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1 Transition écologique et investissements verts Version préliminaire Dominique Bureau Résumé Derrière la notion de croissance soutenable, il y a la prise de conscience que la croissance économique utilise actuellement des services, notamment ceux fournis par les énergies émettrices de gaz à effet de serre, dont la production dégrade les actifs naturels, et que leur épuisement ou leur détérioration très rapide la menace à terme. Pour rétablir sa soutenabilité, il faut agir sur la demande pour ces services, ou trouver des modes de production plus économes de ces ressources. La composition optimale de ces deux types d’actions dépend de la comparaison des élasticités relatives à la demande d’une part, et à la substituabilité entre capital vert et ressources naturelles, d’autre part. Si, comme le suggèrent beaucoup d’études sectorielles, le gisement correspondant au premier type d’action ne suffira pas, une réallocation importante du capital, vers le capital vert, est nécessaire, qui requiert une politique macroéconomique appropriée, dégageant une épargne suffisante et orientée vers ce type d’investissement. Certes, leur déploiement sera progressif et doit se faire « par ordre de mérite ». Mais il demeure une correction immédiate des structures de production à réaliser, qui doit être intégrée dans les stratégies macroéconomiques. Si la productivité du capital vert est limitée, son accumulation, nécessaire pour éviter l’épuisement des actifs naturels, tend à prélever progressivement l’essentiel de l’épargne. Dans le cas plus favorable, le taux d’épargne rejoint progressivement son niveau habituel. L’introduction, dans un modèle de croissance de type AK, d’un actif naturel non renouvelable permet de passer en revue les différentes facettes d’une politique de transition écologique, notamment par rapport à l’accumulation du capital vert.

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Transition écologique et investissements verts

Version préliminaire

Dominique Bureau

Résumé

Derrière la notion de croissance soutenable, il y a la prise de conscience que la croissance

économique utilise actuellement des services, notamment ceux fournis par les énergies

émettrices de gaz à effet de serre, dont la production dégrade les actifs naturels, et que leur

épuisement ou leur détérioration très rapide la menace à terme. Pour rétablir sa soutenabilité,

il faut agir sur la demande pour ces services, ou trouver des modes de production plus

économes de ces ressources. La composition optimale de ces deux types d’actions dépend de

la comparaison des élasticités relatives à la demande d’une part, et à la substituabilité entre

capital vert et ressources naturelles, d’autre part.

Si, comme le suggèrent beaucoup d’études sectorielles, le gisement correspondant au premier

type d’action ne suffira pas, une réallocation importante du capital, vers le capital vert, est

nécessaire, qui requiert une politique macroéconomique appropriée, dégageant une épargne

suffisante et orientée vers ce type d’investissement. Certes, leur déploiement sera progressif et

doit se faire « par ordre de mérite ». Mais il demeure une correction immédiate des structures

de production à réaliser, qui doit être intégrée dans les stratégies macroéconomiques.

Si la productivité du capital vert est limitée, son accumulation, nécessaire pour éviter

l’épuisement des actifs naturels, tend à prélever progressivement l’essentiel de l’épargne.

Dans le cas plus favorable, le taux d’épargne rejoint progressivement son niveau habituel.

L’introduction, dans un modèle de croissance de type AK, d’un actif naturel non renouvelable

permet de passer en revue les différentes facettes d’une politique de transition écologique,

notamment par rapport à l’accumulation du capital vert.

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Introduction

Dans leur rapport au G20, Edenhofer et Stern (2009) mettaient en avant que nous étions

confrontés à une double crise, économique et écologique. Ce diagnostic les conduisait à

recommander que la sortie de crise s’attache à promouvoir une stratégie globale de croissance

de long terme, prenant en compte le risque climatique et, plus généralement, les perspectives

de rareté de certains actifs naturels, en veillant à ce que ceux-ci puissent continuer à fournir

les ressources et services environnementaux dont dépend notre bien-être. Concrètement, ils

plaidaient pour que les investissements contribuant à ces objectifs, c’est-à-dire les

investissements pour la transition écologique, soient considérés comme prioritaires.

Cette recommandation apparaît très congruente avec les conclusions de nombreux travaux de

prospective sectorielle s’intéressant, par exemple, à la transition énergétique et la

« décarbonation » du secteur électrique (AIE, 2010) ou, a fortiori, à celles, beaucoup moins

engagées à ce jour -comme le montre la récente « feuille de route » de la Commission

européenne (2011)-, des bâtiments, des villes ou des transports, qui soulignent que ces

transformations nécessitent de nouvelles infrastructures (et en amont de la R et D, de

l’innovation, des démonstrateurs….), et une réallocation forte des investissements, des

équipements utilisant les combustibles fossiles vers des technologies propres. Ces études

estiment souvent qu’une part importante de ces investissements constituent des mesures

« sans regret », qui seraient rentables même en l’absence de prix du carbone significatif. Leur

crainte (cf. Grandjean et al., 2011) est que l’épargne ne soit pas assez orientée vers le

financement de ces investissements « verts », ou ne soit pas à la hauteur de l’ampleur de

l’effort d’investissement considéré comme nécessaire. L’horizon souvent très long des

équipements considérés (réseaux et centrales électriques, infrastructures de transports et

urbaines), et la difficulté à en répartir les risques-notamment pour les technologies et filières

émergentes, constituent par ailleurs des obstacles à leur financement (CEDD, 2011).

Cependant, cette idée qu’il faudrait intégrer un biais délibéré vers l’investissement « vert » en

sortie de crise financière reste considérée comme hétérodoxe par beaucoup de responsables

économiques et financiers, d’autant plus qu’elle leur paraît antinomique avec la maîtrise des

dettes publiques et le besoin, mis en exergue par la crise financière, de renforcer le contrôle

des risques dans la régulation financière. Certes, il est objecté à cela que les investissements à

réaliser concernent autant le secteur privé que le secteur public, et qu’ils visent

fondamentalement à réduire les risques à long terme. Cependant, cet argument est loin de

suffire à résorber le fossé qui demeure entre ces différentes approches ou types de

préoccupations, tous légitimes.

Les controverses qui ont suivi la « Stern Review » (2007) à propos de l’évaluation de la

rentabilité économique et sociale des investissements d’atténuation du risque climatique

constituent une toile de fond pour ces controverses. Cependant ce n’est pas le seul, ni même

peut-être l’élément déterminant, dès lors que l’analyse développée par Edenhofer et Stern (op.

cit.), par exemple, prend justement soin de justifier ses recommandations par le fait que ces

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investissements sont rentables au sens de l’analyse socio-économique « coûts-bénéfices ».

Plus généralement, le développement de l’évaluation du coût des dommages, ou,

symétriquement, celle de la valeur des services environnementaux, a constitué, ces quinze

dernières années, un champ de recherches et d’études extrêmement fécond, qui permet

aujourd’hui de disposer de références -certes perfectibles et à utiliser en étant conscient de

leurs incertitudes- pour évaluer les politiques ou projets d’investissements, par rapport aux

enjeux d’environnement, de risques, et de long terme qui sous-tendent la notion de

développement durable (Bureau, 2012). La rentabilité économique générale des

investissements verts peut ainsi être documentée, mais si elle pose encore de redoutables

problèmes d’évaluation (Gollier, 2013).

Mais, pour apprécier la place à accorder, aujourd’hui, aux investissements verts dans les

équilibres macroéconomiques, il convient de discuter plus précisément le « timing » de cet

effort, et de justifier plus avant l’importance de la « bosse » qui devrait être financée à court-

terme. A cet égard, les questions plus précises que soulèvent les « macro-économistes »

concernent :

- l’ampleur alléguée des mesures « sans-regret » ou des investissements à réaliser

immédiatement, qu’ils interprètent comme un diagnostic implicite d’une inefficacité

apparente des marchés extrême,

- la rentabilité « immédiate » de ces projets. Certes, il est reconnu qu’il convient

d’intégrer les raisonnements en valeur d’option à la « Arrow-Fisher-Henry »

(Baumstark et Gollier, 2009) ou les contraintes résultant des courbes d’apprentissage,

qui justifient une action précoce et expliquent aussi que les dates optimales de

réalisation des projets « vert » soient peu sensibles à la conjoncture macroéconomique.

Pour autant, celles-ci restent dépendantes des trajectoires de prix, notamment des

ressources naturelles, ou du carbone, si bien que la question de la programmation des

investissements par ordre de mérite, et celle de leurs dates optimales de réalisation

demeurent pertinentes,

- l’affectation des instruments, au regard de la typologie classique de Musgrave, qui

sépare nettement les fonctions de stabilisation et de redistribution, de celles

d’allocation des ressources. Dans cette perspective, il est mis en avant, qu’une fois

établis les prix écologiques nécessaires pour assurer l’internalisation des différentes

raretés des ressources naturelles, la conduite de la politique macroéconomique se

poserait dans les termes « usuels », sous-entendu, sans qu’il y ait lieu de prendre en

compte à ce niveau les considérations allocatives. Toutefois, ceci suppose que les

instruments redistributifs d’accompagnement soient en place, et que les conditions de

financement des investissements verts soient parfaitement efficaces.

Ces questions se situent à un niveau intermédiaire, entre, en amont, l’analyse des contraintes

de soutenabilité, et, en aval, celle des problèmes de financement des investissements verts.

Elles interrogent l’articulation entre les politiques spécifiques de transition écologique

(normes, incitations, orientation du progrès technique) et les autres politiques, ou, dit

autrement, les risques que les imperfections d’autres marchés ou d’autres politiques, fassent

obstacle à la pleine efficacité de celles-ci. Pour cela, il faut en premier lieu identifier ces

interactions potentielles : par exemple, les problèmes de financement seront d’autant plus

aigus que les investissements « verts » seront lourds et « s’ajouteront » aux autres besoins

d’investissement. Comme ce fût le cas au début des années 90 avec les débats sur les besoins

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d’infrastructures pour la croissance, l’appréciation de ces enjeux est délicate car la prospective

sectorielle raisonne plutôt à partir de modèles technico-économiques, et l’analyse

macroéconomique utilise des fonctions de production très globales. Il est donc nécessaire de

développer des cadres permettant de réaliser le passage entre les deux approches.

Pour cela, il faut distinguer l’évolution des modes de consommation de celle des modes de

production, et enrichir l’analyse des modèles de croissance avec actifs naturels, en explicitant,

au sein du capital productif et de son accumulation, la dynamique des infrastructures ou

équipements qui conditionnent directement la transition écologique, ce que sous-tend le

vocable « investissements verts ». De plus, il faut une description du processus de

remplacement des ressources naturelles par ce capital « vert » qui soit plus réaliste que celle

des modèles « backstop ». Dans ce cas, les deux types d’actifs (capital vert, ici « innovant »,

et ressource épuisable) sont en effet supposés parfaitement substituables, si bien que les

trajectoires optimales consistent en général à utiliser d’abord les actifs naturels, et à

n’introduire le nouveau capital qu’au delà de leur épuisement. Au contraire, les scénarios de

prospective sectorielle évoqués ci-dessus décrivent un processus beaucoup plus progressif,

reflétant implicitement une substituabilité imparfaite entre actifs naturels et capital vert pour

produire les services énergétiques ou environnementaux, obligeant à préserver une quantité

suffisante des premiers pour les générations futures et, aussi, à engager tôt l’accumulation de

capital vert au niveau approprié.

On se propose ici, dans une perspective pédagogique, de détailler l’analyse d’un tel modèle de

croissance, avec le souci de passer ainsi en revue différents aspects, « micro » ou

« macroéconomiques », de la politique économique dans un contexte de transition écologique.

Ceux-ci ne sont pas forcément originaux mais, souvent, sont vus séparément. La première

partie décrit le modèle, et établit une typologie des scénarios (optimaux) possibles de

réallocation du capital entre capital courant et capital « vert ». La seconde partie étudie, dans

l’hypothèse où les économies de ressources ou d’énergie immédiatement mobilisables sont

épuisées rapidement, et ne suffisent pas au regard de la contrainte, de rareté globale, les

impacts de cette dynamique sur l’évolution souhaitable du taux d’épargne.

I. Les réallocations du capital nécessaires à la transition écologique

Le modèle considère le processus d’accumulation du capital le plus simple qui soit. Il

combine un modèle de croissance productive stylisé comme ceux introduits par Ramsey et

Solow, mais potentiellement auto-entretenue (modèle prototype de croissance endogène, dit

« AK », qu’utilisent aussi Guéant et al.(2012) pour étudier le taux d’actualisation à utiliser

pour évaluer les projets visant à préserver la qualité de l’environnement) et, comme c’est

l’usage en économie de l’environnement, la gestion d’une ressource épuisable. Outre la

combinaison de ces deux éléments contrastés eu égard aux possibilités et contraintes mises

sur la croissance, sa spécificité est de considérer que cette ressource constitue « un input »

pour la production de certains services fournis aux ménages (« énergétiques, ou

écologiques »), l’autre « input » nécessaire, et imparfaitement substituable, étant du capital

« vert ». Après avoir présenté le modèle et caractérisé les scénarios de croissance optimale,

on analyse leur conditions générales de réalisation. On montre alors, que selon les

caractéristiques de l’offre et de la demande pour les services utilisant la ressource naturelle,

les réallocations de capital à opérer, entre capital productif et capital vert, peuvent être très

typées.

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I.1 Le modèle

Au niveau de la consommation des ménages, le modèle distingue deux biens, la

consommation de bien courant (C), et celle des services « énergétiques ou écologiques » (Ĕ)

dont la production combine : des inputs prélevés dans les actifs naturels (F) ; et du capital vert

(V). On suppose que les deux biens de consommation se combinent de manière additive quasi-

linéaire dans la fonction d’utilité, et on note : u(Ĕ) le consentement brut à payer pour ces

services utilisant les ressources naturelles comme facteur de production (u’>0,u’’<0) ; et D(p)

la fonction de demande qui s’en déduit, si p est le prix de ces services (D’(p)<0).

On suppose par ailleurs une fonction d’utilité U croissante, strictement concave, deux fois

continûment dérivable, et telle que l’utilité marginale d’une consommation nulle est infinie.

Le modèle est écrit en temps continu, en notant ρ le taux de préférence pur pour le présent de

la fonction d’utilité intertemporelle (W).

La fonction de production (E(F,V)) des services énergétiques ou écologiques est à rendements

constants, quasi-concave, et y est associée la fonction de coûts unitaires

c(r,q) , r étant le coût d’usage du capital vert, et q le coût relatif de la ressource naturelle par

rapport à celui de l’usage de capital vert. On note f(q) et v(q) les demandes (unitaires) de

facteurs en ressource naturelle et capital vert correspondantes, vérifiant les propriétés

habituelles.

Par ailleurs, on suppose que le capital total productif (K) se décompose entre du capital à tout

faire (K-V), et le capital « vert » (V). Le capital à tout-faire (équipements, bâtiments, mais

aussi capital humain et connaissances) permet de produire à la fois le bien de consommation

courant et le bien d’investissement servant à l’accumulation du capital, avec une rentabilité

marginale constante (a, avec a>ρ, et donc, potentiellement une croissance auto-entretenue).

La production de bien courant vaut donc Y= a(K-V). Pour alléger le formalisme du modèle et

en faciliter la lecture, on considèrera un taux de dépréciation nul1. On note K0 le stock de

capital disponible à l’instant initial et S0 le stock de ressource naturelle résiduel à cette date.

La contrainte de non-renouvelabilité de celle-ci pourra s’interpréter, soit comme une

contrainte sur un stock de ressources, par exemple fossiles, mais aussi, alternativement,

comme un plafond strict sur les émissions de gaz à effet de serre. Au niveau de la

caractérisation des trajectoires optimales, il n’y a pas besoin de distinguer entre ces deux

interprétations possibles. En revanche, les conditions institutionnelles de réalisation devront

évidemment préciser selon que la ressource naturelle considérée fait, ou non, l’objet de droits

de propriété établis.

L’essence des exercices auxquels nous voulons nous livrer consiste à imaginer qu’à l’instant

t=0, la société prend conscience que la rareté des ressources naturelles est beaucoup plus forte

que ce qui était antérieurement imaginé ( S0 < S0-

). Pour cela, on s’intéressera donc à la

statique comparative des trajectoires optimales en fonction de S0, dont on note W*(K0,S0)

l’issue en termes de bien-être inter-temporel.

Si, pour identifier l’orientation des réallocations à envisager, on fait l’hypothèse idéale d’un

capital total parfaitement mobile entre ses deux formes ( V ou K-V), disponible en quantité

1 Le paramètre « a » doit donc être vu comme reflétant la productivité marginale nette du capital.

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suffisante pour ne pas avoir à introduire d’autre contrainte dans le programme d’optimisation,

et plus généralement, qu’il existe des scénarios compatibles avec les contraintes sur

l’épuisabilité des ressources, l’accumulation du capital et les « besoins » des consommateurs,

le problème de croissance optimale à considérer s’écrit, en indiçant par t les flux à l’instant t.

Notant (λ) le multiplicateur de Lagrange de la contrainte de rareté de la ressource naturelle, et

(μt) la variable adjointe de l’équation d’accumulation du capital, l’hamiltonien de cette

économie convexe s’écrit :

Les trajectoires optimales pour la consommation des ressources épuisables , l’accumulation

du capital , les structures de production et de consommation vérifient donc (si F,V>0,

cf.infra):

Les trois premières équations reflètent un modèle de croissance à taux d’intérêt constant (a),

égal à la productivité marginale du capital, dans lequel le partage entre consommation et

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investissement est optimal à tout instant, si bien que la valeur sociale ( ) du bien courant est

indépendante de l’usage qui pourrait en être fait, consommation (que l’on utilisera comme

numéraire), ou investissement. Certes, cette fixation quasi-exogène du taux d’actualisation est

discutable quand on s’intéresse au très long terme. Mais notre propos ici est plutôt de fournir

des éléments de description de la transition à engager à un horizon plus rapproché, de court ou

moyen-terme.

Si, pour décentraliser cet optimum, on prend le bien courant comme numéraire, le coût

d’usage du capital « vert » à considérer vaut aussi (a), qui représente le coût d’opportunité

d’affecter du capital à la production des services énergétiques ou écologiques, plutôt qu’à

celle de bien courant. Par ailleurs, ce scénario de croissance optimal est associé à un prix de la

ressource épuisable (πt) qui suit la règle de Hotelling, c’est-à-dire croissant comme le taux

d’actualisation (a).

Cette caractérisation vaut aussi lorsque les isoquantes de E(F,V) coupent les axes. Dans ce

cas, où les deux facteurs sont donc très substituables, il est notamment possible de se passer

totalement de la ressource épuisable, ce qui se réalise quand son prix devient suffisamment

élevé.

Compte tenu que la fonction d’utilité a été supposée séparable entre C et Ĕ, et sans effet-

revenu pour la demande de services « écologiques ou énergétiques », les trajectoires du

capital vert V et des prélèvements F ne dépendent que de S0, qui détermine le « prix » initial

de la ressource épuisable. En revanche, elles sont indépendantes de K0.

Le modèle se résout donc récursivement, la partie concernant les services liés aux ressources

naturelles ne dépendant que de (a) –intangible- et de S0. La trajectoire de V doit ensuite être

intégrée dans l’équation d’accumulation pour déterminer celle du taux d’épargne. On pose :

Avec ces notations pour les prix liés à la ressource à l’instant 0, le prix de celle-ci et le prix

relatif des facteurs de production des services énergétiques ou écologiques (qt) valent

respectivement :

Ces éléments permettent de décrire les différentes formes de trajectoires envisageables pour F

et V. Le schéma ci-dessous correspond au cas où les isoquantes de la fonction de production

E(F,V) ne coupent pas les axes , c’est-à-dire où la substituabilité demeure limitée.

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Evolution de la structure de production

IsoquanteE(v,f)=1

v

vt

v0

a

ff0ft

π0 πt

E0

Et

E

Partant du point E0 correspondant à la structure de prix ( , a) pour les facteurs de

production, le relèvement progressif de π conformément à la règle de Hotelling implique

donc que la structure des facteurs de production substitue du capital vert à la ressource

épuisable, suivant la direction indiquée sur l’isoquante.

Ce processus prend éventuellement fin si la demande pour les services correspondants devient

nulle à partir d’un certain instant. Ceci ne sera cependant le cas que si le consentement

marginal à payer pour leur première unité consommée est borné.

Lorsque la substituabilité entre facteurs est telle que les isoquantes coupent les axes, il peut

s’ajouter à cela une phase préalable, où seul le facteur épuisable est utilisé. Par ailleurs, si le

service fourni est un bien essentiel, dont la demande est toujours positive, seul le capital vert

sera utilisé au-delà d’un certain instant.

Dans le cas extrême d’une substitution parfaite entre facteurs de production, l’isoquante est un

segment de droite. La phase intermédiaire où les deux facteurs sont utilisés simultanément

disparait : on retrouve ainsi comme cas-limite celui des technologies dites « Backstop »

(cf.schéma).

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Forte substituabilité entre F et V

v

vt

v0

a

ff0ft

π0 πt

E0Cas de baseCas d’une ressource « plus » abondante

Et

fmax

vmax

I. 2 La réalisation de l’optimum de 1e rang

La règle de Hotelling peut émerger du fonctionnement du marché de la ressource épuisable, si

celui-ci existe, -ce qui suppose que les droits de propriété sur celle-ci soient définis-, et s’il est

concurrentiel. Elle reflète alors, qu’à l’équilibre, aucun producteur n’a intérêt à changer son

plan de production intertemporel, son profit actualisé (ici au taux a) restant inchangé au 1er

ordre. Si, par ailleurs, ceux-ci anticipent parfaitement le plafond de ressources (S0), et que la

production, en aval, des services utilisant la ressource épuisable est elle-même concurrentielle

(ou que la production de ces services est réalisée directement par les ménages), l’équilibre

concurrentiel sous prévision parfaite de ces secteurs d’activités s’identifie alors aux conditions

précédentes, et il vérifie :

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Ce système définit donc implicitement la fonction , dont se déduit la trajectoire

complète du prix des facteurs pour la production du bien Ĕ, compte-tenu de la règle de

Hotelling, ainsi que celle de son coût unitaire de production et par là celle de sa demande.

Plus précisément, vérifie :

Si la ressource naturelle est initialement en libre-accès, non régulé, le fonctionnement des

marchés spontané conduira à son épuisement précoce. Sa gestion efficace requiert donc

d’établir un prix adapté, dont l’évolution devra être conforme à la règle de Hotelling. Cela

peut se faire, soit par un système concurrentiel de type « cap and trade » (marché de licences

sous plafond global), soit par le biais de la fiscalité environnementale. Les voies et moyens

pour cela (de même que la description plus fine des actifs naturels à considérer, en fait

multiples : ressources fossiles mais aussi minérales -probablement encore plus contraintes-,

qualité de l’atmosphère, biodiversité) sont le domaine de l’économie de l’environnement, qui,

à la suite de Weitzman, a précisé les conditions de choix entre les deux types d’instruments

lorsque l’on quitte l’hypothèse d’information parfaite (où ils sont équivalents), et les

implications distributives des règles d’allocation des droits initiaux. Plus récemment,

Acemoglu et al.( 2012) ont précisé la panoplie d’instruments à mettre en œuvre -écotaxes et

aides à la recherche- pour orienter l’innovation dans ce contexte, Henriet et al.(2012) en

déclinant les enjeux dans le contexte de la « décarbonation » de l’économie française.

A cet égard, notre modèle, qui considère seulement une ressource épuisable est le plus

standard qui soit. Il n’appelle pas de commentaire particulier, par rapport aux points généraux

d’attention mis en exergue par Guesnerie et al.(2012). Ce qui nous intéresse est plutôt qu’il

permet de passer en revue les interactions entre cette régulation de la ressource naturelle et la

conduite des autres volets de la politique économique : redistribution et stabilisation

macroéconomique. De ce point de vue, un premier élément est que la règle de Hotelling,

combinée à un coût d’usage du capital vert constant, détermine une dérive du prix relatif des

services utilisant la ressource épuisable, par rapport aux biens de consommation courante,

pour permettre de s’en affranchir progressivement.

Le constat que la rareté de certaines ressources risque de peser sur la croissance future signifie

donc aussi que le poids des « rentes » dans le revenu total est appelé à augmenter. Il importe

de l’anticiper, si l’on veut : éviter les phénomènes de type « malédiction des ressources

naturelles », où la recherche de ces rentes tend à prendre le dessus sur les comportements

d’innovation ; écarter les tensions inflationnistes résultant des conflits dans leur

appropriation ; et, avant cela, assurer l’acceptabilité de la « vérité des prix » de ces ressources.

A cet égard, les difficultés que rencontre la mise en place de taxes carbone reflètent bien un

tel conflit, entre équité et efficacité, sachant qu’elle impliquerait un transfert important de

rentes, entre les producteurs de combustibles fossiles, qui verraient leurs rentes se réduire, et

l’Etat qui percevrait les rentes « carbone » ainsi créées.

La Norvège, qui taxe fortement les revenus venant de l’exploitation de ses ressources fossiles

et les affecte à la gestion de ses retraites constitue un exemple d’anticipation de ces questions.

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Les performances macroéconomiques différenciées des différents pays suite aux chocs

pétroliers, ou le « Dutch Disease », illustrent l’importance d’intégrer ces dimensions dans les

réflexions sur la conduite de la politique économique. Sinon, on peut craindre que l’impact

d’une réduction de la disponibilité des actifs naturels sur la croissance future soit bien

supérieur à l’effet estimé en supposant que l’on atteint toujours le 1er

rang, comme on le fera

ci-dessous.

De manière très concrète, l’acceptabilité sociale de cette dérive de prix s’avère délicate quand

les services associés sont, au moins pour partie, considérés comme des biens essentiels. Ainsi,

toute évolution forte des prix pétroliers déclenche des demandes de compensations, pour les

carburants ou les combustibles, arguant que les trajets domicile-travail sont ‘subis’, de même

les dépenses de chauffage. Cependant les politiques à mettre en œuvre pour traiter cette

dimension distributive sont contraintes: non seulement un « tarif social », sous forme de

réduction des prix des produits concernés est à proscrire, car allant à l’encontre des principes

de la politique de 1er

rang qui prescrit d’éviter de distordre le système de prix, et de traiter les

questions redistributives par des transferts aussi forfaitaires que possible. Mais ce

subventionnement risque in fine d’être sans impact par rapport à l’effet distributif recherché.

Proposition 1. Un subventionnement uniforme des ressources naturelles est intégralement

capté par leurs producteurs.

En effet, imaginons que, par souci de préserver l’accès à une ressource jugée essentielle, la

puissance publique subventionne avec un taux uniforme la demande pour la ressource

naturelle (supposée par ailleurs faire l’objet de droits de propriété établis). Le prix à la

production de celle-ci suivra encore la règle de Hotelling, et il en ira donc de même pour le

prix relatif des deux facteurs de production du bien Ĕ. Le plafond de ressources étant

inchangé (S0), la trajectoire de ce prix relatif (cf. formule (6) ci-dessus) ne sera donc pas

affectée, ni donc celle du prix « à la consommation » de la ressource, puisque le coût d’usage

du capital vert est fixé (a). En d’autres termes, seule la structure de ce prix aura été modifiée,

ce qui signifie donc que la subvention publique aura été intégralement accaparée par les

producteurs de la ressource naturelle.

I . 3 Typologie des scénarios de réallocation du capital

Dans le cadre étudié, la politique publique première -et suffisante- consiste à établir la « vérité

des prix » : il faut s’assurer que la trajectoire de prix de la ressource naturelle suit la règle de

Hotelling, pour diminuer progressivement l’usage de cette ressource; et il faut que son niveau

initial soit compatible avec sa disponibilité globale. L’impact du signal-prix correspondant

passe en fait par deux canaux. D’une part, il affecte directement la demande des services

produits à partir de cette ressource. D’autre part, l’anticipation de l’accroissement du prix de

la ressource rentabilise les investissements en capital « vert » permettant de l’économiser, au

niveau de leur production.

Plus les possibilités de substitution des ressources naturelles, soit au niveau de la demande,

soit à celui de la fonction de production de ces services, sont élevés, plus facile sera donc la

transition écologique. Mais, de plus, selon les caractéristiques des fonctions u et E, les poids

respectifs de ces deux mécanismes seront variables, et par là les enjeux macroéconomiques de

réallocation du capital à considérer.

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Pour le montrer, on peut tout d’abord remarquer qu’une réduction de S0 conduit

nécessairement à un relèvement de la trajectoire du prix de la ressource.

Proposition 2.

En effet, on a D’≤0 et f’≤0 en tout point. Si l’on différencie la formule (6), il vient donc :

Cette statique comparative exprime que, suite à une hausse du prix de la ressource, la

demande pour celle-ci subit deux impacts allant dans le même sens : la substitution des

facteurs dans la production des services utilisant la ressource comme facteur de production; et

la réduction de la demande pour ces services, suite à la hausse de leur prix, compte tenu de la

répercussion dans ce dernier de la hausse de celui de la ressource.

Ces deux effets jouent en revanche de manière contradictoire sur le niveau de capital vert mis

en oeuvre. La trajectoire de celui-ci suit en effet :

Si l’on note , l’élasticité - prix de la demande (D), et l’élasticité de substitution de la

fonction de production E(V,F) au point considéré, on a donc, compte-tenu des propriétés des

fonctions de demande de facteurs de production :

Proposition 3. Si on considère des fonctions de demande et de production à élasticités

constantes, une raréfaction de la ressource ( Δ S0 < 0 ) appelle un accroissement (resp. une

diminution) du besoin en capital vert (V) à tout instant, et donc notamment, en t=0, si

l’élasticité de la demande est inférieure (resp. supérieure) à celle de l’élasticité de

substitution dans la production des services énergétiques et écologiques.

En effet, l’anticipation que la ressource disponible est réduite conduit à un relèvement de sa

trajectoire de prix, et donc aussi du prix des services qu’elle permet de produire. Si l’élasticité

de la demande est forte, l’ajustement se fait essentiellement au niveau de la demande, c’est-à-

dire des « économies d’énergie » (par exemple), et c’est par ce canal que « joue la « vérité »

des prix de la ressource. Dans cette configuration, il n’y a pas besoin de capital vert

supplémentaire, et donc pas de contrainte macro-économique particulière pour gérer la

transition écologique.

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En revanche, si ces services sont des biens essentiels, inélastiques, l’ajustement doit se faire

au niveau du mode de production de ces services. Il passe alors essentiellement par un

accroissement de capital vert, le rôle du signal- prix dans ce cas étant de rendre rémunérateurs

les investissements économisant la ressource naturelle, ce qui implique qu’il soit inscrit dans

la durée pour être prévisible.

Dans ce cas, la trajectoire optimale pour le capital vert marquera un saut à l’instant t=0, c’est-

à-dire au moment où l’on prend conscience de la rareté plus aiguë des ressources naturelles.

En effet, il y a alors à prendre la mesure que cette rareté, qui n’avait pas été anticipée

antérieurement, signifie aussi que les structures productives héritées du passé sont devenues

inadaptées. Il serait donc souhaitable de les corriger immédiatement, en opérant une

réallocation instantanée du capital productif vers le capital « vert » (sous réserve évidemment

d’éventuelles contraintes à prendre en compte sur cet ajustement et la mobilité du capital, cf.

infra).

Dans ces conditions, l’observation, rappelée en introduction, qu’il y aurait un gisement

potentiel de mesures « sans regret » ne doit pas forcément surprendre.

Par exemple, une part importante du parc de bâtiment a été réalisée dans un contexte

d’énergie supposée indéfiniment peu chère. La simple réévaluation de la prospective des prix

de l’énergie justifie ainsi la réalisation immédiate de certaines opérations d’isolation ou de

changements de sources d’énergie sur ce parc. En résumé, les marchés n’ayant aucune raison

d’avoir anticipé le risque climatique avant que les scientifiques ne l’aient documenté, il n’y a

pas lieu d’être surpris d’avoir à corriger la trajectoire d’accumulation du capital vert au

moment où l’on en prend conscience.

En pratique, s’il est vrai qu’il existe des gisements d’économies d’énergie comportementales,

mobilisables immédiatement, celles-ci sont bien insuffisantes pour réaliser des scénarios de

type « facteur 4 » en matière de gaz à effet de serre : la réduction des émissions de ces gaz par

les transports, les villes, et le secteur électrique nécessite en effet des investissements lourds.

Le scénario ( ), dans lequel il faudrait pouvoir immédiatement réallouer du capital, pour

disposer de plus de capital « vert », et assurer ensuite l’accumulation de ce dernier, semble

donc la configuration la plus réaliste. C’est donc ce scénario que l’on approfondit plus avant

dans ce qui suit.

Avant cela, ce tableau illustre cependant la proposition 3 dans quelques autres cas polaires.

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ση Facteurs

complémentairesFonction de

Cobb-Douglas

Facteurs parfaitementsubstituables

Demandeinélastique

Pas de solutionsoutenable

Accroissementcf. Partie II

ModèleBackstop V0 = 0

Elasticitéunitaire u=Log

Diminution V inchangé idem

Impact sur V d’une diminution du stock de ressource S0

II. Besoins d’épargne et transition écologique

On considère le cas où la demande de services utilisant de la ressource naturelle est

totalement inélastique. L’ajustement pour que les prélèvements sur la ressource demeurent

compatibles avec sa disponibilité globale ne peuvent donc se faire qu’en accumulant du

capital vert s’y substituant. Tout d’abord on caractérise complètement la solution du modèle

(dans un cas particulier), ce qui permet de visualiser les trajectoires optimales pour

l’accumulation du capital, et le taux d’épargne suite à un choc sur l’évaluation du stock de

ressource. On précise aussi les règles d’évaluation de la politique macroéconomique dans ce

cas. Puis on introduit une contrainte sur la mobilité du capital, entre capital-à-tout faire et

capital « vert ».

II.1. Trajectoires optimales

De manière plus précise, on considère que la fonction d’utilité correspond à un indice relatif

d’aversion pour le risque unitaire ( U(C)=Log(C) )2, et que la fonction de production des

services utilisant comme input la ressource naturelle et le capital vert est une fonction de

Cobb-Douglas (σ=1), que l’on note, sous réserve de normalisation appropriée:

2 Cette hypothèse ne vise qu’à la simplicité de l’exposé. L’extension du modèle à des fonctions d’utilité dont

l’élasticité (γ) de l’utilité marginale du revenu est constante est immédiate : la principale modification des

résultats concerne la dynamique de la consommation et du capital associé, valant alors (a-ρ)/γ.

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En d’autres termes, remplacer 1 % d’input naturel F nécessite de disposer de % de

capital vert supplémentaire: si est élevé, le prélèvement à opérer sur le capital courant est

faible ; et élevé, si est faible.

Le programme à résoudre devient :

Avec les mêmes notations que précédemment, on a :

et :

En d’autres termes, une réduction de 1 % du stock de ressource disponible, anticipé en t=0,

nécessite un accroissement de (1/β) % du capital vert. Au-delà, le capital vert s’accumule au

taux a/(β+1) par unité de temps.

Le niveau de stock de ressource disponible affecte proportionnellement la trajectoire des

prélèvements sur la ressource, puisque l’on a :

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On a par ailleurs, pour tout t:

En d’autres termes, la consommation de bien courant suit une trajectoire de croissance auto-

entretenue, à un taux constant (a-ρ) , qui dépend de la préférence pour le présent de la société,

et, sous réserve que le stock initial de capital ne soit pas trop faible la

trajectoire optimale pour l’accumulation du capital, est la somme de deux exponentielles :

La première reflète le processus d’accumulation du capital vert pour réaliser la transition

écologique, au taux a/(β+1) et avec un poids initial d’autant plus fort que le stock de

ressource naturel est limité ; la seconde, celui de capital productif, pour soutenir la croissance

économique, à un taux (a-ρ) d’autant plus élevé que le taux de préférence pour le présent est

faible. La consommation en t=0 vaut par ailleurs :

Elle est naturellement réduite quand le besoin de capital vert s’accroit. Finalement, la valeur

de la fonction objectif vaut :

Elle vérifie évidemment, pour ce qui concerne les valeurs sociales des deux actifs:

et

Les trajectoires pour la consommation de bien courant C , le prélèvement sur les ressources

naturelles F , et l’accumulation de capital vert V sont donc à taux de croissance constants,

indépendants des niveaux de stocks et actifs initiaux, respectivement : a-ρ,

, a/(β+1).

Si l’on imagine qu’à l’instant t=0 , la société prend conscience que le stock de ressources

disponibles est réduit d’un taux

, les trajectoires des

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différentes variables sont donc simplement déterminées par les sauts que cela implique pour

celles-ci à l’instant initial :

Les schémas suivants illustrent cette statique comparative, en distinguant selon le

positionnement relatif du taux de croissance du capital vert par rapport à celui du capital

commun et de la consommation de bien courant.

Cas 1.Productivité marginale du capital vert élevée, transition relativement facile

Trajectoires Cas 1 (β>ρ/(a-ρ))

Log (Xt / X0-)

t

1

C

V

F-Δ

Δ/β

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Cas 2. Productivité marginale du capital vert faible, transition relativement difficile

Trajectoires Cas 2 (β<ρ/(a-ρ))

Log (Xt / X0-)

t

1

C

V

F-Δ

Δ/β

Par ailleurs, le taux d’épargne courant vaut:

Avec en particulier :

Ce taux d’épargne en t=0 est une fonction croissante de . Un choc défavorable sur

implique donc, non seulement une réallocation immédiate de capital pour disposer d’un stock

suffisant de capital vert, mais, ensuite un effort d’investissement accru, pour continuer la

transition écologique.

Par ailleurs, la trajectoire ultérieure de ce taux d’épargne dépend de la position relative du

taux de croissance du capital vert a/(β+1) par rapport à celui de la consommation (a-ρ) : si

la productivité du capital vert est élevée, il tend vers le taux ( ) du modèle croissance sans actif naturel. Si elle est faible, les besoins d’investissements en

capital vert, pour se passer progressivement de la ressource naturelle, finissent par absorber

l’essentiel de la production (en termes de part relative). En effet, dans la formule donnant la

trajectoire d’accumulation du capital, c’est alors la première exponentielle, liée à

l’accumulation du capital vert, qui croit le plus vite. Pour autant, la consommation s’accroît

tout de même à taux constant, si bien que ce scénario reste « soutenable », la capacité de

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l’économie à réaliser une croissance auto-entretenue, combinée à la substituabilité suffisante

des prélèvements par du capital vert, permettant de concevoir des scénarios soutenables.

La figure suivante, qui considère des cas très typés ( ) suggère cependant que cette dynamique du taux d’épargne est lente. Mais elle

contraste bien l’évolution de ce taux en fonction du temps, selon que :

- la préférence pour le présent est faible. Alors le taux d’épargne initial est élevé, et le

taux de croissance du capital courant supérieur à celui du capital vert. Le taux d’épargne

décroît donc, et il tend vers la valeur du modèle AK standard,

- la préférence pour le présent est élevée. Le taux d’épargne initial est faible mais il

doit être augmenté progressivement pour assurer la constitution de capital vert nécessaire pour

se passer de la ressource épuisable,

- le cas limite correspond à la situation où les deux composantes du capital croissent

au même taux.

Proposition 4. Le taux d’épargne tend asymptotiquement vers 1-(ρ/a) si , et 1

si l’inégalité est inverse et stricte (il est constant et égal à si il y a égalité). Dans tous les

cas, ce taux d’épargne doit être accru, notamment en t=0 , lorsque le stock disponible de

ressource naturelle est réévalué à la baisse.

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II.2. L’évaluation des politiques

L’épargne qui a été calculée ci-dessus fournit une première indication de l’arbitrage à réaliser

au profit des « générations futures », au niveau du bien courant. Mais, elle ne rend compte que

de manière incomplète de leurs possibilités de consommations futures, qui dépendent à la fois

du capital qui leur sera transmis, mais aussi du stock de ressource naturelle S qui leur est

légué à un instant donné. Si l’on suppose que ceux-ci les utiliseront au mieux, le bien-être

ultérieur, actualisé à cet instant t, qu’ils peuvent en escompter, est mesuré par

W*(K,S), et c’est donc par rapport aux variations de cette grandeur que peut être appréciée

l’épargne (ou l’investissement) « véritable » de l’économie.

Ainsi, si l’on imagine que, pendant un court instant (entre 0 et t, t ), l’économie dévie de sa

trajectoire, déterminant un écart de consommation courante, et de prélèvement sur la

ressource épuisable, les actifs légués en t seront modifiés de .

Exprimée en prenant comme numéraire la consommation, et actualisée en t=0, la variation

d’épargne véritable induite vaudra donc (cf. Pearce et Atkinson,1993) :

Proposition 5. L’évaluation de l’investissement « véritable » de l’économie doit intégrer (en

net) la valeur sociale de la dégradation des actifs naturels. Dans cette économie, supposée

optimisée, la valorisation correspondante doit être effectuée en considérant le prix régulé .

La comptabilité nationale doit en effet considérer l’écofiscalité comme des « prix », reflétant

la valeur sociale des biens. De plus, le PIB à considérer est un PIB « vert », duquel sont

déduites les consommations de ressources naturelles monétarisées, et les deux approches, de

l’épargne véritable et du PIB vert, doivent être vues comme les deux faces d’une même pièce,

puisque:

Dans ce contexte, l’évaluation des projets publics considérerait sans hésitation un taux

d’actualisation a, et un prix de la ressource . Ce système de prix doit donc être utilisé

pour évaluer les projets publics, mais aussi, par la « comptabilité nationale », pour qualifier,

en termes de bien-être, la soutenabilité d’une trajectoire macroéconomique. Dans le cas de

cette économie, ce résultat reflète directement les conditions d’optimalité, et les prix

correspondants sont les prix réels, supposés établis grâce à l’écofiscalité, par exemple. Mais

Arrow, Dasgupta et Mäler (2003) ont montré que ce principe de cohérence entre les

évaluations micro- et macroéconomiques valait aussi pour des économies imparfaites.

A titre d’illustration de leur résultat, on peut considérer le cas où les Autorités publiques

prendraient conscience de contraintes de soutenabilité accrues t=0, mais ne seraient pas

capables d’infléchir leur politique avant t=τ, le délai τ reflétant, par exemple les contraintes

d’économie politique pour relever l’écofiscalité à son niveau optimal. Si l’on fait l’hypothèse,

par exemple, qu’entre 0 et τ , l’économie suit son cours, les comportements de consommation

et d’épargne restant inchangés, on aura :

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avec correspondant aux trajectoires optimales définies au II.1, quand on dispose

de en t= 0 (ie. les trajectoires qui se poursuivent entre 0 et τ). Notons par ailleurs δ

le coefficient d’actualisation entre 0 et τ sur cette trajectoire un temps imparfaite, c’est-à-

dire :

Un prélèvement supplémentaire d’une unité de ressource naturelle en t=0 représente alors

une désepargne véritable égale à

Ainsi, le prix à considérer pour comptabiliser un tel prélèvement n’est pas le prix courant de

la ressource, qui n’a pas encore intégré le renforcement de la contrainte sur la ressource

détecté à ce moment, mais le prix (actualisé en t=0) qui sera mis en place en t=τ,

et reflètera l’état alors dégradé de la ressource. C’est bien ainsi que l’on procède pour le calcul

économique quand on considère une valeur « tutélaire » du carbone dans l’évaluation des

projets publics. Mais c’est donc ce même prix qui devrait servir pour évaluer l’épargne

véritable au niveau macroéconomique des « comptes nationaux ».

II.3. Contraintes sur la réallocation du capital

Dans tout ce qui précède, on a supposé possible une réallocation immédiate de capital, du

capital courant vers du capital vert, au moment où l’on constate que l’état des ressources

naturelles est plus contraignant que ce que l’on imaginait. De cette manière, on a pu apprécier

simplement les besoins en capital vert que requiert la transition écologique.

Cependant, il faut reconsidérer cette hypothèse de mobilité parfaite entre les deux formes de

capital. En effet de manière réaliste, ce capital vert ne pourra se constituer que

progressivement, au travers de nouvelles générations d’équipements. Dans ces conditions,

l’effort d’investissement qui sera nécessaire pour réaliser la transition écologique sera

fortement accru par rapport à ce qui a été envisagé jusqu’à présent, où la restructuration de

capital initial ne nécessitait pas d’investissement supplémentaire. Pour illustrer cette idée, on

ajoute au programme d’optimisation étudié au II.1. une contrainte formalisant une capacité de

production limitée pour les investissements verts En effet, ceci permet de mieux cerner les

conséquences de telles contraintes que des coûts d’ajustement ad hoc, se contentant de

formaliser un processus de rattrapage de la trajectoire optimale, et masquant que ces

contraintes d’ajustement, non seulement renforcent les besoins d’investissement, mais

peuvent aussi empècher la réalisation de tout scénario soutenable. On pose donc:

Dans cette formule, n représente donc le coefficient de rattrapage maximal que l’on peut

envisager sur le capital vert, par rapport à son taux de croissance « normal » a/(β+1) , vu ci-

dessus, qui s’appliquera à nouveau une fois que son niveau adéquat aura été retrouvé, à un

instant que l’on notera T. Par ailleurs, on suppose qu’à l’instant initial le stock de capital vert

( ) est inférieur à celui

qui serait souhaitable pour réaliser les

scénarios optimaux décrits ci-dessus. On caractérise l’écart correspondant par référence à

l’excès (θ) de prélèvement de ressource qui sera nécessaire en t=0 , soit :

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La trajectoire optimale sous cette contrainte supplémentaire est toujours caractérisée par un

taux d’actualisation a, la valeur sociale du bien courant valant , et la

consommation croissant au taux a-ρ sur l’ensemble de celle-ci, avec .

Par contre, entre 0 et T, la croissance de est limitée par la contrainte supplémentaire sur le

rythme d’accumulation possible du capital vert, qui détermine par ailleurs les flux de

consommation de ressource naturelle pendant cette période (

) , et par là l’évolution du

stock résiduel de ressource (S). Ce régime prend fin quand

. On

a alors :

Proposition 6. Cette économie n’est soutenable que si n>θ. En effet, dans le cas contraire, la

nécessité de satisfaire des besoins essentiels incompressibles en services écologiques ou

énergétiques, combinée avec l’insuffisance permanente de capital vert, conduit à l’épuisement

de la ressource, et donc l’impossibilité de satisfaire ces besoins au-delà.

Entre 0 et T, le processus d’accumulation du capital vérifie :

et, pour assurer la continuité de en T :

Si n≠β, on aura, entre 0 et T:

avec :

Ceci résume en fait deux configurations assez différentes, sur le plan économique :

- si n>β, l’accumulation de capital vert peut se faire à un rythme élevé, supérieur à

celui (a) d’accumulation maximal du capital global dans cette économie. Mais la trajectoire

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optimale de rattrapage est donc aussi contrainte par là. Elle consiste donc à engager un

processus d’accumulation du capital global aussi rapide que possible, pour rétablir vite le

niveau de capital vert qui serait souhaitable.

- si n<β, le rythme d’accumulation du capital vert est très contraint, et ne justifie pas

de chercher à accumuler trop vite le capital global, ce qui irait à l’encontre des arbitrages

intertemporels sur le profil de consommation. La logique est alors plutôt « additive », le

processus de rattrapage sur le capital vert venant seulement s’ajouter à l’accumulation

« normale » du capital ( taux a-ρ).

Dans tous les cas, ce processus de rattrapage se traduit (cf. formule (21)) par un renforcement

de l’investissement en t=0, l’accumulation accrue de capital vert en début de période se

substituant à l’impossibilité de transférer immédiatement du capital courant en capital vert à

l’instant initial. Ce résultat vaut aussi dans le cas le frontière, où le taux maximal

d’accumulation du capital vert vaudrait juste a (dans ce cas la « première exponentielle »

dans la formule (20) est remplacée par une fonction de type ).

La figure suivante décrit l’évolution du taux d’épargne en fonction du temps, pour différentes

valeurs de n (1,5 ; 2,5 ; 3,5 ; 4,5) lorsque l’on part d’une situation d’insuffisance de capital

vert ( avec a=6% , ρ=4,5% , θ=0,6 et β=3 , ce qui correspond donc au cas-limite où les taux

de croissance tendanciels des deux types de capital sont égaux).

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On vérifie donc que ces trajectoires sont continues en t=T puisque les trajectoires de la

consommation courante et de la production le sont. Par ailleurs, le taux d’épargne final se

trouve accru si la contrainte sur l’ajustement du capital vert est forte, car il y alors un

prélèvement excessif sur la ressource épuisable pendant une plus longue période. Avec ce jeu

de paramètres, il apparait aussi que l’impact sur le taux d’épargne initial dépend

essentiellement de θ et non de n, qui affecte en revanche la durée du rattrapage.

Conclusion

Derrière la notion de croissance soutenable, il y a la prise de conscience que la croissance

économique utilise actuellement des services notamment les énergies émettrices de gaz à effet

de serre, dont la production dégrade les actifs naturels que leur épuisement ou détérioration

très rapide la menace à terme. Pour rétablir sa soutenabilité, il faut agir sur la demande de ces

services, ou trouver des modes de production plus économes de ces ressources. La

composition optimale de ces deux types d’actions dépend de la comparaison des élasticités

relatives à la demande pour ces services d’une part, et à substituabilité entre capital vert et

ressources naturelles, d’autre part.

Si, comme le suggèrent beaucoup d’études sectorielles, le gisement correspondant au premier

type d’action est limité, une réallocation importante du capital, vers le capital vert, est

nécessaire, qui requiert une politique macroéconomique appropriée dégageant une épargne

suffisante et orientée vers ce type d’investissement. Certes, leur déploiement sera progressif et

doit se faire « par ordre de mérite ». Mais il y a aussi à réaliser une correction immédiate des

structures de production, qui réclame un effort d’investissement « prioritaire ».

Dans tous les cas, la croissance verte nécessite en premier lieu d’instaurer le signal-prix

approprié. C’est le rôle des politiques environnementales. Mais il faut aussi en maitriser les

enjeux redistributifs et assurer le financement dans de bonnes conditions de l’investissement

vert.

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