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L’évolution psychiatrique 79 (2014) 79–94 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Article original Vers une possible évolution fiable et valide de la nosographie psychiatrique moderne ? Analyse critique des origines du DSM-III aux hypothèses actuelles Towards a possible reliable and valid evolution of modern psychiatric nosology. Critical analysis of the origins of the DSM-III to the current assumptions Yann Auxéméry a,,b,c a Psychiatre des hôpitaux d’instruction des armées, Doctorant en sciences humaines à l’université Paris-VII, service de psychiatrie et de psychologie clinique, hôpital d’instruction des armées Legouest, 27, avenue de Plantières, BP 90001, 57077 Metz cedex 3, France b Centre de recherche psychanalyse, médecine et société (CRPMS), université Paris-VII, 75013 Paris, France c École du Val-de-Grace, 1, place Alphonse-Laveran, 75005 Paris, France Rec ¸u le 2 evrier 2013 Résumé Objectifs. La fiabilité diagnostique ou fidélité interjuge, définie comme la concordance entre les diagnostics attribués à un même patient par des psychiatres différents, est retrouvée comme très faible dans les premières études qui lui sont consacrées à partir des années 1950. Pour résoudre ces imprécisions sources de biais dans les études scientifiques, quelques psychiatres de l’American Psychiatric Association décident de changer les principes de la nosographie afin d’optimiser la fiabilité des diagnostics psychiatriques. Si de nos jours une étude scientifique qui n’utiliserait pas ce standard officiel n’aurait que très peu de chance d’être référencée dans la littérature internationale, l’assise scientifique de l’augmentation de la fidélité interjuge grâce aux DSM-III et suivants fait pourtant défaut : très peu d’études ont comparé un diagnostic posé en référence aux DSM avec un diagnostic établi grâce à un entretien clinique non standardisé. Méthodes. Cette pauvreté éditoriale nous paraît traduire la confession d’un échec que nous nous propo- sons de dépasser grâce à un retour du théorique en différenciant précisément les concepts de fidélité et Toute référence à cet article doit porter mention : Auxéméry Y. Vers une possible évolution fiable et valide de la nosographie psychiatrique moderne ? Analyse critique des origines du DSM-III aux hypothèses actuelles. Evol Psychiatr 2014;79(1): pages (pour la version papier) ou URL [date de consultation] (pour la version électronique). Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] 0014-3855/$ see front matter © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.evopsy.2013.07.002

Vers une possible évolution fiable et valide de la nosographie psychiatrique moderne ? Analyse critique des origines du DSM-III aux hypothèses actuelles

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L’évolution psychiatrique 79 (2014) 79–94

Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com

Article original

Vers une possible évolution fiable et valide de lanosographie psychiatrique moderne ? Analyse critique

des origines du DSM-III aux hypothèses actuelles�

Towards a possible reliable and valid evolution of modern psychiatricnosology. Critical analysis of the origins of the DSM-III to

the current assumptions

Yann Auxéméry a,∗,b,c

a Psychiatre des hôpitaux d’instruction des armées, Doctorant en sciences humaines à l’université Paris-VII,service de psychiatrie et de psychologie clinique, hôpital d’instruction des armées Legouest, 27,

avenue de Plantières, BP 90001, 57077 Metz cedex 3, Franceb Centre de recherche psychanalyse, médecine et société (CRPMS), université Paris-VII, 75013 Paris, France

c École du Val-de-Grace, 1, place Alphonse-Laveran, 75005 Paris, France

Recu le 2 fevrier 2013

Résumé

Objectifs. – La fiabilité diagnostique ou fidélité interjuge, définie comme la concordance entre les diagnosticsattribués à un même patient par des psychiatres différents, est retrouvée comme très faible dans les premièresétudes qui lui sont consacrées à partir des années 1950. Pour résoudre ces imprécisions sources de biais dansles études scientifiques, quelques psychiatres de l’American Psychiatric Association décident de changer lesprincipes de la nosographie afin d’optimiser la fiabilité des diagnostics psychiatriques. Si de nos jours uneétude scientifique qui n’utiliserait pas ce standard officiel n’aurait que très peu de chance d’être référencéedans la littérature internationale, l’assise scientifique de l’augmentation de la fidélité interjuge grâce auxDSM-III et suivants fait pourtant défaut : très peu d’études ont comparé un diagnostic posé en référence auxDSM avec un diagnostic établi grâce à un entretien clinique non standardisé.Méthodes. – Cette pauvreté éditoriale nous paraît traduire la confession d’un échec que nous nous propo-sons de dépasser grâce à un retour du théorique en différenciant précisément les concepts de fidélité et

� Toute référence à cet article doit porter mention : Auxéméry Y. Vers une possible évolution fiable et valide de lanosographie psychiatrique moderne ? Analyse critique des origines du DSM-III aux hypothèses actuelles. Evol Psychiatr2014;79(1): pages (pour la version papier) ou URL [date de consultation] (pour la version électronique).

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected]

0014-3855/$ – see front matter © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.http://dx.doi.org/10.1016/j.evopsy.2013.07.002

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de validité diagnostique, ce dernier considérant l’existence même du diagnostic en intégrant ses originesétiopathogéniques, sa « vérité » clinique et finalement son intérêt pour la prise en charge thérapeutique.Résultats. – Les velléités d’« athéorisme » ne sont plus d’actualité dans le DSM-V : la validité des diag-nostics devrait augmenter par la définition précise de déterminants psychopathologiques et sociologiquesassociés à la caractérisation de marqueurs biologiques et/ou neuroradiologiques qui construiront une théorieétiopathogénique de chaque phénomène psychique.Discussion. – Une telle classification resterait par définition réductrice : un code diagnostique ne sera jamaisun sujet en ce sens qu’il ne suffit pas à transmettre notre clinique subjective.Conclusion. – Comme lors de notre démarche clinique, la prise en compte de nos subjectivités individuelles etsociétales vers la définition d’une nouvelle nosographie nous semble fondamental à l’avenir de la psychiatrie.© 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Nosographie ; Diagnostic ; Pathologie psychiatrique ; Variabilité interjuge ; Fiabilité diagnostique ; Validitédiagnostique ; Étiologie ; Biomarqueur ; Psychopathologie ; Socio-anthropologie ; Recherche clinique ; DSM-V

Abstract

Background. – Diagnostic reliability or inter-rater accuracy, defined as the concordance between diagnosesassigned to a patient by different psychiatrists, was found to be very low in the first studies devoted to thesubject since the 1950s. To resolve these inaccuracies, sources of bias in scientific studies, a few psychiatristsfrom the American Psychiatric Association decided to change the principles of nosography in order tooptimise the reliability of psychiatric diagnoses. These days, a scientific study that does not use this officialstandard will have very little chance of being cited in the international literature, but the scientific basis ofthe increase in inter-rater accuracy thanks to the DSM-III and following is however lacking: very few studieshave compared a diagnosis established in relation to the DSM with a diagnosis established as a result of anon-standardised clinical interview.Method. – This editorial poverty seems to us to convey a confession of failure that we aim to overcome witha return to theory by precisely differentiating the concepts of diagnostic accuracy and validity, the latterconsidering the existence of the diagnosis itself by integrating its etiopathogenic origins, its clinical “verity”and finally its interest in terms of the therapeutic treatment.Results. – The “atheoretical” notions are no longer relevant in the DSM-V: the validity of the diagnoses shouldincrease through the precise definition of psychopathological and sociological determinants associated withthe characterisation of biological and/or neuroradiological markers which will build an etiopathogenic theoryof each psychic phenomenon.Discussion. – Classification like this will remain, by definition, reductive: a diagnostic code will never be asubject in that it is not enough just to provide our subjective clinical.Conclusion. – As with our clinical approach, taking into account our individual and societal subjectivities indefining a new nosography seems to us fundamental for the future of psychiatry.© 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Keywords: Observer variation; Diagnosis reliability; Diagnosis validity; Nosography; Etiology; Clinical research; Bio-markers; Psychopathology; Socio-anthropology; DSM-V; Diagnostic; Mental disorder

1. Introduction

La question de la fiabilité du diagnostic psychiatrique devient prégnante à partir de la deuxièmemoitié du xxe siècle où l’essor de l’épidémiologie et l’utilisation de la pharmacopée rendentnécessaire de justement standardiser les diagnostics. Dès 1959, le rapport Stengel pour l’OMSs’inquiétait des conséquences en termes de santé publique du caractère non consensuel des clas-sifications en santé mentale et de la faible fiabilité des diagnostics psychiatriques [1]. Les années

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suivantes, plusieurs rapports de l’OMS vont conclure qu’il est indispensable, afin de réaliserdes études épidémiologiques internationales, que l’on utilise partout dans le monde les mêmescritères diagnostiques pour définir les maladies psychiatriques et en particulier, pour définir laschizophrénie [2,3].

Dans les premières études qui lui sont consacrées au milieu des années 1950, la fidélité interjugedes diagnostics psychiatriques (ou fiabilité interjuge)1, définie comme la concordance entre le(s)diagnostic(s) attribué(s) à un même patient par des praticiens différents, apparaît très basse. Pourrésoudre ces imprécisions sources de biais dans les études scientifiques, quelques psychiatres del’American Psychiatric Association décident de changer les principes de la nosographie avec lapublication en 1980 de la troisième édition du Manuel Diagnostique et Statistique des TroublesMentaux (DSM-III) [4].

Nous discuterons dans ce travail si le DSM-III et ses révisions successives ont réellementaugmenté la fidélité du diagnostic psychiatrique. Après un rappel historique intéressant les étudesprinceps antérieures au DSM-III, nous reprendrons les justifications avancées pour la constructiondudit manuel avant de s’enquérir si ses velléités de départ ont été couronnées de succès. Notrecritique épistémologique se recentrera sur une nécessaire différentiation des concepts de fidélitédiagnostique et de validité diagnostique. Venant tout juste de paraître, la cinquième édition duDSM n’aborde que partiellement cette distinction : nous proposerons des axes de recherches afind’augmenter concomitamment la validité et la fiabilité des diagnostics en psychiatrie [5].

2. Comment diable s’affranchir de la subjectivité par une tentative d’objectivation« athéorique » des diagnostics psychiatriques ? Une légitime discussion des DSM-III,DSM-IV et des entretiens dits « structurés »

2.1. L’authentification scientifique de la construction subjective du diagnostic et de la faiblefidélité interjuge de son résultat (1950–1975)

Après la seconde guerre mondiale, grâce à des protocoles de recherche à la méthodologiescientifique, plusieurs équipes de cliniciens s’intéressent aux mécanismes mentaux de la posediagnostique chez le praticien psychiatre [6–9]. Ces premières études objectivent une ruptureconceptuelle entre la catégorisation théorique d’un trouble psychique et son application pratique enclinique quotidienne. Si les médecins synthétisent les symptômes de leurs malades pour construiredes diagnostics, un tel cheminement intellectuel n’est pas réalisé d’après la progression réflexived’implication logique jusqu’ici communément admise. En réalité, les cliniciens établissent leursdiagnostics selon une impression clinique globale se différenciant d’un raisonnement logique et,avec pour corollaire, une fiabilité diagnostique basse [6–8].

Dans une étude princeps, Gauron et Dickinson comparent les diagnostics établis par différentspsychiatres confrontés aux mêmes patients : les discontinuités logiques sont flagrantes entre lerecueil des données symptomatiques d’une part, et l’impression clinique globale qui conduit audiagnostic final d’autre part [6]. Les cliniciens établissent leurs diagnostics d’après une impressionclinique globale naissant très précocement au cours de la rencontre clinique et qui se renforce dufait de son peu de critique subséquente, voire de la tentative de rallier toute information ultérieureà cette intuition de départ dans l’objectif de sa validation [7]. La maladie schizophrénique estdiagnostiquée pendant la deuxième minute de l’entretien : une telle impression diagnostique, si

1 Les termes de fidélité diagnostique et de fiabilité diagnostique sont utilisés de manière synonyme dans la littérature.

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rapide, est le lieu d’une grande conviction quant à sa véracité [8]. Cette certitude diagnostiquene s’établit pas d’après un raisonnement hypothético-déductif comme en témoigne l’analyse desobservations cliniques, lesquelles sont non raisonnablement structurées. Un « symptôme acadé-mique » peut être considéré comme cardinal par le praticien, alors que ce « même symptôme » seraécarté de la discussion qui mène à la conclusion diagnostique. La restitution par le clinicien desa démarche intellectuelle est une reconstruction, telle une justification a posteriori académique,de son impression clinique spontanée de départ. Ainsi, la conclusion diagnostique est davantagebasée sur une impression ou une sensation plutôt qu’elle ne serait élaborée grâce à une démarchelogique rigoureuse, traduisant la rupture conceptuelle suivante : une pathologie est définie partelle ou telle caractéristique séméiologique mais, ce patient souffre de cette pathologie d’aprèsautre chose dont la définition n’est pas évidente.

Sans nécessairement l’envisager comme conséquence directe de l’impression clinique précocequ’elles ont authentifiée, ces premières études s’intéressant à la démarche diagnostique retrouventégalement une fidélité interjuge basse pour des diagnostics tels que la dépression ou la schizo-phrénie [9]. Si seulement six études ont été spécifiquement dédiées à la fidélité diagnostique entre1956 et 1972 [10], certains auteurs anglo-saxons vont rapidement militer pour la création d’unenouvelle nomenclature psychiatrique dont l’objectif principal sera de favoriser la concordancediagnostique entre cliniciens grâce à une standardisation définie des caractéristiques séméiolo-giques des maladies psychiques [10]. Outre le fait que cette velléité s’éloigne substantiellementde la proximité clinique des premières études scientifiques qui ont authentifié les phénomènesde subjectivité diagnostique et de faible fidélité interjuges, les auteurs de la Task Force du futurDSM-III nous semblent établir deux postulats implicites :

• un lien d’implication supposé entre subjectivité et absence de fidélité ;• une conséquence supputée entre les différents référentiels théoriques utilisés par les psychiatres

lesquels seraient un frein à la fiabilité.

Comment faire alors pour diminuer la subjectivité et augmenter la fidélité ? Les concepts car-dinaux de la nouvelle nosographie seront athéorisme, désubjectivation, critériologie et définitionstatistique des « troubles mentaux ».

2.2. Une tentative de standardisation du diagnostic psychiatrique par sa mathématisation àpartir de l’année 1980 : conceptualisation et premières limites

Du fait d’une faible fidélité interjuge attribuée à un défaut de consensus séméiologique et àun trop plein de subjectivité, l’American Psychiatric Association construit la troisième édition duDSM éditée en 1980 [4]. Par une définition qui se voudrait consensuelle voire incontournable, lesauteurs de la Task Force tentent de fonder une nosographie commune à tous les psychiatres pourles émanciper de leurs références théoriques et culturelles. Les objectifs principaux du manuel– initialement dédié à la recherche – étaient de pouvoir réaliser des études épidémiologiquesd’envergure afin de déceler des déterminants étiologiques aux maladies mentales, notammentpar l’implication de facteurs environnementaux. Une standardisation des diagnostics inciteraitégalement des essais cliniques multicentriques en accroissant leur puissance statistique tout enfavorisant la reproductibilité de leurs mesures. Pour minorer la variance liée aux caractéristiquesinterindividuelles subjectives, le chercheur en psychiatrie établira dorénavant un diagnostic stan-dardisé d’après une liste symptomatique de cotation selon une mathématisation syndromiquedont nous pouvons donner une formule fréquente : si A + B + (3 critères parmi ceux de a à g), à

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l’exclusion de D, pendant une durée t sont présents, alors le diagnostic retenu est � (avec une pro-babilité acceptable). Naturellement, une interrogation critique s’impose d’emblée d’elle-même :comment ces critères ont-ils été définis ? Sont-ils réellement consensuels ou simplement le faitd’un groupe de travail que l’on a dit influencé par divers lobbies ? Pour éluder ces interrogationspourtant légitimes, les auteurs du DSM-III tentent une réponse que nous discuterons ci-après : leurnosographie est amenée à évoluer en fonction de nouvelles études, études toutefois référencéesaux critères du DSM et à sa méthodologie statistique de définition des troubles mentaux. En effet,la fidélité interjuge des « nouveaux diagnostics » est évaluée par des tests statistiques : le calculdu coefficient kappa de Cohen devient central en tant que comparateur par rapport à la chancede la concordance diagnostique entre deux praticiens cotateurs face au même patient [11,12]. Unkappa de zéro signifie que deux juges ne s’entendent pas plus que ne l’aurait prédit le hasard, alorsqu’une bonne fidélité interjuge est considérée à partir d’un score de 0,7. Notons qu’il serait pos-sible d’obtenir des kappas négatifs si des diagnosticiens étaient moins souvent concordants que lachance ne le pourrait. La conséquence de l’utilisation de ce test statistique est un éloignement duclinicien vis-à-vis des publications scientifiques : il faudra dorénavant être mathématicien pourdiscuter les études référencées, alors même que les statisticiens ne reconnaissent pas unanimementni la méthode de Cohen, ni un seuil du coefficient kappa consensuel [13–18].

Toujours vers une logique de systématisation accrue du diagnostic en écartant ses critèresles plus subjectifs, des entretiens structurés et semi-structurés sont étayés d’après les critèresdiagnostiques des DSM-III et suivants : le Structural Clinical Interview for DSM-III (SCID), leDiagnostic Interview Schedule (DIS) et le Mini-International Neuropsychiatric Interview (MINI)sont les plus célèbres. Ces interviews ne sont pas systématiquement calquées sur les DSM maisconstituent des moyens d’évaluer et d’approfondir les catégories diagnostiques telles qu’elles sontproposées dans le manuel, en permettant d’évoluer du DSM-III au DSM-III-R et au DSM-IV. Aucours des « entretiens structurés » les questions sont lues littéralement par le diagnosticien alorsque les techniques semi-structurées permettent une plus large appréciation subjective de la part ducotateur, lequel peut adjoindre des questions ouvertes. Toutefois, très peu de travaux de rechercheutilisent ces entretiens standardisés : afin d’avoir le droit d’être référencées dans la littérature inter-nationale, les études s’en tiennent généralement à dire que les diagnostics ont été attribués selonles critères du DSM en vigueur. Ces critères ont-ils permis de majorer la fidélité diagnostique ?

2.3. Quelles preuves scientifiques d’une augmentation de la fidélité diagnostique par lesoutils DSM-III et les entretiens structurés ?

Chaque version du DSM donne lieu à l’élaboration de diagnostics standardisés et d’entretienscliniques structurés différents qui pourraient être concordants entre eux, à moins que les défi-nitions ne changent tellement d’une édition à une autre que cette comparaison n’en deviennecaduque. Les preuves scientifiques d’une majoration de la fidélité interjuge grâce aux critèresDSM-III, DSM-IV et aux entretiens standardisés font défaut. Où sont référencés les travauxscientifiques récents s’intéressant à cette fidélité ou infidélité diagnostique ? En analysant la litté-rature entre 1980 et 2005, Aboraya et al., ne retrouvent que 60 citations Medline pour l’associationdes mots clés « reliability » et « psychiatric diagnosis » [19]. Focalisant sur une pathologie pré-cise, la recherche des mots clés « inter-rater reliabilility » dans le titre des articles associée à celledu mot clé « schizophrenia » dans l’abstract ne retrouve que six références Medline depuis lesannées 1990. Au cours de la même période, l’association des mots clés « test-retest reliability »et « schizophrenia » renvoie simplement à une quinzaine d’articles référencés. Si de nombreusesétudes font état d’une excellente fidélité diagnostique en référence à tel ou tel cluster de critères,

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il n’existe que quelques recherches comparant les entretiens structurés entre eux : comme cesinterviews ne sont pas nécessairement en compétition, leurs études comparatives ne sont pas systé-matiques. Les techniques d’entretien structuré semblent améliorer la fidélité diagnostique lorsquecette dernière est référencée à un entretien structuré précis, sans nécessaire concordance d’unentretien à un autre [20]. La concordance entre ces entretiens structurés est faible voire très faibleet leur comparaison aux entretiens cliniques traditionnels réalisés par des praticiens d’expérienceest tout aussi décevante [21–26]. Mais très peu d’études ont été diligentées en ce sens ou, dumoins, très peu ont été publiées. Grâce à une méthodologie originale, Miller et al. comparentla fidélité de trois méthodes diagnostiques : l’entretien diagnostique traditionnel non structuré(Traditional Diagnostic Assessment), le SCID-Clinical Version et son propre auto-questionnairele CADI (Computer Assisted Diagnostic Interview) [27]. Le coefficient kappa du diagnostic tra-ditionnel est calculé à 0,40 alors que les autres entretiens bénéficient d’un score doublé. Maislorsque les trois procédures diagnostiques sont ensuite comparées entre elles via un « consensusdiagnostique » établi selon les règles de Spitzer, de nombreuses disparités sont mises en évidence[27].

Nous ne pouvons qu’être surpris qu’il n’y ait pas davantage d’études testant la fidélité interjugesalors que c’est précisément sa puissance relative qui avait conduit à élaborer les DSM-III etsuivants, lesquels étaient justement destinés à mener ces recherches scientifiques standardisées.En particulier, extrêmement peu d’études comparent un diagnostic posé en référence au DSMavec un diagnostic établi grâce à un entretien clinique non standardisé. Cette pauvreté éditorialenous paraît traduire la confession d’un échec que nous nous proposons de dépasser grâce àun retour du théorique, en focalisant notre réflexion sur les concepts de fidélité et de validitédiagnostique.

3. De la nécessité de différencier les concepts de validité diagnostique et de fidélitédiagnostique pour progresser vers une nouvelle nosographie

3.1. De la rigueur de la recherche scientifique à la rigueur de la clinique classique

Il n’y a que peu de preuves scientifiques de la bonne fidélité clinique des diagnostics réfé-rencés aux DSM-III et -IV, alors que leurs critères sont largement utilisés. Si la rigueur voudraitqu’une étude scientifique remette en cause les outils d’évaluations standardisées utilisés dansson protocole, cette incertitude n’est que rarement mentionnée dans la discussion des travaux derecherche pourtant publiés au sein de grandes revues internationales à impact factor élevé. Parmiles biais diagnostiques potentiels sont régulièrement éludées les fréquentes difficultés cardinalesinhérentes à l’entretien clinique lorsque le patient est réticent, opposant, voire simule un trouble.Par ailleurs, la passation des entretiens structurés peut être réalisée par un investigateur non cli-nicien formé en quelques heures seulement à pratiquer un examen d’une durée d’au moins uneheure et demie, générant des biais en fonction des capacités de concentration du patient. S’ilexiste un apparent hiatus de complexité entre les interviews structurées et les critères simplistesdu DSM-III et suivants, porter un diagnostic au sens du DSM nécessite d’analyser égalementles comorbidités, ce qui convient à finalement décliner une grande partie du manuel au cours del’entretien diagnostique. Dans tous les cas ces deux méthodes étaient associées par les mêmesobjectifs : standardiser un diagnostic en diminuant ses déterminants subjectifs pour développer larecherche scientifique. De tels standards sont ainsi peu accessibles à la pratique quotidienne dufait de leur mise œuvre, d’autant qu’il n’a pas été démontré que leurs résultats soient concordantsavec la démarche clinique habituelle, même si certains voudraient les y rendre incontournables.

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Pour revenir à la pratique clinique, quel serait l’intérêt d’une bonne concordance diagnostique ?Proposer, d’après les recommandations en vigueur, une orientation thérapeutique consensuelle.Or cet item thérapeutique est le plus souvent absent des études s’intéressant à la fidélité diagnos-tique et à la construction des diagnostics dits consensuels. Les protocoles de recherche devraientêtre développés pour établir des corrélations entre les différences diagnostiques retrouvées et leséventuelles modifications thérapeutiques qu’elles impliquent. Effectivement, si la fidélité est mau-vaise entre deux méthodes ou diagnosticiens alors que les orientations thérapeutiques demeurentessentiellement les mêmes – ou bien sont différentes – mais avec un résultat similaire en termesd’efficacité, est-ce si grave pour le patient que la fidélité diagnostique soit basse ? Une telle possi-bilité signifierait que l’on peut arriver aux bonnes décisions thérapeutiques grâce à des méthodesde raisonnement différentes, non forcément « fausses », mais dont les justifications font appel àdes conceptions théoriques ou des interprétations non strictement superposables. Ainsi, la place dumodèle étiopathogénique dans la construction diagnostique doit être précisée car les concepts defidélité et de validité diagnostique ne sont nullement équivalents. Quand bien même les DSM-IIIet suivants auraient un tantinet majoré la fidélité diagnostique, rien n’indique que leurs diagnosticssoient valides.

3.2. Fidélité et validité diagnostiques sont deux notions à différencier

Une différentiation épistémologique doit être établie entre les concepts de fidélité diagnostiqueet de validité diagnostique. Si le premier rend compte de la fiabilité interjuge, le second s’intéresseà l’existence même du diagnostic en intégrant ses origines étiopathogéniques, sa « vérité » cliniqueet finalement son intérêt pour la prise en charge thérapeutique. Officiellement d’après ses propresréférences, le DSM-III n’était basé, par définition, sur aucun modèle : son contenu ne pouvaitdonc pas être validé scientifiquement [28]. Le référencement de troubles psychiques sur la based’une description qui serait par essence athéorique exclut toute perspective de validité de cettenosographie car l’on ne valide pas une classification en tant que telle mais le modèle sur lequelelle s’appuie [28]. La base de la recherche scientifique est de valider ou d’invalider un modèle ouune hypothèse par un raisonnement logique. Pas de modèle théorique ; pas d’hypothèse ; pas dedéduction. Même si le DSM-III pouvait augmenter la fidélité d’un diagnostic nouvellement réécritpar l’intermédiaire de critères, il n’en majorerait pas nécessairement la validité. Tester la fidélitéd’un diagnostic établi sur des critères descriptifs mais sans aucun fondement étiopathogénique etainsi, sans existence certaine, nous paraît être une impasse. Toutefois, si l’on définit une « nouvelleentité clinique », celle-ci existe nécessairement, au moins par construction sociétale. Un diagnosticpeut se répandre telle une épidémie de par sa création, de par sa médiatisation, ou de par laformation des psychiatres à sa recherche. Mais une fois ce diagnostic retenu, il est loin d’êtrecertain qu’il corresponde vraiment à une maladie pérenne, laquelle s’établit selon des déterminantspsychopathologiques, neurobiologiques et de surcroît, socio-anthropologiques.

Les définitions catégorielles à partir du DSM-III sont en constante évolution d’une éditionà l’autre de telle sorte que le DSM peut se définir comme un miroir – parfois éphémère – de lasociété à laquelle il appartient [13]. Le postulat sous-jacent à la création de nouvelles catégoriesdiagnostiques en utilisant le calcul du coefficient kappa était que plus la concordance s’avéraitforte entre deux cotateurs, plus le diagnostic était une réalité pour la communauté psychiatriqueétudiée, ce qui est vrai. Mais en revanche, ce même diagnostic n’est pas nécessairement uneréalité en soi [29]. Les diagnostics DSM naissent, changent, sont renommés ou abolis : nous endonnerons plusieurs exemples. L’illustration historique la plus connue concerne le « diagnostic »d’homosexualité dont le référencement a heureusement disparu du manuel, non du fait d’une

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rigueur scientifique ou éthique, mais simplement grâce à la manœuvre de lobbies influents. Dif-féremment, considérant l’apparition d’une nouvelle maladie, la description de la personnalitémultiple avait entraîné une grave épidémie du trouble éponyme [30,31]. Devant l’ampleur duphénomène, le « trouble de la personnalité multiple » a succombé à sa propre pathologie pour êtrerenommé comme « trouble dissociatif de l’identité » dans l’édition suivante du manuel, ce quia rapidement tari son existence. . . L’absence de validité intrinsèque de la nouvelle définition dudiagnostic de phobie sociale est un autre exemple caricatural. Si la phobie sociale sévère demeureinvalidante et source de souffrance, le concept a été progressivement étendu à la timidité, peut-être sous la pression de l’industrie pharmaceutique pour prolonger la durée de vie économiqued’un antidépresseur bien connu, lequel est pourtant efficace dans de nombreuses indications dontcelle de la phobie sociale. . . Au chapitre des troubles délirants, la catégorie de trouble schizoaf-fectif est devenue un « fourre-tout » qui paraît bien médiocre comparativement aux ambitionsnosographiques de Karl Lehonard et ses fines descriptions cliniques de 35 psychoses endogènes[32]. Notons que la psychiatrie de l’enfant n’est pas épargnée pas l’inflation diagnostique et lesconséquences pharmacologiques qui en découlent : l’hyperactivité est véritablement devenue un« fléau » en Amérique du nord avec des millions d’enfants médiqués par psychostimulants. Enfinnous prendrons comme dernier exemple l’état de stress post-traumatique, car cette entité a ététypiquement construite puis modifiée au gré d’un contexte sociopolitique pouvant faire l’objetd’une réflexion anthropologique [33,34]. Si le syndrome de répétition traumatique est décrit depuisl’antiquité, l’apparition d’un nouveau signifiant a permis aux administrations et aux compagniesd’assurances de pensionner les soldats tout en économisant à la société américaine une réflexionpsycho- et sociopathologique sur son rôle dans la guerre. Pour le DSM-III, l’état de stress post-traumatique était caractérisé comme une réponse psychique dose-dépendante au stress en termesde sévérité, de durée et de proximité. Preuve qu’il est difficile d’être simplement descriptif, cetteréférence au stress venait nier les postulats athéoriques de départ car dans sa définition initialel’état de stress post-traumatique était causalement attribué au stress. Quoi qu’il en soit, reprenantcette définition, de nombreux auteurs ont défini le traumatisme comme « une réaction normale àune situation anormale ». Mais ce point de vue a secondairement été nuancé par la quatrième édi-tion du manuel : la réponse psychophysiologique au stress est également dépendante de la réactionsubjective et non simplement de l’objectivation d’une intensité stressante quantifiée. Finalementet bien que non dite, la conception anglo-saxonne du « stress traumatique » s’est progressivementrapprochée de la référence francophone au trauma. Comment retrouver une partie de ces connais-sances cliniques accumulées par l’histoire et récemment négligées ? En revenant à une conceptionétiopathogénique des troubles psychiques. Si une maladie se manifeste via des symptômes, ellen’existe pas par ceux-ci au sens de la validité : une maladie se définit mieux par un mécanisme étio-pathogénique. Un symptôme, même pathognomonique comme des reviviscences traumatiques,n’explicite que rarement quelque chose en lui-même : un symptôme doit être intégré au sein d’unemécanisation ou d’une problématisation, qu’elle soit biologique ou psychopathologique.

3.3. Pour un retour à la nécessaire théorisation étiopathogénique des maladies et dessouffrances psychiques

Comme le concède Nancy Andreasen, l’une des ténors de la psychiatrie américaine, nombred’entités descriptives du DSM ne possèdent pas de validité intrinsèque : « DSM diagnoses havegiven researchers a common nomenclature – but probably the wrong one »2 [35].

2 « Les diagnostics des DSM ont donné aux chercheurs une nouvelle nomenclature, mais probablement la fausse ».

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Au cours de ces 30 dernières années, la nosographie des DSM a entraîné une perte des repèresprécis de séméiologie, de phénoménologie clinique et de compréhension psychopathologique dessouffrances psychiques : « Someday, in the 21st century, after the genome and the human brainhave been mapped, someone may need to organize a reverse Marshall plan so that the Euro-peans can save American science by helping us figure out who really has schizophrenia or whatschizophrenia really is »3 [35]. S’éloignant d’une description stérile, la nécessité d’une intégra-tion des données neurobiologiques à la phénoménologie et à la psychopathologie se dessine enconsacrant un écho historique au cheminement de la pensée du père de la nosographie moderne,Kraepelin, qui au cours de son œuvre s’éloigna progressivement de l’approche descriptive symp-tomatique au profit d’une compréhension étiopathogénique des troubles psychiques [36]. Censéconfiner purement au descriptif, le choix du postulat « athéorique » du DSM-III fut peut-être qu’àl’origine de sa conception, les perspectives étiologiques des maladies mentales étaient en grandepartie inconnues. Différemment, certains auteurs ont considéré que ce DSM était implicitementréférencé à des modèles cognitifs et comportementaux. L’élaboration du manuel oscillerait entrevelléités scientifiques, conflits d’intérêts au sein de l’American Psychiatric Association et groupesde lobbying pharmaceutiques ou sociaux [13]. Nombre de psychiatres de l’American PsychiatricAssociation souhaitaient s’affranchir de références analytiques sans qu’un autre modèle puisse yêtre ouvertement substitué. Certainement qu’une « athéorie » n’est intrinsèquement pas possiblecar penser un modèle comme athéorique c’est déjà théoriser ce modèle, justement en tentant des’affranchir d’une théorie, mais en en ébauchant par là même une autre dont le sens sociétalméritera d’être étudié. . .

Aujourd’hui les velléités d’« athéorisme » ne sont plus d’actualité : bien au contraire les pos-tulats du DSM-V intègrent dans la démarche diagnostique critégorielle des notions biologiques,cognitivo-comportementales, psychopathologiques, sociétales, génétiques et radiologiques. Cetteévolution a été guidée par le développement des techniques biologiques et d’imagerie médicale quisont venues contrer ceux qui voulaient donner au DSM une position dirigiste : dans les travaux derecherche actuels, les classifications cliniques sont souvent éludées aux profits de classificationsbiologiques. Pourquoi ? La simplification outrancière des tableaux cliniques en leur soustrayantleurs dimensions les plus subjectives avait rendu caduque la possibilité de trouver des détermi-nants étiopathogéniques aux troubles psychiques. Décrire de nouveau intégralement les tableauxcliniques avec leurs dimensions subjectives est aujourd’hui plus que jamais nécessaire pour per-mettre des corrélations précises aux nouvelles données biologiques et neuroradiologiques. Maisces velléités sont encore difficiles à atteindre car réciproquement, si le DSM-V s’intéresse davan-tage à la validité diagnostique, il se heurte encore pour l’instant à l’évolution des connaissancesgénétiques et neurobiologiques lesquelles sont actuellement insuffisantes pour retenir un modèleétiopathogénique certain aux maladies psychiatriques [37]. Notons que constituant un changementparadigmatique radical avec les éditions précédentes, le DSM-V diverge ouvertement d’une utilitéexclusive pour la recherche vers un intérêt pour la clinique quotidienne grâce à l’association auxcritères habituels de mesures dimensionnelles qui permettront d’assurer le suivi des patients dansla démarche de soins. Mais la catégorisation diagnostique n’a pas su s’émanciper des nombreuxproblèmes méthodologiques pourtant décriés au cours de sa conception : les diagnostics rares etles dimensions comorbides entre deux possibilités diagnostiques ne sont pas pris en compte, lestailles d’échantillon des field trials sont parfois insuffisantes pour calculer le coefficient kappa

3 « Une jour au xxie siècle, une fois que le génome et le cerveau auront été cartographiés, il faudra organiser un nouveauplan Marshall afin que les psychiatres européens sauvent notre science américaine en nous aidant à retrouver qui souffreréellement de schizophrénie et finalement de nous aider à savoir ce que représente réellement la schizophrénie ».

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qui reste le seul test statistique utilisé, des centres spécialisés sont sollicités pour valider la cons-truction diagnostique de certains troubles alors qu’ils y sont très entraînés [38]. Conséquemmentà ces imprécisions, les coefficients kappas sont assez bas nous semble-t-il :

• entre 0,6 et 0,79 pour l’état de stress post-traumatique ;• de 0,4 à 0,59 pour la schizophrénie et le mésusage d’alcool ;• entre 0,2 et 0,39 pour la dépression et le trouble anxieux généralisé [38].

Par ailleurs, si beaucoup de patients se retrouvent dans des catégories non spécifiées dites« not otherwise specified », de nouvelles épidémies sont à redouter du fait de l’augmentation de lasensibilité des diagnostics au mépris de leur spécificité, impliquant le risque de surmédicalisationd’expériences fréquentes en population générale [39].

Si nous avons jusqu’ici essentiellement exposé une critique négative à l’égard des DSM-III etsuivants, il convient de remarquer que leur développement a eu des effets positifs transitoires sur lechamp de la psychiatrie notamment en stimulant la recherche épidémiologique et en crédibilisant ladiscipline par sa recouverture d’une apparence scientifique [29]. Mais cette illusion de scientificitéutile à un certain moment de notre histoire doit aujourd’hui être substituée par une nouvellenosographie qui devrait être construite non plus seulement sur la fidélité diagnostique, mais surla validité même des diagnostics : nous détaillons quelques pistes de recherche vers cet idéal.

4. De nouvelles perspectives nosographiques afin de majorer la validité et la fidélité desdiagnostics

4.1. Un recentrage de la nosographie autour d’une nécessaire différenciation entre maladiespsychiatriques et troubles psychiques

La validité de plusieurs diagnostics psychiatriques devrait augmenter à l’avenir par la défini-tion précise de marqueurs biologiques et/ou neuroradiologiques. Vers cette démarche de définitiondiagnostique, certes encore à l’état embryonnaire, il demeurera cardinal de différencier maladiepsychiatrique, trouble psychique et souffrance psychique, cette dernière définissant le résultatd’un questionnement existentiel, alors que la maladie intègre le modèle médical lésionnel. Natu-rellement ces différenciations ne sont pas imperméables, particulièrement lorsqu’une réactionpsychique se construit suite à une maladie psychiatrique. Aussi, une vulnérabilité biologiquepourra être dévoilée, souvent transitoirement, par une souffrance existentielle. Ces différentia-tions subtiles nous apparaissent cardinales pour orienter au mieux la prise en charge thérapeutiquequi peut proposer séparément, ou associer, la psychothérapie et la pharmacologie. Dans le casde maladies psychiatriques, des biomarqueurs pourraient être identifiés en référence au para-digme structure/fonction. Différemment, toute souffrance humaine n’est pas systématiquement« médicalisable », car intégrant les conflits et passions qui rendent compte de la richesse del’homme, sans constituer une pathologie caractérisée. Naturellement, le soignant en santé men-tale, le médecin comme le psychologue, s’intéresse à apaiser toute souffrance mais, dans le cadrede la construction d’une classification nosographique médicale, toute souffrance humaine ne sau-rait apparaître. Devrait être mentionnée, au sein de chapitres différents, d’un côté les maladiespsychiatriques authentifiées par des modifications biologiques précises et d’un autre côté, lestroubles psychiques en référence à une étiopathogénie psychodynamique. Nous nous rendronscompte alors que certains symptômes, voire certains syndromes, seront également retrouvés au

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sein de ces deux orientations classificatoires, traduisant le fait qu’un symptôme ne dit rien enlui-même mais parle d’une conception théorique d’une maladie ou d’un trouble.

Afin de pouvoir construire ce nouveau cheminement définitoire des maladies psychiatriqueset troubles psychiques, permettons-nous un aparté du côté de la définition médicale des mala-dies neuropsychiatriques que sont la démence d’Alzheimer et la sclérose en plaques, lesquellesdéfinitions pourraient constituer un modèle à certaines maladies neuropsychiatriques.

4.2. Évolution de la définition de deux diagnostics neurologiques exemplaires : la maladied’Alzheimer et la sclérose en plaques

Suivant les exemples de la maladie d’Alzheimer et de la sclérose en plaques, les maladies(neuro)psychiatriques comme la schizophrénie et la maladie bipolaire pourraient s’intégrer dansle futur, au moins en partie, au sein du modèle neurologique où des corrélations sont recherchéesentre les symptômes cliniques et des paramètres biologiques. Théoriquement de nos jours, lediagnostic de maladie d’Alzheimer est anatomopathologique alors qu’en pratique, aucune biop-sie cérébrale ne sera proposée de vivo : c’est l’examen clinique qui va retenir la probabilité d’unetelle démence, selon un modèle très similaire à celui du diagnostic de schizophrénie. L’impressionclinique du praticien est traduite en symptômes reconnus comme définissant ladite démence quibénéficie d’une description précise dans la littérature neurologique ou le DSM-V. En pratique,le diagnostic de maladie d’Alzheimer est clinique car sa certitude ne peut-être que post-mortemavec nos techniques d’exploration paracliniques actuelles [40]. Pour augmenter la fidélité diagnos-tique, des recherches récentes ont défini des biomarqueurs : la mesure du volume hippocampiqueà l’IRM cérébrale, l’hypométabolisme des régions pariétotemporales au PET-Scan et la dimi-nution de concentration du peptide ABêta1-42 associée à une augmentation des protéines tau(totales et phosphorylées) dans le liquide céphalo-rachidien sont des indices biologiques quasipathognomoniques de l’affection [41,42]. Ces biomarqueurs permettent d’établir un diagnosticde maladie d’Alzheimer in vivo avec une excellente sensibilité et une excellente spécificité. Versun futur proche, le diagnostic de maladie d’Alzheimer sera porté sur des éléments cliniques quiévoqueront la maladie, laquelle sera confirmée par des tests biologiques et neuroradiologiques.

Nous prendrons la sclérose en plaques comme deuxième exemple de définition d’une mala-die neurologique. Si les plaques de la sclérose éponyme ont été premièrement décrites par lesrecherches neuropathologiques post-mortem de Charcot, différemment aujourd’hui, retenir lediagnostic de sclérose en plaques nécessite de se référer aux critères de McDonald et al. modifiéspar Polman et al., critères qui associent des éléments cliniques, biologiques et neuroradiologiquestraduisant le paradigme classique de « dissémination des lésions dans l’espace et dans le temps »[43,44]. Notons que la preuve paraclinique de l’IRM cérébrale est référencée aux critères deBarkhof [45]. L’intérêt de tous ces critères de diagnostic est d’orienter la démarche thérapeu-tique : expectative ou pharmacologique. En effet, de nombreuses personnes peuvent présenter deslésions asymptomatiques intégrant la physiopathologie de la sclérose en plaques au sens d’unedémyélinisation du système nerveux central, mais sans pour autant correspondre au « diagnosticofficiel » et sans nécessiter d’un traitement. Le signifiant « sclérose en plaques » sera énoncé uni-quement devant la certitude d’une maladie déclarée et définie selon les critères précités. Ainsi unedémyélinisation asymptomatique et de découverte fortuite par une imagerie cérébrale demandéedans une autre indication, n’impliquera pas de diagnostic, mais induira éventuellement un suivirégulier proposé au cas par cas. En effet, il existe de nombreuses formes cliniques de scléroses enplaques en fonction des antécédents familiaux éventuels, des signes cliniques et du profil évolutif.Certains patients ne feront qu’une poussée déficitaire spontanément résolutive avec rémission

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complète alors que d’autres personnes souffriront d’une évolution chronique. Compliquant leursdéfinitions, les entités neuropathologiques font souvent l’objet d’un continuum, non nécessaire-ment linéaire au cours du temps, du normal au pathologique. Imposer un diagnostic figé à unpatient n’est nullement juste et nullement souhaitable.

4.3. Vers la caractérisation moderne des troubles neuropsychiatriques : l’exemple de laschizophrénie

Suite aux résultats des recherches neurobiologiques les plus récentes, la schizophrénie s’inscritdans un modèle neurodéveloppemental sous-tendu par des variantes dysfonctionnelles de certainsgènes comme le DISC-1 et le Neuregulin-1. Les techniques de neuroradiologie découvrent desmodifications cérébrales anatomiques et fonctionnelles qui s’établissent en fonction du stadeévolutif de la maladie, de la phase de latence à la phase d’état, en passant par la phase prodro-mique jusqu’à la période résiduelle [46,47]. Certaines modifications neuroanatomiques visibles enimagerie cérébrale précèdent l’apparition des premiers symptômes cliniques psychotiques ce quipourrait à terme modifier les stratégies diagnostiques, tout en posant une question éthique difficile.L’expérience psychotique sans évolution défavorable ou pathologique est un phénomène fréquenten population générale même si, une minorité de ces sujets déclencheront secondairement unemaladie schizophrénique. De nombreuses études psychométriques ont révélé un taux très élevéd’expériences psychotiques en population générale, surpassant largement le taux de maladiesschizophréniques constituées [48]. Les outils psychométriques actuels sont peu sensibles et peuspécifiques pour établir un différentiel entre expérience psychotique non pathologique transitoireet prodrome schizophrénique [49]. D’un côté, nous savons que bon nombre de sujets schizo-phrènes ont eu un retard de prise en charge du fait d’un diagnostic trop tardif, grevant le pronosticde l’affection à long terme. D’un autre côté, un diagnostic hâtif peut exposer un sujet à la stigmati-sation, ou aux effets secondaires d’antipsychotiques prescrits de manière prématurée. Justement,si la clinique et les études psychométriques sont parfois mises en défaut, la caractérisation demarqueurs biologiques ou neuroradiologiques pourrait permettre de mieux établir un diagnosticdifférentiel afin d’organiser la prise en charge thérapeutique en débutant un traitement, ou plutôten s’abstenant [50].

Mais malgré le grand nombre d’études de neurobiologie publiées, la définition de biomarqueursen psychiatrie n’est que balbutiante [51]. Si des anomalies biologiques sont notées dans la plupartdes troubles psychiques, ces objectivations ne sont nullement pathognomoniques et ne restent quedes corrélations, sans connaissance exacte du lien de causalité ou de conséquentialité entre lessymptômes ou le processus morbide décrits, et la variation biologique authentifiée.

4.4. Une difficile intégration des dimensions biologiques, psychopathologiques etsocio-anthropologiques au sein d’une même nosographie : illustration du syndrome derépétition traumatique

Dans la fameuse étude de jumeaux dite de la Vietnam Era Twin Registry Study, True et al.retrouvent davantage d’états de stress post-traumatique chez les jumeaux homozygotes que chezles sujets appariés dizygotes, avec un degré d’héritabilité polygénique aux alentours de 30 % [52].La région promotrice du gène codant pour le transporteur de la sérotonine (locus SLC6A4) a étéla plus étudiée selon un polymorphisme mononucléotidique modifiant l’expression transcription-nelle : l’allèle court (S) est moins transcrit que l’allèle long (L). Comparativement à la populationgénérale, le génotype d’homozygotie S est supérieur chez les sujets souffrant d’état de stress

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post-traumatique [53] et les sujets S/S déclenchent ce trouble pour un niveau d’exposition trauma-tique bien moindre que leurs homologues L/L [54]. Mais l’interaction entre le génome et son envi-ronnement est plus complexe qu’une simple implication. Aucune étude génétique n’a pour l’instanttrouvé de marqueur biologique qui destinerait a priori et immanquablement un sujet à structurerun état de stress post-traumatique en réaction à une situation de stress [55]. Différemment, l’étudepsychopathologique attentive découvre souvent a posteriori que tel sujet singulier a construitun syndrome de répétition traumatique en fonction de la concordance de données signifiantesrelatives à son histoire [56]. Souvent, l’évènement vient frapper un refoulement ou une impassebiographique antérieure et dont la thématique interroge les fondamentaux de la culture humainedans son émancipation d’avec la nature. Enfin, comme nous l’avons décrit dans les chapitresprécédents, la définition du traumatisme psychique interagit avec le contexte sociétal : d’une part,le trauma s’établit sur la remise en cause brutale de valeurs sociétales qui semblaient immuableset, d’autre part, le concept clinique et nosographique de traumatisme psychique est changeantavec l’évolution des sociétés. Intégrer tous ces déterminants psychodynamiques, biologiques etsocio-anthropologiques au sein d’une classification est particulièrement complexe [57–59].

5. Conclusion : un diagnostic standardisé en psychiatrie ? Risques et limites. . .

Sans nécessairement considérer un symptôme à part entière, la pression sociétale pourl’établissement de diagnostics psychiatriques valides et fiables devient croissante. La sociétéactuelle est demandeuse de normes pour l’administration et les organismes d’assurance, les magis-trats, la conduction d’essais cliniques et surtout, l’exercice de la médecine basée sur des niveauxde preuves scientifiques en suivant les recommandations de bonne pratique. En attendant ladéfinition d’un consensus étiopathogénique pour chaque maladie neuropsychique, certains cher-cheurs voudraient mathématiser le diagnostic psychiatrique par l’opérationnalisation d’élémentscliniques, biologiques et radiologiques. Mais vers une autre formule, et c’est peut-être un para-doxe, la psychiatrie clinique reste une spécialité médicale axée sur la relation soignant-soignécomme témoignage d’une intersubjectivité. À l’heure actuelle, la différence est abyssale entrel’étude clinique référencée à la pratique quotidienne et la procédure diagnostique standardiséeintégrant des paramètres biologiques ou radiologiques. Le lien de réunion entre ces deux straté-gies de recherche est difficile à établir : rien n’affirme que le diagnostic de schizophrénie retenudans une étude scientifique ne corresponde au diagnostic clinique habituel. Un écart s’est creuséentre la recherche scientifique et la psychiatrie clinique : une partie de la recherche en psychia-trie évolue vers une neuroscience aux niveaux de preuves scientifiques encore faibles du faitd’approximations méthodologiques que nous avons détaillées. Dans l’avenir, grâce à nos progrèssur la compréhension étiopathogénique des phénomènes cliniques, la recherche devra se concen-trer vers une meilleure validation des entités cliniques en différenciant les maladies psychiatriquesdes troubles psychiques et des souffrances existentielles. Vers ces définitions, l’associationd’éléments étiopathogéniques biologiques, psychopathologiques et socio-anthropologiques, bienque nécessaire, sera difficile à articuler. Notre nosographie future deviendra sans doute éminem-ment plus complexe que le DSM-V car une même méthode classificatoire sous-tendue par unmodèle identique est inopportune pour rendre compte de la complexité des maladies et troublespsychiques.

Les maladies psychiatriques établies sur un substratum biologique peuvent être diagnosti-quées en s’éloignant substantiellement de déterminants subjectifs, seulement en apparence. Eneffet, l’authentification de la présence d’une maladie par un marqueur n’est pas spontanée maisconstruite comme validation d’une impression clinique subjective initiale. Par ailleurs, les résultats

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des tests biologiques seront nécessairement interprétés de manière subjective. Enfin, l’annoncediagnostique au patient comme la construction avec lui du projet thérapeutique seront le résultatd’une dynamique intersubjective avec le clinicien. Au-delà de classifications de maladies qui pour-raient être basées sur un minimum d’interactions subjectives, toute souffrance psychique, mêmepartiellement biologiquement influencée, ne saurait être réduite à un dosage ou à un étalonnage.Beaucoup de personnes viennent en consultation parce qu’elles souffrent de leur existence sansqu’il soit possible ou souhaitable de diagnostiquer une maladie psychiatrique ou quelque troublepsychique. Lorsque l’on s’intéresse à un sujet singulier, nos classifications sont souvent inopé-rantes car seul lui connaît la clef de son mal unique, que nous allons tenter grâce à ses mots, dedéchiffrer. Si une classification est par définition réductrice, elle peut s’avérer utile lorsqu’unecommunication entre praticiens est nécessaire, qu’une prise en charge pharmacothérapeutique estassociée à la psychothérapie, ou encore lorsqu’un patient nous demande d’établir un certificatmédical. Mais ne nous y trompons pas : un code diagnostique comme un rapport écrit ne serontjamais un sujet en ce sens qu’ils ne suffisent pas à transmettre notre clinique subjective.

La prise en compte de nos subjectivités individuelles et sociétales dans la définition de nosdiagnostics cliniques et dans la conceptualisation critique d’une nouvelle nosographie noussemble fondamentale à l’avenir de la psychiatrie. Mais comment précisément caractériser cessubjectivités ? Nous proposerons des réponses au gré d’un travail futur.

Déclaration d’intérêts

L’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

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