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Voyage au centre de l'asileEnqute sur la procdure de dtermination d'asile

Rapport

64 rue Clisson 75013 Paris Tl. 01 44 18 60 50 Fax 01 45 56 08 59 E-mail : [email protected] Janvier 2010 Publication ralise par : Grard Sadik, Suzanne de Bourgoing, Mlanie Jourdan Remerciements : Jrme Martinez, Yamina Vierge. Les militants de la Cimade et tous ceux qui ont particip aux observations la Cour nationale du droit dasile. Pascal Baudouin, Myriam Djegham et les officiers de protection de lOFPRA qui ont accept notre prsence. Mme Denis Linton, prsident de la Cour nationale du droit dasile, Grald Peytavin, les rapporteurs et les avocats qui ont accept de rpondre nos questions. Illustrations : Ralises par Mlanie Jourdan partir de photographies de lOFPRA (merci Myriam Djegham) et de la CNDA. Conception graphique, maquette : Carine Perrot Imprim par : Expressions II, 10 bis rue Bisson 75020 Paris Tl. 01 43 58 26 26

SommaireINTRODUCTION 70 ANS DACTION DE LA CIMADE EN FAVEUR DES RFUGIS AVANT-PROPOS : UNE PROCDURE EN PROFONDE MUTATION I. DPOSER LA DEMANDE 1. Le passage oblig la prfecture 2. Remplir le formulaire OFPRA 3. Lenregistrement Chiffres cls II. LINSTRUCTION LOFPRA 1. La rpartition des dossiers 2. La convocation laudition et ses exceptions 3. Les entretiens 4. La dcision Chiffres cls : les dcisions de lOFPRA III. LE RECOURS DEVANT LA CNDA 1. Rdaction du recours 2. Linstruction des dossiers 3. Les audiences 4. Le dlibr et les dcisions IV LA PROCDURE DE REXAMEN 1. L'obligation de quitter le territoire 2. Les conditions du rexamen : le fait nouveau 3. La procdure de rexamen quasi systmatiquement en procdure prioritaire 4. Le formulaire de rexamen 5. Lexamen par lOFPRA : les rexamens, variable dajustement de la procdure ? 6. Lexamen par la CNDA : des dossiers comme les autres CONCLUSION : VERS UNE PROCDURE DASILE EUROPENNE ? PROPOSITIONS DE LA CIMADE ABRVIATIONS 1 2 3 9 10 1 1 13 15 17 18 21 23 27 35 37 38 40 45 53 57 58 58 58 58 59 60 61 62 64

Cre en 1939 pour venir en aide aux personnes dplaces par la guerre, la Cimade agit depuis pour l'accueil et laccompagnement social et juridique des trangers en France. La Cimade soutient des partenaires dans les pays du Sud autour de projets lis la dfense des droits fondamentaux, laide aux rfugis ou lappui aux personnes reconduites dans leur pays. Pour plus d'informations : www.lacimade.org

IntroductionVoyage au centre de lasile

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IntroductionLa France senorgueillit davoir formul la premire le sens moderne du droit dasile. En effet, dans la Constitution de lAn I, figurait un article 120 qui disait : Il donne asile aux trangers bannis de leur patrie pour la cause de la libert. Il le refuse aux tyrans. Cette constitution ne fut jamais applique et il fallut attendre 1946 pour que rapparaisse ce principe dans le prambule de la Constitution. Cet attachement fut de nouveau raffirm par la loi de 1952 qui crait lOffice franais de protection des rfugis et apatrides (OFPRA) et la Commission des recours des rfugis. Prs de six dcennies plus tard, lOFPRA est plac sous la tutelle du ministre de lImmigration et lIdentit nationale. Un ministre qui, dans un mme discours, proclame que la France est championne dEurope en matire daccueil des demandeurs dasile et annonce le renvoi par charter dAfghans dont la demande dasile a t examine en quatre jours. La France maintient-elle sa tradition de terre dasile ou est-elle, linstar dautres pays occidentaux, oublieuse des principes qui ont fond son idal rpublicain ? La procdure de dtermination en France est-elle la plus belle procdure dasile au monde , permettant de reconnatre une protection tous les rfugis fuyant loppression et les mille violations des droits humains quengendre le nouveau dsordre mondial ou est-elle une loterie ou une machine fabriquer des dbouts ? Aprs avoir examin la faon dont les prfets traitaient les demandeurs dasile puis la rforme du dispositif national daccueil qui leur est ddi, La Cimade sest intresse cette procdure. Au travers dentretiens avec les diffrents acteurs de cette procdure (officiers de protection de lOffice de protection des rfugis et des apatrides (OFPRA), rapporteurs et juges de la Cour nationale du droit dasile (CNDA), avocats, associations et last but not least, demandeurs dasile et en assistant la fois des entretiens de lOFPRA et aux audiences de la Cour nationale du droit dasile, ce rapport dcrit comment sont concrtement prises les dcisions sur lasile. En suivant le parcours du demandeur, nous verrons comment est rempli le formulaire OFPRA, puis comment est men lexamen par les officiers de protection de lOFPRA et enfin comment la CNDA instruit puis statue sur les recours formuls par les demandeurs. Dans cet tat des lieux, une attention particulire sera prise sur les volutions rcentes de la procdure. En effet, les directives adoptes par lUnion europenne entre 2003 et 2005 en matire dasile ont progressivement t transposes dans la rglementation ou dans les pratiques des organes de dtermination. Quil sagisse des conditions dentretien lOFPRA ou de la gnralisation de laide juridictionnelle devant la CNDA, elles modifient sensiblement la faon dont sont examines les demandes dasile.

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70 ans daction de La Cimade en faveur des rfugisVoyage au centre de lasile

70 ans daction de La Cimade en faveur des rfugis1940 La Cimade est dans les camps 1944 dinternement aux cots des rfugis espagnols et des juifs. Quand la dportation commence, elle organise un rseau de sauvetage et de passage vers la Suisse 1950 Accueil des rfugis venant des camps et en transit vers les Etats-Unis 1951 Signature de la convention de Genve 1956 Insurrection hongroise et 1957 arrive de 5000 rfugis : La Cimade organise laccueil avec louverture de centres 1963 La Cimade est honore de la Mdaille Nansen avec dautres organisations daide au rfugis 1967 Accueil des Rfugis grecs fuyant la dictature des Colonels. Soutien au mouvement de libration dans les pays du Sud 1971 Protocole de Bellagio universalisant la dfinition de rfugi de la convention de Genve. La Cimade participe la cration de lassociation France Terre dAsile 1972 La Cimade dnonce la circulaire Marcellin Fontanet qui interdit la rgularisation des rfugis 1973 Accueil des rfugis chiliens 1976 Mise en place du Dispositif national daccueil pour les boat people du sud-est asiatique et les rfugis sud amricains. La Cimade est charge de la coordination de cours de franais dans les centres provisoires dhbergement et participe la coordination rfugis 1979 Le centre international de Massy devient principalement un foyer de rfugis 1981 Au sein du comit de sauvegarde du droit dasile, mobilisation le droit dasile en danger 1982 Avec dautres associations, La Cimade participe la cration du CRARDDA qui deviendra Forum rfugis 1989 Crise de lasile. Cration de lANAFE regroupant associations et syndicats autour de la question de la frontire 1989 Mouvement des dbouts. 1991 La Cimade participe au comit de suivi des dbouts tout en continuant participer la coordination rfugis 1994 La Cimade demande lapplication de la convention de Genve pour les rfugis algriens et bosniaques, perscuts par des agents non tatiques. Accueil des rfugis rwandais au sein du Comit Asile Rwanda 1997 Rforme de la loi sur lasile : La Cimade fait des propositions pour mettre fin aux restrictions de la convention de Genve 1999 Accueil des rfugis Kosovars 2000 Cration de la coordination pour le droit dasile qui devient en 2003 coordination franaise pour le droit dasile 2002 Ouverture du centre daccueil de Bziers. La Cimade participe la cration dune plate-forme daccueil des demandeurs dasile Marseille 2003 Rforme du droit dasile : La Cimade critique les restrictions apportes par le projet de loi. Cration avec le Secours Catholique et dautres associations chrtiennes de DOM Asile 2004 La Cimade conteste avec 2005 dautres associations les dcrets sur lasile et la liste des pays dorigine srs. Mise en place dune permanence ddie aux femmes victimes de violence en Ile-de-France 2007 La Cimade publie le rapport Main Basse sur lAsile, le droit dasile (mal) trait par les prfets 2008 Publication du rapport Un accueil sur surveillance sur la rforme du dispositif national daccueil des demandeurs dasile. Sur requte de La Cimade, le conseil dEtat annule partiellement le dcret sur lallocation temporaire dattente

La Cimade uvre quotidiennement travers ses nombreuses permanences locales, pour le respect du droit dasile. A chaque tape de leur parcours, La Cimade accueille, coute, conseille et oriente les demandeurs, les aide rdiger leur demande ou leur recours. Depuis plusieurs annes, elle a dvelopp un savoir-faire pour saisir les juges administratifs de rfrs afin de leur faire constater les atteintes multiples au droit dasile La Cimade ne se limite pas une aide juridique mais accueille et hberge les demandeurs dasile dans le centre daccueil pour demandeurs dasile de Bziers et les rfugis dans le centre international de Massy. Cette action de terrain, et cette vision densemble du processus et des enjeux de lasile permettent La Cimade de prendre part divers dbats et consultations lchelle nationale ou europenne. La Cimade participe lAssociation nationale dassistance aux frontires pour les trangers (ANAFE) et la Coordination Franaise pour le Droit dAsile (CFDA). La Cimade sefforce, avec ses partenaires associatifs, dagir pour que lesprit de la Convention de Genve, et notamment le devoir de protection quelle implique, reste au cur des textes lgislatifs en prparation.

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Avant-propos :une procdure en profonde mutationLa crise du systme dasile en France lore des annes 2000 a conduit une profonde rforme de la procdure de dtermination : rforme des statuts, des procdures et des organes de dtermination qui sest faite laune des directives europennes. Le matre mot a t dinstaurer une procdure rapide et en mme temps de qualit.

La crise de lasile des annes 2000 et les mesures dassainissementEn 1999, en mme temps quclatait le conflit du Kosovo, le systme dasile en France est entr dans une grave crise : le nombre de demandes dasile augmentait chaque anne de 20% pour atteindre plus de 52 000 en 2003, auquel il fallait ajouter prs de 30 000 demandes dasile territorial. Les prfectures, charges denregistrer les demandes et de dlivrer ou non une autorisation provisoire de sjour au demandeur, retardaient de plusieurs mois laccs la procdure de demande dasile. Linstruction des demandes dasile par lOFPRA puis par la Commission des recours des rfugis durait plusieurs annes. Le dispositif daccueil des CADA trs sousdimensionn ( peine 5 000 places en 2000) ne pouvant faire face, des demandeurs dasile dormaient dans la rue. En septembre 2002, Dominique de Villepin alors ministre des affaires trangres fit une communication au conseil des ministres annonant une grande rforme de la procdure dasile, intgrant en droit interne des directives europennes, qui devait entrer en vigueur en 2004. Dans lattente, des mesures dassainissement taient prises donnant des moyens exceptionnels aux prfets et lOFPRA pour rsorber le stock de dossiers en souffrance. Le gouvernement labora un projet de loi qui fut discut par le parlement entre juin et novembre 2003. Ctait la rforme la plus importante de la loi de 1952 relative lasile depuis cinquante ans.

La rforme des statuts de protectionDepuis 1952, la loi avait confi lOffice de protection des rfugis et apatrides la tche dappliquer la convention de Genve du 28 juillet 1951 relative au statut des rfugis. Cette convention prvoit que soit reconnue la qualit de rfugi toute personne qui craint avec

raison dtre perscute en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalit, de son appartenance un certain groupe social ou de ses opinions politiques, qui se trouve hors du pays dont il a nationalit, et qui ne peut ou ne veut en raison de cette crainte, se rclamer de la protection de ce pays. Cette dfinition a longtemps permis de donner un statut ceux qui demandaient asile en France, leur permettant un sjour de longue dure (le rfugi bnficie dune carte de rsident de dix ans et dun accs facilit la naturalisation). Le contexte gopolitique de guerre froide faisait des rfugis des symboles, quils proviennent des pays communistes dEurope ou dAsie ou linverse des dictatures dextrme droite comme lEspagne, le Portugal puis le Brsil, le Chili ou lArgentine. Dans les annes 1980-1990, laugmentation du nombre de demandes dasile qui nentraient pas ncessairement dans les cases de lecture de lpoque et leffondrement de lURSS poussrent certains considrer que la convention de Genve ntait plus adapte et quil fallait limiter son application car elle tait dtourne par des faux rfugis fuyant en premier lieu la misre. En consquence, dans les annes 1990, malgr lextrme violence des conflits dex-Yougoslavie ou dAfrique, les rfugis de ces pays furent considrs comme nentrant pas dans cette dfinition, soit parce quils ne pouvaient faire tat de craintes personnelles, soit parce que lauteur de perscution ntait pas leur Etat. En 1998, la loi Chevnement introduisit deux nouvelles formes dasile : lasile constitutionnel pour les combattants de la libert et lasile territorial dont la gestion fut confie au ministre de lIntrieur. Si lasile constitutionnel fut rserv un petit nombre de personnes (60 par an dans les meilleures annes), lasile territorial fut massivement sollicit notamment par les Algriens (prs de 30 000 demandes en 2003). Le ministre de lIntrieur fut submerg par lampleur de la demande et eut une application trs restrictive (1% daccords).

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Une rforme laune europenneDans le mme temps, lUnion europenne avait adopt le principe dune harmonisation des procdures dasile qui passait non plus par une coopration intergouvernementale mais par des textes lgislatifs contraignants. Le Trait dAmsterdam prvoyait que des directives sur les critres doctroi du statut de rfugi, dune nouvelle forme de protection appele protection subsidiaire et sur les procdures de dtermination soient adoptes dans un dlai de cinq ans puis transposes par les Etatsmembres dans un dlai de deux ans1. Il fut donc dcid de les transposer par avance et la loi du 10 dcembre 2003 supprima lasile territorial pour le remplacer par la protection subsidiaire. Elle confia la dtermination de ce nouveau statut lOFPRA et la Commission des recours des rfugis dans une procdure unifie. La protection subsidiaire permet de protger, pendant une priode renouvelable dun an, la personne qui ne relve pas de la convention de Genve, ni de lasile constitutionnel mais qui tablit de subir, en cas de retour, une menace grave qui peut tre la peine de mort ; la torture ou des peines ou traitements inhumains ou dgradants ou sagissant dun civil, une menace grave, directe et individuelle contre sa vie ou sa personne en raison dune violence gnralise rsultant dune situation de conflit arm interne ou international. En outre, la loi mit fin une spcificit franaise en prvoyant que pouvaient tre prises en compte des perscutions perptres par des agents non lis lEtat mais en le contrebalanant par la possibilit de rejeter une demande si une organisation internationale peut protger efficacement le demandeur ou si celui-ci peut se rfugier dans une autre partie de son pays o il peut mener une vie normale (notion dasile interne).

La rforme des procduresLe leitmotiv de la rforme de 2003 tait de rduire drastiquement la dure de la procdure. Lors de son intervention du 14 juillet 2002, le prsident de la Rpublique J. Chirac avait considr quil fallait mettre en uvre les moyens permettant de rpondre au droit dasile dans un temps trs bref. Et un temps trs bref pour moi, cest un temps infrieur un mois. Sauf des cas particuliers 2. Si, quatre ans plus tard, il revint un dlai plus raisonnable de six mois3, cette consigne prsidentielle devint lobjectif principal assign 1

lOFPRA et la Commission des recours des rfugis devenue la Cour nationale du droit dasile. Elle tait motive de faon positive par le souci de donner une rponse rapide aux demandeurs dasile qui ont besoin dune protection mais galement dans une logique de ne pas laisser sinstaller durablement les personnes qui seront finalement dboutes de leur demande et de pouvoir les reconduire dans leur pays dorigine. Dernier motif, le cot pour le budget de lEtat moins celui de la procdure elle-mme que celui de la prise en charge dans des centres daccueil. Pour raliser cet objectif, la loi du 10 dcembre 2003 introduisit un nouveau cas de procdure prioritaire, directement issu des travaux europens : la notion de pays dorigine sr. Un dcret daot 2004 fixa des dlais raccourcis pour linstruction de lOFPRA : deux mois pour une procdure dite normale au lieu de quatre, quinze jours pour une procdure dite prioritaire, 96 heures si la demande est formule dans un centre de rtention. Mais cest principalement par les indicateurs de performance accompagnant les lois de finances que la pression la plus forte est exerce sur les organes de dtermination. Les seuls critres fixs par le gouvernement et le parlement concernent le dlai dinstruction des demandes. En 2006, le dlai cible tait fix 60 jours pour lOFPRA et trois mois pour la Commission des recours des rfugis. Lobjectif na jamais t atteint et il a t ncessaire de les rvaluer la hausse. Alors que la dure dune procdure dasile est toujours de dix-huit mois, lobjectif pour 2011 est de rduire ce dlai de cent jours (voir tableau 1). Pour raliser les objectifs de lOFPRA, le gouvernement compte sur une meilleure productivit des officiers de protection chargs de linstruction. Lobjectif pour 2010 est que chaque officier de protection traite 371 dossiers par an, soit lquivalent de deux dcisions par jour (voir tableau 2). Pour autant, lobjectif de rapidit nest pas synonyme de procdure expditive sans garantie. La loi du 10 dcembre 2003, tout comme la directive europenne sur les procdures, ont impos de nouvelles garanties pour le demandeur dasile : droit un entretien avec un interprte, dcisions fondes sur une apprciation objective de la situation dans un pays, base sur une documentation. Depuis 2005, la politique mene par lOFPRA est donc de combiner clrit et amlioration de linstruction par des agents de plus en plus professionnaliss .

Cf. Directive n2004/83/CE du 29 avril 2004 concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prtendre au statut de rfugi ou les personnes qui, pour dautres raisons, ont besoin dune protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts. Directive 2005/85/CE du Conseil du 1er dcembre 2005 relative des normes minimales concernant la procdure doctroi et de retrait du statut de rfugi dans les tats membres. 2 Cf. Interview du 14 juillet 2002. 3 Cf. Interview du 14 juillet 2006.

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TABLEAU 1 : INDICATEURS DE PERFORMANCES POUR LOFPRA ET LA CNDA Source perfomances.gouv.fr 2009 UNIT Dlai de traitement dun dossier par lOFPRA Dlai de traitement la CNDA TOTAL Total procdure* 2007 2008 RALISATION RALISATION 2009 PREMIRE PRVISION 95 2009 PRVISION ACTUALISE 95 2010 PRVISION 2011 CIBLE

Jour

105

100

90

85

Jour Jour Jour

321 426 501

299 399 474

258 353 428

274 369 444

258 348 423

184 269 344

*dlai dadmission au sjour, de saisine OFPRA et de recours compris.

TABLEAU 2 : NOMBRE DE DOSSIERS PAR AGENT INSTRUCTEUR / 2007-2011 Source perfomances.gouv.fr 2009 UNIT Nombre de dossiers traits dans lanne par quivalent temps plein dagent instructeur 2007 2008 RALISATION RALISATION 2009 PREMIRE PRVISION 2009 2010 PRVISION PRVISION ACTUALISE 2011 CIBLE

Dossier

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La Cour nationale du droit dasile est soumise aux mmes objectifs : premire juridiction administrative par le nombre de recours qui y sont enregistrs (prs de 25 000 en 2008) et malgr un dlai dinstruction en de dautres juridictions, il lui est demand par les indicateurs de performance de le rduire dun an six mois tout en garantissant la prsence dun avocat et laudition du demandeur dasile. Pour ce faire, aprs avoir multipli le nombre de formations de jugement (prs de 140 en 2005) avec des juges non permanents pour examiner quelques 60 000 recours (consquence du dstockage de lOFPRA), la dcision a t prise de normaliser la juridiction en nommant des prsidents permanents. Ces prsidents vont assurer deux trois audiences par semaine et devraient assurer la cohrence dune jurisprudence qui sest logiquement disperse. Enfin, les organes de dtermination ont connu des changements institutionnels, le plus important tant le rattachement de lOFPRA au nouveau ministre de lImmigration cr en 2007 et la transformation de la Commission des recours des rfugis en une juridiction de plein exercice rattache au Conseil dtat.

LOFPRA sous tutelle du ministre de lImmigrationEn rattachant lOFPRA au ministre des Affaires trangres, crant ainsi une sorte de consulat pour les apatrides, les pres de la loi de 1952 avaient voulu confier la question des rfugis un autre ministre que celui de lIntrieur, qui avait eu cette responsabilit avant-guerre. Pendant cinquante ans, le directeur de lOFPRA tait nomm par le ministre des Affaires trangres parmi le corps des ambassadeurs. Avec la rforme de 2003, le ministre de lIntrieur a souhait rcuprer lintgralit du dossier. Dans les premiers avant-projets, lOFPRA tait rattach au ministre de lIntrieur et le directeur tait nomm sur sa proposition. Mais larbitrage lysen fut favorable au ministre des Affaires trangres. Si le ministre de lIntrieur choua dans sa premire tentative dOPA sur lOFPRA, le dcret daot 2004 institutionnalisa la prsence du ministre de lIntrieur au sein de lOFPRA par la nomination dun directeur gnral adjoint, prfet et par la mise en place dune mission de liaison avec le

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ministre de lIntrieur, charg de transmettre les documents didentit. Dans la pratique, cette mission de liaison fut entoure dun cordon sanitaire par la direction et savra inutile4. En 2005, fut institu un comit interministriel de contrle de limmigration (CICI) dont le secrtaire gnral tait Patrick Stefanini. Parmi les missions du CICI figuraient le raccourcissement des dlais de procdure et la rforme du dispositif daccueil des demandeurs dasile. Ce comit fut la prfiguration dun nouveau ministre de lImmigration, de lintgration, de lidentit nationale et du codveloppement incluant la gestion de lasile , dont le ministre candidat de lIntrieur Nicolas Sarkozy annona la cration en mars 2007. Ce ministre fut mis en place deux mois plus tard. Comptent pour les questions dasile, il devint la tutelle de lOFPRA, ce qui fut ratifi par la loi du 20 novembre 2007. Paralllement, la cration dune administration centrale du ministre fit natre en janvier 2008 un service de lasile qui regroupait les comptences parpilles dans trois ministres. Le rattachement de lOFPRA ce nouveau ministre fut accueilli avec rsignation et inquitude par les associations. Il fallut shabituer au fait que les dcisions de lOFPRA portent len-tte dun ministre lintitul trs contest et qui, de faon trange, ne mentionne pas lasile alors quil correspond officiellement la moiti de son budget. Les associations craignaient surtout que lOffice soit pris dans une logique de contrle des flux migratoires et que la protection des rfugis en soit rduite. La nomination dun prfet la tte de lOFPRA en juillet 2007 pouvait apparatre comme un nouveau signe de cette mutation. Cependant, le nouveau directeur gnral, Jean-Franois Cordet, ancien prfet de Guyane et de Seine St Denis, se concentra dans un premier temps sur la gestion des moyens de lOFPRA en ngociant un contrat dobjectifs et de moyens avec ltat qui puisse garantir le fonctionnement de lOffice. Mais des volutions rcentes comme lemploi de la visioconfrence pour les entretiens en centre de rtention ou le retournement de doctrine de lOFPRA sur lexcision refltent son influence.

loctroi du statut de rfugi ou de la protection subsidiaire. Ce qui veut dire quil devient lorgane de dcision de lOFPRA donnant des instructions au directeur gnral. Il vote le budget et dcide des nominations au sein de lOFPRA. Sa composition fut modifie et ce sont principalement les reprsentants de lEtat qui ont une voix dlibrative. A cot dune personnalit dsigne par le premier ministre pour tre le prsident pour trois ans (depuis mars 2009, il sagit de Jean Gaeremynck, Conseil dEtat et ancien directeur de la population et des migrations) les administrations concernes par lasile (service de lasile du ministre de lImmigration, la direction des Franais ltranger du ministre des Affaires trangres, la Direction des affaires civiles au ministre de la Justice, la Direction du Budget au ministre des Finances) composent une majorit elle-seule. La prsence de trois parlementaires (Etienne Pinte, dput UMP, Jean Ren Lecerf, Snateur et rapporteur UMP de la loi de 2003, Tokia Safi, dpute europenne UMP) et dun reprsentant du personnel, et celle, sans voix dlibrative, du HCR et de trois personnalits qualifies (aujourdhui Xavier Emmanuelli, prsident du Samu Social, Olivier Brachet, ancien directeur de Forum Rfugis et Nicole Guedj, ancienne secrtaire dEtat aux droits des victimes) ne modifie pas la donne. Dans les faits, le Conseil dadministration ne se runit quune ou deux fois par an et na pas de prise directe sur le fonctionnement de lOffice. Pendant un an et demi, il sest mme runi de faon irrgulire, les mandats des personnalits qualifies nayant pas t renouvels. En revanche, le Conseil dadministration joue un rle dterminant car il dcide quels pays doivent tre considrs comme srs (voir encadr ci-contre).

La Cour nationale du droit dasile : nouveau nom, nouvelle tutelleLa consquence du changement de tutelle de lOFPRA fut dacclrer le processus de rforme de la Commission des recours des rfugis. Depuis 1952, en effet, la Commission tait part intgrante de ltablissement public de lOFPRA et son budget, son personnel et ses moyens matriels lui tait allou par le directeur de lOFPRA. Ctait une incongruit juridique souvent dnonce par les avocats. Ds le dbut des annes 2000, lide den faire une juridiction administrative comme les autres rattache pour sa gestion au Conseil dEtat existait mais se heurtait plusieurs difficults : le statut des personnels de la Commission des recours des rfugis, notamment les

Le rle du conseil dadministrationEn 2003, la loi rforma le conseil dadministration de lOFPRA. Auparavant, il tait prvu quun conseil assiste le directeur de lOFPRA mais sans rel pouvoir. La loi de 2003 renversa les donnes puisque le Conseil dadministration fixe les orientations gnrales ainsi que les modalits de mise en uvre des dispositions relatives4

Elle fut supprime par dcret en juillet 2008.

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LA LISTE DES PAYS DORIGINE SRSSelon la loi de 2003, un pays est considr comme sr sil veille au respect des principes de la libert, de la dmocratie et de lEtat de droit, ainsi que des droits de lhomme et des liberts fondamentales . Dans un premier temps, le conseil dadministration ne devait en fixer la liste que de faon transitoire dans lattente dune liste europenne fixe par le Conseil Europen qui na jamais vu le jour. En juillet 2006, la loi fut modifie pour rendre prenne la liste nationale. En juin 2005, le conseil dadministration a fix une premire liste de 12 pays comprenant le Bnin, la Bosnie-Herzgovine, le Cap-Vert, la Croatie, le Ghana, lInde, le Mali, lIle Maurice, la Mongolie, le Sngal, et lUkraine. Cette liste fut confirme par le Conseil dEtat malgr la persistance de la peine de mort ou des violences faites aux femmes dans certains pays. En mai 2006, furent ajoutes lAlbanie, la Macdoine, Madagascar, le Niger et la Tanzanie. Deux pays furent retirs par le Conseil dEtat en fvrier 2008 : lAlbanie et le Niger. Les associations de la CFDA avaient pourtant demand en janvier 2008 la rvision de la liste car plusieurs pays connaissaient des taux de reconnaissance parmi les plus levs de lOffice et les demandeurs avaient le droit une procdure prsentant toutes les garanties. Cette demande resta lettre morte, y compris aprs le dclenchement du conflit russo-gorgien en aot 2008. En juin 2009, une runion du conseil dcida de lancer une rvision de la liste. Mais laugmentation du nombre de demandes dasile prcipita la dcision. Une nouvelle runion fut programme en novembre 2009. Trois jours avant la sance, les membres du conseil reurent une documentation sur les 15 pays mais galement sur six autres le Sri Lanka, le Kosovo, les Comores, lArmnie, la Serbie et la Turquie. Ces pays faisaient tous partie des principales nationalits de demandes dasile en 2009 et tous connaissent de graves violations des droits humains. Pourtant cest en quelques heures, le 13 novembre 2009, que le Conseil dadministration de lOFPRA dcida de retirer la Gorgie et dajouter lArmnie, la Serbie et la Turquie. Les demandes de ces trois pays reprsentent 15% de la demande dasile en 2009. Le Conseil dadministration semble esprer, par cette mesure, diminuer le nombre de demandes dasile en dissuadant les ressortissants de ces pays de dposer une demande, rduire le dlai moyen dinstruction lOFPRA puisque lexamen en procdure prioritaire se fait dans un dlai de quinze jours, le recours la CNDA ntant alors pas suspensif. Enfin, le conseil dadministration souhaite faire des conomies sur la prise en charge, les ressortissants des pays dorigine srs tant exclus des centres daccueil pour demandeurs dasile (CADA) et ne pouvant bnficier (avec de nombreuses difficults) que de lallocation temporaire dattente (ATA) pendant lexamen de leur demande lOFPRA.

rapporteurs, statutairement des officiers de protection et le caractre massif du contentieux (prs de 60 000 recours) refroidissaient la volont de rforme. Cependant, en 2007, Anicet le Pors, ancien ministre de la Fonction Publique et Vice prsident de la Commission des recours, rdigea un rapport sur la situation statutaire des personnels de la Commission des recours des rfugis. Il proposait que la Commission soit spare de lOFPRA, rattache au Conseil dEtat et change de nom pour tre baptise Cour administrative du droit dasile . En novembre 2007, la loi dite Hortefeux a retenu en partie la proposition de nom en rebaptisant la Commission des recours des rfugis en Cour nationale du droit dasile. Cependant, il fut dcid de retarder dun an la sparation effective au 1er janvier 2009. Un conseiller dtat, Jacky Richard, fut charg de faire des propositions pour rendre possible cette sparation et tudier la mise en place de prsidents permanents. Le rapport trs technique valua les moyens mettre disposition de

la Cour (17M du budget de lOFPRA vers le Conseil dEtat, rvision des systmes dinformation intgrant les dcisions de la CNDA dans lintranet de la justice administrative), tout en maintenant des liens (maintien du march unique OFPRA/CNDA pour linterprtariat, numrisation des dossiers OFPRA). Enfin, le rapport proposait de donner un statut aux personnels de la CNDA par la cration dun corps des agents du CE, des TA, CAA, et CNDA auxquels le personnel serait rattach. Mais le plus important tait lide de professionnalisation des juges. Dabord en diminuant le nombre de prsidents (de 80 30-40) et surtout en nommant dix magistrats plein temps ayant rang de prsident de TA pour une dure de trois ans. Les prsidents non permanents devaient tre sensibiliss la gopolitique, la gestion des audiences (diminution des renvois et longueur des audiences) et la mise en cohrence de la jurisprudence. La plupart des propositions furent retenues et la loi de finances 2009 a prvu un budget de 17M pour la Cour. Un dcret du 30 dcembre 2008 a formalis lmancipation

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Avant-propos : une procdure en profonde mutationVoyage au centre de lasile

de la Cour donnant de nouvelles fonctions au prsident : la CNDA est rattache budgtairement au Conseil dEtat, le prsident a dsormais des fonctions de direction, est responsable de lorganisation et du fonctionnement de la juridiction. Il assure la direction des services de cette juridiction et le maintien de la discipline intrieure et dtermine la composition des sections, la rpartition des affaires entre chacune delles ainsi que laffectation de leurs membres (dont le mandat est rduit de 5 3 ans). Autre nouveaut, le dcret cre une assemble des prsidents une fois par an. Cette indpendance de la Cour a concid avec la nomination pour la premire fois dune prsidente, Martine Denis-Linton, qui avait fait partie du cabinet de Robert Badinter au ministre de la Justice en mme temps que le Vice prsident du Conseil dEtat, Jean-Marc Sauv et qui tait connue pour avoir conclu en tant que commissaire du gouvernement au Conseil dEtat les grands arrts sur le droit des rfugis dans les annes 19905. Le Vice prsident du Conseil dEtat fit plusieurs discours devant les prsidents et le personnel de la Cour en dcembre 2008 puis en janvier 2009 pour marquer limportance quil prtait la rforme. Il y annona que le Conseil dEtat allait fixer des objectifs la Cour nationale du droit dasile. Le premier concerne la rduction du dlai dinstruction notamment par la diminution du taux de renvoi des affaires, jug trop important, et par larrive en septembre 2009 des dix juges permanents qui seraient chargs de juger un grand nombre daffaires mais galement dassurer un travail de coordination. La volont du Conseil dEtat de transformer la Cour nationale du droit dasile en une juridiction administrative classique sest manifeste galement par sa jurisprudence. A une frquence inhabituelle, le Conseil dEtat et notamment la 10e sous-section du Contentieux, charge plus particulirement de ces affaires, a rendu une srie darrts la fois sur la procdure et sur le fond qui ont vocation encadrer la jurisprudence de la Cour. Ces rformes ont t les plus importantes quait connue la procdure de dtermination dasile depuis cinquante ans. Elles ont port la fois sur les dfinitions des protections, sur la procdure et sur les organes de dtermination. Voyons maintenant comment elles sappliquent concrtement dans linstruction de la demande de protection.

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Cf. Arrts GAL sur le rexamen, AGYEPONG, GOMES BOTERO sur lunit de famille, PHAM sur le retrait du statut de rfugi.

chapitre

LA DEMANDE

I DPOSER

Avant de pouvoir se rendre lOFPRA, le demandeur dasile doit se prsenter la prfecture pour tre admis au sjour et auprs dune plate-forme daccueil pour tre hberg. La rgionalisation de ces deux missions a conduit une plus grande prcarit pour les personnes. Dans ce contexte, la rdaction du formulaire OFPRA, obligatoirement en franais et dans un dlai de vingt-et-un jours, sans rel moyen de traduction, apparat problmatique.

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1. Le passage oblig la prfectureToute personne souhaitant effectuer une demande dasile doit, dans un premier temps, se rendre la prfecture de son domicile, qui lui remet une autorisation provisoire de sjour (APS) dun mois, obligatoire pour saisir lOFPRA. Le prfet procde galement pour le compte de lOFPRA une prise dempreintes digitales (qui est galement verse la base EURODAC1) et la dlivrance du formulaire OFPRA. Les conditions daccueil des demandeurs dasile dans les prfectures ont fait lobjet dun prcdent rapport de La Cimade2. Depuis 2007, la rglementation et les pratiques ont chang du fait de la rgionalisation de ladmission au sjour et des dispositifs daccueil, crant de nouvelles difficults dans le parcours du demandeur dasile.

> EFFETS DE LA RGIONALISATION DE LADMISSION AU SJOURExprimente depuis 2006 dans deux rgions (Bretagne et Haute-Normandie) puis prennise et tendue dix-sept autres, la rgionalisation de ladmission au sjour consiste confier un ou deux prfets la comptence dadmettre ou non au sjour les demandeurs dasile dans une rgion donne. Dans la plupart des cas, le prfet de rgion a t dsign par arrt ministriel, mais en Picardie cest le prfet de lOise qui la t, car il reoit plus de demandeurs que celui de la Somme. En Rhne-Alpes, Midi-Pyrnes et Provence-Alpes-Cte dAzur, deux prfets par rgion ont t dsigns. Cette rgionalisation ne concerne que la phase initiale de la demande dasile, qui comprend la dlivrance de lautorisation provisoire de sjour et du premier rcpiss. Les prfets de dpartements restent comptents pour le renouvellement du rcpiss et pour les rexamens. Consquences pratiques de cette rgionalisation : le demandeur dasile doit dsormais se dplacer vers la prfecture dsigne, qui se trouve parfois plusieurs centaines de kilomtres du lieu dhbergement provisoire de lintress. La rforme sest faite effectifs constants et les services prfectoraux nont pas t augments pour faire face une demande dasile plus importante (+20% en 2008 puis +22% en 2009), provoquant une nouvelle crise de laccs aux procdures dasile, telle que lavait connue la France lore des annes 2000. Cela se traduit par un allongement du dlai de convocation (jusqu un mois dans certaines prfectures), par la limitation de laccueil des personnes (comme Versailles o seules quatre personnes sont enregistres par journe daccueil3) et par le nombre de domiciliations (comme Nantes4). La rgionalisation des plates-formes daccueil : les plates-formes daccueil ont t progressivement mises en place compter de lanne 2000 pour pallier les dfaillances du dispositif daccueil et les dlais dattente de plusieurs mois pour entrer en CADA. Il fallait quune structure assure le premier accueil, la domiciliation des demandeurs dasile, la rdaction du formulaire de lOFPRA, lorientation sociale et louverture des droits. Certaines plates-formes assurent galement un premier hbergement durgence, en htel. En 2007, on comptait 49 plates-formes daccueil et 23 points daccueil sur lensemble du territoire franais. La politique du ministre de lImmigration a t de rduire leur nombre (25 suppressions en 2008).

PROCDURE NORMALE/ PROCDURE PRIORITAIRELes quatre cas de refus dadmission au sjour : En principe, le demandeur est admis au sjour pendant toute la dure de la procdure. Le prfet peut refuser le sjour pour quatre motifs. Si : selon le rglement Dublin II, un autre Etat europen est responsable de lexamen de la demande ; le demandeur ne peut faire enregistrer sa demande dasile lOFPRA et les prfets peuvent ly transfrer. la personne vient dun pays dorigine dit sr inscrit sur une liste dcide par le conseil dadministration de lOFPRA (17 pays). la personne constitue une menace grave lordre public ; cette disposition est trs peu applique. la demande dasile est considre comme frauduleuse ou abusive. Cest le cas pour les prfets si la personne a sjourn irrgulirement en France avant de demander lasile ou sil fait lobjet dune mesure dloignement. Les personnes places en rtention en font partie. En 2008, selon les statistiques de lOFPRA, prs de 31% des demandes dasile lont t selon la procdure prioritaire. LOFPRA statue alors dans un dlai de quinze jours ou en quatre-vingt seize heures. Le recours la CNDA nest pas suspensif.

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Eurodac est un fichier europen runissant les empreintes digitales des demandeurs dasile et des trangers interpells aux frontires de lEurope. Cf. Main Basse sur lAsile, le droit dasile (mal) trait par les prfets, La Cimade, juin 2007. Le Tribunal administratif de Versailles a condamn le prfet pour cette pratique (cf. TA Versailles, 29 juillet 2009, N0906966). Cf. TA Nantes, 2 avril 2009, N0901945.

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Paralllement, lOFII a t charg dassurer le premier accueil des demandeurs dans plusieurs rgions, seul ou avec des plates-formes daccueil dont les missions ont t rduites. En septembre 2009, le ministre de lImmigration a annonc que le dispositif daccueil serait rgional (sauf en Alsace, en Ile-de-France et en Corse) et que son pilotage et son financement seraient dvolus lOFII. Celui-ci lassurerait en gestion directe ou par une convention avec une association, lie par un cahier des charges, comprenant linformation des demandeurs dasile, leur orientation vers les services sociaux et le cas chant, la rdaction de leur demande dasile. En revanche, le remboursement des frais de transports vers les prfectures, l'OFPRA et la CNDA, l'hbergement d'urgence et l'aide matrielle ne sont prvus qu' titre exceptionnel lorsque le demandeur ne peut bnficier de l'allocation temporaire (procdures prioritaires)5. En 2010, seules 34 plates-formes (dont 10 sont gres directement par lOFII) devraient subsister.

2. Remplir le formulaire OFPRAQuil soit admis au sjour ou quil fasse lobjet de la procdure prioritaire, le demandeur dasile doit remplir le formulaire de lOFPRA que lui remet le prfet. Ce dossier pose une srie de questions portant sur son identit et son histoire. Ce formulaire est simple en apparence mais sa rdaction est complique par le fait quelle doit tre faite en franais et dans un dlai restreint.

Formulaire OFPRA

questions thoriques ne permettaient pas au simple demandeur de rpondre compltement et les officiers de protection avouaient eux-mmes quils prfraient un rcit linaire et chronologique. Ce rcit circonstanci et personnalis est le cur de la demande dasile. La personne, ou celle qui lassiste, doit dcrire sa vie souvent douloureuse, les tortures et les mauvais traitements, les privations de libert, les discriminations quelle a subies en tant le plus prcis possible, en se souvenant des lieux, des dates, des circonstances dvnements qui ont pu se drouler il y a longtemps ou quelle a pu effacer de sa mmoire, car extrmement traumatisants. En apparence, il sagit dun simple rcit biographique mais cest un exercice particulirement difficile que peu de Franais seraient capables de faire, si par hypothse, ils devaient solliciter une protection dans un pays dont ils ne connaissaient ni la langue, ni la culture, ni les usages administratifs.

> UN FORMULAIRE SIMPLE EN APPARENCELe formulaire OFPRA est un livret grand format de seize pages qui demande un nombre important dinformations. En premire page, on trouve le formulaire qui doit tre obligatoirement sign pour que le dossier soit enregistr.

Les motifs de la demandeCette question est le cur du formulaire OFPRA que lOffice avait dclin en plusieurs thmes en 2003. Ces questions trs absconses voquaient les auteurs de perscution, les autorits de protection ou la possibilit dun asile interne. Elles correspondaient de nouveaux lments dapprciation de la demande, introduits par la loi du 4 dcembre 2003, en faisant une sorte de guide pour lagent charg dinstruire la demande. Mais ces

5 Saisies en urgence par des demandeurs dasile, les juridictions administratives, commencer par le Conseil dEtat, ont considr que les conditions matrielles daccueil taient une part intgrante du droit constitutionnel dasile au mme titre que le droit de demander le statut de rfugi et ladmission au sjour. En consquence, les prfets ont t condamns parce quils privaient les demandeurs de conditions matrielles, ds leur premire prsentation la prfecture et quelle que soit la procdure. Cf. CE, 23 mars 2009, n325884 ; CE, 17 septembre 2009, N331950, CE, 20 octobre 2009, N332631.

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LISTE DES QUESTIONS DU FORMULAIRE OFPRARenseignements administratifs : - Nom Prnom - Date et lieu de naissance - Nationalit (dorigine ou actuelle) - Origine ethnique6 - Adresse - Numro de lautorisation provisoire de sjour dont le demandeur doit joindre une copie, nature de la pice didentit (passeport, carte didentit, acte de naissance) Renseignements concernant ltat civil : - Nom, lieu et date de naissance du pre, de la mre, des frres et surs - Unions et enfants issus de ces unions Renseignements personnels : - Langues parles par le demandeur dasile (langue maternelle et langues couramment parles)7 - Religion - Niveau dtudes - Profession exerce dans le pays dorigine - Lieu de rsidence dans le pays dorigine - Service militaire Itinraire : - Sortie de son pays - Lieux de rsidence en dehors de son pays - Itinraire emprunt jusqu la France - Demande ventuelle du statut de rfugi dans un autre pays Motifs de la demande : LOFPRA demande un rcit personnalis et circonstanci des vnements ayant provoqu le dpart du pays dorigine et des craintes de perscution en cas de retour dans ce pays. Il est demand galement dtre le plus prcis possible sur les faits, les personnes, les dates et les lieux mentionns en vitant dvoquer la situation gnrale du pays connue de lOFPRA. Le demandeur dispose de six pages pour ce faire, avec la possibilit dajouter des lments sur papier libre.

De lenqute mene auprs des trangers reus par La Cimade et par ses militants, il ressort que le formulaire leur parat clair et simple remplir pour la partie administrative et ltat civil. La plus grande difficult rside dans la rdaction de la demande dasile, car ce rcit doit tre obligatoirement en franais.

> LEXIGENCE DE RDACTION EN FRANAIS ET LES DLAIS DE DPTUn formulaire remplir en franaisLexercice est dautant plus difficile que la rglementation impose depuis 20048 que le formulaire soit rdig en franais9. Si une partie des demandeurs dasile est originaire des pays dits francophones, les demandeurs originaires de tous les continents nont pas la matrise de la langue pour comprendre les questions et rdiger directement leur demande dasile. Ils doivent donc passer par des intermdiaires qui nont pas ncessairement lexprience et la comptence ncessaires. Certains sollicitent lappui damis ou de compatriotes expriments qui ne sont pas toujours bons conseillers ou dsintresss. Dautres sollicitent des crivains publics parfois spcialiss ou des bureaux de traduction mais cela a un cot important, alors que le demandeur ne dispose pas de ressources ce stade de la procdure. Laide la rdaction ou la traduction des demandes tait lune des tches des plates-formes dpartementales daccueil. La rgionalisation du dispositif daccueil risque de rduire cette possibilit. LOFII ne prvoit pas de le faire lorsquil intervient en rgie directe ; dans quinze rgions, ce sont les oprateurs chargs des plates-formes rgionales daccueil qui doivent effectuer cette tche, en mme temps quils fournissent linformation et lorientation vers un hbergement pour un nombre plus important de demandeurs et avec un budget rduit. Cest donc vers les associations que se retournent les demandeurs dasile ; elles ont effectivement mis en place des permanences gratuites de soutien juridique aux personnes concernes mais fonctionnent sans dotation (voir encadr en page 13).

Des dlais contraintsA cette obligation de rdaction en franais, sajoute lobligation dadresser son formulaire dans un dlai maximal de vingt-et-un jours en procdure normale. Pour les militants de La Cimade, ce dlai est trop court car pour aider la rdaction de la demande dasile, il faut sassurer davoir un interprte (le plus souvent

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LOFPRA est le seul organisme public avoir obtenu une drogation pour solliciter cette information. Cette question est dterminante car laudition du demandeur pourra se faire avec un interprte dune des langues mentionnes. Cf. Article 1er du dcret du 14 aot 2004. Cf. Article R.723-1 du CESEDA.

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La question de la traduction Clermont-FerrandEn Auvergne, o les demandes dasile sont peu nombreuses, la rgionalisation a t mise en uvre en avril 2008. Il ny a jamais eu de plate-forme daccueil, aucun accompagnement aux dmarches nest prvu par les pouvoirs publics. En 2007, sur 87 demandeurs dans le Puy de Dme, 67 taient accompagns par La Cimade. Seul un financement tait accord une structure pour la prise en charge des traductions. Une des consquences de la rgionalisation, intervenue en avril 2008 (mais dont les effets se sont vraiment fait sentir en 2009), a t de mettre fin cette prise en charge. Or, La Cimade sappuyait sur ce rseau dinterprtes pour la constitution des dossiers de demande. Dans un premier temps, le groupe a pris sa charge les frais dinterprtariat mais rapidement, il sest trouv confront des difficults budgtaires videntes. Elle a donc pris la dcision darrter de prendre en charge ces frais, alors que la prfecture a commenc oprer lorientation systmatique des demandeurs dasile vers La Cimade. Lassociation a adress une lettre au Prfet ainsi qu la DDASS, leur indiquant quelle ne prendrait plus en charge laccueil des demandeurs dasile. Le prfet a rpondu quil ne disposait pas de ressources. Face limpossibilit de financer la traduction de la demande dasile, lquipe de La Cimade a prfr faire des rsums de demandes dasile en franais, accompagns du rcit dans la langue originelle du demandeur. Cette stratgie a le mrite de mettre souvent les personnes en confiance (rticence par rapport aux traces crites et affirmations dfinitives) et dviter ainsi de se trouver pig par des affirmations contradictoires avec un rcit fait dans lurgence et sans traduction. bnvole), avoir plusieurs rendez-vous avec le demandeur pour gagner sa confiance, pouvoir retranscrire les lments raconts et lui demander des prcisions. Le dlai est encore plus court pour les demandes en procdure prioritaire. En effet, le code des trangers et du droit dasile prcise que le demandeur doit remettre le formulaire sous pli ferm au prfet dans le dlai de quinze jours aprs le refus de sjour, afin quil le transmette lOFPRA. La tche devient quasi mission impossible en centre de rtention o le demandeur ne dispose que de cinq jours pour remplir sa demande en franais. Sil peut contacter un interprte, le demandeur dasile doit le rmunrer lui-mme afin de remplir son formulaire. En outre, dans de nombreux CRA, les stylos sont interdits dans les zones dhbergement. Le demandeur ne dispose que de quelques heures de lassistance de La Cimade ou dune autre association pour remplir sa demande. jour ou semaines (parfois en le copiant, ce qui est contraire la confidentialit de la demande dasile). Aprs son arrive au service courrier de lOFPRA, le dossier doit tre ouvert pour lenregistrement. Jusquen 2004, ctaient les bureaux dordre des divisions gographiques10 qui procdaient lenregistrement et dlivraient un certificat de dpt. La mise en place du dcret du 14 aot 2004 sur la compltude a maintenu cette fonction pour les procdures normales. Pour les procdures prioritaires, un bureau denregistrement avanc, rattach la division des affaires juridiques de lOFPRA, a t mis en place pour les demandes adresses par les prfets et les chefs de centre de rtention. Sa tche est de vrifier si le dossier est complet et si figure galement une fiche de saisine du prfet. En cas de difficults, le bureau reprend attache auprs du prfet ou du chef de centre de rtention administrative. En octobre 2009, lOFPRA a dcid de centraliser lensemble des enregistrements des demandes dasile auprs dune mission daccueil, denregistrement et de numrisation, cre au sein de la division des affaires juridiques. Cette mission devrait donc procder la vrification de la compltude des demandes, dlivrer les lettres denregistrement qui attestent du dpt de la demande dasile, pices essentielles pour que le demandeur se voie renouveler son titre provisoire de sjour. A compter de 2010, elle devrait galement procder la numrisation du formulaire et des pices jointes. Cette numrisation a pour but de rduire les dplacements de dossiers et les risques de perte. Elle devrait permettre aux officiers de protection de les

3. Lenregistrement> LA COMPLTUDE DU DOSSIERUne fois le dossier plus ou moins bien complt, le demandeur doit ladresser lOFPRA : il le fait directement par courrier sil est en procdure normale . En gnral, il est plus prudent de le faire par envoi recommand, ce qui a un cot, support par les associations. Si la demande est en procdure prioritaire, cest le prfet qui le transmet normalement sans dlai . En ralit, certaines prfectures le conservent pendant plusieurs10

Pour le dtail des divisions gographiques, voir chapitre II linstruction des demandes.

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Ltape du dpt de la demande dasile est donc une course contre la montre, alors que le demandeur ne dispose ni de ressources, ni dun interprte au frais de lEtat pour traduire ses dclarations, situation particulirement handicapante pour les demandeurs dasile en rtention qui ne disposent que de cinq jours de dlai. > LITINRAIRE DUN DOSSIER INCOMPLET Malgr lapparente simplicit du formulaire, les exigences ET LE REFUS DENREGISTREMENT de rdaction en franais et dans un dlai rduit, si elles ne rendent pas les demandes irrecevables, conduisent les En revanche, si le dossier arrive dans le dlai de vingtdemandeurs dasile bcler son remplissage. LOFPRA et-un jours mais quil est incomplet (sans les photos ou en a conscience puisquelle reprend lors des auditions sans la copie de lAPS, par exemple), la pratique de lensemble des questions poses dans le formulaire. lOFPRA est de le renvoyer son expditeur par lettre recommande en lui demandant de le complter avant Pourtant, la directive europenne sur les procdures lexpiration du dlai. Cet envoi en recommand est prvoit que lEtat fournit un interprte au demandeur pour souvent fait quelques jours, voire quelques heures avant prsenter ses arguments14. Sil semble clair que la rdaclexpiration du dlai. Le temps que lintress rcupre tion du formulaire OFPRA ncessite laide dun son courrier, complte son formulaire et le renvoie traducteur, la France na toujours pas transpos cette lOFPRA, le dlai de vingt-et-un jours est expir. mesure, expliquant quelle nen avait pas lobligation. En ralit, la principale raison est que cette mesure grverait Dans ce cas, lOFPRA adresse de nouveau le formulaire au le budget de faon trop importante15. Autre solution envidemandeur, accompagn dun courrier lui prcisant quil a sageable, on pourrait renoncer lobligation de rdaction refus denregistrer sa demande. Avec ce refus denregisen franais : de nombreux officiers de protection matritrement, le demandeur est invit se rendre la prfecsent suffisamment les langues parles par les demandeurs ture pour savoir ce quil advient de sa demande dasile. dasile pour ne pas sappuyer sur un rcit en franais. Quelles consquences un refus denregistrement a-t-il Une dernire solution serait de simplifier le formulaire pour la suite ? Un dcret prvoit que le prfet peut OFPRA. Aujourdhui, le demandeur doit remplir un refuser de dlivrer un rcpiss sil constate que la 11 formulaire bilingue pour la demande dadmission au personne na pas fait enregistrer sa demande dasile . sjour (APS). Les informations demandes sont assez Mais que fait-il si le demandeur persiste ? Dans un proches de celles exiges par la premire partie du formulaire M. X est un demandeur dasile serbe Orlans. Aprs la dlivrance dune OFPRA. Il serait plus simple que ce autorisation de sjour fin aot 2009, il complte son dossier avec La Cimade formulaire soit transmis lOFPRA et ladresse lOFPRA le 17 septembre en ayant oubli de le signer. et que les motifs de la demande LOFPRA le lui renvoie par lettre recommande reue le 23 septembre, soit soient transmis lOFPRA aprs au-del du dlai de vingt-et-un jours. Il le renvoie le 25 septembre mais er lenregistrement de la demande et lOffice refuse de lenregistrer le 1 octobre. Entre-temps, le CADA qui au plus tard avec laudition du devait laccueillir avec sa famille refuse son entre. La prfecture du Loiret demandeur. Cela mettrait un terme dcide de le placer en procdure prioritaire. La dcision prfectorale a t cette course ingale contre le suspendue par le tribunal administratif dOrlans en novembre 2009. temps.11 12 13 14 15

consulter tout moment sur lcran de leur ordinateur, y compris pendant lentretien puis, en cas de dcision de rejet, de transmettre la CNDA lensemble des pices du dossier au format lectronique. Si la demande est considre comme complte et arrive dans le dlai de vingt-et-un jours, lOFPRA dite un document intitul lettre denregistrement qui certifie le dpt de la demande dasile. Il porte un numro qui va devenir la rfrence du dossier lOFPRA. Ce document servira la prfecture pour le renouvellement du titre provisoire de sjour du demandeur jusqu la dcision de lOFPRA et en cas de recours contre un rejet, jusqu la dcision de la CNDA, car elle peut vrifier par liaison tlmatique ltat davancement du dossier.

premier temps, une circulaire a indiqu quil fallait placer la deuxime demande sous procdure prioritaire12, ce qui a quasi systmatiquement t mis en uvre par les prfets. Pourtant de plus en plus de juridictions administratives ont considr que si la demande est arrive incomplte puis quelle a t complte hors dlai, on ne pouvait considrer la demande comme abusive13.

> UNE SIMPLIFICATION ENVISAGEABLE ?

Cf. Article R.742-2 du CESEDA, quatrime alina. Cf. Circulaire du 22 avril 2005. Cf. TA Paris, 3 mars 2006 KUTA, N0603220, TA Chalons, 19 juillet 2006, N061334, CAA Paris, 21 fvrier 2008, KUTA, N06PA06176. Cf. Article 10 b) de la directive 2005/85/CE du 1er dcembre 2005. La Cimade, lAPSR et la Ligue des Droits de lHomme ont dpos un recours au Conseil dtat pour contester cette non-transposition.

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CHIFFRES CLS> COMBIEN DE DEMANDES ONT-ELLES T DPOSES LOFPRA ?Selon les donnes provisoires de l'OFPRA, un peu plus de 33 000 demandes ont t dposes en 2009 par des adultes. En comptant les rexamens, le nombre est de plus de 38 000 et si on ajoute les enfants accompagnants les demandeurs, il est de 47 000. DEMANDES DASILE OFPRA 2009 (donnes provisoires) source OFPRA 1res DEMANDES Europe Section Apatrides Asie Afrique Amriques TOTAL DEMANDES 11 611 158 8 173 11 601 1 704 33 247 REXAMENS 2 028 1 442 1 679 429 5 578 TOTAL DEMANDES MINEURS ADULTES ACCOMPAGNANTS 13 639 5 004 158 9 615 1 045 13 280 2 427 2 133 258 38 825 8 734 TOTAL GNRAL 18 643 158 10 660 15 707 2 391 47 559

Ces nombres sont en nette hausse par rapport 2008 mais ne correspondent pas au record de 1989 (61 000 demandes) ni ceux connus au dbut des annes 2000.

NOMBRE DE DEMANDES DASILE (ADULTES) 1999-2009 Source OFPRA60 000 Demandes 50 000 51 087 47 291 42 578 40 000 30 907 26 629 23 804 20 000 27 063 38 747 33 247 30 000 52 204 20 547 Rexamens

10 000 948 1999 1 028 2000 1 369 2001 1 790 2002 2 225 2003

9 488 7 069

8 584

6 133

7 195

5 578

0

2004

2005

2006

2007

2008

2009 (donnes provisoires)

On constate que les demandes dasile ont connu une augmentation continue de 1999 2003 puis les premires demandes ont commenc baisser mais laugmentation du nombre de rexamens a maintenu la hausse le nombre total de demandes. Les premires demandes ont chut de prs de 50% entre 2005 et 2007 avant de rpartir la hausse. En dix ans, prs de 421 000 demandes dasile ont t enregistres.

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Dposer la demandeVoyage au centre de lasile

> QUELLES SONT LES PRINCIPALES NATIONALITS DE DEMANDE DASILE ?En 2009, la principale nationalit de demande dasile est le Sri Lanka, suivie de prs par le Kosovo, puis par lArmnie. La Rpublique Dmocratique du Congo, la Turquie et la Russie, qui ont longtemps trn en tte, sont relgus. 10 PREMIRES NATIONALITS DE DEMANDE DASILE 2009 (donnes provisoires) Source OFPRA PAYS Sri Lanka Kosovo Armnie RD Congo Turquie Russie Bangladesh Guine Conakry Hati Chine Mauritanie Total 10 Pays 1res DEMANDES 2 617 3 049 2 302 2 113 1 827 1 960 1 375 1 454 1 239 1 545 1 069 20 550 REXAMENS 766 61 492 365 567 390 471 220 374 29 269 4 004 DEMANDES ADULTES 3 383 3 110 2 794 2 478 2 394 2 350 1 846 1 674 1 613 1 574 1 338 24 554 DEMANDES MINEURS 480 1 467 812 671 218 1 423 66 211 212 57 135 5 752 TOTAL GNRAL 3 863 4 577 3 606 3 149 2 612 3 773 1 912 1 885 1 825 1 631 1 473 30 306 PART TOTAL DES DEMANDES 8,7% 8,0% 7,2% 6,4% 6,2% 6,1% 4,8% 4,3% 4,2% 4,1% 3,4% 63,2%

II LINSTRUCTIONchapitre

LOFPRA

Pour la premire fois, lOFPRA a accept douvrir grand ses portes une association pour observer linstruction des demandes dasile. Pour instruire les demandes dasile, lOFPRA se base sur le travail dun officier de protection spcialis sur le pays dorigine du demandeur qui est charg de mener un entretien devenu quasi systmatique, puis danalyser les lments de la demande pour proposer une dcision. Si cette instruction peut sappuyer sur lexprience des chefs de section et de divisions thmatiques, elle est, pour la majorit des dossiers, solitaire. Sans quil soit soumis des quotas daccords, lofficier de protection est pris dans un dilemme : respecter les impratifs de productivit et prendre en compte la spcificit de chaque demandeur.

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Linstruction lOFPRAVoyage au centre de lasile

1. La rpartition des dossiers> LATTRIBUTION UNE DIVISION GOGRAPHIQUEUne fois le dossier enregistr et la lettre denregistrement tablie, le formulaire OFPRA est attribu une division gographique. Il en existe quatre aux contours fonds sur la gographie et divises en 4 6 sections regroupant 5 6 officiers de protection. La division Europe Moyen-Orient traite les demandes en provenance du continent europen au sens large, incluant la Turquie et le Moyen-Orient jusqu lIrak. Parmi les principales nationalits attribues cette division, figure la Russie (essentiellement des demandeurs dasile tchtchnes), la Turquie (principalement des demandeurs dasile kurdes), lex-Yougoslavie (Serbie, Kosovo, Bosnie) et lIrak (en particulier les personnes arrives par une opration dcide par le gouvernement). Y est rattache la section apatrides qui examine les demandes dapatridie dposes lOFPRA. La division Asie examine principalement les demandes chinoises, celles de lancienne Transcaucasie (Gorgie, Armnie, Azerbadjan), ainsi que les demandes iraniennes, afghanes et du sous-continent indien (Bangladesh, Inde, Pakistan). La division Afrique traite la demande dasile en provenance de lAfrique sub-saharienne. Les principales nationalits sont le Congo RDC, la Guine Conakry, la Cte dIvoire, le Mali et le Sngal (sur la problmatique de lexcision), le Nigeria, lAfrique des Grands Lacs et les Comores (cette demande tant principalement enregistre Mayotte). La division Amriques-Maghreb est ddie aux Amriques (Colombie et Hati) et au Maghreb au sens large, puisque y sont incluses la Mauritanie, lEgypte et la Corne de lAfrique (Ethiopie, Erythre, Somalie). Cest cette division quest rattache lantenne de lOFPRA en Guadeloupe qui examine les demandes dposes dans les dpartements franais dAmrique, quelle que soit la nationalit du demandeur. Cette division a t amene plusieurs reprises venir en aide dautres divisions, confrontes de nombreuses demandes. Ainsi au premier semestre 2008, la demande malienne a considrablement augment (prs de 200 dossiers par mois) alors mme quelle doit tre examine dans un dlai rduit de 15 jours -le Mali figurant sur la liste des pays dorigine srs. La division Afrique ne pouvant faire face, un certain nombre de dossiers a t transfr la division Amriques-Maghreb.

LE PRIGARES FONTENAY-SOUS-BOIS ET LANTENNE DE LOFPRA EN GUADELOUPELOFPRA est un organe comptent pour lensemble du territoire franais dpartements, collectivits territoriales et pays doutre mer compris. Il est situ Fontenay-sous-Bois, en banlieue parisienne, dans un immeuble de bureaux de huit tages portant le nom potique de Prigares (car situ proximit de la gare de Val de Fontenay sur les RER A et E). Chaque division occupe un tage et la direction se trouve au huitime. Tous les demandeurs dasile en France mtropolitaine sont convoqus dans ce lieu. En 2004, la demande dasile enregistre dans le dpartement de la Guadeloupe a t trs importante et il tait difficile pour lOFPRA de demander aux personnes de se rendre en Mtropole pour une audition. LOFPRA a dcid de crer une antenne permanente en Guadeloupe, situe Basse-Terre pour traiter les demandes dasile du dpartement. Cette antenne est galement comptente pour les demandes dasile dposes en Martinique et en Guyane (plus de 360 demandes). Les agents qui travaillent dans cette antenne sont des officiers de protection bass au sige qui viennent pour des sjours de trois mois. La demande dasile est galement importante sur lle de Mayotte. LOFPRA y organise des missions pour entendre les demandeurs dasile. En 2008, les DOM ont enregistr 1929 demandes soit 7,1% du total. La majeure partie de ces demandes est hatienne mais il y a galement des demandes colombiennes, pruviennes et comoriennes Mayotte.

> LATTRIBUTION UN OFFICIER DE PROTECTION : LA SPCIALISATIONLes demandes dasile sont classes par nationalit par le bureau dordre et sont distribues lors de runions hebdomadaires entre le chef de division et les chefs de section. Chaque semaine, ils font le point sur le travail de chacun des officiers de protection avec un certain nombre dindicateurs (spcialit, nombre de dossiers convoqus, de dcisions prendre, congs poser, disponibilits). En fonction de ces variables, les dossiers sont attribus un officier de protection pour instruction des demandes dasile. Ils sont spcialiss sur un ou deux pays, ce qui, selon lOFPRA, leur permet de concentrer leurs recherches de documentation sur une nationalit et davoir une

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connaissance prcise des situations dans le pays, gage de qualit de linstruction. Il faut nanmoins apporter un bmol cette spcialisation pour les nationalits dont le nombre de demandes est le plus important. Dans ce cas, parce que lOFPRA est tenu des objectifs de prise de dcision dans un dlai raisonnable et que lon ne peut confier tous les dossiers des spcialistes, tous les officiers de protection doivent instruire ces demandes. Ainsi un officier de

protection de la division Afrique peut tre spcialis sur le Burundi mais il doit galement instruire des demandes du Congo RDC ou de Guine. Cette rgle ne sapplique pas systmatiquement : mme si elle est importante, la demande dasile russe dorigine tchtchne na pas t attribue tous les officiers de protection car elle exigeait une grande spcialisation (connaissance prcise de la gographie et des vnements) et tait particulirement prouvante pour les officiers de protection.

LE PERSONNEL DE LOFPRA : UN CORPS PARTICULIER DE FONCTIONNAIRESPour instruire les demandes dasile, ltat sappuie sur un corps particulier de la fonction publique : les fonctionnaires de lOffice franais de protection des rfugis et apatrides. Ils sont rpartis en trois catgories : adjoints de protection, secrtaires de protection et officiers de protection1. Les adjoints (catgorie C de la fonction publique) sont chargs de tches administratives dexcution impliquant la connaissance et lapplication de rglements administratifs pour laccomplissement des missions de lOffice (ils reprsentent 41% des effectifs en 2008) tandis que les secrtaires (Catgorie B) participent, sous lautorit des officiers de protection, la prparation et la rdaction des actes relatifs la mise en uvre de la protection des rfugis et apatrides et reprsentent 7% des effectifs. La majorit des agents de lOFPRA sont des Officiers de protection (catgorie A) qui ont pour mission dinstruire les demandes dasile et dauditionner les demandeurs dasile. Ils sont normalement recruts par lintermdiaire des instituts rgionaux dadministration ou par un concours spcifique o il est exig dtre titulaire a minima dune licence, bien que la plupart des candidats soient titulaires dun diplme suprieur. Le nombre de places reste limit (20 en 2008, alors que lOFPRA et la CNDA ntaient pas spars). Au dbut des annes 2000, le nombre de dossiers en souffrance a1

pouss le gouvernement autoriser lOFPRA recruter massivement sans concours, avec des contrats le plus souvent dure dtermine, pour le dstockage des dossiers. Les officiers de protection ont t recruts parmi des bnvoles ou des stagiaires dassociations, des volontaires humanitaires ou des tudiants en sciences politiques ou en droit humanitaire. Ainsi en 2005, les effectifs de lOFPRA et de la CNDA sont monts 890 personnes, dont 480 officiers de protection ou rapporteurs. 54% des effectifs taient sous contrat dure dtermine. En 2008, le nombre dagents a diminu 658 et la part des contrats dure dtermine a fortement baiss (16%) par la titularisation par concours spcial et la signature de contrat dure indtermine. Nanmoins, pour beaucoup dofficiers de protection, la prcarit de leur statut leur arrive lOffice les a marqus, le renouvellement de leur contrat dpendant en partie de leurs rsultats. Lors de leur recrutement, les officiers de protection reoivent une formation intensive pendant un ou deux mois. Elle comprend une formation juridique sur le droit des rfugis, des confrences gopolitiques pour apprhender les principales demandes dasile et des confrences psychologiques pour comprendre certains mcanismes lis au traumatisme. Mais lessentiel de la formation pratique est fonde sur le tutorat : le nophyte assiste aux entretiens de plusieurs officiers de protection expriments,

les voit analyser les comptes-rendus et rdiger leurs propositions de dcision. Au bout dun certain laps de temps, il va prendre la place de lofficier pour mener linstruction sous la vigilance de son tuteur puis va instruire par lui-mme. Cette formation souffre nanmoins de quelques lacunes : les officiers de protection ne reoivent pas de formation en matire de droit des trangers et il ny a pas de formation spcifique sur les mthodes dentretien.

La noblesse de la protectionLes officiers de protection interrogs pendant lenqute (quils aient quitt lOffice ou quils y soient toujours) partagent tous la mme ide de noblesse de leur mtier. Un officier de protection dclare que cest un mtier exceptionnel et unique. On est en contact avec lactualit internationale lchelle de la personne . Un autre ajoute que le mtier est passionnant parce que cest rare de rencontrer autant de personnes qui ont eu souvent des expriences de terrain et qui apportent un vrai plus . Un autre insiste sur le contact avec les demandeurs dasile qui vite de raisonner en termes de flux . La principale motivation des officiers dans leur travail est de faire en sorte de reconnatre une protection pour ceux qui le mritent . Lorsquon les interroge sur leur conception dun rfugi, ils invoquent en premier lieu les critres de la convention de Genve

Cf. Dcret n93-34 du 11 janvier 1993 portant statut particulier des corps de fonctionnaires de lOffice franais de protection des rfugis et apatrides.

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et le fait que le demandeur a montr le caractre personnel de ses craintes, quel que soit son niveau dducation. Un officier de protection nous dclare ainsi que souvent les gens peu duqus expliquent trs clairement ce qui leur est arriv. Jai fait un accord une femme qui na quasiment rien dit en entretien. Mais, aux moments o elle parlait, ctait : ils arrivent, ils frappent, ils frappent . Le mtier est galement dur psychologiquement car les officiers de protection sont le rceptacle de lhorreur du monde et doivent entendre les mille et une faons que lhomme a invent pour humilier, dtruire psychologiquement et physiquement un autre homme. Face cette violence, les officiers de protection ont plusieurs ractions. Un officier de protection a arrt dtre instructeur parce quil pleurait tout le temps. Dautres vont tenter de se blinder en essayant de se concentrer sur les questions techniques. Dautres finissent par devenir extrmement restrictifs, mais nul nest pargn. Pour prendre en compte cette souffrance, lOFPRA a mis en place en 2008 des groupes de parole avec des psychologues. Cependant, lexercice sest arrt car les officiers de protection souhaitaient galement aborder la question du stress d aux nombres de dcisions prendre.

Des objectifs chiffrs ?Lun des reproches fait lOFPRA est davoir des quotas daccords et de rejets. Les officiers de protection sinscrivent unanimement en faux contre cette ide. En revanche, tous admettent quil existe des objectifs chiffrs de prises de dcision et de dlai dinstruction. En moyenne, chaque officier de protection instructeur doit prendre deux dcisions par jour en 2010, dans un dlai moyen de 90 jours, tout en assurant une instruction de qualit. Ces objectifs sont rgulirement rappels par la direction et par la hirar-

chie et sont devenus les principaux critres dvaluation des officiers de protection, conditionnant pour les CDD le renouvellement de leurs contrats. Les officiers de protection reoivent rgulirement par courrier lectronique des rappels des dossiers qui sont dans lattente dune dcision alors quils ont galement programmer de nouveaux entretiens. Le 10 dcembre 2009, les officiers de protection ont t appels faire grve pour ce motif : dans son communiqu, le syndicat ASYL OFPRA dnonce le rythme de travail impos aux agents (nombre de convocations et de dcisions par jour) qui ne permet pas de traiter les demandes dasile de manire satisfaisante et qui conduit une apprciation de leur travail sur le seul critre du chiffre. Ils demandent que ces objectifs soient rvalus en concertation avec les reprsentants du personnel et dans un souci de prservation des garanties de procdures . Il souhaite galement que soit rapidement mis en place un mode de valorisation de la fonction dofficier de protection en charge de linstruction de la demande dasile. En effet, les personnels concerns ralisent des entretiens avec les demandeurs dasile et instruisent ensuite leurs dossiers avant de proposer une dcision daccord ou de rejet leur hirarchie. Un travail difficile et exigeant ralis par des agents soumis une forte pression sur les objectifs quantitatifs.

Des perspectives dvolution limitesLes officiers de protection reconnaissent que le travail dinstruction est usant et quil est difficile de rester ce poste de nombreuses annes. Un officier de protection peut devenir chef de section ou chef de division aprs plusieurs annes mais le nombre de postes reste logiquement limit. Il est galement possible de changer de division gographique ou de pays trait mais la principale modalit de mobilit

interne est daller dans les divisions thmatiques (affaires juridiques, protection, et la nouvelle division documentation) qui depuis quelques annes, recrutent en priorit des officiers de protection qui ont lexprience de linstruction. L encore, cela ne permet pas ncessairement de combler les desiderata des officiers. Autre perspective, la coopration europenne avec la cration dune mission au sein de lOffice qui doit contribuer la mise en place du bureau dappui europen, dont le sige sera Malte et qui prvoit de mettre disposition des officiers en soutien lorsquun pays est confront un nombre important de demandes dasile. Pendant cinquante-cinq ans, le corps des officiers de protection a t rattach au ministre des Affaires trangres et il eut t logique que ce ministre offrt une voie de sortie aux officiers pour des postes ltranger. Cest dailleurs ce que prconisait un rapport snatorial, mais dans la ralit, le Quai dOrsay navait que peu dintrt vis vis de ltablissement et rares ont t les officiers de protection y tre dtachs. Depuis 2006, lOFPRA a pass un accord avec le HCR pour que des officiers de protection partent en mission dans des pays (au Cameroun par exemple) o ils procdent la dtermination du statut de rfugi. Le ministre de lIntrieur et dsormais le ministre de lImmigration proposent des postes en dtachement comme responsable dun service daccueil des trangers. Ainsi depuis 1999, le responsable du service de laccueil des demandeurs dasile la prfecture de police a t un officier de protection (chefs de section ou de division). Des postes similaires ont t proposs dans les DOM (Guadeloupe, Guyane). Quand un officier de protection dcide de quitter lOffice, cest principalement vers des postes dans les collectivits locales ou dans le secteur associatif quil se dirige.

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2. La convocation laudition et ses exceptions> UNE CONVOCATION NON SYSTMATIQUE

Avant 2004, lOFPRA distinguait les dossiers selon deux procdures dcides par les chefs de division : la procdure tait courte lorsque les lments de la demande ne mritaient pas, aux yeux de lOFPRA, un entretien. Lofficier de protection devait alors instruire le dossier partir du formulaire OFPRA pour rdiger une dcision de rejet. Cependant, sil lui apparaissait que la demande ntait pas aussi clairement hors des clous, il pouvait toujours convoquer le demandeur. La procdure dite longue supposait quant elle un entretien. Depuis 2004, laudition dun demandeur dasile est devenue un droit. En effet, M.F, de nationalit ghanenne, est interpell Tours. En juillet 2009, la loi prvoit que lOFPRA convoque le il est plac en local de rtention administrative o il demande lasile. demandeur dasile une audition2. Il est Alors que la prfecture sapprte le transfrer vers un centre de cependant prvu quatre exceptions cette rtention, elle lui remet un formulaire OFPRA et le somme de le procdure : remplir, avec l assistance dun agent de prfecture comme interprte. Le dossier est transmis par tlcopie lOFPRA qui a) LOffice sapprte prendre une dcision demande un complment car le rcit lui parat peu dtaill. Dans le positive partir des lments en sa mme temps, il est transmis la division Afrique qui prend une possession. Il sagit pour lessentiel des dcision de rejet car il estime les lments de la demande manifestement demandes dasile qui sont formules par infonds. Sur intervention de La Cimade, lintress sera nanmoins un membre de famille dun rfugi, qui convoqu peu aprs. peut automatiquement bnficier du mme statut par unit de famille des rfugis. Le taux de convocation est de 94% en 2009. Comme les demandeurs dasile se rendent de plus en plus aux b) Le demandeur dasile a la nationalit dun pays pour convocations, le taux dentretien est en forte augmenlequel ont t mises en uvre les stipulations du 5 du er tation depuis 5 ans. C de larticle 1 de la convention de Genve. Cela concerne les nationalits pour lesquelles lOFPRA a TABLEAU 1 : TAUX DENTRETIENS OFPRA / 2001-2009 fait jouer une clause de cessation du statut de rfuSource OFPRA gi prvue par la convention de Genve, car les pays ANNES TAUX DENTRETIEN sont retourns une situation de dmocratie et 1999 37% dtat de droit. Les rfugis de ces nationalits, nombreux en France, ont alors perdu leur statut. Il sagit 2000 31% de pays comme la Pologne, la Hongrie, la Rpublique 2001 40% Tchque, la Slovaquie, la Roumanie, la Bulgarie, ou le 2002 46% Chili. Cette disposition nest en pratique pas utilise 2003 50% en tant que telle car elle nest pas conforme avec la directive europenne sur les procdures. 2004 51% c) Des raisons mdicales interdisent de procder lentre2005 61% tien. Il sagit de personnes dont ltat de sant ne 2006 63% leur permet pas de se dplacer (hospitalisation, etc.), 2007 73% voire dtre interroges (aphasie, etc.) 2008 73,5% Ces trois premires exceptions prvues par la loi 2009 (estimation) 76,0% connaissent une application marginale.

d) Enfin lOFPRA dcide de ne pas auditionner les demandeurs si les lments fournis lappui de la demande sont manifestement infonds ; cest le motif principalement invoqu. En 2004, alors que lOFPRA avait pour objectif de procder un dstockage des dossiers en souffrance, il a t utilis massivement (30% des demandes). La baisse de la demande dasile en 2005-2007 et lobligation de transposer la directive europenne sur les procdures a conduit lOFPRA convoquer systmatiquement les premires demandes dasile, mme celles formules en rtention. Nanmoins cest loin dtre le cas pour les demandes de rexamen (25% de convocation en 2008) et en 2009, des demandes dasile en rtention ont t rejetes sans entretien.

2

Cf. Article L.723-3 du CESEDA

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> MODALITS PRATIQUES DE LA CONVOCATIONLa convocation vue par lofficier de protectionPour convoquer le demandeur, lofficier de protection doit prendre en compte de nombreux paramtres : les premiers concernent le demandeur dasile lui-mme. O se trouve-t-il ? Comment est-il hberg ? Quelle langue parle-t-il ? A-t-il une APS ou est-il en procdure prioritaire ? Quelles sont ses ressources ? Les deuximes concernent le nombre de dossiers quil a traiter et leur difficult plus ou moins apparente en fonction des dclarations crites du demandeur. Cest en fonction de ces nombreux critres et aussi des disponibilits des interprtes que lofficier de protection va saisir dans un logiciel de lOFPRA le planning de ses convocations qui seront adresses aux demandeurs en moyenne trois semaines lavance. En fonction de la complexit des dossiers, lofficier de protection convoque entre une et quatre personnes par demi-journe. Les convocations nindiquent pas le nom de lofficier mais trois lettres qui correspondent aux initiales du prnom et du nom et la lettre finale du nom. Cet anonymat est une tradition lOFPRA mais elle entre en conflit avec une disposition de la loi de 2000 qui prvoit que ladministr a le droit de connatre lidentit de la personne qui suit sa demande. Cette programmation nest pas possible pour les procdures prioritaires puisque lOFPRA doit normalement prendre sa dcision en quinze jours. Lofficier de protection doit alors convoquer le demandeur dans un dlai de sept jours et bousculer son emploi du temps. Pour prparer lentretien, les officiers de protection font une lecture du formulaire OFPRA et des motifs de la demande. Chaque officier a sa propre mthode : certains font une lecture attentive et font des premires recherches avant lentretien, afin davoir une liste de questions prcises poser au demandeur. Dautres, du fait du nombre de dossiers et dans le but de privilgier les dclarations orales, vont faire une lecture rapide, la veille ou immdiatement avant lentretien.

La convocation vue par le demandeur dasilePour le demandeur dasile, la rception de la convocation signifie un moment important. La premire difficult consiste se rendre lOFPRA et prvoir son transport vers Fontenay-sous-Bois. Cela pose davantage de difficults pour les personnes qui vivent en rgions mtropolitaines que pour les rsidents dIle-de-France (43% des demandes). Pour ceux qui sont entrs en centre daccueil pour demandeurs dasile, le montant est pris en

charge par la structure, de mme que les frais dhtel. Pour les autres, tout dpend de leur situation : sils sont admis au sjour, le ministre considre quils peuvent utiliser une partie de lallocation temporaire dattente (316/mois environ). Les personnes en procdure prioritaire ne bnficient pas de la prise en charge en CADA, ni de lallocation et sont en outre convoques dans des dlais incompatibles avec la possibilit de bnficier de billets tarif raisonnable. Dans le cahier des charges de plates-formes rgionales, il est prvu que les billets leur soient rembourss sur justificatifs mais il est craindre que cela soit pour un nombre rduit de personnes. En consquence, les demandeurs se tournent vers les associations comme La Cimade ou le Secours Catholique pour financer leur voyage ou prennent le train sans titre de transport. La situation dans les dpartements et collectivits doutre-mer est diffrente puisque les demandeurs devraient, sils taient convoqus Fontenay-sous-Bois, franchir les frontires de lespace Schengen3. En consquence, les entretiens ne peuvent se drouler en mtropole. Les demandeurs rsidant en Guadeloupe peuvent se rendre lantenne de lOFPRA dans ce dpartement. En revanche, cest par des missions dofficiers de protection que sont organiss les entretiens en Guyane et Mayotte en gnral dans les locaux des prfectures. En ce qui concerne les demandeurs dasile placs en centre de rtention administrative ou en prison, ils sont amens lOFPRA sous escorte policire. Il est donc frquent de voir des personnes menottes dans les locaux. Pour les deux dernires catgories, lOFPRA tend de plus en plus convoquer les personnes pour un entretien par visioconfrence, comme cest le cas Mayotte, en Guyane et dans le centre de rtention administrative de Lyon. Pour le demandeur dasile, lentretien est lobjet dune apprhension lgitime. Cest pourquoi il sadresse aux associations pour prparer cet entretien, ce qui consiste linformer des modalits de lentretien, faire le point partir du rcit crit et voir les questions quil laisse en suspens. Cette prparation est couramment pratique par les associations assurant des permanences et quasi systmatiquement par les centres daccueil pour demandeurs dasile. Elle est porteuse dune ambigut : elle permet au demandeur de comprendre les enjeux de lentretien et de sy prparer dans une relative srnit mais elle est considre par plusieurs officiers de protection interrogs au cours de lenqute comme susceptible de diminuer la spontanit des dclarations du demandeur .

3 Les dpartements et territoires doutre-mer, sils sont part intgrante du territoire national, ne sont pas dans lespace Schengen. Pour y entrer, un demandeur dasile doit tre titulaire dun titre de voyage, dun visa, dun titre de sjour ou encore dun rcpiss de renouvellement de celui-ci. Les rcpisss de demandeurs dasile ne sont pas inclus parmi ces documents.

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3. Les entretiens> REMARQUE MTHODOLOGIQUE PRLIMINAIRERaliser des observations associatives sur les entretiens de lOFPRA nest pas chose simple. En effet, lOFPRA considre quils relvent dune procdure administrative ; la prsence de tierce personne qui viendrait y assister en soutien au demandeur dasile nest pas prvue. Les demandes formules par des militants de La Cimade pour assister un entretien dun demandeur dasile ont essuy un refus. Pour justifier cette politique, lOFPRA met en avant la confidentialit des dclarations du demandeur, la prsence dune autre personne pouvant porter atteinte ce principe. Tout au plus peut-on accompagner le demandeur jusqu la salle dattente de lOFPRA et discuter avec lofficier de protection aprs lentretien. Cette pratique ne nous parat pas conforme avec les dispositions de la directive europenne sur les procdures qui prvoit que des rgles peuvent tre mises en place pour la prsence de tiers lors des entretiens 4. Cette disposition suppose quelle soit inscrite dans les dispositions rglementaires applicables, ce qui nest pas le cas aujourdhui. Cependant dans un louable effort de transparence, lOFPRA a mis en place la possibilit pour des membres dassociation ou de CADA dassister des entretiens en tant quobservateur aux cots de lofficier de protection. Pour cette enqute, lOffice nous a autoriss suivre plus dune dizaine dentretiens avec des demandeurs dasile de diffrentes origines pendant plusieurs jours. Dcrire les histoires des personnes entendues ces jours-l nest pas le propos du prsent rapport. En revanche, nous avons concentr nos observations sur le droulement, sur les techniques dentretien utilises et sur les relations entre lofficier de protection, le demandeur et le cas chant, linterprte dans les boxes dentretien. Ces observations sont compltes par des entretiens avec les officiers de protection et les rponses des demandeurs eux-mmes, interrogs aprs les entretiens. Si lchantillon ne permet pas de faire de conclusions exhaustives, il permet nanmoins davoir une ide prcise du droulement des entretiens.

Or, prs de 20% des demandeurs convoqus sont en procdure prioritaire et sont donc dpourvus de cette deuxime pice, ce qui est dentre de jeu source de confusion. Pass ce premier filtre, les demandeurs se rendent laccueil et prsentent leur convocation ; on leur remet alors un numro et ils sont invits se rendre dans la salle dattente situe au rez-de-chausse. Dans la pratique, les demandeurs sont tous convoqus 9h ou 14 h, car le logiciel de gestion des auditions ne prvoit plus dhoraires prcis. Ils peuvent donc patienter quelques minutes ou plusieurs heures dans la salle dattente. Lofficier de protection va chercher le convoqu dans cette salle en lappelant par son nom ou plus souvent par son numro dattente. Il lui demande de le suivre dans un box dentretien.

> LES BOXESPour raliser les entretiens, lOFPRA a amnag des petits bureaux vitrs de 4 5m2 qui forment un ddale. Si lisolation phonique est plutt bonne, en revanche lisolation thermique lest moins. Certains boxes sont glaciaux lhiver et touffants ds quil fait plus chaud. Le mobilier de ces boxes se limite une table et trois ou quatre chaises. Llment important est lordinateur qui depuis 2005-2006, quipe chacun des boxes afin que lofficier de protection puisse prendre directement note de lentretien. Lofficier de protection sassied donc devant lcran avec en face de lui le demandeur dasile convoqu. Sur le ct, linterprte sassied mi-chemin entre les deux.

> LA GRILLE DENTRETIENUne fois install, lofficier de protection informe le demandeur du but de lentretien. Il prcise ses fonctions et celle de linterprte et rappelle que lensemble de ce qui sera dit lors de laudition ne sera pas transmis aux autorits du pays dorigine. Puis il ouvre un fichier informatique qui est un modle de compte-rendu dentretien. Il y a quinze