemande. Sur le plan inter-national, la violence et labsence de tout droit taient les seules perspectivesdavenir que lon pouvait apercevoir, une poque o nul ne parlait encorede Hitler. Le national-socialisme est n Versailles.14) Un historien amri-

    13) Unser Europa, Paris 1958, ouvrage dit sous les auspices de la commission culturellede lAssemble consultative du Conseil de lEurope (Institut international des livresdtude), pp. 132, 219-221; contributions dHenry Brugmans, recteur de lEuropa-Kolleg de Bruges, et de Christopher Dawson.

    14) Th. Heu, Hitlers Weg, p. 152.

  • 25

    cain, qui reconnat par ailleurs que Hitler lui tait antipathique,15) crit:

    Ce que les documents de Nuremberg ont rvl des plansdagression hitlriens nest que le dernier chapitre dun livre volumineuxet accablant qui remonte Versailles. Car il [le prsident Roosevelt]savait trs bien quaucune des nations europennes qui avaient tirprofit du trait de Versailles ntait prte lcher la moindre miette deson butin de guerre. Les injustices de ce trait ne pouvaient trerectifies que par une guerre.15)

    15) C.Tansill, Back Door to War, pp. 16, 519.

  • 26

    Jugements ports contre lAllemagne depuis1919

    La peur comme moteur fatal de lagitation

    Jusquici les actes des puissances occidentales et des pays du bloc delEst ont t caractriss par la dialectique, le non respect et la dformationdes principes de droit universellement reconnus. La propagande mise auservice de grandes puissances disposant de techniques perfectionnes ainterprt sa manire chacun des grands vnements historiques qui ontsecou lhumanit. Par la dialectique, les hommes politiques sont parvenus mobiliser les peuples et les historiens nont eu qu justifier ensuite lesactes des gouvernements vainqueurs en sappuyant sur des donnes scienti-fiques, il va sans dire. Cest toujours avec des phrases dpourvues de sensque lon conduit les peuples aux barricades. La haine, la peur, le mensongeet la violence sont encore et toujours les instruments favoris des hommespolitiques, qui ressassent dailleurs inlassablement quils sont les seuls vouloir la paix, le progrs, le bien de lhumanit et la dmocratie. Mais si lapolitique de la haine et de la peur, insparable du mensonge et de la diffama-tion, est en soi condamnable, elle est absolument inadmissible en ce quellecre des situations qui rendent ensuite les guerres invitables plus oumoins court terme.

    Il semble que lon nait pas su tirer les conclusions de cette chane decausalit, dont on peut vrifier historiquement lexistence et le fonctionne-ment et qui prend sa source dans une atmosphre charge de haine et depeur. On sest content de dire que cest juste titre que la propagandeallie avait accus lAllemagne des pires mfaits; on a dailleurs pu en me-surer ltendue lissue de chacune des deux guerres mondiales et surtoutlors des procs du TMI1) de Nuremberg, en 1945-1946. Cette propagande deguerre tait si profondment ancre dans les esprits que ses utilisateursnont apparemment pas vu labsurdit dun tel raisonnement. Les dangers quimenacent les gnrations prsentes et venir, du fait de la reprise de cette

    1) TMI = Tribunal militaire inter-alli, dont les rfrences dans le prsent ouvrage serapportent ldition en langue allemande (IMT, Der Proze gegen die Hauptkriegs-verbrecher vor dem Internationalen Militrgerichtshof in Nrnberg vom 14. Nov. 1945bis 1.Okt. 1946, vol. I - XLII, Nuremberg 1948).

  • 27

    politique aprs lcrasement de lAllemagne en 1945, nous obligent analyserses diffrents aspects en remontant jusquau trait de Versailles de 1919.

    Si lon avait calomni le gouvernement imprial, le Haut Commande-ment de lArme, les traditions prussiennes et le peuple allemand pourgagner la premire guerre mondiale, on poursuivit avec zle ces campagnesde diffamation une fois la guerre termine, afin daffaiblir et dabattrelAllemagne en temps de paix. On prit lhabitude, une poque o lAllemagnetait faible et dsarme de se servir des moyens de communication modernespour se moquer dautres nations et dautres gouvernements, en les traitantau besoin de revanchards. On se retranchait toujours derrire linviolablelibert dexpression. Les dirigeants de ces pays rejettent aujourdhui encorela plus lgre responsabilit dans la dgradation de la situation europenneaprs 1919. Les hommes politiques de lpoque qui avaient pris consciencedu danger nont pu saffirmer face une opinion publique hostile. Ceux quiprtendent nier les vrits les plus videntes et continuer prcherlinjustice, qui distinguent les peuples civiliss (dont le leur) des barbares(le peuple allemand), qui propagent la peur et appellent aux armes, doiventsavoir quils jouent avec le feu; la co-existence pacifique entre les peuplesse fonde sur un respect mutuel. Ce sont prcisment ceux qui ont parl leplus lpoque de la dfense de la culture occidentale qui se sont refuss respecter les conceptions europennes du droit hrites de la tradition. Aunom de quoi prtendent-ils juger dautres peuples et leur dicter la conduite?Peuvent-ils raisonnablement allguer la menace nationale-socialiste daprsjanvier 1933, alors quils nont eux-mmes jamais cess de manifester leurhostilit lAllemagne? Il ne sagissait pas en loccurrence de conceptionsdu monde, de professions de foi, de principes philosophiques ou de partispolitiques, mais ctait uniquement la place de lAllemagne dans le mondequi tait vise.

    Lempereur Guillaume II avait dj dclar:

    Comment puis-je convaincre un peuple contre sa volont quand lapresse lui suggre quotidiennement la mfiance, la suspicion et inter-prte dans ce sens tous les tmoignages de paix et damiti?2)

    La haine anti-allemande tait le ciment de lunion des Allis; ellesexprimait travers la clbre phrase: Les boches paieront. Les partisqui, lors des campagnes lectorales surpassaient leurs concurrents par leurpatriotisme, pouvaient compter sur des voix supplmentaires.

    2) Dokumente der Deutschen Politik und Geschichte, vol. II, p. 190.

  • 28

    Cette politique de la peur ne se fondait pas que sur des faits que lonaurait pu interprter de diffrentes manires, mais aussi elle se traduisaitpar des jugements de valeur simplistes et dnus de tout fondement: on pr-tait lAllemagne certaines intentions, certaines manuvres et certainesmotivations. Au mois de septembre 1932, un gouvernement de la Rpubliquede Weimar avait dj quitt la Confrence du dsarmement: il ne pouvaitsupporter plus longtemps la discrimination dont lAllemagne tait victime,et jugeait irrecevables les raisons invoques par la dlgation franaisepour justifier de nouvelles mesures de scurit. Lloyd George, Premierministre britannique de 1916 1922, dclarait en septembre 1932:

    Je ne vois rien de choquant reprendre mon compte la thseallemande en disant que les nations victorieuses ont dlibrment faitpreuve de mauvaise foi sur la question du dsarmement.3)

    Puis, deux ans plus tard, le 29 novembre 1934, dans un discours pronon-c la Chambre des Communes:

    Les puissances victorieuses ont dclar solennellement dans letrait de Versailles quun dsarmement gnral suivrait le dsarmementallemand. LAllemagne a attendu quatorze ans que cette promesse soittenue. Durant tout ce temps se sont succds dans ce pays une suite deministres conciliants et pacifiques. Ces ministres nont pas cess deconvier les grandes puissances tenir leurs engagements. Tous cesefforts ont t tourns en drision par la conclusion de conventions,dont notamment lacte anti-guerre. Dans le mme temps, tous cespays ont augment leurs armements, lexception de la Grande-Bretagne,et sont alls jusqu prter de largent aux pays voisins de lAllemagnepour quils puissent construire des installations militaires devant sespropres frontires. Quy a t-il dtonnant si les Allemands se sont fina-lement rvolts pour dnoncer limposture des grandes puissances?4)

    Cet homme, loin dtre un fasciste ou un Allemand, fut Premierministre de la Grande-Bretagne. Il ne savait que trop bien que la France nestait pas contente de rarmer, sans se tenir aucune des conventionssignes en la matire; ds la conclusion du diktat de Versailles, elle avaitincit les tats nouvellement crs faire de mme.5)

    3) W. Ziegler, Versailles, p. 266.4) H. Sndermann, Das Dritte Reich, p. 41.5) V. Rothermere, Warnings and Predictions, p. 77.

  • 29

    Ainsi, les Allis imposrent dabord le dsarmement, puis recon-nurent leur propre devoir moral de diminuer leurs armes. Ont-ils faitce devoir, oui ou non? La seule rponse que nous puissions donner cette question est non, parce que ctait en fait aprs la premireguerre mondiale que la France a tch plus que jamais de devenir lapremire puissance militaire en Europe et a incit ses allis dEuropecentrale rarmer, en particulier la Pologne et la Tchcoslovaquie.6)

    La France a:

    impos aux Allemands une humiliation et des souffrances que lesAllemands victorieux nauraient jamais mme tent dimposer leursennemis.7)

    Malgr sa crise conomique et le recul de sa population, [la Fran-ce] possde la plus grande arme du monde.8)

    La France fut responsable de lchec du dsarmement europen9) et, parl, du peu de crdit que lon accorde aux serments prts par les puissancesvictorieuses. Les Allis ont en revanche reconnu que les Allemands avaienttenu leurs engagements quant au dsarmement, en ce quils ont rappel lacommission militaire inter-allie le 31 janvier 1927, les experts en matirede dsarmement en janvier 1930 et vacu la Rhnanie en juin 1930.

    Un revirement brutal, qui navait rien voir avec la question du rarme-ment, allait se produire en Angleterre en 1932. Winston Churchill et lenombre croissant de ses partisans commenaient leurs premires campa-gnes de haine anti-allemande et, tout en dtournant lattention de lopinionpublique des problmes rsultant de la grave crise conomique qui accablaitce pays, ils tentaient de la convaincre de la ncessit du rarmement eninvoquant la proximit dune nouvelle guerre.10) Leurs slogans, aussi absurdessoient-ils, sont devenus le fondement du nouveau droit international. Onoublie souvent de dire que Churchill avait commenc jouer les prophtesde malheur11) ds 1932, et prsenter comme une menace pour le monde lapacifique Rpublique de Weimar.

    Hitler na pas cr cette situation en 1933 ou en 1936, il la trouve

    6) F. O. Miksche, Unconditional Surrender, p. 220. 7) F. Nitti, Die Tragdie Europas und Amerika? p. 18. 8) ibid., p. 29. 9) A. J. P. Taylor, The Origins of the Second World War, p. 77.10) W. Cowles, Winston Churchill, pp. 332-333.11) W. Churchill, La deuxime guerre mondiale, tome I, livre II La drle de guerre, p. 18.

  • 30

    ainsi son arrive au pouvoir. La politique des puissances victorieuses Versailles, qui est esquisse dans les points suivants, a eu des consquencesdiverses sur la communaut des tats souverains, indpendamment du faitquils aient considr quune rvision du trait de Versailles tait justifieou ne ltait pas:

    1. La thse de la culpabilit allemande est leve au rang dun principeinternational;

    2. Refus lAllemagne de lgalit des droits;3. Violation du trait de Versailles par les vainqueurs et leurs allis,

    avec lappui, ou du moins lautorisation tacite, de la Socit des Nations (cf.pp. 21-22);

    4. Non-respect des droits garantis aux Allemands de souche dont leterritoire a t dtach du Reich, et qui ont t expulss par la suite de leurpropre patrie;

    5. Non-respect par les Allis des promesses de dsarmement;6. Rejet des tentatives de conciliation des diffrents gouvernements de

    Weimar (ce nest que dans les dernires annes prcdant 1933 que lon apu trouver un terrain dentente, encore ntait-ce que sur des points dedtail);

    7. Boycott conomique de lAllemagne partir de mars 1933 par les plusgrandes puissances, surtout les tats-Unis;12)

    8. Rejet de toutes les propositions allemandes de dsarmement, entreautres celles quAdolf Hitler a formules jusqu 1935:

    Dsarmement intgral: rejet.Limitation gnrale des troupes 200 000 hommes: rejete.Limitation gnrale des troupes 300 000 hommes sous contrle inter-

    national et conclusion de pactes de non-agression avec tous les pays voisins:rejetes.

    Pacte concernant larme de lair: rejet.Rglement europen: rejet.*)

    Ceux qui sindignent du comportement de Hitler par la suite, devraient

    12) Le magazine Der Spiegel publiait, le 10 fvrier 1965, les phrases suivantes (p. 56):Une dlgation danciens combattants juifs a menac M. Heinrich Knappstein,ambassadeur dAllemagne, dexercer toute son influence pour empcher une runifi-cation de lAllemagne si une amnistie pour les crimes de guerre tait vote.

    Nous avons fait allusion lefficacit de notre boycott des produits allemands en1933, poursuit lorgane de presse de cette organisation, The Jewish Veteran. Noussommes prts recommencer si cest ncessaire. Voir aussi p. 44 et la citation ennote 38. F. Berber, Deutschland - England 1933-1939, pp. 27, 98, 106.

    *) Sur les raisons invoques pour ces rejets, cf. p. 256.

  • 31

    condamner tout dabord cette politique des puissances victorieuses (de laFrance particulirement), dont lopinion publique et le parlement sonttoujours rests hostiles tout accord avec Hitler.17)

    Les vnements voqus ici ont t souvent lourds de consquences:9. Juste avant louverture de ngociations qui sannonaient prometteuses,

    le gouvernement britannique publie, le 4 mars 1935, un livre blanc sur lerarmement illgal de lAllemagne, dans lequel le systme ducatifnational-socialiste est prsent comme un danger pour la paix universelle**)

    et o lon annonce un accroissement de larmement britannique. Les Anglaisont ainsi pris prtexte dun rarmement allemand, qui daprs les proprestermes de lambassadeur franais Berlin tait encore ltat embryonnaireen 1936 (soit un an aprs la parution de ce livre blanc), pour rarmer leurtour.13) Cest ainsi quune hypothse dnue de tout fondement desdmocraties pacifiques a, une nouvelle fois, contribu une aggravationde la tension europenne;

    10. Prolongation de la dure du service militaire en France deux ans(dcret du 6 mars 1935, entrant en application partir du 15 mars 1935);

    11. Convention signe entre les tats-majors anglais, franais et belge,le 14 mars 1935;

    Le 16 mars 1935, lAllemagne a ragi aux faits illustrs dans les points 8 11 par la proclamation du service militaire obligatoire et par la rpudiationdes conventions de dsarmement du trait de Versailles, non sans avoirauparavant mis en garde les pays intresss des consquences possiblesdesdits faits;

    12. Pacte dassistance mutuelle franco-sovitique, du 2 mai 1935, rati-fi et mis en application le 27 fvrier 1936. Ce pacte a t sign Parisalors que la France connaissait trs bien les buts poursuivis par les bolche-viques et que lon savait que le propre beau-frre de Staline, Lazar Kagano-vitch, chef du bureau politique (Politburo) du parti communiste, avaitpubli un an plus tt, le 27 janvier 1934, dans le journal Isvestia, la phrasesuivante:

    Une nouvelle guerre franco-allemande rpondrait aux intrts delUnion sovitique.14)

    13. Pacte dassistance mutuelle entre la Russie et la Tchcoslovaquie le

    **) F. Berber, op. cit., p. 53.13) R. Coulondre, De Staline Hitler, souvenirs de deux ambassades, 1936-1939, p. 174, et la

    citation de Lloyd George in J. Colvin, Vansittart in Office, p. 112.14) D. Hoggan, The Forced War, p. 204 (d.allemande, Der erzwungene Krieg, p.276). LInstitut

  • 32

    16 mai 1935;14. Ragissant au pacte franco-sovitique entrant en vigueur une semaine

    auparavant et la menace communiste qui se faisait jour en France traversle gouvernement du Front populaire (novembre 1935), Hitler remilitarisesymboliquement (avec 19 bataillons) la Rhnanie, le 7 mars 1936, pour desraisons de scurit (danger dun encerclement communiste), et afin demontrer la volont du Reich daccder lgalit politique. Il montre que,par la signature dun trait avec lUnion sovitique, la France a dlibrmentviol les accords de Locarno de 1925. Par ce trait, la France sest engage dclencher les hostilits contre lAllemagne, sans consultation pralablede la Socit des Nations, si lune des puissances signataires dclare quelleest lobjet dune agression ou dune provocation de la part de lAllemagne.On sait par ailleurs que pour lUnion sovitique, lAllemagne depuis 1933 etla NSDAP depuis ses premiers succs intrieurs nont cess dtre lesagresseurs. On na aucun mal simaginer quun accord tacite commun etquelques dclarations habiles auraient suffi pour que les conditions duneguerre dfensive fussent remplies.

    la mme poque, Adolf Hitler dclare, dans un discours au Reichstag,quil est prt:

    a) crer une nouvelle zone dmilitarise, condition que la France etla Belgique fassent de mme;

    b) signer avec la France, la Belgique et les Pays-Bas un pacte de non-agression, garanti par la Grande-Bretagne et lItalie, pour une dure de 25ans;

    c) rentrer dans la Socit des Nations puisque lgalit politique aurat rtablie entre temps.

    Ces propositions ont t rejetes.15. Doublement des effectifs de larme sovitique, en aot 1936;16. Rarmement de la Tchcoslovaquie, de la Pologne, de lUnion

    sovitique, de la France et de la Grande-Bretagne.Ce concept de la scurit de la France a dj t la source de

    dhistoire contemporaine de Munich a accus le professeur Hoggan davoir, dans sonouvrage, utilis des faux. Malgr la pertinence de quelques critiques sur des pointsprcis de ce livre, il reste que le professeur Hoggan est extrmement bien documentet que, contrairement dautres historiens, il fournit, avec ses sources, la preuve de cequil affirme, citant de trs nombreuses pices originales qui illustrent clairementlvolution vers le dclenchement de la seconde guerre mondiale. Tout historienallemand devrait prendre note de ce livre, car Hoggan a eu la possibilit de consulterdes sources dinformation aux tats-Unis, lesquelles sont inaccessibles aux chercheursallemands. Les passages de son livre cits en rfrence sont rests indiscuts jusquici.

  • 33

    nombreuses tensions. On ne peut exiger dun tat souverain, et moinsencore dune grande puissance dEurope centrale, quelle fasse cadrer sapolitique avec les conceptions de ses voisins. (Il suffit de reporter ceschma la propagande marxiste, qui taxe ses adversaires de militarisme,dimprialisme et fustigent leur esprit de revanche jusqu ce que lescommunistes aient russi imposer leur ordre). Quelques annes avantlaccession dAdolf Hitler au pouvoir, Julius Curtius, ministre des Affairestrangres allemand, avait trs justement dpeint le problme de la scuriteuropenne aux yeux du gouvernement franais:

    Le systme de scurit franais ne peut tre le fondement daucunerconciliation europenne. Linscurit politique qui rgne dans lesrapports entre les diffrentes nations europennes est due en toutpremier lieu au trait de Versailles.15)

    La scurit de la France tait garantie, avant comme aprs laccession deHitler au pouvoir:

    1. Par elle-mme, cest--dire par la mtropole et par ses colonies, soitquelque 100 millions dhommes;

    2. Par ses dpenses en matire de dfense nationale, qui, proportionnel-lement au PNB16) des deux pays, atteignaient ds le dbut le double de cellesde lAllemagne, sans parler de lanne 1918 o la France avait t seule poursuivre son armement;

    3. Par la supriorit de son arme (l o Hitler pouvait aligner 36divisions, en 1935, la France en disposait de 41);16)

    4. Par son avance technologique et son exprience militaire;5. Par limportance et la nouveaut de ses travaux de fortification (notam-

    ment la ligne Maginot);6. Par la prsence dune zone dmilitarise en Rhnanie;7. Par le fait mme dtre une puissance victorieuse, cest--dire un pays

    qui a jou un rle de premier plan aprs la premire guerre mondiale;8. Par le trait de Versailles et les pactes de garantie et darbitrage de

    Locarno (1925);9. Par les statuts de la Socit des Nations;10. Par lattitude bienveillante des plus importantes puissances membres

    de la Socit des Nations, ainsi que des tats-Unis et des dominionsbritanniques;

    15) Chr. Hltje, Die Weimarer Republik und das Ost-Locarno-Problem 1919-1934, p. 208.16) cf. p. 255 et suivantes du prsent ouvrage.

  • 34

    17) A. Franois-Poncet, Souvenirs dune Ambassade Berlin, pp. 175, 178.18) C. Tansill, Back Door to War, p. 317.

    11. Par son alliance avec la Grande-Bretagne;12. Avec la Belgique;13. Avec la Pologne;14. Avec la Tchcoslovaquie.Dautre part, la scurit de la France ntait nullement menace; aucune

    dclaration du Reich navait pu faire planer le moindre doute ce sujet.Que pouvait donc opposer lAllemagne ses puissants voisins (la France

    ntait que lun dentre eux)? Depuis 1918 elle navait pas un seul alli, etjusqu 1936 son potentiel darmement na jamais atteint, et de loin, celuidun seul de ses voisins. Contrairement la France, lAllemagne ne semblepas stre proccupe de sa propre dfense. Si elle avait transgress la loibritannique de lquilibre des forces, lAllemagne aurait sans doute adoptune attitude conciliante, en toute justice et en toute objectivit, ce qui auraiteu sur les autres pays une influence tranquillisante. LAllemagne, soumiseau pillage des vainqueurs et de leurs allis partir de 1918, tait placedevant lalternative suivante, quels que fussent dailleurs les hommes politi-ques qui la gouvernaient: ou elle renonait ses droits et son indpendance,ou elle sexposait au mcontentement dune coalition de puissancesintresses son affaiblissement. Les puissances allies ont refus dereconnatre les droits auxquels lAllemagne pouvait lgitimement prtendre,et ni les conditions particulires qui existaient en Europe centrale et donttout gouvernement allemand devait obligatoirement tenir compte.

    On a construit de toutes pices un danger allemand une poque oaucune des conditions ncessaires pour justifier un tel propos ntait remplie.En 1936, la France a conclu son pacte dassistance mutuelle avec lUnionsovitique en prenant prtexte de ce fameux danger allemand. Il semblequelle ne se soit pas rappel que ctait une alliance franco-russe qui avaitdj contribu au dclenchement de la premire guerre mondiale. Daprsles dclarations de lambassadeur franais Berlin, lopinion publiquefranaise tait hostile une rconciliation avec lAllemagne.17) Le 18 mai1936, le baron Konstantin von Neurath, ministre des Affaires trangresallemand, pouvait dclarer juste titre William C. Bullitt, ambassadeurdes tats-Unis Paris:

    que le dsir le plus profond de Hitler tait de parvenir uneentente vritable avec la France, mais que chaque tentative derapprochement de sa part, comme de celle de son ministre, staitheurte au silence, ou bien un refus.18)

  • 35

    Avec laccession de Hitler au pouvoir, on a poursuivi cette politique dela peur, en se refusant toujours reconnatre ses propres fautes et en tirerles consquences; navait-on pas devant soi la bte noire de la socitdmocratique, Adolf Hitler? Certaines personnes ont pu insulter impunmentlAllemagne et rendre Hitler responsable de tout. Les hommes politiques sesont donc empresss de louer cette politique, esprant bien ainsi se gagnerla faveur du monde et renforcer la scurit de leur propre pays. En ralit,ces agitateurs se sont tellement carts de leurs propres thses dunepolitique dgalit, de souverainet, de justice et de paix, que les matires conflit se sont singulirement multiplies. En pratiquant une politique basesur la peur, ils ont prcisment atteint ce quils voulaient viter. On ne peutrefuser durablement un droit, en matire internationale, en ne se fondantque sur un sentiment de crainte, moins encore sil sagit dune crainteinjustifie.

    Lors dune interview accorde au quotidien anglais Daily Mail, en 1933,Adolf Hitler dclarait:

    Ce serait mconnatre le sens de la rvolution allemande que decroire que le peuple allemand se prpare avec enthousiasme la guerre.La quasi-totalit des cadres du mouvement sont danciens soldats dufront. Jaimerais voir un soldat du front se rjouir lide dune nouvelleguerre.

    Croyez-vous que nous ne donnons une ducation notre jeunesseallemande, notre avenir auquel nous tenons, que pour la voir succombersur les champs de bataille? 19)

    Hindenburg, prsident du Reich, dans un discours radiodiffus prononcla veille des lections, le 12 novembre 1933:

    Les intentions guerrires que lon nous prte ltranger ne sontque mensonges et calomnies... Celui qui, comme moi, a vcu troisguerres avec tout ce que cela comporte datroce ne peut souhaiter envivre une nouvelle. Il ne peut quaspirer la paix et considrer commeun devoir primordial envers son peuple et envers le monde de senprserver. Nous souhaitons de tout cur parvenir une paix danslhonneur et la dignit..20)

    19) G. Rhle, Das Dritte Reich, vol. 1933, p. 294.20) K. Wippermann, Deutscher Geschichtskalender, pp. 306-307.

  • 36

    Adolf Hitler sur le Tempelhof Feld Berlin, le 1er mai 1934:

    Si daucuns pensent pouvoir nier la volont de paix de notre peuple,il nest rien de plus convaincant et de plus frappant pour se faire uneide de ltat desprit du peuple allemand que de comparer lespacevital dont il dispose avec les possessions dautres nations. ...

    Le peuple allemand na jamais ressenti le besoin de mener desguerres coloniales. Il est capable de se forger sa propre existence sanslaide de pillages, de tributs, de contributions, etc...; et il la prouv.21)

    Adolf Hitler, aprs la fte clbrant le rattachement de la Sarre, en mars1935:

    Compte tenu du degr de technicit auquel nous sommes parvenus,toute guerre est une absurdit. Il faudrait neutraliser sur le plan interna-tional toute personne qui en parle. Dans ltat actuel des choses, la pluspetite opration de guerre provoquerait de telles pertes de part etdautre que je crois que seul un fou pourrait la souhaiter.22)

    Adolf Hitler, lors dun congrs runissant lensemble des Gauleiters, en1936, dans lhtel de ville de Munich:

    lheure actuelle, et de par le monde, je suis soumis une vritablechasse aux sorcires. Prenez nimporte quel journal tranger, lisez-le;vous serez effrays de la haine que jinspire. Je comprends trs bienque ce peuple dmigrants qui, tels la souris devant le chat, se sontenfuis du Reichstag ds quils my ont vu apparatre comme chancelierdu Reich, puissent minsulter tant et plus: je leur ai enlev leur gagne-pain. Quils continuent, cela me laisse tout fait froid et le peupleallemand nen a que faire. Mais comme je lavais pressenti dans lesannes 1919-1920, il se reforme dans le monde, sous prtexte decombattre ma personne, une nouvelle coalition menaante, remplie dehaine et denvie, de tous les anciens ennemis de lAllemagne. Quai-jefait, qua donc fait le peuple allemand aux hommes les plus riches de laterre pour quils nous portent une telle haine? Par nos propres forces,nous voulons reconstruire pacifiquement le Reich. Ils boycottent nosproduits: nous sommes donc contraints de vivre en autarcie. Aussitt,ils hurlent au scandale, cest contraire aux principes du commerceinternational. Je ne peux alors que me demander ce que ces ternelsennemis de notre travail veulent en fin de compte? Certainement pasnous aider. Mais ont-ils procd autrement avec la bonne Rpublique

    21) G. Rhle, op. cit., vol. 1934, p. 162.22) H. Frank, Im Angesicht des Galgens, p. 201.

  • 37

    de Weimar? Non, simplement ils pouvaient la prendre plus rapidementde vitesse. Les Juifs du monde entier me hassent. Je le comprends et jelaccepte. Mais grce leur puissance, ils incitent le monde entier combattre notre conception de vie. Pourquoi lAngleterre me hait-elle,pourquoi les tats-Unis, pourquoi la France? Jai limpression que jepourrais mentendre plus facilement avec Moscou quavec ces d-mocraties repues et gorges dor. Je suis inquiet, il marrive de nepouvoir trouver le sommeil lorsque je pense au concert de haine quisabat sur nous.23)

    Hermann Gring, lors dune runion danciens combattants Berlin, enfvrier 1937:

    Il ny a pas de partisans de la paix plus acharns que les ancienscombattants du front. Je suis persuad que, plus que tout autre, vousavez le droit dexiger la paix et de la construire. Cest ceux qui, quatreannes durant, ont connu lenfer de la guerre, aux combattants du frontqui ont particulirement cur de prserver cette paix qui nous estchre, quil appartient dorganiser la vie des peuples... Ceux qui nontpas connu les horreurs de la guerre peuvent encore parler dune nouvelleguerre frache et joyeuse. Nous savons, nous autres, ce que cotent lesconflits entre les peuples.24)

    Combien de procs en diffamation Hitler na-t-il pas engags en tant queplaignant sous la Rpublique de Weimar! Il les a tous gagns.25) Adolf Hitlerna jamais t poursuivi pour diffamation. On considrait lpoque que lalutte des partis pour le pouvoir devait admettre la propagande si lon voulaitque la libert dexpression ne soit pas un vain mot. Sur le plan international,par contre, aucun juge na le pouvoir de rfrner ces campagnes de haine,bien quelles aient une tout autre importance que la lutte des partis. Il nesagit l ni plus ni moins que de la guerre ou de la paix entre les peuples.Pourtant, on a considr ltranger que ctait faire preuve de patriotismeque de dvelopper et dintensifier cette propagande sur un plan internationalmalgr les risques que cela pouvait comporter pour les peuples europens.La presse trangre ne connaissait pas de borne quand il sagissait dinciterla haine entre les peuples et le prjudice racial. Le 28 avril 1939, AdolfHitler dclarait, dans un discours au Reichstag:

    23) ibid., p. 194.24) Ch. Bewley, Hermann Gring, p. 214.25) H. Frank, op. cit., p. 68 seq. (deux exceptions: un arrangement lamiable avec deux membres

    du Parti).

  • 38

    ma connaissance, personne en Allemagne ne sest jamais avis demenacer publiquement une nation quelconque; par contre, cest quoti-diennement que je puis lire de telles menaces dans la presse dmocra-tique. On y parle rgulirement de mobilisation, de dbarquement detroupes, de pressions exerces sur des tats avec lesquels nous vivonsen paix et souvent mme avec lesquels nous avons dexcellentes relations.

    Les dirigeants de ces nations font preuve dune inadmissible lgret,pour ne pas employer de mot plus fort, en se refusant mettre un frein auxmanifestations de haine de leur presse; ce nest qu ce prix pourtantquils pourraient prserver le monde du malheur dun nouveau conflit.

    Ces paroles sont demeures sans cho.Le journalisme a le devoir duvrer pour une meilleure comprhension

    entre les peuples. Toute accusation diffamatoire envers les autres peupleset envers leurs chefs, toute dformation de la vrit et tout agissementillgal en la matire sont en contradiction avec ce devoir qui est le sien.Dans les dmocraties, o les prises de position des hommes politiques sontmouvantes et o les responsabilits ne sont pas dlimites avec prcision,les dangers reprsents par un journalisme anonyme sont immenses. Lesdiffrents groupes de pression qui, dans ces socits, collaborent troite-ment avec une presse toute entire soumise largent, peuvent leur grporter un homme politique aux nues ou provoquer sa perte sil fait preuvedindpendance, quand bien mme il serait considr comme le meilleurartisan de la paix (cf. le cas de Neville Chamberlain).

    On a fait croire que le gouvernement du Reich avait des intentionsbellicistes et quil aspirait la domination du monde. Ces reproches taient-ils justifis? Larrive au pouvoir de la NSDAP signifie la guerre, tel estle cri que lon a pu entendre de par le monde une poque o prcisment leseul pays ne pas tre prt pour cette guerre tait lAllemagne. Mme lorsdes procs de Nuremberg, en 1945-1946, le TMI na pas pu prouver queHitler aurait projet la guerre ds 1933. Un gouvernement qui se trouvedans la situation intrieure et extrieure des nationaux-socialistes dans lesannes qui ont suivi laccession au pouvoir, nest certainement pas en tatde projeter des guerres de conqute long terme. Rsoudre dans des tempsrecords le chaos politique, conomique, culturel et social serait-il le signedune prparation la guerre? Construit-on des autoroutes et des paquebotsdans cette optique? Perfectionne-t-on la technique des armes pour pouvoircommettre des crimes de guerre? Le gouvernement allemand sest vu imputerde telles accusations. Cela ne vaut