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Fakhri c. Faucher 2007 QCCS 5068 COUR SUPÉRIEURE CANADA PROVINCE DE QUÉBEC DISTRICT DE MONTRÉAL N° : 500-11-023915-040 DATE : LE 12 NOVEMBRE 2007 _________________________________________________________________ _____ SOUS LA PRÉSIDENCE DE : L’HONORABLE PIERRE JOURNET, J.C.S. _________________________________________________________________ _____ NOUREDINE FAKHRI Partie demanderesse c. GUY FAUCHER -et- GRT-TECHNOLOGIE DE RÉGÉNÉRATION GLOBALE LTÉE/6118801 CANADA LTÉE -et- DONALD PÉPIN -et- SERGE BOTELLA Parties défenderesses -et- CAISSE DE DÉPÔT ET PLACEMENT DU QUÉBEC -et- CAPITAL D’AMÉRIQUE CDPQ INC. J.J.0312

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Fakhri c. Faucher 2007 QCCS 5068

COUR SUPÉRIEURE

CANADAPROVINCE DE QUÉBECDISTRICT DE MONTRÉAL

N° : 500-11-023915-040

DATE : LE 12 NOVEMBRE 2007______________________________________________________________________

SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

PIERRE JOURNET, J.C.S.

______________________________________________________________________

NOUREDINE FAKHRIPartie demanderesse

c.GUY FAUCHER-et-GRT-TECHNOLOGIE DE RÉGÉNÉRATION GLOBALE LTÉE/6118801 CANADA LTÉE-et-DONALD PÉPIN-et-SERGE BOTELLA

Parties défenderesses-et-CAISSE DE DÉPÔT ET PLACEMENT DU QUÉBEC-et-CAPITAL D’AMÉRIQUE CDPQ INC.-et-PAUL-HENRI COUTURE-et-PIERRE PHARAND-et-ME DIANE BERTRAND

Parties intervenantesJ.J.0312

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JUGEMENT______________________________________________________________________

[1] Le demandeur, Nouredine Fakhri, « Fakhri » réclame des défendeurs Guy Faucher « Faucher » et GRT Technologie de régénération globale ltée, « GRT », conjointement et solidairement, des dommages au montant de 6 340 000 $ et au défendeur Donald Pépin « Pépin » la somme de 150 000 $ suite à l’appropriation illégale de procédés industriels ayant trait à l’utilisation d’huiles usées dont il serait l’inventeur et pour lesquels, il détient des brevets d’invention. Il demande aussi au tribunal des ordonnances d’injonction contre les défendeurs pour que cessent l’utilisation, la commercialisation et l’exploitation des procédés qui lui appartiennent et qu’ils cessent d’œuvrer dans le domaine de l’industrie des déchets pétroliers ou des huiles usées pour une période de 5 ans.

LES FAITS :[2] Fakhri est l’inventeur d’un procédé pour le traitement des huiles usées visant à les rendre réutilisables pour fin de commercialisation. Il obtient une subvention du gouvernement du Québec en 1987 dans le cadre du programme des jeunes entrepreneurs.

[3] Par la suite, il obtient de nouvelles subventions du Conseil national de la recherche du Canada qui en plus, lui permet d’utiliser ses laboratoires de recherche afin d’établir un procédé permettant de réutiliser les huiles usées.

[4] Ensuite, il établit un partenariat avec Sani-Mobile jusqu’en octobre 1991.

[5] Il incorpore les sociétés Petromax et Petromax Canada, obtient de nouvelles subventions provinciales et fédérales afin de développer la technologie relative aux huiles usées. Il opère une usine à Valleyfield afin de mettre son procédé au point et démontrer qu’il est fonctionnel et rentable.

[6] Les opérations se terminent en 1994, suite à la cession volontaire des biens de la société qui ne peut obtenir le renouvellement de son certificat d’autorisation de la part du ministère de l’Environnement.

[7] La technologie développée par Fakhri lui appartient personnellement, si bien qu’elle ne fait pas partie des actifs de la société faillie.

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[8] À la même époque, Fakhri créé la société marocaine Petromax Maroc S.A. Il obtient, en 1997, un brevet marocain portant le numéro 23978 visant la régénération des huiles usées.

[9] Après avoir obtenu une partie du financement auprès de la banque Populaire Beni-Mellal du Maroc, la compagnie marocaine débute en septembre 1996 la construction d’une usine. Il est l’actionnaire majoritaire de l’entreprise. Les autres membres de sa famille possèderont de leur côté 46 % de ces actifs.

[10] Entre-temps, une technologie différente est développée par Fakhri, soit celle du traitement des huiles usées pour laquelle il obtient, le 1er avril 2004, un nouveau brevet au Maroc portant le numéro 26075 et un brevet aux États-Unis en 2007. Le 30 juillet 2002, une demande similaire de brevet canadien est déposée, toujours sous examen et en attente d’une décision au moment de la rédaction du jugement. Selon l’expert Carrier, l’agent de brevet, mandataire de Fakhri, la demande devrait être cependant accueillie sous peu.

[11] La technologie utilisée dans l’usine marocaine n’est cependant pas protégée par un brevet au moment de sa construction et mise en opération. Les coûts de construction dépassent les estimés budgétaires et les opérations doivent cesser suite à la destruction d’un four de l’usine. De plus, l’argent requis pour le fonds de roulement des opérations est déficitaire. Il est alors financièrement impossible d’effectuer les réparations requises aux installations du complexe industriel.

[12] Fakhri fait alors appel au défendeur Pépin afin de trouver des sources de financement au Canada. Il lui présente Me Lalonde, qui à son tour introduit la société Pluri-Capital PCI inc., « PCI », une société spécialisée dans la recherche d’investissements pour les entreprises.

[13] Un plan d’affaires est préparé par Adam Lapointe, « Lapointe » de PCI après qu’elle eut signé une entente de service avec Petromax. Le document prévoit que le consultant est mandaté pour trouver le financement recherché. De plus, PCI s’engage à accompagner Fakhri et sa société, à ses frais, dans toutes les étapes de la réalisation du projet, ce qui incluait l’aide de consultants et la confection de rapports nécessaires à l’obtention de l’investissement recherché.

[14] La Caisse de dépôt et placement du Québec, « CDPQ » manifeste un intérêt dans l’étude du projet de redémarrage de l’usine marocaine et de futures constructions ailleurs dans le monde et au Canada.

[15] La CDPQ exige aussi que Fakhri trouve un autre investisseur pour concrétiser son implication dans le financement recherché.

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[16] Le 30 avril 2002, Fakhri signe une entente avec les défendeurs Faucher et Bourgeois, représentants du Groupe Faucher pour une société à être formée.

[17] Cet investisseur s’engage à avancer à Fakhri les mêmes sommes que la CDPQ en souscrivant également 20 % des actions de la société Petromax Holding. Ceci laissait 60 % des actions de la compagnie à Fakhri, dont 15 % seraient cependant cédées à Faucher et son groupe.

[18] Les deux investisseurs signent une entente de confidentialité relative aux démarches visant à concrétiser le financement de Petromax Maroc S.A., par le biais de Petromax Holding. Enfin, Pépin, vice-président de SNC-Lavalin « SNC » signe aussi pour cette dernière, une entente de confidentialité avec Fakhri dans le cadre de ses activités d’évaluation des aspects techniques du projet.

[19] Une série de conditions doivent être réalisées par Fakhri à la demande de la CDPQ avant qu’elle ne procède à concrétiser son investissement et ainsi, donner suite à son intérêt de participer au financement du projet marocain.

[20] Ces conditions sont contenues aux documents d’ententes signés par les parties et produits sous les (pièces P-12 et P-14). Le tribunal ne peut cependant, révéler ces conditions, puisque à la demande de la CDPQ, ces renseignements et les ententes ont été déclarés « confidentiels » par le tribunal en conformité avec la jurisprudence1. Ainsi, le tribunal a ordonné aux parties de traiter de certains aspects de la preuve documentaire et testimoniale de la manière suivante :

« ORDONNE que les actes de procédures, témoignages, plaidoiries et documents relatifs aux documents visés aux paragraphes 31B, 22, 26 et 45A de la requête soient traités pour les fins de cette cause, comme étant des renseignements confidentiels et privilégiés;

ORDONNE que les témoignages relatifs à ces documents soient rendus à huis clos;

ORDONNE que les documents ci-haut mentionnés soient produits au dossier de la Cour sous scellés;

ORDONNE qu’il soit fait défense à quiconque d’avoir accès audits actes de procédure, documents, témoignages et plaidoiries, au cours de l’enquête ou après celle-ci, de copier lesdits documents,

1 . Société d’énergie Foster Wheeler ltée c. Société intermunicipale de gestion et d’élimination des déchets (SIGED) inc., AZ-50227183, 2004 SCS 18, J.E. 2004-746, [2004] 1 R.C.S. 456; Aluminerie Alouette inc. c. Commission d’accès à l’information du Québec, [1991] R.J.Q. 417 (C.S.).

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témoignages et plaidoiries, d’en divulguer directement ou indirectement le contenu ou d’utiliser, de quelque manière, tant personnellement que pour d’autres, les connaissances acquises à l’occasion de leur production ou présentation;

ORDONNE que l’ordonnance ne fasse pas obstacle à ce que les officiers, les sténographes et les autres auxiliaires du tribunal puissent remplir leurs fonctions habituelles, ni à ce que les parties ou leurs avocats prennent connaissance desdits témoignages, plaidoiries, documents, uniquement pour les fins de cette cause; »

[21] Il est à noter que la même ordonnance a été étendue de consentement pour les pièces P-77 à P-80, NF-31, NF-32, NF-33, NF-35, NF-36, NF-39, NF-53, D-2, D-94, D-98 à la demande de Fakhri.

[22] Fakhri soutient que chacune des conditions contenues aux ententes signées avec la CDPQ et Faucher ont été remplies en conformité des engagements auxquels il avait souscrit.

[23] Le retrait de l’offre de la CDPQ entraîne cependant le retrait de l’offre de Faucher, puisque les deux investissements devaient être en parts égales. Il était aussi prévu que le désistement de l’un rendait ainsi caduque l’offre de l’autre.

[24] Fakhri soutient que l’abandon du projet par la CDPQ découle de son refus de réduire sa participation dans l’actionnariat de Petromax Holding de 60 % à 33 %, tel que cela lui avait été demandé par PCI. Suite à son refus, il prétend que PCI a laissé traîner les choses, ne s’est pas assurée que la vérification diligente de Petromax Maroc S.A. soit complétée à la satisfaction de la CDPQ, ce qui aurait occasionné le retrait de la CDPQ du dossier, le 13 septembre 2002.

[25] Par la suite, Fakhri réussit à obtenir du Groupe Faucher, le 1er novembre 2002, une nouvelle proposition par laquelle il détiendrait une participation très inférieure (20 %) à celle originalement prévue dans le projet. Il l’a rejette, estimant qu’il s’agit d’une insulte et il fait une contre-proposition qui est aussi rejetée.

[26] Serge Botella informe Fakhri que Faucher est susceptible de s’intéresser de nouveau au projet, à condition qu’il cède la majorité des actions qu’il détient dans Petromax Maroc S.A. à son père et son frère, Amhed et Mohamed Fakhri et que, Faucher au nom de sa compagnie soit autorisé à finaliser avec ces derniers, un bail relatif au complexe immobilier de l’usine marocaine. Ces exigences se retrouvent aussi dans la plaidoirie des défendeurs au paragraphe 198, (Faucher – GRT ).

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[27] Fakhri accepte sans restriction ces conditions, afin de voir le projet marocain se réaliser. Il diminue sa participation dans l’actionnariat de Petromax Maroc S.A. de 54 % à 32 % en signant les transferts d’actions en faveur des membres de sa famille.

[28] Fakhri écrit le même jour, qu’il a accepté de se départir d’une partie de ses actions et du contrôle de la compagnie en faveur de son père et de son frère, à condition que Faucher et son groupe respectent leur offre de financement initial, (pièce P-14). Un courriel est envoyé (pièce P-29) à cet effet, à Michel Bourgeois. Ce dernier agit alors comme ami intermédiaire entre Fakhri et Faucher. Faucher prétend n’avoir jamais reçu copie de cet écrit et en conséquence n’avoir jamais consenti à aucune des exigences de Fakhri. Fakhri donne aussi mandat à son père, le 5 mai 2003, de le représenter au conseil d’administration, de voter en son nom et ainsi, de compléter les négociations avec Petrolub, une société marocaine, propriété de GRT, sans avoir au préalable émis quelque condition à la signature du mandat et encore moins d’avoir reçu un engagement quelconque de Faucher et des membres de son groupe.

[29] Le 29 mai 2003, Faucher par l’entremise de Botella fait une offre de location pour l’usine, propriété de Petromax Maroc S.A., hors la connaissance de Fakhri. L’offre est acceptée. Elle a pour effet d’écarter Fakhri de l’exploitation de l’usine et de sa participation à quelque profit que ce soit, puisque ce n’est pas Petromax Maroc S.A. qui sera l’exploitante locataire, mais plutôt GRT-Technologie de régénération globale ltée, « GRT » par sa filiale Provilub.

[30] Enfin, le 5 mai 2003, le brevet marocain numéro 23798 est cédé à Petromax Maroc S.A., le locateur de l’usine.

[31] L’exigence de Fakhri relativement au respect de la proposition originale d’investissements de Faucher (pièce P-14) demeure lettre morte. Un bail de gérance libre est signé avec les propriétaires de l’usine. Le Groupe Faucher par l’entremise de Pépin tente aussi d’obtenir les copies de plans et devis d’ingénierie de l’usine du Maroc auprès de SNC.

[32] Le 29 mai 2003, Fakhri envoie un courriel à Botella indiquant son indignation devant l’absence de communication de ce dernier depuis qu’il a cédé le contrôle de Petromax Maroc S.A.

[33] Il dit réaliser, qu’il a été dupé et volé par Faucher et Botella.

[34] Il constate que ses anciens collaborateurs ou personnes-ressources travaillent maintenant ensemble pour exploiter l’usine du Maroc.

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[35] Faucher et Adam Lapointe de PCI ont incorporé une compagnie (6118801 Canada ltée) qui deviendra GRT-Technologie de régénération globale ltée. Cette dernière est la « Holding » du groupe Faucher et détient la société Petrolub qui exploite l’usine marocaine en gérance libre.

[36] Ce bail est conditionnel à l’avènement de certaines exigences qui bien qu’elles n’eurent pas été rencontrées, ont été levées par Faucher sur réception d’une mise en demeure de Fakhri en décembre 2003.

[37] Suite à une offre de service de Pépin, SNC refuse de travailler sur le projet de redémarrage de l’usine marocaine de peur d’être poursuivie en justice.

[38] La preuve révèle que Fakhri avait fait parvenir une lettre à la firme d’ingénieurs, le 27 juillet 2003 leur rappelant, qu’il est le seul propriétaire de la technologie développée pour l’usine et qu’aucune copie de quelque document ne pouvait être donnée sans son approbation.

[39] Fakhri apprend par la suite, que Pépin en quittant SNC pour se joindre à la firme Roche a emmené avec lui un nombre indéterminé de documents relatifs à Petromax et au procédé utilisé et aux plans de l’usine. La conseillère juridique de cette firme nie ces faits dans une lettre de 2004.

[40] Les ingénieurs, Roche Stone Webster « Roche » prennent la relève de SNC pour continuer la réalisation du projet marocain.

[41] Le 19 août 2003, la firme d’ingénieurs exige cependant que les propriétaires de l’usine, des brevets, de la technologie ou de tout droit relatif à l’exploitation de l’usine l’autorise par écrit à consulter les plans et devis techniques ou autres documents nécessaires à la réalisation de leur mandat.

[42] Mohammed Fakhri conformément au mandat reçu de son frère écrit une lettre au nom de Petromax Maroc S.A. et l’envoie à Pépin pour qu’il l’achemine aux nouveaux consultants en génie civile.

[43] En mai 2005, Fakhri apprend que parmi les documents en possession de Pépin, qu’il y a un plan (Process Flow Diagram) « PFD » confectionné en sourdine par Tecsult en 2002 et hors sa connaissance à la demande de PCI et de Adam Lapointe. Ce document était secret et Lapointe avait demandé à Pépin de ne pas en divulguer l’existence à Fakhri.

[44] Après son départ de SNC, Pépin se servira des PFD préparés par Tecsult. Il écrit sur ces documents qu’ils sont destinés à la firme d'ingénieurs Roche dans l’exécution du mandat qui leur est confié, le 18 août 2003 pour les travaux d’ingénierie devant être complétés par sa filiale Stone Webster.

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[45] À la même époque, Fakhri écrit à Pharand de la CDPQ afin qu’elle intervienne auprès du Groupe Faucher afin que cesse l’appropriation illégale de ses actifs et de sa technologie. Il demande aussi, d’être mis en possession des documents relatifs à la vérification diligente qui avait été effectuée par Me

Bertrand de Fasken Martineau et par Price Waterhouse au Maroc pour le compte de la CDPQ. Il ne recevra rien.

[46] Le 19 décembre 2003, il met les défendeurs en demeure pour retrouver sa participation originale dans le projet industriel du Maroc et qu’ils cessent l’appropriation illégale de ses droits et de ses biens.

[47] Malgré la réception de cet avis, le groupe Faucher et ses entités légales investissent environ 250 000 $ dans l’usine afin de la rendre opérationnelle. Ils utilisent des consultants spécialisés, dont le défendeur Pépin, qui agit comme directeur des opérations de l’usine.

[48] Pépin se sert des documents qu’il a emmenés avec lui lors de son départ de SNC ou les remettra aux consultants avec qui il travaille à la réouverture de l’usine marocaine. Il soutient avoir reçu l’autorisation de son employeur SNC afin d’apporter avec lui lors de son départ, les documents qu’il a eus en sa possession. Ceci est contredit par la représentante des ressources humaines de SNC, madame Truchon, qui soutient que Pépin a reçu une lettre avant son départ, lui rappelant que tous les documents conçus par les employés de SNC demeurent la propriété de cette dernière et qu’il ne peut en prendre copie ou se les approprier.

[49] Pépin soutient qu’aucune entente relative à l’ingénierie n’a été signée entre SNC et Fakhri et que la seule existante, visait des documents ou informations relatives à l’obtention du financement recherché.

[50] En tant que directeur des opérations marocaines, Pépin travaille en étroite collaboration avec Dr Lu de Roche. Il avait été le premier ingénieur à avoir fait des plans pour l’usine marocaine. La production industrielle ne fonctionne pas, puisque la tour de distillation est trop petite pour les produits que l’on veut traiter.

[51] Les travaux de restauration de l’usine et sa mise à niveau s’arrêtent lors de la signification des procédures.

[52] Appelé à témoigner sur les diverses implications de PCI tant avec la CDPQ qu’avec le groupe Faucher, Adam Lapointe soutient que son mandat initial était d’obtenir le financement recherché par Petromax et Fakhri. La compagnie a colligé les informations reçues et a assisté l’emprunteur potentiel en lui assurant le support technique et professionnel requis pour présenter le projet d’investissements.

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[53] Une fois le retrait de la CDPQ connu, le dossier Petromax était pour lui terminé, l’aventure lui ayant coûté 300 000 $ pour divers frais qu’il avait dû assumer.

[54] Malgré cela, Faucher s’associe à Adam Lapointe de PCI et trouve 600 000 $ de financement auprès d’investisseurs suite à la cession des actions de Fakhri aux membres de sa famille et au transfert du brevet marocain à la compagnie marocaine Petromax S.A.

[55] Au total plus de 700 000 $ seront investis en salaires et en équipements pour mettre l’usine à niveau et tenter d’avoir une production rentable. Quatre essais demeurent infructueux et un investissement majeur reste à faire pour obtenir une production de 7 jours à un niveau de 70 %. C’est à ce moment que les procédures judiciaires sont signifiées en juin 2004.

[56] Faucher indique à la famille Fakhri qu’il quitte le Maroc et qu’il n’a plus d’intérêt dans le projet à moins, que le problème de Fakhri ne soit réglé. Il est convaincu que même si la production marocaine avait démontré la rentabilité du procédé, qu’il n’aurait pas pu l’exporter au Canada, vu l’attitude de Fakhri.

[57] De son côté, le défendeur Pépin soutient s’être impliqué dans le projet de redémarrage de l’usine à la demande de Botella qui agissait pour le compte de Faucher et de Lapointe.

[58] Il a agi comme directeur des opérations de GRT tant à l’usine marocaine qu’au Canada.

[59] Son rôle était de s’assurer de trouver des investisseurs, des clients potentiels pour l’achat de la production marocaine et d’assurer la coordination des personnes-ressources requises pour automatiser en partie l’usine.

[60] Il devait travailler avec un budget réduit pour les consultants avec une enveloppe préétablie par Faucher.

[61] À titre d’exemple, les investissements prévus originalement dans le projet impliquant la CDPQ étaient de 600 000 $ alors qu’ils sont maintenant d’environ 100 000 $.

[62] Pépin coordonne donc une équipe de consultants et d’ouvriers pour tester l’usine et le procédé industriel de régénération des huiles usées.

[63] Quatre tests seront effectués. Il conclut que l’usine pourrait produire les huiles régénérées, puisqu’il a obtenu lors d’un essai une quantité d’un gallon de ce produit.

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[64] Il ne reste donc, selon lui, qu’à apporter des modifications à l’équipement pour obtenir le niveau de production recherché, soit 70 % sur une période de 7 jours.

[65] Il ajoute que l’expérience est concluante et que la technologie développée par Fakhri est valable. Il contredit sur ce point Faucher et Labbé. Ce dernier reconnu comme expert a prétendu à l’audience que l’usine avait été conçue uniquement pour le traitement des huiles usées de véhicules-moteurs et non des huiles usées de toutes sortes.

[66] Pépin soutient que le but ultime des tests opérés à l’usine marocaine était de s’assurer qu’une production industrielle était possible dans un premier temps, pour ensuite l’exporter et l’établir au Canada, contrairement à ce que prétend Faucher dans ses procédures et qu’il finira par admettre à l’audience.

[67] Enfin, le demandeur soumet que les problèmes qu’ont rencontrés Faucher et ses experts lors de leurs tentatives de démarrage de l’usine, découlent d’une mauvaise connaissance des équipements de l’usine.

[68] Il soutient que la tour de distillation reproduite sur les plans de Stone Webster était une pièce d’équipement dessinée de manière préliminaire.

[69] La preuve révèle que dès 1997, le concepteur, Koch-Glitsch Canada, modifiait ces plans permettant ainsi la production de 4 types de produits spécifiques, (pièce P-53).

[70] Ces faits étaient inconnus de Pépin et de Stone webster, puisque Fakhri n’a jamais été consulté dans la tentative de remise en état de l’usine et de son automatisation. Le groupe Faucher et Provilub travaillaient donc à partir de plans d’ingénierie différents de ceux qui avaient servi à la réalisation de l’usine, telle qu’elle se trouvait à leur arrivée sur les lieux en 2003.

DISCUSSION[71] Le tribunal souligne que les défendeurs ont tous reconnu que la technologie « PML 2000 » pour laquelle un brevet américain, (pièce P-56), a été obtenu ainsi qu’un brevet marocain du 1er avril 2004, (pièce NF-29), et qui fait l’objet d’une demande de brevet canadien en instance d’acceptation depuis 2002, était la propriété unique de Nouredine Fakhri.

[72] Ils ont de plus, accepté sans condition à ce que le tribunal reconnaisse cette propriété intellectuelle du demandeur et que le tribunal fasse droit aux demandes de Nouredine Fakhri relativement à l’émission d’une demande d’injonction permanente relative à l’utilisation sous quelque forme ou manière de cette technologie pour une période de 5 ans.

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[73] Le droit à l’injonction est contenu à l’article 751 du Code de procédure civile :

« 751. L’injonction est une ordonnance de la Cour supérieure ou de l’un de ses juges, enjoignant une personne, à ses dirigeants, représentants ou employés, de ne pas faire ou de cesser de faire, ou, dans les cas qui le permettent, d’accomplir un acte ou une opération déterminée, sous les peines que de droits. »

[74] Dans l’arrêt A.I.E.S.T., local de scène no 56 c. Société de la Place des Arts de Montréal1, l’honorable juge Gonthier mentionne :

« Le pouvoir de la Cour supérieure du Québec d’accorder une injonction est prévu par la loi. Mais, il s’agit d’un pouvoir discrétionnaire du genre de celui exercé en equity dans les juridictions de common law : Côté c. Morgan (1881), 7 R.C.S. 1; Trudel c. Clairol inc. of Canada, [1975] 2 R.C.S. 236, p. 246, le juge Pigeon. Au Québec comme ailleurs, l’injonction constitue une forme exceptionnelle et discrétionnaire de réparation. Le tribunal ne décernera pas une injonction en vertu de l’art. 751 et suiv. simplement parce que le demandeur y a droit en principe. Celui-ci doit démontrer que les circonstances justifient l’octroi d’une telle réparation potentiellement contraignante et qu’il mérite pareille réparation. Voir, p. ex., Société de développement de la Baie James c. Kanatewat, [1975] C.A. 166, p. 183. Le caractère contraignant de l’injonction tient en partie aux effets qu’elle entraîne pour l’avenir. Plutôt que de la sanctionner pour son inconduite antérieure (comme l’amende infligée à la SPA par le tribunal du travail), l’injonction interdit à la personne visée d’adopter une conduite future sous peine d’outrage au tribunal. Sans exagérer, on peut dire que la personne visée par une injonction voit sa liberté restreinte par le tribunal. Cela dit, l’objet de mon propos n’est pas de refuser de reconnaître ni de mettre en doute le bien-fondé de l’injonction lorsque la situation s’y prête. »

[75] Au Québec, la Cour d’appel a repris ce raisonnement dans l’arrêt Corporation scientifique Claisse inc. c. Instruments Katanax2, aux pages 4 à 5 du jugement.

[76] En ce qui a trait à la portée extraterritoriale de l’ordonnance d’injonction, les auteurs Hubert Reid et Claire Carrier3, mentionnent :

« 751/67 La Cour supérieure a le pouvoir d’émettre contre un résident du Québec, une injonction lui défendant de commettre un acte à l’extérieur des limites territoriales de la province. »

1 . [2004] 1 R.C.S. 43, 2004 CSC 2.2 . 2006 QCCA 1425, 200-09-004839-046.3 . Hubert REID et Claire CARRIER, Alter Ego, Code de procédure civile du Québec,

jurisprudence – doctrine, 2003, 19e éd., Les Éditions Wilson & Lafleur, à la page 990.

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[77] De même, la Cour supérieure a rendu un jugement ayant le même effet dans Société Radio-Canada c. Sirois4 :

« On ne peut retenir l’argument, basé sur la doctrine du forum non conveniens, à l’effet qu’une injonction mandatoire ne peut être émise que si elle est susceptible de générer une sanction efficace. En effet, sans qu’il soit nécessaire d’aborder cette thèse sous son aspect théorique, il convient de mentionner qu’en matière d’exécution en nature on ne saurait prendre d’avance pour acquis que l’ordonnance ne sera pas respectée. »

[78] Ainsi que la Cour d’appel dans l’arrêt Dargaud Éditeur c. Presse Import Léo Brunelle inc.5.

[79] Ces arguments ont été repris récemment dans Microcell Solutions inc. c. Telus Communications6, l’honorable juge Jacques Dufresne, maintenant à la Cour d’appel, ajoutait :

« Il a déjà été décidé que la Cour supérieure a le pouvoir d’émettre une injonction contre une personne résidant au Québec pour lui interdire de commettre un acte à l’extérieur des limites territoriales du Québec.

Dans la cause de Société Radio-Canada c. Sirois, une ordonnance d’injonction émise à Montréal à l’occasion d’un conflit de travail ordonnait de s’abstenir de faire toute intimidation et menaces à l’égard du personnel de cadre de la Société Radio-Canada, de ses employés non-membres du Syndicat et de toutes autres personnes ayant également affaire dans les locaux propriété de la Société, loués par cette dernière ou dont elle a besoin aux fins de son exploitation.

Les faits reprochés aux intimés dans la requête pour outrage au tribunal visaient des événements survenus à Washington alors que les intimés avaient, selon les allégations de la requête, empêché un correspondant à l’étranger de Radio-Canada et un animateur lié par contrat avec celle-ci de remplir les tâches qui leur étaient assignées à l’édifice où la Société Radio-Canada avait des bureaux à Washington et y utilisait des studios. Comme

4 . (1981) C.S. 527.5 . (1990) R.D.J. 341 (C.A.).6 . C.S. Montréal, no 500-17-017783-039, 20 février 2004, j. Dufresne.

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en l’espèce, les deux paragraphes en cause de l’ordonnance d’injonction ne comportaient pas de restriction territoriale.

Le juge Jean Marquis de la Cour supérieure , se fondant sur le jugement de la Cour de révision dans Warrell v. Railway Asbestos Packing (Quebec) Co. et sur la doctrine, arrive à la conclusion suivante :

Puisque la Cour supérieure agit « in personam » et a le pouvoir d’interdire la Commission d’un acte dans un pays étranger, elle a donc juridiction pour décider si les actes reprochés aux intimés, domiciliés dans le district de Montréal, constituent une contravention à l’ordonnance d’injonction qu’elle a émise le 16 janvier 1981.

Le même raisonnement vaut en l’espèce.

Comme les défenderesses sont présentes au Québec et y font affaires, elles sont assujetties à l’ordonnance d’injonction qui les vise. Elles sont susceptibles, en conséquence, de faire l’objet de procédures en outrage au tribunal pour les actes qu’elles ont posés à l’extérieur du Québec en contravention de l’ordonnance de la Cour. »

[80] Enfin, ce raisonnement est repris par la Cour d’appel du Québec, dans l’arrêt Transat Tours Canada inc. c. Impulsora Turistica de Occidente, s.a. de c.v.,7 la Cour sous la plume de l’honorable juge René Dussault, mentionne :

« Je ne peux retenir l’argument des intimés selon lequel une Cour compétente pourrait ne pas avoir le pouvoir d’émettre une ordonnance d’injonction à portée purement extraterritoriale.

D’une part, l’article 46, alinéa 1 C.p.c. énonce que « [l]es tribunaux et les juges ont tous les pouvoirs discrétionnaires à l’exercice de leur compétence ».

D’autre part, dans la mesure où l’article 3148 C.c.Q. définit l’étendue de la compétence des tribunaux québécois en droit international privé et qu’en l’espèce la Cour supérieure est compétente en vertu du paragraphe 3° du premier alinéa de cet article pour trancher le litige, elle a le pouvoir d’émettre une ordonnance d’injonction contre les intimées.

Que la Cour supérieure puisse avoir de la difficulté à sanctionner un éventuel non-respect de ses ordonnances ne constitue pas un facteur affectant son pouvoir d’émettre une ordonnance d’injonction. Ainsi que le souligne le juge Barclay de la Saskachewan Court of Queen’s Bench...»

Comme je l’ai indiqué au paragr. [42], je ne peux non plus retenir l’argument des intimées selon lequel les possibles difficultés liées à la sanction d’un éventuel non-respect de l’ordonnance d’injonction émise par un tribunal québécois aurait dû

7 . 2006 QCCA 413, C.A. Montréal, no 500-09-016045-056, 17 mars 2006, jj. Dussault, Bich, Vézina.

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commander au juge de première instance, s’il avait exercé sa discrétion, de décliner compétence en faveur des tribunaux mexicains.

Tout d’abord, on ne peut tenir pour acquis que les intimés ne respecteraient pas une éventuelle injonction de la Cour supérieure. C’est plutôt la présomption contraire qui doit être retenue, ainsi que l’a déjà reconnu notre Cour dans Dargaud Éditeur c. Presse-Import Léo Brunelle inc., [1990] R.D.J. 341 (C.A.), juge Chevalier (ad hoc), à la p. 351 :

[...] le juge saisi d’une demande visant à ordonner l’exécution spécifique d’une obligation n’est pas dans une position tellement différente de celui de qui on requiert une condamnation en deniers, lequel n’a évidemment pas à savoir si le débiteur est solvable ou non. [...] on ne saurait en matière d’exécution en nature, [tenir] d’avance pour acquis que l’ordonnance ne sera pas respectée; à mon avis c’est plutôt la présomption contraire qui devrait seule être retenue.»

[81] Vu la preuve, vu le droit et la jurisprudence, le tribunal n’a aucune hésitation à faire droit à la demande d’injonction permanente de Nouredine Fakhri. Elle sera donc accueillie telle que demandée aux conclusions de la procédure introductive d’instance.

LES DOMMAGES

[82] Le demandeur réclame des dommages au montant de 6 300 000 $ des défendeurs, Faucher et GRT et de 157 000 $ du défendeur Pépin. Il réclame aussi un salaire de 132 000 $, plus bonis par an, tel que contenu au plan d’affaires préparé par PCI.

[83] Fakhri a travaillé depuis près de 10 ans au développement d’un procédé pour régénérer et d’un procédé pour traiter les huiles usées. Il a tout mis en œuvre pour obtenir le financement nécessaire à l’automatisation de l’usine marocaine et à son redémarrage.

[84] C’est dans ce contexte qu’il a rencontré les défendeurs. Comme il l’écrivait en 2003 à son ami Botella, la mise en opération de l’usine les « mettra riche ».

[85] De son côté, Faucher, comptable de métier est un spécialiste en financement d’entreprise. Il est intéressé à diriger un groupe d’investisseurs afin de faire fructifier leurs investissements et en conséquence en tirer un profit.

[86] Son intérêt s’est manifesté dans le projet de financement avec la CDPQ et PCI. Par la suite, il est passé à autre chose suite au retrait de la caisse.

[87] Il croyait possible d’obtenir des rendements intéressants sur le placement sans cependant, en être certain. Il n’a pas une confiance aveugle envers Fakhri et la technologie qu’il dit avoir développé, surtout depuis qu’il connaît les motifs pour lesquels la CDPQ a abandonné le projet.

[88] Il exige que Fakhri ne soit plus dans le projet avant de s’y aventurer de nouveau en compagnie des consultants qui ont déjà travaillé le dossier du premier financement.

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[89] Botella qui connaît la famille du demandeur veut que le projet redémarre. La preuve n’a pas révélé, s’il agit pour le compte du demandeur ou de Faucher et son groupe d’investisseurs.

[90] L’ensemble des faits mis en preuve tend cependant à laisser croire qu’il agit en tout premier lieu pour son intérêt personnel en manipulant les différents acteurs.

[91] Ainsi, il est clair que la famille est au prise avec les banques marocaines suite au cautionnement de la dette qu’elle a signée.

[92] Il est clair que Nouredine Fakhri cherche toujours à redémarrer son projet marocain en cherchant le financement requis.

[93] Il est clair que Faucher et son associé, Adam Lapointe y voient une occasion d’affaires offrant des perspectives monétaires intéressantes.

[94] La preuve révèle que les défendeurs ont accepté d’investir dans le projet en devenant le maître d’œuvre à l’exclusion de Fakhri.

[95] Ce dernier a accepté de céder sans condition ou engagement des investisseurs, le contrôle de l’actionnariat de la compagnie qui a bâti l’usine et qui en est propriétaire. Il a aussi, accepté de donner à son père le mandat général de le représenter et de décider pour lui de tous les sujets découlant de l’administration et des prises de décisions de cette compagnie, à la suggestion de Botella.

[96] Il soutient avoir exigé que le transfert d’actions soit sujet à l’engagement de Faucher et de son groupe de respecter le plan d’affaires original présenté lors du premier projet de financement.

[97] Ces conditions sont exprimées après son acceptation du transfert d’actions. Elles ne feront jamais l’objet d’un accord ou d’un consentement écrit ou verbal de qui que ce soit. Malgré tout, Fakhri transfère le contrôle de la compagnie à son père qui devient aussi son mandataire au sein de Petromax Maroc S.A. Il ne contestera jamais le bail de gérance libre signé par les défendeurs et leur compagnie, pas plus qu’il ne demandera l’annulation du transfert de ses actions ou la révocation du mandat. Tout laisse croire que Fakhri a décidé qu’après le fait, qu’il devait tenter de reprendre les droits qu’il avait abandonnés sans doute pour sauver sa famille d’une situation économique négative.

[98] La preuve révèle enfin, que GRT a été créée au Canada pour permettre à Faucher et ses associés de réaliser une occasion d’affaires identique à celle qu’ils avaient étudiée avec la CDPQ sauf, quant à son financement.

[99] La preuve révèle que des sommes importantes ont été dépensées dans le cadre du redémarrage de l’usine et de la vérification de sa production.

[100] Ce n’est qu’après l’achat et l’installation de l’équipement dans l’usine que Fakhri les mettra en demeure de cesser leurs activités.

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[101] Les essais de mise en marche de l’usine et de la production dureront jusqu’à l’émission de la requête introductive d’instance. Pendant cette période, 4 essais sont effectués sans résultat pour Faucher. Pépin avoue que la technologie a réussi à produire un gallon d’huile au quatrième essai.

[102] Il soutient qu’on aurait pu atteindre le seuil de rentabilité recherchée si des procédures n’avaient pas été intentées.

[103] Quoiqu’il en soit la preuve démontre que les défendeurs n’ont rien produit et n’ont pas réussi à commercialiser quoi que ce soit. Leur aventure s’est arrêtée avec un investissement de 700 000 $, qu’ils ne peuvent récupérer.

[104] Les défendeurs n’ont jamais reçu quelque somme d’argent ou profit découlant de la production industrielle de l’usine de Petromax Maroc S.A. ou de la technologie « PML 2000 ».

[105] Le demandeur réclame des dommages équivalant aux profits escomptés qu’il aurait obtenus selon le plan d’affaires soumis à la CDPQ et au Groupe Faucher. Ce document présuppose une production industrielle de 7 jours consécutifs avec une capacité de 70 %. Cela n’a jamais été atteint.

[106] D’autre part, pour que le demandeur puisse obtenir les montants prévus dans le rapport de l’expert, Pierre Hubert, il aurait fallu que Fakhri détienne 60 % du « Holding » lié au projet. Il ne l’a jamais possédé et on ne lui a jamais offert un tel pourcentage de l’actionnariat.

[107] Les profits réclamés par le demandeur demeurent dans le domaine spéculatif et ne peuvent être l’objet d’une perte.

[108] Le tribunal s’inspirant de l’auteur Martel rappelle qu’un recours basé sur l’article 241 de la Loi canadienne sur les sociétés par actions8 doit viser un droit recherché par un actionnaire et qui lui est refusé par la majorité :

« [...]

[31-192] Le refus de reconnaître au plaignant le statut d’actionnaire, d’administrateur et de dirigeant auquel il a droit en vertu d’une entente contractuelle.

[...]

[31-242] Le but de l’article 241 n’est pas de couvrir n’importe quelle dispute pouvant survenir entre un plaignant et une compagnie, mais seulement celles qui sont spécifiquement visées par les termes utilisés. Cet article ne vise pas, notamment, la simple violation d’un engagement contractuel de la société. [...]

[109] Il est inutile de faire une analyse de la preuve pour se convaincre que le demandeur n’a jamais été actionnaire de la compagnie GRT. Il ne peut, en conséquence, avoir recours aux dispositions de l’article 241 de la Loi canadienne sur les sociétés par actions, puisque le recours qui y est prévu n’est ouvert qu’aux actionnaires d’une compagnie9.

8 . L.R.C. (1985) c. C-44.

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[110] L’ensemble de la preuve démontre que Fakhri a eu un rêve, celui de pouvoir obtenir les fonds requis pour opérer l’usine marocaine qu’il a construite en 1997.

[111] S’étant retrouvé avec sa famille dans une situation juridique et financière difficile au Maroc suite à la fermeture de l’usine, il a recherché un financement qu’il n’a pas obtenu.

[112] Il a cédé volontairement une partie de ses actions à sa famille perdant le contrôle de la compagnie ainsi que le pouvoir décisionnel vu les opérations de Petromax Maroc S.A. Il a agi d’une manière imprudente et il ne peut maintenant que s’en plaindre à lui-même.

[113] Aucune demande d’annulation des documents de transfert ou d’annulation du mandat n’a été formulée au tribunal. Ils sont réputés valides, ainsi que les actes juridiques qui en découlent.

[114] Les prétentions du demandeur voulant qu’il ait signé et consenti à ces transferts conditionnellement au respect par Faucher et son groupe de leur engagement initial, (pièce P-14) n’a jamais été confirmé ou fait l’objet d’un accord de ces derniers.

[115] Le tribunal considère que le transfert des actions de Fakhri et le mandat qu’il a donné à son père et à son frère ne peuvent qu’avoir été faits pour des considérations familiales et économiques afin de voir les opérations industrielles reprendre au Maroc et calmer sinon, satisfaire les institutions bancaires.

[116] Le tribunal considère qu’il n’y a pas eu appropriation d’une occasion d’affaires par les défendeurs ou un manquement à une obligation de loyauté de la part de Pépin ou de Faucher, puisque Fakhri en agissant comme il l’a fait, a tout simplement dévolu l’usine et sa technologie à sa famille en lui accordant le mandat de transiger avec les défendeurs. Il a agi comme s’ il avait abandonné tous ses droits et pouvoirs dans sa technologie.

[117] Le demandeur a agi imprudemment en n’exigeant pas l’accord des défendeurs aux conditions qu’il exigeait pour permettre l’utilisation de sa technologie. Ce manquement du demandeur ne lui a cependant, rien fait perdre, puisque aucun profit n’a été atteint et est demeuré purement spéculatif et hypothétique.

[118] Quant à sa réclamation pour perte de salaire, elle est également mal fondée pour les mêmes raisons que celles précédemment exprimées, puisqu’elle découle de la mise en oeuvre de la réalisation du plan d’affaires qui n’a jamais été accepté par les défendeurs.

[119] Comme le souligne la Cour d’appel10 lorsqu’il s’agit de déterminer un dommage certain découlant d’une appropriation d’affaires :

« Quant il s’agit d’un préjudice futur, cette troisième condition soulève des problèmes pratiques; il faut démontrer « la probabilité de sa réalisation dans l’avenir. Il n’est pas nécessaire que le préjudice futur soit certain dans un sens absolu, du moment qu’il n’est pas seulement hypothétique ou éventuel. »

9 . Joncas v. Spruce Falls Power and Paper Co. Ltd., [2001] CanLII 6156, ( ON C.A.); Beck v. Dumais, [2003] CanLII 11378, (ON S.C.); Benedetti c. North Park Electronics (1980) Ltd., [1997] O.J. No. 597.

10 . Uni-Select inc. c. Acktion Cor. [2002] CanLII 41226 (QC C.A.).

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[120] Dans le cas sous étude, ces dommages sont incertains et aléatoires, puisqu’ils sont fondés sur un scénario incertain qui laissait présumer du succès de l’opération de relance de l’usine et d’une production rentable.

[121] La réclamation découle donc de profits incertains, spéculatifs et aléatoires.

[122] Le tribunal rejette donc les prétentions d’appropriation illégale d’une occasion d’affaires basées sur un manque de loyauté. D’autre part, la reconnaissance de la propriété du procédé « PML 2000 » et le consentement à sa non-utilisation par les défendeurs permettent au demandeur de conserver la technologie et les secrets industriels qu’il a développés.

[123] POUR TOUS CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[124] ACCUEILLE la demande d’injonction permanente;

[125] ORDONNE aux défendeurs personnellement ou par personne interposée, directement ou indirectement de ne pas se servir des plans d’ingénierie et autres documents reliés au procédé de traitement des huiles usées, breveté au Maroc sous les no 23978 et no 26075, aux États-Unis sous le no US 7,208,079,B2, ainsi qu’une demande de brevet qui fait l’objet au Canada sous le no CA 2,100,302;

[126] INTERDIT aux défendeurs personnellement ou par personne interposée directement ou indirectement d’utiliser, vendre, commercialiser ou exploiter le procédé de traitement des huiles usées objet des brevets aux États-Unis et au Maroc et communément appelé « PML 2000 »;

[127] INTERDIT aux défendeurs Faucher et GRT-Technologie de régénération globale ltée/6118801 Canada ltée, pour une période de 5 ans d’avoir un lien direct ou indirect, soit comme employé, employeur, investisseur ou partenaire dans une activité en rapport avec l’industrie du traitement des huiles usées;

[128] AVEC DÉPENS contre tous les défendeurs;

[129] REJETTE la demande de dommages totalisant 6 340 000 $ (soit 5 340 000 $ plus le salaire) contre les défendeurs Faucher et GRT-Technologie de régénération globale ltée/6118801 Canada ltée;

[130] AVEC DÉPENS;

[131] REJETTE la demande contre le défendeur Serge Botella;

[132] SANS FRAIS;

[133] REJETTE la demande contre le défendeur, Donald Pépin, jusqu’à concurrence de 157 000 $;

[134] AVEC DÉPENS;

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__________________________________PIERRE JOURNET, J.C.S.

Me Olivier Chi NouakoProcureur du demandeur, monsieur Nouredine Fakhri

Me Jacques RenaudRenaud BrodeurProcureur du défendeur, monsieur Guy Faucher et de la partie défenderesse GRT- Technologie de régénération globale ltée/6118801 Canada ltée

Me Olivier LaurendeauLaurendeau HerbertProcureur du défendeur, monsieur Donald Pépin

Me Karl DelwaideFasken Martineau DuMoulinProcureur des parties intervenantes

Date d’audience :

le 18 octobre 2007