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Vitamine D et infections Jade Ghosn 1,2 , Jean-Paul Viard 1,2 1. Hôpital universitaire Hôtel-Dieu, unité fonctionnelle de thérapeutique en immuno-infectiologie, centre de diagnostic et de thérapeutique, 75004 Paris, France 2. Université Paris Descartes, faculté de médecine, EA 3620, site Necker, 75015 Paris, France Correspondance : Jean-Paul Viard, Hôpital universitaire Hôtel-Dieu, unité fonctionnelle de thérapeutique en immuno-infectiologie, centre de diagnostic et de thérapeutique, 1, place du Parvis-Notre-Dame, 75004 Paris, France. [email protected] Disponible sur internet le : 17 septembre 2013 De nombreuses études observationnelles ont rapporté des associations entre le déficit en vitamine D et, d’une part, la susceptibilité aux infections aiguës et, d’autre part, l’évolution plus défavorable de certaines infections chroniques. Quelques études d’intervention contrôlées viennent étayer ces données, en particulier dans le domaine de la tuberculose, mais les hypothèses générées par les études épidémiologiques, qui font appel au rôle joué par la vitamine D dans l’immunité anti-infectieuse, restent encore largement à confirmer. Presse Med. 2013; 42: 13711376 ß 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. en ligne sur / on line on www.em-consulte.com/revue/lpm www.sciencedirect.com VITAMINE D Dossier thématique 1371 Mise au point Key points Vitamin D and infectious diseases Vitamin D plays a role in the synthesis of antibacterial peptids and in autophagy. Several studies have shown that low levels of vitamin D are associated with the susceptibility and the severity of acute infections on one hand, and with an unfavorable outcome of some chronic infections (such as HIV infection). Vitamin D supplementation improves response to treatment of some viral (such as chronic hepatitis C infection) or bacterial infections (such as pulmonar tuberculosis). Vitamin D supplementation demonstrated no benefit in reduc- ing the incidence of pulmonary infections. The target level of vitamin D to be reached after supplementa- tion is not known yet. Points essentiels La vitamine D est impliquée dans des processus de synthèse de peptides antibactériens et dans le mécanisme d’autophagie. De nombreuses études observationnelles ont montré une association entre le déficit en vitamine D et, d’une part, la susceptibilité aux infections aiguës et, d’autre part, l’évolution plus défavorable de certaines infections chroniques (infection par le VIH). La supplémentation en vitamine D améliore la réponse au traitement de certaines infections virales chroniques comme l’hépatite chronique C, ainsi que certaines infections bactérien- nes comme la tuberculose pulmonaire. Il n’a pas été montré de bénéfice d’une supplémentation en vitamine D sur l’incidence des infections pulmonaires. Le taux de vitamine D qu’il serait souhaitable d’atteindre dans ce contexte précis n’est pas encore connu. tome 42 > n810 > octobre 2013 http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2013.07.009

Vitamine D et infections

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Presse Med. 2013; 42: 1371–1376� 2013 Elsevier Masson SAS.Tous droits réservés.

en ligne sur / on line onwww.em-consulte.com/revue/lpmwww.sciencedirect.com VITAMINE D

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Key points

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The target level of vitamin D to btion is not known yet.

tome 42 > n810 > octobre 2013http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2013.07.009

Vitamine D et infections

Jade Ghosn1,2, Jean-Paul Viard1,2

1. Hôpital universitaire Hôtel-Dieu, unité fonctionnelle de thérapeutique enimmuno-infectiologie, centre de diagnostic et de thérapeutique, 75004 Paris,France

2. Université Paris Descartes, faculté de médecine, EA 3620, site Necker, 75015 Paris,France

Correspondance :Jean-Paul Viard, Hôpital universitaire Hôtel-Dieu, unité fonctionnelle dethérapeutique en immuno-infectiologie, centre de diagnostic et de thérapeutique, 1,place du Parvis-Notre-Dame, 75004 Paris, [email protected]

Disponible sur internet le :17 septembre 2013

ses

thesis of antibacterial peptids

t low levels of vitamin D arety and the severity of acuteh an unfavorable outcome of

HIV infection).oves response to treatment ofatitis C infection) or bacterialberculosis).onstrated no benefit in reduc-infections.e reached after supplementa-

Points essentiels

La vitamine D est impliquée dans des processus de synthèse depeptides antibactériens et dans le mécanisme d’autophagie.De nombreuses études observationnelles ont montré uneassociation entre le déficit en vitamine D et, d’une part, lasusceptibilité aux infections aiguës et, d’autre part, l’évolutionplus défavorable de certaines infections chroniques (infectionpar le VIH).La supplémentation en vitamine D améliore la réponse autraitement de certaines infections virales chroniques commel’hépatite chronique C, ainsi que certaines infections bactérien-nes comme la tuberculose pulmonaire.Il n’a pas été montré de bénéfice d’une supplémentation envitamine D sur l’incidence des infections pulmonaires.Le taux de vitamine D qu’il serait souhaitable d’atteindre dansce contexte précis n’est pas encore connu.

De nombreuses études observationnelles ont rapporté desassociations entre le déficit en vitamine D et, d’une part, lasusceptibilité aux infections aiguës et, d’autre part, l’évolutionplus défavorable de certaines infections chroniques. Quelques

études d’intervention contrôlées viennent étayer ces données,en particulier dans le domaine de la tuberculose, mais leshypothèses générées par les études épidémiologiques, quifont appel au rôle joué par la vitamine D dans l’immunitéanti-infectieuse, restent encore largement à confirmer.

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J Ghosn, J-P Viard

Vitamine D, immunité anti-infectieuse,inflammation

Immunité innéeLes cellules épithéliales et les monocytes/macrophages expri-ment à la fois des récepteurs Toll-like (TLR) qui reconnaissentdes ligands issus des agents infectieux, le cytochromeCYP27B1 qui réalise l’activation de la 25-hydroxyvitamine D[25(OH)D] par son hydroxylation en 1a, et le récepteur de lavitamine D (VDR) [1]. Ce système intracrine joue un rôleimportant dans la production de peptides antibactériens,comme la cathélicidine, bactéricide notamment sur le bacilletuberculeux, ou la b-défensine 4A. L’activation des TLR pro-voque la synthèse de ces peptides via la transcription duCYP27B1, puis la liaison de la 1,25-dihydroxyvitamine D[1,25(OH)2D] au VDR, et la formation, avec le récepteur Xdes rétinoïdes (RXR), d’un hétérodimère qui va régulerl’expression des gènes sensibles à l’action de la vitamine D.Ce mécanisme est à l’oeuvre dans les épithéliums, des glandessalivaires au tractus urogénital. Par exemple, il a été montréque l’épithélium de la vessie augmentait sa capacité de pro-duction de cathélicidine sous l’effet de la vitamine D, dans unsystème in vitro, confirmant que ces cellules expriment toutl’« équipement » nécessaire (VDR, CYP27B1, enzymes d’inacti-vation de la vitamine D). Surtout, ces résultats ont été observésin vivo. Huit femmes ménopausées ont eu des biopsies de vessieavant et après une supplémentation de trois mois en vitamine D :après supplémentation, l’épithélium vésical biopsié montraitune plus forte production de cathélicidine lorsque le tissu étaitinfecté expérimentalement par Escherichia coli [2].Le rôle de la vitamine D dans l’induction de l’autophagie dansles macrophages a été récemment mis en évidence. L’auto-phagie est un phénomène finement régulé qui joue un rôledans la défense anti-infectieuse – antivirale en particulier –

mais qui est inhibé par certains virus, dont le VIH. La 1,25(OH)2Dinduit, d’une manière dépendante de la dose, l’autophagiedans des macrophages dérivés des monocytes et, surtout, elle yinhibe la réplication intracellulaire du VIH et du bacille tubercu-leux. L’activation du TLR8 dans les macrophages humains induitl’expression de la cathélicidine, du VDR et du CYP27B1. Desexpériences utilisant des ARN interférents, des inhibiteurschimiques et la culture en milieu pauvre en vitamine D mon-trent que les agonistes du TLR8 inhibent l’infection cellulaire parle VIH par un mécanisme d’autophagie dépendant de la vita-mine D et de la cathélicidine [3]. Ces résultats suggèrent doncun rôle de la vitamine D dans le contrôle de l’infection par le VIHà l’échelle de la cellule et dans les défenses anti-infectieuses depremière ligne, en stimulant l’autophagie.

Immunité adaptative

Les relations entre vitamine D et cellules T ont jusqu’à présentsoutenu l’hypothèse, cliniquement pertinente, que le déficit en

vitamine D favoriserait l’apparition de maladies auto-immuneset leur évolution défavorable. En résumé, il est ainsi admis quela vitamine D favoriserait une réponse cytokinique de typeTh2 plutôt que Th1, abaisserait le rapport CD4/CD8, favoriseraitla différenciation des cellules T régulatrices (Treg) et défavo-riserait la différenciation de cellules Th17.Ces actions peuvent apparaître a priori défavorables dans lecontexte de l’immunité anti-infectieuse. Toutefois, cetteimpression doit probablement être nuancée par deux constats.Premièrement, il a été montré que le déficit en vitamine D estassocié à un défaut de prolifération des cellules T, corrigé parl’adjonction de vitamine D active, et surtout que le systèmevitamine D-VDR est impliqué dans la transduction du signal viale récepteur des cellules T pour l’antigène dans les cellulesnaïves. Ceci suggère un rôle précoce de la vitamine, en amontde l’orientation de la réponse cytokinique.Deuxièmement, il a été tout récemment montré, chez la souris,que les cellules Treg jouent un rôle important dans le« priming » des cellules T CD8. Alors que les cellules Tregsont surtout connues pour leur effet suppressif sur les réponsesauto-immunes, leur déplétion induit l’activation et l’expansiond’une population de cellules CD8+ de faible avidité, liée à lasurproduction des chimiokines CCL-3/4/5 qui stabilisent lesinteractions entre cellules dendritiques et cellules T de faibleavidité. En l’absence de Treg, l’avidité de la réponse immuneprimaire reste limitée, résultant en une altération de la réponseimmune mémoire contre Listeria monocytogenes. Ces résultatssuggèrent que les Treg sont d’importants modulateurs del’homéostasie et du « priming » des lymphocytes T CD8, jouantainsi un rôle important dans l’induction d’une réponse primairede haute avidité et d’une réponse mémoire efficace [4].

Inflammation

En population générale, chez des patients ayant subi unecoronarographie, le déficit en vitamine D était associé à lamortalité mais aussi à des taux élevés de marqueurs d’adhé-sion cellulaire, de stress oxydatif et d’inflammation (protéine C-réactive [CRP] et interleukine 6 [IL-6]) [5]. Dans une étudecontre placebo, menée chez des sujets insuffisants cardiaques,la supplémentation en vitamine D a permis d’abaisser le tauxde TNF-a et d’augmenter celui de la cytokine anti-inflamma-toire IL-10 [6]. Dans une grande cohorte, en populationgénérale, des concentrations basses de 25(OH)D ont aussiété associées à des taux élevés de marqueurs de l’activationde la coagulation : activateur tissulaire du plasminogène et D-dimères [7]. Ceci est à rapprocher de la valeur prédictive desmarqueurs inflammatoires (CRP et IL-6) et de l’activation de lacoagulation (D-dimères) sur la mortalité et les maladies oppor-tunistes chez les patients porteurs du VIH inclus dans l’étudeSMART [8].La supplémentation en vitamine D, en sus du traitementantituberculeux, induit une correction beaucoup plus rapide

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Vitamine D et infectionsVitamine D

des désordres immunitaires et inflammatoires provoqués parl’infection que le traitement antituberculeux seul. On peut doncémettre l’hypothèse que la vitamine D, en plus de favoriserl’activation de la réponse immune innée et adaptative, limi-terait les conséquences néfastes de l’immunopathologie (acti-vation immune et inflammation) induite par les agentspathogènes.

Vitamine D et infections aiguës

TuberculoseDu fait de son rôle important dans la capacité des cellulesmacrophagiques à s’activer en présence d’un agent pathogène,le taux sérique de vitamine D pourrait intervenir dans laréponse contre Mycobacterium tuberculosis [9].

Études observationnelles

Dans une étude réalisée auprès de sujets originaires d’Afriquesub-saharienne et résidant en Australie, le taux sérique moyende 25(OH)D des patients ayant une maladie tuberculeuselatente ou un antécédent de tuberculose était significativementplus faible que chez ceux indemnes d’infection tuberculeuse[10]. Des données similaires ont été observées dans d’autresétudes menées au Pakistan ou en Afrique du Sud [11]. Du faitde ces résultats, des études interventionnelles ont ensuite étémenées.

Essais d’intervention

Il n’y a pas, à ce jour, d’essais interventionnels de supplémen-tation en vitamine D ayant pour objectif de prévenir le déve-loppement d’une maladie tuberculeuse, en dehors du contexteparticulier des insuffisants rénaux dialysés chez lesquels unesupplémentation en vitamine D ne réduit pas le risque dedévelopper une tuberculose. En revanche, plusieurs étudesont été menées dans le but d’évaluer l’intérêt potentield’une supplémentation en vitamine D chez des patientsayant une tuberculose maladie. Ces différents essais n’ontpas réussi à démontrer un bénéfice significatif de la supplé-mentation en vitamine D mais ils étaient souvent limités par unnombre restreint de patients et par l’utilisation de vitamine D2[12]. Une étude plus récente, menée à Londres chez despatients ayant une tuberculose pulmonaire confirmée (culturepositive sur crachats), a comparé la réponse aux traitementsantituberculeux (estimée par le nombre de jours entre leurinstauration et la négativation des cultures de crachats) chez126 personnes prenant toutes un traitement antituberculeuxmais dont 62 recevaient en plus de la vitamine D3 (4 doses de2,5 mg administrées à l’inclusion, j14, j28 et j42 après le débutdes antituberculeux) et 64 un placebo. Il n’a pas été montré dedifférence en termes de réponse au traitement antituberculeuxentre les deux groupes. En revanche, le nombre de jours entrel’instauration du traitement antituberculeux et la négativationdes cultures de crachats était significativement plus faible chez

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les sujets recevant la supplémentation et ayant un génotype tt

pour le récepteur TaqI à la vitamine D, suggérant que celle-cipourrait être bénéfique dans ce sous-groupe de patients [13].

Infections respiratoires hautes et bassesÉtudes observationnellesUne association significative entre un déficit en vitamine D et lerisque de développement de pneumopathies sévères a étéobservée, chez des enfants comme chez des adultes [14].

Essais d’intervention

Une étude menée en Nouvelle-Zélande chez 322 jeunes adultesen bonne santé s’est intéressée à l’effet d’une supplémenta-tion en vitamine D sur le nombre d’infections respiratoireshautes. Dans cet essai, 161 sujets ont reçu une dose initialede 200 000 UI de vitamine D3, la même dose un mois plus tardpuis 100 000 UI une fois par mois alors que les 161 autresparticipants ont reçu un placebo administré selon le mêmeschéma. Au cours du suivi, 593 épisodes d’infections respira-toires hautes ont été rapportés dans le groupe vitamine D et611 dans le groupe placebo, la différence n’étant pas signifi-cative. Cette étude n’a donc pas démontré de bénéfice d’unesupplémentation en vitamine D sur la survenue d’infectionsrespiratoires hautes chez des adultes jeunes en bonne santé[15].Un autre essai mené chez des patients ayant une broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO) modérée ousévère a évalué l’effet d’une supplémentation en vitamine Dsur la réduction du risque de survenue d’épisodes d’exacerba-tion de la BPCO. Sur les 182 patients inclus dans l’étude, lamoitié a reçu 100 000 UI de vitamine D par mois pendant12 mois et l’autre moitié un placebo. Le critère de jugementprincipal était le temps entre l’inclusion et la survenue dupremier épisode d’exacerbation. Il n’a pas été montré debénéfice de la supplémentation au regard du critère de juge-ment principal pour l’ensemble des patients de l’étude. Enrevanche, dans le sous-groupe de sujets qui avaient un déficitprofond en vitamine D à l’inclusion (défini par un taux sériquede 25(OH)D < 10 ng/mL), le nombre d’épisodes d’exacerba-tion a été significativement plus faible sous vitamine D que sousplacebo [16].Enfin, une étude menée chez des enfants en Afghanistan s’estintéressée au bénéfice potentiel d’une supplémentation envitamine D3 sur l’incidence des pneumopathies : 1524 enfantsont reçu une dose de 100 000 UI de vitamine D3 tous les quatremois pendant 18 mois et 1522 enfants ont reçu un placeboselon le même rythme d’administration. Aucune différence n’aété mise en évidence en termes d’incidence entre le grouped’enfants recevant une supplémentation en vitamine D3 etceux recevant un placebo [17].Ainsi, contrairement à la tuberculose, la supplémentation envitamine D ne semble pas apporter de bénéfice pour lesinfections respiratoires hautes ou basses.

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J Ghosn, J-P Viard

Vitamine D et infections chroniques

VIH : études observationnellesPatients non traitésDans une étude menée entre 1995 et 1997 en Tanzanie chez884 femmes enceintes infectées par le VIH, non traitées, la25(OH)D a été mesurée à l’inclusion et un suivi médian de70 mois, sans supplémentation vitaminique, a été réalisé :347 femmes avaient un taux de 25(OH)D inférieur à 32 ng/mL.Ce taux était associé au risque de progression clinique (RR :1,25 ; IC 95 % 1,05–1,50) et d’anémie (RR : 1,46 ; IC 95 % 1,09–

1,96), par rapport à une concentration supérieure à 32 ng/mL.Un taux de 25(OH)D dans le quintile le plus haut, comparé auquintile le plus bas, était associé à une diminution de lamortalité toutes causes (RR : 0,58 ; IC 95 % 0,40–0,84). Letaux maternel de 25(OH)D était associé à un risque augmentéde morbi-mortalité chez les enfants. Ceux nés de mères ayantun taux de 25(OH)D inférieur à 32 ng/mL avaient un risqueaccru de transmission de l’infection par le VIH à six semaines devie (RR : 1,50 ; IC 95 % 1,02–2,20) et pendant l’allaitement (RR :2,03 ; IC 95 % 1,08–3,82) et également un risque augmenté demortalité toutes causes à 24 mois (RR : 1,61 ; IC 95 % : 1,25–

2,07) [18].Une étude dans la cohorte ANRS COPANA (patients naïfs detraitement antirétroviral, récemment diagnostiqués) a montréune corrélation entre les taux bas de 25(OH)D et l’existenced’un déficit immunitaire plus marqué (CD4 < 100 ou < 200/mm3) ainsi qu’avec des taux de marqueurs inflammatoires(CRPus, TNF-R et résistine) plus élevés [19].Ainsi, chez des patients porteurs du VIH non traités, le déficit envitamine D est associé à une évolution clinique défavorable et àl’élévation de certains marqueurs inflammatoires.

Tableau I

Taux d’incidence (pour 100 patients-années de suivi) des évènemenporteurs du VIH, majoritairement traités par antirétroviraux, de la

Total 25(OH)D � 12

Sida

Nombre d’événements 159 73

PA 11720 3737

Incidence (IC 95 %) 1,36 (1,15–1,87) 1,95 (1,51–2

Décès

Nombre d’événements 188 87

PA 12225 3963

Incidence (IC 95 %) 1,54 (1,32–1,76) 2,20 (1,73–2

PA : patients-années de suivi.

Patients traités

Une étude menée sur un échantillon de 1985 patients de lacohorte EuroSIDA dont 83 % sous antirétroviraux, a montré uneforte association entre la présence d’un taux de 25(OH)D àl’inclusion dans le tertile inférieur (< 12 ng/mL) et la survenueultérieure, sur 60 mois de suivi prospectif, des événementsclassant Sida et des décès toutes causes, avec une réduction del’ordre de 40 %, statistiquement significative dans une analysemultivariée, du taux d’incidence de ces événements dans lesdeux tertiles supérieurs de taux de 25(OH)D à l’inclusion [20](tableau I).Dans un contexte différent (en Tanzanie), des constatations trèsvoisines ont été faites chez des patients suivis au cours de lapremière année de leur traitement antirétroviral : le déficit envitamine D était associé à une plus forte mortalité toutes causeset à une plus forte incidence d’événements classant Sida(tuberculose, candidose, wasting syndrome) [21].Dans la cohorte italienne ICONA, le déficit en vitamine D a été,en outre, un facteur indépendant associé à la survenued’événements cliniques non classants (diabète, maladies car-diovasculaires, insuffisance rénale) [22].

VHCÉtudes observationnellesUne étude observationnelle menée en Italie a recherché uneéventuelle association entre le taux sérique de 25(OH)D et lescore de fibrose, au niveau hépatique, chez des sujets ayantune hépatite C chronique réplicative de génotype 1 et chez destémoins non infectés par le VHC, appariés pour l’âge et le sexe.Cent quatre-vingt-dix-sept patients souffrant d’une hépatite Cchronique et ayant eu une évaluation histologique récente de lafibrose hépatique (par ponction-biopsie hépatique) ont été

ts en fonction du taux de 25(OH)D à l’inclusion chez 1985 patientscohorte EuroSIDA [20]

ng/mL 12 < 25(OHD) � 20 ng/mL 25(OHD) > 20 ng/mL

39 47

3654 4329

,40) 1,07 (0,73–1,40) 1,09 (0,78–1,40)

47 54

3780 4482

,66) 1,24 (0,89–1,60) 1,20 (0,88–1,53)

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Vitamine D et infectionsVitamine D

inclus, ainsi que 49 témoins. Le taux sérique de vitamine D étaitsignificativement plus bas chez les sujets atteints d’une hépa-tite C chronique par rapport aux témoins (25,07 vs 43,06 ng/mL, p < 0,001). Parmi les patients porteurs d’une hépatite C, untaux sérique bas de vitamine D était significativement associé àune fibrose hépatique plus sévère (F3-F4) en analyse multi-variée. Enfin, dans un sous-groupe de patients ayant reçu, aprèsl’inclusion dans l’étude, un traitement par peg-interféron etribavirine, le taux sérique de vitamine D était un facteurindépendant significativement associé à la réponse virologiquesoutenue après arrêt du traitement [23].Une autre étude a été menée chez des patients co-infectés parle VIH-1 et le VHC (génotype 1 ou 4) pour évaluer, en fonctiondu taux sérique de vitamine D à l’inclusion, la proportion depatients chez lesquels une éradication virale était obtenueaprès un traitement contre l’hépatite C. Dans cette étude, letaux sérique de vitamine D était significativement associé à laprobabilité de guérison, les patients ayant un taux sérique devitamine D supérieur à 30 ng/mL ayant la meilleure chance deguérison après traitement [24].Ces résultats ont donc amené à l’hypothèse qu’une supplé-mentation en vitamine D pourrait améliorer la réponse virolo-gique au traitement contre l’hépatite C.

Essais d’intervention

Soixante-douze patients porteurs d’une hépatite C chronique degénotype 1 ont participé à une étude au cours de laquelle ils ontété tirés au sort pour recevoir, soit une bithérapie anti-VHC avecpeg-interféron et ribavirine ainsi qu’une supplémentation envitamine D (2000 UI/j jusqu’à ce que le taux sérique dépasse32 ng/mL, n = 36), soit une bithérapie anti-VHC sans supplé-mentation en vitamine D (n = 36). Le critère principal dejugement était la proportion de patients ayant une réponsevirologique soutenue, celle-ci étant définie par un ARN-VHCindétectable 24 semaines après l’arrêt de la bithérapie. Àl’inclusion, 21 % des patients avaient un déficit sévère envitamine D (< 12 ng/mL), 59 % un taux sérique insuffisantet les 20 % restant un taux sérique de vitamine D supérieur à

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Vitamine D et vaccinsQuelques études observationnelles suggèrent que le déficit envitamine D pourrait diminuer la réponse vaccinale [26]. Uneétude interventionnelle contre placebo de supplémentation envitamine D a montré une légère supériorité des taux d’IgGantitoxine tétanique, ainsi qu’une corrélation entre ces taux etl’augmentation de la concentration de 25(OH)D dans le groupedes sujets recevant la vitamine D [27]. En revanche, chez despatients infectés par le VIH, aucun bénéfice n’a été montré, entermes d’immunisation, après vaccination contre la grippesaisonnière ou H1N1 [28]. Ces résultats peu clairs doiventdonc être complétés par des études contrôlées dans différentespopulations.

ConclusionDes données convaincantes lient le déficit en vitamine D à lafréquence ou la gravité de certaines infections. Les étudesd’intervention, encore peu nombreuses, ne sont pas toujoursconcluantes, mais ces essais sont difficiles à construire. En effet,le nombre de sujets nécessaire pour mettre en évidence unedifférence d’évolution peut être très élevé et le critère dejugement difficile à définir (les infections sont par ailleurs engénéral efficacement traitées. . .), il n’est pas certain que lasupplémentation en vitamine D doive bénéficier à tout lemonde (il pourrait être nécessaire de définir des groupes àrisque), et le taux de vitamine D circulante qu’il serait souhai-table d’atteindre dans ce contexte précis n’est pas connu.

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Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de conflitsd’intérêts en relation avec cet article.

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of primary CD8+ Te memory. Science

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J Ghosn, J-P Viard

tome 42 > n810 > octobre 2013