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Les Entretiens Viti-Vinicoles Rhône Méditerranée 2009 19 Résumé L’approche du marché des vins rosés n’est pas simple néanmoins, les inter- professions françaises, l’OIV et VINIFLHOR ont établi quelques don- nées de cadrage : les rosés consti- tuent 8 % de la production mondiale de vin et 9 % de la consommation. La consommation des vins rosés pro- gresse dans de nombreux pays avec des préférences pour des produits de style sucré. Summary The approach of the market of rosé wine is not simple however, French professional organizations, OIV and VINIFLHOR established some data to envision this market : rosé wine constitute 8 % of the worldwide pro- duction of wine and 9 % of the consumption. The consumption of rosé wine advances in a lot of coun- tries with a priority for products of sweet style. Mots clés : vins rosés, couleur, mar- ché mondial Keywords : rosé wine, colour, world- wide market Le marché des vins rosés en France, en Europe et dans le Monde Décrire un marché, c'est être capable de définir pour un produit le volume éla- boré et les débouchés. Le marché des vins rosés est particuliè- rement délicat à cerner du fait des méthodes d'élaborations variées et de l'absence de définition internationale qui nous privent de tous les outils de suivi classique. Néanmoins grâce aux interprofessions des régions françaises productrices de rosés et notamment le CIVP, grâce également à l'OIV et à Vini- flhor les statistiques qui suivent ont pu être établies. Production mondiale de vins rosés Une première estimation a été publiée pour 2002 entre 18 et 20 millions d'hl de vins rosés auraient été produits dans le Monde, soit entre 6,9 % et 7,6 % de la production mondiale de vin. La France s'inscrit alors comme premier producteur avec le quart des volumes devant l'Italie et l'Espagne chacun à 21 %. Pour 2006, une autre estimation a pu être construite à 21,5 millions d'hl soit 8 % de la production mondiale. Avec la France à 5,9 millions d'hl (29 %), l'Italie à 4,5 millions d'hl, l'Espagne et les USA produisant chacun 3,85 millions d'hl. Vins rosés, un marché en progression Le marché des vins rosés Françoise BRUGIÈRE, VINIFLHOR

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Les Entretiens Viti-Vinicoles Rhône Méditerranée 2009 19

RésuméL’approche du marché des vins rosésn’est pas simple néanmoins, les inter-professions françaises, l’OIV et VINIFLHOR ont établi quelques don-nées de cadrage : les rosés consti-tuent 8 % de la production mondialede vin et 9 % de la consommation.La consommation des vins rosés pro-gresse dans de nombreux pays avecdes préférences pour des produits destyle sucré.

SummaryThe approach of the market of roséwine is not simple however, Frenchprofessional organizations, OIV andVINIFLHOR established some data toenvision this market : rosé wineconstitute 8 % of the worldwide pro-duction of wine and 9 % of theconsumption. The consumption ofrosé wine advances in a lot of coun-tries with a priority for products ofsweet style.

Mots clés : vins rosés, couleur, mar-ché mondial

Keywords : rosé wine, colour, world-wide market

Le marché des vins rosésen France, en Europe et dans le MondeDécrire un marché, c'est être capable dedéfinir pour un produit le volume éla-boré et les débouchés.

Le marché des vins rosés est particuliè-rement délicat à cerner du fait desméthodes d'élaborations variées et del'absence de définition internationalequi nous privent de tous les outils desuivi classique. Néanmoins grâce auxinterprofessions des régions françaisesproductrices de rosés et notamment leCIVP, grâce également à l'OIV et à Vini-flhor les statistiques qui suivent ont puêtre établies.

Production mondiale de vins rosésUne première estimation a été publiéepour 2002 entre 18 et 20 millions d'hl

de vins rosés auraient été produits dansle Monde, soit entre 6,9 % et 7,6 % dela production mondiale de vin.

La France s'inscrit alors comme premierproducteur avec le quart des volumesdevant l'Italie et l'Espagne chacun à 21 %. Pour 2006, une autre estimation apu être construite à 21,5 millions d'hlsoit 8 % de la production mondiale.Avec la France à 5,9 millions d'hl (29 %),l'Italie à 4,5 millions d'hl, l'Espagne etles USA produisant chacun 3,85 millionsd'hl.

Vins rosés,un marché en progression

Le marché des vins rosésFrançoise BRUGIÈRE, VINIFLHOR

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20 Les Entretiens Viti-Vinicoles Rhône Méditerranée 2009

Les vins rosés constituent plus de la moi-tié de la production uruguayenne avec500 mhl. Ils sont importants dans lespays producteurs du Maghreb : 48 % devins tunisiens sont rosés comme 20 %de ceux d'Algérie ou du Maroc. Lesrosés représentent également près de20 % de la récolte américaine.

Production française En France, les sources utilisées sont lesagréments pour les AOC et les vins depays et les contrats d'achats vrac pourles vins de table sans indication géogra-phique. Ainsi, les 6,3 millions d'hl pro-duits se répartissent à 45 % en AOC, à45 % également en vins de pays et à 10 % en vins de table.

Consommation de vins rosésEn synthèse de diverses sources (OIV,panels de distributeurs,...) il a été éta-blit que la consommation de rosésreprésente environ 9 % de la consom-mation mondiale des vins. Certains payssur-consomment les vins rosés : la Fran-ce (14 % du marché mondial à laconsommation, 33 % des rosés) ; l'Es-pagne (6 % des vins, 12 % des rosés) ;les USA (11 % des vins, 16 % des rosés).

Les vins rosés françaissur leurs principauxmarchés à l’exportationLes rosés sont des vins adaptés à desmoments de consommation décontrac-tés et des occasions informelles qui sedéveloppent partout dans le monde.Les interprofessions des régions produc-trices (Inter Rhône, Inter Loire, CIV Pro-vence, CIV Languedoc) et VINIFLHORont souhaité savoir dans quelles condi-tions concurrentielles se positionnel’offre française de rosés et quelles sontles perspectives de développement.L’étude confiée à Benoît Bechet (AgrexConsulting) porte sur les trois princi-paux pays de destination des rosés fran-çais : le Royaume Uni, la Belgique et lesPays Bas, soit 70% des exportationsfrançaises de rosés.

Le marché britanniqueLa part des rosés progresse dans laconsommation britannique au détri-ment des blancs et des rouges et atteint7 % en 2006. Deux pics d’activités : l’étébien sûr et aussi la St-Valentin. Les roséssucrés dominent cependant la tendanceest au développement d’une demandesur le sec. Tous les pays fournisseurssont en croissance mais les Etats-Unisfournissent plus de la moitié des rosés.Parmi les vins français, les vins de pays

profitent le plus de la croissance endoublant leurs ventes en 4 ans. Lademande est, il est vrai, structurée parle nom des cépages qui constituent plusde 80 % de l’offre (mondiale) au Royau-me-Uni. Le prix moyen des vins rosés engrande distribution est de 3,94 £/bt.L’offre française se distribue de part etd’autre de ce prix moyen sachant qu’auRoyaume Uni les 2/3 des ventes de vinsrosés sont sous promotion et que là oùles promotions ne se pratiquent pas,c’est que les prix sont bas en permanen-ce. Aussi toute stratégie marketing doit-elle intégrer un programme lourd depromotions. 11 marques dont 7 améri-

caines concentrent la moitié du marché(20 % pour GALLO à elle seule). Lesmarques et exclusivités de distributeurscaptent plus d’un tiers des ventes ce quilaisse peu de place aux marques de pro-ducteurs.

Les opportunités sont réelles sur ce mar-ché difficile. Les distributeurs ont prévud’élargir leur référencement, de déve-lopper les rosés plus secs. Les chaînes depublicité soutiennent la croissance desrosés. Mais il faut pouvoir répondre à lasensibilité des distributeurs aux budgetsmarketing et des consommateurs auxpromotions. Une bannière “rosés de

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Les Entretiens Viti-Vinicoles Rhône Méditerranée 2009 21

France” aurait certainement un fortpotentiel.

Le marché néerlandaisAux Pays-Bas, les rosés font la croissancedu marché et constituent 13% desvolumes de vin consommés. Les moinsde 35 ans préfèrent le rosé au rouge, cequi pourrait entretenir cette croissance.La consommation est surtout estivalemais se développe au printemps. LaFrance est le premier pays fournisseur etrésiste bien aux Pays Tiers et à l’Es-pagne. La grande distribution dominela vente au détail avec 71 % desvolumes dont un tiers en hard discount.Le marché néerlandais des vins est unmarché de prix bas et les rosés ne fontpas exception avec la moitié des ventesà moins de 2,50 €/bouteille. L’Espagneet l’Afrique du Sud sont très compéti-tives ainsi qu’une partie de l’offre fran-çaise. Les vins de table et vins de paysdominent l’offre française mais les AOCprogressent passant en 4 ans de 30 à 40 % en particulier grâce à la Provence

et surtout à la Loire. Le marché étantdéjà assez bas en prix, l’activité promo-tionnelle est moins importante (40 %des volumes) et impacte surtout lesmarques internationales. Grâce à unepromotion collective récurrente, unemontée en gamme progressive, un tra-vail régulier sur le positionnement, l’An-jou est la seule “marque nationale”face aux marques de distributeurs etaux marques exclusives.

Le potentiel du marché néerlandais estsignificatif mais les volumes sont tiréspar les prix bas.

Le marché belgeLa consommation de rosés, traditionnel-lement plus développée sur le marchébelge, a progressé de plus de 10 % en2006 et représente désormais 13 % desvolumes. Les moins de 40 ans, lesménages aisés, les Wallons, surconsom-ment les rosés. La France reste le four-nisseur privilégié (61 % des volumes)mais voit ses parts de marché grigno-tées par l’Italie et l’Espagne. Les AOC,

en progression constituent en 2006 lamoitié des volumes de rosés français. LaFrance a un positionnement prix confor-me au marché. La moitié des ventes sefait entre 2 et 5 €/bouteille avec 30 %de vin en promotion. Les grandesmarques privées ont du mal à s’implan-ter face aux marques de distributeurs etaux marques exclusives, mais les nomsd’AOC sont vécus comme des marques.

Les rosés, dans leur diversité, devraientêtre un pôle de résistance à l’érosiongénérale de l’hégémonie des vins fran-çais sur le marché belge.

Le marché mondial des vins rosésdevrait suivre le développement glo-bal du marché des vins voir même ledynamiser. Grâce aux libertés qu’ilautorise tant dans la production, lepackaging que les modes de consom-mation, le vin rosé va poursuivre sacroissance. Peut-être finira-t-il parexister dans les statistiques…

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22 Les Entretiens Viti-Vinicoles Rhône Méditerranée 2009

Les rosés sont centrés sur le fruitLa connaissance et la maîtrise de l’arô-me du vin représente un enjeu considé-rable pour la filière viticole. C’est unélément essentiel du plaisir de la dégus-tation parce qu’un nez agréableinfluence positivement le consomma-teur avant la prise en bouche. C’est aus-si la dernière impression que va garderle dégustateur après avoir bu, avec unefinale qui va le décevoir ou au contrairele réjouir.

La tâche est rendue d’autant plus diffi-cile que le monde agroalimentaire selivre à une véritable surenchère aroma-tique à base d’arômes de synthèse etautres additifs. Le goût du consomma-teur s’en trouve modifié et devient deplus en plus exigeant sur le plan de l’in-tensité et de la qualité aromatique.

La particularité des vins rosés est d’êtrecentrés sur le fruit. Bien sûr, les vinsblancs et les vins rouges présentent trèssouvent des notes fruitées et parailleurs, un grand nombre de vins roséssont mis en valeur par des odeurs flo-rales ou épicées. Cependant, le dénomi-nateur commun des vins rosés du mon-de semble être cette signature fruitée.Les travaux d’analyse sensorielleconduits par le Centre de Recherche etd’Expérimentation sur le Vin Rosédepuis 6 ans en témoignent. Neuf des13 descripteurs olfactifs utilisés par lejury expert du Centre sont des fruits.

Elaborer des vins aromatiques et peucolorés, extraire des arômes sans extrai-re de couleur, telle est la délicate mis-sion du vinificateur en rosé. Les travauxrécents sont rares pour l’éclairer dans cedifficile exercice. Le Centre du Rosé adonc multiplié les recherches et les ana-lyses de composés volatils au cours destrois dernières années et en proposeune restitution dans cet article.

Un protocole évolutif sur trois ansDix vins rosés AOC Côtes de Provencedistingués par une médaille à l’occasiondu concours des Vins de Saint Tropez sontprélevés chaque année de 2004 à 2006. Aune exception près, les vins présentés auconcours sont du millésime précédent. Leconcours a lieu en mai et les analysessont réalisées dans le courant de l’été.

En 2004, les 10 vins rosés ont fait l’objetd’une analyse de thiols volatils (4MMP,3MH, A3MH) et des principaux compo-sés volatils d’origine fermentaire. En2005, le dosage des thiols et de deuxnorisoprénoïdes (ß-damascénone et ß-ionone) a été réalisé sur les 10 vins.Enfin, en 2006, trois terpènes et deuxalcools (furanéol et homofuranéol) ont

été recherchés et quantifiés dans les 10vins rosés. Cette même série de vins afait l’objet d’une analyse sensorielle parle jury expert du Centre de Recherche etd’Expérimentation sur le Vin Rosé.

En 2004 et 2005, les analyses ont étéeffectuées par le laboratoire SARCO(Floirac, France) et en 2006, les dosagesont été confiés à la société NYSEOS(Montpellier, France).

L’importance des composés fermentaireset des thiols volatils (2004)Le dosage des principaux composésd’origine fermentaire et de 3 thiolsvolatils a été réalisé sur les 10 échan-tillons et les résultats sont présentésdans le tableau 1.

Quelques composés aromatiques qui comptentpour les rosés de ProvenceGilles MASSON, Centre du RoséRémi GUÉRIN-SCHNEIDER, Institut Français de la Vigne et du Vin - INRA

Code AI APE PE AH EEAG 4MMP 3MH A3MH

mg/l mg/l mg/l mg/l mg/l ng/l ng/l

A 4,38 0,31 19 0,25 2,87 nd 88 nd

B 2,45 0,21 22 0,21 3,24 nd 20 nd

C 3,16 0,33 23 0,23 3,82 nd 20 nd

D 2,05 0,14 14 0,11 3,74 nd 519 81

E 1,58 0,23 30 0,14 2,39 nd 207 27

F 3,19 0,17 7 0,32 2,89 nd 581 13

G 5,08 0,33 16 0,16 2,47 nd 89 nd

H 3,65 0,21 11 0,24 3,66 nd 70 nd

I 1,87 0,12 11 0,11 2,94 nd 317 nd

J 2,91 0,22 12 0,21 3,11 nd 197 37

Moyenne 3,03 0,23 17 0,20 3,11 nd 211 16

Seuil de perception 0,20(1)

0,30(1)

0,50(1)

60(2)

4,2(3)

(1) BOIDRON, non publié, (2) TOMINAGA et al., 1998, (3) TOMINAGA et al., 1996

Tableau 1 : Résultats du dosage de composés volatils dans 10 vins rosés AOC Côtes deProvence 2003 analysés en août 2004. AI : acétate d’isoamyle, APE : acétatede phényl-éthyle, PE : 2-phényl-éthanol, AH : acétate d’héxyle, EEAG : esterséthylique d’acides gras (somme de l’hexanoate, octanoate et décanoated’éthyle), 3MH : 3-mercapto-hexanol, A3MH : acétate de 3-mercapto-hexyle.

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Les Entretiens Viti-Vinicoles Rhône Méditerranée 2009 23

Les teneurs en esters volatils d’originefermentaire et en 2-phényl-éthanol sontsupérieures ou égales à leur seuil deperception dans le vin. Ces composésont donc probablement un impactolfactif positif sur l’arôme des vins rosésde Provence, comme cela a été démon-tré par CACHO (Université de Saragosse)sur un vin rosé espagnol.

Concernant ces mêmes composés, uneexpérience originale de désaromatisa-tion et de “reconstruction” aromatiquea été conduite au Centre du Rosé(Rosé.com n° 9). Elle a notamment mon-tré le rôle important des esters fermen-taires sur le plan quantitatif et qualita-tif.

Un vin aromatique a été débarrassé deses composés volatils par une extractionà l’aide d’un solvant approprié. Puis cevin désaromatisé a été additionné de

15 composés volatils d’origine fermen-taire présents initialement dans le vin.Les concentrations retrouvées dans levin supplémenté sont proches desvaleurs initiales du vin de départ. Lanature du changement aromatique estqualifiée par le jury expert. Aux concen-trations en présence, l’acétate d’isoamy-le apporte une note de rose et l’octa-noate d’éthyle des notes d’agrumes.L’hexanoate d’éthyle intensifie l’odeurde fruits rouges, melon, caramel etréglisse. L’acétate d’hexyle apporte unenote aromatique qui ne fait pas partiedes descripteurs du jury expert.

La 4-méthyl-4-mercaptopentan-2-one(4MMP), thiol volatil responsable desarômes de buis du cépage Sauvignon aété recherchée dans les 10 vins rosés en2004. Ce composé n’a été détecté dansaucun des échantillons analysés.

Le 3MH et l’A3MH (3-mercapto-hexanolet acétate de 3-mercapto-hexyle) sontconnus pour leurs odeurs intenses depamplemousse et de fruit de la passion.Il suffit de très faibles concentrationsdans le vin pour que leurs présencessoient détectées; en effet leurs seuils deperception sont respectivement de 60ng/L et 4,2 ng/L.

La figure 1 reprend les résultats lesrésultats du tableau 1. Le 3MH est pré-sent dans les 10 échantillons et saconcentration est supérieure au seuil deperception 8 fois sur 10, ce qui laissesupposer une contribution significativede ce composé à l’arôme des vins rosésprovençaux. L’A3MH est mise en éviden-ce dans 4 vins et sa teneur est supérieu-re au seuil de perception. Ces concen-trations sont pourtant inférieures auxvaleurs obtenues dans le cadre d’uneétude similaire.

Figure 1 : Résultats du dosage en ng/L du 3MH (1a) et de l’A3MH (1b) dans 10 vins rosés AOC Côtes de Provence du millésime 2003 analysés en août 2004.

0

100

200

300

400

500

600

A B C D E F G H I JSeuil de perception : 60 ng/l

1a : 3MH en 2003

0

10

20

30

40

50

60

70

80

90

A B C D E F G H I J

Seuil de perception : 4 ng/l

1b :

A3MH en 2003

La ß-damascénone aussi(2005)Les résultats du dosage des deux thiolsvolatils et des deux norisoprénoïdes sontprésentés dans le tableau 2. En 2005, lesquantités de thiols volatils sont plusimportantes qu’en 2004. Ces différencespeuvent être liées au fait que l’originedes vins en 2004 et 2005 n’est pas lamême ; pourtant, pour les deux cavesdont les vins sont présents les deuxannées, l’écart peut aller du simple audouble entre 2004 et 2005. Cette richesseplus importante en 2005 (millésime 2004)peut être la conséquence d’un effet clima-tique, la forte canicule de 2003 (vins del’année 2004) ayant pu inhiber la synthèsedu précurseur cystéiné dans le raisin.

La ß-damascénone, connue pour sonodeur de compote de pomme, dépasseson seuil de perception dans tous les vinsrosés analysés. Ce composé pourrait jouerun rôle significatif dans le bouquet desvins rosés de Provence. A l’inverse, la ß-ionone présente des teneurs trop faiblespour apporter une contribution olfactive.

Code 3MH A3MH -d -i

ng/l ng/l ng/l ng/l

K 194 23 4617 16

L 1026 152 2835 19

M 868 126 2258 19

N 1300 248 2930 20

O 1059 38 1445 6

P 246 30 6607 13

Q 671 nd 1399 14

J 388 45 2268 11

S 95 7 2461 10

D 899 136 1816 12

Moyenne 675 80 2864 80

Seuil de perception 60(2)

4,2(3)

45(4)

600(4)

(2) TOMINAGA et al., 1998, (3) TOMINAGA et al., 1996, (4) CHATONNET, non publié.

Tableau 2 : Résultats du dosage de composés volatils dans 10 vins rosés AOC Côtes deProvence 2004 (le vin O est un 2003) analysés en juin 2005. 3MH : 3-mercapto-hexanol, A3MH : acétate de 3-mercapto-hexyle, ß-d : ß-damascénone, ß-i : ß-ionone. Les vins D et J ont la même origine que dansle tableau 1.

ß ß

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24 Les Entretiens Viti-Vinicoles Rhône Méditerranée 2009

Les valeurs présentées dans le tableau 2sont en cohérence avec les résultats deobtenus sur 30 vins bordelais et 10 vinsprovençaux (MURAT, 2005), même si lesvins ne sont pas issus du même millési-me. On note toutefois une teneur plusimportante en acétate de 3-mercapto-héxyle dans les vins rosés de Provenceque dans les vins rosés bordelais. Cettedifférence, déjà apparente dans les tra-vaux précités, peut être due à l’effet dumillésime ou plus probablement à descépages spécifiques à chaque région.Parmi les cépages provençaux, des diffé-rences notables ont été mises en évi-dence (Rosé.com n°9). Les vins rosés deSyrah et de Grenache sont plus riches enthiols volatils que les vins rosés de Cin-saut et la proportion d’A3MH paraîtplus importante dans le cas du cépageSyrah.

Contribution possibledu furanéol contrairementaux terpènes (2006)Les terpènes sont présents en faiblequantité dans les vins rosés proven-çaux : le géraniol n’est pas détecté ; lenérol et le linalol sont très nettementen dessous de leurs seuils de perception.Ces résultats prévisibles sont la consé-quence de deux phénomènes : l’utilisa-tion de cépages non “muscatés” et lesmacérations pelliculaires courtes prati-quées en Provence.

Deux furanones issues des réactions deMaillard sont recherchées dans leséchanti l lons. Ces composés sontconnus pour leur odeur agréable decaramel et fraise (furanéol), de cara-mel et pain grillé (homofuranéol). Le

descripteur “barbapapa“ est utilisédans certains travaux en olfactométriepour qualifier ces molécules.

Les vins rosés de Provence de cette sérieprésentent tous des teneurs en furanéolsupérieures au seuil de perception. Pourl’homofuranéol, les valeurs enregistréessont légèrement inférieures à son seuilde perception. A la lumière de ces résul-tats, on peut supposer que ces compo-sés jouent un rôle significatif dans l’arô-me des vins rosés analysés. Ces observa-tions confirment les conclusionsd’autres études (FERREIRA et al., 2002) ;ce travail a en effet montré que l’élimi-nation de ces deux molécules dans unvin rosé de Grenache diminuait nette-ment les notes fruitées et caramel.

Les vins rosés du millésime 2005, analy-sés en 2006, ont également fait l’objetd’une analyse sensorielle par le juryexpert du Centre de Recherche et d’Ex-périmentation sur le Vin Rosé.

La figure 2 (page ci-contre) présente lestrois principaux axes de l’analyse encomposantes principales qui rassem-blent moins de 60 % de la variabilité. Lepremier axe est caractérisé par desarômes d’agrumes, de rose et de fruits àchair jaune. Les variables qui contri-buent le plus au deuxième axe sont desdescripteurs de petits fruits de type ceri-se, framboise et mûre ainsi que la bana-ne. Le troisième axe est fortementinfluencé par des notes de fruits exo-tiques, d’épices et de cerise.

Le rapprochement des données analy-tiques et sensorielles permet de créerune matrice de corrélations dans laquel-le on observe une corrélation positiveau seuil de 5 % entre le furanéol et

quelques autres variables : homofura-néol, descripteur rose au nez, descrip-teurs banane et framboise en bouche. Ilagit donc sur la composante 2 de lafigure 2. Les thiols volatils n’ont pas étédosés sur ce jeu d’échantillons. Cetteanalyse aurait sans doute permis de véri-fier la corrélation entre les teneurs en3MH et A3MH et les arômes d’agrumeset notamment de pamplemousse. Leurcontribution à la composante 1 auraitainsi été mise en évidence.

Des recherchesà poursuivreLa recherche des composés volatils res-ponsables de l’arôme des vins rosésmérite d’être poursuivie. La meilleureconnaissance de ces molécules permetnotamment de quantifier les effets detelle pratique viticole ou œnologiquesur la composition aromatique des vinsrosés. Depuis 3 ans, de nombreux tra-vaux sur les thiols volatils sont ainsi réa-lisés au Centre du Rosé. Ils ont pumettre en évidence les effets du terroir,du cépage, de la maturation, de l’enzy-mage ou de l’inertage sur l’arôme fruitédes vins rosés.

Il va de soi que le bouquet d’un vinn’est pas l’expression d’un composé oud’une famille de composés mais d’unensemble très complexe de moléculesdont l’odeur dépend de leur quantité,de leur interaction entre elles et avec lemilieu. Dans ce domaine des arômesplus que d’en d’autres, les travaux deslaboratoires de recherche fondamentalesont indispensables pour aider les expé-rimentateurs et les vignerons à pour-suivre leurs efforts de qualité.

Code linalol nérol géraniol furanéol homofuranéol

µg/L µg/L µg/L µg/L µg/L

T 2,2 1,4 nd 201 7,0

U 1,9 1,0 nd 60 1,8

V 3,5 0,9 nd 145 5,0

W 1,2 0,4 nd 42 4,5

X 1,3 0,6 nd 59 2,5

Q 1,8 0,8 nd 95 2,5

Y 2,3 0,9 nd 80 2,0

Z 4,6 0,9 nd 103 2,1

AA 1,0 0,5 nd 69 1,8

BB 1,2 3,0 nd 81 5,8

Moyenne 2,1 1,0 94 3,5

Seuil de perception 100 à 500 100 à 500 100 à 500 37(5)

10(5)

Tableau 3 : Résultats du dosage de composés volatils dans 10 vins rosés AOC Côtes deProvence 2005 analysés en juillet 2006. Le vin Q a la même origine que dansle tableau 2.

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Les Entretiens Viti-Vinicoles Rhône Méditerranée 2009 25

Figure 2 : Représentations graphiques de l’analyse en composantes principales réalisée à partir des résultats de l’analyse sensorielle dujury expert du Centre du Rosé sur les dix vins rosés AOC Côtes de Provence 2005. Composantes 1 et 2 puis composantes 1 et 3.Les échantillons sont notés T à BB. Les variables soulignées et illustrées sont les descripteurs qui contribuent le plus à chacundes axes. L’initiale B après la variable indique qu’il s’agit d’un descripteur de bouche.

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26 Les Entretiens Viti-Vinicoles Rhône Méditerranée 2009

Entre leur vinification et leur mise enmarché, les vins rosés sont générale-ment conservés en vrac.

Pendant cette période, ils se différen-cient du cas général par l'importancequ'il faut accorder à la maîtrise de leurcouleur, à celle de leur profil aroma-tique et par la nature et les niveaux demicroorganismes contaminants que l'onpeut y trouver.

Si l'on se focalise sur les aspects aroma-tiques, il faut considérer 2 axes princi-paux : la perte de composés et le mas-quage de leur expression.

Le premier axe résulte soit de perte ausens physique (évaporation) puisquechaque molécule volatile dissoute est enéquilibre avec le ciel gazeux qui sur-plombe le liquide, soit de perte au sensbiochimique puisque des transforma-tions sont possibles notamment par oxy-dation.

Le second axe résulte de l'apparition etde l'augmentation de molécules ayantun fort pouvoir aromatique. Celles-cipeuvent être liées au développementde microorganismes ou à la mauvaisemaîtrise des gaz.

Quatre paramètres jouent un rôle cen-tral que nous aborderons sous l'anglede la conservation ou du développe-ment de leurs qualités aromatiques : latempérature, la pression microbiolo-gique, l'oxygène et le SO2.

La températureLa cinétique de croissance et l'activitédes microorganismes potentiellementprésents dans le vin dépendent directe-ment de ce paramètre : les temps degénération (temps nécessaire au dou-blement d'une population dans desconditions données) sont corrélés à latempérature du vin tout comme lesréactions enzymatiques qu'ils condui-sent, susceptibles de dégrader les quali-tés du vin.

La dissolution de l'oxygène (et des gazen général) est elle aussi directementdépendante de cette température : plusla température est basse, plus l’oxygènese dissout dans le vin. 5°C en moins cor-respondent à 10 % de solubilité en plus.À l'inverse, la vitesse de consommationd'oxygène augmente avec la tempéra-ture. L'alternance de températuresbasses et hautes favorise donc le cycledissolution - consommation d'oxygène.

Dans la pratique, une températurestable et inférieure à 16°C est admisecomme conforme pour les objectifscités. Il faut relever que des valeursbasses (<10°C) génèrent un risque élevélorsque le travail des vins est réalisé sansune protection parfaite pour empêcherla dissolution d’oxygène.

Les contaminants microbiologiques De manière générale, l'écologie d’unvin rosé est favorable au développe-ment simultané de plusieurs types decontaminants : principalement deslevures (Pichia, Saccharomyces cerevi-siae…), des bactéries lactiques (Lactoba-cillus, Pediococcus, Oenococcus oeni) etdes bactéries acétiques (Acetobacter).On ne retrouve qu'un nombre limité demicroorganismes dans les rosés : bacté-ries acétiques surtout, lactiques plusrarement et levures essentiellement Sac-charomyces. Les niveaux sont bienentendu fonction des stades de contrôleet des conditions de développement.

Au-delà des facteurs connus (popula-tion initiale, présence de nutriments,température, oxygène), le pH est un cri-tère moins déterminant de l’évolutiondes populations microbiennes car sou-vent bas sur rosé. Il faut cependant êtreattentif sur les vins de presse ou lescuvées issues de terroirs particuliers àpH élevés (> 3.60), ainsi que sur les lotsdont la fermentation malolactique a étéréalisée.

La multiplication des bactéries acétiquesest privilégiée dans le cas de vidangesou lors d’utilisation de lies contaminées,d’autant plus rapidement que la tempé-rature est >18°C. Lorsqu’une fermenta-tion malolactique est subie (réaliséespontanément par des bactéries lac-tiques indigènes), une population mixtede bactéries lactiques est susceptible dese développer : elle peut alors être àl’origine de déviations aromatiques etgustatives (acidité volatile, amines bio-gènes, composés soufrés…).

Une reprise fermentaire par des Saccha-romyces est possible en présence desucres résiduels, situation parfoisrecherchée pour des objectifs de ron-deur en bouche. Production d’éthanalavec pertes aromatiques, modificationde la couleur et de la turbidité sont lesrisques associés.

La contamination par Brettanomyces estrare en rosé : à titre d'illustration, 1 seulcas relevé en 5 ans dans le laboratoireICV Provence pour une productionannuelle suivie de plus de 800 000 hl !

Les actions préventives reposent pourl’essentiel sur une parfaite hygiène ducuvier et du matériel, la maîtrise desfermentations alcooliques, une fermen-tation malolactique raisonnée, un sulfi-tage adapté (moments d’apport etdoses suffisantes, homogénéisation lorsde l’opération de sulfitage).

Le SO2

Le SO2 a un double rôle, antiseptique etantioxydant.

Le SO2 actif est la fraction antiseptiquedu SO2, directement dépendante duniveau de SO2 libre. Il diminue quand lepH augmente et s’élève très légèrementavec le degré alcoolique. Le SO2 actifdonne donc une information sur leniveau de protection microbiologiqued’un vin, il est indépendant de la valeuren SO2 libre nécessaire pour une protec-tion suffisante vis-à-vis du risque oxyda-tif.

Conserver les arômes des rosés :bonnes conditions d’élevage et de conservationDaniel GRANES, ICVGisèle ELICHIRY, ICV

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Les Entretiens Viti-Vinicoles Rhône Méditerranée 2009 27

De manière plus large, le SO2 n'éliminequ'une fraction de la population pré-sente, fraction d'autant plus élevée quele niveau d'actif est fort. Il est donc dif-ficile de donner une règle absolue quiassurerait la protection parfaite du vin.

Néanmoins, en pratique, une valeur deSO2 actif proche de 0.6 mg/l paraît suf-fisante pour limiter le développementmicrobien. On obtient 0,6 mg/l de SO2actif avec :

• 26 mg/l de SO2 libre pour un 13 % vol.à pH 3,6

• 40 mg/l de SO2 libre pour un 13 % vol.à pH 3,8

• 17 mg/l de SO2 libre pour un 12 % vol.à pH 3,4

Le SO2 libre consomme indirectementl’oxygène sous forme de peroxydes.

Avec 30 mg/l, on admet que 50 % del’oxygène dissous à saturation est prisen charge par le SO2. Pour chaque milli-gramme d’oxygène pris en charge parles sulfites, 4 milligrammes de SO2 sontconsommés.

Ce rôle antioxydant assure une protec-tion partielle du vin lors des mouve-ments (soutirages, assemblages, filtra-tions…). Une valeur entre 25 et 30 mg/lde SO2 libre est un gage de risquemoins élevé, si les protections contre ladissolution d'oxygène ne sont pas assu-rées correctement.

L'oxygènePar succession de réactions, l'oxygènepeut entraîner la disparition de nom-breuses sensations aromatiques, notam-ment celles liées à la présence d'esters oude composés de la famille des thiols. Cesfamilles de molécules jouent un rôleimportant dans les sensations dites "amy-liques" ou "fruités" ou "fruits exotiques".

La solubilité de l’oxygène, à 20°C dansle vin en équilibre avec la pressionatmosphérique, est de 8,4 mg/l. La solu-bilité de l’oxygène correspond à laquantité maximale que l’on peut dis-soudre dans des conditions données.

La solubilité dans le vin dépend essen-tiellement de la température : plus estbasse, plus l’oxygène se dissout dans levin. 5°C en moins correspondent à 10 %de solubilité en plus.

Dissoudre ne signifie pas consommer.Les effets d’une dissolution d’oxygènevont se révéler à mesure que l’oxygènesera consommé, c'est-à-dire quelquessemaines à quelques mois après la disso-lution. En effet, les réactions chimiquesde consommation sont liées à la tempé-rature. Plus celle-ci est basse, plus ellesseront lentes.

Solubiliser de l’oxygène dans un vinfroid et le conserver froid corresponddonc à un stockage d’oxygène qui nesera consommé qu’avec une remontéedes températures.

Notons au passage que la solubilité esttotalement indépendante de la présen-ce d'autres gaz dans le vin : l'idée selonlaquelle "le CO2 empêche la dissolutiond'O2" est donc fausse.

La dissolution (ou vitesse de solubilisa-tion) de l’oxygène intègre la notion decinétique. Elle est liée à la surface decontact, à la nature du gaz et du liquideet à la teneur déjà présente dans leliquide au moment de la dissolution :c’est la loi de Fick.

La surface de contact vin - ciel gazeuxdépend notamment de l’agitation. Pluscelle-ci est importante, plus on dissou-dra rapidement une quantité donnéed’oxygène donnée.

Conséquence pour le travail de cave : ilfaut soit essayer de limiter les turbu-lences, soit essayer de diminuer letemps en travaillant plus vite. Parexemple pour limiter les turbulences àl’occasion d’un pompage, il faut tra-vailler avec des circuits courts, rigides, leplus rectilignes possibles, de gros dia-mètre, en vitesse lente surtout en débutet fin de transfert, être vigilant sur lesvortex en fin de vidange et début deremplissage des cuves.

Le temps de consommation d’une satu-ration par un vin rosé est de l’ordre de40 jours à 20°C.

Plus le pH est élevé, plus vite l’oxygèneest consommé. A l’échelle de la duréeglobale d’élevage d’un vin, l’effet pHest important et, en dehors des aspectsmicrobiologiques, est une explicationde la plus grande propension à la gardedes vins acides aux pH faibles.

La biomasse présente dans le vin est for-te consommatrice d’oxygène, aussi biensous forme de levures en activité que delies. La demande en oxygène des lies estmaximale pendant les 2-3 semaines quisuivent l’achèvement de la FA (1 à 2 mg/l/jour). Elle reste importante pendantencore 2 mois environ. Ces besoins ini-tiaux sont d’autant plus essentiels quependant cette phase les lies possèdentl’aptitude à réduire le SO2 en sulfures etleurs dérivés, activité favorisée par lemanque d’oxygène. Puis, après unedécroissance de type exponentiel, lademande en O2 devient plus faible etconstante sur plusieurs années.

Il est impossible de dresser un bilancomplet des oxydations. La part des dif-férentes voies est liée à la cinétique dechacune des réactions, à leur “prioritéthermodynamique” ainsi qu’à la quanti-té des substrats en présence.

Des mesures réalisées par l'ICV lors dedifférentes opérations technologiquesconfirment et illustrent la loi de Fick : ladissolution est bien maximale (lorsqu'iln'y a pas de protection) au début desopérations de pompage, quand les tur-bulences sont en général les plus impor-tantes.

Les moyens de prévention sont alorsdirectement liés à la prise en compteintelligente de la loi de Fick et à la miseen œuvre de moyens de protection :

1. il faut protéger parfaitement endébut et en fin d'opération avec un gazinerte

2. si l’on sait que l’on doit bouger deuxfois un vin avec risque de dissolution àchaque étape, mieux vaut réaliser laseconde opération dans un délai court,c'est-à-dire avant que le vin n’aitconsommé l’oxygène dissous à la pre-mière étape

3. si l’on sait que l’on travaille avec unrisque de dissolution, mieux vaut tra-vailler vite, tout en essayant de mainte-nir des conditions de transfert iden-tiques

4. il faut maintenir une "couverture" enantioxydants la plus régulière possible :acide ascorbique combiné au SO2 libre.L’acide ascorbique est un composé trèsavide d’oxygène. Son oxydation est trèsrapide et constitue un moyen simpled’élimination instantanée d’O2 dissous.Son action antioxydante reste cepen-dant limitée à des utilisations ponc-tuelles pour se protéger contre depetites quantités d’O2 passagères. Sonutilisation sur une oxydation brutale oucontinue n’a pas de sens et le SO2 doitlui être préféré. Ce dernier doit de plusêtre couplé à l’acide ascorbique pourconsommer H2O2 produit par l’oxyda-tion de l’acide ascorbique.

Au-delà de la nécessaire protection descomposés d'arômes obtenus en fin defermentation, l'autre piste à explorerest celle de leur stabilisation. Les étudesconduites par l'ICV avec l'INRA et l'Uni-versité de Montpellier en 2003 ontdémontré la complexité des interactionsentre composés d'arômes et mannopro-téines libérées par les levures lors deleur autolyse, en partie illustrée par lafigure ci-après :

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28 Les Entretiens Viti-Vinicoles Rhône Méditerranée 2009

• Toutes les molécules ne sont pas rete-nues (et donc stabilisées) par les manno-protéines. C'est par exemple le cas del'acétate d'isoamyle. Assez schémati-quement, on pourrait dire que, pour

cette famille là, l'élevage sur lies n'aurapas d'effet sur les sensations aroma-tiques qu'elle génère.

• Quand les molécules aromatiques sontretenues par les mannoprotéines, l'in-

tensité de cette rétention varie en fonc-tion de la souche de levure qui a pro-duit ces mannoprotéines. La questionn'est donc pas seulement celle de laquantité mais aussi celle de la qualitédes mannoprotéines : rien ne vaut l'ex-périmentation pour mesurer, sur sespropres vins, l'intérêt et l'intensité del'impact d'un élevage sur lies avec telleou telle levure. Ce résultat illustre aussil'importance du choix de la levure defermentation : outre son rôle fermen-taire, sa production – libération de com-posés aromatiques, la levure, après samort participe largement à la stabilisa-tion de composés aromatiques.

Plus largement, l'élevage sur lies, avecbâtonnage régulier et en maîtrisant ladissolution d'O2, outre qu'il peut parti-ciper à la stabilisation aromatique, per-met la libération de nombreux compo-sés cellulaires de la levure qui ont unimpact démontré sur les sensations devolume en bouche, de rondeur maisaussi de sécheresse ou d’amertume.

0

20

40

60

ICV D21® ICV D80®

Hexanol

Acétate d'isoamyle

ß-Ionone

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Les Entretiens Viti-Vinicoles Rhône Méditerranée 2009 29

Dans un souci de gestion de l’encépage-ment et pour guider le producteur danssa vinification, le Syndicat des Vins Côtesde Provence a proposé au Centre du Roséune étude sur les assemblages. En effet,l'encépagement est, sans aucun douteune des composantes principales de latypicité des vins. En appellation, celui-ciest géré par décret. Les vins rosés Côtesde Provence sont des vins d’assemblagesde cépages rouges entre eux (Grenache,Syrah, Tibouren, Mourvèdre, Cinsaut,Carignan, Cabernet Sauvignon) ou desmêmes cépages rouges avec des cépagesblancs (Ugni-Blanc, Rolle, Clairette,Sémillon). La proportion de ces derniersest d’ailleurs limitée à 10 % de l’encépa-gement.

Cette énumération de cépages permetd’imaginer combien leurs combinaisonset leurs moments d’assemblages sontmultiples.

Le producteur n’est d’ailleurs pas sans seposer de questions à ce sujet. Il sedemande notamment s’il existe une réel-le synergie entre deux cépages complé-mentaires et si celle-ci est amplifiéelorsque les deux cépages sont assemblésau stade raisin plutôt qu’au stade vin. Deplus, face à la problématique du marchéqui recherche des rosés provençaux pâleset aromatiques, il s’interroge sur leséventuels bénéfices d’un assemblageprécoce de raisins blancs et rouges.

NB !!!! Il serait dangereux de généraliserles résultats qui vont suivre. En effet, lenombre de parcelles testées reste trèsfaible et certaines d’entre elles ont puchanger d’une année sur l’autre. Cesconclusions sont donc à relativiser enfonction du terroir, de la conduite de lavigne, du millésime…

Pertinences des duos Carignan/Cinsaut etGrenache/SyrahCette première partie a pour objectif demesurer l’incidence d’un assemblage préou postfermentaire sur la compositionanalytique et organoleptique des vinsrosés, issus de cépages rouges complé-mentaires.

Ainsi, nous avons trouvé opportun decomparer un assemblage précoce et tar-dif entre un cépage rouge à tendanceoxydative (Grenache, Cinsaut) et uncépage rouge à tendance non oxydative(Syrah, Carignan).

4 parcelles de chacun de ces cépages sontchoisies dans les appellations proven-çales. Après suivi de leur maturité, ellessont récoltées deux à deux à une mêmedate et séparées en lots de vendangeshomogènes selon les modalités sui-vantes :

• Vinification de cépages purs : Cinsaut,Carignan, Grenache et Syrah,

• Assemblages préfermentaires : 50 %Cinsaut, 50 % Carignan* et 50 % Gre-nache, 50 % Syrah.

La vinification de ces 6 cuves est menée àl’identique.

• Avant la mise en bouteille, des assem-blages dans des proportions identiques àceux réalisés en préfermentaires sont misen œuvre.

• Les résultats sont comparés à la moyen-ne théorique des cépages purs pris sépa-rément.

Mariage précoce ou tardif du couple Carignan/Cinsaut ?Incidences sur la couleur

Chaque année, l’assemblage précoce estplus oxydé que l’assemblage tardif et lamoyenne théorique des deux cépagespurs (graphe 1). L’assemblage tardif estmême systématiquement moins orangéque la moyenne théorique.

En ce qui concerne l’intensité colorante,l’assemblage précoce est marqué par lacouleur du cinsaut. Il donne globalementun vin plus clair que l’assemblage tardifet la moyenne théorique. Une exceptioncependant en 2003, l’intensité colorantedu Cinsaut en assemblage préfermentai-re est supérieure à celle de l’assemblagepostfermentaire.

Ce phénomène est inverse à l’effetrecherché. En préfermentaire, le Cari-gnan n’apporte pas au Cinsaut le bénéfi-ce de sa couleur rose intense aux nuancesviolettes. Au contraire, les caractéris-tiques du cépage Cinsaut semblentprendre le dessus sur celles du Carignan.Une des hypothèses possibles peut êtrela différence de grosseur de baies desdeux cépages (graphe 2) et la capacité duCinsaut à libérer son jus. Compte tenu duvolume des baies de ce cépage, on peutsupposer que la proportion de jus venantde celui-ci dans l’assemblage préfermen-taire est supérieur à 50 %.

Recherche de complémentarité entre cépages :les assemblagesNathalie POUZALGUES, Syndicat des Côtes de Provence - Centre du Rosé

Teinte

0

0,5

1

1,5

2

2001 2002 2003 Millésime

Carignan Cinsault

Moyenne théoriqueCIN/CAR Cin/Car Raisin

Cin/Car Mise

Graphe 1 : Teinte des différentes modalités des vins après mise en bouteille en fonctiondes trois années d’essai.

* Assemblage non conforme aux décrets desappellations provençales, à valeur dedémonstration expérimentale.

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30 Les Entretiens Viti-Vinicoles Rhône Méditerranée 2009

Conséquences mineures sur les profils sensoriels

Les deux cépages purs et les trois vinsd’assemblage Cinsaut/Carignan ont étédégustés par les jurys professionnel etexpert du Centre du Rosé. Les vins d’as-semblages précoces ou tardifs ne présen-tent pas de réelles différences olfactiveset gustatives. En règle générale, aucunedifférence statistique n’est mise en évi-dence excepté en 2003 où l’assemblage àla mise est préféré aux autres modalités.

Mariage précoce ou tardif du couple Grenache/Syrah ?Conséquences variables sur la couleur

Pour ce couple, les résultats sur la cou-leur sont plus contrastés. En 2001 et2002, les couleurs des assemblages pré-fermentaires ont tendance à être plusintenses et plus rouges que la moyennethéorique et les assemblages tardifs. Lemariage précoce de ces deux cépagesparaît donc positif en terme de couleur

et donne l’effet attendu. Par contre, en2003, les résultats sont plus nuancés. Eneffet, les intensités colorantes descépages purs et des différents assem-blages sont très proches. Les faibles écartsde couleur entre les cépages masquentles différences. Contrairement aux deuxautres années, l’assemblage préfermen-taire est plus oxydé que celui réalisé enpostfermentaire. Sa teinte tend à êtremarquée par la nuance orangée du Gre-nache. Le graphe 3 qui correspond auxjugements visuels des dégustateurs pro-fessionnels de ces vins en 2002 et 2003illustre bien nos observations analytiques.

Les poids des baies des cépages gre-nache/syrah sont souvent très proches.Tel est le cas dans notre expérimentation.L’hypothèse de la grosseur des baies nepeut donc être envisagée.

Une des explications possibles peut êtrele potentiel couleur des cépages qui a puvarier en fonction du terroir et du millési-me. En effet, nous constatons qu’en 2001et 2002, le potentiel couleur de la Syrah

est nettement supérieur à celui du millé-sime 2003. A poids de baies identique, lerapport d’extractibilité de la couleurpourrait dans un assemblage préfermen-taire influencer la couleur finale.

Effets minimes sur les profils sensoriels

Dans le cas du couple Grenache/Syrah, lesassemblages obtiennent des notes olfac-tives et gustatives généralement voisinesde la moyenne théorique et très souventintermédiaires aux deux cépages purs.Les différents types d’assemblage sontjugés relativement proches par les dégus-tateurs professionnels. L’analyse senso-rielle du jury expert renforce ce constat.Au niveau visuel, les dégustateurs ne per-çoivent pas toujours de différences. Lescouleurs des différentes modalités sontvariables d’un millésime à l’autre et sontcorrélées aux données analytiques(graphe 3).

Pertinences des duos Grenache/Ugni-blanc et Grenache/Rolle Cette deuxième partie d’expérimenta-tion, plus récente, a pour objectif demesurer l’incidence de l’assemblage pré-fermentaire sur la composition analy-tique et organoleptique des vins rosés,issus de cépages rouges et blancs. Lesobservations ont notamment portées surles modalités suivantes :

• vinification de cépages purs récoltés àla même date : Grenache, Ugni-Blanc etRolle

• assemblages au stade raisin :

90 % Grenache et 10 % Ugni-Blanc et 90 % Grenache et 10 % Rolle

La vinification de ces 5 cuves a été menéeà l’identique. Une attention particulière aété portée au départ pour constituer deslots de vendanges homogènes.

Il s’agit de premières données. La pru-dence est donc toujours de rigueur.

Pas d’effets de co-pigmentation

La co-pigmentation est décrite dans la lit-térature scientifique comme une réactionentre les anthocyanes et certains compo-sés flavonoïdes qui se traduit par uneintensification de la couleur et une aug-mentation du rouge et du bleu (Cheynieret al ; 1998). Dans cette hypothèse, les fla-vonols apportées par les raisins blancspourraient s’associer à certains antho-cyanes des raisins rouges. Ce mariage favo-riserait l’effet de co-pigmentation. Dans lecadre de cette étude, nous avons trouvéintéressant de vérifier cette hypothèse.

Les assemblages précoces des cépagesUgni-Blanc et Rolle avec le Grenache don-nent des vins globalement moins colorés etplus jaunes que le vin de grenache seul. Les

200

300

400

500

600

700

800

900

2002 2003Millésime

Carignan Cinsaut

Graphe 2 : Poids des baies des cépages Cinsaut et Carignan le jour de la récolte en 2002et 2003.

2003 Grenache

2002

0,5

1,5

2,5

3,5

4,5

5,5

6,5

7,5

8,5

9,5

10,5

11,5

12,5

13,5

0,5 1,5 2,5 3,5 4,5 5,5 6,5 7,5 8,5 9,5 10,5 11,5

Théorie

Mise

Raisin

Syrah

20022003

Grenache

Graphe 3 : Analyses visuelles des dégustateurs professionnels en 2002 et 2003. Illustration de la variabilité de la couleur des différentes modalités de l’assemblage Grenache/Syrah en fonction du millésime.

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Les Entretiens Viti-Vinicoles Rhône Méditerranée 2009 31

résultats 2001 et 2002 se renforcent etconfirment que l’effet de co-pigmentationattendu n’a pas lieu. Cela pourrait êtreexpliqué par le fait que la teneur enanthocyanes dans les vins rosés est tropfaible pour provoquer ce phénomène.

Premiers résultats d’évaluation sensorielle

Les résultats de dégustation de ces deuxpremières années (2002-2003) d’expéri-

mentation vont dans le même sens.Aucune différence statistique n’est obser-vée en analyse de variance. Cependantquelques tendances intéressantes sedessinent. Le Grenache est amélioré parl’ajout de 10 % de Rolle et est très peusensible à une même addition d’Ugni-Blanc au stade raisin. En effet, le graphe4 montre l’analyse gustative par le juryprofessionnel du grenache pur et desassemblages Rolle/Grenache et Rolle/

Ugni-Blanc. Cette illustration permet deconstater que l’addition de Rolle dans leGrenache tend à jouer l’effet de syner-gie recherché. Le Rolle apporte au Gre-nache une intensité aromatique plusimportante, de la fraîcheur et de la lon-gueur. Le gras et la chaleur donnés par leGrenache sont légèrement exacerbés.Cet assemblage est préféré à celui réaliséavec l’Ugni-Blanc dans les mêmes pro-portions.

En résumé Le moment de l’assemblage peut avoirune influence sur la couleur. Dans le casparticulier de notre essai, à poids debaies identiques, l’empreinte en assem-blage précoce pourra être donnée parle cépage au potentiel couleur domi-nant. A poids de baies différents, le plusvolumineux des deux cépages marquerala couleur de l’assemblage préfermen-taire. Le mariage précoce de cépagesrouges et blancs ne démontre pas l’effetde co-pigmentation attendu. Par contre,en dégustation le grenache est améliorépar l’addition de 10 % de Rolle en pré-fermentaire.

La gestion de l’encépagement et le tra-vail des assemblages suscitent actuelle-ment un vif intérêt auprès des produc-teurs. A leur demande, cette étude sepoursuit et s’intensifie.

0

1

2

3

4Int Arom

Gras

Acidité

Chaleur

Amertume

Astringence

Longueur

Préférence

90 % Gre10 % Roll stade raisin 90 % Gre10 % Ugnibl stade raisin

Grenache pur

Graphe 4 : Profils sensoriels gustatifs du vin de Grenache pur et de ses assemblages en préfermentaire avec 10 % de Rolle ou d'Ugni-Blanc donnés par le juryprofessionnel du Centre du Rosé en 2003.

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32 Les Entretiens Viti-Vinicoles Rhône Méditerranée 2009

Le choix de la date de récolte et lesmoyens à mettre en œuvre pour obtenirle jus sont les premières interrogationsdu vinificateur. La maturité du raisin etle mode de macération influencent lar-gement les qualités ou les carences dumoût, ce qui a une incidence prépondé-rante sur les caractéristiques analytiqueset sensorielles finales du vin Rosé. Cesdeux facteurs conditionnent le poten-tiel de couleur, d’arômes et la structuredu produit.

Une fois la récolte effectuée, le prati-cien ne dispose que de quelques heurespour prendre un nombre important dedécision concernant la macération, lepressurage, le débourbage… L’élabora-

teur doit être réactif et doit mobiliserses connaissances très rapidement. Ildoit décider du sulfitage, des collages,de la température et de la durée desmacérations, de l’ajout éventuel d’en-zymes… en intégrant la qualité des rai-sins, les contraintes de la cave(humaines et matérielles) tout en gar-dant à l’esprit le produit qu’il souhaiteélaborer. La multitude de possibilitésexistantes complique la prise de déci-sion.

Protocole Un plan d’expérience permet d’évaluerl’impact de la date de récolte et desconditions de macération sur la qualité

globale des vins Rosés issus des quatreprincipaux cépages du bassin méditerra-néen : Grenache, Cinsault, Syrah etMourvèdre. L’étude est conduite surune parcelle de chacun des cépages ; lesvignes étant situées dans le Var. Larécolte est déclenchée 3 fois sur chaqueparcelle, généralement à une semained‘intervalle. A chaque vendange, 5 conditions de macération sont compa-rées incluant les facteurs durée et tem-pérature de macération. Les durées demacération sont modulées en fonctiondu potentiel du cépage ; les tempéra-tures étudiées sont 12 et 18°C. Le proto-cole est schématisé figure 1.

Des essais similaires sont égalementmis en place dans le Gard et en Valléedu Rhône sur Grenache. Les résultats,concordants avec ceux qui vont êtreexposés, sont résumés dans le CahierItinéraire d’ITV-France consacré à l’éla-boration des vins Rosés (1 et 2).

Conséquences œnologiques :dominance de la maturitéLe décalage de la date de vendangepermet un enrichissement en sucres quise traduit naturellement par un titrealcoolique plus élevé et une durée defermentation allongée qui entrainegénéralement une augmentation del’acidité volatile. La teneur moyenne ensucres résiduels est également modifiée,essentiellement sur les cépages Syrah etCinsault.

L’acidité titrable et l’acide malique dimi-nuent naturellement en fonction de ladate de récolte ; le pH étant l’indicateurqui varie le plus (tableau 1). Outre lesrisques de fermentation malo-lactiquespontanée et d’une moindre efficacitédu SO2, des teneurs trop faibles en aci-de malique conduisent généralement àdes vins lourds, avec une couleur terne.Au contraire, des excès d’acide maliqueconduisent à des vins durs.

Par ailleurs, sur les cépages Cinsault etSyrah, les conditions de macérationmodifient de manière significative le pH :les durées longues de macération don-nent des vins dont le pH est plus élevé.

Maturité et macération, un couple indissociableLaure CAYLA, Institut Français de la Vigne et du Vin - Centre du Rosé

Figure 1 : Plan d’expérience retenu pour chaque cépage ; la durée de macération estfonction des potentialités du cépage. Centre du Rosé 1999 à 2001

Facteur

Date de

Récole

Durée

FA

(jrs)

Sucre

résiduel

(g/L)

Titre

alcoolique

volumique

(% vol.)

Acidité

totale

(g/L

H2SO4)

pH

Acide

Tartrique

(g/L)

Acide

Malique

(g/L)

Acidité

Volatile

(g/L)

Facteur

Macération

Acidité

totale

(g/L

H2SO4)

pH

date 1 14 0,4 12,0 4,39 3,22 2,3 2,0 0,12 PD 4,27 3,24

date 2 16 0,7 12,7 4,19 3,30 2,0 1,9 0,14 12°C - Court 4,26 3,27

date 3 16 0,8 13,3 4,04 3,37 1,9 1,8 0,15 18°C - Court 4,22 3,30

12°C - Long 4,16 3,32

18°C - Long 4,12 3,34

Tableau 1 : Valeurs moyennes des analyses réalisées après mise en bouteille sur les 4 cépagespour 3 millésimes, pour les 3 dates de récolte et les 5 conditions de macération ;ces moyennes cachent des disparités entre cépage ou selon les millésimes.

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Les Entretiens Viti-Vinicoles Rhône Méditerranée 2009 33

Caractéristiques organoleptiques : nettedominance de la maturitéSur les cépages Grenache, Syrah et dansune moindre mesure Cinsault, les condi-tions de macération ont une incidencesur la perception de l’acidité ou du gras.Les macérations longues (cas du Gre-nache) ou "chaudes" à 18°C (cas de laSyrah) renforcent la sensation de gras etdiminuent la vivacité du vin Rosé.

Par ailleurs, l’effet de la date de ven-dange est bien plus marqué. La date derécolte a un effet sur la plupart des des-cripteurs utilisés en analyse sensorielle(figure 2, noté *). Les vins préféréssont issus de raisins les plus mûrs. Ils

sont appréciés tant pour leur caractèrefruité que pour leur équilibre.

Ces résultats d’analyse sensorielle sontconfortés par l’analyse des arômes detype fermentaire. A titre d’exemple,l’hexanoate d’éthyle, reconnu pour sacontribution au fruité des vins, est systé-matiquement supérieur en date 3 qu’endate 1 ; la date 2 étant intermédiaire.L’analyse des arômes variétaux révèleque l’évolution des thiols au cours de lamaturation est variable en fonction desmillésimes et des cépages.

D’autre part en 2006, un test consom-mateur a été réalisé auprès de 100 per-sonnes sur deux vins issus d’une mêmeparcelle de Syrah récoltée à 12,4 et 14,7 % alcool. La préférence est large-

ment marquée pour le vin issu de la ven-dange la plus mûre (3). Pourtant, uneffet seuil semble être atteint dans cer-tains cas. Sur le vin de Syrah titrant 16 %, malgré des concentrations plusimportantes en thiols et en arômes fer-mentaires, les sensations olfactives etgustatives sont altérées par la perceptionde l’alcool. De plus, les titres alcooliquesélevés trouvent un marché de plus enplus restreint. La diminution du niveaud’alcool pourrait s’avérer nécessaire. Lestechniques de réduction des teneurs enalcool donnent des résultats promet-teurs (Cf travaux de P. Cottereau).

Couleur : effets conjugués La couleur du vin est influencée autantpar la date de récolte que par les condi-tions de macération. La quantité de com-posés colorés présents et disponibles dansla baie varie en fonction de la matura-tion. Leur diffusion dans le moût estdéterminée par les conditions de macéra-tion. Les figures 3 représentent la couleurrouge des vins de Syrah en fonction de ladurée de macération, 20 minutes, 2 et 6 heures. L’avancement de la maturité(figure 3a) entraîne une productionaccrue de polyphénols ou une meilleureextraction qui conduit à plus de couleurrouge (D3 supérieur à D2, lui même plusgrand que D1, quelles que soient les opé-rations préfermentaires). L’utilisation dufroid (figure 3b) limite la diffusion de cou-leur par rapport à des macérations à 18°C,pour chaque date de récolte. La parcellede Cinsault étudiée a un comportementsimilaire à la Syrah. Pour les deux autresparcelles étudiées, la date de récoltemodifie moins la couleur des vins deMourvèdre et Grenache. Pour cette der-nière parcelle, on constate en date 3 unediminution de la disponibilité des poly-phénols à relier probablement à desfacteurs viticoles.

Figure 2 : Profil sensoriel moyen établi par le jury professionnel ; la moyenne comprend lesfacteurs millésimes, cépages et conditions de macération (* : effet significatif).

Figure 3 : Evolution de la couleur rouge des vins (a* - coordonnée tristimulaire) en fonction de la durée de macération ; moyenne sur 3 anspour le cépage Syrahà gauche Incidence de la date de récolte à 3 niveaux de maturité, macération à 18°Cà droite Incidence de la température de macération (12 et 18°C) pour les dates de récolte D1 et D3.

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34 Les Entretiens Viti-Vinicoles Rhône Méditerranée 2009

Le vinificateur en modulant la tempéra-ture et la durée de macération peutalors obtenir des vins Rosés de couleurstrès variés. Cependant, l’utilisation dufroid en macération implique un équi-pement particulier et coûteux en fonc-tionnement. Il incite à vendanger denuit ou tôt le matin, dans les régionschaudes. L’ICV Provence (4) a montré laforte corrélation entre la températureextérieure et celle des jus au quai deréception (figure 4).

Une méthode permet à ce jour de pré-voir le potentiel couleur d’une vendan-ge, la disponibilité des pigments et leurcapacité à diffuser dans le jus. Cetteméthode (figure 5), réalisable par unlaboratoire en routine, a pour principa-

le caractéristique de simuler à l'échellede la paillasse des conditions proches dela vinification réelle. Elle permet de pré-voir la diffusion de la couleur et d’ajus-ter les conditions de macération à l’ob-jectif couleur que l’on se fixe.

Des variables d’ajustementLe pressurage

Le pressurage, les conditions de remplis-sage, le cycle de pressé et la quantité dejus écartés, a également une incidencesur la couleur, la saveur et les arômesdes vins Rosés (5). Une trentaine decycles de pressurage pneumatique ontété étudiés entre 2001 et 2004 sur siteindustriel. Ces travaux montrent notam-ment que la phase de remplissage du

pressoir prédétermine le déroulementdu cycle et la qualité des jus obtenus.En effet, le rythme des apports, l’exi-gence en balancements ou rotations, ladurée entre la première benne et lamise en route effective du pressoir ontune incidence sur les volumes et la qua-lité des jus de goutte extraits avantpressurage. Ce volume correspond enmoyenne à 60 % des jus sélectionnéspour l’élaboration des vins Rosés dequalité.

Les jus de goutte sont plus riches enbourbes et en SO2 libre. Ce dernier fac-teur est à l’origine de retard dans lesdéparts en fermentation et engendredes taux de combinaison du SO2 supé-rieurs.

Les jus de presse sont moins acides(présence de plus de potassium qui pré-cipite l’acide tartrique) et plus colorés.L’extraction est plus importante. L’indicede polyphénols totaux est significative-ment différent sur les jus au delà de P3.Toutefois, cela n’a pas d’incidence sur laperception de l’astringence ou l’amertu-me. Les vins issus des jus de presse sontjugés plus gras. Ils sont généralementplus aromatiques mais plus lourds(caractère caramel). La qualité des jusde premières presses n’est pas à négli-ger.

L’apport d’enzymes pectolytiques sur lavendange fraiche permet d’extraire plusde jus de goutte et d’augmenter lesrendements en jus de 17 % en moyenne(résultats obtenus en cave expérimenta-le, 6). Les enzymes pectolytiques peu-vent avoir une incidence sur l’extractionde la couleur à condition que le contactentre les matières solides et le jus soitrelativement long. Sur le Grenache, lacouleur n’est pas modifiée pour 6 heures de macération alors qu’un gainde 20 % est noté après 20 heures demacération.

Limiter l’oxydation

Les moûts de Rosé, de par leur nature,sont fragiles et sensibles aux oxyda-tions. La couleur et l’expression aroma-tique peuvent être affectées. Une pro-tection efficace par le SO2 (anhydridesulfureux) est indispensable, en dehorsde tout problème sanitaire. Les dosespréconisées varient en fonction desrégions et des cépages entre 4 et 8 g/hlréparties sur vendange et moût. L’anhy-dride sulfureux, outre ses propriétésantioxygène et antioxydasique, a uneffet dissolvant. Apporté sur vendange,le SO2 favorise l’extraction des compo-sés polyphénoliques des pellicules (7).

D’autre part, la présence de SO2 libresur les jus masque une partie de la cou-leur rouge. Il est possible de s’affranchirde cette décoloration partielle des

0

5

10

15

20

25

30

0:00 3:00 6:00 9:00 12:00 15:00

heure de récolte de la machine

Température en °C

T° mesurée station météo

T° jus prélevé au conquet

Figure 4 : Influence de la récolte matinale sur la température de la vendange, ICV Provence,2006.

Constitution d’unéchantillon de 200 baies

Poids

Foulage avec le mini-

fouloir

Macération 2H à t°C

ambiante en présence

d’enzymes

Transvasement dans uneboîte à congélation

Récupération de laTOTALITE du jus

Centrifugation

Analyses classique etcouleur du jus de

macération

Figure 5 : Protocole de la méthode ITV-Rosé pour définir le potentiel de couleur de lavendange.

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Les Entretiens Viti-Vinicoles Rhône Méditerranée 2009 35

anthocyanes, par ajout de quelquesgouttes d’éthanal ; la couleur rougepotentielle est alors révélée (apparen-te).

Dans le tableau 2, à conditions de macé-ration identiques (12 heures à 18°C), lemoût résultant d’une vendange sulfitéeà 4 g/hl est plus riche en anthocyanesque celui sulfité à 2 g/hl. Par contre, laprésence de SO2 libre sur la modalité laplus sulfitée décolore une partie desanthocyanes ; le moût est visuellementmoins coloré. Sur vin, le niveau de SO2libre étant comparable, les teneurs enanthocyanes et l’intensité coloranteconduisent à des conclusions conver-gentes. La plus grande prudence estrequise dans les interprétations de lacouleur des moûts.

Les essais de protection avec du gaz car-bonique, sous forme de neige ou degalets, ne montrent pas d’effet systéma-tique, dans les conditions expérimen-

tales. Par contre, les essais sur du maté-riel de pressurage industriel démon-trent l’intérêt de l’inertage par de l’azo-te du poste de pressurage, pour le Gre-nache (8). L’inertage du pressoir limitela formation de composés bruns : lemoût de Grenache est moins jaune. Lesvins ainsi obtenus présentent une nuan-ce moins orangée et sont plus riches en

3-mercapto-hexanol, composé volatil àl’odeur de pamplemousse. Ces vins ontun profil aromatique dominé par lesagrumes, alors que les vins issus d’unpressurage non inerté sont plus "fer-mentaires".

Les collages

L’effet des collages reste modeste parrapport à la chute de couleur observéespontanément en fermentation. La cou-leur rouge a* diminue de 10 points aumaximum (4). Aux doses normalesd’emploi, le collage ne peut donc êtrequ’une variable d’ajustement qui nepermettra pas de corriger suffisammentun moût involontairement trop coloré.De nombreuses spécialités de colles exis-tent sur le marché. Leur choix et la dosed’utilisation doivent prendre en comptele type d’effet attendu : améliorationde la nuance ou diminution de l’intensi-té de la couleur.

Modalité – Dose de SO2

sur vendange

Sulfitage

faible

2 g/hl

Sulfitage

fort

4 g/hl

SO2 libre (mg/l) 2 7

[anthocyanes] mg/l 35 67

Moût

Intensité Colorante 1,09 0,53

[anthocyanes] mg/l 23 37

Vin

Intensité Colorante 0,126 0,152

Tableau 2 : Analyses sur moût après décuvage et sur vin. Grenacheobtenu par macération 12 heures à 18°C. ITV Nîmes1999

Références bibliographiques

1 - COTTEREAU P et JARLOT JM., 2006. Macérations. Lescahiers itinéraires d’ITV-France, 11, 30,31.

2 - VUCHOT P., GANICHOT B. et ROUSTANG O., 2006. Lesvins rosés en vallée du Rhône. Les cahiers itinéraires d’ITV-France, 11, 28-29.

3 - PUCHE S et CAYLA L, 2007. Des rosés fruités grâce à unematurité avancée. Rosé.com, 12, 14-17.

4 - TOUZET F., 2008. Couleur des rosés : des repères àconnaître, des pièges à éviter. Rosé.com, 14, 12-14.

5 - CAYLA L., 2005. Une phase sensible du pressurage : leremplissage. Rosé.com 8, 20-22.

6 - CAYLA L., COTTEREAU P., MASSON G. et GUERIN L., 2009.Les enzymes en œnologie 1er volet : Intérêt dans les opéra-tions préfermentaires sur vin rosé. Revue Française d’œnolo-gie. A paraitre.

7 - COTTEREAU P., 2004. Synthèse des études “vins rosés”,influence sur la couleur des principaux paramètres de vinifi-cation. Entretiens Rhône Méditerranée.

8 - CAYLA L, PUCHE S et DESSEIGNE J.M., 2008. Presser sousgaz inerte est favorable à la qualité des rosés de Grenache,Rosé.com 13, 5-7.

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36 Les Entretiens Viti-Vinicoles Rhône Méditerranée 2009

Depuis de nombreuses années, lesvignerons ont mis en œuvre une poli-tique de qualité, qui s’est traduite parl’élaboration de vins plus concentrés,aux arômes plus expressifs, et souventplus riches en alcool. La maîtrise desrendements, le choix de cépages amé-liorateurs, l’attente d’une maturité opti-male polyphénolique ou aromatique…accompagné du réchauffement global duclimat ces dernières années ont entraînél’élaboration de vins plus qualitatifs maisavec des degrés alcooliques jugés parfoisexcessifs, et des acidités faibles avec despH très élevés. En Provence, c’est notam-ment le cas des rosés issus des cépagesGrenache, Syrah et dans une moindremesure Mourvèdre et Cinsault.

De nouvelles pratiques œnologiquesfaisant appel à des techniques sépara-tives peuvent apporter des solutions. Unprocédé électromembranaire (alternan-ce de membranes cationiques et bipo-laire) conduit à exporter les seulscations et à abaisser ainsi le pH du vin.

Pour diminuer la teneur finale enalcool, il est possible d’éliminer du sucredu moût avant la fermentation ou deretirer de l’alcool dans le vin élaboré. Latechnique REDUX® associant ultrafiltra-tion et nanofiltration pour éliminer unepartie du sucre est industriellement réa-lisable. Pour la désalcoolisation des vins,de multiples possibilités industriellesexistent comme les couplages nanofil-tration ou osmose inverse avec la distil-lation, mais aussi couplage avec les

contacteurs à membranes. La distillationdirecte est aussi envisageable sur unepartie du vin, la technique des cônesrotatifs sous vide (spinning conecolumn) est utilisée aux Etats Unis et enAustralie depuis plusieurs années.

A – Maîtrise de la concentration en alcool

1) Première possibilité : réduire lateneur en sucre des moûts

Bucher Vaslin propose le procédéREDUX® associant ultrafiltration etnanofiltration pour éliminer une partiedu sucre contenu dans le moût sous for-me d’un semi-concentré quasi incolore(schéma 1). L’ultrafiltration prépare lemoût en le décolorant afin de per-

Corriger les effets d’une maturité excessivePhilippe COTTEREAU, Institut Français de la Vigne et du Vin

Ultrafiltration

Mise en oeuvre de REDUX ®

Co ncentréCouleur + Arômes

EauSucre Acides

Ea u de ra isin a cideEau + Acides

Concentration

par nanofiltration

Concentré de

Sucre

r é t e n t a t

r é t e n t a t

p e r m é a t

p e r m é a t

V o lu m e n é c e s s a ir e

a u t r a i t e m e n t

Schéma 1 : Principe de la réduction de la teneur en sucre des moûts (Source : Bucher Vaslin)

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Les Entretiens Viti-Vinicoles Rhône Méditerranée 2009 37

mettre une concentration importanteen sucre par nanofiltration. L’eau ainsirécupérée est acide car les acides nesont que partiellement retenus par lananofiltration. Cette eau est recyclée etréincorporée dans le moût d’origine, cequi permet de réaliser une dilution ensucre, en minimisant les pertes demacromolécules.

Cette technique ne permet pas dedépasser une baisse de degré supérieu-re à 2 % vol. car la perte de volumen’est pas négligeable environ 8 % pardegré potentiel éliminé.

La possibilité de valoriser le sucre éli-miné conditionnera l’impact financierde cette pratique. L’utilisation de l’os-mose inverse pour augmenter la riches-se en sucre des moûts (pratique autori-sée) engendre aussi une perte de volu-me du même ordre de grandeur.

2) Seconde possibilité : désalcooliserles vins

2.1) Couplage Nanofiltration ou osmo-se inverse avec la distillation

La première étape de nanofiltration oud’osmose inverse consiste à éliminer lessolvants à travers une membrane spéci-fique, sous l’action d’une pressionsupérieure à la pression osmotique duproduit. Pour le vin, un mélange d’eauet d’alcool avec plus ou moins d’autres

petites molécules comme les acidesorganiques ou le potassium (perméat)est extrait (schéma 2) c’est à ce niveauqu’i l existe des différences entreosmose inverse et nanofi ltrationchaque technique ayant des avantageset des inconvénients.

Pour obtenir une réduction de lateneur en alcool, il est nécessaire d’éli-miner l’alcool de ce perméat et deréintroduire l’eau ainsi récupérée dansle vin traité.

Le perméat distillé permet d’obtenirun alcool très concentré (> 90 % vol)ne contenant que des traces d’acidesorganiques. L’eau native récupérée aune composition proche de celle duperméat mais est très pauvre en étha-nol. Les caractéristiques analytiques duvin désalcoolisé sont très proches aufinal du vin de départ hors baisse del’éthanol.

2.2) Couplage Nanofiltration ou osmo-se inverse avec les contacteurs à mem-branes

La première étape est la même queprécédemment (schéma 2). Par contrel’élimination de l’alcool se réalise grâceà un contacteur à membrane. Lecontacteur utilise une membrane demicrofiltration tangentielle maishydrophobe. Cette propriété empêche

le passage des espèces hydrophilescomme l’eau, par contre les formesgazeuses ou volatils vont pouvoirmigrer sous forme vapeur selon leurgradient de concentration entre lesdeux cotés de la membrane. Cesespèces volatiles extraites du perméatseront recueillies dans de l’eau circu-lant à une vitesse tangentielle iden-tique pour ne pas générer un gradientde pression. En conséquence, l’eau vase charger en alcool. Il sera donc néces-saire de toujours conserver uneconcentration plus faible en alcooldans cette eau que dans le perméat.Cette technique nécessite des quanti-tés assez importantes d’eau, propor-tionnelle à la perte de degré. Il faudraenvisager de traiter cette eau commeun rejet vinicole ou de récupérer sonalcool. Les perméats de nanofiltrationétant plus riches en alcool que ceuxd’osmose inverse, la quantité d’eau uti-lisée sera plus faible et permettra d’ob-tenir une concentration en alcool jus-qu’à 8 à 9 % vol en fonction des typesde désalcoolisation souhaités. Parcontre, les pertes aromatiques (notam-ment les esters et acétates) seront plusimportantes.

Le matériel industriel actuellement dis-ponible est un procédé Australien(MEMSTAR), le premier étage est unenanofiltration.

Alcoolà 92 -95 % vol

Vin (14 % vol)Perméat (7 à 13 % vol)

Perméat désalcoolisé

Rétentat

NF

ou

OI

Colonne à

distiller

Vin d é sa lco o lisé

Eau + alcool4 à 9 %vol

Eau

Contacteurà

membrane

OU

0,5 % vol 3 à 6 % vol

Schéma 2 : Principe du couplage nanofiltration / distillation (NF = Nanofiltration - OI = Osmose inverse)

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38 Les Entretiens Viti-Vinicoles Rhône Méditerranée 2009

2.3) Distillation ou évaporation sousvide en couche mince du vin

Aux Etats Unis et en Australie, une tech-nique “colonne à cône rotatif sousvide” (spinning cone column) a étédéveloppée.

Une partie seulement du vin à désalcoo-liser est traité. Ce volume est dans unpremier temps “désaromatisé” avec larécupération d’une fraction aroma-tique. Le vin désaromatisé est forte-ment désalcoolisé (jusqu’à 3 % vol envi-ron). La fraction aromatique est réintro-duite dans ce vin désalcoolisé. Ce vinfortement désalcoolisé est réassembléavec le reste de la cuve à traiter.

Le titre de l’alcool retiré est supérieur à80 % volume, ce qui limite la perted’eau à un volume très faible.

Aucun essai n’a été à ce jour réalisé enFrance.

3) Qualité des vins “désalcoolisés”

Les analyses œnologiques classiques nemontrent pas beaucoup de différenceentre le vin avant traitement et aprèstraitement sauf au niveau de l’alcool.

La baisse de la concentration en sucrepermet d’avoir une fermentation alcoo-lique facilitée. L’acidité volatile estlégèrement inférieure avec cette tech-nique et notamment avec les richessesen sucre les plus fortes.

Dans les essais où une récolte précoce aété réalisée le vin correspond se caracté-rise logiquement par une couleur plusfaible (rosé et rouge) et une acidité plusimportante.

Les techniques utilisées (spinning conecolumn non testé) pour réduire lateneur finale en alcool des vins entraî-nent une baisse de certains composésvolatils notamment des acétates et desesters. Par rapport à une récolte préco-ce, il existe en général un gain en esterset en acétates avec une meilleure matu-rité. La perte due au traitement est enpartie compensée par ce gain. Lesconditions de maturation auront doncun rôle important.

L’utilisation de nanofiltration peutengendrer des chutes de concentrationen esters plus importante qu’avec l’os-mose inverse, mais les écarts seront sen-

sibles pour des désalcoolisations impor-tantes (> - 3 % Vol).

D’après l’ensemble des essais réalisésen diverses régions viticoles, les autresfamilles de composés volatils – thiols –pyrazines – terpènes – C13 comme laß-damascénone – sont en général trèspeu modifiées.

En dégustation, sans obtenir toujoursle seuil significatif de 5 %, les vins dela même date obtiennent souvent desnotes qualitatives proches (- 2 %vol dedésalcoolisation en général dans lesessais) alors que le vin issu de la récol-te précoce est souvent rejeté pour cescaractères de verdeur (acidité, végétal,manque de gras…).

En examinant les résultats des diffé-rents descripteurs de dégustation, lesvins à teneur réduite en alcool parrapport au témoin de la même date derécolte présentent souvent une inten-sité olfactive, un caractère de gras oude chaleur plus faibles, ce qui corres-pond aux modifications analytiquessignalées.

Schéma 3 : Principe du traitement avec les colonnes à cônes rotatifs (Source www.conetech.com)

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Les Entretiens Viti-Vinicoles Rhône Méditerranée 2009 39

ss

CADRESEPARATEUR CADRE

SEPARATEURREJET

PRODUIT

TRAITE

C A T H O D E

MEMBRANECATIONIQUE

MEMBRANEBIPOLAIRE

MEMBRANECATIONIQUE

K + C A + +ANODE

REJET

PRODUITBRUT

PRODUITà

TRAITER

CONCENTRAT

E U R O D IA

Schéma 4 : Principe du traitement d’électrodialyse à membranes bipolaires (Source : INRA / EURODIA).

B – Maîtrise du pH – Electrodialyse à membranesbipolairesLes valeurs de pH jugées trop élevées nesont pas principalement dues à un déficitde la teneur en acides organiques maisplutôt à un excès de cations et surtout depotassium. L’acidification avec l’acide tar-trique est une opération difficile à maîtri-ser et la prédiction du pH finalementobtenu sur le vin fini reste aléatoire.

L’électrodialyse à membranes bipolaires(schéma 4) permet d’extraire des cationsd’une solution, la membrane bipolairecédant un proton pour respecter les lois

de l’électro-neutralité. On peut considé-rer qu’une membrane bipolaire estconstituée d’un assemblage d’une mem-brane cationique et d’une membraneanionique. Le positionnement conve-nable des faces soit anioniques, soitcationiques dans un empilement interditrespectivement le transfert des cationsou des anions. Ainsi, l’association dansun empilement de membranes bipo-laires avec des membranes cationiquesconduit à l’exportation des cations et àla rétention des anions et entraîne, ain-si, la réduction du pH sans modifier lateneur en acide. Le procédé est facile-ment pilotable par le pH. Le traitement

peut s’envisager sur moût mais lesconditions opératoires sont plus simpleset plus précises sur vin où le pH souhaitéest toujours effectivement obtenu.

Les essais réalisés à ce jour montrent l’in-térêt du procédé et sa fiabilité, lesdébits de traitement sont directementliés à la variation de pH souhaité.

Les modifications organoleptiques sontassociées aux variations de pH, la sensa-tion de fraicheur bien sûr mais aussi lesune augmentation accrue des nuancesrouges notamment très intéressantedans l’élaboration de rosé à faible inten-sité colorante.

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L’équipe du Pôle Rhône Méditerranéede l’Institut Français de la Vigne et du Vin

Domaine de Rodilhan - 30230 Rodilhan - Tél. 04 66 20 67 00 - Fax 04 66 20 67 09 - www.vignevin.com

Siège : Institut Français de la Vigne et du Vin (ENTAV - ITV France) - Domaine de l’Espiguette - 30240 LE GRAU DU ROI

BOUCKENOOGHE VirginieTechnicienne - Analyses [email protected]

CABOULET DenisIngénieur œnologue - Physiologie de la [email protected]

CAYLA LaureIngénieur œnologue - Elaboration des vins rosé[email protected]

CLAVERIE MarionIngénieur - Protection du [email protected]

COTTEREAU PhilippeIngénieur œnologue - Technologie vinicoleItinéraire technique d’élaboration des [email protected]

DELPUECH XavierIngénieur œnologue - Entretien des [email protected]

DESSEIGNE Jean-MichelIngénieur œnologue - Equipements [email protected]

GRINBAUM MagaliIngénieur - Analyses de ré[email protected]

GUERIN-SCHNEIDER RémiŒnologue - Analyses arômes et polyphé[email protected]

IMBERN Nathalie Secré[email protected]

LARIGNON PhilippeIngénieur - Maladies du [email protected]

MOLOT BernardIngénieur - Protection [email protected]

MULLER MichelTechnicien viticulture/œ[email protected]

PAYAN Jean-ChristopheIngénieur agronomie - Physiologie de la [email protected]

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