4
Jaroslav Vrchlický 1853 – 1912 AMARUS 1881 Traduction d’Otakar Theer et Henri Verne, parue dans Vers et prose, tome III, 1905. LA BIBLIOTHÈQUE RUSSE ET SLAVE LITTÉRATURE TCHÈQUE

Vrchlicky - Amarus

Embed Size (px)

Citation preview

Amarus

Jaroslav Vrchlick

1853 1912

AMARUS

1881

Traduction dOtakar Theer et Henri Verne, parue dans Vers et prose, tome III, 1905.Il tait reclus au couvent, depuis lenfance ;

Do venait-il ? Pourquoi ? Comment ? Il lignorait.

Comme il tait Fils du Pch, on le nommait

Amarus. Il tait grand, blme et pensif,

Lil riv sur la terre, il semblait, sans rpit,

Poursuivre linconnu. La Lune, un soir, dorant

Les noirs barreaux de sa cellule, il dit Dieu :

Pour mon cilice, et pour mon jene et pour mes veilles,

Pour ma vie jamais sacrifie, une grce !

Je ten prie, mon Dieu, dis-moi quand je mourrai ?

A peine et-il pens sa pense, un ange

Vint chuchoter son esprit : Fils, tu mourras

La nuit o dans la lampe, me du sanctuaire,

Tu nauras point vers dhuile ... Les jours, les ans

Passent. Amarus est triste et silencieux,

Et chaque soir, en versant lhuile dans la lampe,

II se redit : Voici que jallume mon me.

Et sourit gravement.

Mais un jour de printemps,

Il venait, selon sa coutume, emplir la lampe...

Dans le jour bleu, prs dun pilier, sur un prie-Dieu,

Devant la Vierge, il aperut deux amoureux.

Il sapproche, observant et retenant son souffle...

Et quand ils ont pri, dun pas lger, rapide

Il les suit... Quel trange dsir le mne

Au cimetire du couvent ?... Les alisiers,

Les lilas agitent un parfum bourdonnant

Qui lui monte au cerveau ; quelque part, dans un arbre,

Loiseau chante ; deux papillons, ailes en fleurs,

Semblent deux corolles closes tout coup

Dun pommier qui renat... il marche, il va toujours...

Sur un tombeau, dont le chiendent ronge le tertre,

Et quenvahit tout un flot de lilas fleuris,

Les deux heureux se sont assis.

Lami se penche vers lamie et dans les cheveux de lamie

Tous les lilas laissent pleuvoir toutes leurs fleurs,

Loiseau chante, et jouant, volant, se pourchassant,

Sur deux boucles vont se poser deux papillons...

Alors Amarus songe aux tendresses des femmes

Dont il ignore tout, jusquau baiser de celle

Qui lui donna la vie. Cependant loiseau chante,

Les hauts lilas parfument lair et lherbe luit...

Amarus, ce jour-l, na pas empli la lampe.

Il reste l, muet. Loiseau chante toujours.

Quand les moines au petit jour sen sont venus

Chanter Matines, ils ont trouv la lampe morte...

Et sur une tombe entrouverte, au cimetire

Amarus gt, mort sur le cercueil de sa mre...

Le visage tourn vers les lilas en fleurs.

Il dort sa mort, tout seul. Et loiseau chante encore.

LA BIBLIOTHQUE RUSSE ET SLAVE

LITTRATURE TCHQUE

PAGE 3