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Mutuelle et Santé Énergie et mitochondries Mitochondries, radicaux libres et antioxydants Probiotiques : une vraie thérapeutique complémentaire Probiotiques : de la physiologie à la thérapie Les prébiotiques Le gluten : polémiques, croyances, conflits d’intérêt ? Le jeûne, retour à notre condition première ? Surpoids, tissu adipeux… : un conflit génétique ? Acides gras, insuline, lipotoxicité et inflammation (I et II) L’œuf, un aliment exceptionnel ! Nutrition de base Le microbiote qui ne voulait pas mourir Microbiote… macroeffets ! Ces bactéries qui nous gouvernent L’efficacité du “carré d’as” en nutrithérapie Édulcorants et diabète Qui connaît la vitamine D ? La vitamine D, c’est aussi… Un petit tour au bord de l’eau Vers un intestin spirituel Philippe Fiévet Médecin nutritionniste Maître en sciences et biologie médicales HORS SÉRIE LA REVUE DE LA MTRL

Mutuelle et Santé - MTRL ID · Édulcorants et diabète 48 Qui connaît la vitamine D? 49 La vitamine D, c’est aussi… 52 Un petit tour au bord de l’eau 54 Vers un intestin

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Mutuelle et Santé

Énergie et mitochondries

Mitochondries, radicaux libres et antioxydants

Probiotiques : une vraie thérapeutique complémentaire

Probiotiques : de la physiologie à la thérapie

Les prébiotiques

Le gluten : polémiques, croyances, conflits d’intérêt ?

Le jeûne, retour à notre condition première ?

Surpoids, tissu adipeux… : un conflit génétique ?

Acides gras, insuline, lipotoxicité et inflammation (I et II)

L’œuf, un aliment exceptionnel !

Nutrition de base

Le microbiote qui ne voulait pas mourir

Microbiote… macroeffets ! Ces bactéries qui nous gouvernent

L’efficacité du “carré d’as” en nutrithérapie

Édulcorants et diabète

Qui connaît la vitamine D ?

La vitamine D, c’est aussi…

Un petit tour au bord de l’eau

Vers un intestin spirituel

Philippe FiévetMédecin nutritionnisteMaître en sciences et biologie médicales

HORS SÉRIE

LA R

EVUE

DE

LA M

TRL

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L E PREMIER RECUEIL des articles que Philippe Fiévet a publiés dansnotre revue date de 2010. Depuis, une vingtaine de nouveaux

textes ont paru dans ces mêmes pages, et nous avons estimé qu’ilsméritaient, tout autant que les premiers, cette forme de corpus quileur confère une unité que l’on retrouve seulement dans les propresouvrages publiés par l’auteur.

Car le premier de ceux-ci, L’intestin, carrefour de mon destin, qui date de 2004, soulignait déjà le rôle essentiel de cet organe et deson bon fonctionnement pour le maintien ou le recouvrement de notresanté, proposition assez ignorée alors dans le milieu médical, hormischez quelques rares spécialistes. Depuis, c’est une floraison de titresdans la grande presse, sur l’intestin “notre deuxième cerveau”, “les 100000 milliards de bactéries intestinales” qui régissent aussipuissamment notre existence que nos 100 milliards de neurones, “la greffe fécale” pour vaincre rectocolite et maladie de Crohn… bref,ce ne sont que variations sur le microbiote !

Tant mieux ! On aurait mauvais grâce de se plaindre qu’uneargumentation scientifique longtemps marginale défendue dans cescolonnes soit reprise aujourd’hui si massivement dans l’ensemble desmédias. C’est tout à l’honneur du docteur Fiévet d’avoir ainsi fait lapreuve de la cohérence de ses analyses, et nous lui savons gré d’avoirbien voulu nous en donner la primeur.

Le président,Romain Migliorini

Préface

Énergie et mitochondries4

Mitochondries, radicaux libreset antioxydants

7Probiotiques : une vraie

thérapeutique complémentaire10

Probiotiques : de la physiologieà la thérapie

12Les prébiotiques

14Le gluten : polémiques, croyances,

conflits d’intérêt ?16

Le jeûne, retour à notre condition première?

19Surpoids, tissu adipeux,

flore intestinale et inflammation : un conflit génétique?

22Acides gras, insuline,

lipotoxicité et inflammation25

Acides gras, insuline,lipotoxicité et inflammation

27L’œuf, un aliment exceptionnel !

30Nutrition de base

34Le microbiote

qui ne voulait pas mourir38

Microbiote… macroeffets !Ces bactéries qui nous gouvernent

42L’efficacité du “carré d’as”

en nutrithérapie45

Édulcorants et diabète48

Qui connaît la vitamine D?49

La vitamine D, c’est aussi…52

Un petit tour au bord de l’eau54

Vers un intestin spirituel57

Articles parus dans Mutuelle et Santé (sept. 2010 à déc. 2015)

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Nous vivons une époque d’apparente accélération du temps, ou plutôt une époque oùnous avons l’impression que tout change plus vite qu’avant; ou encore une époque qui

ne nous laisse pas le temps d’apprécier le temps qui passe et d’intégrer les changements de notreenvironnement – pas seulement climatique évidemment, mais aussi culturel et scientifique.

Nos connaissances évoluent, en apparence, plus vite que nous ne sommes capables de lesmétaboliser, comme si nous avions toujours un “train de retard” ou un “train à rattraper”…C’est pénible, déconcertant, décourageant, mais ce n’est qu’une apparence ; car beaucoupde ce qui est dit, écrit et diffusé via des ondes variables est de bien médiocre valeur, et lemieux serait de l’oublier aussitôt ou même de faire comme si on n’avait rien vu.

Pourtant, dans ce tintamarre permanent et cet amas uniforme de fausses – bonnes ou mauvaises – nouvelles, il y a aussi quelques trésors que nous aurions tort de négliger.Mais comment identifier ces petits trésors dans cette masse de platitudes ? Pour nous aider,il y a heureusement quelques guides ou passeurs qui filtrent, tamisent, mettent en relief cequ’il faut – ce que l’on peut éventuellement – retenir ou inversement rejeter sans scrupule.

Les passeurs eux-mêmes ne sont pas des prophètes au-dessus de tout soupçon; il faut, nousaussi, exercer notre esprit critique, faire le tri de ce qui est proposé par les passeurs d’idées et dethéories ou, inversement, aller parfois repêcher ce qui a été repoussé ou négligé. Bref, nul n’estprophète et nous sommes tous un peu des “pêcheurs” ou “repêcheurs” de bonnes nouvelles.

C’est avec cet état d’esprit qu’il faut entreprendre la lecture de la vingtaine d’articles rédigéspar notre ami Philippe Fiévet pour ce hors-série. C’est une magnifique revue d’ensemble demultiples objets d’intérêt des dix dernières années en nutrition et santé. Ce n’est pas une bibleni une encyclopédie ; c’est une façon très personnelle d’éveiller notre intérêt vers des conceptsinnovants dans cette discipline médicale, la nutrition, qui peine à trouver sa maturité.

On a besoin de passeurs en nutrition et Philippe Fiévet en est un ; et il a l’élégance de nepas être dogmatique. Sans cesse dans l’interrogation plutôt que dans le péremptoire, il aideà décrypter, il ouvre des portes et fenêtres, il aère l’atmosphère là où d’autres nous fontsombrer dans la confusion. Et il incite aux recherches personnelles et à la vérification. Il nenous demande pas de tout prendre “à la lettre”, il nous guide sur des chemins nouveaux touten nous incitant à la prudence et à la réflexion. Pas de recettes magiques chez Philippe Fiévet,de l’intelligence et de l’humilité. Il nous donne envie de travailler et réfléchir nous aussi…

Dr Michel de Lorgeril

Avant-propos

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4 Article paru dans Mutuelle et Santé n° 67 (sept. 2010)

L ’énergie photonique (du soleil)est transmise aux molécules dechlorophylle des organismes qui

réalisent la photosynthèse (fabrica-tion de molécules à l’aide de l’énergielumineuse des photons). L’énergie estalors transformée en énergie chimi-que, stockée dans des molécules orga-niques comme le glucose. Grâce à lasynthèse de molécules organiques, laphotosynthèse apporte aux êtresvivants hétérotrophes les substratsindispensables à la productiond’énergie cellulaire, permettant àceux-ci de rester en vie.

À la découvertedes mitochondries

Asseyez-vous confortablement etpenchez-vous vers ce microscope souslequel nous avons placé virtuellementune seule cellule. Que voyons-nous ?Une couche externe qui délimite lacellule (membrane cellulaire), unnoyau dense lui aussi bordé d’unemembrane, diverses structures, ron-des ou ovales, éparpillées au hasardentre le noyau et la limite externe cel-lulaire. Avec tout cela, et rien quecela, si dérisoire, la vie s’est organisée.C’est-à-dire le mouvement, avec soncorollaire l’autonomie. D’où vientl’énergie nécessaire utilisée pour coor-donner les actions d’une cellule ?

Regardons maintenant ces nom-breuses petites structures ovales,finement striées, que l’on nommemitochondries. Ces organites cellu-laires sont des bactéries ancestrales,qui ont intégré la cellule au tempsoù l’oxygène sur Terre était un poi-son mortel. Ces bactéries ont passéun contrat équilibré il y a environ1,6 milliard d’années entre les cellu-les précaryotes et les procaryotes qui

ont inventé la respiration cellulaire.Les mitochondries ont appris au fildes âges à détruire lentement l’oxy-gène, en contrôlant par des proces-sus enzymatiques complexes etséquentiels la dégradation de ce gaz.L’essentiel de l’énergie provient del’oxydation alimentaire en présenced’oxygène dans les mitochondries(respiration). Les molécules carbo-nées (acides gras et sucres essentielle-ment) fournissent de l’eau et du gazcarbonique (CO2) ; c’est la respira-tion cellulaire des mitochondries quidégage de l’énergie, pour moitiésous forme de chaleur.

Les mitochondries (300 à 3000 parcellule !) sont donc les centrales éner-gétiques de toute cellule. Elles ontinventé l’extraction de l’énergie.

L’ATP, ou adénosinetriphosphate

Cette molécule est considérée commela monnaie énergétique universelle.La majorité des organismes vivantsutilise l’ATP pour effectuer les tra-vaux cellulaires nécessaires à la vie.L’ATP apporte l’énergie aux transpor-teurs membranaires de molécules,fournit l’énergie aux protéines motri-ces permettant la locomotion cellu-laire mais aussi le trafic moléculaireinterne entre les organites. L’ATP estle fournisseur privilégié d’énergiepour les réactions de biosynthèse.

La moitié restante est stockée sousforme chimique au sein des molécu-les d’ATP produites à partir de l’ADP(adénosine diphosphate). Donc lamoitié de l’énergie produite est

Énergie et mitochondriesLa vie sur la Terre résulte de l’interaction entre la matière et l’énergie :

les mitochondries sont les éléments essentiels des processus énergétiques cellulaires

Mitochondries

Noyau

Lysosome

Centrioles

Chromatine

Ribosomes

Membrane plasmique

Nucléole

Mitochondrie

Appareilde Golgi

Mitochondrie

Cils membranaires

Les constituants d’une cellule humaine.

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5Article paru dans Mutuelle et Santé n° 67 (sept. 2010)

contenue dans des liaisons chimi-ques entre atomes de phosphore. Lephosphore de l’ATP sera ensuite uti-lisé pour être greffé sur d’autresmolécules, permettant leur activa-tion (phosphorylation) : c’est l’ordrede mise en route du travail cellulaire.Il y a donc relation entre oxydationet phosphorylation (couplage respi-ratoire). Laquelle découverte a valuun prix Nobel !

Cette énergie est fabriquée en per-manence ; un adulte fabrique par jourenviron 40 kg de cette moléculeindispensable. C’est que, dans unorganisme adulte, il n’y a pas moinsde dix mille milliards de mitochon-dries au travail !

Saviez-vous que les mitochondriescontiennent aussi de l’ADN, toutcomme le noyau cellulaire ? Elles ontdes fonctions multiples, ne se résu-mant pas à la seule productiond’énergie. Elles fabriquent des com-posés importants pour le bon fonc-tionnement cellulaire (hormones sté-roïdes, protéines mitochondriales,ARN divers mitochondriaux), régu-lent la concentration cellulaire du cal-cium, interviennent dans la détoxica-tion de composés toxiques (synthèsede l’urée à partir de l’azote, oxydationdu lactate), et jouent un rôle prépon-dérant dans le contrôle de la mortprogrammée de la cellule (apoptose= suicide physiologique). Cet ADNest transmis uniquement par la mère.

Énergie et glucoseC’est la voie biochimique génératriced’énergie la plus ancienne. Une molé-cule de glucose commence à êtredégradée dans le cytoplasme par diversenzymes agissant successivement, puisles fragments (2 molécules de pyru-vate) sont introduits dans la mito-chondrie (en présence de vitamine B1)et celle-ci va en extraire le maximumd’énergie, c’est-à-dire au total36 molécules d’ATP. Si la mitochon-drie ne fonctionne pas bien ou si elleest débordée (par exemple effort mus-culaire intense avec apport d’oxygèneinsuffisant), il se fabrique de l’acidelactique par fermentation du glucose(c’est-à-dire à l’abri de l’oxygène), ce

qui va acidifier d’une manière exces-sive les tissus et engendrer des effetsdélétères au niveau des cellules.

Énergie et acides grasIl existe trois catégories principalesd’acides gras. Les acides gras saturéset les acides gras monoinsaturés peu-vent être fabriqués par les cellules del’organisme, surtout celles du foie. Latroisième catégorie est constituée parles acides gras polyinsaturés. Ceux-cisont essentiels car les molécules chefsde file de la voie de biosynthèse doi-vent absolument être apportées parl’alimentation : l’organisme ne peutpas les fabriquer. Parmi les acides grasessentiels, on distingue deux classes :la famille des oméga 6, avec son chefde ligne l’acide linoléique (LA), et lafamille des oméga 3, avec son chef defile l’acide alphalinolénique (LNA).Apportés par l’alimentation, unechaîne enzymatique va les transfor-mer en différents produits extrême-ment importants pour le fonctionne-ment cellulaire en général et pour lamitochondrie en particulier. Ces aci-des gras essentiels interviennent àplusieurs niveaux.

Utilisation cellulaire des acides gras essentiels

Ils conditionnent la qualité des membranes cellulairesIl faut savoir qu’une cellule, c’est unegoutte d’huile, aussi fluide et défor-mable. Cette fluidité est une caracté-

ristique primordiale de toutes lesmembranes d’une cellule : mem-brane externe, membranes entourantles mitochondries, le noyau, lesdivers organites intracellulaires.Cette fluidité permet une grandefacilité des échanges intra- et extra-cellulaires. En effet, les moléculespossédant une fonction de récepteurplantées dans les membranes doiventfacilement s’associer, se retourner,bouger, changer de place éventuelle-ment ; enserrées dans une membranepeu fluide, les protéines réceptricesvoient leur fonctionnement altéré, etleur efficacité à transmettre un mes-sage diminuée. Pas assez d’informa-tions transmises, et voilà une com-munication cellulaire défaillante, desdérèglements, des ordres mal com-pris, mal émis et mal perçus… lemétabolisme s’en ressent, le potentielde vie diminue.

Si les molécules de pyruvate(venant du glucose) n’entrent pas suf-fisamment dans les mitochondries,en raison de la rigidité de leurs mem-branes, l’énergie diminue… Imagi-nons un instant que notre cellule enmal de fluidité soit à présent un neu-

rone (cellule du cerveau) ; le cerveauconsomme environ 100 g de glucosepar jour ; 60% du poids du cerveauest constitué d’acides gras polyinsatu-rés. Le cerveau est donc le prototyped’organe fluide ; vous imaginez sanspeine ce que peut donner un cerveaurigide, où les transporteurs de glucose

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6 Article paru dans Mutuelle et Santé n° 67 (sept. 2010)

sont mal à l’aise, qui ne fabrique pasassez d’énergie, qui ne peut pas trèsbien connecter toutes ses parties…

Ils sont précurseursd’autres moléculesFabriqué à partir de LNA (chefoméga 3), l’EPA (éicosapentaénoï-que, oméga 3) est très important. Ilest le précurseur de molécules anti-inflammatoires et dilatatrices desvaisseaux sanguins (prostaglandi-nes). Au niveau mitochondrial, il esttransformé en DHA. Le DHA (à nepas confondre avec la DHEA, quiest un précurseur hormonal !) estl’acide gras le plus fluide de l’orga-nisme, très présent dans le cerveau.Sa présence dans les lipides desmembranes détermine la souplessede celles-ci. Il appartient aussi à la famille oméga 3, dont il est leplus long représentant (22 atomesde carbone).

Le DGLA (acide digammalinoléi-que) est fabriqué à partir du LA(oméga 6) et sert de précurseur àd’autres prostaglandines régulatricesde l’inflammation. D’autre part, ceDGLA fournit de l’acide arachidoni-que (oméga 6) qui, lui, est précurseurde prostaglandines, lesquelles enclen-chent et entretiennent l’inflamma-tion, tout en diminuant l’efficacitédu système immunitaire.

Les acides gras essentiels comme source énergétiqueLes acides gras sont brûlés préféren-tiellement dans les mitochondriesdes cellules cardiaques et musculai-res. Les mitochondries en extraientde l’ATP jusqu’à la dernière goutte,aux alentours de 135 ATP selon lamolécule d’acide gras ! Mais voilà,les acides gras (qui sont de grossesmolécules) ne peuvent entrer direc-tement dans les mitochondries : illeur faut être couplés avec du coen-zyme A. Ainsi apprêtés, le concoursd’une enzyme membranaire mito-chondriale est nécessaire pour fran-chir la barrière. Cet enzyme fonc-tionne avec de la L-carnitine, unacide aminé fabriqué dans le foie etle rein. 75 % de la L-carnitinenécessaire est d’origine ali-mentaire ; 90 % de la carnitine seretrouve dans les cellules musculai-res squelettiques et cardiaques, làoù la production d’ATP à partir desacides gras est la plus spécialisée.Encore une fois, si l’enzyme à L-carnitine ne peut travailler cor-rectement dans une membranemitochondriale rigidifiée par man-que de DHA, la mitochondrie voitson rendement énergétique chu-ter… De même, si la L-carnitinevient à manquer (ce qui est rarequand même), l’effet est identique.

Pourtant, il est parfois nécessaire desupplémenter l’alimentation en carni-tine: on sait que les diabétiques ayantdes problèmes cardiaques présententdes taux de L-carnitine diminués. Il estvraisemblable que la L-carnitine agit enassociation avec d’autres molécules,comme le coenzyme Q10 et le niacina-mide (vitamine B3), pour maintenir lesressources énergétiques. L’additiond’acide alphalipoïque à cette supplé-mentation augmente la protectionmitochondriale car ce composé accroîtle taux intracellulaire de glutathion.

Il est de plus en plus évident queles mitochondries jouent un rôledans la genèse d’un certain nombrede maladies. Compte tenu de larichesse en mitochondries des tissusmusculaires et cérébraux, les dys-fonctionnements apparaîtront plusfacilement dans ces organes. Oncomprend facilement qu’un environ-nement peu propice à l’activité mito-chondriale diminue la quantitéd’énergie produite, avec comme pre-mière conséquence une fatigue anor-male. Il est évident qu’un environne-ment mitochondrial optimal estnécessaire à une santé optimale.

Nous continuerons dans le prochainarticle notre voyage dans les mito-chondries et les antioxydants… �

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7Article paru dans Mutuelle et Santé n° 68 (déc. 2010)

L es mitochondries sont de gran-des pourvoyeuses de radicauxlibres. Ces mitochondries sont

des lieux d’oxydation en même tempsque des poumons cellulaires (jusqu’à3000 dans une cellule cardiaque !) etla respiration cellulaire consiste essen-tiellement à transporter des électronsen créant un gradient électroniquequi va alimenter l’enzyme fabriquantl’ATP, l’ATP synthase. Mais le trans-fert d’électrons s’accompagne d’émis-sion d’électrons à haute énergie, dont5 % environ s’échappent de leurstransporteurs – NADH et FADessentiellement – et sont récupéréspar l’oxygène, qui se transforme enion superoxyde O°2

-, ouhydroxyle °OH. Ces molé-cules sont très réactives chi-miquement, très instablesénergétiquement parlant.On les appelle des radicauxlibres.

Dans les mitochondriesexiste aussi de l’ADN ;contrairement à celuicontenu dans le noyau cellu-laire qui est mieux protégépar des protéines (histones,

par exemple), l’ADN mitochondrialest tout nu, très vulnérable aux atta-ques des radicaux libres, justement làoù la cellule en fabrique le plus ! Et,comble de malheur, les systèmes deréparation de l’ADN sont archaï-ques ! Voyons ce qui s’y passe.

°OH ou la terreur cellulaireL’espèce radicalaire °OH (radicalhydroxyle) est de loin la plusoxydante, avide d’électrons voisins,c’est la plus dangereuse ! La formationd’°OH ne nécessite aucun apportd’énergie ; il est fabriqué en 10-6 s, sadurée de vie est de 10-6 s, il diffusetrès peu depuis son site de produc-

tion (quelques nanomètres, ensachant qu’une cellule humainemesure environ 40 µ), réagit immé-diatement à la première collision surun substrat ; il est donc peu sélectifsur le choix de ses cibles, auxquelles ilva soit arracher un électron, soit arra-cher un atome d’hydrogène H, soits’additionner sur une double liaisoncarbone C=C. Donc ce radicaloxygéné attaque instantanément soitles protéines (hormones, enzymes,etc.) les sucres, les molécules généti-ques ARN et ADN (ce qui altère lemessage génétique des cellules), et leslipides pour en faire des produitsinefficaces ou inadaptés au métabo-

lisme à tout le moins.On peut estimer les

dégâts potentiels occasion-nés par °OH. On se sert enpratique clinique dudosage de 8 oxo-guanine,la guanine étant une basepurique constitutive del’ADN. Ici, l’oxo-guanineest le produit oxydé par lesradicaux libres, et sonélévation signe une attaquede l’ADN par oxydation

Mitochondries, radicauxlibres et antioxydantsLa nutrition protège activement nos cellules. Si l’alimentation nourrit en calories

et varie suivant les époques et les cultures, la nutrition entretient les fonctions

et les structures du corps humain et reste fondamentalement immuable :

on se nourrit de et à travers la Nature. Parmi les composants cellulaires,

les nombreuses mitochondries sont garantes du rendement énergétique

mais sont sujettes à mille tracasseries liées aux oxydations qui y règnent.

Voyons ce qui s’y passe et comment les antioxydants sont une aide précieuse

pour maintenir cette fonction vitale de production d’énergie

°OH

Rayonnementultraviolet

Pollutionatmosphérique

Stress

Mauvaisealimentation

Radicaux libres

Membrane cellulaireendommagée

Membranecellulairenormale

Protectionpar les antioxydants

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8 Article paru dans Mutuelle et Santé n° 68 (déc. 2010)

alors une fonction carbonyle C=O,bon marqueur de stress oxydatifdes protéines.

Le superoxyde : l’assassin habite au 21?

L’ion superoxyde °O2- est à l’inverse

le plus faible oxydant. Sa vitesse deréaction est très faible (10-2 s) et, dece fait, il n’atteint pas les protéines, nil’ADN ni les lipides. Par contre, ilpossède une grande affinité pour lescytochromes C (10-5 s), la vitamine C(10-8 s), et la superoxyde dismutase –l’enzyme SOD (2 x 10-9 s) dont il estle substrat. Ainsi, l’ion superoxyde n’apas vraiment de toxicité directe, maismalheureusement possède une toxi-cité indirecte en initiant des espècesradicalaires secondaires. La SOD,superoxyde dismutase, est faite pourdétruire ces radicaux superoxyde. Cetenzyme existe sous plusieurs formeset fonctionne avec du manganèse, duzinc, du cuivre. Cet enzyme est codépar le chromosome 21. Dans la triso-mie 21, découverte par le professeurJérôme Lejeune, il y a donc troiscopies du gène. On pourrait penserque la défense antiradicalaire seraitaméliorée ? Il n’en est rien, car il existedes altérations d’activité de l’enzyme,et d’autres enzymes sont impliquésqui ne sont pas de taille à travailler deconcert avec la SOD (notamment lacatalase, qui ne peut transformerensuite toute l’eau oxygénée H2O2

issue de la réaction superoxyde-SOD).

Interactions radicalairesnéfastes

Les radicaux libres peuvent réagirentre eux, bien entendu ; ainsi l’eauoxygénée peut rencontrer un radicalsuperoxyde et former secondairementle trop fameux °OH! Ou bien formerdu perhydroxyle HO2° beaucoupplus rapide et réactif que le super-oxyde, permettant alors une attaquesurtout sur les lipides en 10-3 s. La rencontre avec le NO°(monoxyde d’azote, gaz radicalaire auxinnombrables propriétés physiologi-ques) forme en 2 x 10-10 s du peroxy-nitrite ONOO- qui, lui, casse del’ADN, des lipides et des protéines…

Les protectionsLes molécules capteurs de radicauxlibres dangereux doivent être globale-ment en même quantité que les radi-caux pour être opérants (car la vitessed’attaque des radicaux est identiquesur les capteurs) mais, en fait, ils doi-vent être en concentration au moinsdix fois supérieure pour être efficaces.Au laboratoire, dans une éprouvette,c’est possible ; in vivo, cela est parfai-tement irréalisable !

Mais quels sont ces capteurs ?

Les molécules soufréesElles possèdent une fonction chimi-que appelée thiol (SH), qui détruit leradical hydroxyle °OH en 10-10 s !Ces groupements thiols permettentde réparer les carbones attaqués, quialors ne peuvent plus réagir avec

radicalaire. Plus le taux est élevé, pluson est soumis à des dégâts moléculai-res génétiques. Mais ce n’est pas tout,°OH peut aussi déclencher des cassu-res de l’ADN, ou des liaisons stables(pontages covalents) entre ADN etdiverses protéines. La lecture dugénome est ainsi durablement altérée.Ces situations très dangereuses sontnormalement réparées par des enzy-mes prévus à cet effet (des réparases) ;mais, si les conditions de stressoxydant de l’organisme sont fortes(sport intensif, chimiothérapies,radiothérapies…), ces enzymes sonteux aussi altérés par l’oxydation, etleur action est inefficace : on aboutitalors soit à la mort cellulaire, soit àune mutation génétique. Une loterieoù il n’y a que des perdants !

Si la cible est un lipide, l’°OH vaarracher un hydrogène par exempleà l’acide linoléique qui entre dans lacomposition des lipides membra-naires, et créer des molécules lipo-peroxydées. Ces molécules sonttoxiques de plusieurs manières : ellesbloquent par exemple le fonction-nement des récepteurs à l’insuline,provoquent des réactions en chaîned’oxydation, suscitent la formationd’anticorps…

Quand la cible est une protéine,celle-ci est dénaturée : par exemple,un enzyme verra son site actif plus oumoins inactivé. Les acides aminésaromatiques, tyrosine, tryptophane,phénylalanine et histidine, impactéspar le radical hydroxyle vont porter

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9Article paru dans Mutuelle et Santé n° 68 (déc. 2010)

l’oxygène pour former des peroxylesR°O2. Nous fabriquons ainsi fort élé-gamment l’enzyme glutathion, ubi-quitaire, qui contientl’acide aminé cys-téine por-teur decette fonc-tion SH. Leglutathionest un despro tec t eur sendogènes lesplus perfor-mants. Nous letrouvons enquantité dansl’alimentation,sous forme d’avocatpar exemple. Le glutathion oxydé parles radicaux (au lieu des protéines,lipides, etc.) est régénéré par un sys-tème d’enzymes, dont la glutathionperoxydase ayant le sélénium commecofacteur. On pourrait croire que,d’une manière ou d’une autre, aug-menter ses taux de glutathion seraitun bon moyen d’augmenter notreprotection, mais il existe, hélas ! unseuil : lors des réactions chimiquesentre capteur et radical libre, desespèces radicalaires secondaires peu-vent se former. Ainsi, absorber dessuppléments alimentaires antioxy-dants doit se faire dans certaineslimites, et sûrementpas à gogo.

Les antioxydantscontenus dans l’ali-mentation sont essen-tiellement des antipe-roxyles – les peroxylesR°O2 ont une vitessede réaction de 10-9 s,ce qui en fait de trèsbons oxydants. Cer-tains antioxydants sontrecyclés et peuvent ser-vir plusieurs fois, tellela vitamine E : celle-ciest régénérée par lavitamine C, qui estsoluble dans l’eau.Cette vitamine C est, disons-le toutde suite, un antioxydant extrême-ment puissant, très performant pour

détruire l’hydroxyle °OH, le super-oxyde O°2

- et les peroxyles R°O2. Laproduction de radicaux secondairesest très faible au cours des réactions

de neutralisation, et lavitamine C est recy-clée elle-même pardismutation. Elleest active pour

réduire les espè-ces radicalai-res secondai-

res induites,n o t a m m e n t

soufrées. Alors, quelleest la bonne dose de vita-mine C à prendre ? Diffi-

cile de répondre, mais il estcertain que les apports jour-

naliers recommandés sonttrop faibles. En effet, la vitamine C,comme on le voit, ne sert pas seu-lement à protéger de l’apparitiondu scorbut…

Importance de la vitamine ELa vitamine E, elle, est soluble dansles graisses, donc se trouve inséréeau niveau de toutes les membranescellulaires. Cette vitamine E est trèspuissante face aux radicaux libres. Ilen existe huit formes, appelées toco-phérols, et l’alphatocophérol est laplus puissante. Son action princi-pale est de pulvériser les peroxyles

lipidiques, stoppant ainsi les trèsdélétères réactions en chaîne d’oxy-dation membranaire, et empêchant

les protéines membranaires (tels lesrécepteurs de surface cellulaires)d’être oxydées par les lipoperoxydes.Il n’y paraît pas de prime abordpeut-être pour vous, mais cettefonction de la vitamine E est TRÈSimportante. On trouve de la vita-mine E sous forme active dansl’huile d’olive, par exemple.

Ainsi associée avec la vitamine C,on touchera tous les compartimentslipidiques et hydriques de la cellule.Tout le monde se complète. On peutaller plus loin encore dans le mondedes antioxydants, envisager l’acidealphalipoïque, le coenzyme Q10, lesglucosinolates et autres indoles 3 car-binols, anthocyanes, caroténoïdes,flavonoïdes et polyphénols, mais ceserait trop long !

Toujours revenir aux fondamentaux…

En résumé, ce qui est remarquable,c’est que tous les systèmes de protec-tion antiradicalaire, si importants,sont tous d’origine nutritionnelle, ourenforcés par la nutrition. Les mito-chondries adorent que vous les proté-giez en consommant des fruits et deslégumes, spécialement ceux qui sontcolorés, et qui sont frais, car c’est làque résident les meilleurs antioxy-dants. Malheureusement, il est illu-soire de vouloir contrer le radicalhydroxyle °OH! C’est Superoxydant,il va trop vite et trop fort : on ne peutlui échapper. Sale type !

Pour finir, signalons qu’une étuderécente montre que les micro-ondesgénérées par la téléphonie mobile, depar leur fréquence et leur puissance,activent rapidement in vitro sur cel-lules HeLa (initiales d’une patienteaméricaine) une enzyme membra-naire appelée NADPH oxydase, uneenzyme bien connue pour produirede grandes quantités de radicauxlibres oxygénés… Mais, bien sûr, cesera une autre histoire ! �

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10 Article paru dans Mutuelle et Santé n° 70 (juin 2011)

L a sélection de souches intéressan-tes a fait l’objet de très nombreu-ses études chez les humains et les

animaux, plus ou moins pertinentes ilfaut le dire. Bien des effets sont décou-verts, et nous allons passer en revuequelques points forts des probiotiquesutilisés en clinique humaine.

Les probiotiques bifidobactéries etlactobacilles induisent la fabrication delarges quantités d’immunoglobulinesA protégeant toutes les muqueuses.Des études montrent également queles probiotiques Lactobacillus rhamno-sus boostent l’immunité générale del’organisme, en particulier l’activité descellules immunocompétentes.

On a montré que les probiotiquespouvaient aussi avoir un effet antioxy-dant dans l’intestin et dans l’orga-nisme (Lactobacillus fermentum ME3).

Moins de diarrhéeschez les séropositifs HIV

La fréquence des selles et le recours àdes médicaments antidiarrhéiquesont diminué de façon significativesous probiotiques. Dans une étude, lasévérité des diarrhées a été réduite de50 % chez 86 % des patients supplé-mentés en bactéries, avec ou sans glu-tamine (acide aminé très protecteurde la muqueuse intestinale) De plus,la quasi-totalité des critères de la qua-lité de vie a été améliorée de façonsignificative dans le groupe suppléé(apport de bifidobactéries et de lacto-bacilles acidophilus).

TabagismeOn sait que, chez les fumeurs, l’acti-vité de certaines populations de cel-lules immunitaires appelées naturalkiller (NK) est réduite. Ces cellulestrès bien armées sont la premièreligne de défense contre les cellules

qui cancérisent. Des Japonais ontmontré, dans une étude randomisée,que l’administration d’un lait fer-menté contenant Lactobacillus caseiShirota s’accompagnait d’une aug-mentation significative de l’activitédes cellules NK.

Ulcères de l’estomacOn note une amélioration nette del’éradication du pathogène Helicobac-ter pylori (impliqué dans la genèse del’ulcère) lorsque les probiotiques sontutilisés en adjonction à la thérapiemédicamenteuse classique de l’ulcèregastrique. Par ailleurs, Bifidobacteriumadolescentis et Lactobacillus acidophiluscontrecarrent les ulcères de l’estomacinduits par les anti-inflammatoiresnon stéroïdiens (AINS).

Infections respiratoiresLa consommation régulière de pro-biotiques diminue de 19 % l’appari-tion des infections broncho-pulmo-naires dans le système respiratoiresupérieur. De même, après trois moisde cure de probiotiques, on note unediminution de la durée du rhume etde ses principaux symptômes ainsiqu’une augmentation significative dunombre des lymphocytes T.

Infections vaginalesLa flore vaginale est composée de95 % de lactobacilles ! Des étudesrapportent que les souches Lactoba-cillus rhamnosus GR-1 et Lactobacil-lus reuteri RC-14 sont efficaces dansla lutte contre de telles infections.

Infections urinairesG. W. Tannock, un des « papes »mondiaux des bactéries, montre quela flore intestinale représente unesource importante de bactéries

pathogènesimpliquéesdans ledéve lop-p e m e n tdes infec-tions uri-naires chezles souris.Lactobacilluscasei Shirota,un probiotique,appliqué par voieintra-urétrale, lutteefficacement contre lesEscherischia coli impliqués dansl’infection urinaire. On pourraitpeut-être essayer de la même façonchez l’homme…

Diarrhées infantilesLactobacillus rhamnosus et Lactobacil-lus reuteri améliorent les diarrhéesaiguës chez les enfants hospitalisés etréduisent la période d’excrétion desrotavirus. Le traitement diminue letemps d’hospitalisation. Les effetsbénéfiques sont prédominants si letraitement est commencé dès l’appa-rition de diarrhée.

Les études cliniques sur les diarrhéespédiatriques apportent de solidespreuves de bénéfice clinique obtenupar la thérapie probiotique chez lesenfants porteurs de gastro-entéritesvirales. La présence de probiotiquescomme Lactobacillus est essentiellepour l’activité adéquate du systèmeimmunitaire chez les humains.

La listérioseLa souche productrice de « bactério-cine » (un antibiotique naturel d’ori-gine bactérienne) a été isolée du trac-tus gastro-intestinal de volontairessains et testée pour son efficacité

Probiotiques : une vraieL’amoncellement des connaissances depuis

l’introduction en thérapeutique de probiotiques :

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11Article paru dans Mutuelle et Santé n° 70 (juin 2011)

contre la lis-teria, soninnocuitéenvers lesa u t r e sbactér iesde la floreg a s t r o -

intestinale,son aptitude

à pousser dansle lait et sa capa-

cité à supporter lesprocessus industriels

de traitement du lait.

AllergiesLes thérapies probiotiques sontmaintenant une nouvelle approcheefficace pour éviter l’allergie. Onconstate que les effets des probioti-ques sont associés aux interactionsphysiologiques avec les acides graspolyinsaturés alimentaires : ces acidesgras favorisent l’adhésion des probio-tiques sur l’épithélium intestinal.

Rappelons que la flore intestinaleest l’instrument de contrôle immuni-taire, et que tout ce qui vise à rétablirune barrière bactérienne protégeantde microbes indésirables traitera lessignes cliniques de la maladie allergi-que. Les modifications de flore intes-tinale néonatale précèdent l’appari-tion d’atopie (prédisposition généti-que aux allergies). Les récepteurs cel-lulaires impliqués dans les phénomè-nes allergiques sont moins présents àla surface des cellules lorsque l’onabsorbe des probiotiques.

Probiotiques et génétique du cancer

Lactobacilles et bifidus diminuent lesdommages causés à l’ADN cellulaire,réduisent l’activité procarcinogène de

certains enzymes (béta-glucuroni-dase, nitro-réductase, azo-réductase)et augmentent l’activité d’enzymes dedétoxification (comme la GST).

Les acidophilus peuvent lier certainsmutagènes (substances favorisant desaltérations de l’ADN) en les rendantmoins disponibles, voire inoffensifs, etdiminuent l’excrétion de certainsmutagènes. Le butyrate réduit la proli-fération de cellules transformées etaccroît l’apoptose (autodestruction)des cellules transformées. Un effetprotecteur envers la récidive du cancersuperficiel de la vessie a été montréavec la souche L. casei Shirota.

Métabolisme énergétiqueRécemment, on s’est rendu compteque les bactéries intestinales étaientimpliquées dans le métabolisme éner-gétique. Le rôle des bactéries intesti-nales dans le stockage des graisses etl’obésité a été investigué. Des résul-tats suggèrent que la flore intestinalecontribue à l’absorption par l’hôte deglucides et de lipides et régule lestockage des graisses.

Ces effets seraient liés à l’induc-tion, par la flore, de la synthèse delipides par le foie et du stockage destriglycérides dans les adipocytes.D’autre part, on a montré que laflore de souris obèses ayant le gèneob de la leptine inopérant (hormone« anti-obésité ») comportait uneproportion anormalement élevée debactéries intestinales firmicutes etanormalement basse de bactéroïdes.De plus, le transfert de la flore de cessouris obèses à des souris axéniques(sans flore résidente, leur intestin estdonc stérile) induit une augmenta-tion de l’extraction énergétique desaliments ingérés supérieure à celleinduite par le transfert de flore de

souris minces. Ces données récentessuggèrent donc un lien possibleentre la flore intestinale et l’obésité.Nous y reviendrons dans unprochain article.

On n’arrête pas le progrès !Lactobacillus plantarum réduit l’in-flammation intestinale et stabilise lamuqueuse chez les patients présen-tant une maladie inflammatoireintestinale. L’apport de Bifidobacte-rium bifidum et de Lactobacillus aci-dophilus diminue significativementl’infiltration inflammatoire du colonchez les patients âgés. Lactobacillusplantarum réduit la douleur et les fla-tulences chez les patients présentantun colon irritable.

L’augmentation des fameux Esche-richia coli associée à la baisse de pré-sence des bifidobactéries et des lacto-bacilles est un déséquilibre de florefréquemment observé chez lespatients présentant une maladieinflammatoire intestinale chronique(telle la maladie de Crohn).

Conclusions provisoiresJusqu’à présent, la majorité des étu-des ont été menées chez l’hommeimmunocompétent. On ne peut pasencore prétendre que l’on en saitassez pour ce qui concerne la per-sonne immunodéprimée. La diffi-culté est que les effets sont spécifi-ques à chaque souche microbienne.Toutes les souches appartenant à unmême genre bactérien n’ont pas lemême effet, et les propriétés des pro-biotiques sont probablement assezspécifiques de chaque espèce. Quantà savoir quelle serait l’associationoptimale ?… A suivre ! �

thérapeutique complémentaireune trentaine d’années sur la flore intestinale de l’homme a permis

des bactéries inoffensives apportant des bénéfices à l’organisme

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12 Article paru dans Mutuelle et Santé n° 71 (sept. 2011)

L e microbiome – ensemble desgènes bactériens – comporte100 fois plus de gènes que le

génome humain. L’homme abriteenviron 1014 cellules bactériennesréparties dans quelque 1000 espècesprincipalement localisées dans lecôlon. Pour cette raison, l’homme estdécrit comme un « métagénome »,composé de l’ensemble des gènes dugénome humain, d’une part, et desgènes bactériens, d’autre part. Cettenotion de métagénome prend ici toutson sens dans le sujet qui nousoccupe aujourd’hui.

Si l’homme, en mangeant, nourritaussi ses bactéries, les bactéries pro-duisent des substances qui sont utili-sables par l’homme en retour. Eneffet, la flore peut facilement récupé-rer de l’énergie à partir des alimentsingérés mais non digérés dans les par-ties hautes de l’intestin, via leur fer-mentation. Mais ce n’est qu’un aspectdes choses.

Obésité, diabète et floreLe diabète de type 2 et l’obésité sontdeux fléaux métaboliques de sociétéétroitement associés, et relevant d’undéséquilibre entre l’apport et les dépen-ses énergétiques alimentaires. Rien denouveau sous le soleil, d’accord.

Mais, au sein d’une populationsoumise à un régime riche en lipides,seuls certains individus développent

une obésité et une hyperglycémie.Pourquoi ? Même si la susceptibilitéindividuelle est en partie liée à lagénétique des sujets, un nouveau fac-teur apparaît : la flore intestinale.

Les résultats obtenus, à la fois chezl’homme et chez l’animal, suggèrentque, dans l’obésité, on découvre unemodification de la composition de laflore intestinale par rapport aux sujetsminces; pour autant, cela ne prouve pasque la modification bactérienne expli-que en retour la différence de poids.

Il vient quand même rapidement àl’idée qu’une modification de l’éco-système bactérien intestinal peut êtreimpliquée dans le développement deces anomalies. On a montré expéri-mentalement que l’alimentation enri-chie en acides gras – la fameuse « wes-tern diet » – modifie la compositionde la flore, en diminuant notammentles quantités de bifidobactéries.

Or, dans un écosystème, si l’on tou-che à l’un des protagonistes, c’est toutl’ensemble qui se modifie (commepour la planète !). Alors, lorsque lesbifidobactéries deviennent minoritai-res, d’autres microbes prennent laplace vacante : il s’agit des bactériesdites Gram négatives, dont nousavons déjà parlé dans le précédentarticle. Et ces Gram négatives sontpourvoyeuses de LPS.

Le LPSLe lipopolysaccharide (LPS) est unemolécule complexe produite de façoncontinue dans l’intestin suite à la des-truction des bactéries Gram négatives.Il est normalement absorbé et trans-porté vers les tissus par les lipoprotéi-nes du sang. Les lipoprotéines sontdes édifices moléculaires associantlipides et protéines, ce sont les « véhi-cules » des graisses, puisque le sang estaqueux et que les lipides ne se diluent

pas dans l’eau : sinon, quelle bouillieinfâme aurions-nous dans notre sang !Une bien piètre sauce gribiche…

Dans l’obésité, comme dans le dia-bète gras, on observe une augmenta-tion des taux sanguins de LPS. Fortui-tement (?) dans notre optique, le LPSest connu de très longue date pourdéclencher l’inflammation. Or, dansl’insulino-résistance et le développe-ment du tissu adipeux, on retrouvecette notion d’inflammation.

L’insulino-résistance signifie que lescellules sont réticentes à absorber dusucre même si l’insuline présente estcensée en donner l’ordre. Donc il y adans le sang coexistence de l’augmen-tation du sucre ET de l’insuline. Endéfinitive, tout est lié, inflammation,graisse et sucre.

De plus, le lipopolysaccharide sti-mule la sécrétion de cytokines – unevariété d’hormones – pro-inflamma-toires lorsqu’il se lie à son récepteurCD14/TLR4 présent à la surface descellules de la famille immunitaire. Parailleurs, on sait que 70 % des cellulesimmunitaires de l’organisme résidentdans la paroi de l’intestin.

La flore modifie « l’état de grasse »

Une alimentation riche en fibres nondigestibles (fructanes) diminue lepoids corporel, le développement dela masse grasse et la sévérité du dia-bète dans plusieurs modèles animaux.Ces fibres alimentaires sont totale-ment fermentées dans le côlon (sur-tout droit) et permettent aux bacté-ries utilisant ces composés commesource d’énergie – en l’occurrence lesbifidobactéries et les lactobacilles – dese développer.

Comme on peut le prévoir, quandles bifidobactéries se développent, lesbactéries Gram négatives diminuent

Probiotiques : de laVous l’avez découvert avec la MTRL (!), la flore

Ce qui nous intéresse aujourd’hui, c’est de voir

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13Article paru dans Mutuelle et Santé n° 71 (sept. 2011)

en proportion et donc, en mêmetemps, leur production de LPS. Onnote parallèlement une diminutionde l’inflammation, des triglycéridesdu foie et une tendance à la stabilisa-tion du diabète. Un traitement anti-biotique avec de la polymyxine B, quiélimine spécifiquement les bactériesGram négatives et inhibe égalementle lipopolysaccharide, permet dediminuer la stéatose hépatique. Oncomprend donc pourquoi un anti-biotique peut aussi avoir des effetsanti-inflammatoires indirects.

Rééquilibrer la flore intestinale

Rééquilibrer la flore intestinale appa-raît donc logiquement utile pourentraîner des effets importants sur lemétabolisme énergétique. Parmi lesmoyens utilisables actuellement, lesprébiotiques et les probiotiquesreprésentent des outils majeurs derégulation.

Un prébiotique est un nutrimentnon digéré et fermenté de façonsélective par des bactéries (bifidobac-

téries, lactobacilles) entraînant desmodifications à la fois de la composi-tion de la flore intestinale mais ausside son activité, ce qui se répercute defaçon bénéfique sur le bien-être et lasanté de l’hôte.

Les fructo-oligosaccharides de typefructane et l’inuline sont des prébioti-ques. Ces fibres sont capables d’aug-menter de façon significative les bifido-bactéries et les lactobacilles chezl’homme comme chez l’animal.Cependant, toutes les fibres alimentai-res n’ont pas cette propriété, attention!

Les probiotiques sont des bactériesvivantes administrées par voie oraleafin de coloniser le côlon. Les bifido-bactéries réduisent la production delipopolysaccharide et améliorent l’in-tégrité de la muqueuse intestinale,normalisent le tonus inflammatoire,améliorent l’insulino-résistance. L’an-cêtre des probiotiques avant l’heure estbien connu: la fameuse ultra-levure…

Autres effetsL’apport de bifidobactéries pourraitêtre aussi associé à une régulation dela production de peptides intestinauximpliqués dans la gestion de l’appétit.En effet, l’ingestion de prébiotiquesde type fructane augmente la produc-tion endogène de peptides comme leglucagon-like peptide-1 (GLP-1), leglucose-dependent insulinotropicpeptide (GIP) et le peptide YY, etdiminue les taux plasmatiques degrhéline (hormone digestive quidonne de l’appétit).

L’acide butyrique issu de lafermentation des fructanes stimuleles cellules endocrines de l’intestinqui font produire du GLP-1. Il n’estpas déraisonnable de penser qued’autres hormones d’origine diges-tive aient un impact sur les sitesnerveux régulateurs de l’appétit.

ConclusionLa différence de composition de laflore intestinale entre les individussains ou obèses et diabétiques detype 2 est une découverte importante.La flore dialogue avec l’hôte dans lemétabolisme, tout comme elle dialo-gue avec le système immunitaire.

Mais on ne peut pas encore affir-mer si c’est la flore intestinale quidéclenche l’obésité, ou l’obésité quiprovoque les altérations de la flore.

Cependant, quel que soit l’étatde la flore intestinale, prébiotiqueset probiotiques peuvent rééquili-brer celle-ci et induire une amélio-ration notable de l’état métaboli-que et inflammatoire. Si l’on traiteégalement les problèmes de per-méabilité de la muqueuse qui sontassociés à un dérèglement de flore,on comprend aisément que l’ontient là une arme redoutable d’effi-cacité sur notre santé, tant en pré-ventif qu’en curatif ! �

physiologie à la thérapieintestinale est maintenant considérée comme un organe – extériorisé – à part entière.

l’implication de la flore intestinale dans le métabolisme énergétique de l’homme

Canneberge.

Lactobacillus acidophilus.

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14 Article paru dans Mutuelle et Santé n° 72 (déc. 2011)

L es prébiotiques sont des nutri-ments intestinaux sélectifs repré-sentant des substrats énergéti-

ques pour des bactéries spécifiques.Ces nutriments, composés alimentai-res, du fait de leur résistance à ladigestion et à l’absorption dans lapartie haute du tube digestif, sonttransférés dans le côlon. Les prébioti-ques peuvent alors y être utilisés parfermentation (à l’abri de l’oxygène)et, comme on mettrait un engraisspécifique sur une plante donnée, ilsmodulent la flore et par suite la phy-siologie du côlon. L’apport régulierde prébiotiques peut donc modifierl’environnement métabolique dugros intestin. On peut alors parler denutrition intestinale. La conséquencerésulte en un bien-être, et la santé del’individu est améliorée par une meil-leure composition/activité de la flore.

Quelques sources naturellesde prébiotiques

Actuellement sont considéréescomme répondant à la définition deprébiotique l’inuline et les galacto-ologosaccharides. D’autres candidatssont à prévoir : les isomalto-oligosac-charides, le lactosucrose, les xylo-oli-gosaccharides, les oligosaccharides dusoja, les gluco-oligosaccharides, l’ara-binoglucose… toutes ces moléculescomplexes étant caractérisées par laprésence de différents sucres.

Les nutriments prébiotiques sontainsi naturellement présents dans lesfruits, les céréales, les légumes, ainsique dans le lait maternel – ô, Mesda-mes, allaitez ! – et participent à unenutrition adéquate.

Précisons le cadreActuellement, l’objectif est celui de laprise de poids. Il engendre diverseffets pathologiques :� l’encrassement lipidique du foie,� l’hypertension artérielle,� l’athérosclérose,� l’obésité des viscères (graisse para-

site dans les tissus),� des désordres de la coagulation,� enfin, le diabète de type 2.

Le dénominateur commun est l’inflammation

Nous avons vu que le changement decomposition de la flore intestinaleétait relié à l’obésité (article précé-dent). Se débarrasser de cette floregênante serait-il une solution? On amontré que l’utilisation d’antibioti-ques à large spectre chez la souris per-mettait de diminuer l’adiposité etd’améliorer la tolérance au glucose.Le transfert de flore « saine » chez des

individus présentant un syndromemétabolique – défini par l’associationd’anomalies lipidiques sanguines,d’hypertension artérielle et de sur-poids – améliore la situation. Cela estévidemment plutôt expérimental,quoique vérifié, et compliqué à met-tre en œuvre au niveau d’une popula-tion. Mais existerait-il une autre voie,celle de promouvoir l’essor des bacté-ries potentiellement bénéfiques, lut-tant contre la maladie ?

L’approche prébiotiqueLe nombre des bifidobactéries à lanaissance est inversement corrélé àl’apparition du surpoids à la préado-lescence. Elles sont plus rares chez lesbébés lorsque la mère est en surpoids.Elles sont plus rares chez les individusobèses que chez les individus minces,et chez les patients diabétiques detype2 que chez les non-diabétiques.Voilà qui fait réfléchir !

Alors, peut-on donc nourrir spéci-fiquement ces bifidobactéries afinqu’elles croissent ? Elles se nourrissentde fibres – sucres complexes – essen-tiellement de type inuline et fructane(galacto-oligo-saccharides, GOS).Les études montrent que l’adminis-tration orale de prébiotiques aug-mente le contenu intestinal en bifido-bactéries. Les effets sont visibles : onobserve la diminution de taille descellules graisseuses de l’organisme, enrapport avec une destruction accruedes lipides qu’ils contiennent. Même,le nombre des cellules graisseuses –adipocytes – diminue.

Cependant, l’effet prébiotique nese résume pas à l’action sur les bifido-bactéries : il s’exerce aussi vis-à-visd’autres micro-organismes, tels les

Les prébiotiquesOn découvre actuellement des rôles insoupçonnés de la flore intestinale,

qui doit être comprise maintenant comme un véritable organe rattaché au corps.

Voyons comment celui-ci peut être nourri spécifiquement

Ce légume au nom ridicule, laid à faire peuret tout juste mangeable préparé avec un jus de viande, est plein de prébiotiques ! Allez expliquer ça à vos enfants…

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15Article paru dans Mutuelle et Santé n° 72 (déc. 2011)

lactobacilles, les eubactéries et lesfécalobactéries.

Les prébiotiques empêchent lasurexpression de la protéine GPR43et des gènes cibles de PPAR �, et ceteffet est corrélé au taux de bifidobac-téries – peu importe, je veux signifierpar là que l’on dispose de preuvesscientifiques. D’autre part, on a notéune corrélation positive entre l’adipo-sité et le LPS (voir le dernier articlede la revue) et une corrélation inverseentre l’adiposité et les bifidobactéries.

Certains prébiotiques, notammentinuline/fructanes, augmentent latolérance au glucose et diminuent letaux sanguin de LPS – endotoxémie.Ces mêmes prébiotiques diminuentla fabrication et le stockage des lipi-des dans le foie – c’est de l’anti-foiegras ! Mais encore, l’effet sur le poidscorporel et sur l’encrassage graisseuxdu foie (stéatose) va de pair avec uneaugmentation de la satiété !

Pour nous résumer, considérons queles prébiotiques réduisent la massegrasse, réduisent la stéatose hépatique,réduisent la glycémie et réduisent l’inflammation tout en régularisantl’appétit. Surprenant, non?

Réduire l’inflammationComment alors expliquer la diminu-tion de production du trop fameuxLPS, molécule toxique, hautementpro-inflammatoire, issue des bactériesGram-négatives, par l’absorption deprébiotiques? Le fait de renforcer labarrière intestinale, donc de luttercontre l’hyperperméabilité intestinale,serait-il efficace? Oui, en effet. On apu montrer que les prébiotiques res-taurent la fabrication de protéinesimpliquées dans les jonctions serréesintestinales – celles qui font l’étan-chéité de la muqueuse – qui justementsont amoindries chez l’individu obèse.Le mécanisme n’est pas comprisactuellement, mais c’est un fait. Onétudie une autre voie : celle des canna-binoïdes endogènes dans le contrôlede la perméabilité intestinale et del’endotoxémie au LPS. Vous avez bienlu: du cannabis? Non, bien sûr, maisquelque chose en nous qui y ressembleun peu. Mystère de la nature !

Cellules endocrines de l’intestin

Autre piste : les cellules endocrines del’intestin. On en parle très peu, ellessont très peu nombreuses, d’où la dif-ficulté à les étudier. Mais elles ne sontsûrement pas là par hasard ! Ces cellu-les endocrines – qui fabriquent dessubstances déversées dans le sang –synthétisent différentes protéines(pro-glucagon, GLP 1 et 2).Lorsqu’on apporte à l’individu desprébiotiques, le nombre de ces cellulesendocrines s’accroît et, par suite, lesproduits fabriqués dans la veine porte– celle qui mène le sang de l’intestinvers le foie, transportant glucides etprotéines absorbés par celui-ci. On adémontré que le GLP2 diminue l’in-flammation, l’endotoxémie au LPS etaugmente l’intégrité de la barrièreintestinale chez les souris. En somme,absorber des prébiotiques régulariseaussi la perméabilité intestinale.

Prébiotiques et satiétéChez les individus sains, les prébioti-ques augmentent la satiété, notam-ment lorsque l’inuline est consom-mée le soir : la faim se calme plus vitepour le contenu d’un même repas.Cela est en rapport avec la sécrétionde protéines endocrines qui dimi-nuent l’appétit. Le sucre du sang estplus rapidement absorbé par lescellules du corps : la glycémie estdiminuée après le repas, le glucose enexcès se transformant moins en triglycérides alors stockés dans lesadipocytes sous l’effet de l’insuline.Les effets sont patents, comme vousle voyez, et sont d’un grand intérêt à notre époque.

ConclusionEn résumé, l’effet prébiotique :

� améliore les fonctions coliques enaugmentant la masse et la fréquencedes selles,

� réduit le risque d’infections intes-tinales,

� améliore l’absorption des minéraux(calcium, magnésium, fer),

� améliore la perméabilité intestinale,

� diminue l’endotoxémie métaboli-que (LPS),

� réduit le risque d’obésité et de dia-bète de type 2,

� améliore les défenses immunitaires(études chez des enfants âgés de 4 à24 mois),

� améliore la réponse immunitairevaccinale (enfants âgés de 8 mois),

� améliore l’incidence de l’allergiechez les enfants,

� module l’activité endocrinienneintestinale et notamment l’appétit viala sécrétion de peptides ayant unimpact sur la satiété (ghréline,GLP1…),

� améliore les symptômes des mala-dies inflammatoires de l’intestin.

On constate que la liste des effetsest plutôt longue et recoupe partielle-ment les effets dus aux probiotiques.Quoi de plus normal, puisque le cou-ple probiotiques/prébiotiques estindissociable.

Pourtant, la controverse existe, etc’est bien ainsi. Les bifidobactériessont parfois retrouvées plus nom-breuses chez l’obèse ! Et elles sontcapables de promouvoir la crois-sance d’animaux d’élevage et d’aug-menter le poids corporel d’enfantsatteints de diarrhées. Pourtant, ilexiste une place incontestable pourles prébiotiques : on contrôle mieuxle diabète, le surpoids. Ainsi, on voitque les prébiotiques sont les alliésdes probiotiques, dont nous avonsdéjà parlé. En attendant d’autresétudes en cours… �

TENEUR DES ALIMENTSEN PRÉBIOTIQUES

(EN G D’INULINE PAR 100 G D’ALIMENT)

l’artichaut 2-7l’ail 16le topinambour 17-20le poireau 3-10l’oignon 4le salsifis 20la banane 1la chicorée 20

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C onsidérons d’abord les céréa-les : celles-ci sont représentéesessentiellement par le blé et

l’orge, originaires d’Europe, du bassinméditerranéen et du Moyen-Orient.Ensuite, on trouve le seigle, l’avoineet le sarrasin, le riz – apparu en Asieet en Afrique –, le millet, le sorgho, lemil et le maïs. La plupart des céréalessont des graminées – le blé noir, ousarrasin, n’étant toutefois pas unegraminée. Les céréales contiennentpeu de lipides mais, par contre, beau-coup de glucides, de minéraux et devitamines. Nos ancêtres chasseurs-cueilleurs nomades consommaient engrande quantité les graines des céréa-les sauvages rencontrées lors de leurspérégrinations.

Les protéines des céréalesDe nos jours, les céréales apportentdeux tiers des calories dans l’alimen-tation des sédentaires-éleveurs quenous sommes devenus en grandemajorité dans le monde. Environ lamoitié des protéines consomméesvient des céréales, car les grains decelles-ci possèdent un genre de pelli-cule interne appelée couche haleu-rone, qui contient, somme toute, desprotéines assez peu différentes struc-turellement des protéines animales.Par contre, la composition des protéi-nes céréalières diffère sensiblement decelle des protéines animales.

L’extérieur des graines de céréalesest formé d’une enveloppe appeléeson, que vous connaissez bien. Le sonest en fait un résidu obtenu par pro-cédé de tamisage – ou blutage – dontle taux avoisine 75 %. L’extraction duson permet d’obtenir une farine bienblanche, qui ne contient globalementque de l’amidon, c’est-à-dire un sucre

complexe qui n’en a pas le goût. Onpeut pousser les processus de manièreà obtenir un taux de blutage avoisi-nant 95 %. Le son est utilisé pourfabriquer du pain au son (évidem-ment !), mais en majorité il sert à ali-menter les ruminants, les porcins etles volailles.

Les anciens mangeaient évidem-ment les céréales crues et entières.Aujourd’hui, il en est bien autrement.L’apparition du feu a grandementmodifié le paysage nutritionnelhumain.

Et voici le glutenLes céréales contiennent environ10 % de protéines en moyenne. Ony trouve le gluten, qui recouvre enfait deux familles de protéines : lesprolamines et les gluténines. Le blécontient de l’alpha gliadine, le seiglede la sécaline, l’orge de l’hordéno-nine, l’avoine de l’avénine et le maïsde la zénine. Les protéines du glutens’organisent en réseau lorsqu’ellessont malaxées et hydratées. Le glu-ten génère l’élasticité, la ténacité, lacohésion et la rétention gazeuse dansle pain – vapeur d’eau et CO2 essen-tiellement.

Considérations d’ensemblePartons du début, si vous le voulezbien, dans une démarche d’observa-tion des faits connus. Le gluten a tou-jours existé dans l’alimentation del’homme, non? Alors que se passe-t-ilactuellement ? Pourquoi le glutendonne-t-il des intolérances et desallergies, de même que de véritableslésions comme la maladie cœliaque etla dermatite herpétiforme? Pourquoile retrait du gluten dans la consom-mation alimentaire permet d’amélio-

rer un certain nombre de pathologiesdépassant largement stricto sensu lapathologie typique ? La réponse n’estsans doute pas univoque, comme onva le voir.

Longtemps consommé cru, ildevient progressivement cuit notam-ment lors de la fabrication du pain etdans l’élaboration des nombreuxproduits dérivés de la pâtisserie et dela boulangerie.

Dans le domaine du gluten, il s’estproduit une translation des paysansvers les techniciens, là comme ail-leurs. Les techniques anciennes detravail des céréales – hybridationnaturelle, sélections plus ou moinsheureuses, cuissons particulières auxfours à bois, travail manuel des fari-nes, temps de repos des pâtes,moyens de fermentation et delevage… – ont cédé le pas à une révo-lution technologique visant à la foisla rentabilité – la rapidité d’exploita-tion – mais aussi le goût et la diversi-fication. Certes il faut nourrir davan-tage d’hommes, au moindre coût, enun minimum de temps. Il faut y voiraussi une fidélisation de clientèle avecdes produits attrayants, si possible àvaleur ajoutée nutritionnelle, glisse-ment de l’argument santé vers l’argu-ment commercial. Le poids de la tra-dition dans la consommation desfarines, le goût obtenu lors des cuis-sons, tout cela est entré dans lamémoire des hommes. Mais, si c’estune vérité historique, existe-t-il unevérité biologique ?

Alors que les farines non blutéessont grises, et donc moins attrayantes– encore que cela soit parfaitementsubjectif selon les époques ! –, ellessont par contre plus riches en nutri-ments. Vous pouvez, à ce propos,

Le gluten : polémiques,Voilà bien une molécule particulière qui provoque des controverses

cette nébuleuse du gluten et ses applications à différents régimes

16 Article paru dans Mutuelle et Santé n° 69 (mars 2011)

Le gluten : polémiques,Voilà bien une molécule particulière qui provoque des controverses

cette nébuleuse du gluten et ses applications à différents régimes

Le gluten : polémiques,Voilà bien une molécule particulière qui provoque des controverses

cette nébuleuse du gluten et ses applications à différents régimes

Le gluten : polémiques,Voilà bien une molécule particulière qui provoque des controverses

cette nébuleuse du gluten et ses applications à différents régimes

Le gluten : polémiques,Voilà bien une molécule particulière qui provoque des controverses

cette nébuleuse du gluten et ses applications à différents régimes

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vérifier sur le paquet le poids sec enrésidus d’une farine : les sigles T45,T55, T150 indiquent la richesse duproduit. Il y a donc lieu d’utiliser le Tle plus élevé.

La guerre du feuLa température de cuisson est sansdoute un des facteurs les plus impor-tants. Le pain cuit à 250 °C apporteune énergie calorique qui va modifiergrandement la structure même du glu-ten. Il est évident que l’œuf cru n’a pasles mêmes caractéristiques que l’œufdur, c’est visible à l’œil nu. La tempé-rature élevée de cuisson à 250 °C vaau-delà de la caramélisation et de latorréfaction. L’apparition d’espècesmoléculaires nouvelles très complexescertes améliore le goût, mais le com-portement dans l’intestin d’énormesagrégats de protéines modifiées chimi-quement et donc structurellementpose des questions d’ordre biologique.Il est connu que le gluten cuit est dif-ficile d’accès aux enzymes théorique-ment chargés de le digérer. De plus,depuis 2002, on sait que le gluten nepeut être digéré en intégralité ; il resteun peptide de 33 acides aminés totale-ment incassable par les enzymeshumains digestifs connus.

La perméabilité de l’intestinDans les pathologies liées à l’évidenceau gluten, celui-ci ne bénéficie plusdes phénomènes physiologiques detolérance immunitaire propres à l’in-testin. Le gluten serait-il devenu unintrus, modifié par la chaleur ? Pourobtenir des anticorps antigliadine, ilfaut bien qu’il y ait nécessairementrencontre du gluten avec des lympho-cytes intestinaux. Or la paroi intesti-nale est normalement étanche aux

grosses molécules comme le gluten.Les évidences s’accumulent pourcomprendre que la perte de la fonc-tion de barrière intestinale – perméa-bilité normale sélective –, typiquedans la maladie cœliaque, pourraitêtre responsable du déclenchementd’autres maladies auto-immunes.

Cela implique que la réponse auto-immune peut théoriquement êtrearrêtée, et même qu’elle peut êtreinversée, si l’interaction entre lesgènes de prédisposition auto-immune et l’environnement – lanutrition et ici le gluten – est empê-chée. D’où l’idée des régimes sansgluten dans différentes maladies.

La génétique et le glutenOn a identifié des patients génétique-ment susceptibles de développer unemaladie cœliaque : HLA DQ2 etDQ8. Mais cela n’est qu’un indica-teur, même si l’on sait pertinemmentque les molécules HLA présententdes peptides issus d’une digestion trèsincomplète du gluten aux lymphocy-tes. Y aura-t-il des suites ? Chez cer-tains individus incontestablementoui, avec apparition d’anticorps etsurtout d’autoanticorps, avec des-truction de la muqueuse intestinale.

Rôle de l’alimentationOn sait que l’ingestion de nourritureà chaque repas fait apparaître denouveaux lymphocytes dans lamuqueuse intestinale, mais aussid’autres globules blancs. Dans unealimentation diversifiée – disons,arbitrairement, au moins unecinquantaine d’aliments différentsingérés au cours d’une semaine – etpar surcroît d’origine la plus naturellepossible, il n’est pas idiot de penser

que les molécules présentes dans letube digestif exerceraient alors unerégulation sur l’immunité.

Si l’on considère l’alimentationhabituelle dans la société – aveccependant ses différences socio-édu-cativo-professionnelles –, la diversitéalimentaire est faible – moins de20 aliments différents ingérés parsemaine – et l’origine des produits estsurtout industrielle : surgelés précuitsà réchauffer au micro-ondes, semi-conserves, plats tout préparés, etc.Regardez les caddies des supermar-chés… et le vôtre ! Autrement dit,l’alimentation de la population danssa majorité déclenche de l’inflamma-tion, et d’abord au niveau intestinal !Ce fait de l’alimentation pro-inflam-matoire actuelle est reconnu par lesnutritionnistes.

Il est parfaitement clair, actuelle-ment, que l’inflammation intestinalecrée une hyperperméabilité de lamuqueuse – on en connaît plusieursmécanismes. Et si le passage massif de milliards de molécules de gluten à chaque repas venait « forcer » lesglobules blancs à réagir ?

Une étude canadienne montre l’utilité d’ingestion d’une protéineparticulière appelée P(HEMA-co-SS)séquestrant la gliadine dans l’intestinin vivo chez l’animal dans un modèlemimant la maladie cœliaque. Il enrésulte une limitation de l’immunogéni-cité. (Polymeric Binders Suppress Gliadin-Induced Toxicity in the Intestinal Epithelium, Gastroenterology, 2009;136, 288-298.)

De plus, on vient de mettre aupoint une mutation dans le bléappauvrissant considérablement sateneur en gluten. Bientôt du blé sansgluten sur le marché ?

croyances, conflits d’intérêt?malheureusement passionnelles ! Alors, abordons un peu – sans s’énerver ! –

alimentaires, et cela sans entrer dans les idéologies du moment

17Article paru dans Mutuelle et Santé n° 69 (mars 2011)

croyances, conflits d’intérêt?malheureusement passionnelles ! Alors, abordons un peu – sans s’énerver ! –

alimentaires, et cela sans entrer dans les idéologies du moment

croyances, conflits d’intérêt?malheureusement passionnelles ! Alors, abordons un peu – sans s’énerver ! –

alimentaires, et cela sans entrer dans les idéologies du moment

croyances, conflits d’intérêt?malheureusement passionnelles ! Alors, abordons un peu – sans s’énerver ! –

alimentaires, et cela sans entrer dans les idéologies du moment

croyances, conflits d’intérêt?malheureusement passionnelles ! Alors, abordons un peu – sans s’énerver ! –

alimentaires, et cela sans entrer dans les idéologies du moment

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Cheval de TroieSi le gluten peut pénétrer à l’inté-rieur de la muqueuse, d’autresmolécules peuvent le faire aussi ! En effet, il n’est pas rare d’observerd’autres désordres immunologiquesau cours d’une maladie cœliaque.Une association très significativeexiste entre la maladie cœliaque etles thyroïdites auto-immunes(Basedow et Hashimoto), commeen témoignent les taux élevés d’autoanticorps.

En outre, les anomalies des trans-aminases hépatiques sont fréquentesdans ces deux maladies de la thyroïdeet dans la maladie cœliaque sub-clinique. Les patients présentant uneatteinte thyroïdienne présententplus souvent des maladies associées :diabète de type I, le syndrome deDown, la RCH, la dermatite herpétiforme.

Dans Current Opinion in Gastro-enterology, Systemic AutoimmuneDisorders in Celiac Disease, Fasano,en 2006, montre que la comorbiditéentre la maladie cœliaque et d’autresmaladies auto-immunes est claire-ment établie. Il propose deux théories pour expliquer ce fait :1) un déséquilibre de liaison entredifférents gènes, autrement dit uneassociation « malheureuse » de plu-sieurs gènes expliquant la coexistencede maladies chez le même sujet ;2) une maladie cœliaque non traitéeconduirait à l’apparition d’autresmaladies de l’immunité.

La littérature médicale ne peutclairement trancher, à l’heureactuelle, en faveur de l’une ou del’autre proposition.

Mimétisme moléculaireEt si le gluten – modifié par la cuis-son, rappelons-le – ressemblait à unequelconque structure moléculaire del’organisme? Le fait de mimétismeexiste et on le connaît bien depuisplus de 25 ans pour toute une série demolécules, en particulier celles issuesdes microbes intestinaux et de diffé-rents virus. Les effets de mimétismemoléculaire ne peuvent cependantpas entièrement expliquer lapathogenèse des maladies.

La flore intestinaleProtagoniste majeur de l’intestin, lemicrobiote intestinal est régulé, pourne pas dire sélectionné dans une cer-taine mesure, par l’apport alimentairequi va favoriser en substrats nutri-tionnels telles ou telles familles debactéries. Ainsi, on voit proliférerdavantage de bactéries dites de putré-faction – utilisant lipides et protéinesrésiduels – au détriment de bactériesde fermentation digérant les glucidescomplexes résiduels – les « bonnesbactéries », les autres ayant aussi leurnécessité, ne l’oublions pas – au coursde l’alimentation occidentale.

Parmi ces bactéries de putréfaction,on dénombre beaucoup de celles quel’on nomme Gram négatives – qui neprennent simplement pas la colora-tion Gram au laboratoire –, et cesGram négatives contiennent dansleur paroi externe ce que l’on appelleun lipo-poly-saccharide – ou LPS –très impliqué pour déclencher de fortes inflammations et de l’auto-immunité. Tiens, tiens !

On ne sait rien !Finalement, le gluten resterait actuel-lement le déclencheur de pathologiesmultiples, plus ou moins spécifiques.En est-il le responsable ? Non, sansdoute pas, mais ne serait-il pasdevenu un provocateur professionneldans notre univers alimentaire ? Il estincontestable que le retrait du gluten

de l’alimentation guérit sa patholo-gie, mais alors pourquoi ce mêmeretrait stoppe d’autres maladies ?D’autant plus que l’on modère forte-ment la consommation de produitslaitiers – ce qui est une autre histoirecependant.

N’en déplaise aux détracteurs idéo-logiques, ce fait est bien réel et n’estpas isolé. Or les faits sont têtus. Onentend ici et là un peu de tout, sur-tout des stéréotypes pervers de typedénégation ironique… comme sil’absence de théorie concernant unfait annulait le fait lui-même ! Voilàqui ne serait pas prouvé scientifique-ment ? Peu importe : à celui qui voitsa maladie stoppée par le retrait d’unaliment, allez lui faire croire que c’estune idée qu’il se fait… il n’a pasbesoin de statistique de populationou de controverse scientifique pourconstater le soulagement obtenu !

Alors, la glutennerie, reflet d’uneépoque, d’une inflammation intesti-nale globale, négation des possibilitésd’explication par conflit d’intérêt,méconnaissance des phénomènes ?Fa i t e s vo s j eux , ou p lu tô t l’expérience… �

18 Article paru dans Mutuelle et Santé n° 69 (mars 2011)

Atrophie villositaire d’intestin grêle d’un patientatteint de la maladie cœliaque, visualisée au microscope optique.

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XxxxxxxxxxXxxxxxxxxx

C ’est le moment, paraît-il, de ladétoxication de printemps !Pourquoi donc à cette

période ? En réalité, la détoxication sefait chaque jour. 80 % de l’énergieproduite dans notre organisme, encoopération avec le microbiote intes-tinal, est dévolue à la détoxication.C’est phénoménal, cela représenteenviron 40 kg de molécules d’ATPpar jour. Ce n’est malheureusementque le reflet d’une époque, d’unenvironnement d’hyperconsomma-tion, et d’une hyperconsommationpeu appropriée. Les nouveauxaliments créés, les intrants de fabrica-tion industrielle sont nécessairementune charge supplémentaire plus oumoins xénobiotique (moléculesétrangères à la vie) que le corps doitgérer, en plus de la consommation demédicaments dont les Français sontdevenus champions.

Choc de détoxicationDevant l’avalanche épidémique desmaladies chroniques, dont laresponsabilité alimentaire estflagrante, il est nécessaire et urgent

de réagir. Aux grands maux lesgrands remèdes : le jeûne sepositionne facilement comme uneméthode simple, gratuite et appro-priée. Malheureusement, le contextepharmaco-médico-sanitaire ne s’yprête guère. Comment pourrait-on,dans le contexte de notre société duplaisir à tout prix, concevoir de sepriver ! Il n’est donc pas étonnantque la médecine qui sait tout, qui aun avis sur tout, et qui se l’autoriseavec notre accord ou non, réfutecette pratique. En réalité, là commeailleurs, personne n’aime voir échap-per à son influence, car il est bienévident que le monde de la santén’apprécie pas que l’on se soustraie àses injonctions. Se prendre en mainstout seul ne plaît pas à tout lemonde, et la meilleure façon de fairerevenir la brebis égarée, c’est de luifaire peur dans ce cas.

Pourtant, le jeûne est certainementla première situation que l’Homme aapprise au cours de l’évolution.Comment ne pas s’émerveillerdevant les systèmes biologiques quisavent parfaitement gérer cette situa-tion ? A commencer par cettefameuse insuline, tellement à l’ordredu jour avec les diabètes et les obési-tés en tout genre ! Puis le glucagon, laleptine, la résistine, les adipokines dutissu adipeux, les hormones digesti-ves telles le GLP-1, la CCK, lagrhéline et autres consorts ! En vérité,depuis l’aube des temps, l’Hommesait parfaitement s’adapter aumanque de nourriture. Bien mieuxqu’au manque d’eau !

Les effets du jeûneTout effet de jeûne s’accompagne deperte de poids. D’abord et avant tout,une perte de poids dans la semaine estdue à la perte d’eau. Pourquoi ? Le faitde jeûner permet immédiatement de faire baisser drastiquement l’apportde substances pro-inflammatoires.Principalement en supprimant lesgraisses, le taux d’inflammationcorporel diminue. L’inflammationdéclenchant une rétention d’eau, il estbien normal que celle-ci soit arrêtéelors d’un jeûne. Voilà pourquoi cetteeau piégée par l’inflammation dans lestissus doit être compensée par de l’eaulibre physiologique (tisanes, thés, eausimple) et on recommande de boire.Puis vient la perte de poids liée à lagraisse. Et c’est très intéressant entermes de santé, on ne le sait que trop.Non seulement la graisse stockebeaucoup de produits indésirableslipophiles, mais la perte de poids liéeà la fonte du tissu adipeux relance unmétabolisme globalement noninflammatoire de celui-ci, et engendredes répercussions dans tout l’orga-nisme, puisque le tissu adipeux est untissu à fonction endocrine majeure.

Le jeûne, retour à notrecondition première?Comme chaque année, mais avec de plus en plus d’insistance

au fil du temps, le jeûne revient avec le printemps.

Quoi de plus normal dans une société de gavage…

19Article paru dans Mutuelle et Santé n° 82 (juin 2014)

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Puisque l’eau s’en va, s’en vont avecelle les minéraux. Cela n’est pasvraiment désirable, hormis la perte dechlorure de sodium, dont on saitl’hyperconsommation, en généralcachée dans les aliments industriels. Ace propos, le pain contient beaucoupde sel, ce qui est néfaste si celui-cin’est pas accompagné de potassium. Il est donc facile de compenser laperte de minéraux par un apportapproprié quotidien de ceux-ci sousforme de compléments alimentaires,d’eau de mer et/ou de solutionsd’argile ou autres appropriées.

Ne pas manger s’accompagneaussi évidemment d’une non-absorption vitaminique. Ici encore,facile de complémenter à dosesphysiologiques. Mais là où la peurarrive, c’est lorsque l’on invoque laperte de protéines. Pourtant, cettepeur n’est pas biologiquementfondée dans une large mesure.Perdre ses muscles, menacer soncœur, sont des craintes légitimes apriori, que l’on entend sempiternel-lement dans la bouche des détrac-teurs du jeûne. Pourtant, là encore,l’organisme sait se préserver. Mêmechose en ce qui concerne les lipides,vecteurs des vitamines A, D, E. Ilest très simple de se complémenteren huiles apportant des oméga 9, 6et 3, bien que la consommation enoméga 6 soit très forte dans notrealimentation quotidienne habituelle.Une cuillère d’huile d’olive, avec del’huile de lin ou de chanvre ou decameline, ou des graines de linbroyées, éventuellement accom-pagnées d’huiles de poisson feronttrès bien l’affaire.

L’autophagieVoilà une nouvelle découverte assezrécente. Cela veut dire tout simple-ment que les cellules privées tempo-rairement d’apports nutritionnels semettent à faire les poussières, à raclerles fonds de tiroir, à recycler desprotéines usagées (mais d’autresmolécules aussi), à récupérer desproduits cellulaires normalementvoués à l’élimination. Les cellulesfont le ménage à l’intérieur, et elles le

font très bien sur un mode économi-que : chasse au gaspi ! Tout celapermet de survivre. L’autophagie,c’est aussi le fait pour le tissu adipeuxd’utiliser les lipides stockés, ce qui estune bonne nouvelle.

L’exercice physiqueMais pourquoi donc faire fonction-ner ses muscles alors que l’on seprive de nourriture ? Voilà qui estcontradictoire a priori. C’est assez

simple à comprendre pourtant.L’énergie non utilisée, résultant dela baisse de détoxication et d’élimi-nation consécutive à la privationnutritionnelle, est directement dis-ponible pour d’autres activitésconsommatrices d’énergie : l’exer-cice musculaire, l’exercice cérébral(eh oui, ça consomme) peuvent êtreainsi réalisés. Il est flagrant que lespersonnes qui jeûnent témoignentd’un regain d’énergie et se sentent« en forme ». Pourtant, ces exercicesphysiques ne sont pas indispensa-bles. « Meubler » le temps d’unejournée se comprend bien si l’onconsidère le temps passé à élaborerla nourriture : les courses, la cuisine,les repas, la vaisselle, le rangement.C’est comme si on arrêtait de regar-der la télévision : comment organi-ser ces quatre heures quotidiennes ?Quelle angoisse !

Les études, les hôpitaux et cliniques du jeûne

En réalité, ce n’est pas d’aujourd’huique l’on organise des jeûnes, cette foisaffublés du terme de « thérapeuti-ques ». Là est la pierre d’achoppe-ment ! Le terme « thérapeutique », quiempiète directement sur le système desanté. Aux USA, en Allemagne, enSuisse, mais aussi en Russie, on alonguement étudié le jeûne. La diffu-sion médiatique et/ou scientifique

n’est pas au rendez-vous : silence sur lesujet. Conceptuellement, on ne peutpas envisager dans notre société uneméthode de soins qui ne fait pas« consommer » et, qui plus est,pouvant être aussi envisagée commepréventive. La prévention, le grandparent pauvre, parce que non renta-ble. Pourtant, en pratique, que risque-t-on à jeûner dans un encadrementapproprié professionnel ? Simplementde mieux se porter. Voilà le coupable.

Il n’est pas question ici d’envisagerdes jeûnes « sauvages », visant desobjectifs radicalisés, comme un défi :décider de jeûner 30 jours, par exem-ple. Cela n’a pas de sens à mon avis.Là encore, il faut approprier lesobjectifs au jour le jour selon la per-sonne. Sans doute, la première choseà faire se passe dans notre for inté-rieur : apprendre à différencier lebesoin de nourriture et le désir de

La clinique Buchinger, à Überlinger en Allemagne, spécialisée dans le jeûne thérapeuthique.https://www.youtube.com/watch?v=2BrZ-E0GsAg

20 Article paru dans Mutuelle et Santé n° 82 (juin 2014)

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temps. En fait, si vous voulez jeû-ner, soit vous faites un jeûne suivipar un professionnel de la nutritionapproprié, surtout si vous êtesmalade ou prenez des médicaments,soit vous le faites vous-même unejournée par semaine. Et si vous dif-férencierez bien le besoin et le désir,le fait de ne prendre par exempleque 2 repas par jour représenteraune forme de jeûne. N’oubliez pasquand même que, dans les condi-tions normales, l’on ne mangeque quand on a faim, que l’on neboit que lorsqu’on a soif, quel’on ne va dormir que si l’on sesent fatigué… Le bon sens, enfin !

Finalement…Voilà déjà 30 années que l’on saitque l’alimentation parentérale – par

voie veineuse,autrement dit –guérit des maladiesaussi graves que lapolyarthrite rhu-matoïde ou lelupus érythéma-teux aigu dissé-miné. Une alimen-tation inadaptée ettrop importantequantitativement àla fois fait grossir et

manger. Rien que cela donne deseffets surprenants. Il est très facilealors de réduire sans effet de privationson apport alimentaire. Pourquoi cedogme de faire 3 repas par jour, plusdes collations ? Si je passe 8 heurespar jour devant mon téléphone oumon ordinateur, ou dans ma voiture,ai-je besoin de manger comme unouvrier du bâtiment qui monte unmur de parpaings ? Certainementpas ! Il faut bien comprendre que,dans notre civilisation industrielle,tout est organisé avec une rationalitéextrêmement élaborée pour nousinciter à consommer.

Se nourrir n’est pas ingurgiterEn pratique, le jeûne fait appel sur-tout à une réduction des apportslipidiques, protéiques, glucidiques,et l’on raisonne intuitivement entermes d’énergie, de quantité. Senourrir, c’est prélever dans l’envi-ronnement les substances nécessai-res à la vie, ce n’est pas se gaver depop-corn ou de surimi, de friandisesou de crèmes sucrées et grasses cho-colatées. Manger frugalement estbien montré dans les espèces anima-les comme étant un facteur de lon-gévité sans maladies. Les habitantsd’Okinawa font de même. Maissimplement ce n’est pas dans l’air du

génère des maladies. Jeûner, c’estun formidable atout de santé, puis-que nous dépensons 80 % de notreénergie quotidienne à nous désin-toxiquer. Mais la reprise progressivede l’alimentation ne devra pas êtrecelle de l’alimentation antérieure.La cure de jeûne est un temps derepos qui permet de se débarrasserdes mauvaises habitudes alimentai-res antérieures, sinon le profitengrangé sera très vite perdu.

Finalement, l’Homme est bâtiphysiologiquement pour jeûner.Structurellement, en quelque sorte,et depuis le départ. En conclusion,un jeûne n’est jamais dangereuxpour quelqu’un de bien portant.Pour une personne malade, mieuxvaut quand même s’informer, et àdéfaut absorber juste des jus defruits et de légumes maison. Certes,chaque cas est particulier, surtout enprésence de pathologies associées.Mais surtout ne cédons pas aux dis-cours outranciers voire carrémentmensongers des détracteurs actuelsdu jeûne. L’homme est fait pouravoir un poids adapté, pas pour unsurpoids. Et pour manger juste assezafin de survivre dans de bonnesconditions. �

Le jeûne peut être aussi une arme politique, idéologique ou religieuse.

21Article paru dans Mutuelle et Santé n° 82 (juin 2014)

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D epuis une vingtaine d’années, lavision du tissu adipeux a pro-fondément changé. Classique-

ment, le tissu adipeux chez leshumains est constitué d’adipocytesdits « blancs », par rapport aux cellu-les graisseuses dites « brunes » chezl’animal. Chez les animaux mammi-fères, la graisse brune joue un rôleimportant dans la thermorégulation.Le tissu adipeux blanc humain joueun rôle endocrine, c’est-à-dire qu’ilest maintenant considéré comme uneauthentique glande interne, quisécrète des hormones se déversantdans le sang. Tout de suite, on appré-hende son importance : si j’ai 30 kgen trop, j’ai vraiment une très très trèsgrosse glande adipeuse… mais si jepèse 34 kg tout habillé pour êtreenvisageable dans un casting de pub,sans doute quelque chose de trèsimportant me manque, non?

Rôle et composition du tissu adipeux

Le premier rôle dévolu à ce tissu adi-peux – abhorré, négligé ou adoré –est évidemment le plus visible : celuidu stockage ; et secondairement ilfait fonction d’isolant thermique.Dans cette période de changementclimatique, voilà qui a de quoi faireréfléchir !

Le tissu adipeux est localisé dans lazone sous-cutanée et tout autour denombreux organes internes, ce quel’on sait moins ; il est essentiellementconstitué de cellules graisseusesadultes appelées adipocytes, maisd’autres cellules sont présentes, tellesles pré-adipocytes fibroblastiques,les cellules endothéliales formant lescapillaires sanguins et les mastocytes– globules blancs qui fabriquent dessubstances très bioactives commel’histamine, l’héparine, la séroto-nine, la bradykinine.

Donc l’idée d’un tissu gras consti-tué uniquement de cellules spécifi-ques stockeuses de graisse appartientau passé : le tissu adipeux comprendplusieurs lignées cellulaires différen-tes et distinctes. Rien ne va plus !

Présence de cellulesinflammatoires

Chez la personne grosse, on retrouveen plus dans le tissu graisseux ungrand nombre de cellules appeléesmacrophages. La présence de cesmacrophages infiltrant le tissu adi-peux signe clairement leur interven-tion dans le processus inflammatoire.Ces cellules sont impliquées dans lesinteractions entre adipocytes adulteset pré-adipocytes, et libèrent unegrande quantité d’hormones locales.

Les hormones du tissuadipeux

Les adipocytes fabriquent toute unefamille d’hormones eux aussi : les adi-pokines, dont on connaît maintenantune bonne soixantaine de membres.

La première adipokine fut décou-verte en 1994 : c’est la leptine – dugrec leptos signifiant mince –, fabri-quée par les adipocytes adultes uni-quement ; produit du gène lep chezl’homme – gène ob chez la souris –,sa mutation est à l’origine d’une obé-sité. Sa découverte fut en quelquesorte une véritable révolution.

La leptine exerce une action surl’hypothalamus. L’hypothalamus estune zone située au centre du cerveau– dont il représente moins de 1 % duvolume total –, au-dessus de l’hypo-physe, avec laquelle il est relié par une« tige », la tige pituitaire. Il assure undouble rôle de contrôle des sécrétionshormonales de la glande hypophyse(considérée comme le « chef d’or-chestre » des autres glandes de l’orga-nisme et de la taille d’un petit pois

extra-fin non surgelé) et de régulationde l’homéostasie (maintien des para-mètres biologiques de l’organisme).L’hypothalamus intervient égalementdans le comportement sexuel et lesémotions. Il fait partie d’un systèmeappelé le système limbique (impliquédans les émotions).

Chez l’homme, l’obésité est asso-ciée à des taux élevés de leptine, cequi laisse à penser qu’il existe unerésistance éventuelle à son action ouune diminution du passage de la lep-tine du sang au cerveau. Certainschercheurs avancent également qu’ilexisterait une anomalie des récepteurscérébraux de la leptine. Normale-ment, l’action de la leptine provoqueune diminution de l’appétit parapparition de la satiété, ce qui expli-que son pouvoir amaigrissant physio-logique. Chez l’individu gros, cetteaction satiétogène n’existe plus.

Adiponectine et adipokinesOn a très vite mis en évidence uneautre hormone de la même famille, etfabriquée elle aussi exclusivement pardes adipocytes matures, c’est l’adipo-nectine. Celle-ci est déversée puis cir-cule bien sûr dans le sang, mais à dose

Structure cristallisée de l’ACRP30(Adipocyte Complement-Related Protein).

Surpoids, tissu adipeux,et inflammation : un

22 Article paru dans Mutuelle et Santé n° 73 (mars 2012)

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inversement proportionnelle à laquantité de tissu adipeux ; donc peude graisse, beaucoup d’adiponectine,et inversement. Oui, mais cette adi-ponectine est une protéine anti-inflammatoire, elle augmente la sen-sibilité à l’insuline et améliore lafonction endothéliale : elle lutte donccontre le diabète en modulant le tauxde sucre sanguin et protège beaucouples vaisseaux sanguins. D’autres adi-pokines régulent la tension artérielle,le métabolisme lipidique, l’appétit etla balance énergétique.

Autant dire que les adipokines sontdes hormones de tout premier ordredans l’organisme. Enfin, on saitmaintenant que les adipokines jouentun rôle central dans l’inflammationet l’angiogénèse (fabrication de nou-veaux vaisseaux sanguins) et partici-pent plus ou moins directement auprocessus cancéreux (sans doute plusque moins).

Inflammation, cancer et tissu adipeux

Les liens existant entre adipokines,obésité et inflammation sont très étu-diés. L’obésité – mais aussi le surpoids– se caractérise par un état chroniqued’inflammation à bas bruit (dit de basgrade) mais parfaitement objectivépar des niveaux élevés de protéines

circulantes telles la C-Reactive Pro-tein, l’interleukine 6, l’haptoglobine,l’orosomucoïde ou SAA, le TNFalpha, la MCP-1 et le MIF. Il est trèsintéressant de noter qu’un amaigris-sement normalise automatiquementles taux de ces marqueurs du sang !

Le tissu adipeux péritumoral decertaines tumeurs – du sein en parti-culier – libère aussi un grand nombred’adipokines pro-inflammatoires ; lesadipokines se mettent au service de latumeur pour modifier profondémentle tissu péritumoral et mettre à profitdu cancer le maximum des ressourcestissulaires environnantes.

Toutes ces hormones pro-inflam-matoires diminuent également laréponse à l’insuline des pré-adipocy-tes et inhibent leur différenciation enadipocytes adultes : en fait, on voit icique l’inflammation peut déclencher,entretenir et/ou aggraver un diabèteet/ou un état apparenté comme lesyndrome métabolique – associantanomalies lipidiques sanguines, sur-poids, hypertension. D’autre part, onne peut s’empêcher de penser auxliens épidémiologiques constatésdans la population : surpoids-inflam-mation-cancer.

On sait, depuis 70 ans, que l’in-flammation chronique fait le lit ducancer, et maintenant de façon cer-

taine que le tissu adi-peux est une sourcemajeure d’inflamma-tion. On sait aussi quele déséquilibre de laflore intestinale induitune inflammationcorporelle et aug-mente le stockage lipi-dique du sujet. Com-ment ne pas voir quel’obésité, le diabète etle cancer sont intime-ment liés ? Or ces trois

affections présentent un lien socialétroit : on parle à leur propos d’épidé-mie ! Ça ne vous interpelle pas ?

Une autre « couche » supplémen-taire d’inflammation pourrait êtreune réponse au stress déclenché parune hypoxie locale. Les capillairessont littéralement écrasés, pincés sousle poids du tissu adipeux, bloquant leflux sanguin, donc l’arrivée d’oxy-gène, entre autres. D’autre part,l’adipocyte mature est une très grossecellule d’une taille comprise entre150 et 200 microns, supérieure à ladistance de diffusion de l’oxygène : ily a donc localement carence en oxygènedisponible – risque presque immédiatde mort cellulaire – et donc mise enroute d’un phénomène de sauvetaged’urgence appelé néoangiogénèse tissulaire : le tissu adipeux réagit,comme d’autres tissus, à la situationde carence en fabriquant de nouveauxcapillaires sanguins de suppléance :l’oxygène arrivera de nouveau, et lescellules peuvent continuer à vivre.Ouf, il était temps.

Un lien entre florebactérienne et obésité?

Le rôle du microbiote intestinal dansle stockage des graisses et dans l’obé-sité est un champ très actif en pleinephase de recherche. Des résultatsmontrent que le microbiote effectueune meilleure digestion des résidusalimentaires, tout en contribuant àl’absorption par l’hôte de glucides etde lipides, et en favorisant le stockagedes graisses. Des équipes de cher-cheurs montrent en effet que les sou-ris sans microbiote mangent davan-tage mais accumulent moins degraisse au bout du compte.

flore intestinaleconflit génétique?

Acides graset cellules

immunitaires

Pathologies

Biothérapies

Stress oxydant

Statégies anti-inflammatoires,

nutritionnelleset médicales

Tissu adipeuxInflammation

23Article paru dans Mutuelle et Santé n° 73 (mars 2012)

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De plus, le transfert de flore intesti-nale de souris obèses à des souris sansflore – dites axéniques – induit uneaugmentation de l’extraction énergé-tique des aliments ingérés et doncune prise de poids de l’ordre de 40 %supérieure à celle induite par le trans-fert d’un microbiote issu de sourisminces.

Il a été montré que l’humain obèseprésente un déséquilibre de floreintestinale, avec un rapport firmicu-tes/bacteroïdes de l’ordre de 100/1 –c’est-à-dire qu’il existe un importantdéficit en bacteroïdes –, identique àcelui observé chez des souris obèsesgénétiquement déficientes en leptine.La perte de poids est par ailleurs cor-rélée à l’augmentation de la propor-tion de bacteroïdetes – ratio qui tendalors vers 10/1. Hallucinant !

Incontournable insulineAu cours de l’évolution, l’homme aété confronté à une insuffisance denourriture (mais est-ce vraiment dif-férent aujourd’hui ?) : l’insuline estalors là pour stocker de l’énergie (enprévision de la fermeture inopinée,mais bien improbable, du Mac Dopar exemple), et il est très clair quel’évolution de l’homme et de sa floreintestinale a favorisé l’extraction opti-male de l’énergie nutritionnelle.Cette symbiose est devenue trop effi-cace dans les nouvelles conditions devie de nos contemporains (souvenez-

vous, la pizza arrive en cyclomoteurdans les 20 min !). Voilà à mon sensune des explications fondamentalesde l’obésité actuelle, évoluant dans uncontexte inflammatoire cancérigèneet bourré de dommages collatéraux.

L’insuline, ce si puissant facteur decroissance humain, sans doute le pluspuissant de notre organisme car d’ac-tion ubiquitaire, est parfois redon-dante avec une autre hormone troppeu prise en compte : l’hormone decroissance, la GH. Faisons uneconnexion très rapide mais incisiveavec la fameuse hormone T3 de lathyroïde, et globalement le décor etles mécanismes des maladies de civili-sation sont plantés : tout y est. Nousen reparlerons.

Je suis sûr que vous sentez intuitive-ment bien les choses. L’inflammationsécrète des molécules attirant d’autresmacrophages, augmentant l’étatinflammatoire du tissu adipeux ; et,partant de là, de notre corps entier, àtravers leur sécrétion sanguine demolécules inflammatoires ; mais aussidu fait de leur interaction avec les adi-pocytes, sécrétant à leur tour des pro-téines de l’inflammation.

Tous ces produits inflammatoiresne sont pas du tout spécifiques d’untissu ou d’un système ou d’un typecellulaire : une fois produits et sécré-tés, ils sont capables d’affecter tous lessystèmes fonctionnels et tissulaires del’organisme.

Déclarer la guerre totale à l’inflammation

Les complications métaboliques del’obésité représentent la plus grandepart des coûts de la maladie. En effet,le diabète est la comorbidité dont lerisque relatif augmente le plus avecl’obésité, car ce risque commence àaugmenter pour un indice de massecorporelle de 21, soit bien avant leseuil de 30 qui définit l’obésité.

C’est pourquoi la prévention dudiabète est absolument prioritaire. Lerôle du médecin de famille apparaîtessentiel à ce niveau. Chez les sujetsnon diabétiques, le syndrome méta-bolique associant obésité abdomi-nale, hypertension et dyslipidémie estassocié à un risque de pathologies car-dio-vasculaires comparable à celui desdiabétiques avérés. Le diagnostic dece syndrome et la prise en chargenutritionnelle de la prévention desaffections cardio-vasculaires chez cessujets sont donc tout aussi prioritai-res : on touche des millions de sujets,ne l’oublions pas.

Enfin, le rôle de l’environnement« obésogène » est relatif au mode devie occidental et doit être directementdénoncé, avec l’influence de la télévi-sion, de l’ordinateur, de la consom-mation de boissons sucrées etd’aliments riches en graisse – à lamaison et à l’école, y compris dansl’enseignement supérieur –, et de lasédentarité. La prévention de l’obé-sité chez l’enfant est un domainecapital où malheureusement onn’avance guère.

Nous sommes en présence d’unphénomène typique de cerclevicieux : prise de poids, inflamma-tion, cancer, diabète… Tout est relié !

Comment intervenir tout de suite ?Il y va de notre entière responsabilité :vous, lecteur mutualiste informé, quefaites-vous ? Nous verrons cela uneprochaine fois. �

24 Article paru dans Mutuelle et Santé n° 73 (mars 2012)

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25Article paru dans Mutuelle et Santé n° 74 (juin 2012)

On note deux anomalies principalesdans le diabète.� D’abord, la perturbation de larégulation des hormones pancréati-ques : leur sécrétion subit une dimi-nution à la fois qualitative etquantitative.

Il existe une faible synthèse continued’insuline. Cette insuline est alorsstockée en petite quantité dans les cel-lules béta du pancréas, elle sera relâchéedans le sang dès les premières bouchéesd’un repas. En quelque sorte, elle ser-vira de signal déclencheur pour alertertout le système du glucose, qui va alorsse mettre en branle pour recevoir ettraiter comme il se doit le glucose ali-mentaire. Alors la grande synthèsed’insuline débutera, de novo comme ondit, c’est-à-dire production immédiateet à la demande du glucose délivré parle repas. En somme, il existe une petitesécrétion de base avec des pics d’insu-line rythmés par les prises alimentaires.

Parallèlement, les cellules ditesalpha du pancréas sécrètent du gluca-gon. Cette autre hormone va servir à

contrebalancer la disparition progres-sive du glucose soumis à l’influencede l’insuline. Ainsi, il y aura toujoursdans le sang un niveau adéquat deglucose qui servira à alimenter defaçon continue en énergie les tissusdemandeurs, comme par exemple lecerveau : celui-ci consomme environ100 g de glucose par jour, ce glucoseétant extrait du sang de façon uni-forme tout au long des 24 heures (pasd’à-coups).� La seconde anomalie se situe auniveau des tissus cibles de l’insuline.

Ainsi, on notera une diminution ducaptage de glucose par les muscles,accompagnée d’une augmentation deproduction hépatique de glucose. Cesanomalies d’action de l’insuline sonten relation avec des défauts multiplesdans les mécanismes de signalisationpar le récepteur de l’insuline, et dansdifférentes étapes intra-cellulaires derégulation du métabolisme du glu-cose : défauts de transport, défautsdans les enzymes dégradant le glucosepour en faire de l’adénosine triphos-phate – ATP, molécule qui stockel’énergie dans ses liaisons phosphate –,défauts dans l’oxydation mitochon-driale du glucose.

Rôle des acides gras libresCes erreurs biologiques sont ampli-fiées par une augmentation deconcentration d’acides gras libres.Qu’est-ce donc que ces acides graslibres ? Ce sont des substrats majeursénergétiques d’un grand nombre detissus (muscles, cœur, foie, reins), etce particulièrement en dehors des

repas. Ces molécules proviennent dela dégradation des triglycérides – unemolécule de sucre à 3 carbones, leglycérol, sur lesquels sont liées3 molécules lipidiques. Ces acidesgras libres, donc non reliés au glycé-rol, possèdent un cycle de concentra-tion sanguine au cours des 24 heures(cycle dit nycthéméral) ; concentra-tion élevée le matin vers 8 heures,creux vers 10-11 heures, remontéeprogressive après le repas de midijusqu’au lendemain matin. Or onconstate chez les diabétiques desvariations amorties, donc moins dedistance entre le pic et les creux, et cepour des concentrations en acidesgras supérieures à la normale.

Relation acides gras et sucreRandle a montré qu’il existait uncycle acides gras libres circulants/glucose in vitro : une augmentationdes acides gras libres dans le sangaboutit à une diminution du captageet de l’utilisation du glucose dans lecœur. On a eu vite fait de généraliserl’affaire, c’est-à-dire que les lipidescirculants diminuent l’utilisation duglucose in vivo, contribuant ainsi audéveloppement du diabète de type 2,de la maturité.

Un peu plus tard, on démontreraaussi que les acides gras libres prove-nant des tissus par dégradation destriglycérides stockés intra-cellulairessont aussi importants pour le cycleacides gras/glucose. Mais aussi, l’oxy-dation de ces mêmes acides gras libresdans le foie fournit des cofacteurscomme l’ATP, le NADH (nicotina-

Insuline

Glucagon

Pancréas

Pancréas

Élevé

Bas

Niveau deglucose sanguin

Acides gras, insuline,lipotoxicité et inflammation

Le diabète gras, dit de la maturité, progresse encore et encore. Il est malgré tout simple

à enrayer. Encore faut-il que chacun comprenne clairement pourquoi et comment

Acides gras, insuline,lipotoxicité et inflammation

Acides gras, insuline,lipotoxicité et inflammation

(1re partie)

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mide adénosine dinucléotide), l’acé-tyl co-enzyme A, bref des moléculesnécessaires à la fabrication endogènede glucose – ce qu’on appelle la néo-gluco-genèse hépatique, par ailleursstimulée par le glucagon. Ainsi donc,via les acides gras, le foie produit duglucose supplémentaire, ce qui dansle cas du diabète est évidem-ment totalement malsain !

LipotoxicitéSi on a, par la suite, trouvé quel-ques petites erreurs dans le cycleacides gras/glucose de Randle,on s’est aperçu que les acidesgras libres étaient des moléculesnon seulement destinées à fairede l’énergie, mais qu’elles pouvaientaussi servir de signal, notamment encontrôlant l’expression de diversgènes, lesquels, étant un peu trop sol-licités chroniquement, sont à la based’un mécanisme dit de lipotoxicité.

On découvre alors que les acidesgras en excès perturbent la transmis-sion du signal insuline sur les cellulesqui en possèdent un récepteur. Pourfaire court et simple, le récepteurn’est plus capable de faire son boulot,de donner à l’intérieur de la cellule lemessage insuline qui dit, entre autres,« je vais fabriquer des capteurs de glu-cose pour utiliser celui-ci ». Le facteurapporte la lettre, mais celle-ci n’estpas transmise à son destinataire ! Celase passe principalement dans les mus-cles et le foie. Finalement, les cellulessont moins capables de capter leurglucose circulant, d’où un moyen defaire de l’hyperglycémie, c’est-à-diredu diabète.

Insulino-résistanceDe ce fait, le glucose sanguin restantà des valeurs supérieures à la normale,le pancréas continue de plus belle àfabriquer l’insuline ! Voilà pourquoi,paradoxalement dans le diabète, onobtient la coexistence d’un excès desucre et d’un excès d’insuline, enmême temps, dans le sang. C’est ceque l’on appelle l’insulino-résistance(des tissus). L’insuline en excès vapouvoir tranquillement exercer sesautres effets sur les cellules : en effet,

l’insuline possède une véritable pano-plie d’autres actions que celle deréguler la glycémie, et touche à la foisla stimulation de beaucoup de gènes,entre dans le métabolisme des protéi-nes, des lipides… L’insuline est ungrand facteur de « croissance » ; ellepermet aussi la division cellulaire.

GlucotoxicitéLe glucose circulant, stagnant enquelque sorte, va pouvoir s’oxyder,donner des aldéhydes par exemple,assez toxiques, en tout cas agressifspour les tissus (le gluoxal, par exem-ple), et se déposer là où il le peut :parois des artères, le cerveau, lesreins… et y subir des transformationsnon adéquates in situ. Là réside latoxicité du glucose, avec une perte dela qualité fonctionnelle et anatomi-que des tissus considérés, qui devien-nent un peu inflammatoires et engénéral se rigidifient.

L’insulino-résistance observée dansle diabète gras se retrouve aussi dansl’obésité, d’autant que les acides graslibres sont de très bons aliments pourles cellules pancréatiques béta four-nissant l’insuline. A court terme(quelques heures), les acides grasfavorisent la sécrétion d’insuline,alors qu’à long terme (plusieurs jours)les acides gras font se tarir la sécrétiond’insuline en réponse au glucose.

Dans le diabète, la phase précocede sécrétion d’insuline – celle qui eststockée – est perdue, les rythmes desynthèse d’insuline de novo disparais-sent, et ladite sécrétion est réduite etretardée en réponse au repas. Oncomprend alors vraiment que les aci-des gras sont très impliqués dans lediabète. On pourrait dire que le dia-bète n’est pas une affaire de sucre !

D’autres effets de ces acides grassont connus, et pas des moindres :

l’accumulation d’acides gras dans lescellules béta du pancréas – qui lesaiment beaucoup ! – finit par provo-quer l’apoptose desdites cellules : onremarque la mort de plus de 50 %des cellules béta au cours du diabète,par accumulation d’acides gras à l’in-térieur. Le gène Bcl2 « de survie » se

voit très inhibé, alors que le gène« de mort cellulaire » Bax est sti-mulé. Voilà la traduction généti-que de la lipotoxicité induite parles acides gras. On pourrait aussisignaler une pathologie particu-lière du foie qui s’intoxique auxacides gras stockés : l’hépatitemétabolique, avec tous ses dys-fonctionnements… Un foie

malade, ça n’arrange personne.

En attendant la suite…Avez-vous remarqué que se nourrirne consiste pas seulement à ingurgi-ter ? C’est toute la différence quiexiste entre alimentation et nutrition.La nutrition nourrit certes, mais cequi est vraiment déterminant à com-prendre, c’est que les aliments nousservent des molécules indispensablesau fonctionnement génétique. Com-bien de vitamines, oligoéléments,lipides, protéines, sucres, ont étéappréhendés sous leur fonctionnalitéénergétique…! Maintenant, il nousreste à élargir le point de vue : nourrirson ADN, c’est nourrir en informa-tion un système dynamique adaptatifqui répond aux sollicitations de l’en-vironnement face à l’individu.Quand on parle de maladie de civili-sation, comme le diabète, ne s’agit-ilpas là d’une pathologie de la désadap-tation? Manifestement si ! Nous ver-rons dans le prochain article com-ment se débarrasser des informationsparasites, toxiques, c’est-à-dire com-ment se débarrasser d’un mode ali-mentaire désordonné, et mettre àmort le diabète.

Ordo ab chao… L’ordre naît duchaos ! �

26 Article paru dans Mutuelle et Santé n° 74 (juin 2012)

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P lus le temps passe, la sécrétiond’insuline finit par se tarir, ilreste les effets délétères du dépôt

des produits de dégradation inadé-quate du glucose, lui qui est de moinsen moins utilisé par les cellules, qui leretirent de la circulation sanguine. Lemeilleur exemple en routine, c’est ledosage sérique de l’HbA1c : l’hémo-globine glyquée (et non glycosylée).C’est de l’hémoglobine sur laquelles’est accroché de façon irréversible dusucre. Cette greffe de glucose modifiel’hémoglobine – qui donc a du mal àjouer son rôle de transporteur d’oxy-gène – qui est ainsi dosable spécifi-quement. Mais cette accroche desucre sur l’hémoglobine se fait passi-vement, sans intervention d’aucuneenzyme dite de glycosylation. C’est lasimple coexistence de ces deux molé-cules qui crée l’hémoglobine glyquée.Ce phénomène, relativement rapideet chimiquement « naturel », n’est pasdu tout normal ; c’est l’excès d’hémo-globine glyquée qui est le témoin dudiabète et un certain reflet de sa gra-vité et de son évolution.

Si l’alimentation contient régulière-ment des triglycérides en quantitésnon adéquates, et c’est le cas dansnotre société, elle va délivrer beau-coup d’acides gras libres avec les effetsque l’on a abordés dans l’article pré-cédent (juin 2012). Mais vous lesavez sans doute, on ne peut passtocker du glucose : nous avons entout et pour tout à peu près 800 g desucre dans l’organisme (foie, mus-cles). Par contre, on ne peut grossir

que de graisse, et on peut en stockerdes centaines de kilos. Trop de lipi-des, c’est forcément diabète + obésité.

Adipocytes/inflammation : le cycle infernal

On a vu dans les articles précédentsque l’on possédait à la naissance unnombre défini et stable d’adipocytes.Or le tissu adipeux est un grand tissuhormonal à part entière dans le corps,et il sécrète des molécules inflamma-toires. Plus ce tissu s’accroît, plus ilsécrète – en variant ses profils d’excré-tion – de molécules inflammatoiresaussi. Jusqu’au jour où, malheur ! l’in-flammation déclenche la multiplica-tion irréversible des adipocytes. Voilàpourquoi la capacité de stockagedevient pratiquement illimi-tée.

Nous sommes donc en pré-sence d’acides gras en énormequantité, avec leur impact surl’insuline et le pancréas. Mais,dans cette surpopulation delipides, il existe des ethniesdifférentes : les « bons » lipideset les moins bons. En fait,c’est essentiellement au regardde la coagulation sanguine etde l’inflammation qu’ils sonttrop facilement classés ainsi.Mais c’est pratique et fonctionneltout de même; tous les lipides sontglobalement bons, c’est la dose res-pective des divers corps gras ainsi queleur proportion au sein de la grandefamille lipidique qui va déterminerdes effets délétères.

Il faudrait aussi séparer les acidesgras trans des autres : ceux-ci sontobtenus par chauffage (cuisson), sonttoxiques, cancérigènes et fortementinflammatoires. Ne faites jamaisfumer une huile, et si c’est le cas,jetez-la de suite, n’en utilisez pas, c’estdu poison. Un peu comme les vian-des noircies : fichez-les en l’air, n’enconsommez pas. Lisez aussi les éti-quettes : tout produit contenant del’huile dite hydrogénée ou végétalen’est pas adapté à notre consomma-tion habituelle et doit être évité.

En cas de maladie déclarée, évitezvraiment les acides gras trans, lesviandes noircies, les huiles dites végé-tales ou hydrogénées, au risque deme répéter.

Alors que faire?Evidemment, d’abord réduire lesapports en sucres simples, qui sonttrès demandeurs d’insuline en destemps record. La digestion de cessucres pompe aussi dans vos réservesde minéraux. Exit les produits dits

Acides gras, insuline,lipotoxicité et inflammation

(2e partie)

Au début du diabète, on a trop de glycémie, et trop d’insuline.

Chacun agit pour son propre compte, on l’a vu dans le texte précédent

Ce n’est pas tout à fait de la cuisson douce…

Acides gras, insuline,lipotoxicité et inflammation

(2e partie)

Acides gras, insuline,lipotoxicité et inflammation

(2e partie)

Acides gras, insuline,lipotoxicité et inflammation

(2e partie)

Acides gras, insuline,lipotoxicité et inflammation

(2e partie)

27Article paru dans Mutuelle et Santé n° 75 (sept. 2012)

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énergétiques, les substances que l’ontrouve dans le snacking – je ne peux,on ne peut pas appeler ces « machinsmangeables sous plastique ou alu »des aliments ! Regardez sans broncherles dizaines de mètres de linéaires auxcouleurs flashy : glucose, sirop de glu-cose + des colorants en pagaille, desstabilisants, des acidifiants (génialpour faire des trous dans l’os) ! Quel-que chose de nutritionnel là-dedans ?Non, rien que du pauvre sucre. Vousne mangez pas un aliment, vousconsommez du concept !

Bon, c’est décidé – demain? – jelaisse souffler un peu mes cellulespancréatiques, ma cellulite éventuelle-ment – au sens strict : inflammationcellulaire, asexuée ! – et je laisse à d’au-tres zombies ces barres énergétiquesplus ou moins aux céréales, et quiviennent droit de la grosse planètemère chimie industrielle alimentaire.

Et surtout, surtout, je regardeaussi ma consommation de lipides.Nous avons absolument besoin deces lipides, mais de façon équilibréeentre eux. On a entendu parler desoméga-3, des acides gras polyinsatu-rés, qui sont déficitaires dans l’ali-mentation moderne pour plusieursraisons : technologiques, industriel-les, mais aussi par inappétence desconsommateurs, individuelle ou culturelle. Ces oméga-3 sont protec-teurs et anti-inflammatoires. Ilscontrebalancent presque point parpoint les effets des oméga-6, inflam-matoires. C’est l’excès qui fait ledanger, pas vraiment la dose.

Le rapport qui tue…Difficile d’obtenir le rapport alimen-taire recommandé d’une dosed’oméga-3 pour trois à cinq dosesd’oméga-6? Alors mélangeons les hui-les d’olive et de colza et prenons-en2 cuillères à soupe par jour. A jeun oupas, matin, midi ou soir, avec un repasou non, à vrai dire l’important, c’est deles avaler. On récupère ainsi des acidesgras mono-insaturés, comme l’acideoléique de l’huile d’olive (c’est unoméga-9), dont on parle peu, il estvrai, car il ne provoque pas de pro-blème, possède la propriété de peus’oxyder et, dans une certaine mesure,protège les polyinsaturés de l’oxy-dation – acide alpha-linolénique (oméga-3de l’huile de colza) et acide linoléique(oméga-6 de l’huile decolza aussi). Ces huilesapportent la vitamineE, bon antioxydant deslipides, qui permetaussi de recycler la vita-mine C et d’agir avecelle pour protéger l’or-ganisme de l’oxydation.

Une très bonne idéeaussi consiste à appor-ter des huiles de lin oude cameline, une cuillère à café parjour, très riches en oméga-3 essentiel :l’acide alphalinolénique, que noussommes totalement incapables defabriquer. La prise d’oméga-3 à lon-gue chaîne comme l’EPA et le DHAest vraiment intéressante : ils sont

anti-inflammatoires, anticoagulants,antiarythmiques cardiaques et relâ-chent les vaisseaux sanguins. On lestrouve dans les huiles de poisson –pharmacie, magasin diététiques,parapharmacies… – et dans l’huile defoie de morue ; avantage ici, car cettehuile contient des vitamines liposolu-bles : vitamines A et D.

La population manque de vita-mine D, c’est bien établi. On connaîtparfaitement les effets osseux de lavitamine D, et on découvre mainte-nant les autres effets bénéfiques decette vitamine dans bien d’autresdomaines, et non des moindres : can-cérologie, par exemple. La consom-mation de foie de morue, que l’ontrouve aisément en boîte dans le com-merce, est utile de ce point de vue, etabsorber l’huile de la boîte est intéres-sant – mais non ce n’est pas insuppor-table… une cuillère à café avec selpoivre et une petite tartine, par exem-ple… inventez ! On trouve aussi trèsfacilement des capsules de vitaminesliposolubles à la pharmacie ou enmagasin bio et/ou diététique et/oudans les chaînes de parapharmacie.

Notons, au passage, qu’il fautregarder les doses par prise, de façonà ne pas en prendre trop peu – eh oui !les surdosages dangereux que certains

n o u s f o n tcraindre sontrarissimes etchaque fois lefait de circons-t ance s t r è sparticulières.

Même la lampe fonctionnait à l’huile de foie de morue !

28 Article paru dans Mutuelle et Santé n° 75 (sept. 2012)

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après le repas, peu importe, cru oucuit. Nous sommes dans le cadregénéral du diabète, souvenez-vous ! Enfin, faites mijoter à basse

température, évitez fritures et cuis-sons vives, évitez de cuire avec descorps gras.

Inflammation, lipides,antioxydants et complémentsalimentaires

Pourquoi acheter des complémentsalimentaires ? D’abord, parce qu’ontrouve peu de ces ingrédients spécifi-ques dans l’alimentation à l’heureactuelle (oméga-3, antioxydants…).Ensuite, l’alimentation proposée s’estconsidérablement appauvrie depuis50 ans – problèmes de perte de ferti-lité du sol due aux engrais massifs etaux pesticides –, avec une surcon-sommation de sucres et de graisses,ainsi que de produits parfaitementinutiles issus de l’industrie.

Alors, lisez les étiquettes et relisez-les encore. Allez chercher les infor-mations sur les produits et les molé-cules… personne ne le fera pourvous. Limitez volontairement les

produits industriels, les rayonssnack et biscuiterie… mais

chaque personne est àpart, unique dans sabiologie, unique dansson alimentation, dans

son éventuelle patholo-gie, unique dans sa pré-

vention.Pourquoi le diabète est-il

épidémique ? Simplement à causede notre volonté défaillante à resteren bonne santé, à réfléchir un peu età s’informer. Qu’est-ce quil’emporte ? La volonté ou le désir ? Lavolonté est fluctuante, le désir estbeaucoup plus puissant. La volontéest effort, le désir est naturel… et ledésir de ne pas être malade est sou-vent soumis à un désir plus fort decéder aux tentations offertes par lasociété marchande.

Parions que, si on supprimait latélé, le nombre de cas de diabètepourrait diminuer de moitié ! �

Produits laitiersReste le problème des produits lai-tiers, dont la consommation trois foispar jour tant rabâchée reste, quoi quel’on en dise, pour les biologistes uneauthentique ineptie. Limitez leurconsommation, on vous intoxiquegravement le cerveau avec cette his-toire de manque de calcium. L’indus-trie laitière travaille évidemment deconcert avec des scientifiques totale-ment non indépendants, et de ce faitnon crédibles pour un scientifiquedigne de ce nom, c’est-à-dire sansconflit d’intérêt. On vous matraquela tête pour vous faire surconsommer.Informez-vous plutôt que de tout

gober ainsi ! Il existe bon nombred’ouvrages implacables de véritéscientifique traitant des mensonges etdes propagandes dans ce domaine –santé, alimentation, laitages, choles-térol… – que je vous recommandechaudement de lire et relire.

C’est tout?Alors que reste-t-il à manger ? Ehbien, tout le reste. Viandes, pois-

sons, œufs, légumes,graines. Les fruits, unpar jour, le midi si

possible : avant ou

En bref?Résumons-nous : éviter le sucre,c’est facile. Pas de produits ditsénergétiques ou dits pour lessportifs – il y a des formulationsspéciales et adéquates pour eux –, pasde « sucreries » confiseries, gâteaux,

desserts tout faits, crèmesde toutes sortes – qui

en général com-prennent desingrédients cap-tant l’iode dontvotre thyroïde a

tant besoin : deuxtiers des Français

sont déficitaires oucarencés en iode… – et

sodas de tout poil – qui comprennenten même temps de l’acide phosphori-que comme acidifiant, bonjour ladéminéralisation osseuse ! Evitez decumuler les produits contenant dufructose, très très fortement soupçon-nés de déclencher le diabète.

En ce qui concerne les lipides, c’estaussi simple : pas de produits grasindustriels – n’abusez pas despizzas, quiches, tourtes, tartes,tartelettes ou galettes de toutessortes –, biscuits apéritifs ou nonau sens large, charcuteries et fro-mages. Concrètement, un à deuxproduits de cette série lipidiquepar semaine, et si possible pas lesoir, c’est largement assez.

Le painPour d’autres raisons, limitez laquantité de pain (et de farines) ; legluten, dans ces conditions de pré-diabète ou de diabète avéré qui nousoccupent, pose de sérieux problèmesque l’on ne peut aborder aujourd’huidans cet article. Non seulement il estpourvoyeur d’inflammation, mais ilcontient de 17 à 35 g de sel par kilo.C’est énorme, et je ne pense pas qu’àl’hypertension artérielle…

Si vous voulez du bon calcium, mangez des épinards !

29Article paru dans Mutuelle et Santé n° 75 (sept. 2012)

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L ’œuf contient le germe d’unembryon ainsi que des réservesalimentaires pour assurer son

développement. Une poule pondentre 150 à 250 œufs par année.L’œuf est constitué de quatre partiesprincipales, soit la coquille, les mem-branes, le blanc et le jaune.

Anatomie d’un œuf

Sous la coquille se trouvent les mem-branes coquillères (externe et interne),servant de protection contre les élé-ments indésirables (moisissures, bac-téries). Les membranes coquillièressont secrétées dans l’isthme. La mem-brane coquillière externe comporteune couche particulière qui assureraune attache solide à la coquille.

La chambre à air se forme entre lesdeux membranes coquillères parcontraction pendant le refroidisse-ment de l’œuf fraîchement pondu. Ladimension de la chambre à air estvariable selon le degré d’humidité, dechaleur environnante et d’évapora-tion : une perte d’humidité ou une

déshydratation entraîne une augmen-tation du volume de la chambre à air.

L’albumen, ou blanc, entoure levitellus, il est fluide en périphérie etplus visqueux vers le centre. C’estune solution aqueuse de protéinesqui serviront au développement del’embryon, composée de 87 % d’eauet de 12 % d’albumine (protéine).Les protéines du blanc contiennentun peu plus de 50 % d’ovalbumine,protéine soluble dans l’eau, assem-blage de quatre chaînes d’acidesaminés lui conférant une forme deglobule. Plus le blanc d’œuf estferme et dense, plus il est frais. Leblanc d’œuf coagule et se solidifieentre 62 et 65 °C. Le blanc contientégalement de l’eau et des minéraux(moins de 1 %).

Les chalazes, disposées de part etd’autre du jaune, sont une paire decordons d’albumine spiralés quimaintiennent le jaune au centre del’albumen épais.

La membrane vitelline entoure levitellus. Elle protège le jaune destransferts d’eau en provenance dublanc.

Le vitellus, ou jaune, est constituéd’une émulsion d’eau, de lipoprotéi-nes et protéines, plus des minéraux etdes pigments. C’est dans le vitellusque se trouve le point de départ dudéveloppement du futur poussin.

La coquilleElle est composée principalement de :� carbonate de calcium (94 %)� carbonate de magnésium (1 %)� phosphate de calcium (1 %)� matières organiques (4 %)Curieusement, la coquille est percéede 6000 à 8000 pores minuscules per-méables à l’humidité, aux odeurs et àl’air. Les minuscules trous de lacoquille permettent aussi aux poussinsde respirer pendant leur formation!

La coquille fait office également debarrière contre les microbes. Les pro-ducteurs enduisent très souvent lacoquille d’une couche inodore d’huileafin d’obstruer partiellement les pores,minimisant ainsi les pertes d’humidité,empêchant la pénétration d’odeurs etprolongeant donc la fraîcheur.

L’œuf, un alimentexceptionnel !

Je vous propose de l’inédit au menu aujourd’hui : de l’œuf fumé. A l’occasion d’un article scientifique assez fantaisiste – pour le moins à première vue –paru en août 2012, comparant les méfaits du jaune d’œuf à ceux de la cigarette, et à propos duquel Christian Charron est intervenu très courroucé dans la revue de septembre, l’occasion est toute trouvée pour faire l’œuf en décembre

11 %

29 %

60 %Vitellus ou jaune

Coquilleet membrane

Albumenou blanc

Proportions de l’œuf

Rien que du blanc d’œuf… avec juste un petit peu de sucre.

30 Article paru dans Mutuelle et Santé n° 76 (déc. 2012)

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La couleur de la coquille est déter-minée par la race des poules. Il s’agitd’un facteur génétique sans aucuneffet sur la saveur et la valeur nutritivedes œufs.

L’épaisseur de la coquille relève del’alimentation des poules et de fac-teurs héréditaires. Une bonne pon-deuse donnera des œufs à la coquilleplus mince. Les poules pondant desœufs blancs produisent plus d’œufsque les poules à œufs bruns, et lesœufs blancs possèdent des coquillesplus fragiles.

Le jauneC’est tout de même la partie noble,même si le vitellus ne représente que30 % de l’œuf. Il se compose de plu-sieurs couches superposées, de cou-leur jaune clair à jaune foncé. Il s’agitd’une alternance de couches nonhomogènes, elles-mêmes formées degranules dispersés dans une phasecontinue nommée plasma. Ces deuxcatégories de couches, les jaune foncéet les jaune clair, correspondent res-pectivement aux périodes de jour etde nuit de leur formation.

Le jaune est constitué de 50 % desolides et de 50 % de liquides ; ilcontient 16 % de protéines et 30 %de lipides en moyenne.

La couleur globale d’un jauned’œuf varie selon l’alimentation de lapoule : ainsi, une alimentation richeen maïs donne un jaune plus foncé,et une alimentation riche en blé pro-duit des jaunes très pâles.

Le jaune seul coagule entre 65 et70 °C, mais, dilué dans un liquide, ilcoagule entre 80 et 85 °C.

Le jaune constitue la principalesource de vitamines, de minéraux et

d’acides gras essentiels de l’œuf :il représente 1/3 de son poids(coquille omise).

Les lipides du jaune contien-nent de la lécithine (additif ali-mentaire E322). Il s’agit d’unemolécule lipidique composée engénéral d’un acide gras saturé etd’un acide gras insaturé, plus del’azote et du phosphore : c’est doncun phospholipide. Il s’agit d’unesubstance très employée dans la pré-paration industrielle des pâtisseries,des crèmes et des pâtes. La lécithinepermet de faire la liaison entre le graset l’eau, favorisant les émulsions, latexture, le moelleux et la conserva-tion des préparations culinaires. Lalécithine d’œuf contient 63 % d’aci-des gras insaturés dont les acides grasoméga 3, qui augmentent l’activitévisuelle chez les nourrissons et amé-liorent le statut en acides gras.

Lutéine, zéaxanthineLe jaune d’œuf contient de la lutéine(additif alimentaire E161b) et de lazéaxanthine (additif alimentaireE161h). Lutéine et zéaxanthine sontdeux antioxydants lipidiques dérivésdes caroténoïdes, de la famille desxanthophylles. La lutéine, en s’oppo-sant à l’action des rayons UV, protègeles yeux de la cataracte et de la tropfameuse DMLA (dégénérescencemaculaire liée à l’âge).

La lutéine est souvent utilisée dansl’alimentation du poulet pour colorersa peau en jaune, ce qui plaît auxconsommateurs, n’est-ce pas ? Cetapport en lutéine donne égalementun jaune d’œuf plus foncé et amélioreun peu ses qualités nutritionnelles –plus la concentration en lutéine aug-mente dans un tissu, plus celui-cidevient jaune orangé. Mais attention,lutéine et zéaxanthine sont assez vitedétruites par la cuisson: donc cuissondouce, au ralenti, comme toujours !

CholineRiche en choline, le jaune contribueau développement du cerveau et auxprocessus biochimiques de lamémoire. La choline est un nutri-ment essentiel généralement rangé

dans la classe des vitamines B. Ellepeut également être synthétisée parle foie, mais en quantités très insuffi-santes. Chimiquement, c’est unalcool aminé.

La vaste majorité de la populationne consomme pas suffisamment decholine : une analyse des données del’étude NHANES (2003-2004) arévélé que chez les enfants (à l’excep-tion des plus jeunes), les hommes, lesfemmes (y compris les femmesenceintes), les apports moyens encholine sont largement en dessousdes niveaux adéquats.

La choline est présente en grandepartie sous forme de phosphatidyl-choline, un des phospholipidesgarantissant l’intégrité des membra-nes cellulaires – notamment celles ducerveau. L’acétylcholine, neurotrans-metteur notamment impliqué dans lesystème nerveux, résulte de la liaisonentre la choline et l’acide acétique.

La choline alimentaire est la princi-pale source de groupements méthyleCH3 (60 % des groupes en provien-nent). Sans entrer dans les détails, laméthylation est une très importantefonction biochimique de l’organismehumain : c’est une opération métabo-lique essentielle dans la synthèse desmembranes cellulaires, l’expressiongénétique, épigénétique (transmis-sion des caractères biologiques enfonction de l’environnement), la syn-thèse de neurotransmetteurs et ledéveloppement du fœtus.

La teneur en acide folique du jauneest intéressante surtout chez lafemme enceinte (prévention de spinabifida, une malformation de lamoelle épinière de l’enfant), maisaussi chez les personnes âgées en ins-titution qui manquent cruellementde vitamine B9 dans leur alimenta-tion institutionnelle.

10 %1 % Eau

12 %

77 %Glucides, minéraux et vitamines

Protéines

Lipides

Composition chimiqueglobale de l’œuf

COMPOSITION DES LIPIDES DU JAUNE D’ŒUF

Lipides neutres 65,0 %

Cholestérol 4,0 %

Phosphatidyl-choline 26,0 %

Phosphatidyl-éthanol-amine 3,8 %

Lyso-phosphatidyl-choline 0,6 %

Sphingomyéline 0,6 %

Lipideschargés

31Article paru dans Mutuelle et Santé n° 76 (déc. 2012)

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Enfin, le jaune contient du phos-phore et du zinc – mais ça ne vaut pasune huître !

Les jaunes sont naturellement plusclairs en hiver, quand l’herbe nepousse pas, et il n’y a rien d’anormalà cela, évidemment. Certains préfè-rent des jaunes plus foncés, s’imagi-nant que cela est associé à des œufs“plus naturels”. Il faut savoir qu’il suf-fit d’ajouter un complément alimen-taire pour faire changer la couleur dujaune, ce dont ne se privent pas leséleveurs de poules en batterie. Lejaune est plus intense quand ondonne des carottes, du maïs rouge etde la verdure : tout cela contient de lalutéine et de la zéaxanthine, on l’a vu.

Selon les pays, les consommateurspréfèrent un jaune plus ou moinsclair. Par exemple, les Allemandspréfèrent un jaune d’œuf plusorangé que les Français. Pour déter-miner la couleur de l’œuf, la société

Roche a diffusé une échelle de cou-leur du jaune d’œuf : 15 nuancesentre le jaune et l’orangé portant desnuméros de 1 à 15. Pour éviter lesproblèmes inhérents aux différencesentre analystes et à l’éclairage,Minolta a développé un systèmecomportant un colorimètre, un logi-ciel de calcul et un calculateur pourmesurer la couleur du jaune en fonc-tion de l’échelle Roche. Il suffit alorsd’adapter l’alimentation de lavolaille au public ciblé !

L’œuf dans l’alimentationL’œuf est évidemment une sourcede protéines intéressante ; c’est laprotéine de référence, dite de hautevaleur biologique : en effet, le blancd’œuf contient tous les acides ami-nés, y compris les essentiels – quel’on ne peut fabriquer dans l’orga-nisme. Il est aussi riche en vitamineset oligo-éléments, on l’a vu. Lesœufs sont donc une source alimen-taire précieuse, car ils contiennenttous les nutriments nécessaires à unfutur organisme !

Il faut savoir que seulement 20 %du cholestérol sanguin vient de l’ali-mentation. Le reste du cholestérol estfabriqué par le corps. La contributionen cholestérol de l’œuf dans l’orga-nisme est donc très faible, et il estconnu depuis longue date queconsommer un œuf par jour ne posepas de problème.

Une étude publiée en janvier 2006dans Journal of the American Collegeof Nutrition a démontré que laconsommation d’un œuf au petitdéjeuner aidait à limiter la prise decalories durant la journée, et celagrâce aux propriétés des protéines –réduction des hypoglycémies pour-voyeuses de fringales.

Si, en pure hypothèse, le principalinconvénient des œufs est la richessedu jaune d’œuf en cholestérol d’unepart, et en acides gras saturés d’autrepart, les acides gras saturés sontnécessaires à l’homme; mais consom-més en trop grande quantité dansnotre alimentation occidentale, etsurtout non équilibrés par desoméga-6, eux-mêmes non équilibréspar des oméga 3 !

La nutrition recommande doncd’adapter le type de graisses ingérées :remplacer les matières grasses saturées(beurre, charcuterie, pâtisseries, vien-noiseries, quiches…) par des matièresgrasses insaturées (margarines…)apporte plus de résultats sur le tauxde cholestérol sanguin que de suppri-mer les œufs de l’alimentation.

Quant aux nourrissons, c’est versl’âge de 8 mois que l’on peut envisa-ger d’introduire l’œuf dans leur ali-mentation. On commence par lejaune d’œuf cuit dur. On évitera leblanc, qui peut être source d’allergie.Ce n’est que vers l’âge de 1 an quel’on peut donner un œuf entier.

Fraîcheur de l’œufAfin de vérifier la fraîcheur d’un œuf, ilsuffit de plonger celui-ci dans de l’eaufroide – salée de préférence à 10 %.Plus l’œuf coule, plus il est frais, plus ilflotte, moins il est frais. L’indication “à consommer de préférence avant le…”est obligatoire. La date mentionnéeest la date de consommation recom-mandée. Elle ne doit pas dépasser levingt-huitième jour suivant celui de laponte. Les œufs sont dits « extra-frais » pendant 9 jours à partir de ladate de ponte.

Étiquetage en France sur l’emballage

Le mode d’élevage des poules pon-deuses doit être précisé sur l’embal-lage des œufs. On a le choix entre :� œufs de poules élevées en plein air.Les poules peuvent aller à l’extérieur.

ŒUF FRAIS ENTIER CRU

VALEUR NUTRITIONNELLE MOYENNE(POUR 100 G)

Eau 75,8 gEnergie 147 kcalProtides 12,6 gGlucides 0,8 gLipides 9,9 g1) saturés 37 %2) mono-insaturés 46 %3) polyinsaturés 17 %

Vitamine A 140 μgRétinol 139 μgVitamine E 1 mgVitamine K 0,3 mgVitamine B1 0,07 mgVitamine B2 0,48 mgVitamine B3 0,1 mgVitamine B5 1,4 mgVitamine B6 0,14 mgVitamine B9 47 μgVitamine B12 1,3 μgCarotènes 350 μgCholine 225 mgCendres 0,9 gFer 1,8 mgCalcium 53 mgMagnésium 12 mgPhosphore 191 mgPotassium 134 mgSodium 140 mgZinc 1,1 mgCuivre 0,1 mgSélénium 31,7 μgIode 53 μg

32 Article paru dans Mutuelle et Santé n° 76 (déc. 2012)

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� œufs de poules élevées au sol. Lespoules sont enfermées dans un bâti-ment.� œufs de poules élevées en cage. Onparle aussi d’élevage en batterie. Ellesprennent des antibiotiques en général– du moins on peut le supposer – etpeuvent avoir le bec sectionné (lespoules stressées s’agressent et s’auto-mutilent…) À partir de 2012, lescages de batteries devront avoir auminimum 750 cm2 mais cela ne suf-fit pas à fournir aux poules un espacevital suffisant.

Les œufs bio portent une mentiondu type « œufs issus de l’agriculturebiologique ». Ils peuvent porter lelogo AB (pour Agriculture biolo-gique) mais ce n’est pas obligatoire.L’alimentation des poules provient del’agriculture biologique à 90 %. Unepartie de la ration alimentaire doitprovenir du lieu où les poules sontélevées. La densité maximale est de6 poules par m2 à l’intérieur. Les pou-les peuvent aller à l’extérieur. Lalumière artificielle est tolérée maisdoit être éteinte pendant au moins8 heures dans la journée.

Les labels Nature & progrès etDemeter sont encore plus exi-geants que le label Agriculture bio-logique. L’alimentation des poulesprovient uniquement de l’agricul-ture biologique.

L’appellation « libre parcours » indi-que que les poules ont accès à un préavec une surface de 10 m2 par poule(2,5 m2 dans un élevage « en pleinair », 4 m2 dans les élevages « bio »).

Les indications du type « œuf deferme » ne sont pas réglementées etn’ont pas de valeur. En France, 87 %des œufs sont pondus par des poulesélevées en cage.

Le code sur la coquilleEn Europe, un code est obligatoiresur la coquille des œufs.

Le premier chiffre désigne le moded’élevage :� 0 pour les œufs issus de l’agricul-

ture biologique ;� 1 pour les œufs issus de poules

élevées en plein air ;� 2 pour les œufs issus de poules

élevées au sol ; 3 % des œufs ;

� 3 pour les œufs issus depoules élevées en batte-rie ; 87 % des œufs !

La mention “œufs de pou-les élevées en cage” estobligatoire mais souventécrite en très très petit…!

Les deux lettres suivantescorrespondent au code dupays : FR pour la France;BE pour la Belgique; CHpour la Suisse ; DE pourl’Allemagne, etc.

Les derniers caractères identifient lenuméro du producteur (et donc lelieu) et éventuellement le numéro dupondoir en plus. AAA = code d’éta-blissement avec plan de lutte antisal-monelles. 01 = bâtiment.

� On pourra donc lire sur un œuf en magasin : 1 FR AAA 01, qui cor-respond à “poule élevée en plein air,France, éleveur AAA, bâtiment 1”.

� En vente directe producteur : 1 FR 01 1, qui correspond à “pouleen plein air, France, n° du départe-ment, n° du producteur”.

L’œuf, ça pourrait devenir cherLa France a produit 12,9 milliardsd’œufs en 2011, soit 9,2 % de moinsqu’en 2010, indique le service de lastatistique du ministère de l’Agricul-ture. Le modèle de prévision anticipeune baisse de 18 % de la productiond’œufs pour les cinq premiers moisde 2012 par rapport à la mêmepériode de 2011. Dans ce contexte deforte réduction de la production, leprix de l’œuf de 53-63 g relevé en jan-vier 2012 progresse de 7 % par rap-port au mois précédent. La réductionde production serait essentiellementdue à la mise en place des nouvellesnormes 2012.

Ce qu’il faut retenirQue les consommateurs d’œufs serassurent, le cholestérol n’est pasresponsable de la formation de pla-ques d’athérome dans les artères. Lecholestérol est rendu responsabled’infarctus et d’AVC par l’industriepharmaceutique, qui dispose demédicaments – les statines, entre

autres – qui font inutilement baisserle taux de cholestérol, en particulierchez les personnes âgées, pour les-quelles c’est encore plus grave.

On peut, sans danger pour sa santé,manger 1 œuf chaque jour, même sicela fait monter très légèrement letaux de cholestérol. Faites vraiment lechoix des œufs bio ! De plus, les œufsde poules nourries avec des alimentsenrichis en graines de lin – riches enoméga-3 –, c’est du velours pour lesartères. En effet, les œufs n’ont pastous la même composition selon l’ali-mentation de la poule, spécialementen ce qui concerne le jaune ! Alors, ilne faut pas mettre tous ces œufs dansvotre panier… N’achetez que desœufs Bio, code 0 FR.

Le docteur Michel de Lorgeril, car-diologue et chercheur au CNRS,récemment intervenu dans le cadredu colloque santé de la MTRL àGadagne, vous explique sur son siteet dans ses livres pourquoi le choles-térol doit être innocenté.

L’étude canadienne publiée dans larevue Atherosclerosis en août 2012ressemble à un gros canular scientifi-que : le jaune d’œuf n’a pas de toxicitéparticulière – d’ailleurs aucunaliment n’est toxique en soi –, etencore moins comparé à la cigarettesur la présence de plaques d’athéromedans les vaisseaux du cou. A unebonne omelette baveuse, nos têteschercheuses d’outre-Atlantique préfè-rent peut-être le maïs OGM enrobéde Roundup de chez Monsanto ? �

33Article paru dans Mutuelle et Santé n° 76 (déc. 2012)

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L ’article qui suit n’est pas uneredite de celui publié dans len° 53 de cette revue (mars 2007),

où je traitais de la détoxification del’organisme, mais il serait fort utile dele relire en parallèle.

L’alimentation est le facteur incon-ditionnel de toute bonne santé. Resteà se pencher sur nos travers, calme-ment ! Revoir son mode d’alimenta-tion s’appuie sur des principes debase simples, tout droit sortis du bonsens. A cette condition, les petitschangements, les améliorations nutri-tionnelles seront plus faciles à mettreen pratique : savoir pourquoi rectifierson alimentation est un puissantmoteur de compréhension et possèdeun effet facilitateur sur sa mise enœuvre, mais en plus on en retireraune fierté bien légitime car ce seraune petite victoire. Ce ne sera pasAusterlitz, non, mais simplement uneréussite personnelle dont nous seronsle seul artisan. Reprendre en mainson alimentation, c’est aussi se réap-proprier sa puissance.

Quelques principes simplesLe changement s’appuiera sur unepetite liste de points importants à res-pecter. La correction de l’état biologi-que entre totalement dans le champde la correction nutritionnelle, aidéepar l’adjonction de compléments ali-mentaires parfois, ce qui en généralpermet de gagner du temps dansl’amélioration de la santé.

Remarquons que l’appauvrisse-ment de la teneur nutritionnelle desaliments est souligné dans de nom-breuses études officielles. En soixanteannées, les aliments ont perdu 50 %de leur teneur en constituants. Pour-quoi ? Car les modes de culture inten-sive ne permettent pas à l’aliment

végétal de se « remplir ». Le végétalpousse trop vite, gavé de produitschimiques aux fins de productionaccélérée. Trop d’eau, pas assez deconstituants nobles.

Pensez aux aliments poussés dansdes solutions toutes prêtes, « horssol » comme on les appelle… la solu-tion de barbotage n’a pas la diversiténutritionnelle d’un humus ! Ensuite,les pesticides et autres produits chi-miques ont lessivé les sols, tuant lesmicro-organismes de la terre ; orceux-ci permettent de nourrir le végé-tal. Il suffit pour s’en convaincre de sereporter aux différents livres de Jean-Marie Pelt, par exemple, une autoritéen la matière en France. L’améliora-tion bactérienne des sols, par asper-sion de souches bactériennes bienchoisies, améliore grandement laqualité de la récolte et la production :les Japonais, par exemple, sont enpointe dans ce domaine.

Alors, quels sont les buts à considé-rer ?1. Améliorer la détoxication par lefoie et les intestins.

2. Rétablir l’équilibre de la floreintestinale.3. Réduire l’inflammation et lesoxydations intempestives.4. Restaurer la perméabilité sélectivede l’intestin grêle.5. Retrouver une bonne sécrétionenzymatique.6. Arrêter la constipation.

Commencer par réduire le tissu adipeux

Pour vider notre « baignoire », il fautà la fois tirer la bonde et fermer lerobinet.

La première chose à envisager, c’estla réduction du tissu adipeux. Plusl’accumulation de graisse est impor-tante dans l’organisme, plus celui-ciest en état inflammatoire. Ainsi, rienque le tour de taille d’un individudonne des renseignements remarqua-bles sur son état inflammatoire !

En effet, le tissu gras est un vérita-ble organe endocrinien sécrétantdiverses hormones, mais aussi unecertaine cytokine appelée interleu-kine 6. Il existe un antagonisme entre

Nutrition de baseNombreuses sont les situations de mal-être, elles nous touchent à des degrés divers.

Voyons comment maintenant nous tirer d’affaire. Ne pas essayer, mais le faire !

34 Article paru dans Mutuelle et Santé n° 77 (mars 2013)

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l’adiponectine, hormone correcte-ment sécrétée par les adipocytes lors-que ceux-ci sont peu nombreux – etdont le taux est effondré dès que l’onest juste en surpoids –, et le TNFalpha – une autre cytokine sécrétéepar les macrophages et les lymphocy-tes du tissu adipeux. L’adiponectineest très protectrice sur le plan cardio-vasculaire. On estime à 30 % la pro-portion de fabrication totale de l’in-terleukine 6 – molécule puissammentinflammatoire – par le tissu adipeux,en particulier le tissu gras intra-abdo-minal, qui est soumis à l’action del’insuline. Non seulement l’interleu-kine 6 est délétère en excès, mais ellefait des trous dans l’os.

En grossissant, on devient progres-sivement résistant à l’insuline, c’est-à-dire qu’elle reste à un taux anormale-ment élevé dans le sang même quandon n’en a plus besoin. L’insulinepousse alors à stocker de la graisse…

Ensuite, c’est dans le tissu adipeuxque se stockent la majorité des toxi-ques. Songez aux gaz de combat neu-rotoxiques : ils sont efficaces sur le cer-veau car celui-ci est riche en acidesgras, permettant la diffusion des poi-sons lipophiles. Ainsi, au cours d’unamaigrissement assez rapide peuventapparaître des symptômes dits d’éli-mination, causés par un relargaged’acides, d’hormones pro-inflamma-toires – les cytokines, par exemple – etde produits chimiques divers accumu-lés dans la graisse, comme les fameuxperturbateurs endocriniens mais aussiles pesticides que nous avalons, lesPCB… On peut ainsi observer l’ap-parition plus ou moins soudaine decystites sans microbes urinaires, defatigue, d’acné, d’aphonie – pertetransitoire de la voix –, de chutes decheveux ou de pellicules du cuir che-velu, de toux… Tout cela c’est de l’in-flammation, de « l’irritation ».

La rectification alimentaireest essentielle

Ces phénomènes irritatifs sont heu-reusement temporaires et témoignentd’un assainissement de l’organisme. Ilne faut pas les confondre avec uneinfection ou une pathologie inflam-

matoire surajoutée à l’état du sujet.Cette phase d’élimination, si elleexiste, dure en général un mois augrand maximum et correspond à laphase initiale de la détoxication. Elledonne un bon reflet de l’encrassagedu sujet. Il n’y a pas lieu véritable-ment de prendre un traitement, ilfaut attendre que cela se passe. Unebonne idée consiste à prévoir sonamaigrissement en entamant avant etpendant un mois ou deux un traite-ment nutritionnel optimisant ladétoxication du foie et de l’intestin.

La rectification alimentaire estdonc primordiale, et rien de sérieuxne peut se faire sans elle. On élimi-nera alors les aliments encrassants,ceux que l’on ne peut pas digérer etdont les molécules peuvent entrerdans l’organisme via un intestin dysfonctionnel.

N’oublions surtout pas que, pourvivre en bonne santé, nous avonsbesoin uniquement de ce que laNature nous a fourni, sinon l’huma-nité n’aurait pas survécu. C’est-à-dire :� des légumes,� des fruits,� des baies,� des graines� du poisson,� de la volaille,� des graines huileuses,� des œufs,� et un peu de gibier quand on l’at-trape, c’est-à-dire un peu de viande !

Tout le reste est superflu ! Encorefaut-il trouver des aliments ayant dugoût, comme dans les produits issusde l’agriculture biologique.

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1. Améliorer la détoxicationdu foie et de l’intestin

C’est d’abord ne pas le surcharger,vous en conviendrez. Il existe diversesmolécules, végétales ou non, qui peu-vent aider grandement à la détoxica-tion. Une molécule issue du brocoli,l’indole 3 carbinol, est très efficacepour améliorer la phase 1 de détoxi-cation. Le brocoli connaît actuelle-ment une cote d’amour importanteauprès des nutritionnistes en raisonde ses capacités, notamment sur l’éli-mination des hormones œstrogéni-ques fabriquées en excès chez lafemme – risque de cancer du seinpleinement démontré. Les silymari-nes du chardon-Marie sont efficacessur la phase 1 de détoxication, rédui-sent la cirrhose et la fibrose hépati-ques. Les vitamines du groupe B, àpetite dose c’est-à-dire nutritionnelle,améliorent aussi la détoxication. Ilexiste des préparations efficaces pouraméliorer la fonction de détoxicationdu foie, que ce soit la phase 1 ou laphase 2. Le traitement doit être établipar un nutritionniste, ne l’entrepre-nez pas vous-même ; s’il y a peu dechances qu’il soit dangereux, il seraitsans doute redondant.

2. Rétablir l’équilibre de la flore intestinale

Là aussi, la prise de probiotiques –bactéries lactiques, bifidus et autres –est efficace. C’est simple, sans danger.Une formule panachée et trèsconcentrée – 10 milliards de germes !– est actuellement considérée commeadéquate. Rappelons-nous l’efficacitéde la flore intestinale. Celle-ci ne setrouve pas dans les yaourts ! Une prise

régulière de probiotiques est incom-parablement plus efficace que demanger des yaourts au bifidus ! Etn’oublions pas les prébiotiques, cesfameuses fibres : inuline à longueurde chaîne variable, raftilose, fructo-oligosaccharides, galacto-oligosaccha-rides. L’inuline est maintenantconnue aussi pour améliorer l’absorp-tion du calcium dans l’intestin sansfaire intervenir la vitamine D.

La flore bactérienne est capable decatalyser plusieurs réactions méta-boliques de dégradation, de réduc-tion et d’hydrolyse.

Ces bactéries jouent un grandrôle dans la recirculation entéro-hépatique en hydrolysant les conju-gués de plusieurs xénobiotiques,tels les contraceptifs oraux, ladigoxine, le propranolol, la vita-mine D, les acides biliaires, l’acidefolique et le cholestérol.

3. Réduire l’inflammation etles oxydations intempestives

La résultante des déséquilibres, c’estl’inflammation ! L’alimentation recti-fiée, à elle seule, est très anti-inflam-matoire. L’utilisation de divers anti-oxydants pour éponger les radicaux

libres à dose assez faible suf-fit en général, et souventredonne de l’énergie assezrapidement – vitamines C,E, acide alphalipoïque, sélé-nium, taurine, glutathion…Il existe beaucoup de prépa-rations à base d’antioxy-dants dans le commerce,mais n’oubliez pas qu’ilsagissent correctement seule-ment s’ils sont en associa-tion. Le curcumin a lui aussi

fait ses preuves comme anti-inflam-matoire et possède des vertus trèsintéressantes dans la lutte contre lecancer, à condition qu’il soit associé àun retardateur de dégradation – lapipérine actuellement, molécule issuedu poivre. Le curcumin alimentaireest en trop petite quantité dans lespréparations culinaires, il faut enapporter sous forme de complémentalimentaire. Mangeons des fruitscolorés, des légumes colorés, richesen antioxydants !

4. Restaurer la perméabilitésélective de l’intestin grêle

L’intestin possède plusieurs fonc-tions :� digérer et absorber les aliments� empêcher le passage des micro-organismes pathogènes,� réduire la disponibilité, carcinogéni-cité et toxicité de substances nocives,� éliminer les résidus indésirables.

Une détoxication a lieu dans lalumière de l’intestin ou dans la paroi decelui-ci, aboutissant à une diminutionde la biodisponibilité et de l’activitépharmacologique de certains xénobio-tiques – molécules étrangères à la vie.

Toutefois, la contribution de l’in-testin au métabolisme des médica-ments ne se limite pas aux produitsingérés oralement. En effet, à la suited’une administration intraveineuse,certains composés passent dans l’in-testin et subissent une biotransforma-tion – furosémide, théophylline,digoxine, diltiazem : médicamentsdonc, mais aussi diverses hormones,par exemple.

Les enzymes intestinales impli-quées dans les réactions de phase 1

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sont plus faibles en termes d’activitéet de concentration que celles du foie.Mais l’activité de biotransformationde ces enzymes est plus importanteau niveau de l’apex des microvillosi-tés, et elle diminue progressivement àla base des cryptes. Ces composéspeuvent se doser dans les fèces sousforme inchangée ou métabolisée.

L’activité métabolique spécifiquede la muqueuse intestinale est ladeuxième plus importante dans l’or-ganisme après celle du foie. L’activitéintestinale de détoxication de phase 2est comparable à celle du foie.

Il faut à tout prix restaurer uneperméabilité intestinale normale.Des molécules partenaires de l’orga-nisme comme la glutamine, la tau-rine et le glutathion sont intéressan-tes pour soigner l’intestin. Ces acidesaminés sont vraiment utiles pour res-taurer les fonctions épithéliales del’intestin. En réalité, l’intestin abesoin qu’on s’occupe bien de lui, etil faut en général coupler un certainnombre de nutriments pour être rai-sonnablement efficace – acides grasoméga-3, probiotiques, antioxy-dants, fibres, oligo-éléments, vitami-nes B. Manger des fibres (des végé-taux), c’est consolider la flore.

5. Apporter des enzymesEn attendant que la muqueuse récu-père ses activités, on peut – on doit –suppléer temporairement son activitéenzymatique défaillante – les cellules

en renouvellement rapide sont imma-tures, souvenez-vous – et lui donnerune béquille externe pour retrouver

rapidement une puissance de diges-tion, et donc une qualité d’absorp-tion des nutriments immédiatementsupérieure, ce qui défatigue. Outreune muqueuse altérée, les enzymesdigestifs sont mis à mal par :� la cuisson trop vive, qui détruit lesenzymes des aliments,� le traitement des aliments,� la mastication insuffisante desaliments : on mange beaucoup tropvite !� le déficit en acide chlorhydriquegastrique (fréquent après 60 ans),� les pancréatites (alcooliques oumédicamenteuses),� l’alimentation trop abondante (lesenzymes sont débordés),� les intolérances alimentaires (ina-déquation enzymatique à certainsaliments, au gluten, aux produitslaitiers…).

On comprend donc aisément quela prise d’enzymes digestifs soulagerapidement « le ventre ». Et lorsqu’onsoulage le ventre, c’est le corps que

l’on soulage.

6. Arrêter la constipationLes différents points abor-dés ci-dessus vont pouvoirà eux seuls rétablir un tran-sit normal. N’utilisez leslaxatifs qu’en dernièreressource : pas de séné ni debourdaine, ce sont des irri-tants qui donnent ce quel’on appelle « la maladie deslaxatifs » à plus ou moinsbrève échéance. Utilisez les

graines de psyllium, par exemple.Mais souvenez-vous que la floreintestinale est un puissant régula-

teur de transit… Ne vous découra-gez pas : des personnes ayantquarante ans de constipation finis-sent par retrouver la normalité avecle changement alimentaire en quel-ques semaines.

En conclusionAdressez-vous à un nutrithérapeute –qui soit mince ! – au moins une fois,même si vous pensez pouvoir résou-dre vous-même le problème qui vouspréoccupe. Cela vous évitera uneperte de temps, des tâtonnements,des dépenses en compléments ali-mentaires superflues, et en principeune saine rééquilibration alimentaire.Il pourra vous guider en ce quiconcerne les substitutions à faire, lesproduits de remplacement et les millepetits trucs du métier que l’onapprend avec l’expérience.

Toutes les maladies, concernanttoutes les spécialités médicales, nonseulement méritent mais peuvent êtreaméliorées ou guéries en changeantl’alimentation ! Cependant, parfoisrien n’y fait, mais c’est très rare :même les maladies génétiques sevivent mieux ! Dans d’autres cas,l’amélioration nécessite davantage detemps pour se réaliser. Il est impor-tant de comprendre que des dérègle-ments datant de plusieurs annéesvoire des décennies ne peuvent pas serésoudre immédiatement. Même si lemoteur n’est pas au mieux, rien n’em-pêche de l’entretenir…

Si certains ne veulent pas encoreentendre parler de « traitement nutri-tionnel », c’est qu’ils restent encoredans l’idée que la nutrition est seule-ment préventive. �

37Article paru dans Mutuelle et Santé n° 77 (mars 2013)

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Les bactéries apparaissent alorscomme des alliés insoupçonnésau bon maintien de la santé de

l’organisme. La notion de symbioseest apparue. En somme, c’est enpoussant ces micro-organismes dansleurs derniers retranchements, sous lapression insupportable des antibioti-ques, que l’on a appris à les apprécierautrement.

Survivre dans un milieu hostile estdélicat. Les bactéries ont besoin de senourrir, de se multiplier et de se dis-séminer, tout en s’adaptant aux chan-gements rapides de température, ense défendant face aux agresseursviraux ou à d’autres bactéries. Lasolution de la symbiose a résolu pasmal de problèmes existentiels rencon-trés par ces petites bêtes. Avant cela,la solution d’intégrer une cellule a vule jour, pour échapper à la toxicitémortelle de l’oxygène apparaissantsur Terre. Les mitochondries, organi-tes cellulaires produisant de l’énergie(l’ATP) par oxydation de substrats –lipides et sucres –, sont les vestigesvisibles et nécessaires de ces anciennesbactéries, avec leurs gènes bien à partdans la cellule eucaryote. Mais ellesont été prises au piège de la machine-rie cellulaire les hébergeant et n’ontpu se développer ainsi. La symbiosereprésente alors une autre solution desurvie, plus avantageuse.

La flore de fermentation représenteun bel exemple de coopération réci-

proque : les polysaccharides végé-taux, souvent structurels dans lesplantes, ne sont pas digérables par lesenzymes des humains, mais le micro-biote les prend en charge lorsqu’ilsatteignent le côlon, et sa capacité dedégradation enzymatique nous four-nit des nutriments absorbables telsles acides gras à courte chaîne, dontle plus fameux est l’acide butyrique.Ces petites molécules – 4 carbonesen général – sont gazeuses et lipidi-ques, de la famille des acides grassaturés. Une fois absorbées par l’in-testin, ces molécules sont utilisées àdes fins énergétiques par l’êtrehumain. Elles servent aussi à lamaturation cellulaire intestinale ; etde plus font un peu la loi enversd’autres bactéries qui nous attendentau tournant pour nous infecter.

Un rôle déterminant pour une solide immunité

Les lactobacilles et les bifidobactériesjouent ce rôle de protection vis-à-visdes bactéries opportunistes apportéesen général par la nourriture. D’ail-leurs, on sait bien maintenant quel’établissement d’une solide immu-nité dépend de la présence stimulantede ces bactéries dès la naissance, maisaussi que la colonisation du tractusdigestif à la naissance déclenche lamaturation des organes digestifs ausens large du terme. On commenceaussi à s’apercevoir que l’équilibre et

le devenir psychique et comporte-mental de l’individu dépendent deces mêmes microbes !

Mais n’importe qui ne se laisse pascoloniser par n’importe quoi. Lasymbiose est là aussi. L’hôte fabriquedes molécules d’adhésion sur sonépithélium intestinal, et ces moléculesretiennent certaines bactéries “souhai-tées”, au détriment d’autres moinsdésirables. Par exemple, les moléculesde type lectine de l’individu s’accro-chent aux peptidoglycanes membra-naires bactériens, et l’accrochagephysique des bactéries favorise forte-ment l’interaction de celles-ci avec lescellules épithéliales ; les entérocytesreçoivent alors des signaux activantleur métabolisme et leur prolifération,par exemple; cette stratégie est évidem-ment essentielle au maintien d’unebonne relation. Pour que ça dure, ilfaut nécessairement que chacun béné-ficie des interactions, ainsi l’évolutionde l’un se fera en parallèle avec celle del’autre. L’individu va alors bénéficier dela résistance à un jeûne prolongé,d’avantages en termes de fertilité, derenforcement des défenses immunitai-res ou encore de bonnes capacités dedigestion.

Mais on est bien obligé de s’aperce-voir que les bactéries sont apparuesbien longtemps avant les humains, etqu’elles ont évolué depuis bien pluslongtemps que nous. L’idée intéres-sante, c’est que les bactéries nous ont

Le microbiotequi ne voulait pas mourir

Depuis plus d’une vingtaine d’années, on assiste à un regain d’intérêt envers nos

bactéries intestinales. D’abord considérées comme dangereuses, puisque appartenant

à l’univers des microbes chers à nos biologistes de la fin du XIXe siècle, leur image

a changé progressivement, au fil du temps, par l’accumulation des connaissances

Le microbiotequi ne voulait pas mourir

Le microbiotequi ne voulait pas mourir

Le microbiotequi ne voulait pas mourir

Le microbiotequi ne voulait pas mourir

38 Article paru dans Mutuelle et Santé n° 81 (mars 2014)

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tolérés dans la mesure où nous pou-vions leur apporter des avantages évo-lutifs. Dans cette hypothèse, les ani-maux possédant un intestin facilitentla propagation, la protection et l’ha-bitat des micro-organismes. On peutdire que faute de mieux à l’heureactuelle, la symbiose devenait inévita-ble pour survivre ! Les génomes ontdû eux aussi co-évoluer pour mainte-nir stable la cohabitation.

La symbiose se met en place dès lespremiers jours de la vie, elle évolue aufil des ans en fonction de l’hygiène, ycompris alimentaire, et des antibioti-ques éventuels. Une mauvaise santéintestinale est en relation directe avecune dysbiose, et on sait maintenantque celle-ci conduit à un grand nom-bre de maladies.

Le nouveau défi qui se présente à lasymbiose, c’est le changement ali-mentaire, avec en plus l’abondancede nourriture disponible dans les paysoccidentaux. Or les bactéries évo-luent bien plus vite que nous face àces changements : la symbiose estrompue, il y en a un qui court devantsans se préoccuper de celui qui resteen arrière, nous !

Actuellement, la flore intestinaleest devenue capable de prendre encompte l’excès de nourriture dispo-nible ; depuis peut-être une trentained’années. Le microbiote délivre denouveaux messages pris en comptepar l’individu. Les signaux micro-biens, envoyés par nécessité de sur-vie, conduisent l’animal – pas quel’homme – à stocker davantaged’énergie. Mais, comme l’homme nedépense pas en rapport pour mainte-nir l’équilibre entrées/sorties – entout cas pas suffisamment –, onentre dans le surpoids et l’obésité, etdans le diabète.

Il n’y a pas que la quantité de nour-riture qui influence la symbiose. Leremplacement des fibres alimentairesfermentescibles issues des végétauxpar les lipides alimentaires modifieprofondément non seulement la flore,mais surtout induit un état inflamma-toire modéré mais constant. A celas’ajoute la rupture de la perméabilitéintestinale, générant par elle-même de

l’inflammation par une autre voie, etfavorisant le passage abusif de micro-organismes dans le corps. On entre làdans le vaste domaine des maladiesentéro-métaboliques, et directementdans l’induction des pathologies auto-immunes. Si l’hypothèse génétique deces maladies est retenue, son influencerelative dans le déclenchement desmaladies paraît faible face aux facteursenvironnementaux nutritionnels.

Faire d’un citoyen un consomma-teur en fait directement un malade,qui consomme comme un malade…Les bactéries ont pris de l’avance,nous ne sommes pas encore “ajustés”aux nouvelles conditions alimentai-res, et donc la symbiose ne se fait pluscorrectement : on est donc maladesde désynchronisme.

Un millier d’espèces de bactéries

Si le génome humain contient envi-ron 30000 gènes, la palme revientaux bactéries qui elles en possèdentde 200000 à 300000, puisque lenombre de bactéries dans l’intestinavoisine les 1014 et que le microbiote

pèse plus de 1,5 kg. Le nombre d’es-pèces tourne autour de 1 000. Ilexiste un peu plus de 50 phyla bacté-riens sur Terre, mais 4 sont principa-lement retrouvés dans l’intestin : Fir-micutes et Bacteroidetes, sans douteles plus importants à l’heure actuelle,ainsi que les Actinobactéries et lesProtéobactéries. Disons que 9 autresgroupes sont observés en faible pro-portion dont les Chlamydiae, Cyano-bacteria, Deferribacteres, Deinococ-cus-Thermus, Fusobacteria, Spiro-chaetes, Verrucomicrobia. Tout cepetit monde-là fabrique une pléiadede molécules informatives dont onn’est pas près de déterminer le rôle !

On s’est rendu compte, depuisenviron cinq ans, que le microbiotedes gens obèses était différent de celuides gens minces. Ce microbiote par-ticulier délivre des signaux quicontrôlent la prise de poids. On noteque les Bacteroidetes (Gram négatif )sont minoritaires chez les gens obèsespar rapport aux minces. Heureuse-ment, cela est réversible si les sujetsadoptent un régime alimentaire pau-vre en sucres et surtout en graisses.

39Article paru dans Mutuelle et Santé n° 81 (mars 2014)

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Ce qui est également intéressant, c’estque le séquençage bactérien intestinalmontre qu’environ 70 % des séquen-ces génétiques identifiées sont uniquesà chaque personne. De ce fait, la pro-portion de flore modifiée commune àchaque personne pourrait être assezfaible, mais quand même suffisantepour déclencher les changementsmétaboliques observés.

Chez les souris, 4 semaines denourriture riche en graisse – surtoutsi elle est donnée la nuit ad libitum –modifient l’équilibre microbien. Lesbactéries Gram positif diminuent auprofit des Gram négatif : les Firmicu-tes prennent largement le dessus, lesBacteroidetes diminuent de 50 %chez les souris obèses ! Cela est attestépar l’augmentation de la présencedans le sang d’une molécule particu-lière de paroi bactérienne, le lipopo-lysaccharide. Il semblerait que le LPSpasse dans le sang en se couplant auxlipoprotéines fabriquées en réponse àl’alimentation grasse. Cette moléculedéclenche une réaction inflamma-toire métabolique qui régule forte-ment l’action de l’insuline. Ce lipo-polysaccharide circulant déclenche laproduction de cytokines dans le corpsaboutissant à l’insulinorésistance :l’insuline pancréatique est bien sécré-tée, mais elle n’est pas assez utiliséecar les récepteurs cellulaires sont inef-

ficients à la capter. On a donc coexis-tence de quantités anormalement éle-vées dans le sang d’insuline, spéciale-ment après les repas, et de glucose àdes taux eux aussi évidemment élevés.C’est évidemment très fâcheux à plusd’un titre, et le glucose est retiré de lacirculation pour être transformé entriglycérides dans le tissu adipeuxpuisqu’il n’est pas assez utilisé par lescellules qui en ont besoin. On a doncl’équation redoutable : sucre + résis-tance à l’insuline = prise de poids. Etce n’est qu’un début…

Le LPS autorise aussi le tissu adi-peux à se multiplier… et là c’est lacatastrophe. On peut alors stockerjusqu’à 450 kg de graisse ! Il y a de laplace puisque les cellules adipeusespeuvent se multiplier.

L’industrie alimentaire, obstaclemajeur à un changementsalutaire d’alimentation

Evidemment, il y a bien un moyen,c’est de restreindre sa nourriture et dela varier davantage vers les végétaux,mais les habitudes prises, les effortsdémesurés déployés par l’industriealimentaire pour nous faire consom-mer un maximum à tout prix – et aumoindre coût – sont des obstaclesmajeurs au changement salutaire denourriture, changement devenuquand même inéluctable tant les

dégâts sont importants dans lemonde entier. En fait, là comme ail-leurs, c’est la paresse des individus quicrée le problème. Redisons-le sanscesse, en fin de compte, le responsa-ble c’est vous !

Retrouver une alimentation plusconforme à notre physiologie permetde rectifier l’équilibre microbienintestinal, de faire chuter l’inflamma-tion créatrice de nombreuses mala-dies et de non moins nombreuxmorts, spécialement cardiovasculai-res. On a peu de moyens utiles enpharmacie pour contrer les effetsdésastreux d’une telle situation. Lesprobiotiques représentent alors unealternative très intéressante et nondangereuse, surtout s’ils sont associésaux prébiotiques, ces fibres particu-lières qui nourrissent et font croîtreles bifido et les lactobacilles. Par ail-leurs, les prébiotiques possèdent deseffets propres, anti-inflammatoires,sur le métabolisme.

Il est intéressant de constater quele sevrage du nourrisson permetl’établissement de la plupart desphyla bactériens – dans ce cas, l’ali-mentation se diversifie, les bactériesqui ont besoin de nutriments parti-culiers trouvent leur compte. Il estdonc assez futé de “coloniser” lesenfants juste après la naissance avecdes probiotiques. Car les premiers

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arrivés étant les premiers servis, lesprobiotiques implantés auronttoutes les chances de rester là toutela vie de l’individu et de préserverau mieux la symbiose. Il existe biendes variations de microbiote lors dela puberté et de la ménopause, maisen fait on n’y connaît que très peuencore. Finalement, le microbiotepourrait devenir une certaine formede carte d’identité de l’individu,mais avec en supplément un paneld’informations essentielles concer-nant le développement de l’orga-nisme, son état de risque de maladieen rapport avec l’inflammation, etson métabolisme.

On poursuit donc les études visantà connaître le microbiome. On s’estaperçu qu’il y avait plus de simili-tude de flore entre les individusvivant dans des conditions socialessimilaires que chez des individusissus d’une même famille. Si, dansune communauté, plusieurs indivi-dus présentent un cancer du côlon,les membres de celle-ci pourraientalors avoir un risque accru du mêmecancer. Il semble même que les bac-téries peuvent contrôler les préféren-ces alimentaires individuelles,comme celle du chocolat. En effet,la séquence pourrait être celle-ci :l’hôte manque de certains ingré-dients dans son alimentation, desbactéries disparaissent tandis qued’autres en profitent pour prendre laplace – la niche écologique –, ledérèglement de flore est installé, lesmessages de survie sont alorsenvoyés au sujet afin de rectifier sesenvies alimentaires… et il ressent lebesoin de manger du chocolat pournourrir ses bactéries. Pourquoi pas ?C’est sans doute simpliste mais pasfaux pour autant, en tout cas en par-tie très vraisemblable : les débuts depreuve arrivent ! De même, l’organi-sation des circuits neuronaux impli-qués dans le comportement alimen-taire – et contrôlant l’obésité – sem-ble être sous la dépendance dumicrobiote. Si tout cela n’est évi-demment pas démontré, dira-t-on,la preuve ne remplace pas forcémentl’intelligence…

Géopolitiquedu microbiote intestinal

La diversification des espèces bacté-riennes s’est peut-être faite afind’augmenter les chances de survie decelles-ci. Si le concept de symbiosepeut s’appliquer à l’homme, les bac-téries elles aussi sont dans l’obliga-tion d’établir des liens particuliersavec leurs congénères. Il existe unevéritable géopolitique de populationau sein du microbiote. Les espècesaérobies soustraient l’oxygène afinque vivent les bactéries anaérobies –il existe une proportion très précisede bactéries aérobies-anaérobiesretrouvée tout au long de l’intestin.Certaines bactéries dégradent desnutriments, et les produits libérésservent à d’autres espèces. Ainsi,l’élimination des lactobacilles parune antibiothérapie, ou, à l’inverse,la favorisation de leur survie parapport microbien probiotique ciblé,peut également agir sur d’autresespèces non initialement ciblées. Leslactobacilles produisent de l’acideacétique et lactique, du peroxyded’hydrogène (l’eau oxygénée) et dessubstances antimicrobiennes qui

permettent la mise en place d’unéquilibre avec d’autres espèces quitolèrent ces conditions acides ouoxydantes, par exemple. Un antibio-tique peut donc affecter un ensem-ble bactérien bien plus importantque celui visé au départ.

On voit donc émerger, avec deplus en plus de force et de preuves,la réalité d’une alimentationdélétère, quantitativement – avez-vous remarqué la taille des pots depop-corn au cinéma ? – et qualitati-vement ; le remplacement deproduits issus de la nature par desproduits élaborés en usine (voyez lesurimi) éloigne, qu’on le veuille ounon, l’homme de ses racines (lejuste mot ?), de ses rapports intimesavec le monde. D’ailleurs, il estintéressant de constater que lapsychanalyse et les techniquespsychologiques sont apparueslorsque l’industrialisation connais-sait un intense développement à lafin du XIXe siècle : l’homme telle-ment coupé de sa nature éprouvait-il ainsi le besoin de tenter derenouer avec celle-ci ? �

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V u sous cet angle, et ce n’estpas le moindre, on se posesérieusement la question de

savoir si, finalement, ce sont leshommes qui hébergent les bactéries,dans une vision anthropocentrique,ou bien si ce sont plutôt les bactériesqui nous ont colonisés afin de survi-vre à l’abri de l’oxygène – qui est unpoison mortel pour l’immense majo-rité d’entre elles. Ainsi, dans cetteoptique, on flirte de très près avecl’idée que les gènes bactériens pren-nent largement le pas sur les nôtres,et que les bactéries régulent l’immu-nité et le métabolisme énergétiqued’Homo sapiens de manière à tenterde le faire vivre le plus longtempspossible : de cette façon, les bactériesseront bien gardées, et cette visionbactériocentrique vaut bien la nôtre !

Les débuts incertains du microbiote

La colonisation de l’intestin com-mence dès la naissance, et bébé estexposé aux microbes maternels(vagin, peau, lait maternel). Si l’en-fant naît par césarienne, la colonisa-tion se fera avec les bactéries de l’envi-ronnement (l’hôpital), ce qui n’est pasdu tout l’idéal, d’autant que la pres-cription d’antibiotiques à la mèreet/ou à l’enfant autour de cettepériode de l’accouchement ne va pascontribuer à équilibrer le microbiote.Ce microbiote est très instable jusqu’àl’âge de 2 ans au moins, et on se rendcompte avec de plus en plus d’évi-dence que des perturbations précocesaltèrent la santé physique et mentale.

A la naissance, les nouveau-nés sontmis en présence de toute une variété

de micro-organismes, dont la plupartseront incorporés dans le microbioteintestinal. La technique du pyrosé-quençage rARN 16S révèle que lemicrobiote intestinal du nouveau-néjuste après la naissance est similaireaux microbiotes d’autres habitats cor-porels. Chez les enfants nés par lesvoies naturelles, le microbiote intesti-nal ressemble au microbiote vaginalde la mère, et il est dominé par la pré-sence de Lactobaccillus, Prevotella,Sneathia, tandis que les enfants néspar césarienne présentent des simila-rités avec le microbiote de la peaumaternelle, avec prédominance deStaphylococcus, Corynebacterium etPropionibacterium.

Cependant, pendant la premièresemaine de vie, l’intestin montre undéveloppement microbien très inégal,

Microbiote… macroeffets !Ces bactéries qui nous gouvernent

Le microbiote intestinal est la nouvelle dénomination de l’ancienne flore intestinale.

Il représente à ce jour une superbe collection d’environ 1400 espèces,

soit pas moins de 3,3 millions de gènes. C’est-à-dire 150 fois plus de gènes

que le pauvre humain qui les héberge !

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souvent très fortement dominé par unou plusieurs taxa, appartenant habi-tuellement aux Escherichia, Clostri-dium, Bacteroides ou Bifidobacterium.

Les microbiotes dominés par Bifi-dobacterium sont beaucoup plus fré-quemment rencontrés chez lesenfants allaités que chez les enfantssous alimentation artificielle, bienque d’autres compositions de micro-biote puissent exister. L’introductiond’aliments solides provoque un grandchangement de composition micro-bienne, bien que les taxa spécifiquesprésents avant et après le changementde régime puissent varier selon lesenfants. A l’âge de 1 an, le microbioteressemble beaucoup à celui del’adulte, essentiellement dominé parles phyla Bacteroidetes et Firmicutes,eux-mêmes représentés par les espè-ces Bacteroides, Faecalibacterium,Clostridium et Ruminococcus. Néan-moins, l’éventail microbien typiquede l’adulte n’est probablement atteintque vers l’âge de 3 ans.

Dans le meilleur des cas, la coloni-sation intestinale ne se fait pas auhasard. En effet, en raison de l’immu-nité propre du sujet, n’importe qui netolère pas n’importe qui non plus.Des expériences très sérieuses etnéanmoins amusantes entre micro-biotes de souris et de poisson zèbremontrent que, si le microbiote depoisson est transféré chez des sourissans microbiote (et réciproquement),les profils de bactéries en résultantsont conformes à ceux de l’espèce

receveuse… Pas question que la sou-ris adopte les bébêtes du poisson, sagénétique va faire un tri impitoyable.

La caractérisation fonctionnelle dumicrobiote intestinal montre que,malgré les disparités taxonomiques,l’enfant acquiert rapidement unrépertoire génétique fonctionnelabondamment pourvu en gènescodant pour le métabolisme des car-bohydrates, grandement similaire àcelui de l’adulte. Néanmoins, lerépertoire fonctionnel de l’enfantchange au cours de la première annéede vie, puisqu’au départ le microbioteest riche en gènes facilitant l’utilisa-tion du lactate, et que l’introductiondes aliments solides déclenche l’enri-chissement du microbiote en gènescodant pour l’utilisation d’unegrande variété de carbohydrates, pourla biosynthèse de vitamines et pour ladégradation des xénobiotiques.

Mais tout le monde n’est paspareillement loti. En effet, il existeune très grande variété d’espèces quidiffèrent d’un individu à un autre.On considère actuellement que leshumains possèdent un pool com-mun d’environ 50 familles bacté-riennes, et tout le reste est affaire dediversité interindividuelle, avec lesespèces et les souches à l’intérieur decelles-ci. Mais prédominent toujoursdeux grands phyla : les Firmicutes etles Bacteroidetes, soit plus de 90 %des bactéries du colon.

Microbiote et immunitéLe microbiote va diriger les réponsesimmunitaires et éduquer celles-ci aucours du développement de l’enfant.A l’âge adulte, le microbiote régulefortement l’immunité. Il va faireproduire des anticorps de surface(IgA) qui vont garnir le mucus, stimu-ler l’expansion du nombre et des fonc-tions des lymphocytes des muqueuses,mais aussi des globules blancs de toutl’organisme. Les désordres immuni-taires observés chez les animaux élevésen environnement totalement stérile(y compris leur nourriture) sontnombreux et témoignent bien du rôlecrucial de tuteur immunitaire du microbiote dans toutes les espèces.

Les bifidobactéries, spécifiquement,déclenchent la maturation immuni-taire muqueuse, et les bactéroïdesdiminuent la réponse immunitaire auLPS – lipopolysaccharide de paroi debactéries Gram négatives, une molé-cule “terroriste” –, autrement dit, ellessont “anti-inflammatoires” et ce n’estpas un euphémisme. Bref, le micro-biote éduque le système immunitaire àtolérer les bactéries bénéfiques et à nepas tolérer les autres.

Le microbiote se montre très géné-reux envers nous en nous protégeantde bien des infections: intestinalesd’abord, en occupant le terrain, depuisla naissance, en raflant la nourriturelocale qui ne servira donc point auxbactéries indésirables, et par exempleen sécrétant tout un tas d’antibioti-ques – un comble pour une bactérie !–, ou bien en maintenant un pH basvia les produits de fermentation, c’est-à-dire une acidité locale propice à tuerou à gêner considérablement le déve-loppement d’autres populations bacté-riennes opportunistes.

Si l’infection est intestinale, et c’est lecas au début de l’automne et en hiver,toute la communauté bactérienne peuten prendre un coup. Une grande partiede nos bactéries vivent en symbiose, enmutualisme avec nous. Chacun en tireprofit normalement; et surtout lesbactéries bénéfiques à l’humain font leménage à l’intérieur de l’intestin, c’est-à-dire tiennent en respect d’autrescolocataires un peu trop dangereux,potentiellement pathogènes. Autre-ment dit, si le chat n’est pas là, lessouris dansent…

Le microbiote nous protège aussides infections non intestinales, en sti-mulant adéquatement toute notreimmunité. On entend parler desinfections à Clostridium, gravissimesen général car très antibiorésistantes(90 % de mortalité), mais toutes lesespèces de clostridies ne sont paspathogènes. Plusieurs groupes de cesbactéries sont normalement présentsdans l’intestin, où ils fabriquent lamajorité des acides gras à courtechaîne, ce qui nourrit les cellules épi-théliales de la muqueuse. De plus, ilsconfèrent une protection envers les

Firmicutes et Bacteroidetes.

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maladies intestinales inflammatoireschroniques (Crohn et rectocolitehémorragique essentiellement).L’acide butyrique protège des infec-tions à mycobactéries (avium et para-tuberculosis) et à entérobactéries.

Le microbiote sait se faire discret,furtif… Il envoie des messages depaix envers le système immunitaire,qui le lui rend bien, en tolérant un“bon” microbiote. Mais attention, sile microbiote renferme des terroristesqui passent à l’action, la lutte qui vase déclencher sera sans pitié. Pouravoir la paix, il faut préparer laguerre… même dans l’intestin ! Toutest alors possible, du simple règle-ment de comptes, dans un repli obs-cur de muqueuse, à la guerre totaleengendrant une destruction infernaleet massive du microbiote tout entier :c’est ce qui se passe dans la maladiede Crohn, par exemple.

Un bon microbiote, c’est aussi legarant d’une bonne tolérance aux ali-ments. Si on enclenche une dysbiose,un cafouillage dans la répartition dessouches, alors la porte est ouverte auxallergies alimentaires. Ni plus nimoins. Et donc point de salut possi-ble dans les allergies si vous ne réglezpas le problème de la dysbiose.

Humeurs intestinalesMieux encore: le microbiote intestinalest très impliqué dans les régulationsde l’humeur, du psychisme et du com-portement de l’espèce humaine – maisaussi des souris, des singes, des mou-ches du vinaigre ! En somme, un bonmicrobiote, c’est un atout de poidspour développer un comportementadapté à l’environnement social, à lasocialité, et pour tout dire aux coopé-rations interindividuelles. De plus, onl’a bien montré chez l’homme commechez les animaux, un bon microbiote,c’est moins de dépression et d’anxiété.On va même encore plus loin: l’impli-cation du microbiote intestinal dans ledéveloppement et l’entretien des trou-bles du spectre autistique se démontrechaque jour un peu plus ; on réaliseaussi des études dans la schizophrénie,et c’est plus que troublant, on trouvedes pistes.

Tout cela montre à quel point l’in-testin n’est quand même pas ledeuxième cerveau, il ne faut rien exa-gérer, mais on a pu mettre clairementen évidence un axe intestin-cerveau,fonctionnant à plein dans les deuxsens. Peu à peu, le microbiote s’estinséré dans l’axe, et maintenant il n’y aplus de doute que c’est l’axe intestin-microbiote-cerveau qui influe forte-ment sur notre vie. Le problème, pourl’étudier, c’est que tout est intriqué…Le dépressif est connu pour mangertrès mal, d’après les études épidémio-logiques – trop gras, trop sucré notam-ment, pas d’effort culinaire –, mais est-ce parce qu’il a un microbiote déséqui-libré (une dysbiose) qu’il déprime etmange mal, ou bien au contraire est-ceparce qu’il mange mal qu’il modifie saflore et devient dépressif? Il semblebien, en effet, que la dysbiose induitepar l’alimentation augmente réelle-ment le risque de dépression – commed’ailleurs celui de l’anxiété. Evidem-ment, quand on jette un œil, même àla dérobée, sur l’état mental de lasociété, on ne peut s’empêcher de voircombien on mange mal et, concomi-tamment, combien on déprime…

En tous cas, un bon microbiote,c’est-à-dire équilibré, rend plus résis-tant au stress dans toutes les espècesanimales étudiées ainsi que chezl’homme. Un microbiote qui ne va pasbien fait donc plus facilement dépri-mer, et le déprimé présente aussi unemoindre résistance aux infections.

Nourrir son microbiote…Nos microbes sont essentiels à ladigestion de l’hôte qui les héberge, etnotamment envers les carbohydrates

– les célèbres fibres alimentaires –, à la fabrication d’acides gras à courtechaîne (comme l’acide butyrique) età la synthèse des vitamines. Oncomprend donc aisément que lemicrobiote influence le métabolismede l’hôte.

En réalité, lorsque l’on mange desfruits et des légumes en quantitérecommandée, on évite bien desinfections et on stimule son immu-nité. Les régimes gras ou trop richesen protéines font l’inverse : en parti-culier, ils provoquent la proliférationdes fameux Escherichia coli, dontquelques variétés dites “entéropatho-gènes” qui sont littéralement destueuses microscopiques, là encore enraison de leurs compétences redouta-bles à résister aux antibiothérapies.

On comprend aisément que lemicrobiote est fortement influencépar l’alimentation : en nous nourris-sant, on nourrit aussi nos bactéries,évidemment ! L’alimentation sélec-tionne donc, par sa qualité, les espè-ces bactériennes. Avec les effets qui endécoulent, c’est-à-dire, en pratique,soit une bonne santé, physique etpsychique, soit une inflammationchronique qui fait le lit de toutes lesmaladies de notre société.

Les changements de microbioteinduits par l’alimentation sont réver-sibles ; heureusement, rectifier sanourriture va rectifier le microbiote,et donc toute notre santé. Il n’estjamais trop tard pour bien faire.Commencez dès maintenant ! �

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L’efficacité du “carré d’as” en nutrithérapie

S’il est une association exemplaire en termes de nutrithérapie, c’est bien celle-là.

Etude d’une logique implacable en prévention et en curatif

I l est essentielque l’organismedispose d’un

ensemble de molécu-les nécessaires et indis-pensables à sonfonctionnement. Cescompléments touchentgénéralement des micro-nutriments. Dans l’alimen-tation, on considère deuxparties : d’une part, les macro-nutriments (protéines, lipides, carbo-hydrates), d’autre part, lesmicronutriments : ce sont des subs-tances devant être apportées en petitequantité mais qui sont néanmoinsindispensables. Leur carence peutcréer une situation qui va déséquili-brer le fonctionnement de l’orga-nisme et créer un terrain favorable,par exemple celui du cancer.

Il semble donc capital de vérifierchez une personne, soit en préven-tion, soit en cours de maladie, s’ilexiste des anomalies de cet ordre et deles compenser. Il est aisé de compren-dre que cette nécessité devient de plusen plus impérieuse avec l’avancée enâge, et ce d’autant que l’espérance devie s’est fortement accrue, même sil’on commence à deviner de-ci de-làquelques signes de stagnation.

De l’attention nouvelleapportée aux micronutriments

Certains objectent encore que l’ali-mentation apporte de tout un peu eten quantité suffisante si cette alimen-tation est correcte au regard des stan-dards scientifiques. En recherchescientifique, l’on a besoin de beau-

coup d’années d’observation avant detirer des conclusions. Par exemple, lespremières expérimentations réaliséessur les rapports entre alimentation etcancer ont consisté à observer despopulations qui s’alimentent diffé-remment (par exemple, les fameuxCrétois dont on parle beaucoup, soitles Méditerranéens de façon plusgénérale) et qui présentent moins decancers ou de maladies cardiovasculai-res. Souvenons-nous également depopulations du Japon ou des Inuit.Les bénéfices observés touchent engénéral un ou deux secteurs de mala-dies plus particulièrement. On a doncrecherché quels étaient les produitsalimentaires qui conféraient cetteprotection, et c’est à ce moment-làque l’on est “tombé” sur les vitamines,les minéraux, les oligoéléments, etc.bref, sur les micronutriments.

Evidemment, il y a une bonne tren-taine d’années, on s’est beaucoupexcité sur ces constituants, et l’on apensé que, si on avait une protection,il suffisait de mettre ces ingrédientsdans des petites pilules de complé-ments alimentaires et hop ! les caren-ces seraient compensées et les situa-tions compromises seraient corrigées.

Au terme den o m b r e u s e s

études d’interven-tion (dites de

supplémentation oude complémenta-

tion), portant souventsur de grands nombres

de personnes (jusqu’à100 000 environ), mais

donnant des résultatsparfois très surprenants,

voire contradictoires, on a pu aboutirà ce constat provisoire : complémentsnutritionnels, oui, mais à dose nutri-tionnelle (et non pharmacologique)et correspondant à la population. Onrejette les mégadoses, les combinai-sons non testées, les automédications.

Autrement dit, il faut que la pres-cription de compléments nutrition-nels reste du domaine de gens com-pétents, même si tous les risques nesont pas de même niveau : on neconnaît personne qui ait succombé àune overdose de magnésium!

On comprend bien que certainesrecommandations doivent être for-mulées par les autorités de santé àl’adresse des populations. Mais ilexiste une loi fondamentale : le risqueglobal d’un groupe de personnesenvers un événement n’a rien à voiravec le risque individuel d’une per-sonne tirée au hasard dans ce groupe.On donne des directives aux popula-tions mais le nutritionniste ne s’oc-cupe que d’un individu donné. Cettepersonne-là n’est pas un avatar statis-tique ! Ce qui laisse toute latitude aupraticien pour déterminer ses besoinsspécifiques.

45Article paru dans Mutuelle et Santé n° 85 (mars 2015)

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C’est en 1956 que DenhamHarman, chercheur américain, émetl’hypothèse que le vieillissement esten partie dû à une accumulation dedommages cellulaires et moléculairesprovoqués par les espèces réactives del’oxygène. Le rôle délétère de cesdernières a ensuite été impliqué dansde nombreuses maladies chroniquesplus ou moins fortement inflamma-toires. A la suite de nombreuses etfructueuses recherches dans cedomaine, il apparaît que les espècesréactives de l’oxygène (mais aussi del’azote) interviennent dans denombreux processus physiologiques.Le domaine des radicaux libres inclutdonc une dimension protectrice.C’est sa régulation qui nous importealors, pas seulement l’idée de lecombattre. L’antioxydant est lecomposé qui va s’oxyder plus viteque la structure à protéger, et quidétruit le radical libre, stoppant ainsila cascade de réactions ; l’antioxydantest généralement une molécule assezstable.

Les antioxydants comprennentun grand nombre de moléculesvégétales (en grande majorité).Non énergétiques, ces composésprotègent nos structures, c’est-à-dire les protéines, les lipides, lessucres, l’ADN, de l’oxydationexcessive par l’oxygène mais aussile chlore (l’eau du robinet…). Onretrouve des antioxydants solublesdans les lipides (acide alpha lipoï-que, vitamine E, coenzyme Q10),et qui vont donc protéger les struc-tures lipidiques (acides gras,cholestérol), et ceux qui sonthydrosolubles (vitamine C). Lesantioxydants se recyclent entre euxet agissent en synergie.

L’action des antioxydants strictosensu est renforcée par des

complexes enzymatiques telsla SOD ou le glutathion.Ces enzymes fonction-nent grâce à des oligoélé-ments tels le zinc, lecuivre, le manganèse, lemagnésium, le sélénium,

voire l’iode. L’apport de cesminéraux est donc essentiel.

La première chose à faire est de recti-fier l’alimentation. Malheureuse-ment, la tendance actuelle, c’est l’in-verse : uniformisation, ultraraffinage,appauvrissement par les procédés defabrication. De plus, les appauvrisse-ments en humus des sols ont faitchuter dramatiquement les composi-tions en nutriments (données scien-tifiques contrôlées et publiées par lesautorités de santé), de telle sorte quela teneur des aliments a chuté de60 % en 50 ans… et donc l’apportnutritionnel chute en rapport. Dansces conditions, et devant une bienfaible diversité alimentaire (l’étudeVal-de-Marne a bien montré que lapopulation ne mangeait pas plus de20 aliments différents en une se-maine…), le constat est terrible :l’alimentation est de moins en moinsnutritive. C’est ici que prend toute savaleur l’utilisation de complémentsalimentaires.

Sans évidemment en faire le détail,il existe une réflexion générale baséesur les constats scientifiques : notresociété évolue selon un mode in-flammatoire. Or c’est l’inflamma-tion qui est le plus grand et le plussilencieux tueur biologique de la pla-nète Terre. Il est donc licite d’utiliserune riposte nutritionnelle (non pol-luante en termes de pharmacopée)adaptée, s’opposant à l’inflamma-tion. C’est le concept du carré d’as :4 secteurs d’ingrédients, synergi-ques. On va retrouver les acides gras,le microbiote, les antioxydants et ledomaine touchant plus précisémentl’intestin, l’hyperperméabilité.

Les antioxydants

La meilleure solution de complémen-tation est d’associer plusieurs anti-oxydants majeurs. Cela permet debaisser les doses tout en obtenant unmeilleur résultat. Toute situationinflammatoire (patente ou biologi-que) peut bénéficier d’un tel apport.

Les oméga 3Parents pauvrissimes de l’alimenta-tion moderne, les malheureuxoméga 3 anti-inflammatoires sontsubmergés par les oméga 6, les aci-des gras saturés et les acides grastrans (cuissons), notamment retrou-vés dans tous les produits indus-triels. Le rapport optimal acidesgras polyinsaturés oméga6/oméga 3 devrait être de 1/1. Il est actuellement comprisentre 15 et 30 dans notresociété. C’est direl’énormité du pro-blème. Lesoméga 3étant impli-qués dansles mala-dies car-diovascu-laires, lac o a g u l a -tion, le dia-bète, l’obésité,les cancers, l’ostéoporose, l’immu-nité (pour ne citer que les meil-leurs), on comprend qu’il fautimpérativement rétablir l’équilibre.Ce qui se fera avec une cuillère àsoupe d’huile d’olive de qualité+ au mieux 1 cuillère à café d’huilede lin/chanvre/cameline (alterner)tous les jours, avec la prise conco-mitante d’huiles de poisson (EPA etDHA). Ces acides gras vont de sur-croît améliorer la présence des pro-biotiques dans la muqueuse intesti-nale. Cerise sur le gâteau, puisquevous prenez des antioxydants, vousprotégez ainsi mieux les huiles etoméga 3 divers. Membranes flui-des, échanges améliorés, bonnerétine, bon cerveau, bon cœur etbonnes artères… regardez autourde vous : est-ce le reflet de lasociété ?

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Les probiotiquesOn dira ce que l’onvoudra, l’utilisation desprobiotiques (certainesbactéries intestinales)représente un atoutmajeur en thérapeuti-que nutritionnelle préventive oucurative. Les effets positifs de cespetites bêtes dans notre corps sontlégion. Et dans tous les domaines :immunité, circulation sanguine,détoxication, digestion, synthèse decomposés essentiels – vitamines, parexemple – mais aussi humeur, stresset comportement… De fait, on estencore beaucoup trop timoré devantl’usage des probiotiques. Les effetssont dose dépendants. On neconnaît pas de toxicité. On s’aperçoitmême que s’ils sont tués, ils sontquand même efficaces ! N’importe

quelle souche ne vaut pas forcémenttelle autre, ce sont des subtilités denutritionniste, mais disons que vousne courez pas de danger à vous enprocurer. Choisissez une grande mar-que connue en pharmacie, associantau moins 5 souches, et à une dosed’au moins 3 CFU (colony formingunit) par jour. Exemple en cemoment, la grippe ou quelque chosequi y ressemble comme une bonnerhinopharyngite : Maxi-Flore : 10 parjour (vous avez bien lu) + huilesessentielles tea tree et ravinsaire 6 prises par exemple, et hop au litsans manger 24 heures. Vous m’endirez des nouvelles. Le lendemain,vous êtes guéri. On peut dans lemême registre prendre en sus 8 g deGLA/DGLA (acides gras polyinsatu-rés oméga 6) sur la journée. Ça vacoûter un peu plus cher.

Les protecteurs intestinauxC’est une association de moléculesutiles à l’intestin, soit pour le proté-ger en raison de la prise de médica-ments agressifs, de mauvaisealimentation, d’excès de gluten, oude situation où l’on est en présenced’hyperperméabilité (diabète, consti-pation, médicaments divers dont lesIPP, antiacides, etc.). Essentiellementon va retrouver des antioxydants, desvitamines, quelques oligoéléments,de la glutamine… Il existe peu depréparations correctes à mon goûtmais elles existent, en pharmacie ouchez quelques laboratoires étrangers.Tout ne se vaut pas dans ce domaine,loin de là.

Le joker :le curcumin

En effet, le curcuminest un puissant anti-inflammatoire. Le curcu-min alimentaire ne contient que3 % de curcumine base en général ;c’est intéressant quandmême, et elle esttrès rapidementabsorbée parles entérocy-tes. Maisaussi lac u r c u -mine estd é g r a d é een 15 min.L’effet estretardé 20 fois si onla couple avec de la pipérine (issuedu poivre). Dans ce cas, la dégrada-tion intestinale est fortement ralen-tie : l’effet anti-inflammatoire estprononcé.

La curcumine s’oppose au maîtrede la guerre inflammatoire : j’ainommé le NF-KB (kappa). Cettemolécule met terriblement le feuaux poudres inflammatoires. La

curcumine bloque complètementl’effet du NF-KB. Lorsque l’onatteint des doses de 3 à 5 g de cur-cumine par jour, celle-ci peut alorsentrer dans l’organisme et y exercertoute sa puissance anti-inflamma-toire, notamment en cas de cancer.Un nombre important d’études estréalisé dans cette situation, et il estrecommandé d’adjoindre de la cur-cumine en adjuvant d’un traite-ment anticancéreux quel qu’il soita priori. Une objection : le curcu-min contient beaucoup de poly-amines, qu’il faut éviter dans lecancer. Le choix sera fait en touteconnaissance de cause par un bonprofessionnel, pas par vous ! Mais,jusqu’à preuve du contraire, uncomplément ne contenant que dela curcumine ne contiendrait pasde polyamines.

Toutes les combinaisons sont pos-sibles, je ne vous conseille pas de lesfaire vous-même. Si l’on n’a pasd’effet secondaire à redouter, on ris-que d’être redondant ou inutile, entout cas de dépenser trop… Mais,ce qui est sûr, c’est que ce carré d’as,modulé selon chaque cas, tient sespromesses bien au-delà qu’attenduthéoriquement, je veux dire dansdes véritables maladies chroniques

inflammatoires et auto-immunes,ou infectieuses comme les syn-

dromes immunodéficitaires. Etsi l’on ajoute une

bonne recti-f i c a t i o na l i m e n -taire, enp a r t i -c u l i e r

d i m i n u e rfortement la

charge de glu-ten, cette nutrithérapie la i sse enretrait bien des traitements pharma-cologiques car, de surcroît, elles’adapte à toute situation inflamma-toire, qu’elle soit cutanée, articu-laire, musculaire, digestive, pulmo-naire ou autre ! �

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U n comble ! Car justement lesaliments à base d’édulcorants(sodas, céréales, desserts, sucret-

tes…) sont proposés pour lutter contrel’hyperglycémie en cas d’intolérance auglucose ou de diabète de type 2. Onsavait que ces recommandations sefondaient sur des études contradictoi-res et peu robustes. Par exemple, dansun travail français publié en 2013, leschercheurs concluaient déjà à un effetdiabétogène des boissons avec édulco-rants. Curieusement, il avait été trèspeu relayé dans la presse grand publicet les médias.

Les édulcorants arrivent intacts aucontact des bactéries, indispensablescomme vous le savez à notre bon fonc-tionnement. En effet, ils ne sont pasdigérés dans notre intestin. Aspartame,sucralose et saccharine modifient alorsla composition du microbiote, à la foischez les souris et les humains. Unenouvelle étude israélienne publiée dansla prestigieuse revue mondiale Naturefin 2014 lance un nouveau gros pavédans la mare. Pour les auteurs, « lesrésultats obtenus suggèrent que lesédulcorants pourraient directementcontribuer à augmenter l’épidémied’obésité et de diabète alors que leurobjectif est de les combattre ».

Un cheminement scientifiqueparticulièrement élégant

On sait que le type de régime alimen-taire d’une personne mince et enbonne santé, tout comme celui d’undiabétique ou d’une personne ensurpoids, conditionne la nature et lefonctionnement du microbiote.

Dans un premier temps, les cher-cheurs ont nourri des souris avec troistypes de solutions aqueuses tirées ausort : glucose et édulcorants (aspar-tame, saccharose ou saccharine), ouglucose, ou eau seule. Dès la fin de lapremière semaine, les souris nourriesavec des édulcorants et du glucoseprésentaient des signes d’intolérance

au glucose. Ce n’était pas le cas desautres animaux – y compris ceux quiconsommaient du sucre – et ce, quel’alimentation ait été normale ou parti-culièrement riche en acides gras. C’estla saccharine qui fait clairement le plusde dégâts chez les souris obèses.

L’équipe démontre que l’impact surl’équilibre glycémique est contrôlé parla composition du microbiote ! Et ilsl’ont montré à l’aide d’une nouvelletechnique en pleine expansion, le TMF(transfert de microbiote fécal).

Je te passe mon microbiote !Les chercheurs ont traité, dans unpremier temps, les souris avec plusieursantibiotiques à large spectre, afin d’éra-diquer les bactéries et tuer ainsi lemicrobiote. Après un mois de traite-ment, on ne remarque plus de diffé-rence métabolique à l’égard de laglycémie entre les groupes de souris,donc les édulcorants ont perdu leureffet délétère. Il est alors limpide que laprésence de microbiote joue un rôle clédans les altérations métaboliquesinduites par les édulcorants.

La preuve : les chercheurs ontensuite procédé à des tests de trans-plantation du microbiote fécal chez lessouris dépourvues de bactéries digesti-ves. La même différence métabolique,entre les souris nourries aux édulco-rants et les souris témoins, est réappa-rue. La composition du microbiote estdonc bien un paramètre majeurinfluençant la glycémie !

Un microbiote normal et équilibréd’adulte sain et mince possède la parti-cularité de digérer le glucose dans l’in-testin et de fabriquer des acides gras àcourtes chaînes (butyrate) qui, une foisabsorbés par l’organisme, contrecarrentl’insulinorésistance, donc les troublesglycémiques. Or une analyse détailléedes bactéries fécales, en cas de consom-mation d’édulcorants, a montré unesurreprésentation de certains microbes :l’équilibre est donc rompu.

Concordance chez l’hommeDeux séries de résultats sur l’hommesont présentées dans la publication deNature. Dans une première série de381 personnes non diabétiques, laconsommation d’édulcorants étaitreliée au degré d’obésité abdominale etaux taux de glycémie à jeun ainsi qued’hémoglobine glyquée. Dans ungroupe de 7 volontaires qui consom-maient chaque jour la dose maximalede saccharine autorisée durant unesemaine, 4 personnes ont vu leurréponse glycémique modifiée au testd’hyperglycémie orale. Le microbiotede ces 4 sujets montre une compositionsimilaire entre eux mais tout à faitdifférente de celles des autres volontai-res. Le transfert du microbiote de ces 4 personnes dysglycémiques chez dessouris sans germes a confirmé que lesbactéries transférées induisaient uneintolérance au glucose chez l’animal !

A suivre…L’équipe déclare que ces résultats nesont pas suffisants pour proposer desrecommandations chez l’homme, car lemécanisme en cause n’est pas formelle-ment identifié, même si les édulcorantspeuvent favoriser la prolifération decertaines bactéries ou contribuer à faireémerger des souches en en détruisantd’autres. D’autres chercheurs deChicago rapportent que la composi-tion du microbiote des sujets consom-mant des édulcorants est proche decelle des patients diabétiques.

On a donc une preuve sérieusesupplémentaire que le syndromemétabolique (hypertension, surpoids,trouble des lipides) est associé à unchangement du microbiote, et inverse-ment. Attendons d’autres travauxsupplémentaires. �

Édulcorants et diabèteDémolissant les idées reçues issues de la publicité, il est confirmé

– une fois de plus – que les édulcorants remplaçant le sucre favorisent le diabète

48 Article paru dans Mutuelle et Santé n° 86 (juin 2015)

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L e terme vitamine D est un motgénérique regroupant des pro-hormones liposolubles, leurs

métabolites, ainsi que divers analo-gues. Les vitamines D sont des 9,10-sécostéroïdes.

Dérivé du métabolisme des stérols,chez les animaux, on trouve le cholé-calciférol ou D3, issu du cholestérol.Chez les végétaux, on trouve l’ergo-calciférol ou D2, isolé au départ dansl’ergot de seigle, et celui-ci n’est pasfabriqué chez l’homme. D2 et D3sont les formes les plus connues de lavitamine D, mais elles sont biologi-quement inertes. Ainsi, D2 et D3doivent être transformées en hor-mone active dans l’organisme. Voilàpourquoi D2 et D3 sont des pro-hormones. On continue l’exploration!

SynthèseAu niveau cutané, les ultravioletssolaires B (de 290 à 310 nm) transfor-ment le 7-déhydrocholestérol (dérivé ducholestérol tissulaire) en vitamine D3.On comprend aisément que, même sicette production de vitamine D esttrès majoritaire dans l’organisme(90 %), il existe des variations de pro-duction importantes, liées à l’exposi-tion solaire (saison,latitude, habille-ment, brouillard,âge, écrans solaires,activités en exté-rieur), mais aussiliées à l’épaisseurdes couches cornéesde la peau et à sapigmentation. Lamélanine, pigmentcutané des peaux

foncées, peut ainsi réduire de 50 fois lasynthèse de vitamine D3. Les écranssolaires d’indice 8 ou davantage sup-priment la formation endogène deD3. En revanche, pas de problème desurdosage en vitamine D par cemoyen: l’exposition au soleil participeaussi à sa dégradation!

Alimentaires, les vitamines D2 (trèsfaibles quantités) et D3 sont émul-sionnées par les acides biliaires issusdu cholestérol (formation alors demicrogouttelettes), permettant letronçonnage moléculaire par l’en-zyme lipase pancréatique en toutespetites molécules qui seront enfinabsorbées dans la partie terminale del’intestin (iléon).

Les vitamines D2 et D3, biologi-quement inactives, sont alors hydro-xylées dans le foie en 25-hydroxy-vitamine D (25-OHD) par action del’enzyme 25 hydroxylase hépatiquesur le carbone 25 (pas de régulation àcette étape). Cette 25-OHD est com-munément dosée dans le sang etreflète les stocks de l’organisme envitamine D. Pourtant, ce n’est pasencore l’hormone active !

Une fraction de ce25-OHD subit alorsl’action de l’enzyme 1-α hydroxylase, sur lecarbone 1 de la molé-cule. C’est une enzymeprésente dans le reinmais aussi dans d’autrestissus – prostate, colon,sein, pancréas, macro-phages… L’activité decette enzyme 1-α

Qui connaît la vitamine D?Identifiée en 1922, la vitamine D est bien connue

pour son rôle majeur exercé sur la croissance

et la minéralisation osseuses. Mais elle ne fait pas que ça,

bien loin de là : suivez le guide !

hydroxylase rénale est par contrerégulée : par la PTH (ParaTHormoneissue des 4 glandes parathyroïdes) ;par la baisse du calcitriol sérique lui-même ; par de faibles apports en cal-cium ou par une baisse de phosphatessériques (hypophosphatémie). Le 25-OHD devient alors le calcitriol(1,25-OHD3).

Le calcitriol : forme active des vitamines D

� Le calcitriol rénal possède uneaction endocrine phosphocalciqueque je n’aborderai pas ici.� Le calcitriol extra-rénal manifestedes effets non phosphocalciques,comme:� l’inhibition de la prolifération cel-lulaire,� la stimulation de la différenciationcellulaire et de l’apoptose (suicideprogrammé cellulaire),� l’inhibition de l’angiogenèse (fabri-cation de nouveaux vaisseaux san-guins selon les besoins d’oxygénationdes tissus),� l’amélioration des fonctions endo-théliales (couche cellulaire interne desvaisseaux en contact avec le sang),� la stimulation de la sécrétion d’insu-line (par les cellules β pancréatiques),� l’inhibition de la sécrétion derénine (enzyme “pro-hypertensive”formée dans l’appareil juxta-glomé-rulaire rénal),� la stimulation de l’immunité innéeet acquise.

A travers ses effets auto- et paracri-nes, le calcitriol contrôle ainsi plus de200 gènes régulant entre autres laprolifération et la différenciationcellulaires, l’apoptose, l’angiogenèse,

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Article paru dans Mutuelle et Santé n° 78 (juin 2013)

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la sécrétion d’insuline, de rénine, desfonctions endothéliales, l’immunitéinnée et acquise.

� Comment fonctionne le calcitriol ?Le calcitriol se lie à des récepteurs cel-lulaires nucléaires appelés VDR(Vitamine D Récepteur), qui eux-mêmes s’associent à des récepteurs del’acide rétinoïque RXR. Les com-plexes calcitriol/VDR/RXR se délo-calisent dans le noyau de la cellulepour se lier à des “éléments deréponse” à la vitamine D (VDRE –Vitamine D Response Element), enfait des séquences d’ADN présentesdans les sites promoteurs de trans-cription de nombreux gènes. Ainsi, lecalcitriol influence la synthèse denombreuses protéines en activantleurs gènes.

Insuffisance en calcitriolL’insuffisance en calcitriol est définiepar une concentration sérique (dansle sérum du sang) inférieure à30 ng/ml – ou 75 nmol/l.En dessous de ce seuil appa-raît une augmentation durisque de nombreusespathologies non osseuses.

� Risque de cancerUn faible taux de 25-OHDest associé à un risqueaccru de développer descancers (côlon, prostate,sein…) dans les pays àhaute latitude où l’enso-leillement est insuffisant.Des études indiquent queles adultes possédant lestaux les plus élevés de 25-OHD ontune diminution de 30 à 50 % durisque de cancers du côlon, de laprostate, du sein et de l’ovaire, parrapport aux sujets ayant les taux de25-OHD les plus bas.

De très nombreuses études expli-quent chez l’homme le lien entre 25-OHD bas et risque de cancer. Lecalcitriol diminue le risque de métasta-ses en stimulant la communication etl’adhérence cellulaires, et en renfor-çant le phénomène d’inhibition decontact cellulaire. Si les études d’inter-

vention chez l’homme donnent desrésultats contradictoires, on peutconsidérer quand même sérieusementqu’il y a une baisse du risque de cancerlorsque l’on apporte de la vitamine D.

� Protection du reinLe calcitriol :� inhibe le système rénine-angioten-sine (système hormonal en cascadelocalisé dans le rein et qui protègel’équilibre sodium/eau de l’organisme),� inhibe l’activation du facteur NF-κB(protéine pro-inflammatoire quiempêche la mort cellulaire).

La vitamine D s’oppose donc à lafibrose rénale, à la protéinurie, finale-ment s’oppose à l’inflammationrénale, à l’insuffisance rénale, etralentit la progression vers la dialyse.

� Protection des musclesOn sait depuis longtemps que lerachitisme et l’ostéomalacie (littéra-lement “os mou” par déficit en cal-cium fixé) provoquent douleurs et

faiblesses musculaires. Plusieurs étu-des montrent un lien très fort entretaux bas de 25-OHD sérique et sar-copénie (diminution de la massemusculaire). Mais la cause de la sar-copénie relève souvent du vieillisse-ment et aussi d’un déficit nutrition-nel et/ou ménopausique. Si les tauxfaibles de 25-OHD peuvent n’êtrefinalement qu’un indicateur supplé-mentaire de malnutrition et de mau-vais état général, plusieurs étudesindiquent qu’une supplémentationen vitamine D améliore les perfor-

mances musculaires des sujets âgéscarencés et réduit le risque relatif dechutes (donc de fractures, indirecte-ment). Soit la vitamine D augmentela taille des cellules musculaires, soitelle améliore la contraction des fibrespar augmentation du calcium intra-cellulaire, soit les deux.

� Protection contre le diabèteDe fait, VDR et 1-α hydroxylase sontexprimés dans les cellules β pancréa-tiques humaines sécrétant l’insuline,et des VDRE sont présents dansl’ADN du promoteur du gène del’insuline humaine. Le gène de l’adi-ponetine (souvenez-vous, une hor-mone du tissu adipeux faiblementdéveloppé et protectrice cardiovascu-laire) est également régulé par le calcitriol. Un nombre importantd’études menées tant chez les rats quechez les humains apporte bien deséléments convergents.

Chez l’homme, très clairement, laconcentration sérique en 25-OHD

est inversement corrélée à laprévalence du diabète de lamaturité, au taux d’hémo-globine glyquée (hémoglo-bine lentement “sucrée” parla coexistence anormale-ment élevée de glucose dansle sang) et à la résistance à l’insuline !

� ProtectioncardiovasculaireOn a rapporté une forteassociation entre faiblestaux sériques de 25-OHDet risque accru d’événe-

ments cardiovasculaires majeurs oude décès cardiovasculaires, d’artérios-clérose et de dysfonctions endothé-liales chez les dialysés (destructiondes reins empêchant la 2e hydroxyla-tion du 25-OHD en calcitriol). Onpeut argumenter directement : lescardiomyocytes, les fibres musculai-res lisses et les cellules endothélialespossèdent le VDR et la 1-α hydroxy-lase. Les gènes impliqués dans l’hy-pertrophie cardiaque sont inhibéspar le calcitriol (dans des modèlescellulaires et animaux il est vrai).

50 Article paru dans Mutuelle et Santé n° 78 (juin 2013)

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Indirectement, les effets protec-teurs de la vitamine D sur le risquecardiovasculaire concernent le sys-tème rénine angiotensine et lecontrôle glycémique, l’inflammation,les calcifications vasculaires et lecontrôle des glandes parathyroïdes.L’inflammation présente dans l’insuf-fisance cardiaque est réduite par laprise de vitamine D, la pression arté-rielle est mieux contrôlée chez leshypertendus avec prise de vitamine Dnon 1-α hydroxylée. L’intoxication àla vitamine D reste à évaluer, car ellefavoriserait la calcification vasculaire :c’est dire le rôle majeur des dosesnutritionnelles faibles à prescrire,bien inférieures aux doses pharmaco-logiques.

� Vitamine D et immunitéLes études expérimentales montrentglobalement une inhibition de l’im-munité acquise et une stimulation del’immunité innée par la vitamine D.On retrouve VDR et 1-α hydroxylasedans les lymphocytes, les macropha-ges et différentes cellules présentatri-ces d’antigènes.� Auto-immunitéOn observe une plus grande fré-quence de maladies auto-immunes(diabète de type 1, sclérose en pla-ques, polyarthrite rhumatoïde) sil’apport alimentaire en vitamine Dest faible ou si le taux sérique de 25-OHD est bas. De fait, expérimenta-lement, le calcitriol inhibe la prolifé-ration lymphocytaire et la produc-tion de cytokines, et chez les ani-maux on peut même prévenir ouatténuer ce même type de maladiesauto-immunes. Un des mécanismesincriminés est la stimulation de syn-thèse de TGF β-1 et d’interleukine 4en présence de calcium.� Rejet d’allogreffeIl y a moins de rejets aigus de greffesrénales chez les patients ostéoporoti-ques lorsqu’ils sont traités au calcitriol.En effet, le calcitriol inhibe l’expres-sion de l’interleukine 2 et d’inter-féron γ par les lymphocytes T et atté-nue la prolifération des lymphocytesCD4 et CD8, ainsi que la cytotoxi-cité de ces cellules. Le calcitriol

inhibe également la différenciationdes lymphocytes B en plasmocytessécréteurs d’anticorps, la proliférationdes lymphocytes B, la productiond’immunoglobulines, et plusieursfonctions des cellules présentatricesd’antigènes dendritiques. Les pro-priétés régulatrices du calcitriol nesont plus à démontrer.� InfectionsLe déficit en 25-OHD est associé àun risque accru d’infections parMycobacterium tuberculosis (tubercu-lose), tout comme celles des voies respiratoires supérieures. En présencesuffisante de 25-OHD extracellu-laire, les macrophages fabriquent ducalcitriol induisant la synthèse decathélicidine, un antibiotique naturelqui détruit l’agent infectieux. Iln’existe pas d’études d’interventionmontrant une diminution du risqued’infection par Mycobacterium tuber-culosis chez les patients traités parvitamine D. Par contre, on observeune diminution du risque d’infectionpar le virus de la grippe sous supplé-mentation en vitamine D.� VieillissementDe par ses interactions avec les méca-nismes de réparation de l’ADN, lavitamine D pourrait s’opposer aux

maladies liées à l’âge (et aussi auxcancers, comme vu plus haut, ou aupsoriasis, voire à la démence).

SourcesL’apport alimentaire est très minori-taire. La vitamine D3 est essentielle-ment retrouvée dans les huiles depoisson (liposolubilité oblige), maismoins dans les poissons eux-mêmes,un peu dans le foie, le beurre, les fromages, le jaune d’œuf. La vita-mine D2 végétale se rencontre trèspeu dans les champignons, les levureset les céréales. A noter que boire dulait augmente la calcémie certes maisdiminue le taux de calcitriol dans lesang (donc diminue sa synthèse).

Tout régime pauvre en lipides,toute thérapeutique séquestrant leslipides dans l’intestin (cholestyra-mine) aboutiront à une baisse d’ap-port de vitamines D dans l’organisme(comme d’ailleurs celui des autres vita-mines liposolubles, vitamines A et E).

En somme, mieux vaut gagner auloto, se dorer ensuite au soleil30 minutes par jour du côté des tro-piques, mais boire de l’huile de foiede morue si vous persistez à voustartiner la peau de crème solaireécran total ! �

Huile de foie de thon (1 c à thé) 250000 U.I. soit 6250 microgrammesHuile de foie de flétan (1 c à thé) 12000 U.I. soit 310 microgrammesHuile de foie de morue (1 c à thé) 440 U.I. soit 11 microgrammesSaumon cuit (100 g) 360 U.I. soit 9 microgrammesJaune d’œuf (100 g) 350 U.I. soit 8,75 microgrammesMaquereau cuit (100 g) 345 U.I. soit 8,5 microgrammesSardines à l’huile (100 g) 300 U.I. soit 7,5 microgrammesThon en conserve (100 g) 300 U.I. soit 7,5 microgrammesChampignons (100 g) 150 U.I. soit 3,75 microgrammesFoie de veau (100 g) 50 U.I. soit 1,25 microgrammeFoie de bœuf (100 g) 40 U.I. soit 1 microgrammeŒuf entier (unité) 40 U.I. soit 1 microgrammeEmmental (30 g) 30 U.I. soit 0,75 microgrammeLait de vache (250 ml) 15 U.I. soit 0,375 microgrammeBeurre (10 g) 4 U.I. soit 0,1 microgramme

Aliment Teneur en vitamine D

Rappel : 1 U.I. = 0,025 microgramme de vitamine D.

Liste des aliments riches en vitamine D

51Article paru dans Mutuelle et Santé n° 78 (juin 2013)

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ralentit encore la chose. Par ailleurs, la crainte fortement médiatisée dumélanome ajoute à l’affaire, et le portde vêtements qui s’ensuit, tout commela recherche de l’ombre, n’arrange pasles choses. Une certaine psychose a envahi les écrans… qu’ils soient solaires ou télévisuels.

Un apport réduit en vitamine D alimentaire

Un grand pourcentage de Françaispasse l’essentiel de son temps d’éveildans des usines ou des bureaux àl’abri du soleil mais, curieusement,on considère encore que les sujetsnon exposés au soleil sont une mino-rité en France. Malheureusement,même près de la fenêtre, rien n’y fait :les vitres stoppent les UV, et vousn’aurez qu’un « coup de soleil » causépar les rayons infrarouges, sans béné-ficier de la synthèse de vitamine D.

L’industrie alimentaire majore l’effet de carence solaire : l’envahisse-ment du marché par les produits allé-gés en graisses ne permet plusl’apport correct de la vitamine Dalimentaire, dans ce cas par le fait quecelle-ci est liposoluble ! Ces alimentsallégés empêchent d’ailleurs l’apportdes autres vitamines solubles dans lesgraisses (vitamines E et A). Il fautquand même se rappeler une bonnefois que la majeure partie de la vita-mine D produite vient de l’exposi-

La vitamine D, c’est aussi…

L a vitamine D mérite bien le termed’hormone en raison de sonactivité sur une grande variété de

cellules situées dans beaucoupd’organes différents. Revenons enpremier lieu sur la peau, lieu defabrication de la « matrice » de lavitamine D inactive à partir de sonprécurseur, le déhydrocholestérol. Lamajeure partie est synthétisée dans lacouche profonde, en dessous de la zonepigmentaire. Sa fabrication nécessiteenviron 36 heures, mais surtout ellen’est possible que lorsque la longueurd’onde des rayons ultraviolets estinférieure à 315 nanomètres (nm).

Il se trouve que la longueur d’ondela plus petite réceptionnée par laTerre tourne autour de 290 nm: nousavons donc un petit créneau efficacede rayonnement pour activer laproduction de la vitamine D. De plus, et vous vous en êtes renducompte depuis longtemps, l’intensitédes rayons solaires décroît de l’équa-teur aux pôles. La frontière pyré-néenne représente la limite à partir delaquelle, en remontant vers le nord, lerayonnement est supérieur à 310 nm.La France est donc mal située pournous permettre de produire de lavitamine D cutanée, et tout spécia-

lement pendant la période de novem-bre à février, où la fabrication de vita-mine D est quasi nulle, ciel hivernalnuageux et gris en prime.

L’apparition des infections hiverna-les se situe justement dans le créneauoù le niveau de vitamine D de noscompatriotes est naturellement auplus bas : se supplémenter en unetelle vitamine, qui protège aussi desinfections, est un geste judicieuxdurant cette période.

Sous le soleil estival, on aura enprincipe engrangé environ 80 % dustock annuel de vitamine D. Pour-tant, de nombreux facteurs intervien-nent pour perturber cet apport : lesétés « pourris » – par les nuages –,mais aussi les étés passés dans la pol-lution. Depuis 1950, la pollutionatmosphérique a tellement augmentéqu’elle absorbe actuellement environ25 % du rayonnement ultraviolet !

Il faut savoir également que plus lesujet vieillit, moins il fabrique de vita-mine D: à 20 ans, on produit deux foisplus de vitamine D qu’à 80 ans. Or la population vieillit de plus enplus. D’autant que l’intestin de l’indi-vidu prenant de l’âge absorbe de moinsen moins de vitamine alimentaire, etque la présence de maladies intestinales

L’article précédent présentait un panorama « technique » des activités

de la vitamine D dans notre corps. Nous poursuivons, sur le même sujet,

avec quelques considérations plus générales mais tout aussi importantes

52 Article paru dans Mutuelle et Santé n° 79 (sept. 2013)

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tion au soleil. La notion d’apportsolaire devient supplantée par celle dela prise alimentaire, mélanomeoblige, entre autres. Il faut raisongarder, le soleil c’est toujours bonpour nous, et l’alimentation devraitfaire le complément en ce quiconcerne notre fameuse hormone D.

Les produits laitiers ne sont pas la panacée

En corollaire, si la consommation decalcium semble plutôt insuffisante enFrance, l’enrichissement en calcium eten vitamine D de certains laits indus-triels voudrait pallier le problème. Or la présence trop importante dephosphore laitier gêne beaucoup lecalcium, par exemple. Malheureuse-ment, une armée de lobbyistes exerceune pression continue sur les déci-sionnaires pour promouvoir encore etencore la consommation de produitslaitiers, non plus à dose nutritionnellemais publicitaire. Une aubaine pourles industriels mais pas pour lescitoyens, puisque malgré tout lesFrançais restent bel et bien déficitaireslourdement en vitamine D et passa-blement en calcium.

Il est temps de prendre conscienceque cette voie n’est pas forcément lameilleure ni la seule possible.Plaidoyer donc pour une expositionjournalière de 30 minutes au soleilpendant l’été, en exposant le visage,les bras, les mains, tout en protégeantbien sûr les bébés et les jeunes enfantsdes surexpositions, des brûlures et desdéshydratations, notamment auxheures chaudes de la journée. Unebonne partie de vitamine D sera ainsiemmagasinée pour l’année, car l’éli-mination de la vitamine D est lente,et le reste sera apporté par l’alimenta-tion. C’est ainsi que les humains sontprogrammés à fonctionner. N’aug-mentez pas au-delà votre expositionsolaire, et n’utilisez pas les cabines debronzage en supplément !

Nécessité d’un apport accrupour certaines catégories de personnes

Mais cette vision reste encore tropétroite, en ce sens que certainescatégories de la population nécessi-

tent un apport accru en vitamine D.Il s’agit des femmes enceintes etménopausées, des végétariens (qui neconsomment pas de graisses anima-les), des gros buveurs d’alcool(pensez aux ravages grandissants chezles jeunes), des personnes qui présen-tent des maladies du foie, destroubles d’absorption des graisses,des malades des reins (là où lavitamine D est transformée enhormone active), des malades de lathyroïde, des sujets prenant certainsmédicaments (notamment desantiépileptiques ou des séquestrantsintestinaux des graisses), les indivi-dus porteurs de lésions cutanées(comme le psoriasis par exemple), et

bien sûr les personnes vieillissantes,qui semblent être actuellement lapopulation la plus exposée auxdéficits (problèmes d’absorptionintestinale mais aussi de plus faiblequantité de nourriture ingérée), lesenfants et d’une façon plus généraleles populations urbaines. Ça fait dumonde. Sortons nos personnes âgéesau soleil ! Le soleil est gratuit, sansTVA ni CSG, utilisons-le. �

COMMENT PRÉVENIR LES DÉFICITS

La prévention des déficits ne semble pasencore suffisamment prise en compte ; on nepense encore trop qu’à l’ostéoporose et àl’ostéomalacie quand on pense vitamine D. Ilfaut élargir sa vision. Vous avez vu que lavitamine D agissait quasi partout dans l’orga-nisme, comme expliqué dans l’article précé-dent. Il faut donc s’en servir partout où elleprotège, et pas seulement dans les problèmesd’os et de calcium.

Rien ne vous empêchede consommer des poissons gras aumoins trois fois parsemaine : flétan, sar-dine, anchois, hareng,thon, saumon – quoi-que celui-ci devenantde plus en plus impro-pre à la consommation. Oubliez un peu l’ava-lanche de produits laitiers qui vous submer-gent, cela n’est absolument pas physiologique.

La prévention des troubles peut aussi bien sefaire par la prescription médicale de vitamine Det de calcium, ainsi que d’une synergie deminéraux tels le magnésium, le zinc, la vita-mine K, la vitamine C, en ayant en point demire, dans ce cas, la santé de l’os qui hébergetous ces minéraux indispensables. Elle nesemble pas encore assez systématique.

L’utilisation de compléments alimentaires pos-sède également son efficacité. Une cuillère àsoupe d’huile de foie de morue trois fois parsemaine, c’est un must nutritionnel !Maintenant désodorisée, et donc n’ayant plusce goût désagréable dont se souviennent sibien les enfants de l’après-guerre, elle estfacilement absorbable et d’une parfaite effi-cacité ! De plus elle apporte de la vitamine A

et des alkyl-glycérols bénéfiques pour lasanté, et les bonnes marques sont débar-rassées des polluants.

Les suppléments nutritionnels faiblementdosés en vitamines liposolubles sont sûrs etsans danger : les seuls accidents de surdosagen’apparaissent qu’en cas de prise de dosemassive et quotidienne de vitamine D pendantun long laps de temps. En gros, pour être dans

la zone de sécurité, ne dépassezpas 1500 UI/jour pour un adulte(mais c’est une dose correcte pourles gens âgés) et 1000 UI pour unjeune enfant si vous décidez de

vous supplémen-ter. Ce ne sont icique des indica-tions assez géné-rales, et il est bond’en parler à sonmédecin.

Enfin, il est curieux de constater que lesapports nutritionnels conseillés en vitamine Dpour la population française évoluent très len-tement et ciblent simplement l’obtention d’untaux plancher dans le sang. Il est fort probableque les apports quotidiens conseillés soientencore trop faibles, malgré les récentes recom-mandations revues à la hausse émises parl’Académie de médecine en 2012. Les tauxainsi espérés – à défaut d’être obtenus – nesont certainement pas encore les taux opti-maux permettant l’obtention de tous les béné-fices possibles de la vitamine D sur la santé, mais les choses semblent s’accélérerdans ce domaine.

53Article paru dans Mutuelle et Santé n° 79 (sept. 2013)

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L es études ont montré qu’unehydratation appropriée permet-tait de diminuer les risques de

maladie coronarienne ainsi que lescancers de la vessie ou du côlon. Maiselle peut aussi faire de vous quelqu’unqui embrasse divinement bien ! Enbrossant de la peau artificielle sur leslèvres de jeunes femmes, les cher-cheurs ont trouvé que les lèvreshydratées montraient une meilleuresensibilité au toucher fin. Ah, lesbaisers mouillés !

Eau et cerveauAlors qu’il est bien connu que l’eauest essentielle à la survie, c’est seule-ment depuis peu que l’on commenceà comprendre son rôle dans lamaintenance des fonctions céré-brales ; c’est seulement en 2011 quel’on s’est aperçus que, lorsque noussommes déshydratés, notre cerveaurétrécit, même pour une faible déshy-dratation. Par ailleurs, en cas dedéshydratation, le recrutement d’airescérébrales spécifiques est augmentélors de la réalisation de batteries detests cognitifs.

On a montré récemment que ladéshydratation altérait la structure ducerveau ainsi que ses fonctions chezdes adolescents en bonne santé.Même en cas de légère déshydrata-tion, causée par exemple par un petitexercice physique au cours d’unejournée chaude, on observe déjà deschangements dans les fonctions céré-brales. De nouvelles études viennentnous suggérer que notre humeur peutêtre positivement influencée par laconsommation d’eau.

Les effets de la déshydratation enconditions normales n’ont pas étébeaucoup documentés. Ce n’estqu’en 2013 que la première étudeobservant les effets de la déshydrata-tion sur une variété de ressentis a étépubliée. C’est la première étude quia évalué les effets d’une déshydrata-tion modérée induite par privationstricte d’eau pendant 24 heuresdans une cohorte de femmes. Etqu’a-t-on trouvé ? Que les effets lesplus importants, et le plus rapide-ment apparus, de la privation deliquide sont l’accroissement de lafatigue et de la somnolence, accom-pagné d’une chute de l’énergie et dela vigilance, ainsi qu’une augmenta-tion de confusion mentale. Mais labonne nouvelle, c’est que, dès quel’on boit un peu d’eau, la confusiondisparaît, la vigilance revient, et onrécupère la sensation de bien-êtreimmédiatement.

Eau chaude ou froide?L’absorption d’eau est très rapidedans le corps : il se passe moins de5 min entre l’entrée en bouche et sonarrivée dans le sang ; l’absorptionmontre un pic maximal vers 20 min.L’eau n’entre pas comme ça, c’estpour cela que nous possédons desrécepteurs aux molécules d’eau, appe-lés aquaporines. Soit dit en passant, latempérature de l’eau importe elleaussi. Que croyez-vous qui soit absor-bée le plus rapidement, l’eau froide,l’eau chaude, ou celle à la tempéra-ture du corps ? C’est l’eau froide quiest la plus rapidement absorbée :20 % plus vite.

Comment pouvez-vous savoir sivous êtes déshydraté ou pas ? Pour-quoi ne pas interroger votre corps ? Sivous buvez de l’eau et qu’ensuite vousallez uriner, c’est votre corps qui vousdit que tout va bien. Mais, si vousbuvez beaucoup d’eau et que votrecorps la retient en grande partie, il ya de fortes chances pour que votreréservoir soit un peu à sec. Alors videzvotre vessie, buvez 11 ml d’eau par kgde poids en moins de 3 minutes, res-tez allongé(e) 1 heure dans un envi-ronnement confortable, puis videz ànouveau la vessie et mesurez levolume urinaire. Ou alors, plus sim-plement, vous buvez 3 tasses à théd’eau et si vous en urinez moinsd’une au bout d’une heure, il y a defortes chances pour que vous soyezdéshydraté ! Ne trichez pas, ça nemarche pas avec du pastis dedans.

Combien d’eau boire?Il y a plus de 2000 ans, Hippocratenous disait que, si nous pouvionsnous fournir assez d’exercice physi-que et de nourriture, nous aurions lemeilleur moyen de vivre en bonnesanté. Mais à propos de l’eau ? L’eau aété un objet de recherche asseznégligé, et quelques études vantant lanécessité de s’hydrater correctementproviennent de l’industrie de l’eau enbouteille. Cependant, boire au mieux8 verres d’eau par jour repose sur depetits faits scientifiques. Cette recom-mandation trouve son origine dansun papier paru en 1921, dans lequell’auteur mesurait sa quantité urinaireet de sueur, et déterminait que nousperdions environ 3 % du poids du

Un petit tour au bord de l’eau

L’eau est de loin le nutriment n° 1 dans notre alimentation. Nous possédons 85 %d’eau dans le sang, 80 % dans les muscles, et les os en contiennent 25 %.

Le cerveau, lui, en contient… 75 %: décevant, je sais, mais c’est comme ça…

Photo haut de page. Construit au début du XIXe siècle, le canal de l’Ourcq alimentait Paris en eau potable.

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corps en eau quotidiennement, ce quifait à peu près 8 verres. En consé-quence, depuis longtemps, les recom-mandations en eau pour l’humanitéont été basées sur les résultats d’uneseule personne.

Mais l’eau a coulé sous les pontsaussi, et on s’est aperçu que ne pasboire suffisamment était associé auxfractures, aux accidents cardiaques,aux troubles pulmonaires, aux mala-dies rénales, aux calculs rénaux, aucancer de la vessie et du colon, auxinfections de l’appareil urinaire, à laconstipation, à la bouche sèche, auxcaries, à une baisse de l’immunité, età la formation de cataracte. Le pro-blème avec plusieurs de ces études,c’est que boire peu d’eau est associé àplusieurs comportements malsains,comme le peu de consommation defruits et de légumes, une consomma-tion croissante de fast-food, et moinsd’achats sur les marchés fermiers. Etqui boit de l’eau ? Ceux qui font unpeu d’exercice physique, aussi pasétonnant qu’ils aient moins de pour-centage de maladies.

Ce sont seulement de grandesétudes randomisées, coûteuses, quipourraient définitivement trancher laquestion. Étant donné que l’eau nepeut être brevetée, de telles étudessemblent impossibles… Alors onnous laisse avec des études qui relientune faible consommation d’eau à desmaladies, mais les gens sont-ilsmalades parce qu’ils boivent peu, oubien c’est parce qu’ils sont maladesqu’ils boivent moins ? On a réalisé

quelques larges études prospectivesdans lesquelles la prise de liquide étaitmesurée avant le développement demaladies. Par exemple, une étude deHarvard portant sur 48000 hommesa montré que le risque de cancer de lavessie diminuait de 7 % pour chaqueverre d’eau supplémentaire journa-lier. Ainsi, une forte consommationd’eau, soit 8 verres par jour, 8 fois7 %, peut réduire le risque de cancerde la vessie de 50 %, sauvant poten-tiellement des milliers de vies. Cettestratégie de prévention des cancers lesplus répandus est remarquablementsimple dans son principe. Pourprévenir le cancer du poumon,arrêtez de fumer. Pour prévenir lecancer du sein, maintenez votre poidsde forme et faites de l’exercicephysique, et pour prévenir le cancerde la peau n’allez pas au soleil. Etpour prévenir le cancer de la vessie,buvez davantage de liquide.

C’est sans doute la meilleure évi-dence que nous ayons pour obtenirun effet de seuil. Chez les20000 hommes et femmes – dont la

moitié sont végétariens– de l’étude AdventistHealth Study, on adonc donné plus deliquide au moyend’une consommationaccrue de fruits et delégumes : ceux quibuvaient plus de 5 ver-res d’eau par jour mon-traient un risqueabaissé de 50 % demourir de maladie car-diaque, comparés àceux qui buvaient auplus 2 verres d’eau par

jour. Comme dans l’étude de Har-vard, cette protection restait avéréeaprès contrôle d’autres facteurs telsque l’alimentation et l’exercice ; ainsi,on peut suggérer que c’est l’eau elle-même qui fait le travail, peut-être endiminuant la viscosité ou l’agrégationsanguine. Sur ces faits, les autoritésaméricaines, européennes et del’OMS recommandent une consom-mation d’eau comprise entre 2 et2,7 litres par jour pour les femmes,

soit 8 à 11 verres, ainsi que 10 à 15pour les hommes. Maintenant, en susde l’eau de boisson, nous en avonsenviron 1 litre avec la nourriture etavec l’eau que produit l’organisme ;les recommandations se sont doncresserrées sur 4 à 7 verres par jourpour les femmes et 7 à 11 pour leshommes, et ce en ayant un exercicephysique modéré à températureambiante moyenne.

On peut aussi obtenir de l’eau àpartir de toutes les boissons que nousconsommons, comme les boissonscaféinées, à l’exception des vins,alcools et spiritueux. La bière peutvous apporter de l’eau, mais le vinnous déshydrate activement. Remar-quons toutefois que, dans les étudessur le cancer et les maladies cardia-ques dont j’ai parlé, les bénéfices sontobtenus uniquement par l’augmenta-tion de la consommation d’eau, pasd’autres boissons.

Boire de l’eau rend-il lesenfants plus intelligents?

Les chercheurs ont récemment étudiéce cas. On a recueilli les échantillonsurinaires de groupes d’enfants sur lechemin de l’école, âgés de 9 à 11 ans,à Los Angeles et à Manhattan.50 dollars pour faire pipi dans unrécipient, c’est cool ! Cette étude étaitmotivée par les résultats d’un essairéalisé en Israël, montrant que lesenfants n’étaient pas assez hydratés,mais Israël a un climat désertique.On a donc voulu recommencer dansdes lieux moins arides et plus froids.Or les enfants des Etats-Unis mon-trent les mêmes résultats que lesenfants israéliens. Les urines de prèsde 2/3 des enfants étaient tropconcentrées, ce qui signifie qu’ils nesont pas assez hydratés. Pourquoi ?

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La déshydratation est à surveiller chez les personnes âgées.

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Parce qu’ils ne boiventpas assez d’eau. Les 3/4des enfants n’avaientpas bu d’eau entre lelever et le départ àl’école. Mais la plupartont pris un petit déjeu-ner, ainsi ont-ils quandmême bu un peu. Leproblème est que lesautres boissons ne sontpas aussi hydratantes.Les taux de sucre, desodium et d’acidesaminés dans le lait etles canettes de jus de fruits peuvent“rétrécir” les cellules et déclencherla sécrétion d’hormones quiindiquent la déshydratation. Alors,qu’en est-il ? Une déshydratationmodérée a-t-elle un impact négatifsur leur fonctionnement scolaire ?Historiquement, la plupart desétudes portant sur l’hydratation et

le fonctionnement mental ont étéréalisées chez des adultes soumis àdes conditions extrêmes, commepar exemple faire de l’exercice par45 °C, ou prendre des diurétiquespuissants (furosémide) puis courirsur un tapis roulant. La plupart desétudes ont été faites avec des militai-res, on se doute pourquoi. Donc,

difficile de transférerles résultats obtenusavec ce type depopulation sur unepopulation en condi-tion de vie normale.Or trois étudesviennent de changer ladonne.

Prenez un grouped’enfants scolarisés,répartissez-les auhasard, faites-les boireun verre d’eau ou pas,donnez-leur à tous untest cognitif à faire, etregardez ceux qui réus-sissent le mieux… Etle gagnant, c’est legroupe qui a bu !Conclusion : les résul-tats de cette étude sim-pliste montrent quemême les enfants endéshydratation légère,non induite par uneprivation intention-nelle d’eau ou un stressthermique, et vivantsous un climat frais,peuvent bénéficier

d’un peu plus d’eau et améliorer laperformance cognitive.

La même expérimentation estrefaite mais, cette fois, au lieu deforcer les enfants du groupe buveur àboire un verre, on leur demande justede boire comme ils le désirent, et onretrouve une fois encore une amélio-ration des performances aux diffé-rents tests chez ceux qui boivent !Même conclusion.

Un lien étroit entre hydratationet santé mentale

Et voici la troisième étude, la plusgrande réalisée à ce jour, qui reprendtout ensemble. On trouve une pro-portion remarquable d’enfants enétat de déshydratation volontaire,modérée, au début de la journée sco-laire, et on trouve une corrélationnégative significative entre la déshy-dratation et la capacité à se souvenirde nombres. On offre à boire de l’eauà un groupe réparti au hasard, et cesenfants en moyenne se sentent mieuxet sont meilleurs au test. Toutefois, sila déshydratation peut affecter quel-ques capacités cognitives plus qued’autres, il existe réellement un étatnéfaste qui peut rendre la journéescolaire plus difficile.

Une étude récente montre bien queles professionnels de santé sous-estiment l’importance d’une hydrata-tion appropriée dans la santémentale. Qui prendrait soin del’hydratation humaine et irait mêmejusqu’à la surveiller ? L’Instituteuropéen de l’hydratation, fondé enpartie par la société Coca-Cola…

Alors, améliorer les performancescognitives, pas avec de la drogue ; etpas non plus avec de la Ritaline ouquelque nouveau médicament ! Faitesjuste le plein d’eau. Combien pour-raient gagner les sociétés pharmaceu-tiques si elles pouvaient vendre despilules de sucre, mais juste dire avantaux enfants de prendre la fausse piluleavec… un verre d’eau ! �

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L es bactéries, qui appartiennentau monde des Protistes, existentdepuis 3,5 milliards d’années,

vivant dans des conditions épouvan-tables sur Terre. Puis l’oxygène estapparu. Du coup, les bactéries ont dûse protéger de celui-ci, car c’est unpoison mortel pour elles ! Et, vers septmillions d’années avant notre ère, leshominidés sont apparus. Les bacté-ries commencent alors à coloniserl’homme, comme si elles nousavaient choisis pour survivre ! Nousavons 2 kg de bactéries dans l’intes-tin : on leur offre ainsi le vivre et lecouvert, nourriture et logement… Enconséquence, les bactéries sont deve-nues, par nécessité, nos grandesalliées : nous sommes entrés ensymbiose. Bien plus, nous avonsabsolument besoin d’elles.

L’inventeur dumicroscope, VanLeeuwenhoek,dans les années1650, découvreles premièresbactéries conte-nues dans… la

plaque dentaire ! Sautons dans letemps, Pasteur déclare que la vien’est pas possible sans bactéries(1885). Elie Metchnikoff confec-tionne puis vend ses “élixirs delongue vie” au début du XXe siècle,qui ne sont que des suspensions debactéries lactiques.

En 1928, on découvre la pénicil-line, utilisée en thérapeutique audébut des années 40. On entre alorsdans une ère extraordinaire, où l’onpourrait éradiquer toute maladieinfectieuse. La guerre au microbe batson plein. On était à une époque oùla pensée magique était que labactérie donne la maladie ; or ClaudeBernard avait pourtant dit que lemicrobe n’était rien, le terrain étaittout. Mais c’était un temps où l’on neconnaissait pas les antibiotiques.

Et puis, les antibiotiques tout-puis-sants ont commencé à perdre duterrain avec l’apparition de résistan-ces. On se pose alors des questions eton commence à réintroduire lanotion de l’importance du terrain :un terrain délabré sera forcémentmoins résistant au microbe qu’unterrain sain. Et puis l’antibiorésis-tance commence à poser de sérieuxproblèmes ; ça fait beaucoup dedécès : 25 000 chaque année enEurope, en 2013.

A présent se développent des théra-pies anti-infectieuses qui utilisent desmicrobes – dont une branche, quel’on a appelée probiotiques. Car on adécouvert qu’il existait une vraiegéopolitique de populations dansl’intestin, les bactéries fabriquantelles-mêmes leurs propres antibioti-ques, mais ceux-ci étant trop dange-reux pour être administrés àl’homme. La figure qui, à mon avis,est emblématique sur cette question,c’est Thomas Borody, qui travaille àSydney au Center for DigestiveDiseases, qui est le “découvreur” destransferts de microbiotes. C’est-à-direque, pour guérir des infections extrê-mement graves – telles celles àClostridium difficile, multirésistantesaux traitements habituels –, on intro-duit chez le malade le microbioted’une personne sélectionnée, et lesbactéries entrantes tuent les bactériesresponsables. Le succès avoisine90 %. Plus de 100 expérimentationssont en cours, rien qu’aux Etats-Unis.

Nouvelle approche : nos microbes ne sont pasforcément des ennemis

Les études nous disent que les enfantsà la campagne qui jouent dans laterre, dehors, avec poules et canards,déclenchent peu d’allergies par rap-port aux petits citadins. On sait main-tenant que les microbes gèrent leurpropre environnement pour eux-mêmes mais aussi pour nous.

L’hygiène a trop envahi nos socié-tés : certains vont jusqu’à prôner lesultraviolets dans la cuisine aprèsusage ! Il est impossible de tuer lesbactéries ; je vous en ai envoyé peut-être 400 milliards depuis que je vousparle, et vous m’en avez envoyéautant, lorsque vous riez… Sachezque, lorsque vous éternuez, les postil-lons bourrés de bactéries fusent àpresque 600 km/h !

On connaissait jusqu’à présentl’absolue nécessité d’avoir des bacté-ries dans l’intestin : impossibled’avoir une bonne immunité si on n’apas une flore intestinale correcte ;impossible aussi nutritionnellement :elles nous aident à digérer et nousfabriquent un tas de substances indis-pensables que nous absorbons.L’immunité est extrêmement dépen-dante du statut du microbiote. Onsait aussi depuis dix ans environ queles microbes de l’intestin interagissentégalement avec les équilibres hormo-naux humains. Cela commence àfaire beaucoup.

Vous avez entendu parler de la rela-tion faite entre bactéries et obésité :les personnes obèses montrent unmicrobiote tout à fait différent decelui des gens minces. On a fait beau-coup d’expériences avec les souris :quand vous transférez le microbioteintestinal de souris obèses à des sourisminces, celles-ci deviennent obèsessans même changer leur alimenta-tion ! Et inversement : le microbiotede souris minces transféré chez des

Vers un intestin spirituel

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souris obèses va permettre à ces sourisde redevenir minces… ou de fairedisparaître un diabète (Akkermansiamuciniphila). C’est un peu pluscompliqué que ça, mais les dés sontjetés, et la piste est intéressante. Lemétabolisme et les bactéries, c’est uneaffaire qui marche !

Passage du physique au psychique

Or les études nous montrent que lesbactéries ont à voir avec nos compor-tements. Cette perspective seconforte. L’une des voies d’étu-des concerne en parallèle laprésence d’une alimentationparticulière, qui va forcémentsélectionner la flore intestinale :si vous mangez tel type d’ali-mentation, vous allez favoriserle développement de tels typesde bactéries, qui se servent de ceque vous leur apportez. Lesbactéries qui ne mangent quedes protéines vont crier famineet mourir si vous aimez leslégumes ! Si vous êtes végéta-rien, vous aurez une disparitionassez rapide des bactéries quiutilisent de la viande. On perdla diversité des outils génétiquesbactériens. Quand on se nourrit, onnourrit en premier nos bactéries,attention, respect ! On ne peut doncpas dissocier véritablement l’alimen-tation et les bactéries de l’intestin. Il ne faut pas oublier qu’elles vivent,qu’elles se multiplient toutes les vingtminutes.

Les études montrant le lien entremicrobiote et comportement sont deplus en plus nombreuses. Parexemple, on s’est aperçu que l’ali-mentation sucrée était le dénomina-teur commun des hypoglycémiesréactionnelles, et que celles-ci sontsérieusement impliquées dans lescomportements de criminalité !

On peut, en quelques semaines,arriver à modifier fortement la floreintestinale par l’alimentation, ce quiva avoir des effets en retour sur lepsychisme. Le stress, la dépression,modifient objectivement la composi-tion du microbiote ; et, quand on est

stressé, on a souvent mal au ventre.On en était resté là jusqu’à récem-ment. Le “deuxième cerveau”, c’estune formulation dépassée car tropsimpliste, et les informationsmarchent dans les deux sens. Lessouris nées par voie vaginale de mèresélevées hors de tout contact micro-bien (axéniques) et n’ayant donc pasde microbes dans l’intestin n’ont,forcément, pas “récupéré” les bacté-ries du vagin et du périnée de la mèreà la naissance. Leur intestin est doncdépourvu de bactéries. De fait, ce

sont des souris qui ont beaucoupmoins peur : quand on fait des testsde stress chez ces souris, elles sautentdu plongeoir pour aller dans l’eausans se poser de questions, ellesexplorent davantage leur environne-ment, elles trouvent la sortie des laby-rinthes plus rapidement, elles sontplus délurées !

Même si vous leur apportez ensuiteun microbiote – en introduisant desbactéries intestinales de souris chezces souris qui n’en ont pas –, ellesdemeurent aussi délurées ! C’est doncbien la présence de microbiote trans-mis par la mère qui fait la différence.

Ce microbiote est transmis par lamère à la naissance par voie vaginale(non par césarienne !). Il faut doncbien admettre que l’on a une super-position, à travers les générations, delignées bactériennes (que nous tolé-rons en fonction de notre immunité,et donc de notre génétique) et de

lignées familiales humaines. Vousavez une cofiliation entre les famillesbactériennes et la famille deshumains : vous possédez en partie laflore de la mère, mais qu’elle a reçueelle-même de sa propre mère ! Onpeut ainsi établir une filiation desbactéries en fonction des familles. Etpas qu’intellectuellement !

Un grand problème, c’est que lesenfants ont des parents, c’estinéluctable ! Donc, si mamanmange des hamburgers, des kebabs,de la pâte à tartiner et du surimi en

plus des chips alors qu’elleallaite, le bébé – son cerveau– va s’en “souvenir” ! Toutpasse dans le lait, même lespensées, disent certains. Quedire alors des microbiotestransmis par GPA !

Les effets du stress sur lemicrobiote se transmettent dela mère à la descendance et çarecommence à la générationsuivante…

On a réussi à modifier lemicrobiote intestinal de certai-nes espèces : notamment desrats – c’est une expérience assezancienne – et des souris, quideviennent agressives. De

petits pitbulls de laboratoire ! Là,vous avez une souris qui n’a pas peur :elle va carrément mordre le rat, dixfois plus gros qu’elle. On a même crééune race de souris hyperagressives, entriturant leur microbiote, attaquantdes chats terrorisés et les tuant !

Alors, ne vous laissez plus faire dansla vie : changez de microbiote !Malheureusement, ce n’est pas possi-ble, puisqu’il faut repasser parmaman ! Vous êtes soumis à vosbactéries. Mais la bonne nouvelle,c’est qu’on peut moduler son micro-biote par son alimentation.

Parce qu’après trois semaines derégime lipidique (la souris qui mangedu fromage) l’animal devient obèse.Et quand vous regardez la composi-tion du microbiote, vous constatezqu’il y a un énorme appauvrissementde sa diversité. Il y a ainsi une fortediminution d’informations venuesdu microbiote dans un grand nombre

Le microbiote intestinalinfluence la chimie de votre cerveau,votre humeur et vos comportements.

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de maladies, chez les souris commechez les hommes.

La question qui demeure en sus-pens, c’est : est-ce que la modificationdu microbiote détermine un compor-tement ou une maladie, ou est-cequ’un certain comportement modifiele microbiote ? Difficile de savoir, carnous évoluons dans une société oùnous sommes à peu près tous mala-des. Car nous vivons dans une sociétéinflammatoire qui débute par l’ali-mentation. Sans inflammation, peude cancers, peu d’obésité, peu de dia-bète : toute pathologie de civilisation– présentée comme inéluctable – dis-paraît ! L’inflammation est essentielle-ment générée dans l’intestin (voir lestravaux de l’équipe américained’Alessio Fasano, entre autres, quitravaille très fort là-dessus àStanford), il n’y a plus de doute.

Il devient de plus en plus évidentchaque jour que le microbiote inter-vient partout, et nous trouvonsmême de l’ADN/ARN bactérienpartout dans le corps (tissus adipeux,parois des artères, cerveau, poumons,liquide amniotique…). Or il fautsavoir que les gènes des bactéries del’intestin sont 150 fois plusnombreux que les 30000 gènes quenous possédons ! Les bactéries nousapportent un formidable outil biolo-gique supplémentaire, au sens adap-tatif, de notre symbiose.

Afin que les bactéries survivent aumieux? Est-ce normal de trouver desgènes bactériens en nous ? Les bacté-ries possèdent-elles des gèneshumains ? Suspense…

Un grand plongeon dans le psychique

On sait, depuis une dizaine d’années,qu’il y a de grandes différences demicrobiotes dans les états de stress,les dépressions et l’anxiété. Et là, onarrive presque au bout de notrevoyage actuel. La schizophrénie, lamaladie de Parkinson, les troubles duspectre autistique montrent égale-ment des différences significatives demicrobiote !

Il faut savoir que lorsque vous avezenvie de manger du chocolat ou des

pommes de terre frites, ce sont lesbactéries qui réclament. Comme ellesne peuvent le faire seules, ellespassent par votre cerveau pour passercommande. Cela a été démontré, cene sont pas des suppositions. Sansmicrobiote, et sans microbiotecorrectement équilibré, les comporte-ments peuvent donc s’altérer.Devenir davantage “reptiliens”, plusautomatiques dans une situationdonnée, c’est aussi affaire de “micro-bes” ! Ainsi, quand le microbiote estlà, on bénéficie d’une possibilitéénorme d’adaptation. Parce que lemicrobiote interagit avec toutes lesvariétés de cellules intestinales. Ildonne des informations dans tous lesdomaines. Ces protéines qui sontsécrétées peuvent activer tout unensemble de fonctions cellulaires, ycompris jusque dans le cerveau.

D’autant qu’on sait qu’unealimentation désadaptéeà l’homme modifie sonmicrobiote, entraîneune inflammation intes-tinale appelée de “basgrade”, et donne enconséquence une hyper-pe rméab i l i t é d el’intestin. On a décou-vert des impacts sur lasatiété ; en effet, noussécrétons de la ghréline(une hormone de lasatiété fabriquée parl’estomac). Du fait desmodifications de micro-biote, dues à une mauvaise alimenta-tion – que dire des antibiotiquesintempestifs ou des antiacides pourl’estomac – et de l’hyperperméabilitéqui s’ensuit, on retrouve desEscherichia coli particuliers, capablesalors de fabriquer une protéineparticulière qui est malheureuse-ment la copie conforme de laghréline. Le système immunitairereconnaît cette protéine bactériennemimétique et fabrique des anticorpsqui peuvent inhiber la vraieghréline : dans ces cas-là, la sensationde satiété disparaît et on continue àmanger, même si l’on n’en a plusbesoin (INRA).

Cela devient un aphorisme : unmicrobiote riche et diversifiéentretient une bonne humeur etun bon état d’équilibre psychiqueet physique.

Je disais déjà, et avec d’autres il y aquelque temps, que quand on mangebien on est – statistiquement – plutôtintelligent et quand on mange mal ondeviendrait plutôt bête… C’est toutela différence entre l’alimentation et lanutrition, l’alimentation, ça nourrit,et la nutrition, ça protège. Ce n’est pasdu tout la même chose : on peutmanger du pneu et du polystyrène, ouencore du surimi, mais ça ne va pasvous nourrir… donc vous protéger.

Enfin, et pour terminer sur cetteévolution, on se rend compte mainte-nant que nos relations sociales et nosattirances sociales sont au moins enpartie sous la domination du micro-biote. Ce qui expliquerait pourquoi les

souris vont attaquer les chats : ça passe-rait par des sortes de phéromonesémises par le microbiote de l’animal.Alors quand vous allez boire un verreafter work, ne dites plus : « Madame,qu’est-ce que vous prenez? » mais :« Madame, on se fait une partie demicrobiote? » C’est très acceptablesocialement et vous suscitez la capta-tion d’attention, mais vous êtes dans lavérité car, à y regarder bien, nousmalaxons et mélangeons nos micro-biotes… constamment! �

Gros plan sur des Escherichia coli.

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Mutuelle et Santé est la revue d’information des adhérents de la MTRL, une mutuelle interprofessionnelle devenue le partenaire du Crédit Mutuel et du CIC. En liaison étroite avec les ACM, elle a en charge la promotionde la prévention et de la qualité de santé, au moyen de conférences médicales thématiques et, dans sa revue,d’articles de professionnels de santé reconnus avec lesquels elle a tissé des relations solides et durables.