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211 LIBRAIRIE RELIGION ET LAÏCITÉ L ALOUETTE Jacqueline , La Séparation des Églises et de l’État. Genèse et développe- ment d’une idée, 1789-1905 , Paris, Le Seuil, « L’univers historique », 2005, 453 p., 25 . Les commémorations ont de nos jours tendance à occuper, dans les plans « mar- keting » des maisons d’édition, la place des boulevards haussmanniens dans les centres villes de province. Faute de pouvoir élargir les venelles où doit s’écouler une circula- tion historiographique toujours accrue, on ouvre grand l’espace où celle-ci est le plus attendue. Aussi l’encombrement menace, et ce n’est pas l’excès de vitesse qui permet de l’éviter. Disons-le donc d’emblée : le livre de Jacqueline Lalouette n’entre pas dans la catégorie de ceux des « opportu- nistes à talent », et il est promis à un meil- leur sort, bien au-delà de décembre 2005. Sa facture même illustre ce qu’a de plus bénéfique l’occasion commémorative : elle justifie de laisser, par exception, libre cours à l’érudition de l’auteur – ici particuliè- rement imposante et maîtrisée ; elle l’auto- rise à entrer dans les nuances qui seules peuvent rendre intelligibles les évolutions complexes d’où est sorti, après plus d’un siècle de réflexions et de débats, un texte tenu pour fondamental. Si nombre de républicains ont considéré avec Ferdinand Buisson que la loi de 1905 constituait « le dernier terme de la laïcisa- tion de l’État », la manière de caractériser cette rupture est en elle-même un objet d’histoire. Loi d’apaisement pour les uns, loi de combat pour d’autres : l’objet de Jac- queline Lalouette n’est pas le développe- ment de cette querelle d’interprétation depuis 1905 mais, à l’inverse, la démons- tration de ce qu’elle a été préparée, depuis la fin de la période révolutionnaire, par les contradictions persistantes entre ceux qui rejetaient le Concordat parce qu’il faisait la part trop belle au catholicisme, reconnu « religion de la grande majorité des ci- toyens français », ou parce qu’il ne pouvait convenir qu’à un État où, comme le disait Lamartine en 1845, « la même main tient le sceptre et l’encensoir », et ceux qui, comme le père Lacordaire, voulaient qu’il soit mis fin à la dépendance matérielle d’une Église transformée en instrument de règne. À la manière du livre célèbre – et heureusement réédité en 2004 par Ha- chette dans sa collection « Pluriel » – de Georges Weill, Histoire de l’idée laïque en France au XIX e siècle , dont il est le digne complément, celui de Jacqueline Lalouette a pour premier mérite d’éclairer, par son cheminement chronologique, un proces- sus qui met en jeu toute l’histoire politique de la France et aussi celle de sa place dans l’Europe des nationalités. Pour apprécier la clarté que seule per- met une connaissance des problématiques et des sources proche de l’exhaustivité, on recommande de… commencer par le com- mencement. Le chapitre où est analysé le passage « d’un concordat à l’autre » est exemplaire, en effet, à plusieurs titres : parce que les problèmes essentiels sont déjà présents, dans toute leur complexité, au cours de la période révolutionnaire et impé- riale, et aussi parce que la manière dont ils ont été posés et résolus reste très présente à l’esprit des parlementaires qui ont à se pro- noncer en 1905. Il pouvait être tentant de li- miter l’étude à la sphère du débat politique et philosophique. Mais Jacqueline Lalouette

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LIBRAIRIE

RELIGION ET LAÏCITÉ

L

ALOUETTE

Jacqueline

, La Séparation desÉglises et de l’État. Genèse et développe-ment d’une idée, 1789-1905

, Paris, LeSeuil, « L’univers historique », 2005, 453 p.,25

.

Les commémorations ont de nos jourstendance à occuper, dans les plans « mar-keting » des maisons d’édition, la place desboulevards haussmanniens dans les centresvilles de province. Faute de pouvoir élargirles venelles où doit s’écouler une circula-tion historiographique toujours accrue, onouvre grand l’espace où celle-ci est le plusattendue. Aussi l’encombrement menace,et ce n’est pas l’excès de vitesse qui permetde l’éviter. Disons-le donc d’emblée : lelivre de Jacqueline Lalouette n’entre pasdans la catégorie de ceux des « opportu-nistes à talent », et il est promis à un meil-leur sort, bien au-delà de décembre 2005.Sa facture même illustre ce qu’a de plusbénéfique l’occasion commémorative : ellejustifie de laisser, par exception, libre coursà l’érudition de l’auteur – ici particuliè-rement imposante et maîtrisée ; elle l’auto-rise à entrer dans les nuances qui seulespeuvent rendre intelligibles les évolutionscomplexes d’où est sorti, après plus d’unsiècle de réflexions et de débats, un textetenu pour fondamental.

Si nombre de républicains ont considéréavec Ferdinand Buisson que la loi de 1905constituait « le dernier terme de la laïcisa-tion de l’État », la manière de caractérisercette rupture est en elle-même un objetd’histoire. Loi d’apaisement pour les uns,loi de combat pour d’autres : l’objet de Jac-queline Lalouette n’est pas le développe-ment de cette querelle d’interprétationdepuis 1905 mais, à l’inverse, la démons-

tration de ce qu’elle a été préparée, depuisla fin de la période révolutionnaire, par lescontradictions persistantes entre ceux quirejetaient le Concordat parce qu’il faisait lapart trop belle au catholicisme, reconnu« religion de la grande majorité des ci-toyens français », ou parce qu’il ne pouvaitconvenir qu’à un État où, comme le disaitLamartine en 1845, « la même main tient lesceptre et l’encensoir », et ceux qui,comme le père Lacordaire, voulaient qu’ilsoit mis fin à la dépendance matérielled’une Église transformée en instrument derègne. À la manière du livre célèbre – etheureusement réédité en 2004 par Ha-chette dans sa collection « Pluriel » – deGeorges Weill,

Histoire de l’idée laïque enFrance au

XIX

e

siècle

, dont il est le dignecomplément, celui de Jacqueline Lalouettea pour premier mérite d’éclairer, par soncheminement chronologique, un proces-sus qui met en jeu toute l’histoire politiquede la France et aussi celle de sa place dansl’Europe des nationalités.

Pour apprécier la clarté que seule per-met une connaissance des problématiqueset des sources proche de l’exhaustivité, onrecommande de… commencer par le com-mencement. Le chapitre où est analysé lepassage « d’un concordat à l’autre » estexemplaire, en effet, à plusieurs titres :parce que les problèmes essentiels sont déjàprésents, dans toute leur complexité, aucours de la période révolutionnaire et impé-riale, et aussi parce que la manière dont ilsont été posés et résolus reste très présente àl’esprit des parlementaires qui ont à se pro-noncer en 1905. Il pouvait être tentant de li-miter l’étude à la sphère du débat politiqueet philosophique. Mais Jacqueline Lalouette

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n’a pas prêté moins d’attention aux ré-ponses que la justice a données aux conflitsdont elle fut saisie, à tous ses échelons, sousle régime concordataire. De même, les diffi-cultés particulières créées par la reconnais-sance et l’organisation des cultes minori-taires, protestant ou juif, sont toujours prisesen compte avec précision.

La conclusion ne se laisse pas intégreraisément au discours consensuel auquel lalogique commémorative a conféré unesorte de caractère officiel. Pour JacquelineLalouette, il ne faut pas être dupe des« grandes protestations de respect et detolérance » dont la majorité parlementairede 1905 a entouré le vote de la loi. La véri-table espérance de beaucoup de sesmembres était-elle de voir les Églises pro-fiter de leur liberté, ou la société se rappro-cher peu à peu de l’« humanité sans Dieuni roi » que Jules Ferry appelait de sesvœux ? Poser cette question suffit à ra-mener le lecteur à cette vérité première : lesens de la loi est à chercher d’abord dansle contexte idéologique où elle a pris nais-sance. Sans la radicalisation du conflitentre la République et l’Église catholique àpartir de l’affaire Dreyfus, rien, souligneJacqueline Lalouette, ne permet d’affirmerque la Séparation se fut imposée comme leterme fatal d’un processus de sécularisa-tion dans lequel, au demeurant, elle nemarque qu’une étape.

Jean-François Chanet

B

AUBÉROT

Jean,

Laïcité, 1905-2005, entrepassion et raison

, Paris, Le Seuil, « Lacouleur des idées », 2004, 286 p., 21

.

Jean Baubérot s’en explique dès les pre-mières pages de cet essai : il ne l’a pas écrità l’intention des seuls spécialistes, maispour susciter l’intérêt et, le cas échéant, ladiscussion de tous les « lecteurs-citoyens ».On ne peut que l’en remercier, car, chacunle sait, quand ils en ont le goût et en pren-nent le temps, il n’est pas de meilleurs vul-

garisateurs que les savants authentiques.Son titre rend compte de la loi démocra-tique qui veut que l’évolution d’unemorale personnelle et d’un principe d’har-monie politique et sociale qui ont la raisonpour source et pour but ne puisse avoirlieu, dans notre pays, que sous la forme duconflit ou à tout le moins du débat toujoursrenouvelé.

Pour définir la laïcité, il était commodeet juste de partir de l’article fondateur deFerdinand Buisson dans son

Dictionnairede pédagogie et d’instruction primaire

,propice à la démonstration de l’impossibi-lité de produire, sur les conditions et lesrègles de la vie sociale, un discours scien-tifique détaché du contexte idéologiquedans lequel il prend naissance. Jean Bau-bérot en retient quatre éléments, à partirdesquels se structure son argumentation :le refus de considérer la « question laïque »comme une « exception française » ; l’idéeque la laïcité républicaine est l’aboutisse-ment d’un processus de différenciation dessphères publique et privée et, à l’intérieurde la première, d’un processus de différen-ciation des institutions et des fonctions quia conduit à leur affranchissement de la tu-telle de l’Église ; la conviction qu’en la ma-tière un seuil décisif a été franchi en 1789 ;enfin, l’état encore flottant d’un vocabu-laire qui s’est précisé à mesure que s’affi-nait la distinction entre sécularisation etlaïcisation. Il y revient dans son dernierchapitre, défense et illustration d’« une so-ciologie historique de la laïcité ». Fidèle àDurkheim, il tient que chaque état histo-rique de la laïcité « réelle » porte en lui unelaïcité « idéale ».

Entre les deux, écrits dans une languequi ne cède aux exigences de la « commu-nication grand public » que ce qu’il fautpour rester accessible et imagé, douze cha-pitres qui ne laissent de côté aucun desgrands domaines – l’école, la médecine, lajustice – où s’est construite notre laïcité ré-publicaine, aucune des composantes dupolitique, de l’individu à l’État-nation, dontle devenir, au long des deux derniers

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siècles, a déterminé son évolution. Et aubout du chemin, une réflexion lucide surl’irréductible difficulté de penser la com-plexité de ce que met en jeu l’accord surun équilibre laïque, quand les agents deformation de l’opinion tendent à le réduireau dualisme simple des arguments mobili-sables par des camps toujours en lutte, les« deux France » d’hier, aujourd’hui l’une oul’autre des « familles spirituelles » de laFrance « plurielle ». Oui, décidément, le pariest gagné. Le lecteur qui espère trouver enmoins de trois cents pages une synthèsedes informations nécessaires à la mise enperspective des débats actuels, où il soittraité en acteur réfléchi et non en simpleconsommateur de prêt-à-penser, ne regret-tera pas son effort.

Jean-François Chanet

L

ANFREY

André,

Sécularisation, séparation etguerre scolaire. Les catholiques françaiset l’école (1901-1914)

, préface par lecardinal Jean Honoré, Paris, Le Cerf,« Histoire », 2003, 639 p., 33

.

Ce livre est la réédition de celui quel’auteur avait tiré en 1990, pour le mêmeéditeur, de sa thèse soutenue à Lyon troisans auparavant. Durant ces quinze années,l’historiographie de l’enseignement catho-lique et de l’épreuve qu’a été pour lui lapolitique du Bloc des gauches s’est nota-blement enrichie, sans atténuer la valeurdes apports de l’ouvrage. Il suit un planchronologique dont les charnières se pla-cent en 1904, l’année de la loi qui interditl’enseignement aux congrégations, et en1909, date de la publication de la lettrecollective des cardinaux, archevêques etévêques de France qui marque un tournantdans la stratégie de l’Église, le passage d’uneattitude traditionnelle de surveillance del’enseignement public à un véritable appelau boycott de l’« école sans Dieu ».

La première partie décrit la transitionbrutale entre l’« écroulement de l’école

congréganiste » et les « balbutiements del’école libre », de la mise en application dela loi du 1

er

juillet 1901, dont le titre III viseles congrégations, à celle de la loi du7 juillet 1904, qui conduit les évêques àmultiplier les recommandations en faveurde la sécularisation dans le but de sauverl’enseignement catholique – en quoi ils sefont,

volens nolens

, les alliés objectifs del’administration. L’étude d’André Lanfrey,qui n’a pas reculé devant les difficultés del’évaluation statistique, eu égard à la va-riété des statuts et des situations, est ac-compagnée d’une série de cartes montrantbien la place de cet enseignement dans laFrance du temps. Elle met en lumière la di-versité des formules de remplacement descongrégations, des propositions de la So-ciété générale d’éducation et d’enseigne-ment, conservatrice, favorable à une re-constitution sous l’autorité des évêques, àcelles d’un syndicalisme embryonnaire, enpassant par des projets d’inspiration dé-mocrate chrétienne qui veulent s’appuyersur les parents d’élèves. Chacune de sesforces a ses bastions locaux ou régionaux,tandis que l’épiscopat « bénit et conseilleprudemment plutôt qu’il ne dirige ».

Dans la période suivante s’opère, selonl’auteur, la transformation progressive del’école libre en école catholique. C’est letemps de l’expérimentation, des effortspour regrouper et faire converger les initia-tives dispersées. La lettre collective de1909, dont André Lanfrey montre bien cequ’elle doit à Pie X et à sa volonté de dra-matiser les enjeux, impose une attitudeoffensive à des fidèles qui ne sont pasunanimes à vouloir la « guerre scolaire ».L’inconvénient majeur de ce durcissementest d’exposer l’école libre, ainsi placée « enpremière ligne dans le camp de l’intransi-geance religieuse face à l’État ». Cette affir-mation de l’autorité de la hiérarchie fait dé-cidément des évêques,

volens nolens

ànouveau, les chefs de l’enseignement libre.La guerre livrée autour des manuels figeles positions militantes et perpétue l’oppo-sition entre les « deux France », avant que

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l’Union sacrée de 1914 ne vienne révéler sarelativité. À cette date, conclut l’auteur, l’en-seignement catholique a reconstitué, « selonun modèle de résistance et de mission », uncadre où cette même Union sacrée, après1918, permettra aux congrégations de re-prendre place. Il s’agit là d’un ouvrage deréférence dont la réédition doit être saluée.

Jean-François Chanet

L

ARKIN

Maurice,

L’Église et l’État en France.1905 : la crise de la Séparation

, préfacede Jean-Marie Mayeur, Toulouse, Privat,2004, 283 p., 26

.

La préface que Jean-Marie Mayeur adonnée à l’édition française du livre de sonami Maurice Larkin, disparu en février 2004,quelques mois avant sa parution, dit bienl’essentiel. Il s’agit d’un livre classique, dontla première édition anglaise, issue d’unethèse de Cambridge, remontait à trente ans.L’avantage, si l’on peut dire, du long retardavec lequel il a pu être traduit en français,est que l’auteur, qui avait entre-temps pour-suivi ses recherches, l’a enrichi des dé-couvertes et des confirmations que celles-cilui ont apporté. Disons-le tout net, la pre-mière qualité du livre est le style, et ce n’estpas, de la part de la traductrice, Suzanne LeFoll, un petit mérite que d’avoir su restituerl’humour de Maurice Larkin, qui réservetant de plaisirs aux lecteurs du récit d’af-frontements et de tractations où les passionset les calculs jouèrent le rôle qu’on sait.

Ce récit couvre la période qui va dupontificat de Léon XIII aux lendemains dela publication de l’encyclique

Gravissimoofficii

en août 1906. Un « post-scriptum »intitulé « Divorce et cohabitation » propose,en vingt pages, un résumé aussi alertequ’équitable de l’évolution, depuis lors,des attitudes face à la loi de Séparation etdu régime laïque qu’elle a créé. L’ouvrageest le fruit d’un travail de première mainqui n’a guère d’équivalent. On ne voit pasquelles archives utiles Maurice Larkin

aurait négligé de consulter, et il en est,parmi les plus précieuses, qu’il fut le pre-mier à voir. À sa connaissance des docu-ments s’est ajoutée celle de quelques-unsdes hommes qui ont fait l’histoire qu’il ra-conte, le futur cardinal Feltin ou Paul Gru-nebaum-Ballin, collaborateur d’AristideBriand. N’en déplaise aux théoriciens cha-grins, l’intelligibilité et la vie qu’il saitdonner à des questions complexes illus-trent la valeur démonstrative du récit,lorsque l’art de la narration, appuyé surune érudition consciente de ses atoutsautant que de ses limites, le conduit aussisûrement à l’essentiel.

Jean-Marie Mayeur met justement l’ac-cent sur les deux principaux apports deMaurice Larkin. On comprend mieux, en lelisant, pourquoi les républicains, Combeset sa majorité de 1902 y compris, étaient siréticents à l’idée d’appliquer le septièmepoint du programme de Belleville de Gam-betta. Ils n’avaient pas tardé à apprécierdans le Concordat et les Articles orga-niques un bon « instrument de règne »,comme aurait dit Taine. Du chapitre 5 auchapitre 7, on voit comment s’est étoffée,autour de ses trois têtes pensantes, Briand,Jaurès, Pressensé, la « minorité séparatiste »de 1902, jusqu’à devenir la majorité de1905. En ayant soin de donner à « la plusgrande réforme entreprise dans notre paysdepuis la Révolution » (Jaurès, dans la

Dé-pêche

du 30 avril 1905) une allure modé-rée, ils surent conquérir les voix décisivesdu centre gauche. D’autre part, MauriceLarkin se montre un analyste pénétrant dela conduite du Saint-Siège, dominée par lacrainte des conséquences d’une accepta-tion du compromis français, qui pourraitdès lors servir d’exemple ailleurs, enEurope comme en Amérique latine. C’estpourquoi il a fallu attendre 1924 pour que,devant les effets de l’Union sacrée et de lajurisprudence établie par le Conseil d’Étatet la Cour de cassation, un nouveau pape,Pie XI, se ralliât à la formule des associa-tions diocésaines. Redisons-le, c’est unmaître livre qui se trouve enfin rendu

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accessible au public français, l’un de ceuxdont la publication s’imposait avec le plusd’évidence en cette année du centenaire.

Jean-François Chanet

S

ORREL

Christian,

La République contre lescongrégations. Histoire d’une passionfrançaise, 1899-1904

, Paris, Le Cerf,« Histoire », 2003, 265 p., 23

.

En peu d’années, Christian Sorrel s’estaffirmé comme l’un de nos meilleursconnaisseurs du monde catholique fran-çais dans la période où il lui a fallu faireface à l’offensive laïcisatrice des républi-cains. Son livre prolonge et complète lesapports du colloque de 2001 dirigé par Jac-queline Lalouette et Jean-Pierre Machelon,

1901, les congrégations hors la loi ?

(Le-touzey et Ané, 2002). Il se veut une miseau point synthétique sur les principaux as-pects de ce règlement de compte entre les« deux France » qui s’affrontaient depuis leslendemains de la Révolution.

Il propose d’abord un tableau des forceset des faiblesses des congrégations aumoment de l’adoption de la loi de 1901.Pour que le vieux conflit n’ait trouvé undénouement – provisoire – que dans lespremières années du 20

e

siècle, il avaitfallu que le 19

e

eût été à la fois celui de lamontée en puissance de l’État laïque et del’anticléricalisme politique et celui del’essor des congrégations, dans le nouveaucadre institutionnel établi par le concordatde 1801 et à la faveur des libertés que leuravaient rendues ou laissées tous les ré-gimes, jusqu’à l’arrivée au pouvoir desrépublicains « opportunistes ». Parce quel’enseignement a été la première des acti-vités qui ont nourri cette expansion, etparce qu’il est devenu, à mesure que pro-gressait la démocratie, une préoccupationprioritaire de l’État, l’école a logiquementété le principal théâtre d’affrontement.Christian Sorrel ne néglige pas pour autantle rôle des congrégations dans l’assistance

ni l’élan missionnaire qui a contribué à laprésence française sur les cinq continents.Après vingt ans de tensions, l’opinion anti-cléricale, au tournant du siècle, s’est forti-fiée dans l’idée de la menace que repré-senteraient pour la République tant leseffectifs que les biens des congrégations.

Arrive donc le moment de « l’assaut ».Christian Sorrel n’hésite pas à qualifier de« loi d’exception » la loi du 1

er

juillet 1901,célébrée il y a peu, et non sans raisonscomme un instrument de consolidation dulien social républicain. Il rend compte de laconjoncture dans laquelle la loi a été dé-libérée puis appliquée, conjoncture mar-quée par le « sinistrisme » dont parlait AlbertThibaudet pour caractériser la vie politiquesous la Troisième République. La troisièmepartie aborde les « destins congréganistes »,caractérisés, en ce temps d’épreuves, par laprécarité des conditions de survie, les pres-sions exercées par le clergé séculier et lesnotables catholiques afin que frères etsœurs quittent la « serre chaude » pour le« grand air » (la formule est de l’abbé Le-mire), la quête de refuges plus ou moinslointains, et cependant la fidélité patrio-tique, à laquelle la Grande Guerre allaitdonner bientôt l’occasion de se manifesteret qui devait, par là même, fournir « les clésdu retour ». Des documents annexes, unebibliographie substantielle et un indexcomplètent ce livre dont l’objectif – offrirune synthèse à jour, d’information dense etsûre – est clairement atteint.

Jean-François Chanet

C

HANTIN

Jean-Pierre et M

OULINET

Daniel(dir.),

La Séparation de 1905. Leshommes et les lieux

, avant-propos deJean-Marie Mayeur, postface d’ÉmilePoulat, Paris, Éd. de l’Atelier, « Patri-moine », 2005, 271 p., 27

.

Ce volume réunit les actes du colloquetenu les 23 et 24 janvier 2004 à l’universitéJean-Moulin – Lyon-III, à l’invitation de

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l’Institut d’histoire du christianisme et duCentre André Latreille. Les réflexions limi-naires de Jean-Marie Mayeur sur l’histoirede la Séparation ne se limitent pas à unemise au point historiographique, en elle-même précieuse. Elles nous rappellent quesi l’historiographie est fonction du contextedans lequel elle est produite, l’histoired’une loi comme celle de 1905 doit com-mencer par distinguer entre les intentionsde ses premiers partisans, les résultats de latransaction qui a permis son adoption etles conditions de son application, ce quiimpose de « scruter la jurisprudence ». Lesréflexions d’Émile Poulat dans sa postfaceintitulée « De “l’esprit laïque” à notre “laï-cité publique” », animées du même désirde rompre avec l’image « largement my-thique » qui est aujourd’hui celle de la loide 1905, donnent envie de le suivre plusavant, dans le livre important qu’il a publiéen 2003 (

Notre laïcité publique. « La Franceest une République laïque »

, Berg Interna-tional).

La première partie, « La laïcisation deslieux », est formée de deux communica-tions sur les édifices du culte et sur les ci-metières. Dans la première, Jean-MichelLeniaud allie à la précision factuelle sur lasituation juridique des immeubles et desmeubles servant au culte la force sugges-tive de considérations sur la portée symbo-lique et culturelle de la création, en 1914,de la Caisse des monuments historiques, àla suite du mouvement pétitionnaire lancépar Maurice Barrès. Puis Régis Bertrandmontre qu’un autre transfert, celui du mo-nopole du service des pompes funèbresaux communes, par la loi du 28 décembre1904, s’il paraît achever un processus com-mencé avec la loi de 1881 sur les cime-tières, n’a nullement empêché la persis-tance et même parfois, en réaction contrel’anticléricalisme ambiant, l’accentuationd’une « christianisation de l’enclos à l’initia-tive privée ».

La deuxième partie propose un inven-taire des « réactions » à la Séparation. La va-riété des perspectives retenues par les

auteurs est riche d’enseignements sur lescontours mêmes de cet objet. Une ap-proche privilégiant l’histoire immédiatepermet à Christian Sorrel de mettre l’accentsur la « crise feutrée » que la loi provoqueentre l’épiscopat et le Saint-Siège, comme àDanielle Delmaire de montrer que les ré-dacteurs de deux hebdomadaires,

Archivesisraélites

et

L’Univers israélite

, quoiquereconnaissants envers la République,s’inquiètent des divisions entre juifs et dela perte du prestige attaché à une fonctionpublique pour les rabbins. Patrick Cabanels’attache, quant à lui, à replacer « la révoltedes Inventaires dans l’histoire longue » desviolences protestataires en milieu paysan.La diversité du monde catholique est aucentre de la communication de Jean-PierreChantin, qui dessine une « géographie descultuelles », comme de celle de BrunoDumons et Daniel Moulinet, « Les laïcscatholiques face à la Séparation ». De cettedernière, on retiendra particulièrement lasensibilité représentée par les ligues fé-minines qui s’étaient constituées à la suitedu vote de la loi sur les associations de1901. Les protestants ne sont pas oubliés :il revient à Patrick Harismendy de suggérerque les Églises réformées ont été, dans unecertaine mesure, « réinventées par l’État ».

Les organisateurs du colloque ont eu legrand mérite, non seulement de ne pas né-gliger, comme trop souvent, les problèmesposés par l’application de la loi aux colo-nies, mais d’en faire l’objet de la troisièmepartie, qui n’offre pas moins de cinq com-munications sur les Antilles (Philippe De-lisle), l’Algérie (Oissila Saaïdia), l’Afriqueéquatoriale française (Paul Coulon), Mada-gascar (Jean-François Zorn) et l’Indochine(Claude Lange). Denis Pelletier revient surce traitement de faveur dans sa conclusion,où l’on trouvera maint écho des réflexionsqui ont structuré le présent numéro. Sonintuition, qui prolonge celles d’AlphonseDupront, est qu’il faut chercher dans leprojet colonial républicain la promotiond’une « forme sécularisée du salut ». Elle estde nature à éclairer à la fois notre passé

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« impérial » et notre présent « pluriconfes-sionnel ». Les colonies apparaissent en effetcomme l’espace où les adversaires en mé-tropole pouvaient « se reconnaître interlo-cuteurs, tantôt solidaires dans la promotiond’un lien politique collectif, tantôt concur-rents dans la définition d’un universel ».On ne peut donc que recommander la lec-ture de cet ouvrage, spécialement à celleset ceux pour qui la coïncidence fait sensentre le déplacement de la curiosité deshistoriens de la laïcité « à la française » versl’outre-mer et leurs interrogations sur laplace de l’islam dans le dispositif nationalhérité de 1905.

Jean-François Chanet

W

ACHE

Brigitte (dir.),

Militants catholiquesde l’Ouest, De l’action religieuse auxnouveaux militantismes –

XIX

e

-

XX

e

siècle

,Rennes, Presses universitaires de Rennes,« Histoire », 2004, 250 p., 18

.

La publication des travaux du colloquedu Mans de janvier 2003 nous fournit unprécieux rapport d’étape des recherchessur l’engagement des catholiques duGrand Ouest de la fin du 19

e

siècle à la findu siècle dernier. Historiens, sociologues,politologues, géographes et témoins n’yvisent pas à l’exhaustivité et reconnaissentd’entrée de jeu combien leur démarchelaisse de zones d’ombre tant thématiquesque géographiques. Ainsi l’action catho-lique spécialisée y est-elle surreprésentéeet en son sein le militantisme rural avecquatre communications quand une seuleaborde l’Action catholique ouvrière ; dé-séquilibre que corrige cependant une ré-partition plus égale entre témoins jacisteset jocistes. Pour autant l’entreprise réussit àembrasser la diversité des engagements :militantisme de défense religieuse à lacharnière des deux derniers siècles, apos-tolat spécialisé, mouvements charismati-ques, mais aussi mobilisation en faveur de

l’école libre et militantisme traditionaliste,pour l’heure encore mal connus.

Toute une approche pluridisciplinairequi s’essaie à proposer des clefs d’interpré-tation et à mettre en évidence les rupturessans doute mais aussi des continuités in-soupçonnées. Comme le note René Ré-mond, qui conclut ces travaux, la relationétroite qu’entretient l’histoire religieuseavec l’histoire générale est sans cesse sou-lignée à travers l’émergence d’un militan-tisme féminin avant 1914 ou les mutationsde la mobilisation pour l’école libre dansles années 1950, sans oublier la féconditésociale, économique et politique de l’ac-tion catholique spécialisée dans la secondemoitié du 20

e

siècle. Par ailleurs, que cesoit à propos de la mobilisation desfemmes, de celle des jeunes dans le cadrede l’ACJF, du combat pour la défense del’école privée ou même de la mouvancetraditionaliste, la question des rapportsclercs-laïcs est clairement posée et l’enjeude pouvoir qu’elle illustre franchementidentifié comme un aspect de la moderni-sation qui atteint alors le catholicisme ycompris dans sa version traditionaliste.

Bien entendu, l’engagement de l’apos-tolat spécialisé se distingue de tout autretype de militantisme ici comme dans lereste de l’Église. Les différentes commu-nications consacrées à la JAC ou au MFRmettent bien en évidence les probléma-tiques spécifiques de cette militance : lesmodalités d’un engagement qui mêle, etjusqu’où, le temporel et le spirituel ; uneméthode, celle du « voir-juger-agir », quientend interroger la modernité mais quiconduit aussi le militant, d’inspiration in-transigeante, à se laisser façonner parcelle-ci ; à partir d’une même matrice, lemouvement jaciste et sa culture propre,des militants qui évoluent dans des direc-tions opposées, de la promotion de lamodernisation de type capitaliste à l’ex-trême gauche ; enfin la nature revivalisted’une militance qui explique aussi sonsuccès.

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Richesse et diversité de l’inventaire, clefsd’interprétation et pistes de recherche,autant de qualités qui font de cette étuderégionale un incontournable instrument detravail sur un sujet qui appelle d’autres tra-vaux.

Alain-René Michel

C

HANTIN

Jean-Pierre,

Des « sectes » dansla France contemporaine, 1905-2000.Contestations ou innovations religieuses ?

,Toulouse, Privat, « Hommes et commu-nautés », 2004, 158 p., 23

.

Par le directeur du précieux dictionnairedes

Marges du christianisme : « sectes », dis-sidences, ésotérismes

(Beauchesne, 2001),voilà une brève mise au point historique,volontairement limitée aux « seules expé-riences hexagonales », qui offre l’avantagede mettre en perspective les controversesactuelles sur les sectes. L’auteur remontejusqu’à la loi de séparation des Églises etde l’État, et même au-delà puisque le pre-mier chapitre évoque l’héritage du 19

e

siècle.Quatre temps sont ensuite distingués.

L’après 1905 marque les derniers feux dugallicanisme, à travers les expériences decultuelles schismatiques, « queue de co-mète » des résistances à la romanisation ducatholicisme du siècle précédent. L’après1945 se caractérise par le développementde courants apocalyptiques tels que lesAmis de l’homme rassemblés par BernardSayerce, les disciples de Georges Roux – le« Christ de Montfavet » –, ou les zélateursdes apparitions mariales condamnées parl’Église (Kérizinen, Espis). Au début desannées 1960, le désarroi créé chez certainsfidèles par le concile favorise l’essor d’unmouvement traditionaliste qui donne unenouvelle dimension à l’intégrisme anté-rieur. Mais le rassemblement qui sembles’opérer un temps autour de Mgr Lefebvrene dure guère, parce que les contestatairesde Vatican II s’inscrivent dans deux lo-giques différentes : l’une se fonde sur la

nostalgie du passé et réclame le retour à latradition ; l’autre se nourrit de l’inquiétudede l’avenir et préfère le recours au surna-turel. Le quatrième et dernier temps – de-puis la fin des années 1970 – est celui des« religions modernes », qui cultivent aussibien les emprunts aux spiritualités orien-tales que les extrapolations parascientifi-ques, mais qui sont souvent importées dumonde anglo-saxon. L’espace français enoffre cependant trois exemples : MichelPotay et les pèlerins d’Arès, Gilbert Bour-din et le Mandarom de Castellane, ClaudeVorilhon et les raëliens. Un dernier cha-pitre fait le point sur les débats récents sus-cités en France par la « dangerosité » sup-posée des sectes : mobilisation des famillesde « victimes », enquêtes parlementaires etmissions interministérielles, réactions deschercheurs en sciences religieuses.

L’intérêt d’une telle approche historiqueest double. Elle met en évidence la discon-tinuité, suggérée par le sous-titre, entre cequi n’a longtemps été que contestation desÉglises établies et ce qui relève aujourd’huide l’innovation religieuse : il s’ensuit,comme l’avait déjà noté Danièle Hervieu-Léger (

La Religion en miettes ou la questiondes sectes

, Calmann-Lévy, 2001), que lesconcepts élaborés naguère par Troeltschou Weber ne sont plus totalement opéra-toires pour penser le religieux contempo-rain. Elle montre cependant une certainecontinuité, en ce sens que dans les margesapparemment insignifiantes du catholi-cisme français du premier 20

e

siècle semanifestait déjà la tendance à l’individuali-sation des croyances qui triomphe aujour-d’hui. Resterait à creuser ce que l’auteurne peut qu’évoquer ici ou là de manièreallusive : les tendances « sectaires » à l’in-térieur des Églises établies, point aveugledu discours officiel, doublement embar-rassé par sa focalisation sur la dangerositédu phénomène et son souci de ménagerdes interlocuteurs privilégiés par la loi de1905.

Yvon Tranvouez

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K

AUFMAN

Suzanne K.,

Consuming Visions.Mass Culture and the Lourdes Shrine

,Ithaca London, Cornell University Press,2005, 256 p., prix non communiqué.

Étudiant les relations entre le succès dupèlerinage de Lourdes, à la fin du 19

e

siècle,et l’émergence de la culture de masse, Su-zanne K. Kaufman ne se contente pasd’analyser la confrontation entre la religionet la modernité. Le pèlerinage de Lourdessert de prisme pour comprendre les formesde piété à la fin du 19

e

siècle et le discoursanticlérical, la place des femmes dans lavie religieuse mais aussi sur la scène pu-blique – dans le cas des « miraculées » – lesambiguïtés de la rivalité entre science etmédecine en un temps où domine encorel’impuissance thérapeutique, l’influence dela presse, catholique ou non, sur l’opinionpublique et l’instrumentalisation de cetteopinion.

L’auteur présente tout d’abord la genèsedu pèlerinage de Lourdes et explique com-ment, dès le départ, les promoteurs de cerassemblement, les Assomptionnistes, ontvoulu lui donner un caractère massif, sinonspectaculaire. Pour accueillir les nombreuxpèlerins, la ville subit de nombreuses trans-formations, comme en témoigne une ico-nographie diversifiée, tandis que se déve-loppe une industrie du souvenir pieux. Lepèlerinage est promu en utilisant les res-sources de la presse et de la publicité, maisl’image qui en est donnée est celle d’unemanifestation ancrée dans la traditioncatholique : c’est cette double image queSuzanne K. Kaufman qualifie de modernitéreligieuse.

Cette modernité s’appuie sur des pra-tiques commerciales qui suscitent les cri-

tiques des anticléricaux. Les libres pen-seurs s’en prennent au « marketing » dupèlerinage (Zola,

Lourdes

, 1894). Les catho-liques ont aussi exprimé des réserves surces formes de dévotion : il leur est difficiled’admettre que des techniques commer-ciales servent à encourager le culte. L’am-bivalence se manifeste aussi à travers les« guérisons miraculeuses ». Dans lesannées 1880, le nombre des malades pèle-rins s’est accru et les guérisons sont véri-fiées par le « Bureau des constatationsmédicales ». Ces miracles tendent à devenirl’intérêt premier du pèlerinage et l’auteursuggère que si le pèlerinage invente unenouvelle tradition religieuse, il permetaussi d’insérer les guérisons miraculeusesdans une forme d’orthodoxie. Le pèle-rinage des malades serait alors une formenouvelle du sacré, où la médecine gagne-rait en prestige par le rôle qu’elle joue dansla vérification des miracles. Enfin cesmiracles sont mis en scène dans des récitsmélodramatiques destinés à conquérir unvaste auditoire. Les miraculés, ou plutôt lesmiraculées, accèdent alors à la célébritégrâce à l’intervention divine.

Voici un ouvrage très stimulant, l’auteurayant réussi à croiser des approches et desproblématiques différentes, fortement in-fluencées par les questionnements des«

cultural studies

» : il s’agit tout à la foisd’une contribution à l’histoire religieuse dela France, d’un regard différent porté surl’émergence de la culture de masse ouencore d’une réflexion originale sur cer-tains rôles publics des femmes.

Sophie Chauveau

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