4
VOLLEY-BALL EVOLUTION DES REGLEMENTS DE 1895 A 1920 PAR J. METZLER Jacques Metzler témoigne qu'une re- cherche historique dans les APS, au- delà du recueil des faits et de la mé- moire des événements passés, trouve ses prolongements dans la connaissance de l'activité et de son enseignement. L'étude d'un sport limitée aux seules techniques utilisées tend à ériger cel- les-ci en modèles où se trouvent prison- niers éducateurs et pratiquants. L'his- toire nous apprend qu'elles sont le fruit d'une évolution qui vise, d'une part à préserver l'esprit du jeu, son essence, et d'autre part, à engager les joueurs vers la recherche de solutions nouvelles. L'histoire des règlements nous apprend que les modifications proposées sont dues aux nécessités du haut niveau, parfois à des facteurs externes au jeu, telles qu'actuellement les contraintes télévisuelles. La connaissance des règles originelles, leur évolution ainsi que cel- les des techniques aident à « mieux définir le volley-ball » comme le souli- gne l'auteur en conclusion. Il m'est agréable de présenter ce travail qui est aussi la manifestation d'une collaboration engagée par la Fédération Internationale de Volley-Ball et l'UFRAPS de Lyon. Pierre Berjaud DTN de la Fédération Française de Volley-Ball Secrétaire des lois du Jeu de la FIVB POUR UNE HISTOIRE DES A.P.S. Alors que se développent les travaux et les recherches sur la didactique des A.P.S. en milieu scolaire, on peut observer le faible développement de travaux consacrés à l'histoire de celles-ci (1). Cette faiblesse relative de l'histoire des A.P.S. peut apparaître paradoxale au mo- ment même où se définissent les program- mes pour l'EPS, où se profilent des conte- nus d'enseignement rénovés relatifs à la programmation des A.P.S., où se spécifie dans notre discipline la notion de « culture scolaire » chère à J.-C. Forquin (2), culture conçue comme « image simplifiée de la culture à maîtriser, facilement identifiable, mémorisable, exerçable ». Dans ce contexte, la question est de savoir si l'on peut disposer d'indications qui permettraient aux enseignants de bâtir des contenus d'enseignement suite à une transposition didactique raisonnée ? La connaissance de l'histoire des A.P.S. on le verra, est à ce propos indispensable. HISTOIRE DES TECHNIQUES ET/OU HISTOIRE DES REGLEMENTS ? L'étude historique des A.P.S. peut nous faire comprendre, outre l'esprit dans lequel l'A.P.S. a été conçue, comment ont évolué les règlements et les techniques. L'histoire des techniques est riche d'ensei- gnements pour l'enseignant d'EPS : ainsi que l'exprime G. Vigarello (3) : « la logique du geste actuel ne peut être saisie si elle n'est pas replacée dans sa dynamique temporelle, si elle n'est pas pensée avec ses racines, ses antécédents, ses prolongements possibles ». Or, l'histoire des techniques est intime- ment liée à l'histoire des règlements ; ceux-ci spécifient par un ensemble de rè- gles, les rapports des individus au matériel ainsi qu'aux autres individus, et détermi- nent le cadre dans lequel l'affrontement sportif se déroule. Ce règlement est évolutif, il est en effet constamment modifié sous l'influence de facteurs externes (modifications du maté- riel, modifications de l'arbitrage) et/ou de PHOTO : F.F.V.B. PHOTO : FRÉDÉRIC MARCHÉ 58 Revue EP.S n°229 Mai-Juin 1991 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé

VOLLEY-BALLuv2s.cerimes.fr/media/revue-eps/media/articles/pdf/70229...VOLLEY-BALL EVOLUTION DES REGLEMENTS DE 1895 A 1920 PAR J.METZLE R Jacques Metzler témoigne qu'une re cherche

  • Upload
    others

  • View
    4

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: VOLLEY-BALLuv2s.cerimes.fr/media/revue-eps/media/articles/pdf/70229...VOLLEY-BALL EVOLUTION DES REGLEMENTS DE 1895 A 1920 PAR J.METZLE R Jacques Metzler témoigne qu'une re cherche

VOLLEY-BALL

EVOLUTION DES REGLEMENTS

DE 1895 A 1920

PAR J. METZLER

Jacques Metzler témoigne qu'une re­cherche historique dans les APS, au-delà du recueil des faits et de la mé­moire des événements passés, trouve ses prolongements dans la connaissance de l'activité et de son enseignement.

L'étude d'un sport limitée aux seules techniques utilisées tend à ériger cel­les-ci en modèles où se trouvent prison­niers éducateurs et pratiquants. L'his­toire nous apprend qu'elles sont le fruit d'une évolution qui vise, d'une part à préserver l'esprit du jeu, son essence, et d'autre part, à engager les joueurs vers la recherche de solutions nouvelles.

L'histoire des règlements nous apprend que les modifications proposées sont dues aux nécessités du haut niveau, parfois à des facteurs externes au jeu, telles qu'actuellement les contraintes télévisuelles. La connaissance des règles originelles, leur évolution ainsi que cel­les des techniques aident à « mieux définir le volley-ball » comme le souli­gne l'auteur en conclusion.

Il m'est agréable de présenter ce travail qui est aussi la manifestation d'une collaboration engagée par la Fédération Internationale de Volley-Ball et l'UFRAPS de Lyon.

Pierre Berjaud DTN de la Fédération Française

de Volley-Ball Secrétaire des lois du Jeu de la FIVB

POUR UNE HISTOIRE DES A.P.S.

Alors que se développent les travaux et les recherches sur la didactique des A.P.S. en milieu scolaire, on peut observer le faible développement de travaux consacrés à l'histoire de celles-ci (1). Cette faiblesse relative de l'histoire des A.P.S. peut apparaître paradoxale au mo­ment même où se définissent les program­mes pour l'EPS, où se profilent des conte­nus d'enseignement rénovés relatifs à la programmation des A.P.S., où se spécifie dans notre discipline la notion de « culture scolaire » chère à J.-C. Forquin (2), culture conçue comme « image simplifiée de la culture à maîtriser, facilement identifiable, mémorisable, exerçable ». Dans ce contexte, la question est de savoir si l'on peut disposer d'indications qui permettraient aux enseignants de bâtir des contenus d'enseignement suite à une transposition didactique raisonnée ? La connaissance de l'histoire des A.P.S. on le verra, est à ce propos indispensable.

HISTOIRE DES TECHNIQUES ET/OU HISTOIRE DES REGLEMENTS ?

L'étude historique des A.P.S. peut nous faire comprendre, outre l'esprit dans lequel l'A.P.S. a été conçue, comment ont évolué les règlements et les techniques. L'histoire des techniques est riche d'ensei­gnements pour l'enseignant d'EPS : ainsi que l'exprime G. Vigarello (3) : « la logique du geste actuel ne peut être saisie si elle n'est pas replacée dans sa dynamique temporelle, si elle n'est pas pensée avec ses racines, ses antécédents, ses prolongements possibles ». Or, l'histoire des techniques est intime­ment liée à l'histoire des règlements ; ceux-ci spécifient par un ensemble de rè­gles, les rapports des individus au matériel ainsi qu'aux autres individus, et détermi­nent le cadre dans lequel l'affrontement sportif se déroule. Ce règlement est évolutif, il est en effet constamment modifié sous l'influence de facteurs externes (modifications du maté­riel, modifications de l'arbitrage) et /ou de

PHOTO : F.F.V.B.

PH

OT

O :

F

RIC

M

AR

CH

É

58

Revue EP.S n°229 Mai-Juin 1991 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé

Page 2: VOLLEY-BALLuv2s.cerimes.fr/media/revue-eps/media/articles/pdf/70229...VOLLEY-BALL EVOLUTION DES REGLEMENTS DE 1895 A 1920 PAR J.METZLE R Jacques Metzler témoigne qu'une re cherche

L'APPORT DE L'HISTOIRE A LA REFLEXION DIDACTIQUE facteurs internes (développement des techniques et des tactiques de jeu). Certes, comme l'affirme G. Vigarello, l'évolution des règlements ne permet pas d'expliquer à priori l'évolution de la tech­nique puisqu'elle en est plutôt une consé­quence. Elle n'en est pas moins pour au­tant riche d'intérêt ! En effet, à y regarder de près, même si les modifications du règlement ne sont que des résultats, « elles entérinent ou rejettent des modifications préalables, donnent exis­tence à ce qui était déjà réalisé ou seulement potentiel, de même qu'elles font barrage à des orientations déjà naissantes ou affir­mées » (4). Le règlement représente en outre pour l'éducateur une « arme essentielle » (5), dans la mesure où toute modification à son égard, entraîne chez les élèves des chan­gements de représentation et de compor­tement. C'est pourquoi, disposant de l'ensemble des règlements archivés par la Fédération Américaine de volley-ball (6), nous nous sommes intéressés à leur évolution (7) et aux retombées que cette étude pourrait avoir dans le champ de la didactique.

L'HISTOIRE DU VOLLEY-BALL

Que retenir de l'histoire du volley-ball ? Chacun sait que le volley-ball, tout comme le basket-ball d'ailleurs, représente une

création didactique pure. Il naquit en 1895 dans une Y.M.C.A. du Massachussets, quatre ans seulement après que J. Nais-mith ait inventé la « balle au panier ». Son inventeur, W. Morgan, qui présidait alors aux destinées d'un gymnase ordinaire à Holyoke, en fit un jeu collectif de balle entièrement « de volée ». Les principales règles que l'on retient habituellement aujourd'hui de ce jeu, ne furent pourtant officiellement établies qu'en 1920 après de nombreuses modifica­tions. Nous les retrouvons publiées dans l'ouvrage : « Annual guide, USVBA, ar­chives history and records, 1920 ». Nous les reprenons dans l'encadré 1. Ainsi, dès 1920, le règlement actuel du volley-ball est-il déjà bien circonscrit ! La question reste posée de savoir comment on en est arrivé là. Quelles modifications a pu subir le règlement en un quart de siècle pour entériner l'évolution technique, arbi­trale et matérielle correspondante ?

QUAND UNE PHILOSOPHIE ENGENDRE UNE PRATIQUE...

Alors que J. Naismith inculquait à Spring-field leur formation sportive aux futurs animateurs des Y.M.C.A., W. Morgan présidait, quant à lui, aux destinées d'un gymnase ordinaire. S'adressant à des groupes d'hommes d'af­faires, il commença à penser à un nouveau jeu qui serait attractif, mobile, efficace, et à la différence du basket-ball non éprou­vant. En outre, ce jeu devait pouvoir être pratiqué aussi bien par des jeunes gens que par des jeunes filles. Après quelques tâtonnements, un nouveau jeu était né appelé initialement curieuse­ment « mintonette ». En quoi consis­tait-il ? L'ouvrage « Officiai hand book, athletic league of the young men's Chris­tian association of north america », 1897, nous fournit les précisions nécessaires sur le règlement initial du volley-ball (enca­dré 2). Une rapide analyse comparative des rè­glements entre 1895 et 1920 révèle l'impor­tance des transformations réglementaires. Les changements successifs du règlement entre 1895 et 1920 intégrèrent à la fois les évolutions techniques des joueurs, les évo­lutions matérielles, et les évolutions de l'arbitrage. L'encadré 3 mentionne à titre d'illustration quelques évolutions-clés. Ainsi, en un quart de siècle, les évolutions matérielles concernèrent prioritairement le ballon. A partir de 1920, il doit être néces­sairement rond et fabriqué avec un maté­riau nouveau : le plastique, lui-même re­couvert de cuir plus léger. Si la surface de jeu a augmenté, la hauteur du filet est restée invariable (2,13 m). Le terrain est devenu obligatoirement rec­tangulaire et clairement délimité (largeur des lignes). On distingue alors deux délimi­tations : une pour les jeux d'extérieur et une pour les jeux d'intérieur. Le jeu passe de neuf « tournées » à trois sets gagnants de 15 points.

L'équipe au service doit respecter un ordre de rotation pré-établi, le service doit être impérativement une mise en jeu directe dans le camp opposé et le serveur ne dispose plus que d'un essai. Le nombre de touches de balle est désor­mais limité à 3 par équipe et à 1 par joueur.

1. Les règles du volley-ball en 1920

- La surface du jeu doit être rectangulaire : deux carrés de 30 pieds (environ 9,15 m) constitueront les deux camps. - Ils sont séparés par un filet qui monte à 2,13 m. - Les équipes doivent comporter un nombre identique de joueurs ; pour tout match offi­ciel d'intérieur, l'équipe sera composée de 6 joueurs (12 pour les jeux d'extérieur). - Les équipes se renvoient le ballon par­dessus le filet ; le poids de celui-ci peut osciller entre 8 et 10 onces (226 à 283 g) pour les jeux d'intérieur, et jusqu'à 12 onces pour les jeux d'extérieur (340 g). - La balle peut être frappée par n'importe quelle partie du corps au-dessus de la cein­ture. - Une balle ne peut être touchée que 3 fois d'un côté pour être renvoyée. - Le dribbling aérien ou » jonglage » est in­terdit. - Seule marque l'équipe qui sert. - Le service consiste à mettre la balle dans le terrain adverse en la battant » avec une ou deux mains, en se tenant avec un pied ou deux sur la ligne de fond du terrain. - Un service qui touche le filet, un joueur, tout autre objet ou surface mettra son équipe en échec. - Chaque joueur continue de servir jusqu'à ce que son équipe ne gagne plus le point ou joue illégalement. - L'équipe qui reçoit la balle pour servir doit effectuer immédiatement une rotation ; si elle est positionnée en 2 lignes (6 joueurs) elle se fera dans le sens des aiguilles d'une montre. - La partie se fait en 15 points. - Les matches se font en 2 ou 3 sets ga­gnants.

2. Les règles du volley-ball en 1897

- Le jeu s'effectue en neuf « tournées » ; une tournée définit un nombre de services. La personne qui sert continue à servir jusqu'à ce qu'il y ait échec de son équipe. - Le serveur doit avoir un pied sur la ligne de fond du terrain. - La balle doit être frappée avec la main. Le serveur a droit à 2 essais pour envoyer la balle dans le camp adverse - Un service prolongé par un joueur de l'équipe en possession du service qui atterrit dans le camp adverse est considéré comme valable. - Une équipe marque uniquement lorsqu'elle sert. - Une balle qui touche le filet lors du premier service compte un essai. Lors du deuxième service, elle équivaut à un échec. - Si un joueur attrape la balle ou la porte, le point est accordé à l'équipe adverse. - Les joueurs peuvent faire jongler la balle au-dessus d'eux (« dribbling »), mais ne peu­vent traverser la ligne de jonglage (« drib­bling line ») parallèle au filet à 4 pieds de celui-ci (1,22 m). Ils doivent alors soit ren­voyer la balle dans le camp adverse soit faire une passe à un coéquipier. - Si un joueur touche le filet pendant le match, la balle est comptée comme faute contre son équipe. - Le nombre de joueurs sur le terrain n'est pas limité ; il dépend uniquement de la place disponible, cependant un joueur doit pouvoir couvrir 10 pieds sur 10 (3,25 m x 3,25 m soit 10,55 m2). - La taille du terrain varie en fonction des possibilités spatiales et du nombre de joueurs ; il représente le plus souvent un rectangle de 50 pieds de long (15,24 m) sur 25 pieds de large, divisé en 2 carrés égaux. - Au centre du filet, la bande supérieure du filet doit être à 7 pieds 6 pouces (2,13 m). - Le ballon enfin, sera une vessie de caout­chouc recouverte de cuir ou de toile. Son poids doit se situer entre 255 g et 340 g.

3. Evolution des règles entre 1895 et 1920.

1903 (8) : - Le jeu se fait désormais en 21 points. - Le jonglage n'est plus autorisé. - Le service qui touche le filet ou quelconque objet puis retombe dans le terrain adverse est considéré comme faute.

1912 (9) : - Le poids du ballon doit être compris entre 7 onces (198,47 g) et 9 onces (255 g). - La surface de jeu ne doit pas excéder 30 pieds de large (9,15 m) sur 60 pieds de long.

1916 (10) : - Le poids du ballon doit être compris entre 8 onces (226.80 g) et 10 onces (283,50 g). - La partie se fait en 15 points. - Le serveur restera sur le coin droit ou gauche derrière la ligne de fond du terrain.

EPS № 229 MAI-JUIN 1991 59

Revue EP.S n°229 Mai-Juin 1991 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé

Page 3: VOLLEY-BALLuv2s.cerimes.fr/media/revue-eps/media/articles/pdf/70229...VOLLEY-BALL EVOLUTION DES REGLEMENTS DE 1895 A 1920 PAR J.METZLE R Jacques Metzler témoigne qu'une re cherche

APPORT DE L'HISTOIRE A LA DIDACTIQUE DU VOLLEY-BALL EN MILIEU SCOLAIRE ?

A propos du règlement de jeu

La question du règlement de jeu en milieu scolaire est d'importance : qu'autorisons-nous notamment à de jeunes joueurs (CM1 - CM2 - 6 e ) ? Jusqu'où peut-on aller dans la modification des règles ? Comment simpli­fier sans dénaturer ? Peut-on envisager une évolution des conditions de pratique qui retrace l'évolution historique de l'acti­vité (11) ? Il n'est plus concevable aujourd'hui de ramener l'enseignement des sports collec­tifs à l'apprentissage de modèles gestuels que l'élève apprendrait sous forme de ré­ponses-copies (12), enseignement qui pri­vilégierait les techniques à enseigner et à acquérir, au risque de les couper de « l'es­sence » réelle de l'activité physique concernée, et donc, de leur raison d'agir (13). Ainsi que l'ont exprimés par ailleurs P. Conquet et J. Devaluez (14), si l'on veut rester dans l'activité, il conviendra de res­pecter l'essence de celle-ci : cela veut dire qu'en volley-ball, on confrontera le sujet à un jeu de « renvoi de balle » avec comme impératif, que le renvoi se fasse de volée ! Dès lors, peut-on autoriser le jeu avec rebond ? Cela nous semble inconciliable avec l'esprit du jeu voulu par W. Morgan. Mais alors, quelles concessions faire sur le règlement afin que des joueurs débutants puissent entrer dans un jeu d'envoi et de renvoi (15) ? Il semble donc capital de revenir sur ce qui fait la spécificité d'une A.P.S., d'identifier le noyau historiquement stable de règles, quelle que soit l'évolution des règlements officiels, qui détermineraient et organise­raient les actions de jeu des débutants tout autant que celles des experts ; ce que R. Mérand a appelé les règles constitutives de l'activité (16). En examinant l'évolution des règlements

depuis 1897 jusqu'à nos jours, nous pou­vons les formuler en identifiant les condi­tions d'intervention sur la balle, les condi­tions d'interactions des joueurs entre eux, et les conditions du résultat (encadré 4). Si la connaissance des règles constitutives permet à l'éducateur de se situer au point de vue de la continuité (noyau historique­ment stable), la connaissance des variables didactiques lui permet par opposition de se situer au point de vue de la rupture (nor­mes progressives d'effectuation). En nous référant à l'évolution du règle­ment, nous pouvons proposer les variables didactiques, reprises dans l'encadré 5.

La maîtrise des variables didactiques doit faire partie du bagage professionnel des enseignants d'EPS ; celles-ci doivent figu­rer en bonne place dans l'arsenal didacti­que de l'enseignant s'il veut s'inscrire réso­lument dans l'optique d'une « école de la réussite pour tous », ajuster en perma­nence les règlements de jeu aux possibilités évolutives des élèves.

Le rapport aux finalités sociales

La rénovation des contenus ne passe pas uniquement par l'adaptation du règlement aux caractéristiques des élèves ; il passe

aussi par une nécessaire mise en relation avec le système de finalités qui guide l'EPS, afin que celle-ci ne soit pas conçue en terme de pratique spécialisée mais plu­tôt en termes de pratique transférable. Sur cette question également, le retour réflexif sur l'origine du volley ball est précieux ; voyons comment W.Morgan louait son nouveau jeu : - « le jeu est précieux d'un point de vue hygiénique et médical ; il s'applique plus particulièrement à des personnes effec­tuant un travail de bureau. En effet, le ballon lorsqu'il est en jeu est le plus sou­vent au-dessus de la tête et lors de la frappe de balle, il est nécessaire de lever les bras haut ce qui a un effet bénéfique sur le développement de la cage thoracique et renforce les muscles du dos et de la nuque importants dans le maintien postural. Il bénéficie ainsi à l'homme d'affaire qui après avoir été confiné dans son bureau a besoin d'un jeu dans lequel il oubliera ses problèmes quotidiens et en même temps corrigera ses défauts posturaux ». - « le jeu de volley-ball est un soin mental aussi bien que physique ; la réception de la balle et son renvoi gagnant permettent en effet le développement d'un jugement pré­cis, le travail d'équipe et le nombre impor­tant d'échanges entre les deux équipes couplés avec la complexité du jeu a ten­dance à fixer l'attention. Il bénéficie tout particulièrement au travailleur physique qui a besoin d'un sport permettant d'exer­cer ses facultés mentales ». - « en augmentant la surface à couvrir, la partie devient dynamique ; les membres inférieurs sont fortement et rapidement sollicités. Il bénéficie alors à l'écolier, garçon ou fille, qui exerçant une activité mentale a besoin d'éducation physique intense ainsi qu'à l'athlète qui souhaite pratiquer une activité vigoureuse ». De telles affirmations sont-elles aujour­d'hui désuettes ? Ne sont-elles pas encore d'actualité au moment même où la profes­sion essaie d'articuler aux grandes finalités sociales, des compétences spécifiques ? Enfin, à la différence de la majorité des autres A.P.S. (le volley-ball étant une créa­tion didactique pure rappelons-le), ne peut-on retenir tout ou partie de ces enjeux originaux ?

4. Noyau historiquement stable des règles de volley-ball.

Ce noyau stable des règles est relatif aux :

- Conditions d'intervention sur la balle. Le rapport de l'instrument (ensemble du corps situé au-dessus de la ceinture, y com­pris celle-ci) et de la balle (légère et souple de consistance) sera caractérisé par un contact bref et net : la frappe de la balle (17).

- Conditions d'Interaction des joueurs entre eux. Les deux équipes seront disposées dans des terrains identiques, délimités, non clos (les joueurs peuvent intervenir en dehors du ter­rain à la différence du basket par exemple), et séparés par un filet haut. Toute pénétration dans le camp adverse est immédiatement sanctionnée (18).

- Conditions d'obtention du résultat. Chaque équipe marque un point dès lors que l'équipe adverse ne peut plus lui renvoyer légalement le ballon (19).

5. Variables didactiques utilisables pour l'en­seignement du volley-ball.

- Moduler la surface des terrains. - Moduler la hauteur du filet. - Moduler la taille et le poids des ballons. - Moduler le nombre de joueurs (20). - Moduler les conditions d'envoi du ballon : en jouant sur la distance serveur-filet, en donnant 2 essais au serveur, en laissant libre la modalité de frappe du ballon (à 1 main ou à 2 mains), en autorisant le prolongement du service par un équipier, etc. - Moduler les conditions de renvoi du ballon : en imposant une zone de réception du ser­vice, en autorisant le jonglage de balle, en ne limitant pas le nombre de touches de balle pour l'équipe, etc. - Moduler la façon de gagner la rencontre : sets au nombre de services ou au nombre de points, gain du point uniquement en posses­sion du service ou en toutes circonstances, etc.

PHO

TO :

FR

ÉDÉR

IC M

ARC

60

Revue EP.S n°229 Mai-Juin 1991 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé

Page 4: VOLLEY-BALLuv2s.cerimes.fr/media/revue-eps/media/articles/pdf/70229...VOLLEY-BALL EVOLUTION DES REGLEMENTS DE 1895 A 1920 PAR J.METZLE R Jacques Metzler témoigne qu'une re cherche

Nous avançons aujourd'hui l'idée qu'en programmant volley-ball, l'enseignant d'EPS peut espérer contribuer à la pour­suite d'un certain nombre de finalités (21) (encadré 6).

La spécification du rapport des A.P.S. aux finalités sociales est essentielle pour articu-lier le particulier et le général. Elle nous semble néanmoins insuffisante pour aider les enseignants d'EPS à concevoir, mettre en œuvre, gérer et évaluer un projet péda­gogique. Il convient donc de préciser pour chaque A.P.S. ce que l'individu peut gagner (ou perdre) dès lors que l'on programme telle ou telle activité : en d'autres termes, les enjeux de formation liés à la programma­tion de telle ou telle A.P.S. Nous considérons pour notre part (22) que la pratique scolaire du volley-ball amène l'individu à résoudre un certain nombre de problèmes qui seraient selon nous, les

enjeux les plus fondamentaux de la prati­que scolaire actuelle du volley-ball (enca­dré 7). Ainsi formulés, ils permettraient à l'enseignant de jeter un pont entre les compétences spécifiques développées et les grandes finalités sociales visées.

EN GUISE DE CONCLUSION

Parmi l'ensemble des pratiques socio-cul­turelles, le volley-ball représente au sein de la famille des sports collectifs, une moda­lité originale de mise en œuvre de la motricité humaine. L'appropriation active à l'école des acquis culturels impose aux enseignants de bien maîtriser l'interaction sujet-objet afin de solliciter l'activité adaptative de l'élève, activité conçue comme la découverte de solutions relatives aux problèmes spécifi­ques posés par l'activité sportive. La connaissance historique des motifs de création des A.P.S., comme de l'évolution des techniques et des règlements est d'im­

portance pour aider les enseignants à mieux définir le volley-ball scolaire d'au­jourd'hui. Elle permet en effet : - de mieux saisir un aspect essentiel du processus de transposition didactique ; - de mieux contrôler les transformations nécessaires et obligées que les enseignants font subir à un champ et /ou un objet culturel afin de l'enseigner dans un cadre scolaire ; - de mieux concevoir les situations didac­tiques qui s'en suivent.

Jacques Metzler Professeur d'EPS

UFRAPS Lyon

Notes et références bibliographiques

(1) Citons à titre d'exemple le remarquable travail de R. Barrul sur l'histoire de ta gymnastique. (2) J.-C. Forquin : Ecole et culture, le point de vue des sociologues britanniques. De Boeck, Bruxelles, 1989. (3) G. Vigarello : Une histoire culturelle du sport, techni­ques d'hier... et d'aujourd'hui. Revue EPS, R. Laffont, 1988. (4) G. Vigarello : Op. cité. (5) P. Goirand : Une problématique complexe, des prati­ques sociales des A.P.S. aux contenus d'enseignement en EPS. Revue Spirales, complément au n° 1, Lyon, 1987. (6) Nous tenons ici à remercier vivement P. Berjaud. pour avoir bien voulu nous confier ces précieux docu­ments. (7) Cette étude a par ailleurs fait l'objet d'un mémoire de licence STAPS, mémoire mené sous notre direction à l'UFRAPS de Lyon : « L'évolution des règlements de volley-ball » par N. Carayon, T. Hotellier, L. Julier, Lyon, 1990. (8) Volley Ball rules, USVBA archives history and records, 1903. (9) Official hand book of the athletic league of the YMCA. 1912. (10) Official volley ball rules, edited by G. Fischer, published by American Sport Publishing Company. New York, 1916. (11) Voir à ce propos la construction didactique de l'activité planche à voile proposée par Y. Piegelin dans son film « Dévoiler la planche » ou encore au travers de son article : « Rendre populaire l'art de naviguer », Revue Dire, n° 9, décembre 1983. (12) P. Merand : L'éducateur face à la haute perfor­mance. Editions Sport et Plein Air, 1977. (13) Nous ne pouvons à ce propos passer sous silence la dynamique de FPC interne à l'Académie de Lyon ; dès la fin des années 1970, afin de ne pas voir ressurgir certaines formes de « technicisme », nous mettions l'accent « sur la nécessité de rééquilibrer les rapports à établir entre les formes concrètes d'action spécifiques aux A.P.S. et leur essence, leur raison d'être, en réfé­rence à un modèle culturel d'activité physique ». Cf. L'évaluation en EPS, Bulletin de liaison des ensei­gnants d'EPS, CRDP Lyon, septembre 1982. (14) P. Conquet et J. Devaluez : Education fondée sur l'action motrice et ou éducation de l'action motrice. Re­vue Dire, n° 11, juin 1984. (15) Voir à titre d'exemple la situation de jeu que nous avions proposé avec des joueurs débutants en classe de 6e dans la Revue Spirales, complément au n° 1, Lyon, 1987. (16) P. Mérand, Op. cité. (17) Nous ne mentionnons pas la règle de « contact unique ». le jonglage étant autorisé à l'origine du jeu. (18) Pas plus que la limitation du nombre de touches de balle par équipe pour les mêmes raisons. (19) Depuis 1988. avec l'instauration de la règle du tie-break, nous ne pouvons plus considérer que le gain du point se fait uniquement en possession du service. (20) Rappelons qu'à l'origine, le jeu 1 contre I était possible... (21) J. Metzler : L'EP au collège, le volley-ball en 4e-3e, programme et évaluation au brevet. Revue Spirales, n° 3, volume 1, Lyon, 1990. (22) J. Metzler : Spirales n° 3, Op. cité. (23) Lire à ce propos l'article de H. Ripoll : Stratégies oculo-motrices impliquées dans l'exécution des habiletés motrices de précision, in Neuro-Sciences du Sport, IN-SEP, 1987.

6. Le rapport du volley-ball aux finalités éduca­tives.

Le volley-ball peut concourir -- à la « santé » de l'élève, à son équilibre, à son bien-être en le plaçant dans une situation motrice à caractère ludique d'extension et de redressement, compensatrice à l'activité in­tellectuelle et courbée de l'écolier ; - à la sécurité » en l'obligeant à réagir vite, à faire des choix rapides, à rester concentré longtemps, à être attentif et adroit ; - au développement du « sens de la solida­rité » par la nécessaire participation à un effort commun ; - au développement du « sens de la respon­sabilité » en assumant des rôles et des tâ­ches bien précises ; - à l'accès aux fondements de la culture physique et sportive de notre temps par la connaissance vécue et représentée d'un des grands domaines de la pratique sportive.

7. Les enjeux fondamentaux du volley-ball.

- Résoudre au travers de la frappe de balle de volée un problème moteur d'anticipation-coïncidence (23) : déclenchement du mou­vement avant l'arrivée du ballon et réglage de celui-ci en même temps que l'arrivée du ballon. - Différencier, échanger, et coordonner rapi­dement les rôles d'intervenant et de non intervenant sur la balle. - Opérer un choix parmi au moins une alter­native de réponse : conserver le ballon dans son camp et/ou le renvoyer dans le camp adverse ? - Elaborer et mettre en œuvre des stratégies prenant en compte simultanément des in­formations provenant de territoires spatiaux distincts : le camp adverse et son propre camp.

PHO

TO :

F.F

.V.B

.

EPS N° 229 MAI-JUIN 1991 61

Revue EP.S n°229 Mai-Juin 1991 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé