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Quentin Hakenewerth SM LE GRAIN DE BLÉ Une dynamique de croissance spirituelle d’inspiration marianiste Original américain : The Grain of Wheat Dynamics of Spiritual Growth NACMS – Dayton Ohio (USA) 1997 1

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Quentin Hakenewerth SM

LE GRAIN DE BLÉUne dynamique de croissance

spirituelled’inspiration marianiste

Original américain :The Grain of Wheat

Dynamics of Spiritual GrowthNACMS – Dayton Ohio (USA) 1997

Version française : Maison Chaminade – Bordeaux 2006

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Cette nouvelle version française du ‘Grain de blé’ est plus qu’une nouvelle traduction.Le P. Robert Alméras,sm, alors curé de Jauche (Belgique), a cheminé avec une équipe de laïcs en se servant d’une traduction déjà ancienne de cet ouvrage. Le désir s’est imposé à tous d’offrir à un plus large public ce guide de vie chrétienne, si dynamique. M. Guy Sougné, professeur d’anglais en Belgique, a proposé alors une nouvelle traduction, reprise à la Maison Chaminade, avec l’aide de Mme Elisabeth Longuepée, de Bordeaux. Pour faire passer l’enseignement du P. Quentin dans la vie, le P. Alméras a eu l’idée de prolonger chaque chapitre du ‘Grain de blé’ par des méditations bibliques et spirituelles, ainsi que par des grilles de relecture de vie. Ces éléments complémentaires, il les a empruntés au même auteur, dans d’autres ouvrages.

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Nous avons donc ici, en plus du ‘Grain de blé, en quelque sorte l’engrais qui le fait pousser !Merci donc au P. Alméras pour le fruit de ce travail d’équipe. Merci à Mme Astrid Paygnard, des CLM de Belgique, pour sa précieuse contribution comme secrétaire. Merci à toutes les personnes qui ont mis au point la nouvelle version française du ‘Grain de blé’.Connaître le Bienheureux Chaminade et son œuvre, c’est une chose ; pouvoir se nourrir de sa spiritualité, c’est tout aussi nécessaire. Puisse cet ouvrage répondre au souhait de ceux qui l’ont voulu et combler ceux qui l’attendaient !

R. Witwicki sm

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Préface à l’édition américaine

Le présent ouvrage a été publié pour la première fois en 1967 et ensuite plusieurs fois réimprimé, à la demande des lecteurs. Cela prouve que son contenu a été jugé valable et utile.

Ce petit livre s’inspire d’une méthode de croissance dans les vertus du Christ que le Bienheureux Guillaume-Joseph Chaminade a léguée à ses successeurs et disciples, les Marianistes. Les 18 chapitres qui suivent respectent les grandes étapes de la méthode du Père Chaminade. J’ai essayé de les présenter dans un style assez populaire, en soignant le choix des exemples, du vocabulaire, etc. Je ne cherche pas à attribuer tout cela au Père Chaminade. Je me suis efforcé, toutefois, de demeurer fidèle à son inspiration originelle.

Le Grain de Blé est destiné à toute personne qui souhaite croître en vertu et développer une personnalité capable de faire face aux défis que la vie nous oppose chaque jour. On part de réalités spirituelles que tout le monde connaît et on s’élève graduellement vers ce qui relève entièrement de la puissance de l’Esprit Saint. La gageure se révélera plus difficile à mesure qu’on s’approchera de la fin de l’ouvrage. Ceux qui auront persévéré sincèrement, avec une motivation profonde, se verront récompensés par les qualités nouvelles,

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par les vertus nouvelles, dont se sera enrichie leur personnalité.

Quentin Hakenewerth sm

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Nota :Dans la version française que vous tenez en

mains, ont été ajoutées aux chapitres du “Grain de blé” des méditations et aussi des questions pour aider la révision de vie personnelle qu’il est bon pour un chrétien de faire régulièrement. Les deux éléments proviennent d’un autre ouvrage du P. Quentin : “Revêtir le Christ”, lequel se voulait un outil complet pour “l’étudiant”. Pour rendre compte de ces deux sources, nous avons habituellement donné deux titres aux différents chapitres, inspirés des deux ouvrages de l’auteur.

La plupart des citations bibliques sont tirées de la Bible de Jérusalem.

On a inséré dans l’édition française du Grain de blé quelques lettres du Père Chaminade qui donnent des conseils de vie spirituelle en harmonie avec les thèmes de ce livre.

Robert Alméras sm

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INTRODUCTION

Refuser de mourir pour les autres entraîne une situation redoutable : la solitude.

Que nous nous laissions accaparer par le souci de notre propre bonheur et aussitôt nous nous condamnons à l’isolement. Tant que nous ne prenons pas le risque de perdre notre amour, nous ne le verrons jamais renaître en quelqu’un d’autre. Nous devons laisser périr à l’intérieur de nous-mêmes tout ce qui fait notre sécurité avant de pouvoir nous sentir en sécurité dans l’amour de quelqu’un d’autre. “Je vous le dis, si le grain de blé ne tombe en terre et ne meurt, il reste seul.” (Jn 12, 24).

Il y a tant de choses qui nous isolent les uns des autres et ces obstacles se trouvent tous à l’intérieur de nous-mêmes. Ce sont des choses auxquelles nous nous cramponnons parce qu’elles font si profondément partie de nous. Nous avons construit notre vie sur elles. Mais elle nous maintiennent à distance les uns des autres et aussi de Dieu : si nous voulons que l’amour remplisse notre vie, il faut qu’elles meurent.

La bonne nouvelle, c’est que de cette mort jaillit une abondante vie d’amour. La mort définitive du grain est source d’une riche moisson. Le grain qui doit mourir ce n’est pas notre amour même, mais ce sont les défenses et les protections que nous érigeons autour de notre amour. L’amour doit être offert aux autres s’il doit demeurer vivant en nous. Nos attitudes protectrices et défensives doivent mourir afin que notre amour puisse atteindre les autres. Le message rédempteur de l’Evangile nous rappelle

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que si le grain meurt “il porte beaucoup de fruit” (Jn 12, 24).

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Première partie

SE PRÉPARER À UNE VIE INTENSE LES VERTUS DE PRÉPARATION

1. LE SILENCE DE LA PAROLELes mots

Les mots ont un grand pouvoir, même les mots les plus ordinaires. Ils peuvent inspirer, encourager, soutenir. Certains mots ont le pouvoir de guérir ce qui est blessé, de réparer ce qui a été déchiré. Les mots que vous prononcez peuvent engendrer chez les autres de nouveaux espoirs et de nouvelles valeurs. Parfois, un mot de vous suffit pour faire naître chez un autre le désir de prendre un nouveau départ dans la vie. Ce que vous dites peut communiquer aux autres de la bonté et les enrichir, tout simplement parce qu’ils vous ont entendu.

C’est une expérience universelle : les mots peuvent faire tellement de bien ! Et pourtant, que de fois nous nous privons mutuellement de l’inspiration, de l’encouragement ou de l’enrichissement que nos paroles pouvaient apporter. Les mots peuvent être pleins ou vides, fenêtre ou mur. Ils sont comme des cosses de graines. Leur signification pour les autres dépend du grain que nous y avons enveloppé. Nous apprenons les mots comme on se procure des enveloppes toutes faites, mais le grain qu’elles renferment vient de notre propre “bonté”... ou de

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notre manque de “bonté”. Ce n’est pas l’enveloppe du mot qui fait la différence pour l’auditeur, mais la part de nous-mêmes qui, comme une graine, est enveloppée dans sa pellicule. Il est important, dès lors, que nous prenions conscience de ce que nos paroles communiquent vraiment aux autres. Il se peut que le grain contenu dans l’enveloppe doive mourir avant que nos paroles puissent transmettre aux autres quelque bon fruit. Les mots que nous utilisons peuvent être classés en trois catégories.a) Il y a d’abord les mots vides de sens. En les prononçant, nous ne heurtons personne et nous n’apportons pas non plus d’aide réelle à qui que ce soit. Car, en réalité, ce que nous offrons à l’autre, c’est l’enveloppe. Ce que nous disons ne nous engage pas. Nous ne sommes ni d’accord ni pas d’accord avec l’autre. Nous nous contentons d’évitons toute espèce de paroles significatives. Avant de nous engager, nous voulons être sûrs de la réaction ou des attentes de l’autre. Nous disons des choses creuses jusqu’à ce que nous sentions que nous pouvons, sans risque, présenter notre “moi” réel dans ce que nous communiquons à l’autre.

Il y a place pour le bavardage futile lorsqu’il s’agit simplement d’être agréable ou de faire passer le temps. Une légère ironie peut s’avérer utile pour détendre l’atmosphère ou pour combler un vide. Mais il devient criminel d’en rester à des paroles vides de sens lorsque l’interlocuteur est affamé du grain que pourraient renfermer ces gousses verbales. Parfois nous laissons l’autre

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souffrir de la faim des paroles significatives que nous aurions facilement pu lui offrir.

Beaucoup de nos paroles creuses pourraient devenir pleines de sens pour les autres si nous étions plus attentifs à eux. Des paroles creuses peuvent s’avérer cruelles tout simplement parce qu’elles imposent gentiment un régime de famine à la personne à qui nous parlons. Il n’est pas étonnant que Jésus ait condamné des propos aussi vides ! “Or, je vous le dis, de toute parole sans fondement que les hommes auront proférée, ils rendront compte au jour du Jugement. Car, c’est d’après tes paroles que tu seras justifié, et c’est d’après tes paroles que tu seras condamné.” (Mt 12, 36).b) La deuxième catégorie comprend les paroles d‘auto-protection, que nous disons pour nous défendre. Nous ne devrions pas être surpris d’entendre dire que nos propos sont souvent défensifs. L’instinct de protection est le plus fort et le plus profond en tout être vivant. Aucun d’entre nous ne désire demeurer sans défense. Nos yeux clignent automatiquement quand quelque chose fonce sur nous ; notre main se lève pour parer un coup inattendu ; nous reculons instinctivement devant quelque chose de brûlant : heureusement que nous avons ce genre de réactions !

La vie spirituelle est dotée d’un instinct comparable. Sans pour autant y substituer quelque chose de meilleur, nous résistons à toute expérience ou tout changement qui menacent de détruire quelque chose en nous. En fait, l’instinct de protection qui fonctionne dans notre vie

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psychique et dans notre vie spirituelle est beaucoup plus fort que celui qui agit pour notre vie physique. Notre bien-être physique n’est pas aussi intimement lié à notre identité que l’image que nous avons de nous-mêmes.

En appliquant le principe de l’instinct de conservation à notre vie intérieure, rappelons-nous que nous sommes, psychologiquement, ce que nous pensons être. Si, par exemple, je pense que je suis quelqu’un de laid, toutes mes expériences seront celles d’une personne laide, indépendamment de la beauté qui pourrait être la mienne, en réalité. Chaque fois que les autres me regarderont, je penserai qu’ils regardent quelqu’un de laid. S’ils me disent que je suis beau, je penserai qu’ils essaient de se montrer gentils, parce que l’image que j’ai de moi est celle d’une personne laide. Mon expérience est liée à l’image que j’ai de moi-même et non à celle de mon véritable moi. Si je pense que je suis estimé pour mon intelligence, je défendrai instinctivement cette image de moi-même. Si j’ai de mauvais résultats, je trouverai des excuses. Si j’arrive à 95 dans un test de Q.I., je déclarerai que je ne réussis jamais bien les tests, si bien que ces 95 ne correspondent pas à la vraie mesure de ce que je suis. Je ferai n’importe quoi plutôt que laisser détruire l’image que j’ai de moi-même, l’image d’une personne très intelligente. Je ne peux laisser mourir cette partie de mon ego tant que je ne suis pas convaincu qu’en mourant elle produira beaucoup de fruits.

L’instinct qui nous pousse à protéger l’image que nous avons de nous-mêmes est bien illustré

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par l’histoire de la souris et de l’éléphant. Un matin une souris se leva, s’étira au soleil et se mit à faire rouler ses muscles. Elle se sentit en pleine forme et prête à affronter cette nouvelle journée. Elle se dirigea vers un brin d’herbe, replia son bras droit et d’un mouvement puissant brisa le brin d’herbe en deux. Ensuite, après avoir respiré profondément, elle bomba le torse, plia son bras gauche et fit tomber à terre un autre grand brin d’herbe. Tandis qu’elle se prouvait ainsi sa force à elle-même, un éléphant vint à passer et vit ce qu’elle faisait. Pour la remettre à sa place, il entoura de sa trompe un arbre immense, le déracina, le lança en l’air et l’envoya à des dizaines de mètres de là. L’éléphant resta planté là, attendant le commentaire de la souris. Cette dernière ne pouvant nier la force impressionnante de l’éléphant s’écria sur un ton défensif : “Ouai ! mais j’ai été malade !”.

A cause de notre propension instinctive à protéger l’image que nous nous faisons de nous-mêmes, beaucoup de nos paroles sont défensives et nous ne nous en rendons pas compte. De telles paroles apportent aux autres peu de vérité ou de bonté, si elles ne sont pas purement inutiles. Elles protègent simplement le grain de blé – notre propre image - et refusent de le laisser mourir. Et le grain reste seul. Lorsque notre instinct de conservation agit, nos paroles deviennent facilement des paroles chargées de colère, de crainte, et remettent les autres à leur place, pour nous éviter à nous-mêmes d’être humiliés. Si nos propos veulent communiquer une véritable bonté

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aux autres, nous devons renoncer à chercher notre sécurité dans des paroles d’auto-défense. c) La troisième catégorie de mots est constituée de ceux qui communiquent vraiment. Ceux-ci vont plus loin que le désir de protection ou de défense de notre image personnelle. Ils transmettent une vérité ou quelque chose qui sert au bien des autres. Plus qu’une information ou une vérité, ils communiquent aussi quelque chose de notre propre état d’esprit ou de nos dispositions - notre intérêt, notre attention, notre compassion, notre souci du bien des autres, par exemple. De telles paroles élèvent les cœurs, inspirent, renouvellent, guérissent, encouragent. Saint Paul l’a parfaitement résumé : “De votre bouche ne doit sortir aucun mauvais propos, mais plutôt toute bonne parole capable d’édifier, quand il le faut, et de faire du bien à ceux qui l’entendent” (Ep 4, 29).

Pour bannir de nos propos les mots creux et défensifs, nous devons apprendre à écouter. Si écouter est un art difficile, il existe cependant une manière de vérifier si nous le pratiquons bien. Si nous sommes capables de répéter, à la satisfaction de l’autre, ce qu’il ou elle a dit, c’est signe que nous avons bien écouté. Si nous ne le pouvons pas, c’est que nous n’avons pas encore écouté. Lorsque nous écoutons vraiment, nous abandonnons provisoirement notre propre position pour nous mettre dans celle que tient l’autre. Parfois, nous sommes tellement accrochés à notre point de vue que nous n’entendons l’autre que par rapport à notre point de vue. Combien de fois prenons-nous même le temps de redire, de

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reformuler l’idée de l’autre – et qu’il nous approuve - avant d’exposer la nôtre ? Ne nous arrive-t-il pas plus souvent de dire à quelqu’un ce qu’il pense, plutôt que de le lui demander ? Le souci que nous avons de nous-mêmes se met si souvent en travers de notre écoute. Si nous prenions l’habitude de répéter ce que l’autre a exprimé, nous pourrions bien être surpris de nous entendre répondre, plus souvent que nous ne pensions : “Ce n’est pas exactement ce que je voulais dire.” Par cette méthode, nous apprenons peu à peu à écouter plus correctement.

Ecouter veut dire s’efforcer de comprendre les autres comme ils se comprennent eux-mêmes. Nous pouvons être en désaccord avec eux, mais nous devons les voir comme eux-mêmes se voient et alors notre désaccord pourra se révéler profitable. Nous devons être disposés à abandonner provisoirement notre propre position pour être pleinement attentifs aux autres. Nous devons mettre nos pieds dans les bottes des autres et prendre le risque de ne jamais pouvoir totalement nous en défaire pour revenir à notre propre position. Il se peut que l’image que nous avions de nous-mêmes avant d’écouter s’en trouve définitivement modifiée. Voilà pourquoi l’écoute peut être quelque chose de tellement menaçant - nous abandonnons, en effet, la sécurité que nous ressentions tant que nous étions accrochés à nos propres idées, à notre propre “moi”. Au moins pour un temps, nous faisons un avec la personne qui parle.

Ce n’est qu’après avoir écouté de cette façon que nous pouvons dire des paroles vraiment

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significatives pour une autre personne. Le drame de beaucoup de conversations c’est que nous nous parlons les uns aux autres tout en n’écoutant que nous-mêmes. Quand nous nous quittons, nous n’avons fait que nous protéger, mais nous espérons que les autres nous ont écouté et que par suite de ce que nous avons dit, ils ont changé. Or dans une conversation authentique, les deux interlocuteurs changent, parce qu’ils s’enrichissent mutuellement dans le terrain fertile du renoncement à l’auto-défense. Ecouter est un art. Nous devons apprendre à écouter correctement, quels que soient les mots utilisés par les autres. On pourrait paraphraser une chanson connue et dire : combien d’oreilles nous faut-il avant d’entendre le SOS de ceux qui nous accusent ? Qu’entendons-nous lorsque d’autres s’attaquent à notre réputation : les entendons-nous quand ils nous mettent en pièces et estimons-nous devoir riposter par des paroles de colère ? Les entendons-nous - parce que nous avons appris à écouter- nous exprimer leurs peurs et leur sentiment d’abandon ? Jusqu’à quel point les autres doivent-ils nous tromper avant que nous entendions au fond de leurs mauvais procès une question sur le sens de la bonté de Dieu ? Pouvons-nous entendre, à travers les critiques amères des autres, leur quête d’un respect qu’ils n’ont jamais connu ? Quand nous sommes avec des gens qui parlent de manière hautaine, devons-nous aussitôt nous protéger ou sommes-nous capables d’entendre les frustrations de ceux qui n’ont jamais connu l’humilité du Christ ? Quand d’autres vocifèrent contre nous, n’est-ce pas avec

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l’espoir inconscient que nous comprendrons leurs souffrances, sans les juger... et leur répondre ?

En termes qui révèlent plutôt qu’en mots qui protègent, ainsi parle Dieu. Dieu a prononcé une seule Parole divine et cette Parole exprimait Dieu entièrement. Pas de sons vides et dénués de sens, pas de propos défensifs. Simplement la communication totale de ce que Dieu est et cette parole fut éminemment fructueuse. “Au commencement le Verbe était... Tout fut par lui... De tout être il était la vie et la vie était la lumière des hommes” (Jn 1, 1-4). La parole de Dieu procure vie nouvelle et nouvelle espérance parce qu’elle est vraiment très chargée du moi divin, de son moi sans défense. La défense de Dieu réside dans la vraie bonté et dans la vérité qui sont communiquées par la Parole qu’Il prononce.

De la même manière, Dieu écoute. Cela précisément que nous craignons qu’il arrive si nous écoutons, cela est arrivé à Dieu. Dieu a écouté des pécheurs implorant sa bonté et Il s’est fait homme. L’homme n’avait pas imploré sa bonté avec beaucoup de mots. Mais Dieu savait écouter. Les hommes se battaient, volaient, perdaient courage et Le maudissaient, mais Lui a entendu le besoin de salut qui était sous-entendu. C’est ainsi que le Christ “s’anéantit lui-même, prenant condition d’esclave, et devenant semblable aux hommes” (Ph 2, 7). Il n’a pas estimé que sa divinité était quelque chose qu’il fallait protéger.

En apprenant à écouter à la manière de Dieu, nous parvenons à savoir exactement ce qu’il faut

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dire. Les bonnes paroles naissent d’une bonne écoute. Le grain qui meurt en écoutant donne naissance à des paroles pleines de bonté et de signification pour les autres.

MÉDITATIONS - 1

Première Méditation : Le côté négatif. Pour acquérir l’estime du silence, considérons tout le mal qu’on peut faire si on n’a pas cette vertu. L’Esprit Saint nous en informe dans l’Ecriture.a) “Celui qui parle trop se fait détester et celui qui prétend s’imposer suscite la haine” (Si 20,8). “Abondance de paroles ne va pas sans offense; qui retient ses lèvres est avisé !” (Pr 10,19). Considérons le tort que cause un bavardage excessif et comment il nous distrait de la pensée de la présence de Dieu, du Christ, dans notre vie.b) “Tout labeur donne du profit, le bavardage ne produit que disette” (Pr 14,23 ; cf. la fable : La cigale et la fourmi”...). Le vain bavardage est souvent la cause du vide intérieur, de l’ennui spirituel.c) “Si quelqu’un s’imagine être religieux sans mettre un frein à sa langue et trompe son propre cœur, sa religion est vaine” (Jc 1,26). Le manque de silence empêche une relation solide avec Dieu.

Seconde Méditation : Le côté positif. Il faut à présent considérer les avantages positifs du silence de la parole.

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a) “Qui veille sur sa bouche garde sa vie, qui ouvre ses lèvres se perd” (Pr 13,3). Par le silence, on acquiert la maîtrise de soi.b) “Si quelqu’un ne commet pas d’écart de paroles, c’est un homme parfait; il est capable de réfréner son corps” (Jc 3,2). Le silence favorise le développement de beaucoup de qualités en nous.

Troisième Méditation : Education spirituelle de notre langue. Nous voulons apprendre de l’ESPRIT SAINT comment nous servir de notre langue de façon profitable.a) “Sachez-le, mes frères bien-aimés : que chacun soit prompt à écouter, lent à parler, lent à la colère...” (Jc 1,19). On fait plus de bien en écoutant qu’en parlant.b) “Qui riposte avant d’écouter, c’est pour lui folie et confusion” (Pr 18,13). Les paroles bonnes naissent d’une écoute attentive.c) “Etablis, Yahvé, une garde à ma bouche, veille sur la porte de mes lèvres” (Ps 141,3). Si nous sommes attentifs à Dieu, sa sagesse peut gouverner notre langue.

Quatrième Méditation : L’Esprit nous apprend à parler à “l’homme nouveau” qui est en nous, chrétiens.a) “De votre bouche ne doit sortir aucun mauvais propos, mais plutôt toute bonne parole capable d’édifier, quand il le faut, et de faire du bien à ceux qui l’entendent” (Ep 4,29).

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b) “Les grossièretés, les inepties, les facéties : tout cela ne convient guère; faites entendre plutôt des actions de grâces” (Ep 5,4).c) “Frères, tout ce qu’il y a de vrai, de noble, de juste, de pur, d’aimable, d’honorable, tout ce qu’il peut y avoir de bon dans la vertu et la louange humaines, voilà ce qui doit vous préoccuper” (Ph 4,8). Si l’esprit et le cœur sont tournés vers Dieu, on aura un beau et noble langage.

Cinquième Méditation : Considérons l’exemple de Dieu, de Marie et des saints.a) “L’homme bon, de son trésor tire de bonnes choses et l’homme mauvais de son mauvais trésor en tire de mauvaises. Or, je vous le dis : de toute parole sans fondement que les hommes auront proférée, ils rendront compte au jour du Jugement. Car c’est d’après tes paroles que tu seras justifié et c’est d’après tes paroles que tu seras condamné” (Mt 12,36-37). La Parole de Création - le Verbe créateur - que Dieu a prononcée, il a attendu une éternité pour la prononcer. Cette Parole glorifie Dieu et elle fait le bonheur des hommes. La Parole qu’il a prononcée pour nous sauver - le Verbe Incarné pour le salut du monde - est également très importante pour nous. Dieu l’a prononcée après des milliers d’années de préparation et d’attente. La parole de la Bonne Nouvelle, Jésus a attendu trente ans pour la proclamer à la face du monde. Apprenons donc, nous aussi, à faire silence avant de parler. Nous pourrons alors dire des paroles vraiment sages et édifiantes.

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b) “Quant à Marie, elle conservait avec soin toutes ces choses, les méditant dans son cœur” (Lc 2,19). Méditons sur le silence de Marie pendant son enfance, au temple et à la maison, devant les bergers, les mages, Siméon..., durant toute sa vie.

QUESTIONS POUR RELIRE SA VIE

1. Quelle est mon attitude face au silence ? Est-ce que je sais maîtriser mon langage ? Est-ce que je m’applique à écouter Dieu dans un climat de silence ? Suis-je - au contraire - impatient de parler, incapable de supporter le silence ?

2. Est-ce que, dans mes conversations d’aujourd’hui, j’ai apporté à d’autres quelque chose d’utile : un ou plusieurs exemples précis...

3. En regardant ma journée, est-ce que je me rappelle des paroles inutiles ou blessantes ? Ai-je cherché à me protéger des autres ou à me glorifier devant les autres ? Qu’est-ce que ce genre de paroles révèle en moi ?

4. Ai-je gardé pour moi des paroles que j’aurais dû prononcer ? Pourquoi ai-je gardé le silence dans ces cas-là ?

5. Ai-je coupé la parole aux autres au lieu de les écouter ?

6. Est-ce qu’une parole de Dieu, aujourd’hui, m’a particulièrement marqué ?

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2. LE SILENCE DES SIGNESParler sans prononcer de parole

Il y a beaucoup de choses en nous que nous n’exprimons pas par des paroles et que nous communiquons pourtant aux autres. Nous émettons des signes subtils qui nous « trahissent». L'éclat de notre regard, l'expression de notre visage, notre façon de rougir, le port et les mouvements de notre tête… et mille autres petits gestes révèlent aux autres comment nous nous situons par rapport à eux et comment nous les percevons eux-mêmes. Il est beaucoup plus facile pour nous de nous abstenir de prononcer des paroles que de supprimer ces innombrables signaux qui nous trahissent. S'il est important d’être conscients de ce que nous disons en paroles, il est encore plus important de prendre conscience de ce que nous laissons s’exprimer par notre langage non-verbal.

Les signes et les gestes qui constituent notre langage non-verbal font voir à l’extérieur les attitudes qui se cachent au fond de nous. Si nous n’en avons pas une conscience claire, nous risquons d’être bien maladroits quand nous voudrons nous donner aux autres. Notre moi caché finit toujours par transparaître d'une manière ou d'une autre. Si nous n’avons pas confiance en quelqu’un, nous avons beau parler, il restera toujours un fossé entre cette personne et nous. Si nous pensons que quelqu'un est paresseux, si nous avons peur de lui ou si nous ne

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l'estimons pas beaucoup, nous émettrons par signes un message parallèle à notre discours et qui ne dira pas la même chose que ce dernier. Dans la mesure où, le plus souvent, les signes ne sont pas exprimés par une pensée ou une parole claires, la personne à qui nous nous adressons peut percevoir le double message et ne pas le saisir clairement. Une impression de non-authenticité persistera entre nous jusqu'à ce que nous prenions conscience de ce que nous avons, en fait, communiqué de façon non verbale.

Prenons un exemple pour illustrer notre propos. Une maman emmène sa fille acheter des vêtements. Au moment d'entrer dans le magasin, elle dit à sa fille qu'elle l’estime assez grande pour choisir ses vêtements elle-même, que c'est à elle de décider ce qu'elle va choisir. Elles ont à peine commencé à regarder les articles que la mère attire l’attention de sa fille sur telle robe, avec un sourire engageant. Sa fille répond : « je n'aime pas vraiment ce style », et sur le visage de la mère s’affiche un air de déception, bien qu’elle ajoute : « C'est ton choix, ma chérie ! ». Avant que sa fille ait eu l'occasion de montrer quelque chose qui lui plaise, la mère indique une autre robe, d’un geste de la tête. Elle se dépêche d'ajouter, sans plus sourire : « Bien sûr, si tu ne l'aimes pas, nous ne prenons pas cette jolie robe ! » Et ce petit jeu dure aussi longtemps que la séance des achats ; sans arrêt, la jeune fille reçoit un double message : tandis qu’elle est encouragée, en paroles, à choisir ce qu’elle veut,

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elle, le langage des signes, le non-verbal, l’incite à suivre les goûts de sa mère. Cette dernière n'accepte pas de laisser mourir le grain de son propre choix au profit de celui de sa fille, et cela se voit, elle ne peut pas le cacher. Laissez entendre à la mère qu'elle ne souhaite pas, en réalité, que sa fille choisisse elle-même ses vêtements, vous verrez qu’elle protestera et vous dira qu'elle a bien proposé à sa fille de décider. Aussi longtemps que durera ce langage double et contradictoire, il ne pourra y avoir de réelle complicité entre la mère et la fille.

Il a un type de silence, une discipline, que nous devons imposer à notre langage corporel, si nous voulons qu’il exprime notre moi réel et non une apparence extérieure et trompeuse de nous-mêmes

Les choses auraient été bien différentes si la mère avait dit : « Je me rends compte que tu es maintenant en âge de choisir tes vêtements et je souhaite que tu le fasses. J'ai mes idées sur ce qui te convient, et je t’en ferai part, mais j'ai vraiment envie que tu me dises ce que tu préfères. » La relation aurait été bien différente alors, car la mère n’aurait pas manifesté son attitude d’auto-défense pour sauvegarder, sans le dire, ses préférences personnelles. Il n'y aurait pas eu de signes défensifs tentant de protéger, sans le dire, les souhaits de la mère. Un double message cache généralement la défense de nos propres intérêts ou de notre image. « Si ma fille s'habille

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de cette façon, que va-ton penser de moi?»

Il y a là un conflit entre deux valeurs : d'une part, nos paroles défendent la valeur qui convient le mieux à l'autre personne, et, d'autre part, le langage de nos gestes et de nos attitudes prend parti pour la valeur à laquelle est attaché notre vrai moi. L’opposition entre ce que nous disons et ce que montre notre comportement nous prive de la sérénité intérieure et fait que les autres ne sont pas à l'aise avec nous. Un malaise subtil et dérangeant s'installe alors dans nos relations. Nous somme sur la défensive, malgré ce qu'expriment nos paroles, et cela pousse nos interlocuteurs à se mettre sur la défensive à leur tour et nous nous étonnons de ne pas pouvoir nous sentir plus proches des autres.

La solution, évidemment, c’est de cesser de protéger nos intérêts personnels. Si nous laissons ‘ce grain’ mourir, nos expressions non-verbales révéleront notre moi authentique. Notre présence deviendra simple et naturelle. Les autres n'auront plus à interpréter de doubles messages. Notre sérénité leur inspirera confiance car ils n'auront plus à se tenir sur la défensive. L’absence de barrière chez l’un rend les barrières inutiles aussi chez l’autre. Si une personne ne met pas de barrières, il devient inutile pour l'autre d'en élever.

Ce que nous venons de décrire ressemble beaucoup au message sincère et sans équivoque du Christ. Lui, il était tout simplement là, sans

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chercher à se protéger et sans menacer personne ; aucune attitude défensive ne contredisait ses paroles de paix. Les gestes et le langage corporel du Christ étaient en parfaite harmonie avec ses paroles.

L'harmonie intérieure entre ce que Jésus était et ce qu'il disait lui procurait paix intérieure et simplicité. Cette paix, il nous l’offre. Si nous laissons le grain du langage double mourir en nous et si nous acceptons d'être simples, les autres percevront que nous sommes vrais et qu'ils peuvent être en confiance avec nous. A leur tour, ils pourront éprouver le besoin salutaire de nous donner des réponses sincères. Nous suscitons l'honnêteté d'autrui par la simplicité de notre propre message. Nous finissons par comprendre combien est salutaire et vrai ce précepte de Jésus : « Que votre langage soit : Oui ? oui ! - Non ? non! : ce qu'on dit de plus vient du Malin » (Mt 5, 37).

MÉDITATIONS - 2

Première Méditation : La communication non-verbale en Dieu.a) Dans l’œuvre de Dieu, tout est accompli avec grande puissance mais en même temps avec douceur. Tout est ordonné, compté, pesé, mesuré, bien à sa place, sans désordre ni gaspillage. “Qui a mesuré dans le creux de sa main l’eau de la mer, évalué à l’empan les dimensions du ciel, jaugé au

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boisseau la poussière de la terre, pesé les montagnes à la balance et les collines sur des plateaux ?” (Is 40,12. Cf Ps 11). “Vous donc, vous serez parfaits comme votre Père céleste est parfait” (Mt 5,48).b) Imaginons la modestie de Jésus-Christ, son maintien, sa manière d’agir, de parler, de marcher, de manger, de dormir, de s’habiller, de parler à Dieu, de converser avec Marie, Joseph, ses apôtres, avec les femmes, les grands de ce monde, les petites gens, avec ses amis ou ses ennemis. Imaginons sa simplicité, son humilité, sa dignité, sa réserve, sa bonté, sa patience, sa charité. “Car c’est un exemple que je vous ai donné, pour que vous fassiez, vous aussi, comme moi j’ai fait pour vous” (Jn 13,15).

Seconde Méditation : Dieu vit en nous ; il faut que nous en ayons conscience et que cela se voie !a) Pensons à Marie, “pleine de grâce”, habitée par Dieu. Comment se comportait-elle à l’égard de Dieu, à l’égard de son fils Jésus, de Joseph son époux, de sa parenté, de ses compagnes, de ses maîtres, des prêtres, des disciples de Jésus ? “Que votre modération soit connue de tous les hommes” (Ph 4,5).b) Imaginons la conduite des Saints, eux qui prêchaient bien plus par leur comportement que par l’éloquence de beaux discours. Ils rayonnaient de la bonté de Jésus-Christ. “Ainsi votre lumière doit-elle briller devant les hommes afin qu’ils

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voient vos bonnes oeuvres et glorifient votre Père qui est dans les cieux” (Mt 5,16).

Troisième Méditation : Pourquoi faut-il pratiquer le silence des signes ?a) Nous sommes membres du Corps du Christ et Temple du Saint-Esprit. “Ne savez-vous pas que vos corps sont les membres du Christ ? Ne savez-vous pas que votre corps est un temple du Saint-Esprit ? ” (1 Co 6,15 et 19).b)”Car vous êtes tous fils de Dieu, par la foi, dans le Christ Jésus. Vous tous en effet, baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ” (Ga 3,26-27). Déjà les dispositions du Christ sont en nous et tendent à nous “revêtir” peu à peu tout entiers.c) Nous sommes appelés à devenir des modèles de bonté. “Vous êtes le sel de la terre. Mais si le sel vient à s’affadir, avec quoi le salera-t-on ?... Vous êtes la lumière du monde... Votre lumière doit briller devant les hommes afin qu’ils voient vos bonnes oeuvres et glorifient votre Père qui est dans les cieux” (Mt 5,13 et 16).

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QUESTIONS POUR RELIRE SA VIE

1. Par quels signes est-ce que j’attire l’attention des autres sur moi ?

2. Comment est-ce que je manifeste mon mécontentement, mon désaccord ?

3. Est-ce que je sais manifester clairement et avec simplicité mes besoins ?

4. De quelles expressions non verbales ai-je pris conscience ces jours-ci ? Que m’apprennent-elles de moi-même ?

5. A ma façon de vivre, les autres perçoivent-ils mon appartenance au Christ ?

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Bordeaux, 8 avril 1826Lette à Melle de Trenquelléon, Agen.

Les propos du monde fussent-ils cent fois plus fâcheux, nous ne devons pas nous en inquiéter, pourvu que nous n'y ayons pas donné cause par notre faute. Ce n'est pas le vent des propos qui doit vous faire changer de conduite ; ce n'est pas sur les propos d'autrui que nous serons jugés devant Dieu ; ce n'est pas la calomnie des hommes qui doit arrêter nos désirs et notre tendance vers la gloire de Dieu et de sa sainte religion. ~ Vous faites bien de désirer que tout le mal cesse dans le monde ; que Dieu, ce Dieu si bon, règne sur la terre comme dans le ciel ; qu'il soit glorifié par tous les hommes, en tout et partout, sans mesure et sans fin. … Mais est-il en notre pouvoir de faire que tout le monde pense bien, et que le règne de Dieu arrive en effet sur la terre ? ~ Il faut prier du fond du cœur pour ceux qui nous blâment : c'est la seule règle de conduite que j'aie à vous donner à l'égard des mauvais propos auxquels nous n'avons pas donné cause par notre faute. Mais d'autre part, il ne suffirait pas de prier pour ceux qui nous blâment lorsque dans le fait nous sommes blâmables. ~ L'inquiétude, le remords sont des grâces dans l'âme qui a péché. ~ En ce cas, il ne faut pas mépriser les propos du monde : il faut les écouter ; il faut réparer le mal, ou le rendre moindre, selon son pouvoir.

Guillaume-Joseph Chaminade

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3. LE SILENCE DE L’ESPRITFaire du monde une partie de nous-mêmes

A partir du moment où les mots que nous disons et les gestes que nous faisons deviennent moins défensifs, nous sommes prêts à plonger plus profondément en nous-mêmes et à en faire jaillir une nouvelle vie. Une fois disciplinés ces deux modes d’expression- la parole et les gestes -, nous sommes prêts pour l’étape suivante : porter notre attention sur notre esprit.

L’esprit attire le monde à nous et en fait une partie de nous-mêmes. Toutes ces choses qui sont loin de nous peuvent devenir une part de nous-mêmes quand elles sont introduites dans notre esprit. Du point de vue existentiel, notre esprit est ce qu'il connaît. En pratique, il devient le monde qu'il appréhende. Si nous ignorons tout de lui, le monde n'existe pas pour nous. Si nous ne connaissons pas certaines personnes, celles-ci ne signifient rien pour nous. Notre monde, c’est le monde tel que nous le connaissons.

Nous nous comportons tous en fonction du monde que nous connaissons. Nous agissons et réagissons par rapport à la perception que nous en avons. Nous ne pouvons pas faire autrement. Aussi bizarre que puisse paraître notre conduite à un étranger, elle a un sens pour nous, par rapport à la compréhension que nous avons de la réalité. Nous nous fabriquons tous une image des gens et des choses qui a du sens pour nous.

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Peu d'entre nous voient les gens et les événements exactement de la même manière. Cela s’explique d’abord par la limite physique qui détermine ce que nous sommes capables de saisir à un moment donné.

C'est pourquoi nous ne voyons qu'une partie d'une réalité donnée. Par exemple, combien de joueurs pouvez-vous suivre dans d'un match de foot ? Vous sélectionnez ce que vous désirez voir et ainsi vous verrez, personnellement, un match quelque peu différent de celui que voient les autres autour de vous ; et pourtant c’est le même match.

Le champ de nos connaissances est déterminé à la fois par nos expériences passées, par notre intérêt actuel, par notre échelle de valeurs et par bien d'autres choses. Un mari peut voir dans une nouvelle voiture un moyen commode pour se rendre à son travail, alors que sa femme, de son côté, la considérera comme un moyen permettant à toute la famille d'aller passer le week-end ensemble à la campagne ; pour leur fils adolescent, ce sera peut-être l’occasion de faire grandir son prestige auprès de ses copains et le petit dernier la haïra comme un monstre qui, chaque matin, emporte ses parents loin de lui. N’oublions pas le voisin : lui, il estime que cette voiture menace son statut social ; quant au vendeur, il y voit une source de profit. Et tous regardent le même objet ! Ce simple exemple

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montre combien notre perception du monde est limitée et sélective.

Parce que notre esprit est sélectif, il a tendance à faire coïncider ce que nous savons avec ce que nous ressentons ou ce que nous voulons. Si, par exemple, nous souhaitons que telles personnes nous aiment, nous interprèterons une bonne partie de leurs actions comme des signes d’approbation et d’affection de leur part. D'autres, moins avides d’amitié, ne verront pas les choses de la même façon. Enfin, si nous avons peur que les autres ne nous aiment pas, nous percevrons une bonne partie de leurs actions comme des menaces pour nous, à tort ou à raison. En d'autres termes, nous adaptons notre connaissance des gens et des événements à nos besoins et à nos sentiments.

Des expériences comme celle que nous allons décrite sont courantes en psychologie. Un film est projeté devant un groupe de spectateurs. La moitié d’entre eux sont assis dans des fauteuils munis de fils électriques permettant d'envoyer de légères décharges. Les spectateurs qui reçoivent ces chocs électriques ont tendance à voir les personnages du film comme plus effrayants que ne les perçoivent les autres, assis dans des fauteuils confortables. Les spectateurs voient les choses différemment en fonction de ce qu’ils éprouvent durant la projection.

Nous souhaitons tous nous affranchir de ce 33

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besoin de déformer la réalité – ne fût-ce qu’un peu - pour pouvoir vivre avec. Un certain silence, une certaine tranquillité d'esprit nous sont nécessaires pour connaître les gens et observer les événements tels qu'ils sont réellement et non tels que nous avons envie de les voir. Tâchons donc de neutraliser ce qui déforme notre perception de la réalité.

Le Christ nous a indiqué par où commencer. Il nous a dit de ne pas nous juger les uns les autres. "Ne jugez pas, pour ne pas être jugés; car, du jugement dont vous jugez on vous jugera et de la mesure dont vous mesurez on usera pour vous. Qu'as-tu à regarder la paille qui est dans l'œil de ton frère ? Et la poutre qui est dans ton oeil à toi, tu ne la remarques pas ! Ou bien comment vas-tu dire à ton frère : Attends, que j'enlève la paille de ton œil, alors qu'il y a une poutre dans le tien ? Hypocrite, enlève d'abord la poutre de ton œil et alors tu verras clair pour enlever la paille de l'œil de ton frère" (Mt7,1-5).

En jugeant les autres, nous décidons nous-mêmes de ce qu'ils sont, plutôt que de les laisser se révéler à nous. Nous prétendons connaître leurs motivations, leurs intentions, et mesurer leur responsabilité. (Une fois encore, nous n'avons pas écouté !). En pensée, nous les voyons en fonction de nos propres besoins et de nos désirs. Mais Notre Seigneur nous dit de ne pas juger ainsi. Il nous dit de faire taire cette déformation sélective et de laisser les autres entrer dans notre

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vie tels qu'ils sont réellement. C'est seulement en agissant de la sorte que nous pourrons arriver peu à peu à aimer les autres comme nous-mêmes.

Voilà donc un autre grain qui doit tomber en terre et mourir. En abandonnant notre habitude de juger les autres, nous perdons toutes nos excuses de les traiter méchamment. Il n'y a plus, en nous, aucune raison de ne pas les aimer. Nous renonçons à notre droit de les maintenir hors de notre existence. Nous allons jusqu'à perdre le droit de haïr nos ennemis. Si nous renonçons à juger, nous arrivons à voir dans nos ennemis des personnes dans le besoin, des personnes qui vont nous défier parce qu'elles n'ont jamais rencontré des gens qui leur offrent d'entrer en relation avec elles sans être jugées. En prenant ce risque, nous pouvons commencer à voir les autres sans déformer leur image, à les voir comme Dieu les voit.

En déformant la réalité nous nous protégeons. Mais personne ne souhaite, consciemment, voir les choses de manière déformée. C'est pourquoi, nous devons travailler la part de notre esprit qui est constituée par ces grains inconscients de déformation préventive, afin de voir la réalité telle qu'elle est. Cela nous donne la liberté de nous concentrer sur ce qui compte vraiment. Nous commençons à bien mieux comprendre les gens et, comme saint Paul, à discerner la sagesse de Dieu, laquelle, jusqu'alors, nous apparaissait comme de la folie. L'esprit discipliné perçoit la

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sagesse de Dieu dans ce monde et cela d'une manière tout à fait nouvelle.

"Puisque en effet le monde, par le moyen de la sagesse, n'a pas reconnu Dieu dans la sagesse de Dieu, c'est par la folie du message qu'il a plu à Dieu de sauver les croyants. Oui, tandis que les Juifs demandent des signes et que les Grecs sont en quête de sagesse, nous prêchons, nous, un Christ crucifié, scandale pour les Juifs et folie pour les païens, mais pour ceux qui sont appelés, Juifs comme Grecs, c'est le Christ, puissance de Dieu et sagesse de Dieu. Car ce qui est folie de Dieu est plus sage que les hommes et ce qui est faiblesse de Dieu est plus fort que les hommes." (1 Co 1,21-25).

MÉDITATIONS - 3

Première Méditation : L’esprit indiscipliné s’écarte de la sagesse divine et se laisse troubler.a) ”Les pensées tortueuses éloignent de Dieu et, mise à l’épreuve, la puissance confond les insensés” (Pr 1,3).b) “Ils connaissent Dieu et pourtant ils ne lui ont pas rendu, comme à un Dieu, gloire ou action de grâces, mais ils ont perdu le sens dans leurs raisonnements et leur cœur inintelligent s’est enténébré... Et comme ils n’ont pas jugé bon de garder la vraie connaissance de Dieu, Dieu les a livrés à leur esprit sans jugement, pour faire ce qui ne convient pas” (Rm 1,21 et 28).

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Seconde Méditation : Nous avons besoin d’un esprit sain pour acquérir la mentalité du Christ.a) “La lampe du corps, c’est l’œil. Si donc ton œil est sain, ton corps tout entier sera lumineux” (Mt 6,22).b) “Il vous faut abandonner votre premier genre de vie et dépouiller le vieil homme qui va se corrompant au fil des convoitises décevantes, pour vous renouveler par une transformation spirituelle de votre jugement et revêtir l’Homme Nouveau qui a été créé selon Dieu, dans la justice et la sainteté de la vérité” (Ep 4,22-24).c) “Ayez entre vous les mêmes sentiments qui sont dans le Christ Jésus” (Ph 2,5).

Troisième Méditation : Dieu désire donner à notre esprit sagesse et vérité.a) “Ce qu’il y a d’invisible depuis la création du monde se laisse voir à l’intelligence à travers les oeuvres de Dieu, son éternelle puissance et sa divinité” (Rm 1,20).b) “Mais le Paraclet, l’Esprit Saint, que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout et vous rappellera tout ce que je vous ai dit” (Jn 14,26).

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QUESTIONS POUR RELIRE SA VIE

1. Quelles sont les lectures, les spectacles, les réflexions, les discussions qui m’ont aidé ces derniers temps à entrer dans l’esprit du Christ ?2. Où en suis-je de ma liberté et de ma disponibilité pour pouvoir saisir la sagesse et la vérité de Dieu et du monde ?3. Sensualité, curiosité malsaine ou vanité tiennent-elle de la place dans ma vie ?4. Quelles sont les affections ou les relations qui polarisent le plus mon attention ? Comment me permettent-elles de grandir ou de m’approfondir ?5. Dans ma relation à Jésus et à son évangile, quelle est l’orientation, la parole que je pourrais privilégier ce mois-ci ?6. Comment est-ce que je suis attentif à la parole de Dieu dans la prière ? Est-ce que je peux décrire certains résultats de cette écoute dans ma propre vie ?

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Bordeaux, 13 septembre 1837A M. Claude Mouchet, Saint-Remy.

Vous savez l'intérêt que je mets à vous voir avancer dans les belles voies de la vertu, et la part que je prends aux chutes que vous pourriez y faire. Vous avez raison, mon cher Fils, d'attribuer le grand nombre de fautes que vous faites à votre manque de vigilance et à votre négligence ; vous pourriez ajouter à votre défaut de prière, d'après le conseil du Seigneur : "Veillez et priez !" Cette vigilance sur vous-même consiste pour vous, mon cher Fils, à marcher ou vous tenir en la présence de Dieu, ou encore à vous tenir uni à Notre Seigneur Jésus-Christ et à la sainte Vierge. Que de force vous aurez dans cette union ! Que de lumières aussi pour voir vos défauts ! Je pourrais aussi ajouter, quels sentiments profonds d'humilité, de mépris de vous-même, etc. !

Recevez, mon cher Fils, mes tendres embrassements.

Guillaume-Joseph Chaminade

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4. LE SILENCE DE L'IMAGINATIONConstruire un monde qui m’épanouisse

Nous avons, en nous, un énorme pouvoir d'enrichir notre vie : notre imagination. Elle peut saisir le monde tel qu'il est et aussi le voir tel qu'il pourrait être. Elle est capable de créer du virtuel et de nous l’offrir. Elle peut, mentalement au moins, modifier certaines situations et les adapter à nos goûts. Souvent les enfants font semblant, pour faire en imagination des expériences qu'ils voient que les adultes connaissent dans la réalité. Les enfants savent pourtant qu'ils font semblant et ça leur fait du bien. Nous, les adultes, nous pouvons penser les choses comme nous voudrions qu'elles soient et trouver là un stimulant pour les réaliser, et cela nous est bénéfique.

Notre imagination nous permet d'être créatifs et d’introduire du neuf dans notre univers. Nous savons bien qu'il ne s'agit que d'imaginaire et néanmoins, cela nous procure un sentiment de fraîcheur et de nouveauté. Cela nous entraîne au delà de la réalité présente et nous fait voir ce qui pourrait être.

Puisque notre imagination peut être tellement enrichissante, il serait trop dommage qu’elle devienne défensive et destructrice. Elle peut aussi servir à satisfaire des besoins égoïstes plutôt qu'à tirer de nous une force créatrice. Nous pouvons, inconsciemment, remplacer une réalité pénible, menaçante ou désagréable par un fantasme.

Bien souvent l’envie nous prend de substituer l’illusion à la réalité. Nous pouvons, en

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imagination, satisfaire certains désirs sans devoir en assumer la responsabilité. En imagination, nous pouvons éprouver le plaisir de certaines expériences sans avoir à faire face aux obligations que, dans la vie réelle, ces expériences impliqueraient.

Jésus a dit que quiconque regarde une femme pour la désirer a déjà, dans son cœur, commis l'adultère avec elle (Mt 5,28). Un tel homme a simplement ressenti du plaisir tout en évitant ses conséquences et ses responsabilités. Ce genre de fantasme nous donne l'illusion d'affronter la réalité, en même temps qu'il protège notre égoïsme et nous offre une échappatoire aux responsabilités qu’entraîne cette même réalité.

Notre imagination travaille à nous faire sentir que nous sommes "bons" de deux manières caractéristiques. Parfois une imagination auto-protectrice nous met dans la peau d'un "héros conquérant". Dans ce rôle, nous enchaînons les bonnes affaires, nous tapons cent fois dans le mille, nous nous couvrons d’éloges pour notre travail. Nous éprouvons la satisfaction éphémère d'une belle réalisation sans devoir en supporter les conséquences réelles. En tant que "héros conquérant", nous nous voyons surpasser notre chef ou dénoncer l'erreur commise par notre rival ou encore remettre courageusement à sa place quelqu'un que nous n'aimons pas. Nous pouvons ainsi assouvir notre hostilité sans la voir défiée dans la réalité.

Un autre rôle que notre imagination peut nous faire jouer est celui du "héros souffrant". Dans ce

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cas, nous nous voyons porter plus que notre part des fardeaux de la vie. C’est nous qui faisons le plus gros du travail ; nous sommes accablés de soucis pendant que les autres s'amusent. Nous pensons être mal compris ou nous estimons que nos efforts ne sont pas reconnus. Il se trouve toujours quelqu'un pour nous rabrouer, mais, saint comme nous sommes, nous supportons l'injustice. Ce rôle nous permet de nous accommoder d’une certaine infériorité, sans devoir l'assumer dans la réalité. Il serait beaucoup plus sain de regarder nos limites en face, mais une imagination incontrôlée nous en empêche.

Il y a une grande différence entre l'imagination créative et un fantasme névrotique. L'imagination créatrice est reconnue comme de l'imagination. Nous savons qu'avec elle nous ne sommes pas dans la réalité et nous en tenons compte. Nous assumons nos responsabilités dans la vie réelle. Par contre, un fantasme névrotique transfère ses constructions imaginaires dans la réalité en les tenant pour vraies ; il refuse d'admettre que ces constructions ne sont pas la réalité.

Pour faire en sorte que notre imagination serve à enrichir la réalité plutôt qu'à se substituer à elle, nous devons reconnaître le fantasme pour ce qu'il est. Nous devons discipliner notre imagination de telle sorte que la réalité puisse nous interpeller et nous montrer le monde comme il est. Elle peut alors nous servir à rendre le monde meilleur.

Il existe une forme de prière dans laquelle l'imagination peut tenir un rôle positif et nous aider, dans notre vie spirituelle, à faire face à la

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réalité. La prière est un temps pendant lequel nous pouvons adopter certaines dispositions et attitudes du Christ. Prenons, par exemple, l'amour tel que l'a décrit Jésus. "...quelqu'un te donne-t-il un soufflet sur la joue droite, tends-lui encore l'autre, veut-il te faire un procès et prendre ta tunique, laisse-lui même ton manteau; te requiert-il pour une course d'un mille, fais-en deux avec lui. A qui te demande, donne; à qui veut t'emprunter, ne tourne pas le dos." (Mt 5,39-42).

Avant d'arriver à faire cela dans la réalité, nous devons déjà être capables de le faire en imagination. Pensez à des personnes que vous n'aimez pas; relevez ce que vous n'aimez pas en elles. Ensuite, en imagination, opérez les changements de dispositions et de sentiments nécessaires, jusqu'à arriver à les aimer. Si vous agissez ainsi, en présence du Christ et en imagination, vous parviendrez à ressentir, dans la réalité, ce que le Christ ressent pour ces personnes.

Nous servir de notre imagination de cette manière ne change rien à la réalité, pas plus que cela ne change le sentiment des autres à notre égard. Mais cela nous change nous : cela change notre attitude à la fois devant la réalité et devant les autres. C'est cela, la bonté ! En opérant un tel changement, nous écartons un obstacle de plus dans notre relation aux autres. Un grain de plus meurt ainsi et fait naître l’amour qui caractérise les disciples du Christ.

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MÉDITATIONS - 4

Première Méditation : Prenons pour modèle Dieu le Père.a) Dieu regarde son Fils. Il voit en lui tout ce qui est bien. Le Fils est l’expression parfaite du Père, il est son Verbe. Il est l’archétype du monde créé par Dieu, “premier-né de toutes les créatures”. En son Fils, le Père contemple, comme en un miroir parfait, l’image de son être et de sa perfection. Il voit en lui le monde réel et tous les mondes qui pourraient être, car il est une source de création illimitée. Le Père aime cette image divine de la bonté infinie.b) “Oui, au sanctuaire je t’ai contemplé, voyant la puissance et la gloire” (Ps 63,3).c) “Dieu Sabaot, fais-nous revenir, fais luire ta face et nous serons sauvés” (Ps 80,8).

Seconde Méditation : Appliquons notre imagination à contempler le Christ.a) En lui nous voyons la parfaite image du Père. “Qui m’a vu a vu le Père” (Jn 14,9).b) “Qu’ils parviennent au plein épanouissement de l’intelligence qui leur fera pénétrer le mystère de Dieu, dans lequel se trouvent cachés tous les trésors de la sagesse et de la connaissance” (Col 2,2-3).

Troisième Méditation : Nous sommes appelés à être des images du Christ.

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a) “Dieu dit : Faisons l’homme à notre image, comme notre ressemblance” (Gn 1,26).b) “Car ceux que d’avance il a discernés, il les a aussi prédestinés à reproduire l’image de son Fils, afin qu’il soit l’aîné d’une multitude de frères” (Rm 8,29).

QUESTIONS POUR RELIRE SA VIE

1. Comment puis-je orienter mon imagination dans un sens créatif ? Est-ce que certaines imaginations m’entraînent dans un sens contraire à celui du Christ ?2. Est-ce qu’il m’arrive d’utiliser mon imagination pour mieux pénétrer le vécu de Marie et de Jésus ?

3. Qu’est-ce qui se passe en moi lorsque je me vois comme le héros de situations imaginaires, où je me persuade que j’ai raison, où je me venge, où je réalise de grands exploits ?

4. Il m’arrive d’être incompris, persécuté, traité injustement ; Jésus, lui aussi, a été incompris, persécuté, traité injustement. Est-ce que je cherche alors à projeter les dispositions de Jésus sur la situation que je suis en train de vivre ?

5. Quelle est la place de l’imagination créatrice dans ma vie de prière ?

6. Quelle est la place de l’imagination créatrice dans ma vie de relation ?

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5. LE SILENCE DES PASSIONSNotre réponse au monde

Lorsque notre esprit nous représente le monde, enrichi ou déformé par notre imagination, nous l'évaluons automatiquement en fonction de ce qu'il signifie pour nous.

Tel événement exalte-t-il notre personne ? représente-t-il une valeur positive pour nous ? nous menace-t-il d'une privation ? Nous apporte-t-il du plaisir ou nous cause-t-il de la peine ? Cette évaluation n'est le plus souvent pas consciente ; elle est cependant continue, semblable aux battements de notre cœur. C'est en fonction de notre perception inconsciente du monde que nous réagissons. Nous sommes fâchés, joyeux, jaloux, reconnaissants. Mais nous ne choisissons pas de ressentir les choses ainsi : nous réagissons simplement à un niveau émotionnel.

Nos réactions découlent pour une large part de notre façon d'écouter, de nos attitudes et de la part que prend notre imagination dans ce que nous savons.

Toutes nos émotions sont des manières de réagir à ce qu’il nous est demandé de vivre, tantôt pour nous protéger, tantôt pour nous grandir. Nous ne pouvons pas nous mettre en colère contre quelqu'un qui nous met en valeur ; nous ne pouvons pas nous réjouir en face de quelqu'un qui nous menace. Nos réactions venant du subconscient, nous ne pouvons pas exercer de contrôle direct sur nos émotions.

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Consciemment, nous souhaitons peut-être aimer quelqu'un, mais, inconsciemment, nous voyons dans cette personne une menace et nous avons un mouvement de recul devant elle, malgré notre bonne volonté. Nous sommes incapables de duper nos émotions. Nous découvrons parfois en nous de la sympathie pour une personne qui fait le mal et blesse les gens. Consciemment, nous admettons que cette personne se conduit mal, mais inconsciemment, étant donné que, d’une certaine manière, elle nous met en valeur, nous éprouvons pour elle de la sympathie. Nos sentiments, nos émotions, sont plus vrais que nous n'aimons à le reconnaître.

Il existe théoriquement un état dans lequel les émotions n’ont besoin d’être ni défensives ni auto-protectrices. Dans cet état d'innocence originelle, les gens trouvaient en Dieu toute la bonté de leur moi. Le centre de leur qualité positive se situait dans un autre, si bien que leurs sentiments n'avaient pas besoin de les protéger eux-mêmes. Par contre, dans notre état actuel, nous sommes centrés sur nous-mêmes et nous nous considérons comme la source et le centre du bien qui est en nous. Lorsque nous estimons que notre "moi" est menacé, nos sentiments nous poussent à le protéger et à le défendre. A partir du moment où ces émotions deviennent hyper-protectrices, elles entravent notre croissance et nous amènent à nous replier sur nous-mêmes.

Voilà encore un grain qui restera seul, à moins qu'il ne meure et ne laisse place à des sentiments plus altruistes. Certains sentiments sont presque toujours défensifs et entravent la croissance. La

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colère, par exemple, est une réaction intérieure qui vise à mettre fin à une situation menaçante ou douloureuse. Face à une situation donnée, la colère veut dominer, faire peur, blesser, briser. Elle est à l'opposé de l'amour. Celui-ci, par contre, tend à écarter la menace en embrassant la situation et en lui apportant la bonté ; la colère cherche à écarter le danger par la destruction, en vue de la protection du moi.

L'hostilité est une réaction émotive de défense. Elle consiste en un désir subtil de punir l'autre. Nous estimons que cet autre doit payer, d’une façon ou d'une autre, et, dans notre hostilité, nous cherchons le moyen de l’y forcer. L'hostilité se dissimule généralement mieux que la colère.

Un gamin, par exemple, peut très bien détester faire des gammes au piano, que son père veut lui faire apprendre à jouer ; mais il ne voit pas pourquoi son père se fâche pour cela. Sa révolte profonde lui fera trouver des moyens subtils pour punir son père. Il jouera juste un peu trop fort, juste au moment où son père veut téléphoner ou de manière à décevoir ce dernier. Il fait exactement ce que son père exige mais en même temps, il le lui fait payer. Ces petites choses qui suffisent à contrarier l'autre mais pas assez pour lui faire croire que nous sommes en colère sont des expressions parfaites d'hostilité. L'hostilité ne nous pousse pas à changer une situation donnée mais elle vise simplement à faire payer quelqu'un.

Rejeter l’autre jusqu'à ce qu'il change c’est aussi une manière de nous protéger et mettre à l’abri. Si on était mu par l’amour, on chercherait à

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aider l’autre à changer en l'amenant dans une atmosphère d’acceptation. Notre jalousie empêche le succès de l'autre jusqu'à ce que ce succès devienne d’une certaine manière le nôtre. La dépression, le désespoir, des sentiments d'infériorité et mille autres sentiments enrayent en nous la croissance de la bonté et de l'amour et ne font que protéger notre moi isolé.

Notre but est de mettre les sentiments de Jésus à la place de nos sentiments défensifs pour arriver ainsi à grandir jusqu’à la maturité du Christ. Faire taire ses émotions ne signifie pas simplement contrôler leur expression. Le contrôle tout seul ne change rien en nous. Ce que nous cherchons, c’est à transformer le sentiment négatif en quelque chose d'enrichissant et de constructif. La colère, par exemple, peut être transformée en pardon. Ces deux sentiments ne peuvent exister simultanément parce qu'ils constituent des manières opposées de voir une personne. La colère exige que l’autre, d’une certaine manière, soit puni et paye ! Le pardon, par contre, n'exige rien de tel ; il offre plutôt quelque chose avant même que l'autre ne le mérite. C'est l'attitude de Jésus. "La preuve que Dieu nous aime c'est que le Christ, alors que nous étions encore pécheurs, est mort pour nous" (Rom. 5,8). La colère trouve toujours moyen de se justifier. Le pardon nous incite à nous donner à l'autre au moment même où il ne mérite pas encore ce don. Un tel acte de pardon transforme la colère en amour.

Les sentiments constituent le moteur de notre comportement. Ils correspondent normalement à

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la vérité, à la grandeur, à la beauté, à la liberté et à toutes ces réalités qui introduisent de la bonté dans nos vies. Nous sommes créés pour découvrir un Dieu d’une grandeur incommensurable, d’une richesse sans prix, d’une beauté sans égale. Nos sentiments sont faits pour que nous ressentions la soumission à Dieu comme une vraie liberté, pour nous aider à faire prévaloir le spirituel sur le désir des choses matérielles, pour connaître un bonheur sans fin. Nos émotions sont faites pour nous faire voir notre prochain comme méritant pardon, comme appelant notre bienveillance, notre compréhension et notre encouragement. Si elles nous font passer à côté de tout cela, elles nous volent les plus beaux présents de la vie. Notre objectif, dans la vie spirituelle, est de développer nos sentiments de telle sorte qu’ils soient en consonance avec le Sermon sur la Montagne. Le message que le Christ nous a laissé dans ce sermon peut nous indiquer comment faire grandir en Lui notre vie émotionnelle.

MÉDITATIONS - 5

Première Méditation : Les passions désordonnées, source de maux.a) “Du cœur procèdent mauvais desseins, meurtres, adultères, débauches, vols, faux témoignages, diffamations. Voilà les choses qui souillent l’homme” (Mt 15,19-20).b) “D’où viennent les guerres, d’où viennent les batailles parmi vous ? N’est-ce pas précisément de vos passions, qui combattent dans vos membres ?

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Vous convoitez et ne possédez pas ? Alors vous tuez. Vous êtes jaloux et ne pouvez obtenir ? Alors vous bataillez et vous faites la guerre” (Jc 4,1-2).c) “Quiconque regarde une femme pour la désirer a déjà commis, dans son cœur, l’adultère avec elle” (Mt 5,28).

Seconde Méditation : Sans discipliner nos passions, nous ne pouvons pas demeurer en communion avec Dieu.a) “Ceux qui appartiennent au Christ Jésus ont crucifié la chair avec ses passions et ses convoitises”. (Ga 5,24).

b) “N’aimez ni le monde ni ce qui est dans le monde. Si quelqu’un aime le monde, l’amour du Père n’est pas en lui. Car tout ce qui est dans le monde - la convoitise de la chair, la convoitise des yeux et l’orgueil de la richesse - vient non pas du Père mais du monde” (1 Jn 2,15-16).

Troisième Méditation : Nous devons apprendre à nous passionner pour Dieu et pour tout ce qui est bien.a) “Jésus dit au Pharisien : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit : voilà le plus grand et le premier commandement. Le second lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même.” (Mt 22,37-39).b) “Heureux les cœurs purs, car il verront Dieu” (Mt 5,8).

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c) “Celui qui aime les cœurs purs, qui a la grâce sur les lèvres, a le roi pour ami” (Pr 22,11).

QUESTIONS POUR RELIRE SA VIE

1. Suis-je capable de regarder mes sentiments en face, de les reconnaître et d’en parler ? Quels sont les derniers sentiments dont j’ai ainsi pris conscience ?

2. Je repasse dans mon esprit ce que j’ai fait d’important au cours de cette journée. Quels sentiments, quels désirs ont habité ces actions ?

3. Ces sentiments-là sont-ils en harmonie avec la suite du Christ que j’ai entreprise ?

4. Nourriture, boisson, sport, musique, distractions : en suis-je esclave ou bien contribuent-ils à mon équilibre et comment ?

5. De quelles manières suis-je conscient des sentiments qui m’animent lorsque je vis une rencontre, une discussion ou d’autres événements ? Exemple...

6. Est-ce que je suis attentif aux émotions et aux sentiments de Jésus que l’Evangile décrit ici ou là ? Lesquels serais-je prêt à vivre dans ma propre histoire ?

7. Quelle(s) est (sont) ma (mes) passion(s) dominante(s) ?

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Agen, 6 août 1836

A M. Claude Mouchet, Saint-Remy.

Les tentations, les sécheresses dans l'oraison, les distractions involontaires, le sommeil même, aussi involontaire, ne nuiront nullement à vos oraisons, et surtout à leur efficacité, si toujours vous vous unissez bien à Notre Seigneur Jésus-Christ. C'est lui, mon cher Fils, qui prie pour vous, et qui est même notre prière. Tenez-vous toujours avec la Sainte Vierge, dans l'amour et la confiance en elle. Tout votre bonheur est dans votre union avec Notre Seigneur Jésus-Christ par la foi et l'amour. Ne désirez pas de consolations, ni cette ferveur sensible qui est si délicieuse : Notre Seigneur voit sans doute que vous en auriez de l'orgueil s'il vous la faisait éprouver ; mais soyez-lui invariablement fidèle et tenez-vous en paix. […]

Que la foi soit le motif de votre fidélité ! Recevez, cher Fils, mes tendres

embrassements.

Guillaume-Joseph Chaminade

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6. LE "RECUEILLEMENT"Intégrer nos énergies dans un unique objectif

Le travail que nous avons accompli pour discipliner notre parole, nos gestes, notre esprit, notre imagination et nos passions nous a procuré de nouvelles énergies pour la vie. Il importe, à présent, d'intégrer ces énergies et de les faire jouer ensemble harmonieusement. A ce stade, nous ressemblons à un équipage de cinq chevaux. Chacun d'eux a été dressé séparément. Aussi discipliné que soit chacun, une fois attelés ensemble à un même chariot, ces mêmes chevaux tireront dans des directions différentes. C'est souvent ainsi que cela se passe avec nous aussi.

Nos paroles, nos gestes, notre esprit, notre imagination, nos passions peuvent très bien répondre à l'attention que nous leur accordons séparément mais si l'une de ces dispositions est appliquée à une tâche déterminée, il se peut que les autres n'y concourent pas automatiquement. Nous avons besoin d’une espèce de concentration qui intégrera et coordonnera harmonieusement toutes ces énergies, chacune bien maîtrisée, en une œuvre commune. Lorsque des intérêts opposés demandent une division de nos énergies, nous éprouvons comme un sentiment d'insatisfaction en accomplissant la tâche présente. Si nous voulons développer une vie spirituelle globale et nous sentir à l'aise dans notre tâche, nous devons éliminer tout conflit intérieur entre nos ressorts spirituels. Nous parlons ici d'intégration ou de recueillement pour signifier

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que nous sommes capables de concentrer la totalité de notre énergie sur notre tâche présente.

Imaginons des parents qui regardent une cassette vidéo qu'ils ont louée et qui s’énervent quand ils entendent les pleurs de leur bébé. Ils désirent accorder toute leur attention aux besoins de l'enfant mais ils estiment en même temps qu'ils ont le droit de s’accorder quelques moments à eux-mêmes. Ils sont tiraillés intérieurement : tout en soignant leur enfant, ils ne peuvent pas, en même temps, concentrer toute leur énergie sur lui car le bébé et le film réclament tous deux leur attention. Les parents doivent alors prendre conscience de ce conflit et décider où ils porteront leur attention en priorité. Cela fait, chacun des parents pourra ressentir alors l'harmonie du recueillement intérieur.

Un cas semblable : des adolescents sont en réaction contre leurs parents mais ils se considèrent comme des gens qui ne se mettent jamais en colère. Ils ne parviendront pas à concentrer toute leur énergie sur leurs devoirs tant que leurs parents s’en mêleront de quelque manière. Pour résoudre ce conflit, il leur faudra ou bien changer d'attitude envers leurs parents ou bien revoir l’idée qu’ils se font d’être des gens qui ne se mettent jamais en colère. Chaque fois que nous avons du mal à nous concentrer entièrement sur la tâche présente, c'est qu'un autre centre d'intérêt attire en même temps notre attention.

La femme de Samarie qui a rencontré Jésus près du puits est un bon exemple de personne qui a tenté d’échapper à ses contradictions et qui, de ce fait, a manqué d'harmonie intérieure. Lorsque

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le Christ lui a offert de la faire entrer dans sa vie en lui demandant à boire, elle s’est montrée méfiante : "Les Juifs en effet n'ont pas de relations avec les Samaritains" (Jn 4,9). Le Christ a fait alors un nouveau pas vers elle et lui a proposé de l'eau vive. Elle a alors esquivé le vrai sens de cette offre en prenant les mots "eau vive" au pied de la lettre et, comme Nicodème, a fait tourner la situation au ridicule. "Seigneur, dit la femme, donne-la moi, cette eau-là, afin que je n'aie plus soif et que je n'aie plus à passer ici pour puiser" (Jn 4,15). Elle a demandé, mais pas sérieusement, et le Christ est allé plus loin en essayant de lui faire goûter son eau vive pour résoudre ses conflits intérieurs. "Va, appelle ton mari et reviens ici" (Jn 4,16). La femme se débat pour éviter la question. "Je n'ai pas de mari" (Jn 4,17). Elle approchait de la vérité. Jésus lui dit : "tu as eu cinq maris et l'homme que tu as maintenant n'est pas ton mari" (Jn 4,18). Piquée au vif, elle tente alors de s'en sortir en glissant intelligemment vers un débat théorique sur la religion, loin de son vécu : "nos pères ont adoré sur cette montagne et vous, vous dites : c'est à Jérusalem qu'on doit adorer" (Jn4,20). Et la conversation s’est prolongée ainsi jusqu'au retour des disciples du Christ. Quelle formidable énergie cette femme a dépensée pour éviter d’avoir à faire l’unité dans sa vie intérieure ! Quel mal elle s'est donné pour empêcher ces grains isolés de former un seul pain !

Le recueillement nous évite ce gaspillage d'énergie et ce malaise intérieur. Il concentre toutes nos forces sur notre tâche présente et recueille toutes nos facultés en une seule. Pour y

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arriver, il faut remplir deux conditions : nous devons avant tout faire remonter à la surface les conflits enfouis au fond de nous pour que nous puissions nous en occuper. Nous devons aussi discerner les forces qui s’opposent à l’action qui nous occupe. Le plus souvent, ce sera une idée, une image de nous-mêmes, un sentiment auxquels nous tenons mais que nous croyons menacés par ce que nous sommes en train de faire. Ensuite, une fois que le conflit est amené à la surface de la conscience, nous devons nous défaire de l’intérêt qui contrarie l'accomplissement de notre tâche présente. Qu’il se débrouille avec lui-même pour le moment. Ainsi nous laissons mourir un autre grain – satisfaire tel désir tout de suite ; il reviendra plus tard, avec une plus grande plénitude.

En travaillant au recueillement et à l'intégration, nous progressons vers une plus grande maturité. Nous commençons à entrevoir comment nous pourrons réellement mettre en pratique le grand commandement : "Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit... et ton prochain comme toi-même" (Mt 22,37-39). Nous sentons que toutes nos énergies sont disponibles pour cette unique et noble tâche que nous avons à accomplir.

MÉDITATIONS - 6

Première Méditation : “Tu aimeras Yahvé ton Dieu de tout ton cœur, de tout ton esprit, de toute ton âme et de tout ton pouvoir” (Dt 6,5).

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“De tout ton cœur” : Il ne faut donc pas garder dans notre cœur des affections qui nous détournent de l’amour de Dieu répandu dans notre cœur. Il faut, dans notre cas, un amour sans partage.“De tout ton esprit” : Notre esprit doit être sans cesse occupé de la présence de Dieu. Nous devons avoir pour principale préoccupation de l’esprit de connaître et de faire connaître Dieu.“De toute ton âme” : Notre vie entière, à chaque moment, doit être ouverte à l’amour de Dieu.“De toutes tes forces” : Aimer Dieu autant que nous le pouvons, en toutes choses, même jusqu’au sacrifice total de nous-mêmes, cela nous transforme à sa ressemblance.

Seconde Méditation : Dieu parle au cœur dans la solitude et le silence, quand toute notre attention se porte sur lui.a) “Je vais la séduire, je la conduirai au désert et je parlerai à son cœur” (Os 2,16).b) “La Parole de Dieu fut adressée à Jean, fils de Zacharie, dans le désert” (Lc 3,2).c) “Jésus, rempli d’Esprit Saint, revint du Jourdain et il était mené par l’Esprit à travers le désert durant quarante jours” (Lc 4,1).

Troisième Méditation : Nous contemplons la vie vertueuse qui est en Dieu.a) Dieu est infiniment plus admirable en lui-même que dans le monde qu’il a créé. Il jouit en lui-même d’une paix éternelle et inaltérable. “Alors la

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paix de Dieu, qui surpasse toute intelligence, prendra sous sa garde vos cœurs et vos pensées, dans le Christ Jésus” (Ph 4,7). Il applique toute son intelligence à contempler sa propre grandeur et sa gloire, engendrant aussi le Verbe de Dieu, son Fils. Il investit toute sa volonté dans l’amour qu’il porte à ses perfections, suscitant aussi l’Esprit Saint. L’activité éternelle de Dieu mobilise toute sa puissance à travers les trois personnes divines.b) Dans la Création, Dieu met à l’œuvre toutes les capacités divines qui sont nécessaires. Sa puissance a créé le monde, sa sagesse l’ordonne, sa bonté le protège, sa providence le gouverne, sa vérité l’éclaire, sa justice le corrige, sa miséricorde lui offre le pardon.c) Les trois Personnes divines s’accordent à nous aimer. Le Père nous crée, le Fils nous rachète et l’Esprit-Saint nous sanctifie. Le désir de la Trinité c’est de nous donner la gloire éternelle. “Le Seigneur est justice en toutes ses voies, amour en toutes ses oeuvres” (Ps 145,17).

Quatrième Méditation : Méditons l’exemple de Jésus, de Marie et des saints.a) Jésus a oeuvré à notre Rédemption de toute sa force. Il a mis à notre service sa chair, son sang, son âme, sa divinité. Il a consacré à sa mission ses paroles, ses actions, ses déplacements, sa prédication, ses miracles, ses souffrances, ses larmes, sa vie et sa mort. “Je suis Dieu, marche en ma présence et sois parfait ” (Gn 17,1). b) La Vierge Marie est demeurée toute sa vie sous le regard et dans la présence de Dieu. Elle a

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consacré toutes ses facultés à son service. Les saints également ont toujours marché en présence de Dieu et ils ont voué à Dieu toutes les énergies de leur être. “C’est par votre constance que vous sauverez vos vies” (Lc 21,19).

QUESTIONS POUR RELIRE SA VIE

1. Quelle est la qualité d’attention que je porte à mon travail ? Souvent distrait ? Habituellement attentif ?2. M’est-il arrivé aujourd’hui d’être particulièrement peu attentif ? Puis-je dire pourquoi ? Une autre fois, dans des circonstances semblables, comment progresser en “recueillement”, en qualité d’attention à ce que je fais ?

3. Dans la prière, il m’arrive d’être ailleurs... Comment soigner davantage ma relation au Seigneur Jésus ?

4. Quand je lis ou quand je réfléchis, quelles sont les pensées qui occupent mon esprit ?

5. Pendant les moments de détente, suis-je porteur de paix et d’amitié ? Sinon, qu’est-ce qui me les fait perdre ?

6. Dans les rencontres que j’ai eues aujourd’hui, est-ce que j’ai été suffisamment présent aux autres ? Sinon pourquoi ?

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7. Il m’arrive d’être troublé, mal à l’aise... que puis-je prévoir pour ces circonstances-là : un travail manuel, une lecture, la prière,... en vue de me “recueillir” et de retrouver la paix ?

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Bordeaux, 12 juillet 1820A Melle Laure de Labordère, Bordeaux (la Miséricorde).

Conservez toujours la paix de l'âme ; allez toujours à Dieu avec une entière simplicité ; méprisez et rejetez tout ce qui vous troublerait. Dans toutes vos incertitudes pour votre conduite intérieure, décidez-vous promptement, en faisant ce que vous conseilleriez à un autre. Dans toutes vos incertitudes pour votre conduite extérieure, mais ordinaire et dans l'ordre de votre état, décidez-vous promptement d'après vos règles et l'esprit de votre état ; si l'incertitude durait, faites ce que vous ordonneriez à un autre dans votre position. Quant aux incertitudes pour la conduite des affaires extérieures au régime de la maison, si les affaires sont pressantes, prenez sur les lieux les conseils ordinaires de Melle Rondeau. Si les affaires ne sont pas pressantes, et que l'exécution puisse permettre d'écrire à Bordeaux, ou à la Bonne Mère, ou à votre Bon Père, vous ne prendrez point d'autres conseils. Si vous étiez incertaine si les affaires sont ou ne sont pas pressantes, prenez vos conseils sur les lieux. ~ Vous ne partez que par obéissance (à Laval) ; vous n'agirez, je l'espère, que par esprit d'obéissance, même en commandant ; vous recueillerez les fruits si abondants et si délicieux de l'obéissance ; je vous les promets au nom du Seigneur, dont, tout indigne, je tiens la place à votre égard.

Guillaume-Joseph Chaminade

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7. L'OBEISSANCEcomme vertu de préparation

Il y a un certain nombre d’expériences auxquelles nous devrions nous soumettre mais nous ne le ferons jamais de nous-mêmes. Nous n'avons pas assez de force intérieure pour le décider. Nous ressemblons à ces enfants qui n'acceptent d’aller chez le dentiste qu'après que papa ou maman ait pris rendez-vous. Nous sommes tout simplement incapables de le décider nous-mêmes. Semblables en cela à l’obsédé du travail qui ne prendra jamais les vacances dont il a pourtant le plus grand besoin tant que son médecin ne l'y forcera pas. Il est fréquent qu’on ait besoin d'encouragements extérieurs. Il y a un certain nombre de bonnes choses – et même de choses nécessaires – que nous n'accomplissons que sous la pression d’une sorte d’"d'obéissance".

Dans notre vie spirituelle, ces situations sont multiples. Il y a de nombreuses choses que nous savons être bonnes ou que nous savons devoir être accomplies mais que de nous-mêmes nous ne parvenons pourtant pas à décider de faire. Nous avons beau reconnaître que les vertus évoquées dans les chapitres précédents sont très bonnes et nous serions très heureux de les pratiquer. Mais parfois nous sommes tous simplement incapables de le faire. C’est là qu’il nous serait utile d'accepter librement la décision ou le conseil des autres. Nous pourrions aussi rejoindre un groupe de personnes qui travaillent de concert à pratiquer ces vertus et nous laisser entraîner par ce groupe. Une telle soumission n'est pas un manque de liberté ; au

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contraire, c'est un choix délibéré de nous en remettre à d'autres pour la prise de décision que par nous-mêmes nous sommes incapables de prendre seuls. Nous choisissons d'accepter comme nôtre une décision prise par d'autres, de nous imposer une expérience que notre égoïsme ne désire pas.

On trouve ce type d’obéissance même chez Jésus, au moment de son agonie à Gethsémani. Le Christ nous a montré là qu'humainement parlant, il n'aurait pas fait lui-même ce choix. Incontestablement, il a posé là un acte de volontaire soumission à la volonté de Dieu ; il n’a pas suivi le penchant de sa nature humaine. "Père, disait-il, si tu le veux, éloigne de moi cette coupe ! Cependant, que ce ne soit pas ma volonté qui se fasse, mais la tienne !" (Lc 22,42). Le Christ savait qu'il était bon qu'Il souffre sa Passion pour notre salut, mais Il savait aussi que pour agir ainsi Il lui fallait se soumettre à la décision de son Père. C'était trop dur pour sa volonté humaine. "En proie à la détresse, il priait de façon plus intense et sa sueur devint comme de grosses gouttes de sang qui tombaient à terre." (Lc 22,44). Le Christ nous a sauvés grâce à son obéissance.

La soumission du Christ à la volonté de Dieu ne Lui était pas imposée. Il a vraiment choisi d'obéir. Son obéissance était un acte d'amour et c'est par cet amour qu’en obéissant à Dieu, Jésus a pu traverser l'épreuve qu'Il redoutait tant.

De la même façon, l’obéissance à autrui est nécessaire à la croissance de certains aspects de notre vie. Beaucoup d'entre nous ne parviendront

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jamais à être pauvres de cœur, humbles, miséricordieux, purs de cœur ou à accepter la persécution pour la justice s’ils ne se soumettent pas de leur plein gré à la "volonté" d'un autre, qui les mènera dans ces voies.

L'obéissance est dure à notre ego, qui a son vouloir propre. Nous devons décider d'ignorer cette volonté en faveur de celle d'un autre. L'obéissance implique comme un processus d’identification qui établit une union intime entre celui qui obéit et celui qui est obéi. C'est pourquoi l'obéissance n'est souvent qu'une conformité extérieure à la volonté de l’autre plutôt qu'une soumission intérieure, une obéissance du cœur. Une conformité extérieure ne nous transforme pas en tant que personnes ; une obéissance intérieure, au contraire, mûrit notre personnalité. Il nous est parfois difficile de faire une distinction claire entre une décision de l'autorité et notre propre volonté. Lorsque notre action est critiquée, nous sommes prompts à déclarer : "ce n'était pas ma décision". Nous ne souhaitons pas qu’on confonde notre volonté avec celle d’un autre.

Chez les enfants, le processus d'identification les amène à penser qu'ils possèdent eux-mêmes les bonnes qualités qu'ils découvrent chez les autres. Par "identification", ils éprouvent les qualités admirées chez les autres et, petit à petit, ils les intériorisent. A mesure que les enfants grandissent, ce processus devient plus conscient et c’est consciemment qu’ils désirent acquérir les attitudes et les valeurs qu'ils trouvent bonnes chez les autres. L’obéissance telle que nous la

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considérons ici – comme vertu de préparation - fait prendre conscience du processus de l'identification. Ce dernier nous dit que la décision qu’un autre prend pour nous n'est pas la nôtre mais que, volontairement, nous nous y soumettons afin d'en faire notre propre guide.

Il y a des personnes à qui nous n'obéissons pas parce qu'il en coûte trop à notre ego de nous identifier à elles. Notre ego ne peut tout simplement pas accepter. On peut rappeler ici la nouvelle de Etienne V. Benet "Le mendiant de l'évêque". Dans l’histoire de cette nouvelle, la voiture d'un évêque heurte un mendiant. L'évêque emmène l'homme blessé chez lui pour le soigner. Il a l’intention de pourvoir aux besoins de l'homme et puis de le renvoyer pour n’avoir enfin plus d’affaire avec le mendiant. Mais l'infirme était là pour se venger de l’évêque et son hostilité l'amena à trouver le moyen de faire payer très cher au prélat ce qu'il avait fait. Il n'accepte pas l'argent de l'évêque. Il demande une seule chose : être autorisé à mendier sur les marches de la cathédrale en son nom, à devenir le mendiant de l'évêque. Ce dernier est prêt à payer n'importe quel prix plutôt que d'accepter l'humiliation d'être ainsi identifié à ce mendiant. Faire bon accueil au vouloir du mendiant était accepter une forme d‘identité entre le mendiant et lui.

Notre opposition à nous laisser identifier à la décision d'autrui se manifeste de différentes manières. Parfois nous "obéissons" mais nous ne nous montrons pas responsables à l’égard de la décision prise. Si les choses tournent mal, quelqu'un d'autre devra être blâmé.

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Nous sommes alors dans le processus de la projection, l’exact opposé de l’identification. Dans ce processus de projection, la personne croit que ses défauts sont en fait ceux des autres. Tout en obéissant extérieurement, cette personne, en cas d’échec, rejettera sa faute ou sa faiblesse sur les autres. Par contre l'obéissance, vertu de préparation, inclut la volonté de partager la responsabilité de la décision. Dans l'esprit d'une telle obéissance, succès ou échecs constituent toujours des expériences partagées.

Pour entrer dans le type de relation d'obéissance que nous venons de décrire, nous devons croire que la grâce de Dieu est à l'œuvre dans cette relation. La foi discute du côté de Dieu ; la raison cherche à discuter du côté de notre ego. La valeur de l'obéissance ne réside pas dans le caractère raisonnable ou prudent de la décision mais plutôt dans le bien qui en résulte. Nous dépassons notre peur et notre faible courage. Dès que nous assumons le risque de nous en remettre à la décision d’un autre, nous ouvrons pour nous-mêmes des possibilités qui dépassent nos propres forces. Le Christ nous demande de le suivre dans son obéissance. Lui, "il s'anéantit lui-même, prenant condition d'esclave et devenant semblable aux hommes. S'étant comporté comme un homme, il s'humilia plus encore, obéissant jusqu'à la mort et à la mort sur une croix ! Aussi Dieu l'a-t-il exalté et lui a-t-il donné le Nom qui est au dessus de tout nom" (Ph 2,7-9).

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MÉDITATIONS - 7

Première Méditation : Par son obéissance, Jésus s’ouvre à la vie et à la puissance de son Père. Son obéissance est source de sa sagesse.a) “Car ce n’est pas de moi-même que j’ai parlé, mais le Père qui m’a envoyé m’a lui-même commandé que dire et de quoi parler; et je sais que son commandement est vie éternelle. Ainsi donc, ce dont je parle, tel que le Père me l’a dit, j’en parle” (Jn 12,49-50).b) “Ma nourriture est de faire la volonté de celui qui m’a envoyé et de mener son oeuvre à bonne fin” (Jn 4,34).c) “Jésus redescendit avec Marie et Joseph et revint à Nazareth; et il leur était soumis. Et sa mère gardait fidèlement toutes ces choses en son cœur ” (Lc 2,51).d) “Tu n’aurais aucun pouvoir sur moi (dit Jésus à Pilate), si cela ne t’avait été donné d’en haut ” (Jn 19,11). “Car il vient, le Prince de ce monde; sur moi il n’a aucun pouvoir, mais il faut que le monde reconnaisse que j’aime le Père et que je fais comme le Père m’a commandé” (Jn 14, 30,31).

Seconde Méditation : La sagesse, la bonté, la charité de Jésus nous sont communiquées par des êtres humains eux-mêmes imparfaits, pécheurs, faibles. Mais cela ne doit pas nous empêcher d’obéir. En acceptant qu’il en soit ainsi, nous sommes purifiés par notre obéissance.

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a) “Qui vous écoute m’écoute, qui vous rejette me rejette et qui me rejette rejette Celui qui m’a envoyé” (Lc 10,16).b) “Quel que soit votre travail, faites-le avec âme, comme pour le Seigneur et non pour des hommes, sachant que le Seigneur vous récompensera en vous faisant ses héritiers” (Col 3,23-24).c) “Du moment qu’ils n’écoutent pas Moïse et les Prophètes, même si quelqu’un ressuscite d’entre les morts, ils ne seront pas convaincus” (Lc 16,31).

Troisième Méditation : Les saints obéissent pour goûter la bonté et la puissance de Dieu.a) “Simon répondit à Jésus : “Maître, nous avons peiné toute une nuit sans rien prendre, mais sur ta parole je vais lâcher les filets”. Et l’ayant fait, ils capturèrent une grande multitude de poissons et leurs filets se rompaient” (Lc 5,5-6).b) “Obéissez à vos chefs et soyez-leur dociles, car il veillent sur vos âmes, comme devant en rendre compte; afin qu’ils le fassent avec joie et non en gémissant, ce qui vous serait dommageable” (He 13,17).

QUESTIONS POUR RELIRE SA VIE1. Est-ce qu’il m’arrive d’obéir en ayant pris conscience que là résidait la volonté aimante de Dieu sur moi ?2. Est-ce que je vois que Dieu me forme par ce qu’il me suggère pour hâter ma croissance spirituelle et plus particulièrement dans des

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moments et des cas où je n’aurais pas moi-même le courage de décider ?3. Ma façon d’obéir... Une réponse purement extérieure ou bien est-ce que je cherche à communier aux motivations de celui qui m’a mis en route ? 4. Est-ce que je me travaille pour me rendre disponible à l’action de l’Esprit de Jésus-Christ ?5. Est-ce que je vois un lien entre ma réponse faite à contrecœur et le peu d’efficacité de la grâce du Seigneur dans ma vie ?6. Ne pas obéir tout de suite ou opposer une attitude passive aux ordres reçus peuvent être des formes de désobéissance à la grâce qui veut agir en moi. Est-ce que cela arrive dans ma vie ? Exemples...7. Dans ma relation avec les responsables, est-ce qu’il m’arrive de prévenir leurs attentes ?

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Bordeaux, 15 septembre 1797A Melle de Lamourous, Le Pian.

Nous ne mourons, dit-on, ma chère Fille, qu'une seule fois. Il est vrai : mais que de leçons nous recevons de la Providence pour nous l'annoncer et nous y préparer ! et chacune de ces leçons est une espèce de mort. Que doit faire une âme fidèle dans le chaos des événements qui semblent l'engloutir ? Se soutenir imperturbablement par cette foi, qui, en nous faisant adorer les desseins éternels de Dieu, nous assure que tout tourne à l'avantage de ceux qui aiment Dieu.

Le Seigneur ne vous abandonnera pas : si un seul cheveu ne tombe pas de la tête de l'homme sans une disposition de notre Père céleste, les vicissitudes continuelles qui ballottent votre existence, les orages intérieurs et extérieurs qui grondent sans cesse, et qui paraissent presque vous déconcerter, sont des traits de l'amour véritable que Dieu a pour vous. […]

L'esprit des ténèbres ne manquera pas de vous persuader qu'il ne faut pas raisonner de vos peines comme de celles qu'éprouvent quelques âmes justes ; que vous ne pouvez vous dissimuler qu'il n'y ait en vous des causes coupables : mais, ma chère Fille, il n'en est pas moins vrai que Dieu vous ménage toujours, dans ces peines, des moyens, d'abord de purifier votre volonté, de vous détacher absolument de tout, de renoncer à ces idées d'une raison purement naturelle qui vous porterait à juger la conduite de la Providence à votre égard et, en second lieu, de vous faire pratiquer les plus excellentes vertus du christianisme : elles sont renfermées, ma chère Fille, dans cet abandon entre les mains de Dieu…

Guillaume-Joseph Chaminade8. LE SUPPORT DES MORTIFICATIONS

S'appuyer sur la souffrance pour dépasser la souffrance

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La vie est faite de beaucoup de bonheur et de beaucoup de souffrance. La réalité que nous voyons est un mélange de joie et de peine. Les gens qui rêvent d’être toujours heureux sont irréalistes et condamnés à connaître beaucoup de frustrations au cours de leur vie. La souffrance, certes, nous ne la cherchons pas et nous ne la choisissons pas. Cependant, elle est là et nous devons apprendre à la traiter positivement si nous voulons atteindre la plénitude dans notre vie.

Certaines situations sont tristes par nature. Personne n'est heureux à la mort d'un être aimé. Même si, dans certains cas, nous reconnaissons que la mort est une bénédiction, nous la ressentons néanmoins comme une perte qui nous cause de la tristesse. Il y a beaucoup de choses qui ne contribuent pas à notre bonheur et nous le savons, comme la perte de nos biens, la maladie, la séparation d'avec des amis, la violence. La vie entraîne avec elle des événements affligeants et des situations pénibles ; si nous savons les dépasser, ils contribueront finalement, d'une certaine manière, à notre bien.

Il y a des situations tragiques en soi : nous subissons des contrariétés qui résultent de choix que nous avons faits. Nous n’en avions pas choisi l'issue, parce que nous n’avions pas pu la prévoir. Mais nos choix peuvent entraîner de tels résultats. Je décide, par exemple, d'apprendre à conduire la voiture. Après quoi, je pars visiter des amis. Or, il se trouve que mon voisin, lui aussi, a décidé d'apprendre à conduire et de visiter des amis. A un croisement nous ne nous voyons pas et c’est

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l’accident. Nous n'avons pas choisi d'être victimes d'un accident, mais nous avons choisi toutes les circonstances qui ont rendu l'accident possible. Personne n'est blâmable mais le résultat final n'en découle pas moins de certains de nos choix.

En niant la souffrance provoquée par des situations tragiques, nous déformons la vie et aussi en tentant de chasser tout sentiment de culpabilité relatif à l'accident dont nous avons parlé. Quand on n’accepte pas la réalité telle qu’elle est, on s’expose à beaucoup de souffrances inutiles. Quelle erreur, par exemple, de faire croire à des enfants qu'ils peuvent et devraient être aimés de tout le monde. C’est vraiment avoir à l’égard de la vie des attentes tordues. Dans la réalité, il y a des personnalités qui s’opposent, il y a des conflits d’intérêts, il y a des opinions divergentes qui ne donneront pas à tous le sentiment d’être aimés. Les choses désagréables font partie du monde réel mais il y a certainement moyen d’en tirer profit. Une première chose importante à faire devant la souffrance c’est d'admettre que ce n’est probablement la faute de personne et qu'elle peut, d’une certaine manière, contribuer à notre bien.

Il existe deux sortes de souffrances dans la vie : la première est celle dont nous venons de parler, celle qui fait partie des situations tristes ou tragiques de la vie. La supporter constitue, pour une bonne part, la base de notre maturité et de notre paix intérieure. Le Christ a connu ce type de souffrance parce que le péché pèse d’un tel poids de tristesse et de tragique ! "Nous savons qu'avec ceux qui l'aiment, Dieu collabore en tout pour leur

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bien, avec ceux qu'il a appelés selon son dessein" (Rom 8,28). En "supportant" cette souffrance qui s'impose d'elle-même, nous grandissons et tendons vers l'épanouissement de notre vie.

La seconde espèce de souffrance vient de ce qu’on nie la première ! Elle résulte d'une image déformée de la vie et des faux objectifs que nous nous fixons. Cette espèce de souffrance s'avère inutile et elle nous démolit. Elle n'apporte rien de bon. Une telle souffrance se transforme en jalousie, envie, colère, haine. Notre plus grande erreur consiste à croire que nous pouvons éliminer toute souffrance de notre vie. Eviter toute souffrance, c'est refuser de grandir et c'est défigurer la bonté.

Puisqu’il y a de toute manière des souffrances inévitables dans la vie, il importe que nous nous rendions de plus en plus capables de les surmonter de telle sorte qu’elles contribuent à notre bien. Nous connaissons tous des moments où nous sommes tentés de fuir la vie. Face à cela, il nous faut développer une disposition à "endurer la souffrance" de telle manière que nous puissions passer à travers elle et la dépasser. Tel est le chemin vers une plus grande bonté, le chemin de la croissance.

Nous ne parlons pas ici du renoncement ni de la pénitence que nous pourrions nous imposer à nous-mêmes. Nous pensons à la souffrance causée par la réalité qui nous entoure. Les renoncements volontaires – privation de nourriture, de télévision, etc. - sont utiles mais ils ne touchent pas au cœur de l'existence comme la

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souffrance causée par une maladie, un échec, une déception d’ordre affectif … Des souffrances de ce type nous atteignent au plus profond de nous-mêmes et nous devons apprendre à en tirer profit pour notre bien.

Les attitudes demandées par l'Evangile (par exemple dans le Sermon sur la Montagne) entraînent d'inévitables souffrances. Devenir pauvre en esprit, humble, miséricordieux, artisan de paix, ce n'est possible que si nous acceptons de supporter les conséquences pénibles que cela entraîne. Un des grands obstacles au développement intérieur est l’idée fausse que là où il y a de la souffrance c’est que quelque chose va mal. La souffrance peut être, en fait, le signe qu'un grain est en train de mourir afin de produire un fruit abondant.

Le "support des mortifications" désigne moins un acte qu'une disposition. Plus nous nous y exerçons, plus cette disposition se renforce et s'approfondit. La résistance à la souffrance se renforce progressivement. En apprenant à faire face à de petites difficultés, nous nous formons peu à peu à affronter des situations plus tragiques et de plus grands maux. Nous devenons alors capables de "porter les fardeaux les uns des autres et d’accomplir ainsi la loi du Christ" (Gal 6,2). Nous y arrivons avec une certaine facilité et l'âme en paix. L'amour ne supprime pas les fardeaux ni les ennuis mais, grâce à lui, ça vaut finalement la peine de les porter.

Nous ne devrions pas nous étonner de ce que pour devenir meilleurs il nous faille souffrir. La bonté tend à chasser le mal. Mais le mal

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s’accroche, en quelque sorte, pour survivre, tout comme la bonté. "Si le monde vous hait, sachez qu'il m'a haï avant vous. Si vous étiez du monde, le monde aimerait son bien; mais parce que vous n'êtes pas du monde, puisque mon choix vous a tirés du monde, le monde vous hait" (Jn 15,18-19). Souffrir est inévitable quand on veut faire avancer le bien dans le monde, parce que le mal s'oppose continuellement à nos efforts. Nous devons nous attendre à souffrir : Jésus nous l'a promis. Il a annoncé que son Eglise serait persécutée et que ses disciples porteraient les marques des souffrances nécessaires à la construction du Royaume de justice et de paix. "Je vous ai dit cela pour vous préserver du scandale. On vous exclura des synagogues. L'heure vient même où quiconque vous tuera estimera rendre un culte à Dieu" (Jn 16,1-2). Mais dans le plan de Dieu, cela en vaut vraiment la peine.

Notre but est d'adopter l'attitude du Christ devant la souffrance. Il savait, lui, que le bien qu'il apportait exigerait de lui beaucoup de souffrances. Il y a fait face. "Je suis venu apporter le feu sur la terre, et comme je voudrais que déjà il fût allumé ! Je dois recevoir un baptême, et quelle n'est pas mon angoisse jusqu'à ce qu'il soit consommé !" (Lc 12,49-50).

Le Saint Esprit peut tout faire en nous, si nous acceptons de supporter les souffrances de la vie.

MÉDITATIONS - 8

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Première Méditation : Puisque Dieu même supporte les contrariétés, le support des mortifications doit être une vertu nécessaire à la sainteté.a) “Yahvé est tendresse et pitié, lent à la colère et plein d’amour; elle n’est pas jusqu’à la fin, sa querelle, elle n’est pas pour toujours, sa rancune; il ne nous traite pas selon nos péchés, ne nous rend pas selon nos fautes” (Ps 103,8-10). “Eh bien ! moi je vous le dis : Aimez vos ennemis, et priez pour vos persécuteurs, afin de devenir fils de votre Père qui est aux cieux, car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons et tomber la pluie sur les justes et sur les injustes” (Mt 5,44-45).b) Adorons Notre Seigneur Jésus-Christ : il est le modèle du support des mortifications, aussi bien intérieures qu’extérieures. “Nous devons rejeter tout fardeau et le péché qui nous assiège et courir avec constance l’épreuve qui nous est proposée, fixant nos yeux sur le chef de notre foi, qui la mène à la perfection, Jésus qui, au lieu de la joie qui lui était proposée, endura une croix, dont il méprisa l’infamie, et qui est assis désormais à la droite du trône de Dieu” (He 12,1-2). “Maltraité, il s’humiliait, il n’ouvrait pas la bouche, comme l’agneau qui se laisse mener à l’abattoir; comme devant les tondeurs une brebis muette, il n’ouvrait pas la bouche” (Is 53,7). Jésus avait pris l’habitude de jeûner, de veiller, de passer des nuits entières en prière. Il savait supporter de pénibles tourments dans son corps et dans son âme : tristesse, fatigue, affronts, malveillances et toujours avec une admirable patience et sans se plaindre.

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Seconde Méditation : Les saints nous donnent un exemple encourageant de support des mortifications.a) Marie, la Mère de Jésus, a supporté avec une patience admirable les fatigues et les souffrances du voyage de Nazareth à Bethléem, puis en Égypte; la séparation puis la mort de son Fils Jésus; les insultes des Juifs et des païens. “Et toi-même, une épée te transpercera l’âme !” (Lc 2,35).b) Les apôtres “s’en allèrent du Sanhédrin, tout joyeux d’avoir été jugés dignes de subir des outrages pour le Nom” (Ac 5,41).c) Les martyrs sont patients au milieu des tortures qu’ils subissent; les anachorètes dans leur vie solitaire et austère.

Troisième Méditation : L’Ecriture nous encourage et nous oriente dans cette vertu.a) “Mieux vaut un homme lent à la colère qu’un héros, un homme maître de soi qu’un preneur de villes” (Pr 16,32).b) “C’est par votre constance que vous sauverez vos vies !” (Lc 21,19).c) “Un bien pour moi que d’être affligé afin d’apprendre tes volontés” (Ps 119,71).d) “La charité est longanime, la charité est serviable; elle n’est pas envieuse. Elle excuse tout, croit tout, espère tout, supporte tout ” (1 Co 13,4...7). “Eh bien ! moi je vous dis de ne pas tenir

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tête au méchant : au contraire, quelqu’un te donne-t-il un soufflet sur la joue droite, tends-lui encore l’autre” (Mt 5,39).

QUESTIONS POUR RELIRE SA VIE

1. Les contrariétés dans ma vie... sont-elles un lieu de formation, le “creuset”, de mon être intérieur ?

2. “Je me glorifierai volontiers de mes infirmités afin qu’habite en moi la force du Christ !” (saint Paul). Mes “infirmités” en tout genre, pourraient-elles être un lieu de purification ?

3. Comment est-ce que je réagis devant les critiques, les malentendus, les blâmes qui me sont adressés ? Ou devant les souffrances physiques ? Ou dans les moments de tension de ma vie relationnelle ?

4. Lorsque l’épreuve arrive, quelle est ma réaction face à ce Dieu qui se définit Amour ?

5. Est-ce que j’arrive à prier dans les moments difficiles ?6. Est-ce que je pardonne à ceux qui m’offensent ou est-ce que je leur “fais payer” leur affront ?

7. “J’achève dans ma chair ce qui manque à la passion du Christ pour son corps qui est l’Eglise ” (saint Paul). La souffrance qui habite ma vie, est-ce qu’il m’arrive de la vivre comme “creuset” d’amour ?

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Deuxième partie

PURIFIER CE QUI EST BON EN NOUSLES VERTUS D’ÉPURATION

INTRODUCTION

Si vous vous êtes appliqués à acquérir les vertus présentées dans les chapitres précédents, vous avez sûrement constaté en vous des changements dans le sens du bien. Vous auriez le droit de vous sentir contents de vous. Après tout, vous avez travaillé de nombreux aspects de votre personnalité et, au moins à certains moments, vous constatez en vous des formes de bonté qui sont bien acquises. Si vous êtes comme la plupart des gens, vous aurez tendance à vous arrêter là où vous en êtes et de vous contenter de cela. Il est vrai que si vous avez développé les aspects positifs présentés jusqu'ici dans ce livre, vous êtes arrivés à un niveau très élevé de maturité spirituelle.

En général ce n’est pas un bon principe que de chercher des ennuis. Mais si vous êtes ouverts à l'appel de Dieu au bien, attendez-vous, au point où vous en êtes, à avoir des ennuis. Même si vous êtes contents d'être là où vous êtes déjà, vous savez aussi que vous pouvez encore vous améliorer. Cependant, comme vous avez déjà beaucoup grandi spirituellement, les points qui restent à améliorer ne seront plus aussi évidents.

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Voilà pourquoi, en un sens, il vous faudra "rechercher des ennuis".

Il y a beaucoup de degrés dans le bien et dans la bonté. Si, par exemple, vous avez acquis l’amour du prochain, cet amour peut être plus ou moins intense. C'est pourquoi, même en étant aimable et compréhensif, il arrive un moment où il vous faut purifier votre bonté de ce qui l'empêche d'atteindre toute sa plénitude et son authenticité.

Cette deuxième partie de notre livre traitera de ces choses qui sont en vous et que vous pensez ne pas pouvoir changer. Vous est-il jamais arrivé de.. ne pas y arriver et de dire : "J'ai commis une erreur, mais je suis ainsi fait !" ? Ne pensez-vous pas parfois qu'il y a des limites que vous ne pouvez pas dépasser et que, par conséquent, vous feriez aussi bien d’accepter tout simplement les choses comme elles sont ? "Je suis ainsi fait" signifie généralement : "je ne peux pas m'améliorer dans ce domaine ". Or c'est là une grande erreur ! Même s'il n'y a rien de mal à dire "je suis comme ça ", cela vous bloque de considérer que vous ne pouvez vraiment pas aller plus loin.

A la base du travail de purification il y a le refus d’accepter la capitulation du "je suis comme ça". Nous faisons sauter un certain nombre d’appuis dont nous pensons avoir besoin ou auxquels, du moins, nous nous sommes habitués. Ce n'est qu’après nous être "purifiés", débarrassés, de ces appuis que nous commençons à tendre vers quelque chose de meilleur. Nous n'allons pas nous arrêter à ce que nous sommes, même si nous sommes déjà très bons.

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MÉDITATIONS - II. 0

Première Méditation : Dans les êtres vivants, la croissance et la progression ne s’arrêtent pas. De même, l’appel de l’amour de Dieu est un élan vital jamais interrompu.a) La création de Dieu est progressive, évolutive comme le suggère le récit symbolique de la Genèse. Il y a eu d’abord la matière du monde, mais en désordre - le chaos - un univers sans chaleur ni lumière, sans vie. Dieu ne s’est pas arrêté là : il a fait ensuite la lumière, il a mis le monde en ordre, il a séparé jour et nuit, mouvement et repos, vie et mort. L’univers a progressé en perfection sans cesse en beauté et en bonté sous l’action du Créateur invisible et tout-puissant (relire Gn 1- 2).b) Il en va de même pour notre sanctification : esquissée lors de notre conversion, elle doit être perfectionnée par notre travail de purification, qui doit éliminer peu à nos défauts en développant en nous les vertus du Christ, qui sont lumière, beauté, ordre et vie pour notre âme. Que serait l’univers si Dieu avait interrompu son oeuvre trop tôt ? Que deviendrait la grâce de notre conversion si nous cessions de développer en nous les dispositions du Christ, travaillant à reproduire en nous son image ?c) Jésus, souligne l’Evangile, “croissait en sagesse, en taille et en grâce devant Dieu et devant les hommes” (Lc 2,52). Par notre conversion et notre baptême, la vie de Jésus a commencé en nous. Cette vie ne doit pas demeurer en nous à l’état

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d’enfance. Le Christ doit grandir en nous grâce à notre travail de purification et atteindre en nous sa taille adulte par le travail de perfectionnement, ce que nous appellerons ici “consommation”. Une vertu consommée est une vertu achevée, parfaite.

Seconde Méditation : Dieu nous dit, dans l’Ecriture, la nécessité de la “purification”.a) “Non que je sois déjà au but, ni déjà devenu parfait, mais je poursuis ma course pour tâcher de saisir, ayant été saisi moi-même par le Christ Jésus” (Ph 3,12).b) “Tout sarment qui, en moi, ne porte pas de fuit, le Père l’enlève et tout sarment qui porte du fruit, il l’émonde, pour qu’il porte encore plus de fruits” (Jn 15,2). c) “Nous devons rejeter tout fardeau et le péché qui nous assiège et courir avec constance l’épreuve qui nous est proposée, fixant nos yeux sur le chef de notre foi, qui la mène à la perfection, Jésus, qui au lieu de la joie qui lui était proposée, endura une croix” (He 12,1-2).d) “Pour peu de temps encore la lumière est parmi vous. Marchez tant que vous avez la lumière, de peur que les ténèbres ne vous saisissent” (Jn 12,35).e) “Ce que je fais, tu ne le sais pas à présent; par la suite tu comprendras” (Jn 13,7).

QUESTIONS POUR RELIRE SA VIE

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1. Est-ce qu’actuellement je fais des efforts précis pour progresser dans ma vie chrétienne en vue d’être davantage disponible au Christ ? Lesquels ?

2. Quels obstacles sont susceptibles de freiner l’épanouissement des grâces reçues ?

3. Est-ce que je suis vraiment dans une phase de progression ou est-ce que je me contente de rester comme je suis ?

4. Est-ce que le projet de la sainteté m’effraye, à cause des contraintes que je dois m’imposer ?

5. Suivre le Christ impose des renoncements ; est-ce que cela me pèse ou bien cela est-il plus souvent “compensé” par la réalisation des promesses que Jésus me fait ?

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9. NOS FAIBLESSESDépasser nos faiblesses et compter sur Dieu

Nous avons tous des limites et des faiblesses qui tiennent tout simplement à la façon dont nous sommes faits. Un Q.I. de 110, c’est pas mal et nous pouvons en être satisfaits, mais cela devient une faiblesse si nous voulons faire une œuvre de génie. La fatigue physique peut être saine, mais elle devient gênante si nous voulons allonger de plusieurs heures le travail pénible que nous faisons. Nous pouvons nous sentir bien avec nos 75 kg, mais ils deviennent un obstacle si nous envisageons de devenir footballeur professionnel. Beaucoup de nos qualités sont bonnes en elle-mêmes mais par rapport à certaines ambitions elles ne suffisent pas, elle ne sont pas assez grandes. D'ordinaire, nous nous acceptons tels que nous sommes parce que nous nous sentons incapables de changer. N’est-ce pas logique ? Après tout, il vaut mieux refuser la présidence d'un comité plutôt que de l'accepter et de nous montrer ensuite incapables de faire le travail convenablement. Il est préférable de refuser de faire une causerie plutôt que d'accepter et puis de faire un bide. Nous respectons donc nos limites.

Le danger, c’est que nous agissions de même dans notre vie spirituelle. Nous savons que nous ne sommes pas tout à fait humbles et, par conséquent, nous ne nous voyons pas pousser les autres devant nous. Nous savons que notre générosité a des limites et donc nous ne nous attendons pas à donner jusqu'à en souffrir. Nous savons que notre charité n'est pas parfaite aussi

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ne nous attendons-nous pas à être très aimables envers certaines personnes. Bref : nous reconnaissons honnêtement nos faiblesses et nous nous y adaptons. Nous ne pensons plus pouvoir grandir dans les domaines de nos faiblesses et de nos limites.

Il y a une faiblesse qui stoppe tout net notre croissance dans la vie évangélique : c’est de compter tellement sur nos propres aptitudes que nous ne faisons plus rien du tout dès que nous avons le sentiment de ne pas pouvoir faire quelque chose par nous-mêmes. Dans ce cas, nous ne comptons pas vraiment sur la grâce de Dieu pour aider à dépasser nos limites. Cette attitude convient parfaitement dans le monde des affaires, mais elle bloque l'action de l'Esprit Saint à l’intérieur de notre vie évangélique. Le domaine de la grâce s'étend bien au delà de nos capacités. C'est pourquoi, si nous nous laissons arrêter par nos limites, nous ne connaîtrons jamais la pleine puissance de la grâce. Rappelons-nous ce qui est arrivé à Saint Pierre marchant sur les eaux. Ce qu’on lui demandait dépassait évidemment ses capacités personnelles. Mais il ne s'y est pas arrêté. Il est allé au delà en faisant confiance à Jésus et il a marché sur les eaux. Notons que Pierre n'a demandé aucune preuve avant d'essayer de marcher sur les eaux. Il n'a pas d’abord retiré sa sandale pour voir si elle allait flotter avant d’y risquer son pied. Son unique garantie, c’était sa confiance dans la puissance du Christ et elle l'a fait marcher sur l'eau. Dans notre vie nous pouvons vaincre nos faiblesses et dépasser nos limites si nous abandonnons nos

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sécurités et nous appuyons sur les promesses de Dieu.

Qu'est-ce qui nous pousse à limiter notre générosité, notre pardon, notre bonté, notre ouverture aux autres ? Est-ce que nous pensons être trop faibles ? Incapables ? Ou est-ce parce que nous en estimons le prix trop élevé et que nous fixons une limite ? Il existe un moyen de se purifier de ces faiblesses et de ces limites.

La grâce de Dieu se manifeste dans la faiblesse des hommes. Si nous désirons vraiment que la puissance de Dieu agisse en nous, nous verrons qu’elle se manifeste très certainement dans quelque faiblesse. Notre ego n'apprécie pas cela, bien sûr ! "Oui, tandis que les Juifs demandent des signes et que les Grecs sont en quête de sagesse, nous prêchons, nous, un Christ (Messie) crucifié, scandale pour les Juifs et folie pour les païens, mais pour ceux qui sont appelés, Juifs comme Grecs, c'est le Christ, puissance de Dieu et sagesse de Dieu" (I Co 1,22-25).

Pour prouver la puissance de Dieu, Saint Paul nous scandaliserait presque en déclarant que la faiblesse est bonne. En d'autres termes, la puissance de Dieu ne se manifestera pas en nous, à moins que nous ne soyons disposés à aller au delà de nos capacités. "Mais ce trésor, nous le portons dans des vases d'argile, pour qu'on voie bien que cette extraordinaire puissance appartient à Dieu et ne vient pas de nous" (II Co 4,7). Saint Paul a reçu des grâces et des pouvoirs extraordinaires qui ont agi en lui. Pour qu’il reste conscient du fait qu'il s'agissait de la puissance

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divine et non de la sienne propre, Dieu, disait-il, lui a planté une épine dans la chair, tandis qu'un ange de Satan le tourmentait pour l'empêcher de s'enorgueillir. Par trois fois Paul a supplié Dieu de le soulager de cette faiblesse, mais Dieu a simplement répondu : "Ma grâce te suffit : car ma puissance se déploie dans la faiblesse" (II Co 12,9). Trouvez-vous scandaleux que Dieu maintienne Paul dans un état de faiblesse afin de permettre à la grâce de déployer toute sa puissance ? C'est parce que Paul s'est reposé sur la grâce de Dieu plutôt que sur quelqu’autre chose qu'il aurait considérée comme sienne qu'il a pu dépasser ses propres limites. Il a été purifié des limites de sa faiblesse.

Peut-être ne constatons-nous pas davantage de miracles parce que nous ne nous fions pas assez à la puissance de Dieu. Peut-être ne voyons-nous pas les résultats miraculeux du pardon parce que nous craignons de nous risquer au delà des limites de notre sécurité. Peut-être ne ressentons-nous pas que la grâce de Dieu est à l'œuvre parce que nous ne nous mettons pas dans les dispositions où elle pourrait vraiment se manifester. De la plupart des choses que nous faisons, c’est bien nous-mêmes qui sommes les auteurs. Quel dommage si nous ne sommes pas des saints uniquement parce que nous demeurons confinés dans nos limites et nos faiblesses.

Le vrai remède à nos faiblesses, c’est une grande confiance dans la grâce de Dieu qui agit en nous. "Je crois en Dieu le Père, Tout puissant, Créateur..." Notre besoin de sécurité nous empêche de croire que Dieu, le Créateur, de rien

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peut faire surgir le bien. Un bon menuisier peut fabriquer des meubles magnifiques s'il dispose d'une bonne matière première et de bons outils. Mais, plus la matière première sera imparfaite, plus le talent de l'ébéniste devra être grand pour qu’il arrive à fabriquer un beau meuble. Nous ne nous attendons pas à voir un meuble dépasser en qualité celle de la matière dont il est fait ou des outils employés ou du talent de son auteur. Moins le menuisier doit travailler avec tout cela, plus il doit être doué pour fournir un produit de qualité.

Dieu peut créer le bien à partir de rien. Il nous a promis de nous accorder tout ce que nous Lui demanderons, à condition d'avoir assez de confiance en sa grâce. Le Christ a guéri un aveugle en le touchant. Il a guéri un paralytique d'une simple parole. Il a guéri Madeleine d'un regard… Croyons-nous que ce même Christ peut déployer la même puissance en nous ? Quel est notre degré de confiance dans les promesses du Christ ? Seule cette confiance nous rend capables d'aller au delà de nos faiblesses et de nos limites.

Il est sécurisant de rester à l’intérieur des limites de notre faiblesse, mais cette sécurité-là constitue un autre grain qui doit mourir et alors nous pourrons voir fructifier abondamment la puissance de Dieu en nous.

MÉDITATIONS - 9

Première Méditation : Avec nos seules forces humaines nous n’allons pas loin.

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a) “De même que le sarment ne peut de lui-même porter du fruit s’il ne demeure pas sur la vigne, ainsi vous non plus, si vous ne demeurez pas en moi” (Jn 15,4).b) “Telle est la conviction que nous avons par le Christ auprès de Dieu. Ce n’est pas que de nous-mêmes nous soyons capables de revendiquer quoi que ce soit comme venant de nous; non, notre capacité vient de Dieu” (2 Co 3, 4-5).c) “Personne, parlant avec l’Esprit de Dieu, ne dit : ‘Anathème à Jésus’, et nul ne peut dire : ‘Jésus est Seigneur’ s’il n’est avec l’Esprit Saint” (1 Co 12,3).

Deuxième Méditation : La confiance en Dieu nous donne plus de force, sans pour autant supprimer toutes nos faiblesses.a) “Je puis tout en Celui qui me rend fort” (Ph. 4,13).b) “Ce qu’il y a de faible dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour confondre ce qui est fort” (1 Co 1,27).c) “De grand cœur, je me glorifierai surtout de mes faiblesses, afin que repose sur moi la puissance du Christ... Lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort” (2 Co 12, 9-10).d) “Qui s’appuie sur Yahvé ressemble au Mont Sion : rien ne l’ébranle, il est stable pour toujours” (Ps 125,1).

Troisième Méditation : Les puissants s’écroulent parce qu’ils se fient en eux seuls; les

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faibles deviennent puissants parce qu’ils mettent leur confiance en Dieu.a) St Pierre croyait qu’il était fort et voilà que la parole d’une servante l’a fait tomber ! Adam se fiait en son innocence, Salomon en sa sagesse, David en sa sainteté passée, les apôtres en leur amour du Christ, Tertullien, Origène ou d’autres théologiens hérétiques, en leur grand savoir... et tous sont tombés ! Si ces personnages clefs de l’histoire du salut sont tombés, oserions-nous croire que nous-mêmes sommes plus forts qu’eux ?b) Les prophètes, les apôtres, les martyrs, tous les saints ont eu conscience de leur faiblesse humaine et de leurs limites. Pourtant, Dieu les a choisis pour éclairer, civiliser, sanctifier le monde. Ceux que le monde ou eux-mêmes considèrent comme grands contribuent souvent bien peu au progrès de l’humanité. “Ainsi parle Yahvé : Maudit l’homme qui se confie en l’homme, qui fait de la chair son appui et dont le cœur s’écarte de Yahvé !” (Jr 17,5). Mais “Heureux est l’homme, celui-là qui met en Yahvé sa foi...” (Ps 40,5).

QUESTIONS POUR RELIRE SA VIE

1. Dieu m’aurait-il “choisi” avec mes faiblesses précisément pour manifester sa puissance dans ma faiblesse ?

2. Avant de commencer une activité et pendant que j’agis, est-ce que je pose des actes de confiance en Dieu, moteur de mon action ?

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3. S’il y a échec ou découragement, est-ce que cela ne viendrait pas du fait que je m’appuie sur mes seules forces ? Est-ce que j’ai des exemples ?

4. Est-ce que, à l’inverse, je n’ai pas parfois attendu de Dieu qu’il fasse tout, sans collaborer à la grâce avec ma propre volonté ?

5. Est-ce que j’ai connu des moments de joie et de paix intérieurs après m’être confié totalement en Dieu ?

6. Dans ma vie de prière, est-ce que je sais à la fois demander à Dieu de l’aide et exprimer ma gratitude à Celui qui Source et Force ?

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Bordeaux, 15 juin 1820 A Melle Charlotte de Lachapelle, Condom.

J'apprends avec grande satisfaction, ma chère Fille, qu'enfin les liens qui vous retiennent dans le siècle vont être rompus. Votre frère va se marier ; vous serez dégagée de toute promesse ; vous serez libre, libre de voler dans votre solitude, libre de courir dans les voies de Dieu, libre enfin de consacrer tout ce que vous avez reçu de la main libérale de la Providence à la gloire de Jésus et de Marie. ~

La nouvelle fondation du beau couvent de Tonneins nécessite des sujets pour ainsi dire tout formés. Prenez donc, ma chère Fille, une attitude ferme et déterminée. Le démon ne sera pas en peine pour faire trouver de nouveaux motifs de différer votre retraite absolue du monde. Toute raison doit cesser, lorsque le grand Maître appelle.

Que le Seigneur vous accorde courage et force !

Guillaume-Joseph Chaminade

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10. NOS RESISTANCES AU CHANGEMENTRemède : nous en remettre à Dieu, lâcher

prise

Un homme qui avait pratiquement ruiné sa vie par la boisson, subitement y renonça. L'alcoolisme avait constitué une menace pour son succès et son bonheur et cette menace venait de disparaître. On lui demanda : "à présent que la boisson ne constitue plus une menace pour votre vie, que craignez-vous le plus ?" L'homme répondit : "le plus grand danger auquel je doive faire face est ma propension à retourner à l’alcool. Avec l'aide de Dieu et par un acte de volonté, vous pouvez cesser de boire, mais vous ne pouvez pas vous débarrasser de votre propension à y retourner".

Comme cela est vrai ! Nous pouvons changer d'avis au cours de la nuit ou prendre une décision sur-le-champ, mais nous ne pouvons pas aussi rapidement changer nos sentiments ni nos inclinations.

Si nous avons mis en pratique ce qui a été proposé dans ce livre jusqu’ici, nous avons déjà renoncé à pas mal de réactions défensives et d'habitudes de notre comportement. Mais en adoptant une nouvelle conduite, nous abandonnons certaines des protections qui tendaient à nous ramener à nos anciennes tendances. L'envie de revenir à nos anciennes défenses restera vive en nous pour un certain temps. Le danger pour nous c’est de croire que ces tendances ont disparu et d’y retourner sans y prendre garde. D'une certaine façon, nous

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ressemblons à un hélicoptère en vol stationnaire au dessus du sol. L'effort qui est demandé à cet engin pour simplement faire du sur-place en l'air est énorme. Il subit une grande force d'attraction qui tend à le ramener à une position de repos sur la terre. Si jamais le pilote croit un moment qu'il est le maître de cette force, l'hélicoptère s'écrasera.

Une fois que nous avons renoncé à une habitude indésirable, il nous faut développer une attitude qui nous rende capables de nous maintenir dans notre nouvelle disposition. Nous devons cultiver une certaine méfiance envers nous-mêmes : il peut toujours nous arriver de ne pas tout comprendre ni de tout contrôler. Nous devons nous rendre de plus en plus capables d’identifier nos tendances soit à retourner à nos anciennes défenses soit à en créer subtilement de nouvelles. C'est terrible d'être tellement convaincu de son bon droit que l’on se ferme à tout changement ou d'avoir si bonne conscience de soi que l’on ne voit pas ce qu’on pourrait encore changer en soi. Il est très dommage d'être tellement conservateur qu’on n’attende jamais rien de bon de la part d’un libéral, et vice versa. Ça n’avance à rien d’être tellement convaincu du bon droit de l’autorité en place qu’on ne voit plus du tout ceux qui luttent pour leur liberté ; ni de condamner toute autorité parce qu’on a pris fait et cause pour ceux qui se rebellent. Quelque grandes que puissent être nos vertus, quelques sincères que soient nos dispositions, nous devons garder assez de recul par rapport à elles pour être ouverts à l'idée de les changer ou de les améliorer.

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Il est sain de partager largement l'attitude de saint Paul écrivant : "Vraiment, ce que je fais, je ne le comprends pas : car je ne fais pas ce que je veux, mais je fais ce que je hais... Car je sais que nul bien n'habite en moi, je veux dire dans ma chair ; en effet, vouloir le bien est à ma portée, mais non pas l'accomplir : puisque je ne fais pas le bien que je veux et commets le mal que je ne veux pas. Or, si je fais ce que je ne veux pas, ce n'est pas moi qui accomplis l'action, mais le péché qui habite en moi" (Rm 7,15-20). Saint Paul ne s'excuse pas de faire ces choses qu'il ne désire pas faire. Il déclare simplement qu'il se trouve en lui des tendances qu'il ne peut ni neutraliser, ni contrôler. Il reconnaît qu'elles sont bien là et il s'en méfie assez pour se garder d'être égaré par elles. Plus nous sommes conscients des tendances enracinées dans notre ego, mieux nous pouvons nous garder d'être entraînés par elles et moins elles nous empêcheront de croître véritablement dans notre vrai moi.

Les gens qui estiment ne jamais se tromper, voilà parmi les plus déplaisants personnages à fréquenter ! Même s'ils ont, de fait, tout à fait raison, ils nous tapent sur les nerfs. Ils feraient vraiment bien d'admettre qu’ils pourraient avoir des choses à changer en eux. Ce serait réconfortant si, du moins, ils se méfiaient un peu de leur opinion et de leur position propres. Se montrer ouvert au changement ou accepter l'idée que les autres pourraient nous apprendre quelque chose, c’est une force. Une des grandes différences entre Judas et Pierre, c’est que Judas n’admettait pas l’idée de pouvoir changer, tandis

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que Pierre, si. Quoique très impulsif quand il donnait son opinion, Pierre avait entre autres admirables traits de caractère celui de n'être pas sûr de soi au point de ne pas changer d'avis ou de comportement.

Le grain qu'il s'agit ici de laisser mourir est la satisfaction d'avoir atteint une position où nous pourrions définitivement nous reposer. Nous sommes fatigués de devoir sans cesse changer ou aller de l'avant. Ayant atteint enfin une position raisonnable et satisfaisante, nous aimerions nous y installer. Après tout, cela semble "juste". Mais si notre vie est destinée à produire des fruits encore plus abondants, le grain doit mourir. C’est le cas pour le grain de la satisfaction de soi qui nous pousse à nous installer dans une position ou une image de nous-mêmes que nous n'aurions plus jamais à changer.

MÉDITATIONS - 10

Première Méditation : Arriver à reconnaître et avouer les tendances négatives qui sont en nous.a) La nature humaine a été blessée par le péché et c’est pourquoi Dieu lui-même se montre clément envers l’homme, car il voit que “son cœur est porté au mal dès son enfance” (Gn 8,21). “Vois, mauvais je suis né, pécheur ma mère m’a conçu” (Ps 51,7).b) “Je me complais dans la loi de Dieu du point de vue de l’homme intérieur; mais j’aperçois une autre loi dans mes membres qui lutte contre la loi

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de ma raison et m’enchaîne à la loi du péché qui est dans mes membres” (Rm 7,22-23).c) “Si quelqu’un ne demeure pas en moi, il est jeté dehors comme le sarment et il se dessèche” (Jn 15,6).

Seconde Méditation : Méfions-nous de nous-mêmes et nous pourrons plus facilement nous confier à Dieu.a) “Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? Et si tu l’as reçu, pourquoi te glorifier comme si tu ne l’avais pas reçu ?” (1 Co 4,7).b) “Si quelqu’un estime être quelque chose, alors qu’il n’est rien, il se fait illusion” (Ga 6,3).

c) “Gardez-vous de pratiquer votre justice devant les hommes, pour vous faire remarquer d’eux; sinon, vous n’aurez pas de récompense auprès de votre Père qui est dans les cieux. Quand tu fais l’aumône, ne va pas le claironner devant toi; que ton aumône soit secrète et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra” (Mt 5,1-4).d) “Vous, aimez vos ennemis, faites du bien et prêtez sans rien attendre en retour. Votre récompense alors sera grande et vous serez les fils du Très Haut” (Lc 6,35).

QUESTIONS POUR RELIRE SA VIE

1. Quelles sont celles de mes qualités que j’ai tendance à exagérer ? Quelles sont celles qui ne me paraissent pas assez appréciées des autres ?

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2. Est-ce que je peux me rappeler un cas précis où j’ai cherché la considération des autres, les compliments ?

3. Est-ce qu’il m’arrive d’exagérer dans mes conversations; si oui, pourquoi ? Qu’est-ce que je fais pour neutraliser cette tendance ?

4. Quand “je fais le bien”, jusqu’à quel point suis-je désintéressé ?

5. Il est bon d’accepter de la considération et de la reconnaissance; mais au-delà, est-ce que je prends conscience que c’est l’amour de Dieu qui me confirme dans mon action ?

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Bordeaux, 9 avril 1827A M. Dominique Clouzet, Saint-Remy.

J'ai eu de la peine de ce que vous vous laissiez aller à votre sensibilité, et aussi de ce que vous vous laissiez épouvanter par les difficultés ou les contradictions que vous pouviez éprouver. Nous avons bien besoin de nous posséder et de ne pas laisser monter notre imagination. Quelque pressé que vous soyez, mon cher Fils, vaquez suffisamment à l'oraison : ce n'est que là que vous trouverez, en assez grande abondance, cette paix d'âme d'où vous ne devez jamais sortir ; c'est là que vous apprendrez à vous résigner et à prendre patience, dans les nombreuses difficultés et contradictions qui ne manquent jamais dans les Etablissements qui doivent produire de grands fruits. Adorez souvent intérieurement, adorez toujours en toutes choses les dispositions de la Providence. Ayons toujours présente cette maxime de foi, que rien n'arrive sans l'ordre ou sans la permission de Dieu. ~

Mettez toute votre confiance au Seigneur et en la protection de notre auguste Mère ; faites bonnement et en paix tout ce que vous pourrez.

Guillaume-Joseph Chaminade

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11. L’ HÉSITATION Remède : chercher conseil

Il y a beaucoup de bien qu’on pourrait faire et qu’on ne fait pas, faute de se décider à le faire. Il y a beaucoup de situations, dans la vie, où nous devons choisir entre deux bonnes choses, si nous voulons en accomplir au moins une. C’est l’histoire de l’âne placé entre deux meules de foin. Des deux côtés, le foin est alléchant et l'âne était attiré par chacun des tas. Mais comme il se trouvait à mi-chemin entre les deux meules et qu’il n’arrivait pas à décider laquelle choisir, il mourut de faim dans son hésitation. Pourquoi le pauvre âne n'a-t-il pas réussi à choisir ? Peut-être ne voulait-il renoncer à aucun des deux tas ? Peut-être ne savait-il pas si le foin d'une des meules était meilleur que celui de l'autre ? Peut-être voulait-il simplement être sûr avant de choisir. Il était certes impossible de mal choisir mais le fait est qu'il fallait choisir.

Nous nous trouvons dans la situation de l'âne plus souvent que nous n'aimons l'avouer : il faut choisir entre deux bons films qui passent à la même heure ; la jeune fille qui veut danser doit choisir entre deux garçons qu'elle apprécie pareillement... Que dire de l'ouvrier qui hésite à quitter un bon emploi pour un autre travail ? Ou du jeune homme qui se verrait aussi bien prêtre que père de famille ? Tous les jours, nous sommes confrontés à des centaines de choix, la plupart anodins, mais certains, très importants. Beaucoup de bien qu’on pourrait faire ne le sera

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malheureusement jamais parce que nous demeurons hésitants et ne décidons rien.

Il est possible de traverser la vie sans faire beaucoup de choix. Quelqu'un vous demande, par exemple, de l'aider à une "soupe populaire" vendredi soir. Vous n'arrivez pas à vous décider. Vous ne choisissez ni de rester chez vous ni d'aller aider. Le samedi matin arrive : vous n’avez rien choisi et vous n’avez rien fait de bon non plus. Un autre exemple : on vous invite à vous joindre à un groupe qui va travailler dans un quartier pauvre. Vous avez trois jours pour vous décider. Vous hésitez ; vous ne dites ni oui ni non. Et vous voilà finalement au quatrième jour… Il est possible de vivre sans faire beaucoup de choix, mais une vie pareille, qui ne sert à rien, quelle platitude !

Concernant le choix, deux choses font que nous ayons parfois envie de l’éviter : la première, c’est que, bien souvent, nous ne sommes pas sûrs du résultat. Pour les humains, liberté rime avec contingence, incertitude sur l’aboutissement final de ce qui a été décidé. Nous sommes libres de faire des choix, mais les autres aussi choisissent et leurs choix peuvent parfois contrarier les nôtres. Bien des facteurs qui déterminent l'issue de notre libre choix échappent à notre contrôle. Tout choix implique une double éventualité : que son résultat soit conforme à ce que nous souhaitons mais aussi l’inverse, que ce résultat corresponde à ce que nous n'avons ni prévu ni désiré. Dans le premier cas, c’est la joie, dans le second, c’est le drame. Nous sommes tout disposés à accueillir la joie, mais nous opposons une résistance naturelle à ce

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qui nous contrarie. Il y a toujours une chance sur deux que ça se termine dans le drame plutôt que dans la joie. Si nous refusons de prendre ce risque, nous finissons par ne plus faire aucun choix.

L’incertitude du résultat est peut-être plus grande qu’ailleurs dans les choix que nous propose l’Evangile. Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent, portez les fardeaux les uns des autres, ne résistez pas aux méchants... : voilà des choix fondamentaux dont le résultat ne nous est pas du tout garanti !

La deuxième chose qui nous gêne quand il faut choisir entre deux bonnes choses, c’est que nous devons renoncer à l'une des deux. Même si le choix d'une bonne chose peut nous apporter beaucoup de joie, il n’empêche que le regret de ce que nous avons dû laisser tomber se mêlera à cette joie. Ce paradoxe des pertes et profits est inhérent à nombre de nos choix. Notre Seigneur nous l'a dit clairement :"Il faut perdre sa vie pour la sauver". Un grain de blé doit se sacrifier pour que beaucoup d'autres puissent germer. Les gens qui refusent de renoncer à une bonne chose sont incapables de choisir l'autre. Ils restent là, entre les deux, dans leur état d'hésitation.

Hésiter est une bonne chose, à condition que ça ne dure pas. Cela nous donne le temps de peser le pour et le contre. Mais si l’hésitation nous empêche à jamais de choisir, notre vie devient d’une inefficacité maladive. Le meilleur moyen de gâcher sa vie c’est de refuser de choisir et de demeurer dans un état d'indécision. Lorsque des intérêts opposés se présentent, qui nous attirent

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vers plusieurs bonnes choses, nous devons tôt ou tard faire un choix, sous peine de tout perdre. Nous hésitons entre des tendances opposées à l'œuvre en nous. Jamais nous n'achèterons le champ où est enfoui le trésor si nous regrettons éternellement ce que nous avons dû dépenser pour l'acquérir.

Nous hésitons parfois à choisir parce que nous ne voulons éprouver ni désagrément, ni peine. Un exemple : nous pouvons dresser un chat à pousser une pédale pour obtenir de la nourriture. Lorsque le chat a faim, il n'y a qu'une tendance en lui, celle d'apaiser cette faim en poussant sur la pédale. Mais si nous envoyons une petite décharge électrique dans cette pédale, nous provoquons une tendance opposée. Le chat voudra appuyer sur la pédale lorsqu'il aura faim mais, en même temps, il voudra éviter la secousse électrique. On finira par en faire un chat névrosé, qui refuse de choisir.

Il y a des personnes qui ne sont jamais satisfaites parce qu'elles n’ont jamais vraiment décidé de faire ce à quoi elles sont occupées. Observez bien cette personne, avec ses tendances contradictoires. Quand ce jeune homme étudie, il est occupé à penser qu'il serait préférable pour lui d'aller faire du sport. Mais lorsqu'il sort pour se donner de l’exercice physique, il estime perdre un précieux temps d'étude. Revenu à ses études, il pense qu’il serait préférable pour lui de prier. Occupé à prier, il se dit qu'il est peut-être en train de passer à côté d’occasions d'aider les autres, et ainsi de suite. Il ne choisit jamais rien avec

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détermination et ne renonce jamais vraiment à toutes les autres options qu'il aurait pu prendre.

La maturité humaine exige que nous fassions de nombreux choix. Une personne mûre et adulte choisit une bonne chose et abandonne toutes les autres, qui ne sont pas compatibles avec le choix qu'elle a fait. Il est toujours bon de se renseigner quand on hésite et de demander conseil en vue du choix qu’on finira par faire. Demander conseil ne suffit pas toujours à dissiper le doute. Nous pouvons tenir compte des conseils reçus mais nous devons néanmoins faire un choix. Les gens qui ne développent pas leur aptitude à opérer des choix clairs se sentent mal à l’aise devant beaucoup de choses. Ils ne sont pas en paix avec ce qu’ils ont et se tourmentent pour des choses qui n’arriveront jamais.

Il y a beaucoup de choses que nous sommes susceptibles de demander ou de choisir. Mais elles ne nous appartiendront pas tant que nous ne les avons pas choisies. "Eh bien ! moi, je vous le dis : demandez et l'on vous donnera; cherchez et vous trouverez; frappez et l'on vous ouvrira. Car quiconque demande reçoit; qui cherche trouve et à qui frappe on ouvrira." (Lc 11,9-10).

MÉDITATIONS - 11

Première Méditation : Dieu est lumière. En lui il n’y a pas l’ombre d’un doute, d’une incertitude.a) “Dieu est lumière, en lui point de ténèbres” (1 Jn 1,5). Toutes ses actions sont guidées par une

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connaissance parfaite de la sagesse suprême. “La sagesse s’étend avec force d’un bout du monde à l’autre et elle gouverne l’univers pour son Dieu” (Sg 8,1).b) Jésus est la sagesse incarnée du Père, devenue lumière du monde. “Je suis la lumière du monde. Qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, mais aura la lumière de la vie” (Jn 8,12). Et en même temps, Jésus accueillait les conseils de Joseph et de Marie.c) “Le Paraclet, l’Esprit Saint, que le Père enverra en mon nom, lui vous enseignera tout et vous rappellera tout ce que je vous ai dit” (Jn 14,26). Il est la Sagesse toute-puissante de Dieu, qui agit dans le monde pour créer, racheter, glorifier.

Seconde Méditation : En prenant conseil, nous participons à la sagesse de Dieu qui dirige notre conduite.a) “Tant que vous avez la lumière, croyez en la lumière, afin de devenir des fils de lumière” (Jn 12,36).b) “Jadis vous étiez ténèbres, mais à présent vous êtes lumière dans le Seigneur, conduisez-vous en enfants de lumière; car le fruit de la lumière consiste en toute bonté, justice et vérité” (Ep 5,8-9).c) “En toi est la source de vie, par ta lumière nous voyons la lumière” (Ps 36,10).

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Troisième Méditation : Négliger les conseils d’autres hommes, c’est aussi nous soustraire à la conduite de Dieu dans notre vie.a) “En cas de chute, l’un relève l’autre; mais qu’en est-il de celui qui tombe sans personne pour le relever ?” (Qo 4,10).b) “Celui qui marche dans les ténèbres, qui marche sans moi, ne sait pas où il va” (Jn 12,35).

Quatrième Méditation : Dieu dispense souvent sa sagesse à travers des conseils donnés par les hommes.a) Seigneur, que veux-tu que je fasse ? - “Relève-toi, entre dans la ville et l’on te dira ce que tu dois faire” (Ac 9,6).b) “Qui vous écoute m’écoute, qui vous rejette me rejette et qui me rejette rejette Celui qui m’a envoyé” (Lc 10,16).

QUESTIONS POUR RELIRE SA VIE

1. Quand je suis un conseil, est-ce qu’il m’arrive de chercher à motiver ma démarche par un regard de foi ?

2. Est-ce qu’il m’arrive d’être dans l’incertitude - ou même angoissé - devant une décision à prendre ? Est-ce que je sais suffisamment me ressourcer alors dans un regard confiant sur Jésus Christ ?

3. Est-ce que je m’ouvre à un accompagnement spirituel ?

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4. Est-ce que je suis suffisamment attentif à recevoir la grâce qui passe : une lecture, une conférence, une médiation, un dialogue ?

5. Après avoir pris conseil de quelqu’un en qui j’ai confiance, est-ce que je sais avancer alors le cœur en paix ?

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Bordeaux, 25 janvier 1822

A Louis Rothéa, Ribeauvillé.

Je reviens à vous, mon cher Enfant, et, si je ne suis pas plus souvent et plus longtemps avec vous, vous en savez la raison. Toute raison cesserait et je courrais vers vous si vous aviez quelque affaire grave qui vous intéressât personnellement. Une tendre affection, une affection toute paternelle, vous suivra partout où vous serez, fussiez-vous au bout du monde. Sa constance et sa perpétuité vous sont assurées par la perpétuité même de notre alliance. […]

Je suis si persuadé que nous avons trouvé les moyens de rétablir les mœurs chrétiennes, de propager l’esprit de la religion et d’opposer de fortes digues au torrent séducteur et corrupteur du philosophisme, que je ne souffrirai jamais qu’il soit dénaturé, ni même altéré. […]

O comme je désire que vous croissiez, vous aussi, dans la pratique des vertus religieuses ! Comme je désire que vous soyez un saint ! Rendons synonymes les expressions de saint et d'Enfant de Marie ! Que la bénédiction paternelle que je vous donne ici, de toute l'effusion de mon cœur, puisse produire cet heureux effet.

Guillaume-Joseph Chaminade

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12. SUPPORTER CONTRARIETES ET MORTIFICATIONS

Remèdes : la patience et l'endurance

Nous avons déjà parlé de la nécessité de développer une aptitude à supporter la souffrance, de la force spirituelle nécessaire à notre croissance et à notre bien. Le "support des mortifications" est une attitude qui nous rend réalistes devant les difficultés et les peines. Sachant que la souffrance fait partie de l'existence, nous devons y faire face avec réalisme.

Il est temps maintenant de purifier cette attitude devant la souffrance. Nous ne voulons pas seulement être capables de supporter la souffrance mais encore de le faire avec les dispositions du Christ. Le Christ n'a pas considéré la souffrance seulement comme un mal inévitable : il l'a vue comme un moyen d’atteindre un bien. Dans les situations pénibles, il ne pleurait pas sur lui-même mais il était tout amour pour autrui. Une fois que la souffrance est dégagée de tout repli sur soi, le support de cette souffrance peut se changer en patience aimante.

Des frustrations, des mortifications, nous devons tous en supporter. Parfois nos bonnes intentions se heurtent à des oppositions où nous sommes contrariés dans nos efforts. Nous pouvons peut-être éviter les obstacles dont personne n'est la cause mais quand l'opposition vient des autres, alors seule la patience nous aidera à persévérer. Il nous semble toujours que les circonstances et les événements pourraient aussi bien être différents et tout serait alors pour

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le mieux. Nous avons tendance à renoncer - "Je n'ai pas besoin de cela, je n'ai pas recherché cela..." - ou alors à nous détourner du bien que nous essayons de faire et à nous irriter contre les gens et les choses. Dans ce cas, nous dévions de notre bonne intention de départ. La disposition que nous souhaitons développer ici est celle qui consiste à nous concentrer sur le bien qu'il nous faut réaliser. Les frustrations et les oppositions que nous rencontrons peuvent en réalité contribuer à notre bien ou à celui des autres. Telle est la base de la patience divine.

Job est un modèle de patience et, jusqu'à un certain point, un excellent modèle. Rappelez-vous : Job était un homme bon. Il craignait Dieu et fuyait le mal. Il avait sept fils et trois filles et il était très riche. Tout allait bien et, par conséquent, être bon lui semblait facile. Et puis un jour, des événements se sont produits. Des bandits Sabéens, venus de régions voisines, ont surgi et ont emporté ses bœufs et ses ânes. Ce fut un sale coup sur le plan économique, mais, heureusement, Job avait encore une belle maison et des enfants en bonne santé et il devait pouvoir s'en tirer. Même après que la foudre eût détruit tout son troupeau de moutons et les bergers qui le gardaient, Job réagit encore avec patience. Il réussit à surmonter ce nouveau revers. Mais après que les Sabéens eurent réussi à s’emparer des bœufs et des ânes de Job, trois bandes de Chaldéens vinrent s'emparer de ses chameaux, et il fut complètement ruiné. Mais il savait que l'argent n'était pas la plus grande bénédiction sur terre. Il supporta tous ces revers avec patience,

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continua à travailler et se montra reconnaissant pour ce qu’il lui restait. La série noire vient l’atteindre plus personnellement. Tandis que ses fils et ses filles étaient à une fête chez leur frère aîné, un orage épouvantable éclata qui les tua tous. Ce drame frappa Job au plus profond de son cœur ; néanmoins, il réussit à voir dans ce malheur aussi la main de Dieu et il en endura toute la souffrance, disant : "Yahvé avait donné, Yahvé a repris : que le nom de Yahvé soit béni !" (Jb 1,21). Il supporta tout, sans commettre de péché et sans offenser Dieu par des insultes. Après tout, il était encore en bonne santé et avait toujours sa femme ; ils s'en tireraient bien, d'une façon ou d'une autre. Mais voici qu’il perdit aussi la santé et fut incapable de continuer à travailler. Couvert d'ulcères, il devint répugnant pour les autres. Job restait disposé à tout supporter, mais sa femme n’en pouvait plus. Elle se mit à le blâmer pour ses malheurs et le mit à la porte. Ses amis aussi l'abandonnèrent, ils ne vinrent plus que pour tenter de déceler la cause de ses malheurs. Job, assis sur un tas de fumier, se trouva sans argent, sans enfants, sans maison, sans amis ; il était littéralement à bout de "patience", au comble de la souffrance.

Il perdit patience parce qu'il voulait supporter une part de ses souffrances sans entrer dans la perspective de Dieu sur l’ensemble de son problème. A ce stade alors, Dieu dut lui enseigner la patience "divine".

Après avoir perdu patience, Job jeta les yeux sur l'innocence de sa vie passée et demanda à Dieu de lui expliquer de manière satisfaisante

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pourquoi lui, qui était innocent, devait souffrir autant. Il accusa Dieu d'être injuste et exigea une réponse. Dieu ne répondit pas dans les termes mêmes de Job mais il se présenta à lui comme Créateur et lui ouvrit une perspective tout à fait nouvelle sur la puissance de Dieu à l'œuvre dans le monde. Il fournit à Job une base pour vivre la patience divine. Job avait d’abord médité à fond sur toute cette affaire et était arrivé à la conclusion qu'il n'y avait décidément aucune raison pour qu’il soit accablé de telles souffrances. Il pensa que Dieu avait commis une erreur. La réponse de Dieu fut magnifique. Il réprimanda d'abord Job, afin de lui enseigner le fond de la patience divine, qui dépasse de loin la tolérance des hommes.

"Quel est celui-là qui brouille mes conseils par des propos dénués de sens ? Ceins tes reins comme un brave : je vais t'interroger et tu m'instruiras. Où étais-tu quand je fondais la terre ? Parle, si ton savoir est éclairé. Qui en fixa les mesures, le saurais-tu, ou qui tendit sur elle le cordeau ? Sur quel appui s'enfoncent ses socles ? Qui posa sa pierre angulaire parmi le concert joyeux des étoiles du matin et les acclamations unanimes des Fils de Dieu ? Qui enferma la mer à deux battants, quand elle sortit, bondissante, du sein maternel; quand je mis sur elle une nuée pour vêtement et fis des nuages sombres ses langes; quand je découpai pour elle sa limite et plaçai portes et verrous ? Tu n'iras pas plus loin, lui dis-je, ici se brisera l'orgueil de tes flots ! As-tu, une fois dans ta vie, commandé au matin, assigné l'aurore à son poste pour qu'elle saisisse la terre par les bords et en secoue les méchants ? Alors elle la

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change en argile de sceau et la teint comme un vêtement; elle ôte aux méchants leur lumière, brise le bras qui se levait. As-tu pénétré jusqu'aux sources marines, circulé au fond de l'Abîme ? Les portes de la Mort te furent-elles montrées, as-tu vu les portiers du pays de l'Ombre ? As-tu quelque idée des étendues terrestres ? Parle, si tu sais tout cela" (Jb 38,2-28).

Et Dieu poursuit sur le même ton, jouant sur toute la gamme de sa création et posant à Job question sur question, des questions auxquelles personne ne sait répondre. Pourtant, toutes ces choses sont prises dans l'étreinte toute puissante de Dieu, qui en fixe les règles, dans la puissance de sa grâce.

Dieu présenta à Job une vision du monde qui le laissa bouche bée, plein d'admiration. Sa vision à lui avait été si mesquine, si limitée, si confinée dans le raisonnement humain. Il se rendit compte que ses petites vues personnelles de la souffrance lui avaient caché la beauté des desseins de Dieu en tout cela. Job répondit et sa réponse fut, cette fois, pleine de divine patience . "... Je sais que tu es tout puissant : ce que tu conçois tu peux le réaliser... Aussi ai-je parlé sans intelligence de merveilles qui me dépassent et que j'ignore" (Jb 41,1-3). Le livre de Job nous montre qu’après avoir finalement accepté toutes ces épreuves avec une véritable patience, Job vit les bénédictions de Dieu se déverser sur lui parce qu'il savait maintenant comment laisser agir patiemment la grâce de Dieu dissimulée dans toutes ces difficultés.

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La patience est cette vertu, cette disposition, qui nous permet de découvrir la grâce à l'œuvre dans chaque difficulté qui surgit. Nous n'acceptons pas simplement les difficultés parce qu'elles sont inévitables, nous les supportons parce que la grâce y est à l'œuvre, qui suscite une nouvelle vie. Par conséquent : "Que dis-je ? Nous nous glorifions encore des tribulations, sachant bien que la détresse produit la constance, la constance une vertu éprouvée, la vertu éprouvée l'espérance. Et l'espérance ne déçoit point, parce que l'amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par le Saint Esprit qui nous fut donné" (Rm 5,3-5).

La dernière fois que vous avez été frustrés, mortifiés, comment avez-vous réagi ? La prochaine fois que cela vous arrivera, comment réagirez-vous ? La patience, c’est l'expérience d'un grain qui meurt, d’un grain de notre ego - c’est laisser mourir en nous l'envie de voir le bien découler seulement d'expériences agréables. Si ce grain meurt, vous verrez l’abondance des bons fruits que produira une souffrance pleine de sens.

MÉDITATIONS - 12

Première Méditation : Une patience constante, c’est une des caractéristiques de Dieu.a) Dans son oeuvre de Création, Dieu n’a pas eu de difficultés. Mais il s’est heurté à beaucoup d’oppositions quand il a voulu racheter et sanctifier son peuple. Le néant ne résiste pas à Dieu, mais notre liberté, notre volonté rebelle. Toutes les grâces doivent vaincre en nous quelque

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résistance. Heureusement, Dieu est patient et longanime. Il accepte d’atteindre ses buts lentement, au rythme de notre acceptation.b) “Le Christ a souffert pour vous, vous laissant un modèle afin que vous suiviez ses traces... Le Christ ayant donc souffert dans la chair, vous aussi, armez-vous de cette même pensée, à savoir : Celui qui a souffert dans la chair a rompu avec le péché, pour passer le temps qui reste à vivre dans la chair, non plus selon les passions humaines, mais selon le vouloir divin” (1 P 2,21 et 4,1-2). Seconde Méditation : La patience nous donne part à la force de Dieu lui-même.a) “Vous pourrez mener une vie digne du Seigneur... Animés d’une puissante énergie par la vigueur de sa gloire, vous acquerrez une parfaite constance et endurance ; avec joie vous remercierez le Père qui vous a mis en mesure de partager le sort des saints dans la lumière” (Col 1,10-12).b) “Dans la mesure où vous participez aux souffrances du Christ, réjouissez-vous, afin que, lors de la révélation de sa gloire, vous soyez aussi dans la joie et l’allégresse. Heureux, si vous êtes outragés pour le nom du Christ, car l’Esprit de gloire, l’Esprit de Dieu repose sur vous” (1 P 4, 13-14).

Troisième Méditation : Les contrariétés font partie essentiellement de notre vie chrétienne et elles sont une source de grâce.a) “Tous ceux qui veulent vivre dans le Christ avec piété seront persécutés” (2 Tm 3,12).

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b) “Heureux les persécutés pour la justice, car le Royaume des Cieux est à eux” (Mt 5,10).c) “Je vous exhorte à mener une vie digne de l’appel que vous avez reçu : en toute humilité, douceur et patience, supportez-vous les uns les autres avec charité...” (Ep 4,1-2).

QUESTIONS POUR RELIRE SA VIE

1. Lorsque j’entreprends une action selon l’Evangile, est-ce que je m’attends à rencontrer opposition et résistance ? Est-ce que je considère cela comme faisant partie de la vie du chrétien ?

2. M’arrive-t-il d’agir sous l’effet d’une colère ou d’une impatience suscitée par les difficultés rencontrées ? Se rappeler des exemples vécus.

3. Lorsque j’ai des contrariétés, comment est-ce que je me travaille pour garder ou retrouver mon calme ?

4. Est-ce que j’ai tendance à chercher de bonnes raisons pour justifier mes colères ?

5. Dans les moments relationnels difficiles, est-ce qu’il m’arrive de perdre patience ? Comment cela se manifeste-t-il ?

6. Quelle est la place que je donne à la prière pour trouver l’équilibre au cœur de mes impatiences - afin que le Christ continue à accomplir sa mission à travers moi ?

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13. POURQUOI NOTRE MEDIOCRITE ?Renouveler souvent nos fermes résolutions

Tout le monde, un moment ou l’un autre, a envie d'abandonner. Même les personnes les plus généreuses, avec les plus nobles idéaux, ont tendance à laisser tomber les bras lorsque les difficultés persistent ou reviennent sans cesse. Quelque soit le degré de notre générosité, peu d'entre nous sont capables de supporter très longtemps les difficultés sans en arriver à des compromis ou à des abandons.

Les fardeaux nous épuisent et la fatigue s'accompagne d'une forte tentation du compromis. Imaginons, par exemple, que nous sommes fatigués, que nous devons terminer un travail important et que personne ne nous aide. C’est normal qu’on dise alors : "Au diable tout cela !" Si nous vivons au milieu de gens qui ne payent pas leurs impôts, après quelque temps nous aurons tendance à considérer notre propre honnêteté comme stupide. S'il nous arrive de rendre service à quelqu'un et qu'il abuse de nous, ne serons-nous pas tentés de prendre nos précautions et de nous montrer moins généreux ? Les difficultés et les contrariétés nous fatiguent. Or la fatigue nous pousse à justifier des compromis et de la médiocrité. Le schéma général de ces incitations à la médiocrité est toujours le même : lorsque nous nous heurtons à une difficulté, nous avons tendance à nous demander si ça vaut la peine de l’affronter. Ensuite, nous songeons sérieusement à abandonner ou à trouver un arrangement.

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Au point où nous sommes parvenus dans notre cheminement, nous savons déjà qu'accepter de semblables suggestions, aussi justifiées qu'elles puissent paraître, gênera considérablement notre croissance dans le bien. Accepter la médiocrité, c'est renoncer à une véritable bonté. "Pourquoi être honnête quand personne d'autre ne semble l'être ?" Une telle attitude laisse entendre que nous devenons moins honnêtes. "Pourquoi aider les pauvres, alors que d'autres ne partagent pas ?" Une telle attitude sous-entend que nous limitons notre générosité. "Pourquoi essayons-nous d'être bons et compréhensifs, alors que d'autres en profitent ? Une telle attitude sous-entend que nous sommes sur le point d'abandonner quelques-unes des plus belles caractéristiques de la vie chrétienne.

Il semble que chaque véritable œuvre de la grâce se heurte quelque part à une incompatibilité avec la nature. Il arrive un moment où nous ne parvenons plus à discerner ce qu’elle nous apporte de bon ni à croire à une issue positive. Dans un moment de lassitude, de déception, de découragement, nous cédons très facilement à notre tendance au compromis et nous sommes sur le point de détruire ou d'abandonner une bonne action. C'est précisément à ce moment-là que nous devons tenir bon, renouveler nos résolutions et nous accrocher plus fortement à nos idéaux par la foi. Supposons que le Christ ait cédé à des envies qui l'incitaient au compromis. Il a certainement dû surmonter une énorme répugnance à poursuivre sa Passion alors qu'Il était trahi et que ses apôtres dormaient pendant

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qu'Il était pris d’angoisse au jardin de Gethsémani. Quel découragement il a dû ressentir en voyant ses disciples l'abandonner et en entendant le premier d'entre eux, Pierre, aller jusqu'à nier le connaître, lui ! Sur la croix, alors que les ténèbres recouvraient tout le pays, le Christ lui-même a poussé un terrible cri de détresse : "Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ?" (Mt 27,46). Cela a dû lui sembler tellement inutile ! Mais si le Christ avait accepté un compromis ou s’il avait cédé sur quelque point, où serions-nous aujourd'hui ?

L'Ecriture nous dit qu'à un moment donné Dieu s'est repenti d'avoir créé l'homme et la femme. Il a détruit la race humaine afin de tout reconstruire depuis la base. Il poursuivit son travail de restauration en dépit de l'ingratitude et de l'opposition de ses créatures. Dieu poursuit aujourd'hui ce travail dans l'Eglise, même si nous y voyons bien des faiblesses et des oppositions à la grâce. Pourquoi Dieu continue-t-Il ? Parce que Dieu ne s'installe pas dans la médiocrité ; les raisons qui l'ont décidé à entreprendre toute l'œuvre de la création n'ont pas changé. Ces mêmes raisons poussent encore Dieu à continuer et elles demeureront éternellement présentes et actives, même si tous les hommes, jusqu’au dernier, prétendent le contraire.

Nous n'avons évidemment pas en nous la même source de bonté et d'amour. Nous sommes bien plus enclins au compromis et à l’abandon quand les choses deviennent difficiles. Si, à un moment donné, nous avons eu de bonnes raisons de faire une promesse généreuse et de viser un

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idéal élevé, ces raisons demeurent valides. Au moment de certaines épreuves et de certaines fatigues, nous ne pouvons peut-être plus les distinguer aussi clairement. C'est alors que la foi doit se fixer sur elles et faire en sorte qu'elles restent en nous, parfois même dans la plus totale obscurité. Il y a des moments où nous devons embrasser l'Evangile alors même que nous nous demandons : "Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ?" Un jour, quelque part, quelqu'un nous remerciera pour la bonté que nous avons préservée mais qui n'aurait pas pu être manifestée si nous nous étions installés dans la médiocrité.

Quelle merveilleuse grâce que de savoir déceler les subtiles incitations à la médiocrité quand elles se présentent ! Lorsqu'elles surviennent, nous devons mettre en œuvre notre foi pour rester loyaux à l’égard de nos promesses, de nos idéaux, de notre Dieu et cela même si nous ne comprenons pas tout. Notre foi nous aidera à croire à la bonté, même dans les épreuves et les humiliations ; elle nous rendra capables de ressentir la puissance de Dieu dans notre propre faiblesse, de nous attacher à Dieu même si nous n’avons rien, elle nous donnera confiance en Dieu même quand nous semblons échouer et que les choses semblent mal tourner.

Il viendra un temps où nous penserons avoir commis une erreur en étant aussi bons que nous sommes. Dans de tels moments, nous devrons revenir aux raisons qui avaient motivé notre engagement et nous devrons les renouveler, une fois encore. Le Christ est resté au désert et a jeûné

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pendant quarante jours et quarante nuits, après lesquels il a eu vraiment faim. Il était fatigué, épuisé. C’est précisément à ce moment que lui sont venues les tentations d'abandonner son rôle de Rédempteur et de rentrer dans le monde, pour être et faire comme tout le monde. La pensée lui est venue de se servir de son pouvoir pour se procurer du pain et apaiser sa faim. Mais, revenant à l'Ecriture, il s'est rappelé : "L'homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu" (Mt 4,4). Après avoir séjourné quarante jours et quarante nuits au désert sans voir ni contacter personne, Il fut tenté d'user de sa puissance pour faire quelque chose de spectaculaire. Après tout, la toute-puissance de Dieu le sauverait. Une nouvelle fois, il est retourné à l'un des principes fondamentaux de l'Ecriture : "Tu ne tenteras pas le Seigneur ton Dieu !" (Mt 4,7) Finalement, alors qu'il ne possédait rien et se sentait très démuni, il connut la tentation d'user de sa puissance pour gagner tous les royaumes du monde. Mais Jésus écarta cette idée en s’attachant fermement à la Parole de l'Ecriture : "C'est le Seigneur ton Dieu que tu adoreras, c'est à Lui seul que tu rendras un culte" (Mt 4,10). Alors le tentateur le quitta et des anges apparurent et le servirent.

Lorsque les choses deviennent sombres et poussent au découragement, il n'y a qu'une chose à faire : tenez fermement à vos engagements et collez à vos bonnes résolutions. Ce conseil vous soutiendra jusqu'à ce que soit passée cette période d'obscurité et qu'une nouvelle lumière - avec la grâce - viennent éclairer votre vie.

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MÉDITATIONS - 13

Première Méditation : Ce que Dieu décide, il le fait.a) “Yahvé se repentit d’avoir fait l’homme sur terre” (Gn 6,6). Mais s’il les anéantit par le déluge, c’est pour les recréer meilleurs. Il poursuit son oeuvre de restauration en dépit des ingratitudes des méchants. Il a créé pour sa gloire et pour notre bonheur, et ces objectifs, il n’y renonce pas ! Dieu fait taire les créatures qui voudraient notre ruine et il poursuit avec amour la réalisation de ses desseins.b) L’homme Jésus se montre tout aussi déterminé à accomplir sa vocation sans broncher. “Non pas comme je veux, mais comme tu veux, Père” (Mt 26,39). “Passe derrière moi, Satan ! Tu me fais obstacle, car tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes” (Mt 16,23).

Seconde Méditation : Par l’Ecriture, Dieu nous encourage à la constance (persévérance).a) “La chair et le sang ne peuvent hériter du Royaume de Dieu, ni la corruption hériter de l’incorruptibilité” (1 Co 15,50).b) “ Tout ce qui est né de Dieu est vainqueur du monde. Et telle est la victoire qui a triomphé du monde : notre foi” (1 Jn 5,4).

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c) “Quiconque a mis la main à la charrue et regarde en arrière est impropre au Royaume de Dieu” (Lc 9,62).d) “Celui qui aura tenu bon jusqu’au bout, celui-là sera sauvé” (Mt 10,22).e) “Mon retour est proche : tiens ferme ce que tu as, pour que nul ne ravisse ta couronne !” (Ap 3,11).

QUESTIONS POUR RELIRE SA VIE

1. Quels sont les principes selon lesquels je veux mener ma vie ? Est-ce que j’en fais résolument les guides de ma conduite ?2. Quelle est la place de la Consécration à Dieu [à Jésus] et de l’Alliance avec Marie dans ce combat pour réussir ma vie ?3. Est-ce que je me mets à prier quand l’envie me gagne de renoncer à mes efforts ?4. Quelles sont les paroles de l’Evangile qui m’aident à réagir contre la tendance à la médiocrité ?5. Quelle est ma disponibilité aux conseils de mon accompagnateur spirituel ?6. Prendre l’habitude de recourir à Dieu comme à ma Source... A quels moments puis-je faire progresser en moi cette habitude ?

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Bordeaux, 18 décembre 1825 A un religieux de la Société.

J'ai lu attentivement votre lettre de ce jour : elle m'a démontré que vous êtes dans le travail d'une grande tentation. Vous ne sortirez pas avantageusement de cet état sans l'assistance de la grâce, et vous ne pouvez vous flatter que cette grâce extraordinaire vous arrivera si vous ne la demandez du fond du cœur et si vous n'êtes disposé à la recevoir. Quand les Apôtres attendaient la venue du Saint-Esprit, ils étaient permanents dans la prière : le premier conseil donc que me suggère pour vous mon affection paternelle, c'est que vous vous mettiez en prière ; j'y joins les miennes, dans toute l'effusion de mon âme, et j'ai engagé quelques-uns des nôtres à prier aussi dans cette intention.

Après vous avoir indiqué la voie, ainsi que Dieu me l'a suggéré et de la manière la plus simple, je vous dois, comme votre Père spirituel, des conseils et des consolations. Mais où cela mènera-t-il si Dieu n'y coopère ? J'ai le devoir de vous le dire : il ne s'agit pas pour vous d'une chose indifférente ; il est inévitable que votre résolution ultérieure, dans la circonstance où vous êtes, sera du plus grand poids dans l'alternative de votre salut ou de votre perte. Pensez-y devant votre crucifix, et demandez à Dieu qu'il ne permette pas que vous vous égariez.

Je vous conjure, mon cher Fils, de relire ces deux préliminaires et de les mettre à exécution : commencez à prier pendant un temps raisonnable, plusieurs fois chaque jour, avec intention pure de suivre la voix de Dieu ; et quand le moment d'une résolution calme et consciencieuse sera venu, anéantissez-vous devant Jésus-Christ crucifié et suppliez-le de dire à votre cœur ce que vous devez faire.[…]

La tentation est venue vous troubler : armez-vous de la foi, résistez fortement ; demandez l'amour de Dieu

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; frappez et priez, et vous obtiendrez. Dieu est fort pour nous défendre : mais il faut que nous veuillions être défendus ! Votre salut et votre paix sont dans ses mains : demandez-les. Les prestiges du monde nous ont séduit, oublions-les ; quand on possède Dieu, on possède tout ; en possédant tout sans posséder Dieu, on n'a rien que trouble, amertume, remords et désespoir.

Mon cher Fils, choisissez le bon parti : foi aux promesses ! Dieu n'attend que cela pour vous donner la paix de l'âme. Je lui demande toutes ses bénédictions dont vous avez besoin, tous ses secours, tout son amour. Jésus et Marie soient avec vous !

Guillaume-Joseph Chaminade

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14. LES TENTATIONSRépondre par des actes de volonté

Les incitations à la médiocrité, que nous venons de présenter dans le chapitre précédent, sont plutôt subtiles. Ce ne sont pas des incitations au péché mais simplement au compromis. Il y a cependant des moments où nous sommes attirés par ce qui est nettement mal. Etre moins bon, c'est seulement de la médiocrité ; faire le mal, c'est pécher. Même dans l’état de bonté auquel vous êtes parvenu, il y aura des moments où vous serez tentés par le mal.

Nous n’allons pas parler longuement des tentations parce qu’on peut dire assez brièvement ce qu’il faut faire en cas de tentation. Le grain qui doit mourir dans ce cas est tout à fait évident. Les types de tentations que nous évoquons ici n'admettent que deux attitudes. La première consiste à tout simplement dire "non" aux situations dont nous ne pouvons pas nous éloigner. Nous devons laisser mourir, sous nos yeux, ce grain qui nous tente. Les alcooliques, par exemple, ne peuvent pas se raisonner eux-mêmes un verre à la main. S'ils éprouvent le désir de boire, ils ne peuvent s’en débarrasser, il reste là. Mais la seule chose qu'ils peuvent faire, c'est de dire "non !" Nous connaissons tous des moments où nous devons résister à une forte envie de faire un acte mauvais en disant "non", parce que nous ne pouvons pas nous débarrasser de la pulsion elle-même. Nous devons nous rappeler que, même si nous sommes très bons, le mal se présentera à nous comme quelque chose de très

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désirable. Son apparition ne devrait pas troubler notre paix ; nous devrions apprendre à dire "non" avec fermeté.

La seconde attitude est la fuite devant certaines tentations. Les alcooliques ne peuvent pas se débarrasser de leur envie de boire, mais ils peuvent éviter les bars. Il y a des circonstances où nous savons que nous serons tentés, où notre réaction sera mauvaise. Si nous pouvons quitter ces situations, il va de soi qu’il faut le faire.

Dans beaucoup de cas, il n'y a pas d'autre solution que de dire un "non" énergique ou de fuir. Si nous ne faisons ni l’un ni l’autre, nous risquons de ruiner le bien que nous avions acquis jusqu’alors. Le grain qui doit mourir, la chose à laquelle il nous faut renoncer, c’est le désir de quelque chose que nous savons être une chose mauvaise. Laissons cette envie mourir de faim.

Les tentations ne nous rendent pas mauvais ; elles peuvent même servir à nous fortifier. Jésus lui-même a été tenté. Parce que les tentations sont bien réelles, il nous a dit de prier Dieu : "Et ne nous soumets pas à la tentation, mais délivre-nous du Mauvais" (Mt 6,13).

MÉDITATIONS - 14

Première Méditation : L’Esprit nous avertit qu’il faut être sur nos gardes à l’égard des tentations.a) “Veillez et priez pour ne pas entrer en tentation : l’esprit est ardent, mais la chair est faible” (Mt 26,41).

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b) “Et ne nous soumets pas à la tentation ! Mais délivre-nous du Mal !” (Mt 6,13).c) “Soumettez-vous donc à Dieu; résistez au diable et il fuira loin de vous ! ” (Jc 4,7).

Seconde Méditation : Les justes connaissent des tentations, mais ces tentations les rendent plus forts.a) “Jésus, rempli d’Esprit Saint, revint du Jourdain et il était mené par l’Esprit à travers le désert durant quarante jours, tenté par le diable... Quand il eut épuisé toute tentation, le diable s’éloigna de lui jusqu’au moment favorable” (Lc 4,1-2 et 13).b) “Mon fils, si tu prétends servir le Seigneur, prépare-toi à l’épreuve” (Si 2,1).c) “Soyez sobres, veillez. Votre partie adverse, le diable, comme un lion rugissant, rôde, cherchant qui dévorer. Résistez-lui, fermes dans la foi” (1 P 5,8-9).d) “Aucune tentation ne vous est survenue, qui passât la mesure humaine. Dieu est fidèle : il ne permettra pas que vous soyez tentés au-delà de vos forces; mais avec la tentation, il vous donnera le moyen d’en sortir et la force de la supporter” (1 Co 10,13).

QUESTIONS POUR RELIRE SA VIE

1. De quelle façon j’expérimente la puissance des forces du mal dans ma vie ? Suis-je persuadé que

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tous ceux qui veulent marcher avec le Christ connaîtront des tentations ?

2. Quelles sont les tentations dans ma vie que j’ai réussi à identifier ?

3. En prenant un exemple précis, qu’est-ce que je peux prévoir déjà en vue de repousser une tentation habituelle ?

4. Est-ce qu’il m’arrive de parler de mes tentations à mon accompagnateur spirituel ou à mon confesseur ?

5. Face au moindre bien que je souhaiterais choisir ou au mal que je me laisse aller à désirer, est-ce qu’il m’arrive d’avoir recours au sacrement de Pénitence ?

6. En prenant un exemple, dites si l’expérience d’avoir surmonté une tentation vous a fortifié dans votre amour de Dieu et de vos frères.

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Troisième partie

L'ACHÈVEMENT LES VERTUS DE CONSOMMATION

INTRODUCTION La croissance dans la vie spirituelle tend à

s'intégrer et à se simplifier au fur et à mesure qu'elle évolue. Dans la première partie de ce petit livre, nous avons décrit beaucoup de vertus ou de dispositions à acquérir, surtout par un effort personnel. Ces dispositions ou vertus qu’il faut acquérir dans les premières étapes de la vie spirituelle constituent une simple préparation à un état de plus grande maturité spirituelle. Dans la deuxième partie, nous avons examiné les différents moyens par lesquels ces dispositions, une fois acquises, pouvaient être purifiées, c'est-à-dire retirées de leur support humain et placées plus directement sous l'influence de la grâce de Dieu. Après ce travail de purification, nous voici prêts à aborder une nouvelle phase de notre vie spirituelle.

Dans le travail de préparation vous vous êtes montrés très actifs. Votre travail de purification a tendu à vous soumettre à l'action de Dieu. A présent que nous entrons dans la phase de l'achèvement ou de l’accomplissement – de la consommation, disait le Bienheureux G.-J. Chaminade - vous vous consacrez tout entiers à l’acquisition de certaines dispositions ou vertus de

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Jésus Christ et de sa Mère. Votre attention sera moins centrée sur vous-mêmes que sur la vie du Christ et de Marie, que vous cherchez à imiter.

La troisième partie de cet ouvrage a pour titre "L'accomplissement" parce que votre but est de vous exercer si bien à acquérir les dispositions du Christ que cette expérience accomplisse votre être chrétien. Elle engage chaque aspect de votre personnalité et vous pénètre tout entiers. Elle "achève" et "accomplit" véritablement votre vie.

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15. L'HUMILITEAttention profonde aux besoins des autres

Vous est-il jamais arrivé de changer complètement vos projets pour telle journée à cause de la maladie d'un proche dont vous avez décidé de prendre soin ? Votre vie, pendant ce laps de temps, s’est entièrement adaptée aux besoins de cette personne malade. Il arrive probablement assez souvent que, pour des choses plus banales, les besoins des autres changent vos projets personnels. Jusqu'où êtes-vous disposés à laisser ces besoins déterminer votre vie ?

C'était là une disposition fondamentale du Christ durant sa vie : Il a vécu sa vie entièrement en fonction des besoins des autres. Il s'est tellement consacré à nos besoins qu'il s'est laissé "consumer" par eux. Ne nous abusons pas nous-mêmes. Nous parlons ici d'une disposition véritablement héroïque. Elle entraîne qu'il ne s'agit pas ici de laisser mourir un seul grain, mais bien tous les grains qui, de quelque manière, se rattachent à cette disposition intérieure du Christ.

Lorsque nous subordonnons notre vie aux besoins des autres, nous partageons avec le Christ l'expérience de son humilité. Parfois on définit l’humilité d'une manière telle que cette vertu n’apparaisse pas comme très exigeante. Ne pense-t-on pas, par exemple, qu’être humble signifie se rabaisser ? On croit trop souvent qu'une personne humble ne se reconnaît aucune qualité remarquable ou qu’elle a fort peu à offrir aux autres. Cela pourrait bien être un moyen subtil d'éviter le fardeau de la responsabilité. Si une telle

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"humilité" consiste, au fond, à nier certaines bonnes qualités qu’effectivement on a, alors cette "humilité" n'est même pas honnête.

Pour une part, l'humilité authentique comporte bien un abaissement de nous-mêmes, mais c’est au sens où nous faisons passer les besoins d’autrui avant nos propres désirs. Il ne s'agit pas de cet abaissement qui nous permet de protéger notre ego et de fuir nos responsabilités. Il faut espérer que ce grain est déjà mort durant la phase "préparation" (première partie de cet ouvrage).

Combien de fois ne nous sommes-nous pas répété que "l'humilité, c'est la vérité" ? Il y a du vrai, bien sûr, dans cette sorte de définition, mais nous pouvons plus facilement faire nôtre la vérité que les besoins des autres. Souvent, la vérité corrige des idées fausses que nous avons de nous-mêmes, mais rien ne nous amène à un plus grand degré de modestie que de laisser les besoins des autres façonner notre vie. Telle fut l'expérience du Christ.

L'humilité de Jésus l'a conduit à constamment se tenir dans une position inférieure à celle qu'Il méritait. La condition que le Christ a prise en devenant homme n'était pas celle qu'il aurait pu demander en vérité. Il prit pour Lui beaucoup moins que ce que la justice réclamait, ceci parce qu'Il s'est totalement soumis à nos besoins. Saint Paul le dit : "Lui, de condition divine, ne retint pas jalousement le rang qui l'égalait à Dieu. Mais Il s'anéantit Lui-même, prenant condition d'esclave et devenant semblable aux hommes. S'étant comporté comme un homme, il s'humilia plus

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encore, obéissant jusqu'à la mort et à la mort sur une croix !" (Ph 2,6-8). Le Christ était Dieu, mais Il n'a pas revendiqué les droits de Dieu. En laissant les besoins des hommes le consumer, il a abandonné les droits qu'il avait en tant que Dieu. Bien que Dieu, Il n'a pas pris l'apparence – la forme - de Dieu. Le Christ était, en tout, au dessus de nous et pourtant il s'est abaissé pour nous laver les pieds... parce que nous en avions besoin !

Pour le Christ, l'humilité a consisté à sentir sa puissance divine mise de côté tandis qu’il devenait entièrement dépendant de Marie, sa mère. Pour devenir semblable à nous (et pour rencontrer nos besoins) le Christ, qui, en tant que Dieu, possédait la connaissance infinie, a tout appris, tout comme nous le faisons. Le Dieu qui créa les étoiles et nomma chacune d'elles s'est senti ignorant de tout jusqu'à ce qu'Il ait tout appris, de la même façon que nous. Comme Dieu, le Christ était tout puissant ; il lui aurait suffi de toucher une montagne pour la faire exploser et le voilà qui fuit devant Hérode. Le Dieu de toute beauté se retrouve couché dans une mangeoire comme un bébé ordinaire...

Le Christ est la beauté à l'image de qui toutes les choses ont été faites. Et pourtant, devant le besoin des autres, ce même Christ trouve ces autres plus beaux que lui. Il fréquente des gens qui sont plus riches que lui. Il lui arrive d’en sauver qui sont revêtus de plus d'honneurs que lui, qui jouissent d'une renommée plus grande que la sienne aux yeux du monde. Le Christ se fait le serviteur de gens au statut social plus élevé que celui qu'il a jamais pu connaître. Le Christ se livra

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aux mains d'un apôtre qui pouvait le trahir. Le Christ, Dieu tout puissant, a vu le pouvoir sur sa propre vie déposé entre les mains d'une de ses créatures.

Il y a quelque chose de très frappant dans l'humilité du Christ. Avant l'Incarnation, il ne pouvait pas souffrir. Mais en se mettant au service de nos besoins, il est devenu extrêmement vulnérable. Avant l'Incarnation, personne ne pouvait le blesser. Mais à partir du moment où il s’est fait l'un de nous, n'importe qui pouvait mettre la main sur lui. Avant de devenir homme, il était à l’abri des insultes. Mais, comme être humain, il se sentait profondément heurté par le manque d'égards de ses semblables.

Telle était l'humilité du Christ. Elle l'a consumé à un point tel qu'il n’a rien préservé de lui-même, excepté ces indestructibles valeurs : d’être le Chemin, la Vérité et la Vie. La véritable humilité nous rendra toujours vulnérables. Elle nous fera éprouver des souffrances et des blessures que nous aurions pu éviter si nous ne nous étions pas mis, aussi totalement, au service des besoins d’autrui. L'humilité exclut toute recherche de notre ego comme but premier.

La plupart d'entre nous sommes prêts à aider les autres ou à nous solidariser avec eux mais pas au point de mettre notre réputation en jeu. Faire cela, simplement pour aider quelqu'un, cela confine à l'héroïsme. Il est normal de ne pas permettre que notre réputation soit mise à mal. L'humilité du Christ, par contre, l'a mené bien plus loin. Sur la croix, la réputation du Christ a pris un

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fameux coup ! Il aurait pu éviter cela s’il n’avait pas été sur la croix pour nous. Pour la plupart d'entre nous, notre service des autres s’arrête aux intérêts personnels auxquels nous ne voulons pas renoncer. L'humilité du Christ l’a poussé au-delà de toute limite ; il a tout abandonné pour les autres.

Quand les besoins des autres influencent constamment notre vie, quand nous sommes consumés par le désir de nous offrir nous-mêmes pour leur bien, c'est alors que nous expérimentons ce qu’est l'humilité du Christ. Le prix à payer à notre ego est grand, mais le trésor caché que nous découvrons en faisant passer en premier les besoins des autres représente bien plus que ce que cet ego pourrait jamais nous apporter.

"N'accordez rien à l'esprit de parti, rien à la vaine gloire, mais que chacun par l'humilité estime les autres supérieurs à soi; ne recherchez pas chacun vos propres intérêts, mais plutôt que chacun songe à ceux des autres. Ayez entre vous les mêmes sentiments qui furent dans le Christ Jésus" (Ph 2,3-5).

MÉDITATIONS - 15

Première Méditation : Les exemples d’humilité les plus remarquables sont Jésus et Marie.a) En Jésus, nous contemplons Dieu qui s’est abaissé, humilié, en prenant la condition humaine. L’homme Jésus fut humilié encore davantage par sa mort d’esclave (cf. Ph 2,6-8). Jésus a pu dire :

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“Mettez-vous à mon école car je suis doux et humble de cœur” (Mt 11,29).b) Marie ne veut être que la Servante du Seigneur, bien qu’elle soit de toutes les femmes la plus digne. Elle ne dit pas qu’on l’appellera grande mais “bienheureuse”, c’est-à-dire comblée par Dieu qui a jeté les yeux sur elle (cf. Lc 1,48).Seconde Méditation : Seuls les humbles connaissent l’amour et la puissance de Dieu.a) “Il donne une plus grande grâce suivant la parole de l’Ecriture : Dieu résiste aux orgueilleux, mais il donne sa grâce aux humbles. Soumettez-vous donc à Dieu” (Jc 4,6-7).b) “Il a déployé la force de son bras, il a dispersé les hommes au cœur superbe. Il a renversé les potentats de leurs trônes et élevé les humbles” (Lc 1,51).

QUESTIONS POUR RELIRE SA VIE

1. Suis-je conscient, dans la foi, que mes vertus et mes réalisations viennent d’une autre Source ?

2. Est-ce qu’il m’arrive de louer Dieu pour reconnaître en Lui l’auteur de mes qualités et de mes talents et celui qui les maintient en moi ? Faites un temps de louange à partir de quelques qualités et talents personnels.

3. Quel est le don de Dieu que j’apprécie le plus et pour lequel j’ai surtout envie de le louer ?

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4. Comment est-ce que je vis les moments d’humiliation ?

5. Est-ce que j’ai compris en quel sens les éloges qu’on m’adresse représentent pour moi un danger d’idolâtrie ?

6. Est-ce que j’ai fait l’expérience que l’humiliation me rend plus sensible aux dons que Dieu me fait ?

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16. LA MODESTIEAccepter les cadeaux des autres

Il est difficile d'apprendre à accepter des compliments. A la fois, nous souhaitons tous être complimentés, parce que ça donne de l’assurance, et, en même temps, nous pouvons nous sentir mal à l’aise quand les gens nous adressent des compliments. Après tout, nous ne voudrions pas passer pour des poseurs ! D'autre part, refuser un compliment c’est rejeter quelque chose de bon qui nous a été offert. C'est pourquoi, nous pouvons nous sentir gauches en reconnaissant nos propres qualités ou en étant complimentés.

Ce qui nous met mal à l'aise à l’égard des compliments, c'est cette tendance de notre ego à vouloir se les approprier exclusivement. Notre ego veut recevoir le compliment comme un mérité personnel, tandis que notre "bon côté" reconnaît un "don", un cadeau, dans ce qui est dit. Il y a une bonne tendance dans la meilleure part de nous-mêmes qui ne voudrait pas se laisser ternir ou abîmer par l’appropriation de ce qui, en réalité, est un don reçu des autres.

Il y a une disposition spirituelle qui agit automatiquement dès qu’il s’agit de protéger la pureté de nos qualités. Il y a un type de modestie qui nous empêche d’oublier que dans toutes nos qualités il y a quelque chose de gratuit, qui ne dépend pas de nos mérites, qui est un cadeau. Quand cette modestie se manifeste, dans tous les aspects de notre vie, on peut considérer cette modestie comme une vertu "de consommation", de perfectionnement, d’achèvement...

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Le don que le Christ nous a fait de lui-même était d'un mérite infini et parfaitement digne de louanges, mais fait sans la moindre trace d'orgueil. Dans sa modestie, il ne s’est pas effacé, il n’a nié aucune de ses qualités, il ne s’est pas éloigné de nous. Par contre, elle a préservé de tout repli d’autosatisfaction le don qu’il nous avait fait de lui-même.

Pourquoi les compliments ternissent-ils parfois le don que nous faisons de nous-mêmes aux autres ? Nous pouvons être sincèrement généreux et concernés par le prochain. Si on nous fait un compliment, si on nous dit "merci", l’attention générale se déplace des autres vers nous. Ce déplacement d'attention justement nous embarrasse car jusque là nous étions tout attentifs aux autres. Et nous voilà placés au centre du cercle. Si nous laissons notre ego suivre ce mouvement de la caméra, pourrait-on dire, l'amplifier, se complaire dans le plaisir qu'il procure, nous reprenons en quelque sorte au prochain une partie du don que nous lui avions fait et nous nous le réapproprions.

La modestie du Christ consiste en une attention constamment orientée vers l'autre, même quand il recevait un compliment ou un merci. Chaque compliment que quelqu’un nous fait peut être considéré comme une manière pour lui de se donner à nous. Un compliment sincère est un très bel hommage offert par le prochain. La modestie dont nous parlons nous garde de nous admirer nous-mêmes et donc de passer à côté du don qu'à travers son compliment, le prochain nous fait de lui-même. Cette vertu nous aide à porter

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notre attention sur la bonté de celui qui fait le compliment plutôt que sur notre mérite. L'autre ne nous doit pas cet hommage et notre réponse en le recevant doit être une sincère gratitude. Nous restons alors attentifs à la bonté de la personne qui nous adresse son compliment. Ce type particulier de modestie comporte différentes qualités. Elle réagit très vite à toute tentative de notre ego d’attirer toute l’attention à lui. Faisons mourir le grain du souci de nous-mêmes, cela n'empêchera pas les compliments de s’exprimer ! Meilleurs nous serons et plus de bien nous ferons, plus aussi les autres le reconnaîtront et nous en seront reconnaissants. Une grande part de notre bonté n'existe précisément que parce que nous nous soucions du besoin des autres. Quand nous commençons à nous centrer sur nous-mêmes, cette bonté diminue. C'est pourquoi il est utile d'être sur nos gardes à l'égard de la flatterie, qui nous incite à reprendre une grande part de ce que nous avons donné.

Il y a une sorte de séduction psychologique dont nous pouvons facilement devenir la proie. Un lycéen m'a dit un jour combien il était malade et fatigué de passer pour un clown. Et pourtant quelque chose lui disait d’être un clown. Quoi donc ? S’il était drôle, il avait du succès. Il s'était laissé séduire par ce rôle de clown qui lui garantissait des compliments à n’en plus finir. Il lui arrivait d'avoir de très belles choses à dire mais comme elles étaient sérieuses, il ne les disait pas. Il sentait qu'il ne pouvait pas être pleinement lui-même parce que les autres s'attendaient à ce qu'il soit un clown. Il avait trop souvent ramené les

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compliments à lui-même plutôt que de porter son attention sur la gentillesse des gens qui les lui adressaient. Il ne prenait pas garde aux côtés nuisibles de la flatterie mais il en souffrait.

La modestie est une disposition qui fait considérer tout compliment comme un don gratuit reçu de l’autre. Elle nous pousse à être plus sensibles au don fait par l’autre qu’à notre mérite personnel et nous incite à prêter attention à la bonté d'autrui, qui est à l'origine du compliment. Si les autres respectent nos qualités, s'ils les mettent en valeur par un compliment à notre adresse, nous prenons cela aussi pour un cadeau de leur part. Notre vie entière est dès lors plongée dans une attitude de reconnaissance. Nous remercions pour tout, car nous n’attendons pas grand chose de nous-mêmes.

La modestie développe en nous une attitude de reconnaissance permanente. Elle nous fait constater que beaucoup de choses nous sont données "gratuitement" et que nous ne pouvons jamais entièrement payer les autres en retour. Ce sentiment nous convainc de ce que nous devons aux autres tout ce qu’il y a de bon en nous. C’est particulièrement vrai lorsque nous prenons conscience de tout ce que nous devons à Dieu. La reconnaissance est la seule réponse qui convienne quand on a conscience de tout ce qu’on reçoit et la modestie est la disposition qui garantit cette réponse.

Notre Seigneur Jésus nous a dit de faire briller notre lumière de telle façon que ceux qui la voient glorifient notre Père céleste. La lumière ne devrait

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jamais être orientée de telle sorte qu’elle glorifie notre propre ego. La modestie fait vraiment briller la lumière ! "Vous êtes la lumière du monde. Une ville ne se peut cacher, qui est sise au sommet d'un mont. Et l'on n'allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau, mais bien sur le lampadaire où elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison. Ainsi votre lumière doit-elle briller aux yeux des hommes pour que, voyant vos bonnes oeuvres, ils en rendent gloire à votre Père qui est dans les cieux" (Mt 5,14-16).

Regardons les choses comme elles sont : des gens nous loueront. Si la modestie recouvre tout dans nos vies, alors notre réaction sera toujours de voir chez les autres la bonté qui a inspiré leurs encouragements, aussi bien que la bonté de Dieu, source de notre propre bonté.

MÉDITATIONS - 16

Première Méditation : L’Ecriture décrit la modestie.a) “Mon âme exalte le Seigneur. Car le Tout-Puissant a fait pour moi de grandes choses” (Lc 1,46-49).b) “Non pas à nous, Seigneur, non pas à nous, mais à ton nom rapporte la gloire !” (Ps 115,1).c) “Votre lumière doit briller devant les hommes afin qu’ils voient vos bonnes oeuvres et glorifient votre Père qui est dans les cieux” (Mt 5,16).

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Seconde Méditation : Marie est le modèle de la modestie.a) “Je suis la servante du Seigneur; qu’il m’advienne selon ta parole !” (Lc 1,38).b) Comme Marie, nous devons coopérer à l’œuvre de Dieu dans un esprit de service, pour réaliser les desseins du Seigneur. Lorsque les desseins de Dieu rayonnent à travers nous, soyons simplement comme l’herbe qui plie sous le poids de l’épi de blé, révélant les merveilles de Dieu. Nous sommes chargés de plus de richesses, de dons de Dieu, que nous ne pouvons même en porter.

QUESTIONS POUR RELIRE SA VIE

1. Comment joue le rapport entre ma complaisance dans les compliments et ma relation avec Jésus Christ ?

2. Si je me complais dans les éloges, est-ce que cela peut influencer négativement ma relation avec les autres ? Et comment ?

3. Certaines de mes réactions seraient-elles influencées par les flatteries dont je puis être l’objet ?

4. Puis-je trouver un exemple où certaines paroles louangeuses ont pu me détourner du regard sur Dieu ?

5. Suis-je prêt à tenir une place inférieure si elle me permet de mieux aimer et glorifier Dieu ?

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6. A quels soucis de mon image de marque dois-je actuellement renoncer pour pouvoir appartenir plus complètement à Dieu ?

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17. L'ABNEGATION DE SOI-MEMELe don total de soi

Un des traits frappant de l'amour du Christ c’est qu’il fut si exposé, si vulnérable. Le Christ n’a pas d’abord vérifié si nous l'accepterions avant de s'offrir à nous. Il n'a pas attendu d'être sûr de notre confiance avant de se livrer entre nos mains. Il ne s’est pas limité à marcher sur des sentiers où il pouvait prévoir que nous ne le ferions pas souffrir. En d'autres termes, le don que le Christ a fait de Lui-même n'était pas conditionné par la réponse que nous pourrions faire. Dieu nous a aimés le premier et il s'est offert complètement, sans se soucier de la manière dont nous allions le traiter. Jésus, notre Dieu, est venu à nous entièrement ouvert et sans la moindre protection, sans aucun esprit de jugement. Notre réponse ne détermine pas la mesure dans laquelle il se donne à nous.

Ce n'est vraiment pas là notre façon d'aimer, du moins ordinairement ! Le plus souvent, nous posons plein de conditions, au fond de nous, à notre amour pour les autres. Si, par exemple, quelqu'un nous témoigne peu d'attention, rapidement diminue aussi l'attention que nous lui accordons en retour. Si quelqu'un ne veut pas de notre pardon, nous retirons l'offre de ce pardon. Nous sommes prêts à pardonner, mais à condition de ne pas servir de paillasson. Si nous craignons que l’autre va profiter de nous, nous n’entrons pas nous-mêmes dans une démarche d'amour. Nous aidons ceux qui nous sont reconnaissants, mais nous retirons bien vite notre aide à ceux qui ne

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nous témoignent pas de gratitude. Notre amour est fortement conditionné par la réponse que nous recevons en retour. Toutes ces conditions que nous posons à notre don dans l’amour sont autant de grains qui doivent mourir.

La manière d'aimer du Christ est tout autre. Lui s'est offert à des gens qui ne méritaient pas son amour, à des gens qui ne le souhaitaient pas, à des gens qui en abusaient. Il s'est offert à nous entièrement et à jamais parce que le bien qu'il voulait offrir était en Lui-même. De sa part, le don de soi était motivé par sa propre bonté et non par notre réponse à cette bonté.

Parce que l'amour du Christ n'était pas conditionné par ce qu'il attendait en retour de la part de ceux qu'il aimait, Jésus a pu aimer chacun d’entre nous et totalement. Il a même pu aimer ses ennemis, parce que dans son amour il y avait aussi le pardon. Il a pu aimer les ingrats parce que son amour pour eux les invitait à devenir reconnaissants. Il a même pu aimer Judas, celui qui l'a trahi, parce que son amour pour Judas donnait aussi à ce dernier la chance de se convertir. Le Christ a pu aimer tout le monde parce qu'il y avait dans son amour de la bonté, de la bienveillance pour tous, qu'ils daignent accepter cet amour ou non.

C’est cet amour mûr et épanoui du Christ que nous voulons partager jusqu'à en être consumés. L'offrande que nous faisons de nous-mêmes dans un amour désintéressé s’adresse à tout le monde. En aimant les autres, nous leur offrons notre bonté, sans rien en attendre en retour. Notre

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amour les laisse tout à fait libres d'y répondre, de la manière qu'ils souhaitent. Tantôt cette réponse sera de la gratitude ou un amour en retour et nous en éprouverons une joie profonde. Tantôt cette réponse sera la trahison et nous ferons, avec le Christ, l'expérience de sa dernière rencontre avec Judas. Mais, de notre part, nous offrirons toujours la même chose - le don de notre confiance, de notre pardon, de notre compréhension, de notre gentillesse - quelle que puisse être la réponse de l'autre.

Jésus nous a appelés à une telle plénitude d’amour parce qu'il nous comble de vie extraordinairement. "Je vous donne un commandement nouveau : aimez-vous les uns les autres. Oui, comme je vous ai aimés, vous aussi, aimez-vous les uns les autres. A ceci tous vous reconnaîtront pour mes disciples : à cet amour que vous aurez les uns pour les autres" (Jn 13,34-35). L'amour de Jésus nous rend libres, parce qu'il nous laisse entièrement libres de choisir comment nous allons répondre à cet amour. Quelle que soit notre réponse, son amour nous atteint. Son amour est vraiment un amour rédempteur. Notre amour aussi peut être un amour libérateur et rédempteur. C’est le don parfait de nous-mêmes - un don inconditionnel.

MÉDITATIONS - 17

Première Méditation : Jésus nous prévient que nous ne pouvons pas suivre deux maîtres : nous et lui.

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a) “Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il se renie lui-même, qu’il se charge de sa croix chaque jour et qu’il me suive” (Lc 9,23).b) “Qui veut sauver sa vie la perdra, mais qui perdra sa vie à cause de moi, celui-là la sauvera” (Lc 9,24).

Seconde Méditation : Dieu est lui-même la récompense de ceux qui ont renoncé à tout.a) “De toutes vos inquiétudes déchargez-vous sur Dieu, car il a soin de vous” (1 P 5,7).b) “Tous ces avantages dont j’étais pourvu, je les ai considérés comme un désavantage, à cause du Christ. Bien plus, désormais je considère tout comme désavantageux à cause de la supériorité de la connaissance du Christ Jésus mon Seigneur. A cause de lui j’ai accepté de tout perdre, je considère tout comme déchets, afin de gagner le Christ et d’être trouvé en lui, n’ayant plus ma justice à moi, celle qui vient de la Loi, mais la justice par la foi au Christ...” (Ph 3,7-9).

QUESTIONS POUR RELIRE SA VIE

1. Ai-je le désir de me laisser conduire par l’Esprit-Saint ?

2. Mon style de vie, mon emploi du temps, mes méthodes de travail, le choix de mes amis deviennent-ils progressivement habités par la parole de Jésus : “Père, non pas ce que je veux, mais ce que tu veux” ?

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3. Dans mes plaintes ou mes gémissements, est-ce que je sais découvrir ce qu’il peut y avoir là d’égoïsme réducteur ?

4. Quelles préférences, quels désirs suis-je disposé à “laisser tomber” pour mieux vivre en Christ dans l’amour de Dieu ?

5. Est-ce qu’il m’arrive de marcher sur des sentiers de renoncement qui vont pouvoir libérer en moi la louange de Dieu et la joie ?

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18. RENONCER AUX CREATURES ET AU MONDE

La parfaite pauvreté en esprit

Il arrive que nos richesses retiennent les autres loin de nous. Ce ne sont pas toujours nos biens matériels ni nos propriétés qui font que les autres hésitent à s'approcher de nous. C’est parfois le rang spécial que nous occupons. Ce peut être l'éducation que nous avons reçue qui fait que les autres ne se sentent pas à leur place en notre compagnie. Notre travail professionnel, les gens que nous fréquentons, les distinctions que nous avons reçues, autant de choses qui peuvent constituer des "biens" qui éloignent les autres de nous.

Quoiqu'il en soit, ces biens maintiennent les autres loin de nous uniquement si notre ego s'y attache pour lui-même. Dans ce cas, ces biens nous rendent riches d'une manière que Jésus condamnait. Peut-être les autres nous évitent-ils parce que nous possédons quelque chose qu'ils ne peuvent partager. Il se peut que nous tenions à nos distinctions, à nos positions ou à notre savoir d'une façon telle que les autres ne peuvent pas se sentir partie prenante. Peut-être que nous nous accrochons avec ténacité à ce dernier grain, à cette dernière chose que nous voulons conserver pour nous seuls.

Nos biens tiennent-ils les autres à distance de nous ? Dans quelle mesure les autres se sentent-ils libres de nous demander à de pouvoir se servir de ce qui nous appartient ? Ont-ils l'impression qu'ils peuvent nous emprunter notre voiture, notre

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terrain de jeu, nos livres, et prendre de notre temps ? Garder quelque chose pour nous seuls alors que nous pourrions le partager ce n’est pas vivre dans l’esprit de pauvreté du Christ. Lui ne possédait rien qu'il ne fût prêt à partager. Ceux qui ne se sentaient pas prêts à prendre une part de ce qui était à lui n'étaient pas prêts non plus à accepter les exigences liées au partage.

Et si les biens que nous possédons ne tiennent pas les autres à distance, peut-être qu’à l’inverse, c’est nous qu’ils éloignent des autres ? Il y a une manière de nous attacher à nos biens qui ne nous laisse pas libres d'aller vers les autres. Notre statut peut nous faire penser que nous ne pouvons pas nous abaisser à la compagnie de certaines catégories de gens. Nos richesses peuvent gêner de notre côté une fréquentation trop familière des pauvres. Notre éducation, liée à notre statut, peut nous laisser muets en présence de personnes sans éducation. Rien de ce que nous possédons ne devrait jamais nous empêcher de faire, à qui que ce soit, le don de nous-mêmes. Nous voulons nous laisser brûler comme le Christ par le désir de donner.

"Vous connaissez la libéralité de notre Seigneur Jésus Christ, comment de riche il s'est fait pauvre pour vous, afin de vous enrichir par sa pauvreté" (2Co 8,9). Le Christ était pauvre parce qu'Il n'avait rien que les autres ne puissent partager. Il a laissé aux autres la disposition de tout ce qu'il avait – ses biens, son rang et même les secrets de sa vie. "Je ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur ignore ce que fait son maître; je vous appelle amis, car tout ce que j'ai appris de mon Père je vous l'ai

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fait connaître" (Jn 15,15). Le Christ a partagé sa réputation, son savoir et jusqu'à son statut divin de Fils de Dieu. Son dernier acte sur la croix fut de nous offrir en partage l'étroite parenté qui l'unissait à sa Mère. Il s'est refusé tout ce qui aurait pu faire obstacle à son amour pour les autres. C'est la pauvreté de ce renoncement qui nous a permis de devenir riches.

La vertu ultime dans laquelle nous grandissons c’est un désir brûlant de ne rien garder qui puisse écarter de nous qui que ce soit ou qui puisse nous tenir éloignés de qui que ce soit. Avec cette pauvreté en esprit, nous laissons tomber dans la terre le dernier grain qui doit mourir en vue de produire une abondante moisson.

MÉDITATIONS - 18

Première Méditation : Jésus enseigne la nécessité du renoncement total.a) “Quiconque parmi vous ne renonce pas à tous ses biens ne peut être mon disciple” (Lc 14,33).b) “Oui, je vous le répète, il est plus facile à un chameau de passer par un trou d’aiguille qu’à un riche d’entrer dans le Royaume des Cieux” (Mt 19,24).

Seconde Méditation : Nous nous libérons des biens de ce monde pour pouvoir nous laisser enrichir de l’amour de Dieu.

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a) “N’aimez ni le monde, ni ce qui est dans le monde. Si quelqu’un aime le monde, l’amour du Père n’est pas en lui” (1 Jn 2,15).b) “Cherchez d’abord le Royaume de Dieu et sa justice et tout cela vous sera donné par surcroît” (Mt 6,33).

c) “Heureux ceux qui ont une âme de pauvre, car le Royaume des Cieux est à eux” (Mt 5,3).

QUESTIONS POUR RELIRE SA VIE

1. Est-ce qu’il y a des titres, des motifs de fierté auxquels je demeure attaché et que je ne voudrais pas perdre ? Lesquels ?

2. Quand je perds certaines choses qui sont à mon service - tels habits à la mode ou à mon goût, ou encore des instruments de travail - est-ce que cela m’attriste ou me laisse indifférent ? Donnez un exemple.

3. A quel bien de ce monde suis-je prêt à renoncer pour être davantage au Seigneur ?

4. Ce qui est à ma disposition, est-ce que je sais le considérer comme appartenant à Dieu-Source ? Est-ce qu’il y a des choses que je voudrais garder pour moi ? Lesquelles ?

5. Est-ce que j’avance dans mon désir d’être abandonné au Seigneur, mon guide et mon

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chemin ? Comment est-ce que je traduis ce désir, dans les faits, concrètement ?

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TABLE DES MATIÈRES

Préface à l’édition américaine 3INTRODUCTION 5

Première partieSE PREPARER A UNE VIE INTENSE LES VERTUS DE PREPARATION 71. LE SILENCE DE LA PAROLE 7

MÉDITATIONS – 1 152. LE SILENCE DES SIGNES 19

MÉDITATIONS – 2 253. LE SILENCE DE L’ESPRIT 27

MÉDITATIONS – 3 314. LE SILENCE DE L'IMAGINATION 35

MÉDITATIONS - 4 385. LE SILENCE DES PASSIONS 41

MÉDITATIONS – 5 456. LE "RECUEILLEMENT" 49 MÉDITATIONS – 6 527. L'OBEISSANCE, VERTU DE PREPARATION 57 MÉDITATIONS – 7 618. LE SUPPORT DES MORTIFICATIONS 65

MÉDITATIONS – 8 69

Deuxième partieLE TRAVAIL DE LA PURIFICATION INTRODUCTION 73

MÉDITATIONS II.0 759. NOS FAIBLESSES 79

MÉDITATIONS – 9 8310. NOS RESISTANCES AU CHANGEMENT 87

MÉDITATIONS – 10 9011. L’ HÉSITATION 93

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MÉDITATIONS – 11 9712. SUPPORTER CONTRARIETES ET MORTIFICATIONS 101

MÉDITATIONS – 12 10613. POURQUOI NOTRE MEDIOCRITE ? 109

MÉDITATIONS – 13 11314. LES TENTATIONS 117

MÉDITATIONS – 14 118

Troisième partieLES VERTUS DE CONSOMMATION L'ACHEVEMENT 121 INTRODUCTION 12115. L'HUMILITE 123

MÉDITATIONS – 15 12716. LA MODESTIE 129

MÉDITATIONS – 16 13317. L'ABNEGATION DE SOI-MEME 135

MÉDITATIONS – 17 13718. RENONCER AUX CREATURES ET AU MONDE 139

MÉDITATIONS – 18 141

TABLE DES MATIERES 143

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