Wieger - Textes Historiques - Histoire Politique de La Chine - Tomo II

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Textes historiques, Histoire politique de la Chiine depuis l'origine, jusqu'en 1929, tome I [ b. De 86 avant J.-C. 419, fin de la dynastie Tsnn ]

Textes historiques. I.

[b. De 86 av. J.-C., 419, fin de la dynastie Tsnn.]

@Lon WIEGER S. J.TEXTES HISTORIQUES

Histoire politique de la Chine

TOME I

[ b. De 86 avant J.-C. 419, fin de la dynastie Tsnn ]

Un document produit en version numrique par Pierre Palpant,

collaborateur bnvole

Courriel: [email protected]

Dans le cadre de la collection: Les classiques des sciences sociales

fonde et dirige par Jean-Marie Tremblay,

professeur de sociologie au Cgep de Chicoutimi.

Site web: http://classiques.uqac.caUne collection dveloppe en collaboration avec la Bibliothque

Paul-mileBoulet de lUniversit du Qubec Chicoutimi.

Site web: http://bibliotheque.uqac.ca

Un document produit en version numrique par Pierre Palpant, collaborateur bnvole,

Courriel: [email protected] partir de:

TEXTES HISTORIQUES,

Histoire politique de la Chine.

depuis lorigine, jusquen 1929.

par Lon WIEGER S. J. (1856-1933)

Imprimerie de Hien-hien, 3e dition, 1929, 2 tomes, 2103 pages.

Prsente section: de 86 av. J.-C. 419, fin de la dynastie Tsnn, (Tome I, pages 480-1068).

Police de caractres utilise: Times, 10 et 12 points.

Mise en page sur papier format Lettre (US letter), 8.5x11

[note: un clic sur @ en tte de volume et des chapitres et en fin douvrage, permet de rejoindre la table des matires]

dition complte le 15 dcembre 2006 Chicoutimi, Qubec.T A B L E D E S S E C T I O N S

TOME ILEMPIRE ABSOLU, 221 avant J.-C., jusquen 1911. Premire dynastie Hn, 202 avant J.-C., jusqu lan 8 de lre chrtienne.. . . . . . . .[Lempereur Tcho, 86 74 av. J.-C.Lempereur Sun, 73 49: Intrigues et gouvernement. Guerres et politique extrieure. Administration. Personnages et Murs (Kong-soei, Chu-koang, Yng-yunn, Tchng-tchang, Yn yen-nien). Pre et fils. Phnomnes naturels. Culte. pilogue.Lempereur Yun, 48 33. Culte.Lempereur Tchng, 32 7: Affaires extrieures. Affaires intrieures. Le clan Wng; intrigues. Culte. Phnomnes naturels.

Lempereur Ni, 6 1: Bataille de dames. Rvision et classification de la littrature. Schma fiscal. Le Fleuve Jaune.

Lempereur Png, 1 5 aprs J.-C. Le bb Yng, 6 8. ] Lusurpateur Wng-mang, 9 23. Anarchie. Lutte pour lempire, 24.

Deuxime dynastie Hn, 25 220.

[Lempereur KongO, 25 57: Pacification intrieure. Guerres extrieures. Administration. Personnages et Murs. Famille. Intrieur. Culte. Rites.Lempereur Mng, 58 75: Guerres extrieures.Lempereur Tchng, 76 88: Guerres extrieures. Le Harem. Administration. Culte. Rites. Lettres. Personnages.Lempereur Hoo, 89 105: Guerres. Le Harem. Administration.Lempereur Chng, 106.

Lempereur Nn, 107 125: Guerres. Personnages. Le Harem.Lempereur Chonn, 126 144: Personnages. Le Harem.Lempereur Tchong, 145.

Lempereur Tchu, 146.

Lempereur Hon, 147 167: Guerres. Personnages. Culte. Commerce. Lempereur Lng, 168 189: Lutte entre les lettrs et les eunuques. La Pliade. Faits de guerre. Littrature. Culte. Les Turbans JaunesLiu-pien, 189.

Lempereur Hin, 190 220.

Les Hn de Chu, avec leurs comptiteurs les Wi et les O.. Priode dite Sn-kouo, les Trois royaumes, 220 265.

Dynastie Tsnn, 265 419.

[I. Tsnn Occidentaux, au nord du Fleuve Bleu. Les empereurs O, 265 289. Hoi, 290 306. Hoi, 307 312. Mnn, 313 316.

II. Tsnn Orientaux, au sud du Fleuve Bleu. Les empereurs Yun, 317 322. Mng, 323 325. Tchng, 326 342. Kng, 343 344. Mu, 345 361. Ni, 362 365. Su-ma i, 366 370. Kin-wenn, 371 372. Hio-O, 373 396. Nn, 397 418. Sonn-nenn. Hon-huan. Kong, 419.]@Lempereur Tcho,

86 74.Carte IX. @p.480 Quand lempereur O fut mort, tous les roitelets et seigneurs en furent avertis par une lettre de faire part officielle. Lorsque Tn, le roitelet de Yn, fils dune concubine de lempereur O, reut la sienne, il refusa de pousser les lamentations rituelles, donnant pour raison que le format de la lettre tait trop petit (la grandeur du format est en proportion de la dignit de la personne). Puis, pensant quil y aurait peuttre moyen de faire un pronunciamento la capitale, il y envoya un agent, sous couleur de demander la solution de quelques difficults rituelles, mais en ralit pour tudier ltat des esprits la cour. Quand ensuite ldit davnement du nouvel empereur, accorda aux roitelets et seigneurs la confirmation de leur investiture et une gratification, Tn dit avec colre: On maccorde une gratification, moi qui devrais tre empereur!... puis il se mit comploter avec Tchi, le petitfils du roitelet Hio de Ts. Il rpandit le bruit que, de son vivant, lempereur O lui avait donn mission de veiller lordre public, et de recruter des soldats, en vue dventualits possibles. Dun autre ct, pour indisposer le peuple, il rpandit, dans toutes les principauts et prfectures, un libelle affirmant que le jeune empereur Tcho ntait pas fils de lempereur O, et excitant lempire tout entier se soulever contre lui. Tchi devait commencer la rvolte Lnntzeu (46), sa rsidence. Tn attira lui tous les gredins de lempire, ramassa quantit de cuivre et de fer, fabriqua des cuirasses et des armes. Il passa plusieurs fois la revue de ses chars de guerre, cavaliers, arbaltriers et fantassins. Sous couleur de chasses royales, il fit de grandes manuvres militaires. Un beau jour, il fit assassiner Hni, et quatorze autres, qui avaient censur ses actes... Cependant les Rgents veillaient. Au huitime mois, He poui se saisit de Tchi et de p.481 ses affids quil livra au Chef des princes. Les aveux de Tchi compromirent gravement le roitelet Tn. Mais un dcret ordonna que, le roitelet de Yn tant trs proche parent de lempereur (frre), il ne devait pas tre poursuivi. Tchi et ses complices furent excuts. Nous verrons que Tn profita mal de la clmence de lempereur. En rcompense de sa capture, He poui fut fait prfet de la capitale. Les officiers et le peuple admiraient galement la justice et la droiture de cet homme. Sa mre vivait encore et gouvernait sa maison. Chaque fois que He poui revenait dinspecter les prisons, sa mre lui demandait combien dinnocents il avait dlivrs. Quand il en avait dlivr un bon nombre, elle tait contente et riait. Quand il navait dlivr personne, elle se fchait et ne lui donnait pas manger. Grce sa mre, He poui fut un fonctionnaire rigide, mais non cruel.

En 86, au neuvime mois, lun des trois Rgents, le Hun Knn mi-ti mourut.

En 83, la petitefille de lexpalefrenier Chngkoan kie troisime Rgent (fille de son fils Chngkoan nan et de la fille du premier Rgent Hookoang), fut marie lempereur et nomme impratrice en titre. Lempereur Tcho avait douze ans; limpratrice en avait cinq. Il y eut amnistie gnrale. Lhistoire qualifie ce mariage de ridicule; elle na pas tort.

En 82, au premier mois, un homme mont sur un char attel de bufs jaunes, arriva la porte septentrionale du palais, et dclara quil tait Ki, le prince imprial, fils de lempereur O et de limpratrice Wi (p.467). Les gens de service la porte, appelrent en hte tous les nobles et officiers quils purent trouver, pour voir ce qui en tait. Personne nosait se prononcer. Cependant la foule affluant rapidement, des myriades dhommes furent bientt runies. Craignant un soulvement populaire, le p.482 gnral de la gauche rangea les gardes en bataille. Soudain le prfet de la capitale He poui, fendant la foule la tte de ses satellites, leur ordonne de se saisir de lhomme et de le lier. Quelquun lui dit: Vous tranchez arbitrairement une question qui serait claircir. Alors Hie poui cria: Pourquoi vous intressezvous tant lex-prince imprial? Ne savezvous pas que jadis Koi-koei, fils du marquis Lng de Wi (534493), stant sauv aprs avoir offens son pre, ceux de Wi refusrent ensuite de recevoir son fils: conduite que Confucius approuve dans sa Chronique? Or le prince Ki a fui, aprs avoir offens son pre, feu lempereur O. Suppos quil ne soit pas mort, et quil se trouve vraiment ici devant vous, cest un criminel que jarrte!... et , joignant lacte la parole, He poui saisit et mena au Grand Juge lauteur de tout cet esclandre. Sur ces entrefaites, lempereur Tcho et le rgent Hookoang ayant appris lvnement, donnrent de grandes louanges au prfet et dirent: Les ministres et les officiers devraient tous avoir, comme He poui, des citations canoniques ou historiques probantes, toutes prtes pour la circonstance!... Cependant le Grand Juge ayant examin son prisonnier, dcouvrit limposture. Ctait un certain Tchng fangsoei, originaire de Hi-yang, demeurant Hu (Chn-si actuel). Un familier du feu prince Ki, lui avait dit un jour:

Vous ressemblez tonnamment au prince!...

Cette parole enflamma Tchng fangsoei du dsir des grandeurs. Convaincu de fraude et de lsemajest, il fut coup en deux par le milieu du corps.

En 81, retour en Chine de Suou, envoy en lan 100, comme ambassadeur, au khan des Huns (p.402)... Quand Suou eut t dport dans les steppes du lac Bakal, sans quon lui portt de vivres, il fut rduit traquer les p.483 gerboises du dsert, pour se nourrir de leur chair et des graines amasses dans leurs terriers. Il navait jamais quitt, ni le jour ni la nuit, le sceptre de dlgation que lui avait donn lempereur. Ce sceptre, tout us, lui servait de houlette, pour conduire son troupeau de boucs. Jadis Suou avait t collgue de L-Ling. Quand, en 99, ce dernier eut pass aux Huns, le khan lenvoya au lac Bakal, porter Suou du vin et autres douceurs. L-ling dit Suou:

Le khan sait que nous sommes amis; voil pourquoi il ma envoy pour vous dire que, puisque vous ne retournerez jamais en Chine, cest bien en vain que vous vous affligez dans ce dsert. Qui vous en saura gr? Vos frres ont tous pri impliqus dans diverses causes criminelles. Votre mre est morte. Votre femme sest remarie. Il ne reste, de toute votre famille, que les enfants de votre sur, qui sont alls on ne sait o. La vie de lhomme passe, comme la rose de la nuit; pourquoi alors vous affliger de la sorte? Vous tes avanc en ge. Rien de plus inconstant que la faveur dun prince. Moi qui nai commis aucune faute, je viens dapprendre que lempereur a fait exterminer toute ma parent, plusieurs dizaines de familles. Qui sait comment vous finiriez, si vous rentriez au service de lempereur!...

Suou rpondit:

Mon pre et moi, levs par lempereur malgr notre peu de mrite, nous avons t faits marquis et ambassadeurs. Il y a longtemps que, par reconnaissance, je dsire rpandre, pour le Fils du Ciel, mon foie et ma cervelle. Aussi maintenant que je tiens loccasion de mourir pour mon prince, je me garderai bien de la laisser chapper. Le ministre a, lgard de son souverain, les mmes obligations que le fils lgard de son pre. Or un fils doit mourir volontiers pour son pre. Ne men dites donc pas plus long!...

L-ling passa plusieurs jours auprs de Suou, buvant avec lui et cherchant p.484 le persuader. Enfin il lui dit:

coutezmoi encore une fois!...

Suou rpondit:

Inutile! Jai rsolu de mourir. Le khan vous a envoy ici pour menjler. Cessez de faire son jeu!...

L-ling ayant constat linflexible fidlit de Suou, dit en soupirant:

Quel noble caractre! Moi et Wi-lu (p.402) nous sommes bien coupables; notre pch crie vengeance au ciel!...

Et tout en larmes, il prit cong de Suou... Quand les Huns eurent appris la mort de lempereur O, le khan renvoya L-ling au lac Bakal, pour en donner avis Suou. Celui-ci se tournant vers le sud, poussa des cris lamentables, jusqu en cracher du sang; puis il pleura lempereur, matin et soir, durant plusieurs mois Cependant des discordes intestines ayant affaibli les Huns, ceuxci craignant que les Hn nen profitassent pour les attaquer, demandrent de nouveau sunir, par un mariage, avec la famille impriale, et renvoyrent libres, cette occasion. Suou et Mhoung. Ce Mhoung avait t jadis envoy, comme ambassadeur imprial, aux royaumes occidentaux. Pris par les Huns, il avait refus de les servir. Les Huns rendirent ces deux prisonniers, pour se faire bien venir... L-ling donna un repas dadieu Suou, et lui dit:

Votre fidlit vous a rendu clbre, et parmi les Huns, et parmi les Hn. De tous les hros illustrs par lcriture et la peinture, aucun ne vous surpasse. Quant moi dont on a extermin toute la parent, pourquoi retourneraisje en Chine? Cen est fait! Voyez cependant quelle est la douleur de mon cur! . et L-ling prit cong de Suou, et, versant un torrent de larmes... De toute lambassade de Suou, neuf personnes revirent leur patrie. Quand il fut arriv la capitale, un dit imprial ordonna de le prsenter au temple de lempereur O, et dy offrir en son nom, avec le compte rendu de sa mission, un sacrifice de trois p.485 victimes. Il fut nomm Ministre des affaires barbares, avec deux mille piculs de traitement (p.310). Il reut trois millions de sapques, deux cents acres de terre, et une habitation. Il avait t esclave chez les Huns, durant 19 ans. Parti dans la force de lge, il tait revenu vieillard barbe blanche. La captivit de Suou est un thme favori des couleurs et des potes chinois. Grce eux, son histoire fort simple, est devenue une belle lgende. Dans son dsert du lac Bakal, Suou ayant pris une oie sauvage, lui attacha la patte un crit, appel dchirant la piti impriale. Loie, volant vers le sud, alla gentiment se faire tuer par lempereur de Chine, lequel chassait ce jourl. Lempereur ngocia la dlivrance du prisonnier... Les discours et lettres de L-ling Suou, abondent dans les collections littraires. Voyez Zottoli. Cursus. Antiquae Prosae, p.269... Tout cela est absolument apocryphe, mais combien harmonieux!En 80, le rgent Chngkoan kie et son fils Chngkoan nan (gendre de Hookoang et pre de la petite impratrice), ayant sollicit le titre de marquis pour un certain Tng wai-jenn (amant de la princesse Tchng, fille de lempereur O, femme du marquis Ki), le premier rgent et grand marchal Hookoang refusa; il dfendit aussi que cet homme ft prsent lempereur. De ce jour, la princesse Ki, et les Chngkoan pre et fils, en voulurent Hookoang. Chngkoan kie savait bien quil lui avait t adjoint par lempereur O, comme un personnage accessoire; mais depuis que la fille de son fils tait impratrice, il trouvait pnible de voir le pouvoir entirement aux mains de Hookoang, laeul maternel de limpratrice, ce qui, en Chine, est beaucoup moins... Dun autre ct, Tn roitelet de Yn, frre an de lempereur, dont nous avons dj parl en mauvaise part (p.480), jalousait son frre et rvait de le supplanter... Sng houng-yang (p.437) qui avait vainement demand Hoo-koang des charges pour divers membres de sa famille, hassait aussi le Marchal. Tous ces mcontents, savoir la sur princesse Ki, Chngkoan kie le rgent, Chngkoan nan son fils, et Sng houng-yang, conspirrent avec le frre Tn roitelet de Yn. Ils rdigrent, au nom de Tn, un libelle dans lequel on avertissait lempereur, que certains changements dofficiers et mouvements de troupes, ordonns par Hookoang, semblaient tre la prparation dun p.486 coup de main sur la capitale. Les conjurs attendirent, pour prsenter leur factum, le jour de cong de Hoo-koang (chaque cinquime jour, sous les Hn, pour se peigner et se baigner). Chngkoan kie devait pousser laffaire dans lintrieur du palais; et Sng houng-yang devait diriger, lextrieur, les mouvements des conjurs... La dnonciation ayant t prsente, lempereur la rejeta. Le lendemain, de grand matin, Hookoang alla au palais, lordinaire. Inform de ce qui stait pass la veille, il sarrta dans la galerie des peintures, et nentra pas chez lempereur. Celui-ci demanda Chngkoan kie pourquoi Hookoang ne paraissait pas.

Il nose pas se montrer, dit celui-ci, parce quil sait que le roitelet de Yn a dvoil ses mfaits...

Appelezle, dit lempereur. .

Quand Hoo-koang arriva devant le trne, il ta son bonnet et se prosterna en posture de coupable:

Couvrezvous, Marchal, dit lempereur. Je sais que ce quon a crit contre vous, est faux. Vous tes irrprochable!...

Quelle preuve en avez-vous? demanda Hookoang, par manire dexorde sa justification...

Sans lui laisser allguer aucune excuse, quon aurait pu discuter, lempereur dit:

Marchal, si vous qui tenez tout le pouvoir en main, vous aviez vraiment eu du mauvaises intentions, vous nauriez pas mis dix jours les excuter, vous nauriez pas eu besoin dappeler tel ou tel officier, vous nauriez certainement pas laiss venter vos projets par le roitelet de Yn...

Or lempereur avait quatorze ans. Tous les assistants furent merveills de la sagesse de cette rponse, et ceux qui staient faits forts de soutenir laccusation, se drobrent. Lempereur ordonna de les rechercher avec diligence. Chngkoan kie et sa bande, craignant quon ne dcouvrit les vrais inspirateurs du libelle, dirent lempereur:

Cette petite affaire ne vaut pas la peine quon la poursuive...

Lempereur ne les couta pas... Quand, un p.487 peu plus tard, ils recommencrent dnigrer Hookoang, lempereur se fcha et dit:

Le Marchal est la fidlit mme. Mon pre ma confi lui. Je ferai son procs, quiconque parlera mal de lui dsormais!...

Nayant plus despoir de ce ct, Chngkoan kie et sa bande conseillrent la princesse Ki de donner un banquet au Marchal. Des sicaires aposts, devaient lassassiner inter pocula; puis on dtrnerait lempereur Tcho, et le roitelet Tn monterait sur le trne. Les conjurs envoyrent des lettres en province, pour y racoler, par milliers, les bravi de profession. Png, conseiller du roitelet Tn, lui dit:

Je crains bien que vous ne vous soyez engag dans une mauvaise affaire. Chngkoan kie na pas de tte; son fils Chngkoan nan est ambitieux pour son propre compte. Ou laffaire manquera, ou elle ne tournera pas votre avantage!... Tn nen voulut rien croire... De fait, lintention de Chngkoan nan, le vrai moteur de toute la conspiration, tait bien de se servir de Tn, puis de lassassiner, pour mettre son propre pre sur le trne... Or un certain Yntsang, pre dun familier de la princesse Ki, ayant appris par son fils toutes ces intrigues, les dnona Yngtchang, le ministre de lagriculture. Celui-ci, homme timide et prudent, salita sous prtexte de maladie, et adressa le dnonciateur Tu yen-nien, lequel navait pas froid aux yeux. En un tour de main, Chngkoan kie, Chngkoan nan, Sng houng-yang, Tng wai jenn et le reste de la bande, furent rafls et extermins avec toute leur famille. La princesse Ki et le roitelet Tn durent se suicider.

@En 86, les du Ynnnan ayant essay de secouer le joug, que lempereur O leur avait impos en 109, leur rvolte fut rprime. Nouveau soulvement, en 83; on dut envoyer contre eux une arme, qui les battit. p.488 En 85, le grand khan des Huns Hou loukou tant mort, son fils Houyen-ti lui succda. Partisans dun autre prtendant, le touki de la gauche et le kouli de la droite (p.285) firent schisme. Cette division intestine affaiblit beaucoup le pouvoir des Huns. Aussi, quand en 80 ils tentrent un raid en Chine, les gardes des frontires suffirent pour les repousser. Passons de la Mongolie, dans la Mandchourie actuelle. Quand jadis, en 202, Mi-tei avait battu les Tongouses (p.288), ceuxci staient dsagrgs. Peu peu ils se reconstiturent en deux hordes principales, les Ohoan et les Sinpi; qui furent, de gnration en gnration, tributaires des Huns. Quand lempereur O eut refoul les Huns vers le nord, et dgag les barrires, il appela les Ohoan, et les tablit tout le long de la Grande Muraille, depuis le Fleuve Jaune jusquau Leo, en leur donnant mission dpier les mouvements des Huns. Il mit leur tte un gouverneur chinois, et leur interdit toute communication avec les Huns. Les Ohoan stant multiplis et fortifis, se soulevrent, en 78, contre lempire. Dautre part, des transfuges Huns apprirent aux Chinois, que le khan venait denvoyer vingt mille cavaliers contre les Ohoan, ce dont il navait pas le droit, ceuxci tant sous le protectorat de lempire. Le marchal Hookoang songeant donc organiser une campagne contre ces barbares du nord, consulta Tcho tchoungkouo. Celui-ci lui dit:

Les Ohoan nous font sans cesse des misres. Maintenant les Huns les battent. Cest l un bonheur pour nous. Les Huns, tant occups, et les Ohoan mats, nous aurons la paix au nord. Laissez ces barbares se dtruire entre eux, et ne vous attirez pas daffaires en allant guerroyer pour ou contre eux...

Hookoang consulta ensuite Fn mingyou, qui fut davis de faire une expdition. Hookoang la lui p.489 confia, et Fn mingyou sortit, avec vingt mille cavaliers, par la passe de Chnhi koan. A son approche, les Huns qui battaient les Ohoan, se retirrent. Or Hookoang avait dit Fn mingyou:

Ne revenez pas, sans avoir fait quelque chose! Si vous narrivez pas joindre les Huns, battez les Ohoan!...

La dernire partie du programme fut dautant plus facile excuter, que les Huns venaient dj de les battre. Sans se donner beaucoup de mal, Fn mingyou coupa beaucoup de ttes et fit beaucoup de prisonniers... Cependant les Huns se le tinrent aussi pour dit, et ne saventurrent plus, provisoirement, du ct de lempire. # En 77, nos vieilles connaissances les Leulan (Tourfan, p.416), eurent besoin dune correction... Le roi des Leulan tant mort, les Huns furent les premiers lapprendre. Vite, ils renvoyrent son fils Nnkoei, quils tenaient comme otage (les Chinois en tenaient un autre), lequel, tant arriv premier, devint roi. Lempereur envoya au nouveau roi, lordre de venir faire sa cour. Celui-ci refusa, sallia avec les Huns, et recommena lancien mange (p.401) des Leulan, dtroussant ou tuant les courriers impriaux envoys vers louest. Fu kietzeu, inspecteur des haras, envoy en Sogdiane (toujours pour les fameux chevaux), reut lordre de rprimander, en passant, le roi des Leulan. Le roi refusa de le recevoir. A son retour, Fu kietzeu dit Hookoang: Les Leulan sont dune versatilit, qui les rend ingouvernables. Permettezmoi dassassiner leur roi, pour donner une leon aux peuples du Tarim... La permission obtenue, Fu kietzeu partit, muni de beaux prsents. Il rpandit le bruit, quil avait mission de faire des cadeaux, aux princes des nations amies. Quand il fut arriv chez les Leulan, le roi qui aimait beaucoup les objets de Chine, alla le voir. Fu kietzeu le fit asseoir, p.490 lenivra, puis dit:

Le fils du Ciel ma envoy pour vous rcompenser comme il convient...

Le roi se leva et suivit Fu kietzeu dans lintrieur de sa tente. L, deux forts gaillards aposts davance, lui enfoncrent leurs poignards dans le dos. Puis Fu kietzeu lui ayant coup la tte, la porta la capitale, o elle fut suspendue la porte septentrionale du palais. Alors lempereur nomma roi, son otage Wi tchouki, le frre du dfunt. Il changea le nom des Leulan, devenu malsonnant, en celui de Chnchan. Il donna au nouveau roi, un sceau, une fille du palais pour tre sa reine, et un beau cortge. Le chancelier et les officiers de la cour laccompagnrent, son dpart, jusque hors la porte de la capitale, et firent pour lui les sacrifices dusage... Le nouveau roi, homme rflchi, comme il parat, fit lempereur la ptition suivante: Dans mon pays, il y a le poste de I-siou (sic), dont les terres sont excellentes. Veuillez y tablir une colonie militaire chinoise, afin que son voisinage consolide mon autorit... Lempereur tablit donc une colonie militaire I-siou, pour tenir ce pays en respect. Fu kietzeu fut fait marquis de -yang... Il parat, daprs ce qui suivra, que les Leulan se divisrent alors en deux; une horde septentrionale Kicheu (Tourfan); une horde mridionale, les Chnchan, autour et au sud du Lobnor. En 78, on envoya, comme colons, dans le pays lest du Leo (28), tout les garnements et mauvais officiers de lempire. En 75, on btit, pour cette lite, la ville de Huntou. Les superstitions officielles, dj trs nombreuses (p.440 seq.), saccrurent, sous ce rgne, du culte du phnix. Lhistoire attribue cette dvotion nouvelle, au rgent Hookoang. Il sagissait sans doute de prouver au petit empereur Tcho, que le Ciel voyait son rgne dun bon il. Son pre avait t honor par la Licorne; lui-mme fut visit par le Phnix... Bref, le phnix stant montr, en 84, prs de la mer orientale, on envoya un dput pour lui offrir un sacrifice. Si Hookoang avait t lettr, dit le texte, il naurait pas fait cela. En 80, institution de lre du phnix (p.448). En 78, une verrue de pierre poussa au front du vieux mont Ti-chan. Dans le parc imprial, un saule tomb se releva et reverdit. Un insecte, en rongeant une feuille darbre, y traa ces mots: Pngi empereur. S-houng (sic) le prpos aux insignes, adressa au p.491 trne un mmoire ainsi conu: Le sens de ces phnomnes, est videmment quun homme dune condition obscure, a t choisi pour fils par le Ciel. Que lempereur cherche ce Sage, et abdique en sa faveur, pour se conformer aux intentions du Ciel... Ce prophte fut jug coupable de lsemajest et excut. En 74, apparition dun bolide, gros comme la lune. Toutes les toiles coururent sa rencontre. Prparation adroite des vnements qui vont suivre. En 74, au quatrime mois, lempereur Tcho mourut, lge de vingtdeux ans, aprs treize annes de rgne ou plutt de tutelle.

Lempereur Tcho navait pas laiss de postrit. En ce tempsl, de tous les fils de lempereur O, il ne restait que S, roitelet de Kongling. La foule des officiers tait davis de le faire empereur, comme ayant droit. Mais S avait t mis de ct par son pre, cause de sa mauvaise conduite. Aussi le Marchal Hookoang taitil trs perplexe. Un lettr lui vint en aide, en lui rappelant que Tnfou, lAncien Duc de Tcheu, avait drog lordre normal, en prfrant son fils T-li son an Ti-pai (p.150); et lempereur Wnn des Tcheu, en prfrant son fils F son an (p.66); parce quils avaient jug devoir faire ainsi, pour le bien public. Ces prcdents prouvent, dit le casuiste, quil est lgitime de prfrer, quand le cas lexige, le cadet (ou un parent plus loign) lan (ou un parent plus proche); et quen tout cas, le roitelet de Kongling ntant pas digne de perptuer la dynastie, il est mettre de ct... Hookoang peu lettr, tait trs sensible aux arguments tirs des livres classiques. Le jour mme, il sollicita et obtint de limpratrice douairire, un dit qui appelait Tchngnan le roitelet Liu-heue de Tchngi. Rappelonsnous que p.492 Hookoang ne devait pas avoir grande difficult dobtenir de limpratrice, sa petitefille ge de 14 ans, tous les dits quil dsirait... Ce Liu-heue, fils du roitelet Ni de Tchngi, tait un collatral assez loign. Il tait notoirement libertin et viveur. Pour ne pas manquer une partie de chasse, il avait omis dassister aux funrailles de lempereur O. Le prfet Wng-ki le reprit, en ces termes:

Vous ntudiez pas! Vous flnez sans cesse! Vous finirez par ruiner votre corps, vous attirer des infirmits, et mourir avant lge, sans avoir rien fait de bon; alors que, n noble et riche, nourri des enseignements des sages et des exemples de lhistoire, vous devriez tre passionn pour les bons principes et le bon gouvernement. La passion de progresser en vertu chaque jour, devrait vous faire oublier le manger et le boire, et ne vous laisser aucun repos... A ce chaud discours, le roitelet rpondit par cette froide note:

Le prfet Wng-ki est trs dvou. Il sest encore fatigu me reprendre. Quon lui donne de la viande de buf et du vin, pour se refaire.

Alors le chef du personnel, Kongsoei, homme dune conduite exemplaire, censura le roitelet, son tuteur et son ministre, avec force textes, morales et larmes lappui. Liu-heue se plaisait jouer avec les hommes les plus vulgaires, palefreniers, cuisiniers, et autres. Kongsoei len reprit en pleurant. Se tranant sur ses genoux et battant de la tte, il dit:

Si vous frquentez daussi petites gens, vous contracterez peu peu leurs vices. Votre avenir est entre vos mains; ne vous perdezpas! Choisissez, pour en faire vos camarades, des jeunes gens lettrs et de bonne conduite, avec lesquels vous parlerez posie et histoire, vous tudierez les rites et la bonne tenue!...

Le roitelet y consentit. Kongsoei lui choisit lui-mme dix camarades. Peu de jours p.493 aprs, le roitelet les avait tous congdis... Ce noceur tait sujet des hallucinations. Un jour il vit un chien blanc, coiff dun chapeau de crmonie; le bas du corps du chien, tait un corps dhomme. Il demanda Kongsoei ce que signifiait cette apparition.

Cest le Ciel qui vous avertit, dit celui-ci. Vos camarades de dbauche sont des chiens coiffs. Chassezles et vous vivrez, gardezles et vous prirez...

Une autre fois, le roitelet vit un grand ours, que ses assistants ne virent pas. Il demanda encore Kongsoei ce que cela signifiait.

Lours, dit celui-ci, est un animal qui vit dans les lieux dserts. Sil est venu ici, cest que ce palais sera dtruit et converti en dsert. Cest un prsage de ruine

Le roitelet leva les yeux au ciel, soupira et dit:

Pourquoi ne reois-je que des prsages funestes?

Kongsoei se prosternant, dit:

Je ne vous le cacherai pas. Je vous ai souvent averti du danger que vous courez, et mes paroles vous ont dplu. Je ny puis plus rien! Maintenant le Ciel lui-mme vous avertit par ces prsages. Voyez ce que vous avez faire. Appliquezvous ltude des Odes du Chuking. Vous y apprendrez vos devoirs comme homme et comme prince. En estil une seule dont vous pratiquiez la morale? Vous avez rang de roitelet, et vous vous encanaillez avec des hommes de rien. Rappelezvous que la prosprit se conserve difficilement, tandis que rien nest plus facile que de se ruiner!...

Le roitelet ne changea pas de conduite. Quand il reut la nouvelle de la mort de lempereur Tcho, avant que la clepsydre et marqu un quart dheure, de nuit, la lueur dun flambeau, Liu-heue crivait dj la capitale pour annoncer son arrive. Le lendemain il tait Tingtao, ayant fait 135 l, crev ses chevaux et reint ses gens. Wng-ki qui laccompagnait, lui fit cette remontrance:

Jadis, quand lempereur O-ting (p.61) portait le deuil, il fut p.494 trois ans sans parler. Depuis que vous avez reu la nouvelle de la mort de lempereur, vous devriez tre uniquement occup pleurer jour et nuit. Dailleurs la bont, la fermet, la sagesse et la fidlit du Grand Marchal Hookoang sont assez connues de tout lempire. Attendez avec respect ses dcisions (relatives la succession). Prenez garde de sortir de votre rang et de votre rle!...

Quand le roitelet fut arriv Pchang, le Matre dhtel des princes le reut officiellement et le fit monter dans un char de la cour. Le roitelet fit monter avec lui Kong-soei, pour lui servir de crmoniaire. Quand on arriva la porte de lenceinte extrieure de la capitale, le crmoniaire dit:

Daprs les rites, quand les princes vont la capitale pour une crmonie funbre, arrivs en vue de la ville, ils doivent pleurer. Ceci est la porte extrieure de Tchngnan. Pleurez!...

Jai mal la gorge, dit le roitelet; je ne pleurerai pas!...

Quand on arriva la porte intrieure, le crmoniaire rpta son invitation...

Puisque je nai pas pleur la porte extrieure, dit le roitelet, je ne pleurerai pas non plus la porte intrieure!...

Quand on arriva la porte du palais Wi-yang, le crmoniaire dit:

Cest ici quon a prpar votre piedterre. Descendez de char! Face louest! A genoux! Pleurez! Suffit!...

Bon, dit le roitelet;

et il sexcuta... Au sixime mois il reut le sceau, et fut fait empereur. Nota: Comme il fut ensuite dgrad (cf. p.28), lhistoire officielle ne lui donne jamais ce titre. Mme durant son rgne, qui fut court mais rel, elle lappelle roitelet Liu-heue de Tchngi. @Liu-heue, roitelet de Tchngi, 74. Devenu empereur, Liu-heue se livra sans mesure au plaisir et la dbauche. Il appela la capitale tous p.495 ses anciens officiers de Tchngi (la racaille dont il a t parl plus haut) et leur donna de hautes charges, sans gard aux lois des promotions. Kong-soei len reprit, et demanda quil renvoyt ces drles. Liu-heue sy refusa. Le chancelier Tchngtchang le rprimanda aussi, en ces termes:

Comme vous tes devenu Fils du Ciel lge des passions, les yeux et les oreilles de tout lempire sont ouverts sur votre conduite. Or, non seulement vous nhonorez pas les grands officiers qui ont bien mrit de lempire, mais vous leur prfrez les petites gens de Tchngi; cest l une grosse faute!...

Liu-heue ncouta rien. Ennuy de stre donn un pareil matre, le Grand Marchal Hookoang eut une confrence avec Tin yennien, le ministre de lagriculture. Celui-ci lui dit:

Vous tes la base de pierre qui soutient la colonne de ltat. Exprience faite, cet homme (Liu-heue) na pas ce quil faut. Avertissezen limpratrice, et faites-lui choisir un sujet plus digne...

Mais, dit Hookoang, dans lantiquit, y atil eu un fait pareil?

Sous les Chng, dit Tin yen-nien, pour le salut de la dynastie, le Grand Duc yinn dgrada (temporairement) le jeune empereur Ti-kia (p.59). La postrit len a unanimement lou. Faites comme lui, et vous serez clbr comme le yinn des Hn!

Hoo-koang confia Tin yennien ltude pratique du projet. Celui-ci en confra secrtement avec Tchng nancheu. Cependant Liu-heue rsolut de faire une excursion. Au moment du dpart, Hiheou cheng, Chef du personnel, se jetant la tte des chevaux, lui dit:

Voil bien des jours que le ciel est couvert sans quil pleuve. Cela signifie que les officiers conspirent contre vous. Et vous partez pour une excursion!...

Liu-heue furieux, ordonna de lier Hi-heou cheng, et de le livrer aux juges; puis il partit... Hookoang reprit vivement Tchng nancheu p.496 davoir laiss transpirer son projet. Or celui-ci navait pas parl. Il demanda Hi-heou cheng do il savait ce quil avait dit lempereur.

Mais, dit celui-ci, je nai fait que rciter le commentaire de la Grande Rgle (Annales, p.207); le signe est donn comme infaillible.

Tchng nan-cheu fut stupfait. Du coup, la cote des livres et des lettrs monta trs haut. Le coup dtat dfinitivement rsolu, Hookoang convoqua en dite, au palais Wi-yang, tous les ministres, gnraux, marquis, seigneurs, prfets et encyclopdistes, prsents la capitale. Quand lassemble fut runie, Hookoang dit:

Liu-heue se conduit si mal, quil compromet la scurit de lempire. Que pensezvous de son cas?

A ces mots, toute lassemble plit de terreur; personne ne souffla mot... Alors Tin yen-nien quittant son sige et tirant son pe, dit:

Lempereur O a confi au Grand Marchal son fils et son empire, dans la persuasion que sa fidlit et sa sagesse sauveraient la dynastie. Or maintenant les urnes sacres sont en bullition, les autels des Patrons des terres et des moissons vacillent! Dailleurs les Hn ayant fait tant de cas de la pit filiale, quils ont insr le caractre hio dans tous les titres posthumes de leur dynastie, cest par les fils ans quils doivent se succder, lan seul tant digne de nourrir de viande et dabreuver de sang les mnes des anctres. Si ces offrandes venaient cesser (par la ruine de la dynastie), de quel front le Grand Marchal se prsentera-til, dans les enfers, aux empereurs dfunts? Vous allez vous dcider la minute! Je couperai la tte quiconque aura approuv aprs les autres!...

Leffet de ce mouvement oratoire fut merveilleux. Aucun des membres de la dite, nosa approuver aprs les autres. Prosterns et battant de la tte, tous crirent lunisson:

Comme le grand Marchal voudra!...

Entranant sa p.497 suite toute lassemble, Hookoang demanda une audience sa petitefille, limpratrice douairire de quatorze ans. Celleci stant transporte dans la salle Tchngming du palais Wi-yang, ordonna de fermer toutes les portes de la cit impriale, et de ny laisser rentrer ni Liu-heue ni ses gens. A la tte des cavaliers de la garde, Tchng nancheu fit main basse sur plus de deux cents de ces derniers, et les remisa dans la prison du Grand Juge. Ensuite Hookoang adjura les gardes, de ne pas porter la main sur Liu-heue, et de ne pas lui permettre de se suicider; De peur, ditil, que lempire ne maccuse davoir assassin mon matre... # Cependant limpratrice, en grande tenue, sassit sur le trne, entoure de centaines dofficiers et dannalistes, tous arms. Audehors, les lanciers de la garde taient rangs en bataille. Un un, daprs leur rang, les grands dignitaires entrrent et se rangrent dans la salle. Enfin lon amena Liu-heue. Prostern devant limpratrice, il dut couter la lecture de lacte suivant:

Le roitelet de Tchngi, polisson et toqu, ne sest pas conduit en prince et a mis le dsordre dans le gouvernement des Hn. Moi Tchng-tchang chancelier, et nous ministres, nous lavons souvent et vainement rprimand. Comme sa malice ne fait que crotre, craignant pour la scurit de lempire, nous en avons dlibr avec les Encyclopdistes. Le verdict unanime a t celui-ci: Des cinq grands crimes, limpit est le pire! La dynastie est audessus de lempereur! Liu-heue nest pas lhomme qui la perptuera! Il faut donc le dtrner! Nous demandons quon fasse une grande offrande aux Anctres, et quon leur annonce sa dchance!...

Limpratrice dit:

Quil en soit ainsi!...

Hookoang ayant reu cet dit genoux, fit lever Liu-heue et lui arracha le sceau de lempire, quil remit la douairire. Puis, lemmenant par le bras, il le conduisit p.498 hors du palais, le fit monter dans un char, et le mena son ancienne htellerie. L il lui dit:

Prince, cest vous-mme, qui, par votre indigne conduite, avez rompu le lien qui vous unissait au Ciel. Je vous ai prfr lempire. Montrez quelque compassion pour vous-mme (en vous conduisant mieux dsormais)!...

et il le quitta en pleurant. Alors les officiers demandrent quon bannit Liu-heue Fngling. Mais un dit lui permit de retourner Tchngi, et lui assigna le revenu de deux mille familles. Sa principaut supprime, devint prfecture de Chn-yang (1). Il navait pas rgn un mois entier... Tous ses anciens officiers et familiers, furent traduits en justice, pour rendre compte de la conduite quils avaient tenue, alors que Liu-heue ntait que roitelet de Tchngi. Outre divers griefs particuliers, ils devaient tous rpondre de la charge gnrale, de navoir pas port la mauvaise conduite du prince la connaissance de lempereur, et de lavoir ainsi aid se dshonorer et se ruiner. Plus de deux cents de ces misrables furent dcapits... Vu leurs exhortations et leurs rprimandes, on fit grce de la vie Wng-ki et Kong-soei (p.492); mais ils furent rass et condamns aux travaux forcs, pour navoir pas dnonc leur matre... Wng-cheu, le prcepteur du prince, allait tre condamn mort, pour lavoir mal duqu. Pourquoi navez-vous pas censur sa conduite, lui demanda le juge? Wng-cheu rpondit:

Chaque jour, matin et soir, je lui ai expliqu quelque chose des 305 Odes du Chuking, soulignant avec ferveur les bons exemples lous dans ce livre, insistant avec larmes sur linconduite des princes quil fltrit. Je lui ai ainsi fait et refait 305 censures autorises. Jai jug inutile den ajouter dautres de ma composition!... Ce pangyrique des Odes, valut Wng-cheu une mitigation de sa sentence...

p.499 Les livres taient en haute faveur. Hoo-koang qui ntait pas lettr, flattait les lettrs en favorisant les lettres. Il fit expliquer la jeune impratrice, par Hiheou cheng, tout le livre des Annales. Pauvre petite! Quelle rcration!Dsormais, durant de longs sicles, lanthologie potique de Confucius, le Chuking, sera considre comme le code de la moralit confuciiste. Singulire rgle des murs! Sans doute, aucune de ces vieilles chansons nest formellement immorale. Mais, sinon toutes, du moins beaucoup dentre elles, ont le grave dfaut de ne pas formuler la morale quelles contiennent. Cette morale est dgager dune historiette, dune situation, dune pigramme, dune allusion, dun texte double sens. Lenfant, ladolescent, tant incapable de cette opration, le matre la fait pour lui, dans son commentaire. Ceci tant, la morale vaudra, en dfinitive, non ce que vaut lode, mais ce que vaut le matre. Or les lettrs paens tant malades, pour la plupart, de pourriture du cur; et la pudeur ntant de mode, parmi eux, que dans les crits et non dans les paroles; il sensuit que leffet produit sur les lves anciens et modernes, fut trop souvent celui-l mme quprouva le roitelet Liu-houe; ltude du Chuking en faisait de prcoces polissons Car enfin, si on peut entendre dans un sens dcent les soupirs dune femme aprs son mari absent, on peut aussi expliquer ces soupirs dans un sens trs indcent, ou du moins, on peut laisser entrevoir ce sens, laissant lesprit inquiet des adolescents de faire le reste... Supposons que, dans la vieille Europe, un professeur de cinquime ou de quatrime, sous couleur denseigner ses lves les bonnes murs, leur conte lhistoire de Hero et de Landre... Il y a, de fait, dans cette histoire, une excellente morale, savoir la noyade finale; ainsi prissent tous ceux qui en feront autant!... Mais si le professeur ne tire pas, de son histoire, cette prosopope? Sil divague sur ce qui prcda la noyade? Sil ajoute, ses divagations, ce tantinet dpices, cette pointe de poivre, ce je ne sais quoi dont ladolescence est friande? Vous ne prtendez pas me faire croire qualors cette vieille histoire inspirera llve de saines et chastes penses! Ainsi en est-il des Odes. Autre chose est le Chuking mort, pel par le Sinologue dans le calme de son cabinet; autre chose est le Chuking vivant, dvelopp par le Lettr dans la chaude atmosphre de sa classe. Pour le premier, le Chuking est une antiquaille soporifique; pour le second, cest un thme grivoiseries; pour ltudiant, cest un poison subtil, qui fait rvasser, infecte le cur, et le reste. Donc, pratiquement parlant, mauvais livre; code, non de morale, mais dimmoralit.

Reste maintenant dcouvrir le pot aux roses. Nous avons vu (p.491) comment S, fils de lempereur O, avait t cart du trne. Nous avons entendu (p.496) Tin yennien proclamer, que la succession devait passer par les fils ans. Lesquels? Le mystre va se dvoiler. Croie dailleurs qui voudra, lauthenticit du personnage qui va entrer en scne! En Chine, un fils artificiel, vaut autant quun fils rel. (Comparez, p.46 et 132, les originaux de ce calque. ) Jadis, dit lhistoire, Ki le fils an de lempereur O, hritier prsomptif (p.467), aima sa concubine ne Chu, laquelle lui donna Tsnn. Celui-ci eut, de son pouse ne Wng, un fils qui fut nomm Pingi. Cet enfant avait quelques mois peine, quand lhorrible enqute sur les malfices raconte plus haut (p.470), causa la mort du prince imprial, de ses fils, filles, pouse, concubines, etc. Sauv seul du massacre, Pingi fut p.500 incarcr. Or Pngki, inspecteur des prisons pour le compte du Grand Juge, tait convaincu de linnocence du prince imprial, et navr de ses malheurs. Il sintressa au sort du pauvre bb, et lui chercha, parmi les prisonnires, une nourrice laquelle il dit:

Soignele bien, car, chaque inspection, je ten demanderai compte!...

Cependant les magiciens prposs aux manations, dclarrent que les effluves dun futur empereur slevaient de la prison, Lempereur O y envoya aussitt ses gardes, avec ordre mettre mort tous les prisonniers, sans distinction de faute grave ou lgre. Quand les massacreurs arrivrent la prison, la nuit tombant, Pngki fort du rglement, refusa de leur ouvrir la porte. Retourns au palais, pour rendre compte, ils trouvrent lempereur O revenu de sa premire fureur.

Cest la volont du Ciel, ditil; restonsen l!

et il promulgua lamnistie, qui mit fin aux procs de magie.Ensuite Pngki ayant dcouvert la mre Chu tchengkiunn et le frre Chukoung de la feue concubine Chu, il leur remit son enfant, le petitfils du prince imprial Ki. Avec le temps, lorigine de Pingi fut connue de Tchngheue, lintendant du harem, ancien et fidle serviteur de son grandpre qui se dvoua tout entier pour son bien, et lui fit pouser, ses frais, la fille de H koanghan, conome de lhpital et de la prison du harem. La famille Chu de sa mre, Tchng-heue et son frre cadet Tchng nancheu, et H koanghan son beau-pre, pourvurent dsormais lducation du jeune prince. Ils lui donnrent pour matre le lettr Fu tchoungwong de Tnghai. Le jeune homme adu talent et de lamour pour ltude. Il est probable que cest Tchng nancheu qui le fit connatre Hookoang, Tin yennen et compagnie (p.495), et qui provoqua la dposition de Liu-heue. Quoi quil en soit, la version officielle est que le trne tant devenu vacant, et Hookoang sachant pas trop qui y asseoir. Pngki, le sauveur du bb, adressa au Marchal le placet suivant:

Le salut de la dynastie, et la vie des citoyens dpendent de la dtermination que vous allez prendre. Pingi, petitfils du fils an de lempereur sest cach dans la famille de lintendant du harem. Il a prs de 19 ans. Il est instruit, bien fait, dou dun caractre modr et paisible. Veuillez dcider ce quil convient de faire, pour le bien de ltat.

Donc en 74, au septime mois, Hookoang runit tous les officiers, et dcida avec eux dintroniser le prince. La dite adressa limpratrice douairire le p.501 placet suivant:

Pingi, arrirepetit-fils de lempereur O, g de 18 ans, sachant les Odes, les Sentences de Confucius et le Trait de la pit filiale, de bonnes murs, modr, humain et charitable, a ce quil faut pour tre adopt par vous, comme fils lgal et successeur lgitime de lempereur Tcho, pour perptuer la dynastie et devenir le pre de lempire...

Docile, selon son habitude, la petite impratrice de quatorze ans dit:

Quil en soit ainsi!...

Aussitt Hookoang fit qurir le jeune prince, par Liu-kie, le Gardien du temple des anctres, qui lui fit subir, dans sa maison, les bains dusage (p.112), et lui enseigna le dandinement rituel. Le lendemain, introduit au palais Wi-yang, Pingi fut prsent limpratrice. On le nomma marquis de Yngou (par manire de transition). Puis les officiers ayant sollicit pour lui le sceau de lempire (formalit), il le reut, monta sur le trne, devint lempereur Sun, puis fut prsent, dans son temple, au fondateur de la dynastie. Au onzime mois de cette anne 74, lempereur nomma impratrice, pour son malheur, la fille de H koanghan, la compagne dvoue de son infortune passe.

Lempereur Sun,

73 49Carte IX. @Mont sur le trne comme fils lgal de lempereur Tcho, lempereur Sun voulut anoblir son vrai pre Liu-tsinn, et son aeul Liu-kiu (p.467). Lancien prince imprial, mort et enterr Hu, ditil aux officiers, na encore ni titre posthume, ni sacrifices, ni mausole; veuillez vous en occuper!... Les officiers rpondirent: Daprs les rites, celui qui succde un homme, celui-l est cens son fils. Si lon ne permet pas ce fils lgal, de sacrifier ses vrais parents, cest pour ne pas embrouiller les lignes. Fils lgal de lempereur Tcho, vous devez sacrifier aux p.502 anctres de lempereur Tcho. Quant vos propres parents, votre pre sera dsormais le roi To le Pitoyable, et votre mre sera la reine To. Votre aeul sera le roi L (p.475), et votre aeule sera la reine L. On pourvoira leurs spultures, comme il convient... Plus tard, en 53, le pre de lempereur reut par faveur, presque par fraude, le titre de pre imprial, et sa tablette obtint une petite place dans une dpendance du temple des anctres.

Intrigues et gouvernement. Jadis quand le chancelier Hookoang avait d rprimer la rvolte de son collgue Chngkoan kie (p.485), il avait svi avec rigueur. Depuis lors, la svrit tait reste la mode, parmi les fonctionnaires. Seul Hongpa, ministre du roitelet de Heenan, faisait exception par son indulgence. Durant les annes de sa vie plbienne, lempereur avait vu de ses yeux tout ce que le peuple a souffrir de la part des officiers. Quand il sut la rputation de Hongpa, il le fit Grand Juge, et lui confia la dcision de tous les appels. En 72, lempereur fit la motion suivante: Lempereur O, qui a si bien mrit de lempire, comme administrateur et comme guerrier, na pas encore de temple, ce dont je suis afflig. Que les marquis, les nobles et les encyclopdistes en dlibrent!... Les conseillers dirent:

Faisons ce que lempereur dsire!

Seul Hiheou cheng dit:

Il est vrai que lempereur O a vaincu les barbares et agrandi la Chine; mais il a aussi fait prir nombre dofficiers et de soldats; il a puis le peuple; il a vid le trsor; il a saign lempire, au point que celui-ci nest pas encore remis; il na pas fait de bien son peuple; donc il ne mrite pas davoir un temple!...

Mcontents, les courtisans dirent Hiheou cheng: Lempereur le demande!...

Tant pis, dit Chng. Cela nest pas une raison de le faire. Dans les dlibrations, les p.503 conseillers doivent dire leur avis avec franchise et ne pas approuver servilement; ensuite, dt cet avis leur coter la vie, ils ne doivent pas le rtracter!...

Alors les courtisans accusrent Chng davoir repouss ldit imprial sans mme le discuter, et avec des invectives contre lempereur O, qualifiables de lsemajest. Ils ajoutrent que Hong-pa pensait comme Hiheou cheng... Aussitt, sans autre forme de procs, ces deux hauts fonctionnaires furent incarcrs. Lempereur O eut ses pagodes, et reut le nom de temple Chutsoung... La captivit de Hi-heou cheng et de Hongpa se prolongeant, le second demanda au premier de lui expliquer les Annales (p.496). Chng lui rpondit que, si prs de la mort, cela ne valait gure la peine. Hongpa rpondit:

Ladage ne ditil pas que, quand on a appris la vrit le matin, on peut mourir content le soir?

Frapp de la sagesse de cette rponse, Chng expliqua les Annales. Ses leons durrent aussi longtemps que leur emprisonnement, cest--dire deux ans. En 70, la terre ayant trembl, lempereur amnistia Hiheou cheng et Hongpa, et les remit en charge. Ils le servirent aussi volontiers aprs quavant. A quoi comparerai-je le mandarin chinois des ges passs? Cravach, il se couchait; caress, il lchait. Sans affection et sans rancune, sans plus dhonneur que de conscience, il empochait, avec patience et persvrance, les affronts et largent. Laffront passait, largent restait.

Hoohien, la femme du Marchal Hookoang, rvait dune haute fortune pour sa jeune fille Tchngkiunn. Jusque l, ses dsirs taient rests sans effet. En 71, limpratrice H qui tait grosse, tomba malade. Or un certain Tchonnu yen, mdecin, spcialiste pour les maladies des femmes, souvent appel au palais, tait trs li avec la Marchale. Celleci lui dit: Le p.504 Marchal aimant beaucoup sa jeune fille, lui souhaite tous les honneurs. Voil limpratrice confine. Si vous lempoisonniez, Tchngkiunn deviendrait impratrice. Bien entendu, il y aurait pour vous et richesses et honneurs... Tchonnu yen ayant donc broy des graines daconit, trouva moyen, dans une de ses visites, de mlanger sa poudre aux drogues prpares par le Grand Mdecin du palais, et de la faire prendre limpratrice. Quelques instants aprs, celleci dit:

Oh! que jai mal la tte! Y auraitil eu quelque poison dans le remde que je viens de prendre?

Non, dit le mdecin...

Puis limpratrice tomba dans une profonde prostration et mourut... Quelquun ayant dpos plainte coutre les mdecins et gurisseurs non diplms, on en fit une rafle et on les livra aux juges. Craignant que la torture ne fit parler Tchonnu yen, la Marchale avoua son crime son mari, en ajoutant cyniquement:

Puisque la chose est faite, empchez les juges de molester Tchonnu yen...

Un moment terrifi, Hoo-koang fit ce que sa femme lui suggrait. Il fit savoir lempereur, que limpratrice tant morte daprs les rgles de lart, il ny avait pas lieu de poursuivre. Puis il introduisit sa fille Tchngkiunn dans le harem. En 70, la fille de Hoo-koang fut proclame impratrice. Il y eut amnistie pour tout lempire. En 68, le Grand Marchal Hookoang tant tomb malade, lempereur alla le visiter et pleurer sur lui. Hookoang remercia lempereur, le pria de partager son apanage entre ses deux fils et Ynn, et de les faire marquis, ainsi que son neveu Chn. Lempereur y consentit, et donna de plus au mourant la consolation de nommer aussitt son fils Grand Gnral de la droite. Quand Hoo-koang fut mort, lempereur lui dcerna le titre posthume lAccompli, lui fit des funrailles p.505 princires, et consacra une terre de trois cents familles lentretien de son tombeau. En 67, Chu, le fils de la feue impratrice H, fut nomm prince hritier. Ce fut un coup terrible pour la Marchale, qui comptait quun fils natre de sa fille, monterait un jour sur le trne. Elle en perdit lapptit, et dit:

Estil dcent que le fils de la plbienne devienne empereur, et que le fils de limpratrice ne soit que roitelet?

Sur ce, elle ordonna sa fille limpratrice, dempoisonner le petit prince imprial. Celle-ci invita plusieurs fois lenfant, et lui donna des friandises. Mais comme son tuteur les gotait dabord, elle narriva pas lui administrer le poison quelle tenait dj dans sa main. Cependant la fortune du clan Hoo baissant, en 66, Hoou, Hoochan et Hooyunn, affligs et mcontents, tinrent conseil avec la Marchale. Hoochan dit:

Le Chancelier actuel Wisiang ayant la confiance de tous les officiers, change tous les rglements du feu Marchal, et se permet mme de dvoiler ses fautes. Les lettrs, race de vanupieds, que la faim et la misre amnent la cour, samusent aussi gloser sur sa mmoire. Or lempereur coute ces gensl. On dcide tout daprs les livres, et on critique notre administration. Puis le peuple chuchote que la Marchale a empoisonn limpratrice H. Quen estil?

Craignant de les irriter davantage, la marchale leur avoua son crime. pouvants, ils dirent:

Voil donc pourquoi lon nous limine peu peu des charges, nous et nos parents! Quelle affaire! Si elle est jamais juridiquement prouve, nous sommes tous vous au pire supplice! Que faire?

gars par la frayeur, ils dcidrent que limpratrice Hoo inviterait leurs principaux ennemis, savoir le chancelier Wi-siang etH koang-han (pre de la feue impratrice H), un banquet, o Fn mingyou gendre p.506 de Hookoang, et Tchng koanghan me damne de la famille, les gorgeraient au nom de limpratrice; on dtrnerait ensuite lempereur, et Hoou monterait sur le trne... Le complot ayant t vent, au septime mois, Hooyunn, Hoochan et Fn mingyou se suicidrent; Hoou fut coup en deux par le milieu du corps; la Marchale avec ses filles, ses frres et ses surs, furent lapids et assomms sur la place du march. Toute la parent des Hoo, comptant plusieurs dizaines de familles, fut extermine. Limpratrice Hoo fut dgrade et renferme. Les dnonciateurs qui avaient vent le complot, furent tous faits marquis. Or jadis un lettr de Moling, nomm Sfou, offusqu du faste que dployait le clan Hoo, avait dit deux:

Les Hoo sont vaniteux et ne savent pas seffacer; tt ou tard ils blesseront lempereur et priront comme rebelles.

Il adressa ensuite lempereur un libelle, dans lequel il disait: Les Hoo sont trop puissants! Puisque vous les aimez, abaissezles, de peur quils ne se perdent!... Il rpta cette demande jusqu trois fois, sans recevoir aucune rponse. Quand la ruine des Hoo fut consomme, les patrons de S-fou demandrent pour lui une rcompense, en ces termes: Un tranger passant devant la maison dun riche, et voyant que le tuyau de sa chemine dbouchait au milieu du combustible entass sur le toit (more sinico), il dit au matre de la maison: Couvrez cette chemine, cartezen le combustible, ou vous aurez un incendie!... Le riche nen fit rien. Un jour le feu prit chez lui. Les voisins accoururent son secours, et matrisrent le feu. Alors le riche tua un buf, acheta du vin, et rgala ses sauveteurs. Ceux qui avaient t roussis par la flamme, eurent les meilleures places; ceux qui avaient moins fait, eurent les autres; quant celui qui avait donn le bon conseil, il ny eut rien p.507 pour lui. Quelquun dit au riche:

Si vous aviez cout le conseil de cet tranger, vous nauriez pas d dpenser un buf et du vin, car vous nauriez pas t incendi; et cependant aujourdhui que vous ftez vos amis, il ny a rien pour lui!... Le riche comprit son erreur, invita le bon conseiller, et le fta comme il convenait... Or le lettr S-fou de Moling vous a averti trois fois quun jour les Hoo conspireraient, et que vous deviez, vous tenir sur vos gardes. Si vous aviez cout ses avis, vous nauriez pas eu doter tant de marquis (les dnonciateurs), et il naurait pas pri tant de monde. Ce qui est fait, est fait; mais il vous reste rcompenser Sfou. Nous vous prions dy penser!...

Lempereur donna donc S-fou dix pices de soie, et le nomma conseiller. La conspiration des Hoo fit aussi comprendre lempereur une chose qui jusquel tait reste pour lui un mystre. Jadis, lors de la crmonie de son intronisation, quand lempereur tait all en char au temple des anctres, Hookoang avait fait la tierce personne requise pour quilibrer le char (p.42); or, durant tout le trajet, lempereur stait senti mal laise, avec une sensation de barbes dpis qui lui piquaient le dos. Une autre fois, le chef des gardes, le fidle Tchng nan-cheu ayant remplac Hookoang sur le char imprial, lempereur se sentit extrmement laise; on ne dit pas quelle sorte de chatouillement agrable il prouva, cette foisl, dans le dos. Effluves sensibles, prsages vrifis par lvnement!!! Aussi le peuple ditil:

Cest quand Hookoang fit contrepoids sur le char imprial, que liniquit des Hoo fut rvle.

pilogue de tout ce drame: Douze ans plus tard, la fille de Hookoang, leximpratrice Hoo, prisonnire au palais, mit fin sa captivit par le suicide.

En 64, lempereur songea nommer p.508 une nouvelle impratrice. Mais craignant de mettre en pril les jours du prince hritier, quil aimait, sil venait ensuite lui natre des frres de la nouvelle impratrice, lempereur choisit, dans le harem, la concubine Wng qui tait notoirement strile. Il la fit impratrice, et mre officielle du prince hritier. En 63, aprs dix ans de rgne, lempereur rcompensa ceux qui lui avaient sauv la vie, qui lavaient lev et fait ce quil tait. Pourquoi ne le fitil pas plus tt? Lhistoire feint de croire quil les ignorait. Il est plus probable que le clan Hoo sy tait oppos, afin de monopoliser la reconnaissance impriale... Pngki, lancien inspecteur des prisons, tait un homme de grand vertu, qui ne parlait pas de ses bonnes uvres. Quand Pingi fut devenu lempereur Sun, Pngki ne dit jamais quil lui avait fait du bien. Cest par les femmes du harem, que lempereur sut ce quil lui devait. Il le fit venir, linterrogea, sut la vrit, et fut difi, et publia ldit suivant:Alors que jtais petit et obscur, Png-ki, Chutseng (frre de sa mre). H-chounn (pre de sa femme), mont fait du bien. Tchng-heue (mort depuis) ma lev et instruit. Combien je leur suis redevable! Or les Odes disent: Toute bonne action doit tre rcompense.

Je fais donc marquis Tchng pengtsou fils de Tchngheue, Png-ki, Chutseng et Hchounn. Lempereur donna aussi des charges, des terres, des maisons et de largent tous ceux qui avaient contribu son salut. Tous furent satisfaits... Quelques jours avant linvestiture de Pngki, celui-ci tomba malade. Lempereur saffligea, craignant quil ne vint mourir. Hiheou cheng lui dit:

Soyez sans crainte! Celui qui a fait le bien jouira du fruit de ses uvres. Pngki a fait le bien, et nen a pas encore t rcompens. Il ne mourra donc pas de cette maladie...

De fait, Pngki p.509 gurit. Tchng nancheu, fils de Tchng pengtsou, marquis, chef de la garde, etc.., craignit que la prosprit ne fit des envieux sa famille, comme il tait arriv aux Hoo. Ne pouvant se dmettre de ses charges, il refusa du moins les moluments qui y taient attachs. Cet homme tait la prudence et la discrtion mme. Aprs avoir dit son avis au conseil, au moment o lon allait conclure, il se retirait sous prtexte dindisposition. Quand il apprenait quun dit venait de paratre, il simulait linquitude, comme sil ny tait pour rien, et envoyait demander au Chancelier ce dont il sagissait. Il ne souvrait jamais personne. Il recommandait au trne, motu proprio, ceux quil jugeait dignes. Quand ensuite llu avait le malheur daller le remercier, Tchng nancheu lui faisait une scne. Je recommande les sages et les capables, disaitil; je nai que faire de vos remerciements! et il rompait toute relation avec sa crature... Un conseiller habile restait depuis longtemps sans avancement. Il sen plaignit Tchng nancheu:

Lempereur sait votre mrite, lui dit celui-ci; sil ne vous avance pas, estce vous et moi de len reprendre?

et il le congdia, puis lui procura secrtement de lavancement... Tchng nancheu devenu Grand Marchal, mourut en 62.

En 60, le sauveur de lempereur, lex-inspecteur des prisons Pngki, devint Chancelier. En 55, il tomba malade. Lempereur alla le visiter, pour lui demander qui il jugeait apte le remplacer. Pngki recommanda Tu yen-nien, tingkouo et Tchnn wan-nien; puis il mourut. Il reut le titre posthume Tng, le Fidle. Les trois hommes quil avait recommands, furent mis en charge, et donnrent pleine satisfaction; aussi lempereur loua-til, encore aprs sa mort, le discernement de Pngki.

@Guerres et politique extrieure. En 72, le roi des Osounn (valle de lI-li, p.408), fit dire lempereur: Les Huns font de nouveau de grandes expditions contre nous. Ils voudraient couper aux Hn le chemin de loccident. Je suis prt mettre cinquante mille cavaliers en campagne, et faire aux Huns une guerre mort; mais que lempereur envoie ses soldats mon aide!... Or, depuis quelque temps, les Huns couraient lest, sur les frontires de lempire, et lon avait dj song les rprimer. Lappel des Osounn dcida lexpdition. Donc, en automne, lempereur mit en campagne 160 mille hommes, sous cinq gnraux, Tin koangming, Tinchounn, Tchnghoei et deux autres. Cette arme divise en plusieurs corps, sortit de lempire par diverses voies, avec mission de secourir les Osounn contre les Huns... Ceuxci ayant appris ce mouvement, se retirrent au loin vers le nord. Au cinquime mois de lanne suivante 71, la campagne se trouva termine. Tinchounn ayant fait des rapports mensongers, et Tin koangming ayant vit de combattre, furent incarcrs et se suicidrent. Tchng-hoei ayant fait sa jonction avec les cinquante mille cavaliers du roi des Osounn, cette arme coalise avait rduit capituler un roitelet Hun avec ses quarante mille hommes, et avait pris plus de sept cent mille pices de btail, chevaux, bufs, mulets et nes. Tchnghoei fut fait marquis. Les Huns furent fort affaiblis par cette campagne. Pour comble de malheur, le khan ayant voulu prendre sa revanche sur les Osounn, fut surpris par la neige. Il en tomba dix pieds en un seul jour. Hommes et btes prirent. Le khan ne ramena pas la dixime partie de son monde. Voyant lennemi commun affaibli, les voisins se soulevrent. Les Tngling (nord du lac Balkhach, steppes des Kirghis) les attaqurent par le nord; les Tongouses Ohoan (p.488) par lest; les Osounn par louest. Le fer et la famine rduisirent tellement la nation des Huns, quil ne leur resta que les trois diximes de leurs hommes et la moiti de leurs bestiaux. Ils durent faire des bassesses, pour obtenir alliances et mariages. Grce cette dconfiture de lennemi hrditaire, les frontires du nord jouirent de la paix... pas pour longtemps, toutefois. En 67, le roitelet Leulan de Kicheu (Tourfan, 4, p.490), stant alli par mariage avec les Huns, se mit enlever (comme jadis) les envoys et les convois chinois. Tchngki gouverneur de la colonie pnitentiaire de Kili (Karachar, 5) leva les troupes de tous les roitelets du Tarim allis des Chinois, y ajouta ses soldats et ses colons, dix mille hommes en tout, avec lesquels il prit et dtruisit Kicheu. Le roi demanda la paix. Tchngki se retira. Devenu odieux son peuple, le roi senfuit chez les Osounn. Les Huns mirent sa place son frre Teumouo, quils attirrent, avec les restes de sa nation, sur leurs terres, vers lest. Alors Tchngki colonisa le pays de Kicheu (Tourfan). En 65, Sookiu (Yarkend, v) se rvolta contre la Chine. Lempereur ordonna aux grands officiers de lui proposer un homme capable, quil pt envoyer pour examiner ltat du S-u (Tarim). Le gnral Hntseng recommanda Fng fongcheu, qui reut mission daller visiter tous les roitelets du Tarim. Quand il fut arriv prs du Lobnor, la colonie chinoise de -siou (p.490), chez les Chnchan (Leulan amis), il apprit le vrai de laffaire. Houtchou tcheng frre cadet du roi Houtchou wannien de Yarkend (daprs les commentateurs, ctaient des Huns), avait assassin son frre, avec laide des principicules voisins, et stait fait lui-mme roi de Yarkend. Il avait ensuite rpandu le bruit, que tous les petits royaumes, au nord de lAlta, staient soumis aux Huns; et p.512 soccupait de confdrer, de gr ou de force, les petits princes du sud de lAlta, avec les Huns, contre les Hn. Tout le bassin du Tarim, louest du Lobnor, tait soulev, et les communications taient interceptes. Quand il sut ces dtails, Fng fongcheu jugea que si on ne frappait pas rapidement un coup dcisif, la ligue se fortifiant de jour en jour, causerait peuttre la perte de tout le S-u. Il se rsolut donc outrepasser les limites de son mandat. Il se dit envoy pour lever les troupes de tous les roitelets allis, contre celui de Yarkend. Ce coup daudace russit. A la tte de cette arme indigne, Fng fongcheu enleva Yarkend. Lusurpateur Houtchoutcheng se suicida. Fng fongcheu envoya sa tte lempereur, et fit roi un neveu du rebelle. Le Tarim tout entier se trouva pacifi par ce coup... Quand lempereur eut reu ces nouvelles, il appela en sa prsence Hn-tseng, le patron de Fng fong-cheu, et lui dit: Je vous flicite! Vous mavez recommand lhomme quil me fallait!... Puis il proposa son conseil de nommer Fng fongcheu marquis. Le Chancelier et le Marchal y taient disposs. Mais Sio wangtcheu objecta que Fng fongcheu, envoy comme ambassadeur, ayant agi en gnral; quoique son mrite ft grand, il ne fallait pas le faire marquis; autrement, ditil, tous les ambassadeurs, une fois loigns de la Chine, se permettront toutes les improvisations, et causeront des conflits avec les nations barbares... Cet avis prvalut, et Fng fongcheu fut seulement fait Grand Prfet. En 64, reculade peu honorable. Les Huns regrettaient vivement la perte de Kicheu (Tourfan, 4) un de leurs meilleurs greniers. Dautant que, les Hn pouvant maintenant sapprovisionner l, tout prs deux, taient plus mme de leur nuire. Ils dcidrent donc de reprendre Kicheu tout prix, et se mirent molester la colonie, par leurs razzias usuelles.

Accouru de Kili (5), comme la fois prcdente (p.511), Tchngki fut lui-mme envelopp dans Kicheu par les Huns. Il trouva cependant moyen de faire parvenir un message lempereur, et demanda des renforts pour la colonie. Pouss par Tcho tchoungkouo, lempereur proposa de profiter de la faiblesse des Huns, pour les attaquer chez eux, et les dgoter par l de courir dans le S-u. Mais les militaires avaient compt sans les politiciens. Le Chancelier Wi-siang excuta les variations suivantes, sur un thme que nous avons dj entendu plus dune fois (p.498); comme style, son discours est de toute beaut... On appelle guerre juste, une guerre entreprise pour supprimer une rbellion, ou pour punir des malfaiteurs. Celui qui fait une guerre juste, prospre et conquiert son ennemi... On appelle guerre dfensive, celle quon fait parce quon y est contraint, pour se dfendre. Celui qui fait une guerre dfensive, russit, et cette guerre cre peu ou pas de rancunes... Celui qui fait la guerre par colre et impatience, est vaincu... Celui qui la fait, pour conqurir des hommes, des terres et des biens, celui-l ruine son pays... Celui qui la fait par vanit, parce que son territoire tant grand, et son peuple nombreux, il veut inspirer la terreur, celui-l perd sa nation. Voil comment les hommes jugent des guerres, et le Ciel sanctionne leur jugement. Or, ces tempsci, les Huns se sont fort bien conduits. Ils nous ont renvoy tous les prisonniers quils nous avaient faits. Ils nont pas fait de dsordre sur nos frontires. Peu importe quils molestent Kicheu et dautres stations militaires; cela nest pas une affaire. Et cependant les gnraux parlent de mobiliser, pour les envahir. Dans laquelle des cinq catgories susdites, classerezvous cette guerre? Dailleurs, lempire tant puis, il sera difficile de lever une arme. Et puis, p.514 chaque guerre est suivie de mauvaises annes, parce que les plaintes des peuples souffrants ont dtruit lharmonie des deux principes. Fton vainqueur, la guerre fait couler bien des larmes... Actuellement, beaucoup dofficiers ne sont pas dignes de leurs charges, les murs baissent, les inondations et les scheresses se succdent. Cette anne, dans lempire, les cas de parricide, de fratricide, de meurtre du mari par la femme, se sont levs 222. Cest l un signe non quivoque de dcadence. Or on nglige ces choses graves, pour aller demander raison dune vtille, des barbares lointains. Avezvous oubli le mot de Confucius Ki-sounn: Votre ruine ne viendra pas de lextrieur; elle viendra de lintrieur. (Quatre Livres, p.251). Lempereur se contenta donc denvoyer le gnral Tchnghoei, avec un corps de cavalerie, pour dbloquer Tchngki Kicheu, le ramener Kili avec son monde, et rendre le territoire de Kicheu aux Huns.

Lempereur O avait tabli, en 118, le long des monts Nnchan, les quatre prfectures de Tsiutsuan, O-wei, Tchngie, Tonnhoang, comme un verrou entre les Huns qui couraient dans la Mongolie actuelle, et les King qui couraient dans le Tsaidam et dans les environs du Koukou-nor, jusquau confluent des branches qui forment le Fleuve Jaune. Pour la conservation du Tarim et des relations avec lOuest, il fallait tout prix empcher que les King contournant le Koukounor par le sud-est et franchissant la rivire Hong (cette branche du Fleuve Jaune qui descend du nord au sud, lest du Koukounor), ne fissent leur jonction avec les Huns, dans la brche 19; car, cette jonction faite, toutes les colonies des Nnchan, de lAlta et du Tarim, coupes de la mre patrie, p.515 taient rduites prir. En 62, cela faillit arriver. Un certain Nnkouo, Hu, de la tribu Ikiu (p.343), au service de la Chine, fut envoy comme ambassadeur, parmi les King. Le chef de la horde Sinlien (sic), la plus avance vers le nordest, et qui touchait la rivire Hong, lui demanda lautorisation de passer cette rivire, afin dy patre ses troupeaux dans les lieux dserts (dans la brche 19). Nnkouo en rfra la capitale. Le gnral Tcho tchoungkouo, trs au courant des affaires barbares, taxa dimprudence ce dlai. De fait, sans attendre la rponse leur demande, les Sinlien, forcrent le passage de la rivire Hong. De plus, on sut que, eux qui taient auparavant brouills avec les autres hordes, staient raccommods avec elles et avaient chang des otages. Cela parut fort louche, et lempereur consulta Tcho tchoungkouo. Celui-ci rpondit: Les King sont diviss par hordes, ayant chacune son chef et ses coutumes. Les hordes sont entre elles dans un tat permanent dhostilit. Jadis, chaque fois quelles ont tent quelque chose contre lempire, elles ont d commencer par se rconcilier et se confdrer entre elles. Or elles ne peuvent pas faire cela dellesmmes. Les Huns ont continuellement des missaires parmi les King avec lesquels ils voudraient sallier pour craser les colonies des Nnchan (1 w). Ce doit tre un ambassadeur des Huns, qui les a rconcilis et confdrs. Je gage quen automne, quand les chevaux seront dans toute leur force, il y aura du grabuge. Faites de suite inspecter et mettre en tat les postes des frontires. Envoyez aux King un missaire qui cherche les dsunir, ou qui espionne du moins leurs intentions Lempereur dputa, cet effet, le Hu Nnkouo. En 61, Nnkouo qui ne savait, paratil, que la diplomatie barbare, attira le chef des Sinlien dans un poste chinois, lui coupa la tte, et p.516 massacra un millier de King qui formaient son cortge. Les nobles King prirent mal ce procd sommaire, tombrent sur le poste, et massacrrent les Chinois. Nnkouo parvint schapper, mais perdit armes et bagages... Quand cette nouvelle arriva la capitale, on dlibra sur le choix du gnral envoyer contre ces barbares. Tcho tchoungkouo ayant plus de soixantedix ans, lempereur le trouvait trop vieux. Il demanda Png-ki qui il pourrait bien envoyer. Celui-ci dit: Il ny a pas mieux que ce vieux-l. Lempereur demanda donc Tcho tchoungkouo combien il lui faudrait de troupes... Questce que jen sais? dit celui-ci. Cent conjectures ne valent pas un coup dil. Quand je serai arriv Knntcheng (premire ville de la srie des Nnchan), et que je me serai rendu compte de la situation, je ferai mon devis et mon plan. Les King et les Jong sont des barbares relativement insignifiants, toujours en rvolte contre le ciel et contre lempire. Je pense que leur perte nest pas loigne. Veuillez vous en rapporter moi, et ne pas vous chagriner!...

Lempereur sourit et dit:

Cest bon!...

Il donna Tcho tchoungkouo une arme considrable, avec mission de rduire les King. Au sixime mois, Tcho tchoungkouo ayant organis Knntcheng un corps de dix mille cavaliers, se prpara franchir la Hong. Craignant que lennemi ne lui disputt le passage, il fit dabord passer de nuit trois escadrons, qui se dployrent en ordre de bataille. Au jour, toute larme passa la rivire, derrire ce rideau de troupes. Bientt quelques centaines de cavaliers King vinrent tournoyer autour de larme chinoise...

Nous sommes fatigus, hommes et btes, dit Tcho tchoungkouo ses officiers impatients; je vous dfends de poursuivre ces cavaliers; laissezles nous provoquer, sans leur rpondre; plus tard nous anantirons les King p.517 dun seul coup; ne nous risquons pas, pour un si maigre avantage; je vous dfends de combattre!...

Ensuite il dtacha quelques escadrons, pour explorer les dfils. Les passes ayant t trouves inoccupes, Tcho tchoungkouo les franchit avec toute son arme. Puis, ayant convoqu ses officiers, il leur dit:

Je vous le disais bien; les King nont aucune science de la guerre. Sils avaient gard ces dfils avec quelques milliers dhommes seulement, personne naurait pu y passer...

Tcho tchoungkouo tait un gnral dune rare prudence et prvoyance, Il ne marchait jamais quen ordre de bataille. A peine arrt, il se retranchait. Il aimait et traitait bien ses officiers et ses soldats. Ne laissant jamais rien limprvu, il nengageait un combat, quaprs avoir combin mrement son plan... Or avant la rvolte des Sin-lien, Mi-wang, le chef des Hn-kien, une autre horde des King, envoya son frre cadet Tiokou avertir le commandant dun poste chinois, que les Sin-lien allaient se soulever. Le soulvement ayant de fait eu lieu peu de jours aprs, le commandant chinois retint Tiokou comme otage. Le gnral Tcho tchoungkouo ayant reconnu la parfaite innocence de Tiokou, le renvoya avec mission de transmettre tous les chefs King la proclamation suivante:

Larme des Hn est venue, pour punir ceux qui ont pch. Que les bons se sparent des mchants, afin de ne pas prir envelopps dans leur chtiment. Prenez vousmmes et dcapitez les coupables! Si vous le faites, on oubliera vos torts, on vous donnera de largent et des charges!...

Le but de Tcho tchoungkouo tait de sparer des Sin-lien par la crainte, et dattacher aux Chinois par la confiance la horde des Hnkien; car ensuite la destruction des Sin-lien isols serait facile... Or il y avait alors en tout, dans les garnisons chinoises de la frontire, environ soixante mille soldats p.518 chinois. Le prfet de Tsiutsuan (Nnchan), Snn ouhien, moins temporisateur que Tcho tchoungkouo, adressa au trne la note suivante:

Si, dans les premiers jours du septime mois, on chargeait sur les chevaux les vivres ncessaires pour une course de trente jours, et si on faisait rafler par divers petits corps de cavalerie, les troupeaux, les femmes et les enfants des Hnkien, on pourrait ensuite, en hiver, anantir toute la horde, ce qui serait une leon pour les autres...

Lempereur soumit cette note ses conseillers... Tcho tchoungkouo lavait combattue par cette autre note:

Si on charge sur un cheval les vivres ncessaires pour trente jours, cestdire 24 boisseaux de millet, et 80 boisseaux de bl (ces chiffres supposent un boisseau extrmement petit), plus les vtements, effets et armes, ce cheval sera incapable de poursuivre lennemi. Celui-ci pourra donc se mouvoir librement, patre et abreuver ses troupeaux au nez de larme, gagner son gr les montagnes et les lieux inaccessibles, nous couper les vivres par derrire et finalement nous dtruire. De plus, ce sont les Sinlien qui se sont rvolts, et non pas les Hnkien. A ces derniers, comme aux autres hordes des King, on ne peut reprocher que leurs brigandages ordinaires. Il me semble donc quil faudrait fermer les yeux sur ces mfaits de peu dimportance, et chtier les Sinlien, pour intimider tous les autres. On pourra ensuite proclamer une amnistie pour les hordes repentantes, et mettre leur tte un prfet chinois, au courant de leurs murs, et qui les traite bien. Les frontires seront ainsi couvertes...

Lempereur remit aussi cette note aux consulteurs. Ceuxci opinrent que, les Sinlien plus forts, sappuyant sur les Hnkien plus faibles, il serait plus commode de battre dabord ces derniers, puis de compter avec les Sinlien affaiblis... affaire dobtenir vite, et peu de frais, une apparence de p.519 succs, ce qui est lidal de la politique chinoise... Lempereur chargea H yen-cheou et Snn ou-hien dexcuter ce plan, et adressa Tcho tchoungkouo la remontrance suivante:

Les courses des nomades harassent le peuple. Si vous ne les prenez pas maintenant, prs des eaux et dans les pturages o on peut les trouver avec leurs troupeaux, une fois lhiver venu, quand ils seront rfugis dans les montagnes et les lieux inaccessibles, vos soldats priront de froid. Jenvoie donc Snn ou-hien et dautres, pour attaquer les Hnkien la septime lune. Entendez-vous pour oprer avec eux...

Tcho tchoungkouo rpondit lempereur:

Vous maviez donn permission de dtacher les Hnkien des Sinlien. Je leur ai fait connatre vos bonnes intentions, par Tiokou, et ils en ont t persuads. Les Sinlien sont des rebelles, les Hnkien nont rien fait. Nestce pas ajouter un mal un mal, que de svir contre un innocent, et de laisser le coupable impuni? Je pense que vous navez pas pris de vous-mme une pareille dcision. La Tactique dit: Temporiser vaut mieux quattaquer. Chtions dabord les Sinlien, et les Hnkien se soumettront sans que nous ayons besoin de les combattre. Sils ne le font pas, aprs le premier mois de lanne prochaine, nous les attaquerons. Car, quand on veut russir, il faut prendre le bon temps. Si vous attaquez maintenant, vous ne russirez pas...

A la septime lune, un dit imprial permit Tcho tchoungkouo de faire comme il voudrait. Celui-ci poussa aussitt droit au douar des Sinlien. Quand ceux-ci virent paratre son arme, ils fuirent, abandonnant voitures et bagages, et coururent vers le gu de la rivire voisine. Le chemin qui y conduisait tait troit. Tcho tchoungkouo les poussa devant lui trs lentement. Un officier lui dit:

Poussonsles plus vite!...

Non! ditil; il ne faut pas exasprer p.520 ces brigands dans leur dtresse; si nous les poussons doucement, ils fuiront; si nous les poussons trop vite, ils se retourneront et se battront en dsesprs. Plusieurs centaines de Sinlien se noyrent au passage de la rivire; cinq cents furent pris et dcapits. Les chevaux, bufs et mulets capturs, slevrent cent mille au moins, avec quatre mille wagons. Ayant ensuite pntr sur les terres des Hnkien, qui semblent avoir habit prs du Koukounor, Tcho tchoungkouo dfendit ses soldats de faire aucun dgt. Les Hnkien rassurs se dirent:

Voyez, ce quon nous avait promis est vrai; ils ne nous font aucun mal!

Leur chef Mi-wang envoya un dput, pour offrir Tcho tchoungkouo de se retirer dans son ancien pays. Avant davoir reu sa rponse, il alla lui-mme trouver le gnral chinois. Celui-ci lui donna manger et boire, et le renvoya en le chargeant dexhorter sa nation la paix. Les petits officiers dirent Tcho tchoungkouo:

Ce brigand fera mal vos affaires!...

Le gnral leur rpondit:

Veuillez vous occuper de vos soldats, et me laisser le soin de la politique...

De fait, tous les Hnkien se soumirent sans rsistance. Alors Tcho tchoungkouo proposa lempereur de lui renvoyer sa cavalerie (dont lentretien tait fort dispendieux), et de coloniser les points stratgiques importants du pays, avec son infanterie: de creuser des canaux dirrigation, doccuper les dfils, etc. Chacun de ses hommes devait dfricher et cultiver vingt acres... Lempereur rpondit:

Gnral, vous ne faites pas attention que, quand les rebelles apprendront le licenciement du gros de votre arme, ils molesteront vos colonies agricoles, tueront ou captureront vos hommes. Que ferez-vous, sans cavalerie, pour les en empcher?

Tchao tchoungkouo rpondit:

Calculer est lessentiel dans lart militaire. Qui calcule beaucoup, est p.521 suprieur celui qui calcule moins (ceci sadresse aux contradicteurs du gnral, qui avaient encore combattu ses plans). Les Sinlien ont t tellement dcims, que le nombre de leurs hommes valides ne dpasse plus huit mille. Ils ont perdu leurs pturages, et vivent en htes dans dautres tribus. Ainsi disperss, ils souffrent de la faim et du froid. Leurs btes dprissent. Ils noseront jamais, laissant leurs femmes et leurs enfants la merci des tribus qui les hbergent, passer les eaux et les monts, pour venir nous attaquer.

Lempereur soumettait toujours son conseil, les notes quil recevait de Tcho tchoungkouo. Jadis la prudence du vieux gnral navait gure lassentiment que de trois conseillers sur dix; mais peu peu il eut cinq, puis huit voix sur dix. Ceux qui trouvaient jadis ses plans inexcutables, finirent par les trouver excellents. Enfin le chancelier Wi-siang fit cette dclaration:

Moi, je nentends rien lart militaire; mais jai eu le loisir de constater que toutes les notes du gnral Tcho, ont toujours t vrifies par les vnements. Jendosse donc son projet, et je demande quon lapprouve...

Sur ce, lempereur donna pleins pouvoirs au vieux temporisateur. Il finit par avoir les voix, mme de ses deux rivaux, qui avaient tant fait pour lui faire ordonner de combattre. Un ordre imprial licencia larme, et Tcho tchoungkouo colonisa. Cette pice montre au naturel, comment les Chinois faisaient la guerre. Aucun plan net. Beaucoup de pourparlers, de discours, dordres et de contreordres. viter de combattre, et obtenir un dnouement quelconque, par la seule prsence dune arme. Ce systme, dit tnya comprimer, fut toujours le seul sympathique au gouvernement... En 60, Tcho tchoungkouo parfaitement renseign et rassur, crivait lempereur:

Des cinquante mille hommes que comptait jadis la horde Sinlien des King, p.522 quatre mille peine sont encore en vie; les autres sont tus, noys, ou morts de faim. Les troupes qui gardent les colonies agricoles, peuvent donc tre rappeles...

Lempereur ayant accord sa demande, le vieux Tcho revint avec ses soldats. A lautomne de cette anne, les guerriers restants de la horde des Sinlien, couprent la tte de leur chef, et se soumirent tous la Chine. On fit provisoirement, de ces possessions nouvelles, sources du Fleuve Jaune et Koukounor, une dpendance de la prfecture de Knntcheng (Nnchan). On y tablit tous les King qui se soumettaient lempire.

@En 60, troubles intestins des Huns, qui furent trs avantageux la Chine. Jadis le khan HuLukuankiu ayant dgrad la reine Hukiu, celleci accorda ses bonnes grces au doghri de la droite, fit assassiner son poux par son amant, et procura celui-ci le trne des grands khans. Ce fut le khan Ou-yenkiu-ti. Le fils dpossd du dfunt, Ki-heoutchai, senfuit chez Ouchan-mou, le pre de sa femme, roitelet du Tarim. Or le roitelet Hun de Jeutchou, nomm Sienhientan, ayant une vieille querelle avec le nouveau khan Ou-yenkiu-ti, mobilisa sa horde, et la conduisit Kili (Karachar), au prfet des colonies chinoises Tchngki. Celui-ci leva, dans sa juridiction du Tarim, un corps de cinquante mille hommes, pour escorter le roitelet Hun la cour, o il devait faire sa soumission lempereur. En passant, Tchngki reprit Kicheu (Tourfan, rtrocd en 64), et sempara de la tte des routes de louest et du nordouest (extrmit de lAlta 56). Jusque l Tchngki avait eu le titre de Protecteur du Tarim. En 60, on tablit plus louest, dans une position plus centrale, Olei (prs Koutcha), 2700 l de Yngkoan terminus du Nnchan (p.401), la rsidence dun Prfet des douars, dont la juridiction stendait, par la passe de Outch (8), p.523 jusque sur les Osounn (valle de lI-li) et leurs voisins occidentaux les Kng-kiu (Samarkand). Le Prfet des douars piait les mouvements de trentesix petits roitelets, et leur commandait au nom de lempereur de Chine. An 57. Les troubles intrieurs des Huns augmentant toujours, ils finirent par avoir la fois jusqu cinq khans rivaux. Les conseillers de lempereur ne cessaient de lui dire:

Les Huns, ennemis hrditaires de lempire, lui ont fait beaucoup de mal; profitez de leurs querelles intestines pour les anantir!...

Cette fois le personnage Ego contra, qui ne manque dans aucune dlibration chinoise, fut jou par le Grand Secrtaire Sio wangtcheu. Il dit:

La Chronique de Confucius raconte que, en 554, Chu-kai ayant envahi Ts la tte des troupes de Tsnn, apprit que le marquis Lng de Ts venait de mourir; aussitt il ramena son arme; car le Sage nattaque pas un ennemi en deuil; ce trait de gnrosit toucha Ts et tous les autres princes. Or le khan dfunt sest trs bien montr notre gard. Il sest alli nous; il a conclu des traits. Hlas, il a t assassin par un ministre infidle. Si vous attaquez les Huns dans ces circonstances, vous serez un fauteur de dsordres. Quand, nayant pas le droit pour soi, on met des troupes en campagne, on en est puni par linsuccs. Envoyez plutt vos condolances ces pauvres Huns; protgez leur faiblesse, tirezles de leur misre. Quand les barbares des quatre rgions du ciel en auront la nouvelle, ils clbreront tous lhumanit et lquit de la Chine, et tous les prtendants dpossds se donneront vous, dans lespoir dtre secourus par lempire.

Votre charit vous rapportera gros... Lempereur suivit ce conseil. En 55, on amnagea, tout le long du versant sud de lAlta, des colonies chinoises, afin dy recevoir les barbares qui se donnaient la Chine.

En 54, p.524 conformment aux prvisions de Sio wangtcheu, le prtendant dpossd Ki-heoutchai, qui sappelait maintenant khan Houhan-sie, reconnut la suprmatie de lempereur de Chine, et envoya son frre cadet servir dans les gardes du corps, mnagerie internationale, collection dotages de toute race, ppinire de roitelets la dvotion de lempereur... Les frontires semblant paisibles, on rappela les huit diximes des troupes qui y tenaient garnison... Mais les nomades sont lestes. Un des khans rivaux, Tchutcheu, le plus redoutable ce quil parat, attaqua Hou-han-sie le nouveau protg de lempire, le chassa, et stablit dans la capitale du Grand khan. Houhan-sie amena les hordes qui tenaient son parti, jusque tout prs de la Grande Muraille, et envoya son fils servir dans les gardes du corps. Aussitt Tchutcheu envoya aussi lun de ses fils, servir dans la garde impriale. Heureux empereurs de Chine, on va les courtiser!

# En 52, le khan ami Houhan-sie tant arriv la Grande Muraille, demanda lempereur la faveur dtre admis lui remettre son sceptre ( se reconnatre solennellement vassal), et faire dsormais sa cour tous les trois ans, au nouvel an, comme les princes de lempire. Lempereur chargea les crmoniaires dlaborer un crmonial, pour ce cas nouveau. Ministres et Annalistes dirent: Daprs les rites et statuts des Sages anciens, la cour a le pas sur les citoyens, et ceux-ci ont le pas sur les tributaires. Quand le khan fera sa cour, il devra tre mis dans la catgorie des roitelets de lempire, mais marcher le dernier, tant tributaire et eux citoyens... Sio wangtcheu fit encore lEgo contra.

Le khan, ditil, ne se servant pas du calendrier chinois, est un roi tranger et non un tributaire. Il doit donc passer avant les roitelets, ne pas se prosterner, mais saluer seulement de la tte et sappeler Alli, comme ceux auxquels lempereur donne ses avis, p.525 sans les traiter en sujets... Il ajouta que, vu linconstance bien connue des Huns, agir ainsi serait le parti le plus sage, car on naurait pas ensuite svir contre le khan refroidi, comme on devrait le faire si, reconnu sujet, il devenait rebelle... Lempereur se dcida pour une solution mitoyenne, et donna ldit suivant:

Le khan des Huns est un roi ami du nord. Quil me visite au nouvel an, cest un honneur dont je suis indigne. Je le traiterai daprs le rituel des htes. Il aura le pas sur tous les seigneurs de lempire, mais en parlant de lui-mme, il dira Votre Serviteur.

En 51, lempereur tant Kntsuan pour y sacrifier au tertre du Suprme Un, Houhan-sie khan des Huns arriva pour lui faire sa cour. On lui donna, daprs les rites, une coiffure, une ceinture, un habit complet, un sceau dor muni dun cordon, une pe poigne de jade et des breloques; un arc, des flches et un javelot; une voiture, et un cheval sell et harnach; de largent, un lit, des toffes diverses. Quand le rit de ces offrandes fut termin, on le mena coucher Tchng-ping. Le lendemain, lempereur alla ly prendre accompagn de toute sa cour. Plusieurs myriades de barbares assistrent au spectacle. La rencontre eut lieu sur le pont de la Wi, dont les abords taient garnis dune haie de troupes. Quand lempereur parut sur le pont, Chinois et Barbares lacclamrent wnsoei (puissiezvous vivre dix mille ans)! Lempereur ramena le khan la capitale, lui donna un banquet au palais, et lui fit des prsents. Au deuxime mois, il le renvoya chez lui, en le faisant escorter par les troupes des frontires. Il lui fit livrer par les intendants des Marches, 340 mille boisseaux de grain. Le khan demanda stationner prs de la Grande Muraille, afin de pouvoir se rfugier dans les enceintes prpars pour les Huns a