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N°2 OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2013 DOSSIER x COMMUNES ET ENVIRONNEMENT DANS CE NUMÉRO Parti communiste français 10tarif de soutien – 5tarif étudiant, chômeur, faibles revenus - 7tarif normal SCIENCE x DÉCOUVERTE DU BOSON DE HIGGS Par Gilles Cohen-Tannoudji TRAVAIL x CAISSIÈRES : QUEL AVENIR ? Par Anne Rivière ENVIRONNEMENT ET SOCIÉTÉ x SCIENCE : DOUTER OU RELATIVISER ? Par Hubert Krivine

x COMMUNES ET ENVIRONNEMENT · Pour une transition énergétique réussie - Contribution au débat public Complexes et vitaux à bien des titres, les enjeux énergétiques structurent

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N°2 OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2013

DOSSIER x

COMMUNES ETENVIRONNEMENTDANS CE NUMÉRO

Parti communiste français

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SCIENCE xDÉCOUVERTE DUBOSON DE HIGGSPar Gilles Cohen-Tannoudji

TRAVAIL xCAISSIÈRES : QUEL AVENIR ?Par Anne Rivière

ENVIRONNEMENTET SOCIÉTÉ xSCIENCE : DOUTEROU RELATIVISER ?Par Hubert Krivine

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SOMMAIRE

ÉDITO Pour une écologie du travail Jean-François Bolzinger .............................................................................................................. 3Contribution au débat Eau, transports, énergie : trois brochures pour mieux comprendre ............................................................................. 4

DOSSIER : COMMUNES ET ENVIRONNEMENTIntroduction : Le syndrome Robinson Crusoé et la tentation du « retour à la terre » Amar Bellal.................................................... 5Environnement et gestion municipale : quelques clés pour comprendre et agir Hervé Bramy ...................................................... 6Des luttes pour reconquérir la mer et un étang Jean-Claude Cheinet.................................................................................................. 10Les déchets : projets au cœur des territoires Alain Rouault ................................................................................................................. 12Les collectivités au secours du climat ? Amar Bellal ........................................................................................................................... 14Transport et agglomération : l'exemple de Toulouse Bernard Marquie ............................................................................................... 16L’écologie dans la gestion municipale : l'exemple de Vénissieux Pierre Alain Millet ....................................................................... 18Lorsque de Grands projets « inutiles » s'invitent sur une commune Alain Pagano ........................................................................... 20Risques et sûretés industriels : les collectivités directement concernées Jérôme Marcuccini ........................................................ 21Petit tour de France et d'Europe des « possibles » Samira Erkaoui, Ivan Lavallée, Anne Rivière ..................................................... 22/25

BRÈVES ................................................................................................................................................................................................. 26

VU SUR INTERNET.......................................................................................................................................................................... 29

SCIENCE ET TECHNOLOGIEPHYSIQUE La recherche et la découverte du boson de Higgs, une aventure humaine exemplaire Gilles Cohen-Tannoudji ....... 30MATÉRIAUX Métaux et terres rares : l'autre problème de la transition énergétique Bruno Chaudret ............................................... 32MÉDECINE La procréation médicale assistée : retour d’expérience Dr Michel Limousin ................................................................... 34INFORMATIQUE L’ordinateur quantique : un domaine de recherche en pleine expansion Manuel Houzet ................................... 36

TRAVAIL, ENTREPRISE & INDUSTRIEPRÉCARITÉ Hôtesses de caisse (caissières) dans les grandes surfaces : quel avenir ? Anne Rivière .............................................. 38TRAVAIL Refonder la finalité et la « gouvernance » de l’entreprise Daniel Bachet ............................................................................. 40ENTEPRISE Le port du Havre, un poumon pour la ville, un atout pour la France Daniel Paul .......................................................... 42ENTEPRISE PME : Pourquoi tant de difficultés ? Yves Dimicoli ................................................................................................................ 44

ENVIRONNEMENT & SOCIÉTÉEPISTÉMOLOGIE L’attitude scientifique, douter ou relativiser ? Hubert Krivine....................................................................................... 46SCIENCES ET PSEUDO-SCIENCES Esprit (critique) es-tu là ? Vincent Laget ................................................................................................ 48ÉNERGIE Quelle solution pour les déchets nucléaires ? Jean-Noël Dumont et Bernard Felix ................................................................. 50POINT DE VUE Le « modèle énergétique allemand » ne doit pas être un mirage pour la France Joël Guidez ............................ 52ÉVÉNEMENT Université d’été 2013 du PCF • Retour vers le progrès Sébastien Elka ........................................................................... 54

• «La science est-elle à l’origine de tous les maux ?» Olivier Gebuhrer ......................................................................... 54ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET RECHERCHE Un nouvel obstacle au progrès professionnel : la loi Fioraso Hugo Pompougnac.......... 55

LIVRES.................................................................................................................................................................................................... 56POLITIQUE Du côté du PCF et des progressistes................................................................................................................................... 58HISTOIRE Le cadre de vie, l’environnement, l’écologie et les communistes Luc Foulquier ............................................................ 59

2 OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2013

Progressistes OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2013

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OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2013 Progressistes

ÉDITORIAL

L a transition écologique ne peutêtre que politique. Il s’agit de pro-duire et consommer autrement,

donc d’inscrire l’écologie dans son rap-port au travail, avec une autre organisa-tion et d’autres stratégies économiques,d’en finir avec le management financier,le Wall Street Management, fondé sur laperformance financière.En ce sens, elle porte son essence révo-lutionnaire. La promotion d’un mana-gement de rupture, de long terme, exigedonc de définanciariser l’entreprise et letravail.Ce Wall Street management procède parobjectifs quantitatifs de court terme,incompatible avec le développementsocial et durable : il tue le travail et tueau travail. Il génère la démobilisation, lanon-qualité et provoque des accidentstels celui d’AZF.

Mais le partage des rôles qui prévaut estaujourd’hui mortifère : le social aux syn-dicats, l’économie aux employeurs,l’écologie aux associations extérieuresou aux départements marketing desentreprises !Nous avons besoin d’un managementqui prenne en compte le rôle contributifdes salariés, conjugue social, économieet environnement. Sans reconnaissanceet paiement des qualifications, on nepeut qu’obtenir une société du low cost,ignorante des ambitions écologiques.

Des cadres supérieurs du nucléairedéplorent la disparition des disputesprofessionnelles sur la sécurité des cen-trales, remplacées par de procéduresnormatives et comptables. Or la révolu-tion écologique a besoin de réflexion,d’innovation et d’investissements. Elleappelle une conception de l’entreprisedifférente de la société d’actionnaires.Elle induit une entreprise qui soit com-munauté de travail, créative et qui redé-finisse ses liens avec la société. Rendrecontraignantes les préconisations desaccords de RSE (Responsabilité Socialede l’Entreprise) pour qu’elles soienteffectives au niveau des collectifs de tra-vail permettrait d’aller dans ce sens.

Cette révolution écologique passe parune nouvelle conception de l’industrieet impose de faire le choix du progrèssocial, scientifique et environnemental.La production marchande incontrôléeet le productivisme doivent laisser placeà une production satisfaisant les besoinsde tous. Une révolution écologiquedémocratique, qui intègre les choix éco-logiques dans les procès de travail.

JEAN-FRANÇOIS BOLZINGERCO-DIRECTEUR DE PROGRESSISTES

POUR UNE ÉCOLOGIEDU TRAVAIL

JEAN-FRANÇOISBOLZINGER, MEMBRE

DU CONSEIL NATIONALDU PCF

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Progressistes OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2013

L'eau : un besoin, un droit, uncombat « L’eau ; un besoin, un droit, un combat ».Au travers de ce document, le PCF donneson opinion, pour inciter à la prise d’ini-tiatives politiques et publiques, contribuerau développement des luttes du local aumondial.

Ce document est téléchargeable sur le site PCF eton peut se procurer la version papier au prix de2,50 euros en téléphonant au 01 40 40 11 59 ouécrire à : [email protected]

Système ferroviaire :Politique destransports Brochure disponible en téléchargementlibre sur le site du PCF « Pour répondre auxbesoins du pays, de ses territoires, descitoyens, pour relever les défis du change-ment climatique, pour gagner la bataillede l’emploi, il faut une politique très ambi-tieuse pour le Rail et les transports collec-tifs. Il faut engager, dès maintenant, unnouveau mode de développement don-nant la priorité à l’humain en respectantla nature… » PIERRE MATHIEU, responsable du collectif trans-ports du PCF

Pour une transitionénergétiqueréussie -Contribution audébat public Complexes et vitaux à bien des titres, lesenjeux énergétiques structurent la sociétéet la planète. Une meilleure connaissancedes réalités, des enjeux et du contexte peutpermettre à chaque citoyen d’intervenir,d’être acteur dans le débat public que lePCF appelle de ses vœux : un débat sérieux,approfondi, documenté où les citoyensauraient les cartes en main pour décider.Les communistes vous livrent ici quelquespistes, des réflexions, des informations desdonnées qui pourraient servir à alimenterce débat.

Document téléchargeable sur le site PCF, pour laversion papier (2 euros) téléphoner au 01 40 4011 59 ou écrire à : [email protected]

Progressistes • Tél. 01 40 40 11 59 • Directeurs de la publication : Jean-François Bolzinger, Jean-Pierre Kahane • Rédacteur en chef : Amar Bellal • Secrétariatde rédaction : Anne Rivière • Responsable des rubriques : Ivan Lavallée • Comité de rédaction : Jean-Noël Aqua, Aurélie Biancarelli-Lopes, Jean-Claude Cauvin, Marie-Françoise Courel, Sébastien Elka, Marion Fontaine, Luc Foulquier, Malou Jacob, Michel Limousin, George Matti, Simone Mazauric, Bastien Maraicher, Pierre Serra, BastienTersan • Conception graphique et maquette : Frédo Coyère et Sébastien Thomassey

Abonnement et exemplaire papier Chèque à l'ordre du -PCF- à adresser à : Parti communiste français. Revue Progressistes, 2 Place du Col. Fabien 75019 Paris

Renseignements au 01 40 40 11 59 ou en écrivant à [email protected] revue est également téléchargeable gratuitement sur www.progressistes.pcf.fr

Tarif normal Étudiant, chômeur, Tarif de soutienfaibles revenus

Envoi Postal 9 €..................... 7 €......................... 12 €Abonnement 4 numéros 36 €................... 28 €........................ 44 €

CONTRIBUTION AU DÉBAT

PROGRESSISTES, ABONNEZ-VOUS !

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PAR AMAR BELLAL*,

« Penser global, agir local », une de ces for-mules consensuelles à hisser au mêmeniveau que le fameux « indignez-vous! »,

tellement elle séduit. Elle est consensuelle au point d’être utiliséeaussi bien par l'UMP que par l’extrême gauche en passant par leModem, même si, selon le bord politique, on n'y mettra évidem-ment pas le même contenu.

À gauche, il y a plusieurs lectures possibles. Avouons-le, une partiede la gauche a fait le deuil de la possibilité de changer les pouvoirsau niveau national et en Europe. Ainsi, s’il est devenu impossiblede changer les lois et l’orientation des gouvernements, alors il revientau citoyen par ses actions, par son mode de vie, de changer la donne,de bousculer le « politique » jugé conservateur quelle qu'en soitl'étiquette. On érigera alors un mode de vie comme un positionne-ment politique, une « preuve par l'exemple » en somme: je fais duvélo, je mange bio, je sauve la planète. La manière de consommerremplace alors l'exercice traditionnel de la citoyenneté, perçu commeune impasse (les élections, les luttes, les partis, les syndicats, nechangeront rien). Cette démarche poussée à l'extrême, on ira jusqu'àquitter la ville, ouvrir une ferme et démontrer que, loin de la foliedes hommes, il est possible de vivre autrement. C'est ce qu'on peutappeler le syndrome « Robinson » ou le « retour à la terre ».

On ne soulignera jamais assez la démagogie de ce discours. Au moin-dre problème de santé sérieux, ces Robinsons des temps modernes,courront se faire soigner dans l’hôpital de la ville la plus proche àcoup de scanner, avec les derniers progrès de la chimie et de l’ima-gerie médicale, pour sauver leur vie ou celle de leurs enfants. Et lamédecine est un seul aspect de la modernité, parmi des milliersd'autres, dont nous ne nous soupçonnons même plus l'existencetellement notre mode de vie paraît aller de soi (eau potable à dis-position, mortalité infantile quasi-nulle, chauffage, éclairage, récoltesagricoles toujours assurées, disparition des famines...). C’est le résul-tat de siècles de progrès, d’essais-erreurs d’hommes et de femmesqui ont cherché à comprendre la nature pour s'en affranchir et nousont permis d'atteindre l'espérance de vie que nous connaissons,anormalement élevée pour les pauvres mammifères que noussommes. Ajoutons à ce progrès, l'aspect social : en effet, l’hôpitalest remboursé par la sécurité sociale, système conquis par des luttestrès dures, des mobilisations collectives. Ces mobilisations sontaujourd’hui passées sous silence, ces conquêtes menacées. Onmoque le travail des syndicats et des partis politiques qu’on quali-fie d’« archaïque et dépassé », en plus de critiquer la connaissancescientifique responsable de tous les maux. Par certains aspects, cettepensée peut être qualifiée de « réactionnaire ». Il est intéressant de

remarquer le succès d'un Pierre Rhabi, une des figures de ce mou-vement, habituellement célébré par les milieux de gauche, mais quiest aussi invité par le Medef à discourir devant des patrons: sa cri-tique de la sécurité sociale, du progrès et son appel à la frugalité n'ysont sans doute pas pour rien.

Si ce discours séduit autant et que les livres défendant ces thèses sevendent aussi bien, c'est qu'il y a en chacun de nous une envie enfouiede renouer avec la nature et de retrouver un paradis perdu. Ce quipose problème ici, c'est lorsqu'on théorise cette envie sur le plan poli-tique et qu'on prétend que c'est la solution à de graves problèmesd'envergure mondiale (l'alimentation, l'énergie, l'eau…), au lieu dese contenter de satisfaire ce désir inconscient par des randonnées ouquelques jours de bivouacs en pleine montagne dans les Pyrénées!

Ce type de nostalgie traduit aussi une aspiration à revenir à des échellesplus réduites, que l'on peut contrôler: faire son jardin, choisir deconsommer autrement, nous donnent l'impression de reprendre enmain notre destin, loin de l’inaccessibilité des pouvoirs institution-nels dont on ne voit pas comment ils pourraient changer. Si ces aspirations individuelles légitimes peuvent être récupéréespar la bourgeoisie, elles peuvent aussi nourrir la gauche progres-siste dans ce qu'elles ont de meilleur. À condition de faire ce travailde compréhension, d'articulation, entre le local et le global, entrel'individu et le collectif, en montrant que l'un ne s'oppose pas àl'autre mais doivent nouer une relation dialectique, de synergie.

La gauche doit avoir l'intelligence de lier les actions et initiatives deproximité, les réponses aux aspirations individuelles, avec des objec-tifs de progrès social pour toute l'humanité. Une gauche qui nerenonce pas à orienter le progrès scientifique et technique au ser-vice de l'environnement. Celle qui souligne l'importance de chan-ger l'orientation des politiques nationales et européennes pour dis-poser de leviers de financements, de services publics à la hauteuret des lois répartissant mieux les richesses. Et pas de démagogie:cela exigera des batailles très dures, beaucoup de lutte de classe, dela sueur, des larmes et des mobilisations collectives.

Cette autre gauche-là, on la rencontre aussi à l'échelon local, dansbeaucoup de municipalités, notamment communistes, et qui mani-festent beaucoup d'efforts, de persévérance et de créativité dans ledomaine environnemental et social. Ce dossier est une contribu-tion qui donne à voir la réalité de leur engagement, souvent mécon-nue. Géothermie, transport, eau, rénovation thermique des logements, agriculture de proximité, biodiversité, traitement desdéchets: du local au global, bienvenue chez les écolo-communistes !

*AMAR BELLAL est rédacteur en chef de Progressistes.

5DOSSIER

COMMUNES ET ENVIRONNEMENT

OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2013 Progressistes

LE SYNDROME ROBINSON CRUSOÉ ET LA TENTATION DU « RETOUR À LA TERRE »

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Progressistes OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2013

HERVÉ BRAMY est conseiller général de la Seine-Saint-Denis et responsable du pôle environnement du PCF. Ilnous présente les leviers dont disposent les communespour engager des politiques autour de l'environnement.Il revient sur plusieurs réalisations d'élus communistes,exemples peu connus et peu médiatisés, et qui sontpourtant de véritables actes politiques de gestion.

ENTRETIEN AVEC HERVÉ BRAMY*,

Progressistes : Comment concevoir l’ac-tion environnementale à l’échelle locale :une série de mesures en tant que tellesou une action continuelle intégrée à despolitiques plus globales comme l’urba-nisme, les déchets, les transports, le loge-ment ?Hervé Bramy : D’une ville à l’autre laprise en compte des enjeux environ-nementaux dans les projets muni-cipaux varie. Ils sont de nature dif-férente selon que l’on habite en milieuurbain ou rural et surtout selon leniveau de sensibilité des populationsà ces enjeux. Dans les quartiers popu-laires, là où la souffrance sociale s’ex-prime avec force c’est en tout pre-mier lieu les conditions vitalesd’existence qui prédominent. C’estpourquoi les communistes et leursélus, face à la crise du capitalismequi meurtrit tant de vies, agissent etluttent, dans un même mouvement,contre les inégalités sociales et envi-ronnementales. C’est un position-nement offensif de justice humaine.Ceci dit, je ne crois pas connaître demunicipalité qui ne soit pas sou-cieuse de l’environnement. Aucuneville ne peut se désintéresser de l’en-vironnement, des projets industrielset économiques qui s’implantent surson territoire afin d’en prévoir toutesles conséquences qui y sont asso-ciées dont celle de la qualité envi-ronnementale. Pour revenir à la ques-tion, pour les élus d’une façon généralecela se traduit par des politiquespubliques plus ou moins élaboréeset par des actes de gestion qui peu-vent être innovants. De nombreusesvilles se sont engagées dans la

ENVIRONNEMENT ET GESTION MUNICIPALE : QUELQUESCLÉS POUR COMPRENDRE ET AGIR

construction d’Agendas 21 ou dis-positifs analogues. Dès lors qu’on nese limite pas à de l’affichage et quel’on avance d’un même pas sur l’éco-nomique, le social et l’environne-ment, les trois piliers du développe-ment durable, cette démarche globaleme paraît la plus intéressante car ellemobilise l’ensemble des secteursmunicipaux sur la durée tout en per-mettant à chacun-e de prendreconscience de l’ensemble des néces-sités et des enjeux, d’en mesurer lesavancées ou les obstacles. J’y ajoutela démocratie car l’efficacité com-mande à la fois de comprendre lesdéfis et de les partager. Ceci est vala-ble tant pour les habitants que lesagents des collectivités.

Progressistes : Des budgets spécifiquessont-ils alloués à l’écologie dans les com-munes ?Là encore cela varie d’une ville à l’au-tre selon les opportunités locales.Généralement les services des col-lectivités locales, qu’ils soient de com-pétence obligatoire comme l’eau oules ordures ménagères par exemplepour les communes ou volontairescomme les espaces verts ou les agen-das 21 structurent le périmètre de ladélégation des élus à l’écologie. Donc,de ce fait, une part du budget globalde la municipalité est affectée à cettedélégation sans oublier les budgets

annexes comme celui de l’eau (aunom du principe l’eau paye l’eau…).Pour gérer leurs domaines les élusse voient également attribuer deslignes budgétaires en fonctionne-ment pour réaliser des initiativespubliques de sensibilisation (Journéesde l’environnement, actions éduca-tives…) ou d’investissement pourdes projets décidés par le Conseilmunicipal (serres municipales, sta-tions d’épuration…).

Progressistes : On est frappé par le nom-bre de réalisations d’élus communistesdans le domaine de l environnement, parexemple en Seine St Denis, les élus ontété précurseurs avec des politiques volon-taristes en développant la géothermieavec un surcoût clairement assumé, onpourrait citer des centaines d’exemplessimilaires dans toute la France… Commentexpliquer le décalage entre cette réalitéet les idées reçues sur le « retard » descommunistes sur ces questions ?HB : Effectivement, contrairementaux idées reçues, les élus commu-nistes se sont pleinement investisdans ce domaine avec la même ambi-tion que dans tous les autres domaines :répondre aux besoins de leurs conci-toyens. La réintroduction du tram-way en région parisienne, c’est lerésultat d’une lutte victorieuse de 10ans animée par le Président commu-niste de Seine-Saint-Denis GeorgesValbon dans les années quatre-vingt.À la même époque, la réalisation duparc de La Courneuve – qui porteaujourd’hui son nom –, sur les frichesd’un immense bidonville, constituaitun véritable défi. Passer de moinsd’un m2 d’espaces verts par habitantà 12 actuellement, c’est-à-dire au-dessus des normes européennes. Sansoublier de mentionner leur classe-ment Natura 2 000. La « greffe » a priset nous sommes en mesure de pré-senter un bilan en matière de biodi-versité bien plus riche que nombrede départements ruraux d’Ile deFrance. C’est dans cette dynamiqueque la plupart des municipalités deSeine-Saint-Denis ont réalisé leurparc communal.

La réintroduction du tramway en régionparisienne, c’est le résultat d’une luttevictorieuse de 10 ans animée par le Présidentcommuniste de Seine-Saint-Denis GeorgesValbon dans les années quatre-vingt.“ “

DOSSIER COMMUNES ET ENVIRONNEMENT6

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OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2013 Progressistes

Dans le secteur de l’eau, les dépar-tements communistes de la régionparisienne (93 et 94) ont été précur-seurs dans la démarche de gestioninformatisée des réseaux d’assainis-sement notamment pour faire faceaux inondations urbaines résultantesde l’artificialisation des sols. Dumonde entier des délégations d’élussont venues découvrir leurs réalisa-tions. Nous avons contribué à la créa-tion du Syndicat Interdépartementalde l’Assainissement en régionParisienne (SIAAP) – le plus impor-tant d’Europe – aujourd’hui dirigépar un élu communiste Maurice

Ouzoulias afin d’agir pour un retourde la qualité du milieu aquatique(Seine et Marne). Pari réussi, car laSeine accueille à nouveau des espècesaquatiques qui avaient totalementdisparu.Nous avons également contribué àla création d’organisations similairespour les déchets ménagers. Jusqu’en2008 la Seine-Saint-Denis a organiséla plus grande manifestation citoyenne,associative et de services publics àl’initiative d’une collectivité d’Ile de

France : la Biennale de l’environne-ment. Ce grand forum de débats, desensibilisation et de mobilisationsen faveur de l’écologie urbaine abrutalement été interrompu suite àl’arrivée d’un président socialiste,alors que le Val de Marne poursuitet développe son Festival citoyen del’OH ! Enfin il est vrai que durant lesmêmes années quatre-vingt les mairescommunistes de la région parisiennese sont engagés dans un audacieuxprogramme de géothermie pour ali-menter les réseaux de chaleur deleur commune sans aucune aidefinancière et de surcroît en payant

la TVA comme pour un service ensecteur commercial.Alors pourquoi, dans l’appréciationde la politique des communistes,tout cela est-il passé au second plan ?Plusieurs raisons peuvent expliquercette situation. Le passé dit « pro-ductiviste » des communistes qui apu être compris comme une oppo-sition entre développement indus-triel et préservation de la nature ?Pourtant on voit bien actuellementles dégâts sociaux de désindustria-

lisation de notre pays. La préémi-nence de leur engagement socialauprès des populations les plus dému-nies ? Le fait d’avoir pour le Particommuniste, durant une trop longuepériode, délégué le portage de seschoix écologiques à des associations ?Sans doute un peu de chacune deces approches. Enfin, nous-même,nous valorisons assez peu les réali-sations de nos élus au-delà des popu-lations concernées. C’est pour inver-ser ce constat que nous envisageonsla réalisation d’un répertoire desactions réalisées dans nos collecti-vités locales.

Progressistes : En pleine crise et en pleineréforme territoriale qui réduisent les res-sources des communes : commentaujourd’hui financer de telles politiques ?

HB : Les politiques d’austérité fontmal aux politiques publiques locales.Tous les secteurs sont concernés.L’austérité contraint à faire des choiximprévus, ralentit le rythme des réa-lisations ou bien les reporte à pluslong terme. Les dotations de l’Étatsont réduites, les subventions euro-péennes en baisse constante.L’augmentation de l’impôt local n’estpas envisageable. Le recours à l’em-prunt est une possibilité mais ellereste limitée compte tenu de sesconséquences sur l’endettement descollectivités territoriales. À l’échelled’une commune les possibilités sontrestreintes et ce d’autant plus lorsquele budget du ministère de l’écologieest une nouvelle fois fortement raboté.Pour toutes ces raisons il est urgentde sortir des politiques d’austérité,de penser un autre partage desrichesses, de donner un autre rôle àl’euro. Une autre politique de crédit

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Nous avons contribué à la création du SyndicatInterdépartemental de l’Assainissement en région Parisienne(SIAAP) – le plus important d’Europe – aujourd’hui dirigé par unélu communiste, Maurice Ouzoulias, afin d’agir pour un retour dela qualité du milieu aquatique (Seine et Marne). Pari réussi, carla Seine accueille à nouveau des espèces aquatiques qui avaienttotalement disparu.

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Espèce rare, lepic noir estrégulièrementobservé dans leparc de LaCourneuve. Il fait partie des140 espècesd'oiseauxrépertoriés du site.

La mise enservice de laligne T1 reliantdepuis 1992Bobigny à Saint-Denis, marquele grand retourdu tramway enÎle-de-France.

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ticien où les opposants jouent surles peurs et l’irrationnel. Finalementon se rend compte que répondre àtoutes les questions et associer lapopulation sont un gain de temps etun atout pour la réussite, car celademande d’aller au-delà du projetlui-même et de bâtir avec tous lesréponses à un enjeu de société. Quefaisons-nous de nos déchets ména-gers alors que la loi interdit de lesverser dorénavant en décharge etque les capacités d’incinération enIle de France sont suffisantes ? Nousvoulons faire le choix que les déchetssoient considérés comme des pro-duits utiles au développement humaindurable en contribuant utilement àla lutte contre le réchauffement cli-matique par le captage du méthane.

Progressistes : La France connaît une gravecrise industrielle avec des fermeturesd’usines qui se multiplient. Comment menerdes luttes pour maintenir ces outils de pro-duction tout en veillant à tenir un discoursd’avenir sur leur nécessaire évolution ? N’ya-t-il pas un risque d’apparaître commede simples défenseurs du statu quo ?

HB : Les communistes aspirent à l’éla-boration d’un nouveau mode de pro-duction et de consommation qui sortela société du productivisme capita-liste. La planification écologique etdémocratique est la méthode pourdépasser le système productif actuelafin d’en bâtir un nouveau qui res-pecte la planète et préserve les res-

ne-s de comprendre et d’en maîtri-ser les enjeux. Un choix démocra-tique demande des citoyens docu-mentés et associés à toutes les phasesdu projet, de l’idée à sa réalisation.Pour réussir la démarche doit êtreconçue comme un élément à partentière du projet. Sans cela le campde la peur, de l’opposition politi-cienne (surtout à la veille d’élections)risque de l’emporter ou pour le moinsde « polluer » la véritable perceptiondes objectifs poursuivis. Quant auxformes, elles sont multiples : confé-rences d’information par le promo-teur du projet, ateliers de concerta-tion, publications électroniques etpapier, compte rendu régulier del’avancée du projet etc.…Pour ce qui concerne les commu-nistes notre ambition est de co-éla-borer les projets. Cela demande unhaut niveau de responsabilisationde toutes les parties engagées. C’estce que nous faisons au Blanc Mesnil(93) pour la réalisation d’un écopôlequi regroupe une usine d’assainis-sement du SIAAP et une usine deméthanisation du SYTOM. Cette der-nière est au cœur d’un conflit poli-

doit pouvoir intégrer plus fortementdes critères environnementaux. Lestaux seraient d’autant plus bas queseraient importantes les dimensionsenvironnementales. Enfin pour contri-buer au débat sur la décroissance laréduction des dépenses d’armementpourrait utilement être reportée surl’écologie.

Progressistes : Une réponse à un problèmeécologique légitime peut créer d’autrestypes de nuisances qu’on accepte diffici-lement : par exemple la présence d’usinede méthanisation pour traiter les déchetsplutôt que de les enfouir. Comment alorsorganiser une consultation démocratiquesur des sujets aussi sensibles, sans tom-ber dans l’instrumentalisation des peurset n’intéresser que les « anti », avec à laclé le blocage de tous ces projets ?

HB : La démocratie n’est pas un butmais un moyen d’avancer ensemblepour le bien de tous et de la planète.Tout projet requiert de l’informationafin de permettre à nos concitoyen-

Jusqu’en 2008 laSeine-Saint-Denis a organiséla plus grande manifestationcitoyenne, associative et deservices publics à l’initiatived’une collectivité d’Île-de-France : la Biennale del’environnement…brutalement interrompuesuite à l’arrivée d’unprésident socialiste, alorsque le Val de Marne poursuitet développe son Festivalcitoyen de l’OH !

Durant les mêmes années quatre-vingtles maires communistes de la régionparisienne se sont engagés dans un audacieuxprogramme de géothermie pour alimenter lesréseaux de chaleur de leur commune sansaucune aide financière !

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commune les possibilitéssont restreintes et ce d’autantplus lorsque le budget duministère de l’écologie estune nouvelle fois fortementraboté. Pour toutes cesraisons il est urgent de sortirdes politiques d’austérité.

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Progressistes OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2013

Réseau dechaleur en zoneurbaine (shémade principe).

Dès le choc pétrolier de 1973 les collectivités ont dû réflé-chir sur l’approvisionnement en énergie. Les maires desvilles du Val-de-Marne Chevilly La Rue, L’Haÿ-les-Roses,Villejuif, soutenues par la majorité communiste du conseilgénéral ont su dès 1983 parier sur la géothermie quand,après un enthousiasme d’annonce, d’autres renonçaientdevant les difficultés dues au financement difficile (tauxd’intérêt à deux chiffres) et au pari technologique (foragesà 1 800-2 000 m) car la technologie n’était pas vraimentmature et rencontrait de nombreux problèmes tels la cor-rosion des tuyaux. Il fallut batailler ferme pour obtenir uneTVA réduite et la désindexation des prix de la ressourcesur celui du pétrole. La vision écologique à long termedes maires concernés, aucune émission de CO2 et la cer-

titude qu’à long terme ils étaient dans le vrai a soutenucette vision et poussé la réalisation à son aboutissement.Aujourd’hui les villes concernées disposent là du moyende chauffage le moins cher et le plus écologique dont onpuisse disposer en Île de France qui alimente 45 000 per-sonnes dans 19 200 logements HLM, et ce grâce à unorganisme de service public intercommunal. Le dangerétant que cette énergie non émettrice de GES, étant envi-ron 25 % moins chère que le gaz et quasi inépuisable,excite les appétits privés, GDF-suez ou Véolia veillent augrain. Seule une gestion publique peut garantir que lesbénéficiaires en seront les utilisateurs et que ces « gainsde productivité » comme il est de bon ton de dire n’irontpas aux dividendes de quelques-uns.

GÉOTHERMIE, ÉNERGIE VERTE ET COMMUNISME

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sources naturelles. Pierre Laurent l’arappelé à Lille, en novembre dernier(2012), l’industrie et l’écologie sontindissociablement solidaires. L’unene progressera pas sans l’autre.

Nous considérons qu’un nouveaudéveloppement industriel est indis-pensable pour la transformation éco-logique de notre société. Les sala-riés doivent être des acteursdéterminants de cette transforma-tion. Ils sont les mieux placés – parceque concernés directement en tantque salariés mais aussi citoyens –pour réussir cette transformation dufait de leurs savoir-faire et de leurexpérience accumulés de la produc-tion. Ils doivent pouvoir disposer dedroits nouveaux d’information, dedécisions afin de peser utilement surles choix stratégiques des entreprises.Le critère du profit qui est la seuleboussole des actionnaires doit êtreconsidérablement minoré pour lais-ser la place aux enjeux sociaux etenvironnementaux. De ce point devue là, les collectivités et les élus sontdes points d’appuis essentiels.

Progressistes : Que penser de l’idée à lamode aujourd’hui d’ « autonomie éner-gétique » que vantent nombre de collec-tivités, idée qu’on retrouve avec le conceptde bâtiments à énergie positive, de régionsautonomes en énergie ?

HB : Face aux dangers du réchauffe-ment climatique la société est au cœurde choix déterminants pour l’avenirde l‘humanité. Si chaque source d’éner-gie présente des avantages il est urgentd’engager un processus de réductionprogressive mais continue des éner-gies carbonées (gaz, pétrole, char-bon : celles qui produisent les gaz àeffet de serre). Un autre mix énergé-tique est à l’ordre du jour. Pour ce quinous concerne nous préconisons un

mix composé de nucléaire et d’éner-gies renouvelables. Tout ce qui peutêtre fait pour économiser l’énergiedoit être entrepris et c’est dans cettevoie que je situe la réalisation de bâti-ment à faible énergie ou à énergiepositive. Toutefois je ne souscris pasà l’idée que nous serions en capacitéde tendre vers un système d’autono-mie énergétique au plan local repo-sant pour l’essentiel sur les énergiesrenouvelables. Comment cela est-ilenvisageable à l’échelle des métro-poles urbaines quand les énergiesrenouvelables stagneront à 10-20 %

de l’énergie finale consommée, dansl’état actuel de nos connaissances etavec des contraintes d’implantationfortes ? En effet, malgré tous nos effortsla demande d’énergie ne cesse decroître et huit millions de personnessont des précaires énergétiques dansnotre seul pays. Nous devons conce-voir un système de production d’éner-gie décarboné, solidaire et surtout lesortir des griffes du marché pour l’ins-crire dans un grand pôle public.Actuellement les particuliers et lescollectivités sont sollicités pour déve-lopper des installations qui devien-nent des rentes de financement surle dos de tous les usagers via la CSPE(contribution au Service Public del’énergie) prélevée sur nos factures.C’est injuste et risque de remettre encause notre système original de péré-quation tarifaire qui traite chaqueusager de façon équitable. Encoreune fois contribuer à réduire la consom-mation d’énergie est nécessaire, parcontre, bâtir un projet de société localesur l’autonomie énergétique me paraîtinconcevable. n

*HERVÉ BRAMY est conseiller général dela Seine-Saint-Denis et responsable du pôleenvironnement du PCF.

Tout projet requiert de l’information afin depermettre à nos concitoyen-ne-s de comprendreet d’en maîtriser les enjeux. Sans cela le campde la peur, de l’opposition politicienne (surtout àla veille d’élections) risque de l’emporter oupour le moins de « polluer » la véritableperception des objectifs poursuivis.

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OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2013 Progressistes

Le SIAAP (Syndicat Interdépartemental pour Assainissement de l’Agglomération Parisienne)présidé par Maurice Ouzoulias Conseiller général Communiste du Val de Marne est un servicepublic francilien dont dépend l’assainissement de l’eau de toute l’Île de France. Un servicepublic fort et solide est la condition essentielle pour un assainissement performant, juste, équi-table et porteur d’une vision à long terme non obnubilée par la recherche de profit à courtterme. Le SIAAP est unique en Europe et nettoie les eaux usées de plus de neuf millions deFranciliens avant de les restituer au milieu naturel.Le SIAAP allie démarche environnementale et sociale ; en tant que grand service public, il està la fois au service des Franciliens et force de proposition dans les grands débats concernantl’eau ; c’est vrai pour la préservation de la ressource comme de la reconnaissance effectivedu droit à l’eau pour tous pour lequel 300 000 € ont été mobilisés dans un fonds de solida-rité pour soutenir les familles en difficulté. Le SIAAP est de plus moteur dans l’innovation tech-nologique et entreprend de grands travaux pour la mise en conformité avec les nouvellesnormes et la lutte contre les nouveaux polluants. Le SIAAP lance un projet phare sur son siteSeine Aval pour la première usine d’épuration bio-performante en Île de France. Si l’innova-tion technologique fait partie des missions de service public, elle ne peut être menée à bienqu’accompagnée de politiques publiques fortes pour ne pas faire supporter aux usagers seu-lement le poids des investissements correspondants car l’eau n’est pas une marchandise maisun bien commun de l’humanité.

L’EAU, LE SIAAP ET LA SEINE

L’action duSIAAP a permitle retour decertainesespèces depoissons dansla Seine

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COMMUNES ET ENVIRONNEMENT10 DOSSIER

Écologistes avant l'heure, de nombreux élus communistes et progressistes ont dû mener des luttes autour deproblèmes environnementaux liés aux pollutions et ce dès les années soixante. Il est intéressant de revenirsur cette période, qui sonne comme un véritable démenti d'un soi-disant désintérêt des communistes sur cesquestions. L'exemple avec une lutte emblématique autour de l'étang de Berre.

PAR JEAN-CLAUDE CHEINET*,

L'étang de Berre est tel un cercle aumilieu du rectangle des Bouches duRhône, à l'ouest de Marseille. Mi-estuaire pour des rivières côtières,mi-lagune méditerranéenne peu pro-fonde, c'est un vaste étang marindébouchant dans le Golfe de Fos.L'essor industriel et portuaire duXXe siècle a fait de cette région leréceptacle des rejets des industrieset des villes. L'écologie politique n'exis-tait pas encore, que déjà sur place larésistance aux pollueurs commen-çait…

LES PIONNIERS (1960-1970)Les années 1960 voient la construc-tion de la vaste zone industrialo-por-tuaire de Fos sur mer avec la pétro-chimie et la sidérurgie : il s'agit de laplus grande zone d'industries lourdesdu Sud de la France. La Durance estdétournée vers l'étang de Berre afinde raccourcir le canal d'amenée versla nouvelle centrale hydro-électriqueSaint-Chamas. S'affrontent alors deuxpoints de vue : autour de la droitelocale on glorifie la technologie, « l'ef-fet de chasse » qui va emporter lespollutions et la possibilité d'éleverdes truites dans cet étang marin, maisautour des municipalités commu-nistes on s’inquiète. Les pêcheurssont les premiers à manifester d'au-tant que l'on commence à connaîtreles effets de la pollution au mercurede la baie Minamata au Japon.Rassemblements et manifestationscontre « les pollueurs » se succèdentautour du député communiste RenéRieubon, des marins pêcheurs CGTqui barrent le Golfe de Fos, des syn-dicats de la zone et même des curésqui sonnent le tocsin !Les années 1970 voient le dévelop-pement des préoccupations environ-nementales et la multiplication descontestations, par exemple contrel’implantation militaire sur le plateaudu Larzac. Le gouvernement craint

que l’étang de Berre ne devienne undeuxième « Larzac ». Sous la pressiondu mouvement emmené par les com-munistes, il décide donc la créationd'un SPPPI (Secrétariat permanentpour la prévention des pollutionsindustrielles) placé sous l'autorité duPréfet, celle de AIRFOBEP, organismechargé de surveiller la pollution aérienneet plus tard celle du CYPRES, auquelest confiée l'information préventivesur le risque industriel. Un bâtimentspécial est construit à Martigues pourabriter ces différents organismes quiréunissent l’ensemble des acteursconcernés: industriels, élus, Etat et,plus tard, associations et syndicats.Cette initiative s’avère fructueuse: enquelques années, la pollution régressedans la région, l'étang lui-même atteint

un seuil minimum de décence et leterritoire français est maillé d'orga-nismes semblables.

L'ENVIRONNEMENT, ARME DE LARECOMPOSITION POLITIQUE(1970-1990)Mais la réduction des rejets indus-triels met en évidence l'eutrophisa-tion des eaux de l'étang, avec son cor-tège de poussées algales, de mortalitéde poissons… Parmi les responsa-bles, la centrale EDF de Saint-Chamaset les eaux douces déversées en rai-son du détournement de la Durance.Or le retournement politique du gou-vernement et l'avancée des idées ultra-libérales font d’EDF, société nationa-lisée, un coupable idéal pour les médiasen meute. Le problème écologiquebien réel devient prétexte à une opé-ration politique visant l’entreprisepublique.Dans ce contexte, les communistesse retrouvent isolés et sur la défen-sive. Sans doute y a-t-il des actionsentamées par le syndicat CGT-EDFet par le MLNE (le Mouvement natio-nal de lutte pour l’environnement,créé en 1981) : pétition, manifesta-tion relayée par une proposition de

Le gouvernement craint que l’étang deBerre ne devienne un deuxième « Larzac ».Sous la pression du mouvement emmené parles communistes, il décide donc la créationd'un SPPPI (Secrétariat permanent pour laprévention des pollutions industrielles), auquelest confiée l'information préventive sur lerisque industriel.

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Étang de Berre vu par le satelliteSPOT.

DES LUTTES POUR RECONQUÉRIR LA MER ET UN ÉTANG

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loi du député puis du sénateur com-muniste local. Reste que c’est la cam-pagne adverse qui marque. Les mani-festations pour « fermer la centrale »sont emmenées par le Parti socialisteet aboutissent à rassembler, dans uneUnion sacrée bien ambiguë, tout l’arcpolitique contre les communistes,notamment ceux de Martigues. Letout débouche sur un référendumlocal visant la centrale et l’escaladecontinue. Des menaces de plasticagesont proférées et on va même jusqu’àdétériorer une sculpture devant l’en-trée de la centrale, et ce en présencedu député PS. Cependant le lende-main de cet épisode, l’explosion àproximité d’une raffinerie, entraînantla mort de 9 personnes, contribue àramener sur terre quelques-uns.L’instrumentalisation politique nes’arrête pas là. Un député de droites’empare entre-temps à son tour dusujet et, reprenant une idée de la pro-position de loi communiste, il lancela création de l’EPAREB, établisse-ment public administratif chargé del’aménagement des rives de l’étang.Il faut attendre l’arrivée de la gaucheplurielle, à la fin des années 1990,pour que soit créée une nouvelle struc-ture: le GIPREB.

D'UNE PHASE TECHNIQUE À UNERENTE POLITIQUE (DES ANNÉES2000 À NOS JOURS)Le nouveau GIP (groupement d’in-térêt public) mène une concertationqui débouche sur un consensus autourde la réalisation de travaux de déri-vation des eaux du canal usinier versle Rhône, avec la possibilité de récu-pérer au passage une bonne partiede la production électrique. Dans lemême temps, les manifestations contrela centrale s'estompent et ce d'au-tant plus vite que c’est le maire PS deBerre, ancien fer de lance de la contes-tation, qui devient le président duGIPREB. Il transforme très vite cette

fonction en rente politique, encoreaugmentée quand il accède à la pré-sidence d’AIRFOBEP, ce qui fait delui l’acteur local incontournable surl’environnement industriel.Toutes les études techniques et socio-économiques confirment entre-tempsla faisabilité et la rentabilité des tra-vaux envisagés. Un vrai projet d’amé-nagement régional apparaît. L’obstacleest celui du financement, dans untemps où chacun agite la « rigueur »ou le « sérieux » budgétaire… De nou-velles études sont alors comman-dées, ce qui fait s’enliser la situation.Cet enlisement est accentué par l’af-fadissement ou la disparition desmouvements de luttes, aussi bien enraison de la désillusion générale quede l’affaiblissement des communistes.Ces luttes avaient pourtant connuun bel essor, et les communistesavaient su leur donner une visée géné-rale de transformation du cadre devie et de travail. La réduction de cetteambition à la préservation écologiquede l’étang, et aussi à la consolidationélectorale de certains élus, tarit la

sève de tout cela. Ce sont pourtantles idées que les communistes avan-çaient qui l’ont emporté, mais ce sontleurs opposants qui en tirent profitpour se présenter en sauveur de l’en-vironnement régional.Dans la période qui vient, les com-munistes et progressistes de la régionsauront-ils redonner vie à un projetqui fasse converger les multiples luttesenvironnementales sur la pollutionet la santé, sur les risques industriels,sur l'aménagement équilibré du ter-ritoire ? Seule cette convergence,autour de l’idée d’une maîtrise desrapports entre la société locale et sonenvironnement, est susceptible derelancer un mouvement d’ensembled’une population qui, il y a plus de40 ans, a réussi à innover. n

*JEAN-CLAUDE CHEINET est membre dela commission écologie du PCF. Il est l'an-cien président du CYPRES (Centre d'infor-mation pour la prévention des risquesmajeurs), militant pour la sûreté indus-trielle.

Ce sont pourtant lesidées que les communistesavançaient qui l’ont emporté,mais c’est leurs opposantsqui en tirent profit pour seprésenter en sauveur del’environnement régional.

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Au début des années 1970 émergent les préoccupationsécologiques, même si cela concerne surtout des asso-ciations et des personnalités. L’ONU lance une premièreconférence mondiale à Stockholm en 1972. À l’ordre dujour : développement et écologie, avenir de l’homme etde la planète. Mais cette conférence ne mobilise que trèspeu les gouvernements. C’est malgré tout dans cettepériode que se créent les premiers ministères de l’envi-ronnement. C’est le cas en France en 1971, tandis qu’auxélections présidentielles de 1974 il y a pour la premièrefois un candidat écologiste : René Dumont.

Le Parti communiste est souvent accusé d’avoir pris tar-divement en compte les problèmes environnementaux.Mais s’il y a eu des hésitations, elles ont été le fait detous les partis. En réalité, dès cette période le PCF com-mence à mettre l’accent sur l’écologie. En 1976, lorsd’une élection partielle à Tours, il présente même un spé-cialiste en la matière, le professeur Vincent Labeyrie, bio-logiste et précurseur de l’écologie politique. Dans le mêmetemps des élus locaux, confrontés aux problèmes de pol-lution commencent à s’organiser et à organiser la popu-lation. Très vite ils démontrent que la protection de l’en-vironnement ne peut trouver de réponse qu’en se prolongeantau plan national.

C’est ce que comprend Camille Vallin, maire communistede Givors entre 1953 et 1993. Après avoir agi pour pro-téger sa ville des inondations, il décide de s’attaquer auproblème global posé par les différentes formes de pol-lution du Rhône. Il constitue à cet effet une association

réunissant tous les maires, de toutes opinions, de Lyonà Montélimar et il encourage les maires des communesen amont et en aval à se réunir eux aussi. La pollutiondu Rhône étant une réalité sur l’ensemble de son par-cours, l’action doit se mener à ses yeux de la source à lamer, notamment pour contraindre les communes et lesentreprises à traiter et épurer leurs rejets d’eaux usées.

Mais pour Camille Vallin la bataille pour la protection duRhône mérite d’être élargie à tous les fleuves. Il s’adresseaux maires communistes concernés, sans grand succès.Il décide alors d’alerter la direction nationale du PCF.Cependant c’est seulement au début des années 1980qu’il est entendu et, qu’à l’initiative de Mireille Bertrandet Andrée Lefrère, un groupe de travail est constitué afinque le parti se saisisse pleinement de ces questions etqu’en même temps il impulse la création d’une associa-tion écologiste nationale plaçant « l’homme » au centrede la lutte pour l’avenir de la planète. C’est ainsi queCamille Vallin et le professeur René Nozeran président àla création du Mouvement national de lutte pour l’envi-ronnement (MNLE) qui affiche clairement les choses àson congrès constitutif en 1981 : « L’homme maître ouesclave de son environnement ».Ainsi, par sa ténacité, Camille Vallin a réussi à mobiliserle Parti, mais aussi et surtout des militants associatifs,des élus, des syndicalistes, des scientifiques sur ces ques-tions écologiques qui ont pris l’importance que l’on saitaujourd’hui.

GUY LÉGER, président d’honneur du MNLEAncien adjoint au maire de Pantin

CAMILLE VALLIN : FIGURE DE LA LUTTE POURLA PROTECTION DU RHÔNE

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DOSSIER COMMUNES ET ENVIRONNEMENT12

LES DÉCHETS : PROJETS AU CŒUR DES TERRITOIRES

PAR ALAIN ROUAULT *,,

L a collecte et l’élimination desdéchets ménagers sont, par laloi, dévolues aux communes,

il revient aux élus locaux de mettre enplace les structures adaptées. Les lois« Grenelle » incitent au recyclage et autraitement de proximité. Aussi lesdéchets occupent-ils une place impor-tante dans les projets de territoire.Les communes, suivant leurs condi-tions locales, ont confié tout ou par-tie de leurs compétences à des struc-tures intercommunales comme dessyndicats de collecte, ou aux commu-nautés d'agglomération. La cohérenceglobale du schéma de gestion desdéchets est à la charge du ConseilGénéral (à l’exception du ConseilRégional d’Ile de France).Il en résulte une grande diversité destructures et de moyens de traite-ments, qui ont longtemps suivi un

même modèle (élimination des déchetsvia la décharge, incinération), diver-sifié ces dernières décennies avec lerecyclage (centre de tri) et le traite-ment de l'organique (compostage –méthanisation).

Mais les défis demeurent :• financiers, le traitement coûte deplus en plus cher ;• démocratiques, la taille, la techni-cité, et le montant des investissementsconduisent souvent à laisser aux opé-rateurs privés une part importantede nos prérogatives ;• environnementaux, les nouvellessensibilités des populations et l'ac-

tion des lobbies rendent plus difficilel'implantation d’équipements pour-tant indispensables.

FACE À CES DÉFIS, LES TENANTSDU LIBÉRALISME PRÉCONISENT DELAISSER FAIRE LE PRIVÉLes déchets ménagers ont longtempsété abordés sous l'angle de la contrainte,« ce dont on doit se débarrasser ».Aujourd’hui, les choses doivent êtrerevues sous l'angle de l'opportunitéen privilégiant la valorisation au détri-ment de l’élimination du déchet etdégager une opportunité pour le déve-loppement local puisqu'il s'agit d'uneressource locale « fatale » non délo-calisable.Les déchets sont des produits en finde vie dont le détenteur n'a plus l'uti-lité. Mais le produit a-t-il encore unevaleur d'usage? Derrière cela c’est laquestion du réemploi avec la créa-tion de ressourceries qui, en s'ap-puyant sur l'économie sociale et soli-daire, permettent de développer del'emploi et de fournir des produitsutiles aux publics en difficulté. C'estaussi la possibilité de relancer le sec-teur de la réparation.Les matières premières qui compo-sent les produits sont pour beaucouprécupérables. Pour cela la collectesélective et le tri sont autant d'oppor-tunités pour l'emploi local. De plusces matières premières récupéréespeuvent être remises sur le marchéou au service de projets de dévelop-pement local. Les métaux, les plas-tiques, les papiers, le verre vont êtreà l'origine de nouveaux produits. Oùet comment seront ils fabriqués sontautant de questions pour les éluslocaux.

Une ressource énergétique: Les déchets,c'est aussi une source d'énergie récu-pérable par incinération en produi-sant de l'électricité et de la chaleurpour le chauffage urbain ou des indus-tries fortement consommatrices.À l'heure du débat sur la transition

Les problemes auxquels sont confrontes les responsables de collectivites territoriales pour la gestion desdechets sont multiples. Ils peuvent se transformer en opportunites d'une gestion rationnelle, si on admet que lesdechets sont aussi une matiere premiere. Quelques pistes pour des avancees democratiques et ecologiques.

Dans le Puy de Dôme, sur la base du Plan Départementald’élimination des déchets, un projet multifilières va démar-rer d’ici la fin de l’année - première installation de ce typeen France, qui va permettre une valorisation de 70 % desdéchets contre 40 % actuellement.Pour cela, les onze syndicats de collecte se sont regrou-pés dans un syndicat interdépartemental : le VALTOM.Comme dans beaucoup de collectivités, la politique deprévention est dynamique : utilisation de près de 40 000composteurs individuels par les familles, développementdu compostage en pied d’immeuble, collecte de tri auporte à porte pour 90 % des foyers. De 2002 à 2011, lapart de valorisation matière et de valorisation biologiquea progressé d’environ 10 %.Enfin, c’est dans le traitement des déchets « résiduels »que VALTOM apporte des éléments de réponse intéres-sants, avec un objectif de valorisation à 70 %.L’unité de traitements multifilières comprend : une plate-forme de traitement préalable de Tri, permettant une sta-bilisation biologique des déchets « humides » résiduels,une Unité de Valorisation Energétique, qui produira de l’élec-tricité, un Méthaniseur, et une plate-forme de compostage.La valorisation énergétique s’annonce intéressante et évo-lutive. Avec 150 000 tonnes incinérées, seront produits120 000 MWh, soit 70 000 habitants éclairés. De plus,une plateforme dédiée permettra de produire 32 000tonnes/an de mâchefers. Quant à la valorisation biolo-gique, c’est 11 000 MWh d’énergie produite.

La création d’un réseau de chaleur est une opportunité àsaisir car seulement 25 % du potentiel énergétique del’Unité sera utilisé lors de sa mise en fonctionnement.Le traitement des déchets est une réponse concrète auxnouveaux défis que pose la question de la transition éner-gétique. Tout en traitant de manière novatrice les déchetsdes 650 000 habitants, le VALTOM contribue à la réduc-tion des émissions des gaz à effets de serre.Évidemment, ce projet fera l’objet d’un contrôle perma-nent. Pour cela, le VALTOM a mis en place une déléga-tion de service public (DSP), et c’est VERNEA, filiale deSITA France qui a remporté le marché avec un cahier descharges très strict. Le VALTOM se dote ainsi de moyenspour assurer un contrôle rigoureux de cette DSP.Quant à l’impact financier il est évalué à 10 €/hab. /anen moyenne sur le territoire. Pour beaucoup d’habitants,cette solution départementale est une opportunité faceau coût élevé des installations spécifiques et de plus celava permettre d’optimiser les transports.Ainsi à partir de ce plan départemental cohérent et auda-cieux, de la volonté forte des élus des onze syndicats decollecte des déchets du Puy de Dôme et d’une partie dela Haute Loire, et malgré de nombreux retards et oppo-sitions, l’élimination des déchets dans le Puy de Dômeva se conjuguer avec le développement durable.

JEAN-CLAUDE JACOB est Conseiller municipal de Riom.

PÔLE MULTIFILIÈRES À CLERMONT FERRAND :MIEUX VALORISER NOS DÉCHETS

Progressistes OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2013

Est-il préférable que le papier que nousrecyclons serve au maintien de papeteries enFrance ou en Europe plutôt que d'être livré au«marché» et partir en Chine ?“ “

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énergétique et le développement desénergies renouvelables et locales, cetterécupération de l'énergie des déchetsdoit avoir une place de premier rangdans la mise en place des schémasénergétiques territoriaux.

Les terres agricoles s'appauvrissentet nous devons limiter l'apport d'en-grais chimiques. Or le retour à la terresous forme de compost de la partieorganique de nos poubelles (près dela moitié de la poubelle résiduelle)doit nous permettre en partenariatavec le monde agricole de favoriserles projets de territoire en fonctionde la nature des sols et des besoinsdes cultures.Au sein d’une économie libérale mon-dialisée, réfléchir sur « déchet et ter-ritoire » débouche sur les questionsde maîtrise du développement éco-nomique.En économie circulaire, le déchet n'estqu'une "étape" dans la vie du pro-duit; une bonne maîtrise de son deve-nir pose forcément la question d'unemeilleure connaissance, voire d’unpouvoir d'intervention, dans le cyclede vie des produits.Est-il fatal et écologiquement sup-portable que les matières premières

puis les produits manufacturés fas-sent plusieurs fois le tour de la terre,pillant les peuples et gaspillant l'éner-gie?La crise et ses conditions de sortienous poussent à regarder s’il n’est paspréférable que le papier que nousrecyclons serve au maintien de pape-teries en France ou en Europe plutôtque d'être livré au «marché» et par-tir en Chine?Produire moins de déchets est l'ob-jectif premier de toute politique concer-nant les «déchets» mais c'est d'abordun objectif « économique » et « éco-logique »; moins de déchets c'estd’abord moins de gaspillage de matièreet d’énergie, moins de transport inu-tile et de nuisances.

PISTES POUR LA RÉFLEXION ET L’ACTIONCôté déchets, pas d'avancée réellesans réflexion sur le fonctionnementde l'économie, de la conception à laconsommation en passant par la dis-tribution et les comportements desconsommateurs.Le déchet n'existe pas en soi mais estla résultante d'un comportement« social », reflet d'un niveau de civili-sation. Il est normal et utile de met-

tre en place des politiques concer-nant les « déchets » mais en les reliantau fonctionnement de la Société.Pas d'avancée réelle si nous en res-tons à des oppositions entre modesde traitement et mise en place de sché-mas « hypertechniques », sans repla-cer les déchets dans la réalité socio-économique locale comme uneopportunité de développement local,permettant d’associer tous les acteurset en priorité les habitants.

POUR DES AVANCÉESDÉMOCRATIQUESIl faut se réapproprier les enjeux tech-nico-économiques liés au travail surles déchets. Arrêtons de culpabiliserle consommateur qui produit trop dedéchets et responsabilisons-le sur leschoix :• Qui décide aujourd'hui que la bièresera distribuée en 25,33 ou 75 cl ?Bouteilles verre, «cannettes» métal-liques ou bouteilles plastique ?Comment rendre possible le retour àla consigne?Et ne pas seulement reprocher auconsommateur de ne pas bien trier.Il a, ainsi que ses élus, son mot à dire.Est-il si utopique sur un territoire, demettre en place avec l'ensemble desacteurs, des schémas vertueux?• Qui décide qu'une machine à laverdurera cinq, huit ou dix ans? Que lematériel sera « irréparable»?Il y a là, partant du niveau local, despistes pour redonner un peu de senset de pouvoir aux consommateurs etaux salariés, noyés dans les consé-quences inéluctables de l'économielibérale mondialisée. n

*ALAIN ROUAULT est Président du SITOM93, (Syndicat Intercommunal de traitementdes ordures ménagères de Seine-Saint-Denis).

OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2013 Progressistes

Inspirée de l’expérience des sites allemands de stockagesouterrain, Stocamine devait devenir le centre de stockagede déchets industriels ultimes de « classe 1 » pour larégion Alsace et le centre de « classe 0 » pour le terri-toire national.A partir de 1999 Stocamine a exploité le stockage avecpossibilité de réversibilité à une profondeur de 500 m dansune ancienne mine de potasse à Wittelsheim (68). 320000 tonnes de déchets devaient y être enfouis sur 10 ans.Mais l’incendie survenu en 2002, avec des conséquencespour la santé du personnel, s’est soldé par l’arrêt définitifde l’activité en 2003. Il s’est avéré que le feu faisait suiteà une violation du cahier des charges : des colis nonconformes étaient enfouis quelques semaines plus tôtmalgré les alertes formulés par le personnel. Le directeuret la société Stocamine furent condamnés en 2008.Alors que cette activité de stockage était bien accueillieà l’origine, un sentiment de défiance se répandit dans lapopulation.Fin 2004, Stocamine devint filiale à 100 % des Mines dePotasse d’Alsace après leur reprise par l’État. Alors quece site minier, unique en France , aurait dû être sous maî-trise publique dès sa conception, dans le cadre d’un grandpôle public associant les entreprises de traitement et recy-clage des déchets industriels en coopération avec l’Europe,notamment l’Allemagne.Démonstration est faite une nouvelle fois que marchan-disation et recherche de profits entraînent un gâchis indus-triel, sanitaire et environnemental.Stockage illimité ou déstockage total ? L’une ou l’autresolution pose problème.

C’est la question qui se pose depuis 10 ans. Sachant queles déchets ultimes de Stocamine sont stockés sous laplus grande nappe phréatique d’Europe, que l’ennoyagedes galeries et la remontée de saumure vers la surfacesont des phénomènes naturels, dans combien de temps(1 à 10 siècles) et dans quelles proportions la napped’Alsace sera-t-elle polluée ?Les conclusions des collèges d’experts stipulent que ledéstockage conduirait à exposer les salariés à des risquesinacceptables et proposent une solution intermédiaire dedéstockage partiel. Au terme du débat public local, c’estaux pouvoirs publics de prendre la décision en tant qu’Etatactionnaire unique et qu’autorité politique.Il aura fallu toutes ces années pour qu’un gouvernementdécide de solder cette expérience malheureuse. Depuis2002, le stockage est simplement surveillé sans qu’au-cune solution soit mise en œuvre, cet attentisme auracoûté en 10 ans près de 50 millions d’euros soit la moi-tié de la somme nécessaire au déstockage partiel, fina-lement annoncé en 2012.La décision par les pouvoirs publics de déstocker les 4000tonnes de déchets les plus dangereux avant confinementet fermeture totale de la mine devait faire démarrer lestravaux fin 2013 ; décision une nouvelle fois reportée parl’ancienne ministre Batho.Même si la messe n’est pas dite, il y a urgence d’agir etde démarrer le déstockage. Pourquoi jouer la montre dansce dossier qui n’a que trop duré, si ce n’est pour restric-tion budgétaire ?

ALINE PARMENTIER, secrétaire départementale PCF 68

STOCAMINE : QUELLE SOLUTION ?

Bouteilles enplastiqueprêtes pour lerecyclage.

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DOSSIER COMMUNES ET ENVIRONNEMENT14

Il peut paraître incongru de parler des enjeux du climat alors que toutes les préoccupations sont concentréessur la crise économique et les dégâts sociaux qu'elle implique. Pourtant, il s’agit d’une réalité puisque, dès2004, s'est mis en place un plan climat au niveau national qui s'est décliné au niveau des collectivités localespar les Plans climat énergie territoriaux (PCET).

PAR AMAR BELLAL*,

Les PCET, visant à limiter la crise cli-matique, s’inscrivent dans le cadredes objectifs du Grenelle de l’envi-ronnement et des différentes confé-rences internationales sur le climatainsi que des objectifs des trois « 20» que s’est fixé l’Union européenned’ici à 2020 : 20 % de GES en moins,20 % d’énergie renouvelable, 20 %d’économie d’énergie. Pourquoi desplans territoriaux ? La raison invo-quée est la nécessité de lancer unedynamique qui ne soit pas simple-ment impulsée d’en haut et de rap-procher les lieux de décision de leursapplications concrètes pour une plusgrande efficacité. Cet objectif seheurte aux capacités de financementlimitées des collectivités et aux nom-breux leviers qui doivent être du res-sort des politiques nationales etmême européennes (financement,réglementation, services publics, for-mation…). Il est néanmoins utiled’examiner la logique de ces PCETet de s’y impliquer car cela reste uneexpérience possible de co-élabora-tion démocratique avec les citoyenssur un territoire donné.

PCET : « C » COMME CLIMAT ET«E » COMME ÉNERGIE Tout d’abord, les PCET compren-nent deux grands aspects : le climatet l’énergie qui ne recouvrent pastout à fait les mêmes enjeux et sont,de fait, souvent confondus. Le « C »de climat renvoie à la nécessité delimiter les émissions de gaz à effetde serre (CO2, méthane, ozone…),ce qui suppose prioritairement delimiter les énergies carbonées (char-bon, gaz, pétrole). Le « É » de Éner-gie consiste à diminuer la consom-mation énergétique indépendammentde l’impact en GES de celle-ci. Lanuance est très importante et vainfluer sur l’approche générale desmesures à prendre. Trois exemplesillustrent cette démarche.

Premièrement, un ensemble demesures conduisent à une baisse dela consommation électrique tou-chant le volet énergie du plan, maisavec un impact assez faible sur leréchauffement climatique du fait du« mix » électrique français très peucarboné (hydraulique et nucléaire àplus de 95 %). Deuxièmement, desmesures favorisent la voiture élec-trique en remplacement des voituresà essence et au gazole, ce qui modi-fie peu la consommation d’énergiemais réduit les dégagements de GES.Troisièmement, les deux postes s’ajou-tent, comme, par exemple, desmesures incitant à faire des travauxd’isolation dans un appartementchauffé au gaz.

APPROCHE GLOBALE, APPROCHECADASTRALE. L’approche « cadastrale » consiste,dans le jargon de l'Ademe (Agencede l’environnement et de la maîtrisede l’énergie), à recenser les postesles plus émetteurs de GES et d’éner-gie sur un territoire donné de la col-lectivité, dans tous les secteurs d’im-portance : bâtiment, transport,industrie, service, agriculture… Cettelogique strictement territoriale necomptabilise que le bilan direct.L’approche « globale » consiste àajouter au bilan directement impu-table au territoire celui provenantde l’extérieur par le biais de ses impor-tations. Ainsi, tous les produits impor-tés seront pris en compte dans lebilan énergétique et climatique :transport et fabrication. Une ville

comme Paris aurait ainsi un bilanmoins lourd dans le cas d’uneapproche de type cadastral que sielle avait opté pour une approcheplus globale incluant toutes les indus-tries, les surfaces agricoles et les sys-tèmes de production d’électricitéextérieurs à la ville et néanmoinsnécessaires à la consommation deses deux millions d’habitants.L’approche globale est bien évidem-ment beaucoup plus complète etinterroge plus profondément le modede développement de nos sociétés.En effet, les délocalisations indus-trielles entraînent également unedélocalisation de la pollution. La fer-meture d’une aciérie améliorera gran-dement le bilan carbone d’un terri-toire et sa délocalisation en Inde ouau Brésil ne changera rien au climat,sans parler de tous les dégâts sociauxque cela engendre.

MESURES PRÉVENTIVES,CURATIVES. Les PCET ne sont pas uniquementdes plans de type « préventif » visantà limiter l’impact sur le climat. Unexemple de mesure préventive consisteà installer des chauffe-eau solaires,sans conséquence bénéfique directeet visible à l’échelle du territoire enquestion. L’impact sera en effet glo-bal, partagé par l’ensemble de la pla-nète et très largement étalé dans letemps. Mais les PCET comportentégalement des mesures de type «curatif » qui entrent dans une logiquede réparation des dégâts liés auréchauffement climatique sur le ter-ritoire. Une analyse peut ainsi êtrefaite de la vulnérabilité du territoireen question afin de prévoir desmesures pour anticiper le manqued’eau, la baisse des rendements agri-coles, le changement des types d’ar-chitecture, les problèmes sanitairesliés aux canicules, les maladies nou-velles… Cela pose le problème del’inégalité face aux moyens dont ondispose : ceux qui auront les moyens

LES COLLECTIVITÉS AU SECOURS DU CLIMAT ?

L’approche « globale » consiste à ajouterau bilan directement imputable au territoirecelui provenant de l’extérieur par le biais deses importations… L’approche globale est bienévidemment beaucoup plus complète etinterroge plus profondément le mode dedéveloppement de nos sociétés.

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Progressistes OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2013

« Les trois 20 »d’ici 2020 : 20%de GES en moins,20 % d’énergierenouvelable,20% d’économied’énergie.

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de se protéger seraient tentés de s’en-fermer dans une bulle en privilé-giant, par exemple, la constructionde digue plutôt que d’investir dansdes énergies décarbonées.

LES LEVIERS POSSIBLES DANS LESTERRITOIRES Les postes les plus importants etdirectement à la portée des collec-tivités sont nombreux. Tout d’abord,le bâtiment, aussi bien tertiaire qued’habitation, représente près de 40%de la consommation d’énergie. Pourles constructions neuves, obligationest faite par la réglementation à par-tir de 2012 de répondre à l’exigencedes 50 kW/m2/an de consomma-tion. L’enjeu se situe surtout du côtédes bâtiments existants et la ques-tion de leur rénovation énergétique.Agir sur l’enveloppe par l’isolation,mais aussi améliorer le rendementdes systèmes de production de cha-leur (chaudière performante, pompeà chaleur, chauffe-eau solaire, ven-tilation, etc.). Ensuite, il s’agit derelancer les investissements dans lestransports en commun, de densifierleur maillage. Enfin, en ce qui concernel’aménagement du territoire, il s’agitde lutter contre l’étalement urbainet d’organiser en amont les systèmesde transport en commun. D’autrespostes existent aussi : industrie, pro-duction d’énergie, agriculture… Lesmoyens d’action se situent alorsdavantage au niveau national (régle-mentation, service public de l’éner-

de milliards. Néanmoins, malgrétoutes ces limites, les PCET permet-tent une prise de conscience et peu-vent constituer une préfiguration dela proposition de VIe République, àsavoir un début de démarche de co-élaboration avec l’ensemble descitoyens sur un enjeu de portée mon-diale. En cela, il est important de lesmettre en place afin de porter cettevision. n

*AMAR BELLAL est rédacteur en chef de larevue Progressistes

gie, recherche pour des procédésplus propres…). Mises à part lesactions de sensibilisation, les inci-tations, les études sur l’échelle duterritoire et l’organisation de débatscitoyens, les collectivités disposentde peu de moyens d’action car ellessont rapidement confrontées au «murde l’argent » vu l’ampleur des inves-tissements à réaliser. Le seul pro-gramme de rénovation énergétiquedes bâtiments pourrait coûter de 10à 15 milliards d’euros par an en France.

LES LIMITES Le Grenelle de l’environnement afortement déçu parce que des objec-tifs ambitieux ont été affichés, maissans financements sérieux car ils selimitent dans la réalité à un ensem-ble d’incitations fiscales très injustes,ne bénéficiant qu’aux plus riches etprivant une fois de plus l’État de pré-cieuses sources de revenus. Onretrouve ce problème de finance-ment au niveau mondial. Ceci entraîneaujourd’hui un changement du dis-cours : l’on préfère parler de mesures« d’adaptation » au réchauffementclimatique plutôt que de mesureslimitant le phénomène. Ce glisse-ment sémantique, renforcé par l’ac-cident de Fukushima qui fait oublierla catastrophe climatique à venirpourtant bien plus grave, est à com-battre. Les dégâts climatiques serontpour la plupart irréparables :lorsqu’une espèce disparaît, il n’estpas possible de la ressusciter à coups

OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2013 Progressistes

Le rapport du GIEC, Volume 1«Changement climatique 2013 : les éléments scientifiques » disponibleen traduction française sur le site du ministère de l écologiehttp://www.developpement-durable.gouv.fr

Tiré du rapport du GIEC 2013 /Cartes des moyennes pour la période 1986-2005 et 2081-2100 pour le changement de la température en surface.

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Une gestion publique des transports dynamique et efficace à TOULOUSE : letémoignage de BERNARD MARQUIE, Maire Adjoint PCF et délégué à laCommunauté urbaine Toulouse Métropole, Vice-Président de Tisseo, syndicatde transports publics qui regroupe 90 communes. Ses délégations en Mairieenglobent la mobilité, la circulation, le stationnement, la réglementation et laPrévention Routière.

PAR BERNARD MARQUIE *,

HISTORIQUE L'intervention des communistes surles transports à Toulouse a été per-manente, y compris lorsque la villeétait gérée par la Droite (45 ans, de1971 à 2008), que nous ayons desélus ou pas. Ainsi, au début des années2000 avec Charles Marziani, vice-président PCF du Conseil régional,nous avons animé une bataille pourque la Société d'économie mixteTisseo ne fasse pas l'objet d'uneDélégation de service public au béné-fice de Conex (Véolia). Nous avonsgagné et depuis 2005, Tisseo est unerégie publique transformée plus tarden EPIC.

La droite qui gérait Toulouse depuis1971 ne s'était pas donné les moyensd'un système de transport ambitieuxet laissait reposer la charge desemprunts pour financer les deuxlignes de métro sur l'autofinance-ment de Tisseo: poussant ainsi Tisseovers un surendettement qui aurait« justifié » une privatisation. Dès leretour de la gauche en 2008, unila-téralement, Toulouse avec sa nou-velle équipe municipale, a décidé derajouter 15 millions d'euros au bud-get des transports. Le passage enCommunauté Urbaine (C.U.) en 2009nous a permis d'augmenter sensi-blement les versements, nous ensommes aujourd'hui à 100 millionsd'euros par an versés par la C.U. aubudget de Tisséo avec l'ambitiond'arriver à 180 millions d'euros en

2020. Ce volontarisme politique apermis de consolider la dette deTisséo, ce qui a été approuvé par laCour des Comptes, et de voter unPlan de déplacement urbain (PDU)ambitieux en 2012.

LES GRANDS AXES DU NOUVEAU PLAN DE DÉPLACEMENT URBAIN : • Les jeunes : pendant la campagneélectorale notre liste d'union avaitpromis la gratuité pour les jeunes demoins de 26 ans, contre mon avis,car la situation financière ne nous apas permis de le faire. Mais nousavons mis en place un abonnementà 10 euros par mois pour les jeunesde moins de 26 ans, ce qui fait denous la ville la moins chère pour lesjeunes. • Le choix de la « toile d'araignée »Nous avons une ligne A du métro quifête ses 20 ans cette année et uneligne B qui a été inaugurée peu detemps avant les municipales de 2008.Aujourd'hui la ligne A est saturée etnous proposons le doublement desa capacité pour accompagner l'ar-rivée du TGV. La caractéristique duréseau que nous avons trouvé étaitqu'il reliait des zones d'habitat aucentre-ville et que les principaleszones d'emploi hors centre-villen'étaient pas desservies (Aéroport,zone aéronautique, Sicoval, Oncopoleetc.) Avec les habitants, après avoirtenu des assises de la Mobilité nousavons décidé de réorganiser le réseauen toile d'araignée et en même tempsde desservir les villes de la banlieue :c'est notre PDU. Nous avons inauguré la 1re ligne deTramway en 2009 et nous avons aus-sitôt décidé de la prolonger pourcommencer notre toile d’araignée.Le nouveau tronçon sera mis en ser-vice le 20 décembre 2013. Nous avons

également décidé : - Le prolonge-ment de la ligne B du métro vers lazone économique du Sicoval pour2018, - la mise en place d'un télé-phérique qui relie les deux côtés dela Garonne au niveau de l' Oncopôlequi sera lui aussi un élément de notretoile d'araignée et la mise en placede plusieurs BHNS (Bus à haut niveaude service). La progression du nom-bre de voyageurs depuis 2008 sur leréseau des transports en communest de près de 50 % ce qui fait de nousle 3e réseau en Province après Lilleet Lyon. Nous enregistrons à ce jourplus de 620 000 validations quoti-diennes. Les Toulousains validentnos projets et nous avons fait ladémonstration d'une gestion publiquedes transports dynamique et effi-cace. Dans la foulée, nous avonstransformé la Société d'économiemixte (SMAT) d'assistance à maî-trise d'ouvrage de Tisséo en Servicepublic local pour éviter les contraintesdes procédures longues de mises enconcurrence (code des marchéspublics) et préserver les intérêts descadres, techniciens et employés decette société. La régie est confortéeet si en 2003-2004 nous étions l'ex-ception qui confirme la règle en pas-sant en régie publique, aujourd'hui,le mouvement de retour vers unegestion publique des transports existebel et bien. • Le partage de l’espace public avecla voiture L'autre chantier que nous avons dûaffronter avec le prolongement dela ligne de Tramway plus près ducentre-ville c'est le partage de l'es-pace public avec la voiture. Et lànous avons dû passer aux travauxpratiques du débat avec les habi-tants concernés. Nous avons dû por-ter l’intérêt d'un outil de transportà la place de la voiture, plus efficaceet moins cher, nous n'avons pasencore gagné partout mais,aujourd'hui, la recherche des solu-tions alternatives à la voiture indi-viduelle est dans la tête des gensavec le service d’autopartage, lessystèmes de location de vélo, Velô-Toulouse, la marche et l'utilisationdes transports en commun.

TRANSPORT ET AGGLOMÉRATION : L'EXEMPLE DE TOULOUSE

DOSSIER COMMUNES ET ENVIRONNEMENT

La progression du nombre de voyageursdepuis 2008 sur le réseau des transports encommun est de près de 50 % ce qui fait de nousle 3e réseau en Province après Lille et Lyon.“ “

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« Tisseo l'autoritéorganisatrice detransports sur lepérimètre detransport urbainde l'agglomérationtoulousaine,l'équivalent de laRATP en régionparisienne, ou dela Tcl à Lyon »

Progressistes OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2013

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SE

À noter que la progression de la fré-quentation du réseau de transportsen commun se fait sur la base de tousles modes: métro, tram bus et le TAD(Transport à la demande). Ce débat se complète par la politiquedu stationnement en centre-ville oùnous avons continué et élargi dansle centre, et là où c'est nécessaire, lamise en place du stationnementpayant avec un tarif préférentiel pourles résidents, pour les services à lapersonne et pour le maintien à domi-cile. Là aussi, le débat est ouvert, deshabitants de certaines rues font despétitions pour nous le demander,d'autres le refusent, et à ce jour, toutle centre-ville est couvert ce qui per-met de limiter les flux de voitures quiasphyxiaient le centre-ville et nousavons inauguré le 15 juillet la pié-tonnisation de la place du Capitoleet de quelques rues autour, choseimpensable il y a 10 ans. • Les zones limitées à 30 km/h: Nousprogressons dans leur déploiementen fonction de la demande des habi-tants, contrairement à d'autres villesqui avaient fait de grandes annonceset ont organisé des référendumsgénéraux qu'elles ont perdus. • La prévention, axe très importantNous avons diminué sensiblementle nombre d'accidents. 40 % des tuésdans la Communauté urbaine le sonten deux roues motorisés. Nous avonstravaillé durant ce mandat avec la

Fédération Française des Motardssur des campagnes de prévention,et dans le cadre de la semaine de lamobilité, l'effort a porté essentielle-ment sur la prévention. Tous les ansnous coorganisons avec la police, lagendarmerie, les fédérations et asso-ciations de motards, le « Printempsdes Motards » événement festif quia réuni cette année plus de 2500 per-sonnes pour faire la fête sur un fondd'éducation à la prévention.

UN ATELIER SUR LES LIVRAISONS EN VILLEJ'ai pu aussi animer un atelier sur leslivraisons en centre-ville. Il existaitune charte de livraisons qui n'étaitrespectée par personne et j'ai pro-posé de lancer une réflexion avectous les intéressés sur ce sujet: trans-porteurs individuels, avec leurs syn-dicats, la chambre de commerce,l'Etat et les services de la ville. Nousavons fait faire un bilan des pratiquespar un bureau d'études, bilan par-tagé par les intéressés et à partir delà nous avons lancé des ateliers pourtravailler sur les différents aspectsque revêt la livraison en ville et nousavons coécrit une charte dans laquelle

toutes les parties prenaient des enga-gements. Cette charte a été conclueet votée en séance du ConseilMunicipal en juin 2012 et signéesolennellement en septembre 2012par les représentants des partici-pants. Depuis, nous nous revoyonstous les 3-4 mois pour faire le bilande la mise en œuvre et pour modi-fier ou compléter certains aspects.Lors de la première réunion, nousétions une trentaine, rapidement cechiffre a doublé et même aujourd'huipour les réunions de mise au point,nous sommes encore une cinquan-taine. Je dois dire que toutes les par-ties ont joué le jeu. Aujourd'hui laplus grosse difficulté rencontrée parles transporteurs est l'obtention devéhicules de livraisons électriqueset l'installation chez eux de bornesde recharges avec une fournitured'énergie suffisante. Devant les délaisde fabrication, nous sommes obli-gés d'accorder des dérogations pourles véhicules thermiques. Que faitnotre industrie ? n

*BERNARD MARQUIE est Maire AdjointPCF et délégué à la Communauté urbaineToulousevMétropole.

SICOVAL :Communautéd'agglomérationdu Sud-EstToulousain quiregroupait 66 933 hab. avec36 communes.

ONCOPOLE : sitede 220 hectaressitué au cœur deToulouse dédié àla lutte contre lecancer.

LE TRANSPORT À LA DEMANDE(TAD) est unservice deminibus flexiblepouvantnécessiter uneréservationpréalable (selonle trajet), adaptéà la desserte deszones rurales oude moyennedensité.

OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2013 Progressistes

40 % des tués dans la Communauté urbaine le sont en deuxroues. Nous avons travaillé durant ce mandat avec la FédérationFrançaise des Motards sur des campagnes de prévention.“

“VELÔ-TOULOUSE,est un systèmede locationautomatiquesimilaire auVélo'v lyonnaisou au Vélib'parisien.

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S’appuyant sur l’expe rience municipale de Venissieux, municipalite dirigee par un maire communiste, PIERRE-ALAIN MILLET, maire adjoint charge du developpement durable, a su faire de l’e cologie un enjeu qui fait corpsavec une gestion communiste.

L’ÉCOLOGIE DANS LA GESTION MUNICIPALE : L'EXEMPLE DE VÉNISSIEUX

PAR PIERRE-ALAIN MILLET*,

L es mots de l’écologie politiquesont désormais omniprésentsdans le quotidien à travers

l’énergie, les déchets, la consomma-tion, les déplacements… Mais lesquestions et les réponses semblentêtre en dehors des contradictionssociales, et développent à la fois un« capitalisme vert » et la dénoncia-tion de techniques pour elles-mêmes,masquant les intérêts privés qui lesutilisent, ou au mieux les confondant.Il est essentiel aux communistes decomprendre les enjeux de classe desquestions écologiques et ils ont un

riche terrain d’expérience dans leurspratiques municipales. C’est en 2008que le maire communiste André Gérin,fait du « défi écologique» un moteurdu projet de mandat de Vénissieux.La ville met en place un conseil citoyendu développement humain durable,une centaine d’habitants rédigent 107actions locales devenues un agenda21, réalisées ou engagées aujourd’hui;appropriation citoyenne des enjeuxdu réseau de chaleur et de la réduc-tion des consommations, jardins col-lectifs et évolution des pratiques dejardinage, plan de déplacements etdéveloppement des modes doux,charte des antennes relais, bio dansla cuisine centrale, défense de l’in-dustrie et actions pour la qualité del’air… Les thèmes, les échelles, les

moyens sont divers, mais ils mar-quent le lien politique entre la ville etses habitants.Nous avons appris l’importance departir des questions concrètes sansjamais masquer les contradictions etla diversité des points de vue et despriorités, et donc de construire unecritique des discours diffusés par lespolitiques publiques, notammentissus du Grenelle. Le concours «famillesà énergie positive » par exemple estconçu pour des maisons individuellesmaîtrisant leur chauffage. Comments’en servir en habitat collectif avecréseau de chaleur? Le passeport sco-laire écocitoyen réalisé avec l’éduca-tion nationale par le Grand Lyon tientun discours sur la consommation sur-réaliste pour des enfants en majoritéen situation de pauvreté… Ce quidomine la société, ce sont les inéga-lités. Comment justifier que les «béné-ficiaires » du tarif social de l’électri-cité payent les taxes des énergiesrenouvelables pour financer les pro-priétaires qui ont bénéficié de créditsd’impôts? Comment justifier que laréduction des pollutions automobiles

en ville se traduise par un péage urbain?Comment défendre les clauses d’in-sertion dans les marchés publics quandles agglomérations se vident de leurindustrie? Plus généralement, le dis-cours du « geste qui sauve la planète »,est un contresens qui ne peut ras-sembler de vraies majorités. Les citoyenssavent bien que les enjeux planétairesrelèvent de choix de société, et notam-ment de la place des multinationales!Ainsi de la gestion des déchets et dela propreté urbaine. Vénissieux a faitl’expérience d’une action de commu-nication massive sur le tri sélectif desdéchets, porte à porte géant, diffu-sion de 10000 sacs de tri… avec unrésultat très positif. Mais il a fallu dis-cuter des améliorations nécessairesdu service public, du bailleur jusqu’auxservices de collecte, et des objectifsaffichés de réduction des déchetsménagers, jusqu’où? Les écologistesdemandent «toujours moins», commesi la consommation était malsaine,oubliant que les déchets sont aussiune ressource, pour le recyclage et lavalorisation énergétique! Nous défen-dons une politique de co-responsa-bilité du citoyen, du service public,jusqu’au commerce et la grande dis-tribution, pour poser les questions

Vénissieux : 107 actions locales, réseaude chaleur et réduction des consommations,jardins collectifs et évolution des pratiques dejardinage, plan de déplacements etdéveloppement des modes doux, charte desantennes relais, bio dans la cuisine centrale,défense de l’industrie et actions pour la qualitéde l’air.

“ “

Ce qui domine la société, ce sont les inégalités. Commentjustifier que les « bénéficiaires » du tarif social de l’électricitépayent les taxes des énergies renouvelables pour financer lespropriétaires qui ont bénéficié de crédits d’impôts ?“ “

Progressistes OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2013

Pierre-Alain Millet,en visite dans le

quartier « lesgrandes terres »,surface agricoles

à quelques pasdu quartier des

minguettes.

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de comportements dans le cadre poli-tique du « vivre ensemble », de la placedes services publics pour répondreaux besoins. Les questions énergé-tiques sont sensibles dans une villequi mène une bataille politique déter-minée contre les coupures d’éner-gies, saisies, expulsions. Les abonnésau réseau de chaleur de la ville, dufait de l'efficacité du système, ont uneconsommation moindre pour unmême confort, à savoir 150kWh/m2/an(150 kilo watts heure par m2 de loge-ment et par an), soit moins que lamoyenne nationale du logement maisencore loin des objectifs de la régle-mentation (50 kWh). Mais pour y par-venir, le plan Duflot se limite à uneaide de 1 000 € par logement socialpour des travaux en général évaluésà 20000€. L’expérience des bâtiments

BBC montre souvent qu’ils n’attei-gnent pas leur objectif. Leurs habi-tants vivent à leur manière, qui n’estpas celle calculée par les concepteurs!Qui a raison ? Les « réseaux intelli-gents » organisent l’arrivée du mar-keting avec des compteurs (Linky)permettant des tarifs variables, et fontpayer l’intermittence (inhérente auxénergies renouvelables: exemple, pasde vent, pas d'électricité) aux usagersen organisant « l’effacement », en faitles délestages nécessaires. Les pau-vres devront accepter des contratsavec coupure à la demande du four-nisseur ! Faut-il contraindre les habi-tants à réduire leurs besoins ou faut-il poser autrement la question del’énergie ? Pour promouvoir la maî-trise citoyenne des consommationscontre le double discours de l’éner-gie chère et de la précarité énergé-tique, nous affirmons le droit à uneénergie propre, dé-carbonée, efficaceet accessible. Contre la territorialisa-tion des réseaux, exigeons un servicepublic national qui investisse sur ladomotique pour « consommer intel-ligemment ». L’enjeu de l’électricitén’est pas seulement de consommermoins, mais d’éviter les pointes, doncanticiper une consommation (ce quepermet le chauffage électrique !), lareporter (faire démarrer un équipe-ment la nuit…), en assurant la réponseà un besoin maîtrisé collectivement.L’expérience de la charte sur lesantennes relais et du dialogue citoyenest tout autant illustrative des contra-dictions entre le besoin qui se géné-ralise de communications mobiles etles inquiétudes elles aussi répandues.Nous cherchons à rendre le plus trans-parent possible les décisions et les

niveaux d’expositions annoncés etmesurés. Les opérateurs en tiennentcompte et certains projets sont dépla-cés ou modifiés. Les habitants consta-tent que les niveaux d’exposition res-tent très bas et s’approprient deséquipements dont ils sont les pre-miers utilisateurs. Mobiliser les citoyenssuppose ainsi d’éclairer des questionsqui sont souvent présentées commetechniques, à travers les « risques » etle principe de précaution. Mais lerisque enferme le débat dans desbatailles d’experts, qui croire? Or der-

rière un choix technique, il y a tou-jours des choix politiques, écono-miques, des intérêts en jeu. Les citoyens,mobilisés et organisés, sont compé-tents pour décider de leurs besoins,de la légitimité et de la priorité de telou tel usage. L’effort nécessaire d’édu-cation populaire n’est pas fait pourarbitrer entre experts, mais pourconstruire des choix politiques par-tagés, en partant toujours des besoins,de l’intérêt général, de l’affirmationdes droits.

Pour libérer l’homme de ce capitaldont Marx montre qu’il épuise le tra-vail et la terre, il faut se libérer d’uneécologie politique conservatrice, outildu renouvellement « vert » du capi-talisme, pour s'approprier l'écologiecomme science du XXIème siècle,indispensable à l’appropriation socialedes systèmes de production et de dis-tribution. n

*PIERRE-ALAIN MILLET est adjoint aumaire de Vénissieux.

http://pam.venissieux.org

http://pam.venissieux.org/le-droit-a-l-energie-un-debat

Les pauvres devront accepter descontrats avec coupure à la demande dufournisseur ! Faut-il contraindre les habitantsà réduire leurs besoins ou faut-il poserautrement la question de l’énergie ?“ “

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Affiche pour une réunion du Conseilcitoyen du développement durable :bilan sur les ruches urbaines et sur lesantennes relais

Ruches urbaines (ci-contre)

Récolte de miel à Venissieux. (ci dessous)http://www.grandesterres.fr

Votre revue est égalementtéléchargeable gratuitementsur www.progressistes.pcf.fr

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DOSSIER20 COMMUNES ET ENVIRONNEMENT

traité. Oui, le développement humain(social, culturel…), c'est la conditiond'une prise en compte par le plus grandnombre des problématiques environ-nementales.Les fameux «grands projets» sont sou-vent des projets d'aménagement duterritoire d’ampleur (aéroport, ligneTGV, autoroute…). Sont-ils inutiles?Derrière cette inutilité affirmée par les« défenseurs de l’environnement » secachent plusieurs raisons au refus, cer-taines avouables, d’autres moins…Certains refusent les projets par inté-rêt individuel de propriétaires (on neveut pas avoir de nuisances à côté dechez soi). Ce qui doit être entendu etpeut être résolu. D’autres parce qu’ily a des impacts environnementauxnégatifs. Mais là encore cela peut êtrerésolu. D’autres parce qu’ils jugentque le projet en lui-même est inutile.Prenons ces arguments un par un pouressayer de mettre en place une démarcheprogressiste soucieuse de l’environ-nement face à des projets d’aména-gement du territoire:1) Vérifier l’utilité sociale, l’intérêt col-lectif d’un projet, en faisant abstrac-tion, dans un premier temps des impactsenvironnementaux. Tel projet corres-pond-il exclusivement à l’intérêt finan-cier des grands groupes du BTP ou àune réelle amélioration du quotidiendes gens? Mais une fois cela fait…2) Se battre pour le bien-être humain.Par exemple, exiger des protectionscontre les nuisances environnemen-tales. L’expérience des militants esttruffée d’exemples où il est possibled’obtenir une réduction des nuisancespour le plus grand nombre (murs antibruits, chaussées couvertes, interdic-tion des vols de nuits…). Cela répondà la défense des intérêts individuels etest très rassembleur.Et indissociablement, 3) Travailler à la minimisation desimpacts environnementaux au senslarge. La loi y oblige à travers des mesurescompensatoires, et la science le per-met avec l’écologie de la restauration.Qu’il me soit permis de développer ici

sur cet aspect peu connu à travers monexpérience professionnelle. Lors de laconstruction de l’autoroute A87, desdizaines de zones humides ont étésupprimées dans lesquels vivaient desespèces protégées. Il était donc pos-sible de mettre en échec ce projet auto-routier, ou, à tout le moins, demanderdes modifications de tracé. J’ai tra-vaillé, avec mon laboratoire de l’époque,à proposer des mesures compensa-toires c’est-à-dire des recréations dezones humides pour compenser cellesqui étaient détruites. La grande majo-rité des espèces que nous surveillionssont revenues sur ces nouvelles zoneshumides, de nouvelles se sont instal-lées. Foin de scientisme, je ne dis pasque tout fonctionne à merveille danstous les cas, mais cette expérience,parmi d’autres, montre qu’il est pos-sible de travailler à des mesures com-pensatoires de qualité qui réduisentou annulent les impacts environne-mentaux. On doit travailler à leur appli-cation, avec les compétences desbureaux d’études en environnementet des chercheurs en écologie de la res-tauration.En conclusion, si les grands projetssont réellement inutiles… Point besoinde les défendre. S’ils sont utiles (et àc’est sans doute le cas de la plupartd’entre eux), rien n'empêche qu’ilssoient conçus dans une logique dedéveloppement durable. Il faut sim-plement créer les rapports de forcepour que les citoyens et les écosys-tèmes soient respectés dans les pro-jets (réduction des nuisances, mesurede restauration d’écosystèmes). Il n'ya rien de fondamentalement et irré-médiablement incompatible entreprojet de développement humain etrespect de l'environnement. n

*ALAIN PAGANO est Maître de confé-rences en écologie et membre du conseilnational du PCF.

1: Pour un développement plus long voir unarticle sur ce sujet ici :http://www.gabrielperi.fr/L-Homme-n-est-pas-contre-Nature

PAR ALAIN PAGANO*,

Avec la bataille contre l'installa-tion d'un aéroport à Notre Damedes Landes, l'idée de « grands

projets inutiles » a fait surface et s'estpopularisée dans l'opinion publique,nombre de personnes croyant défen-dre des problématiques environne-mentales avec ce concept. Grattonsun peu le vernis de « l'écologiquementcorrect » pour regarder sa compatibi-lité avec le développement durable.

Dans un premier temps, avant les pro-blématiques environnementales elles-mêmes, il faut bien voir qu'un desarguments majeurs pour décréter l'inu-tilité des grands projets est un argu-ment économique. On nous assèneque l'heure n'est plus aux grands pro-jets dispendieux à l'heure de politiquesd'austérité sans précédent. Autrementdit, c'est une manière de valider l'aus-térité et de renoncer à des projets dedéveloppement humain! Drôle d'ar-gument quand il est porté par des gensqui se veulent de gauche… Je contestecette idée simpliste, me battant pourune alternative à l'austérité, pour ledéveloppement humain, l'humaind'abord!

J'y ajoute que, du point de vue du scien-tifique que je suis, l'Homme fait par-tie de la « Nature », est une des com-posantes des écosystèmes(1). C'est ladéfinition des biologistes, des éco-logues dont je fais partie. Cela impliqueque, au lieu d'avoir une vision dog-matique de l'écologie où Homme etNature sont incompatibles et oppo-sés, on doit, au contraire, considérerqu'il ne peut y avoir de respect desécosystèmes quand l'homme est mal-

LORSQUE DE GRANDSPROJETS « INUTILES»S'INVITENT SUR UNECOMMUNE

Au lieu d'avoir une vision dogmatique de l'écologie où Homme et Nature sontincompatibles et opposés, on doit, au contraire,considérer qu'il ne peut y avoir de respect desécosystèmes quand l'homme est maltraité.“ “

ALAIN PAGANO, e cologue scientifique de me tier, a travaillésur le rapport entre de veloppement durable et e cologique etgrands projets d’amenagement du territoire. Ainsi a traversle projet d'autoroute A87 et de son impact environnemental,il est possible de rendre de grands projets compatibles avecune ecologie responsable.

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Les zoneshumides abritentdes écosystèmescomplexes qu'ilconvient depréserver.

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diate, subirait une propagation rapidede l'onde de submersion comprenantde « lourds effets mécaniques », « desdommages et des hauteurs d'eau impor-tants », une remontée des eaux endirection de Chambéry et une fin dezone d'inondation comprenant Valence,soit 130km en aval des barrages et plusde 100 km en aval de Grenoble.Certes, le plan préfectoral soulignel'importance des délais avant-cou-reurs d'une telle catastrophe. Il pré-cise cependant que l'alerte est de laresponsabilité directe de l'exploitant.Dans le cadre d'une ouverture à laconcurrence, des groupes privés telsque Direct Énergie, E-ON, Alpiq, ENELou Vattenfall, pourraient venir rem-placer les opérateurs traditionnels,principalement EDF et GDF. Attiréspar les faibles investissements à réa-liser sur des ouvrages rentabilisésdepuis très longtemps ainsi que laperspective alléchante d'une forte aug-mentation des tarifs, ces groupes aurontpour premier intérêt de satisfaire lesmarges et donc les dividendes de leursactionnaires.Quel contrôle public, quelle garantiede gestion des concessionnaires, etsurtout, quelle garantie concernant lepersonnel de maintenance et d’entre-

PAR JÉRÔME MARCUCCINI*,

Logée au cœur de la région Rhône-Alpes qui est la première productriced'électricité en France, Grenoble seplace sur le nœud hydroélectrique dubassin de l'Isère et de ses affluents.Cette situation a permis le dévelop-pement d'une recherche de pointe,grâce à une capacité de mise à dispo-sition quasi instantanée d'une puis-sance de 50 millions de watts/heure(50 Mwh): accélérateur de particules,expériences sur le magnétisme oudéveloppement de la miniaturisationatomique, sont notamment aujourd'huien place.Toutefois, le fait que cette énergie soit100 % propre ne doit pas cacher lesrisques, même minimes, liés à sonexploitation. Parmis les sept barragesclassés au PPI – Plan Particulierd'Intervention – de la Préfecture del'Isère, cinq concernent directementl'agglomération de Grenoble et ses405000 habitant-e-s. De fait, l'ouver-ture prochaine à la concurrence sou-lève de sérieuses inquiétudes, princi-palement dans le prolongement de lavallée du Drac où des opérateurs pri-vés se verraient confier l'exploitationdes barrages de Notre Dame deCommiers et du Monteynard.

LE RISQUE DE LA PRIVATISATIONLe PPI prévoit concernant ces deuxsites, en cas de rupture, le déferlementd'une onde de front en 30 à 45 minutesavec des hauteurs d'eau estimées entre10 et 12 mètres, donc une nécessitéd'évacuer les habitant-e-s sur les hau-teurs et, dans les immeubles, au-des-sus du 5e étage. Dans un tel scénario,le sud de l’agglomération comprenantla ville d’Échirolles (36000 habitants),classé en zone de proximité immé-

tien pouvons-nous attendre de groupesqui considèrent l'humain comme unevariable d'ajustement de leurs taux deprofit?Dans ce débat – comme dans celui dela production nucléaire – la questionde la gestion démocratique des risquesdemeure au cœur des préoccupations.Nous ne pouvons nous en remettre àde prétendues garanties contractuelles,pas plus que nous ne pouvons deman-der à nos concitoyen-ne-s de se pro-noncer « pour » ou « contre » le main-tien ou l'implantation de tellesinstallations, sans débattre des condi-tions d'exploitation et de la transpa-rence quant à leur mise en œuvre.De fait, la question de l'interventionde la puissance publique dans le déve-loppement et la gestion des sites deproduction énergétique, du contrôleopéré par les élu-e-s et les collectivi-tés sur les installations comme sur lesopérateurs est seule à même de garan-tir le cadre de cette ambition. Dans leprolongement, le service public s'im-pose dès lors comme le modèle d'ex-ploitation démocratique le plus cohé-rent, à condition d'être exempt de touteredevance envers les marchés finan-ciers donc, de centrer ses missions surl'intérêt public et, nécessairement, surl'intérêt collectif.Dans un pays où la demande d'éner-gie est croissante, au cœur d'un mondeen développement, la nécessité d'in-vestissements productifs est constante.Toutefois, il est illusoire de penser quesous la dictée de la commission euro-péenne et du dogme de la réductiondes déficits imposé par Giscard dès1973, la collectivité pourrait s'en remet-tre seule à l'investissement privé. Celui-ci rime nécessairement avec produc-tion de dividendes et margesbénéficiaires. La facture en revientalors aux usagers, sur le plan financiercomme sur le plan humain. Nous pou-vons inverser ces logiques. n

*JÉRÔME MARCUCCINI est secrétairefédéral du PCF de l'Isère, maire adjoint de lacommune de Voiron, délégué aux déplace-ments, stationnement et qualité de l’air.

RISQUES ET SÛRETÉS INDUSTRIELS : LES COLLECTIVITÉS DIRECTEMENT CONCERNÉESSi les risques autour du nucléaire civil et des sites classés Seveso sont bienconnus et médiatisés, il existe également des risques autour d'autres instal-lations comme les barrages hydrauliques. Les Plans Particuliers d'Inter -vention (PPI) ont pour but d'en limiter les conséquences, à condition que lescitoyens s'approprient les enjeux et prennent conscience des dangers de laprivatisation de sites sensibles. Ici l'exemple de l'agglomération de Grenobleet de ses barrages.

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Barrage deMonteynard(Isère, France)

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LE TRAM-TRAIN SOLUTION D’AVENIR

E n province, le tram-train peutjouer un rôle majeur là où ontété abandonnées les lignes de

chemin de fer régionales comme dansles Landes ou en Gironde. C’est le casdu « petit train » qui faisait le tour dubassin d’Arcachon de Facture-Biganosà Lège et remontait sur Lacanau. Untram-train, qui peut rouler à la foisen site propre et sur les rails de RFFpermettrait des économies substan-tielles en carburant, et en gaz à effetde serre. Cela faciliterait la vie des trèsnombreux résidents qui travaillentsur l’agglomération bordelaise. Plusgénéralement, un tram-train fret per-met d’acheminer les marchandisesau cœur des villes en utilisant les voiesdu tram-train passagers à des heurescreuses.

La loi SRU (art. 97) rend obligatoireune étude d’impact pour les implan-tations de grandes surfaces commer-ciales sur les flux de voitures particu-lières et les véhicules de livraison, laqualité de la desserte en transports,la capacité d’accueil pour le charge-ment et le déchargement des mar-chandises.

Des dispositions réglementaires etdes actions simples doivent être consi-dérées, comme la réglementation desgabarits, conditionner les livraisonsde nuit, dimensionner et gérer cor-rectement les espaces de livraison.Chauffeur-livreur, un vrai métier: unedes conditions est de considérer lemétier de chauffeur livreur commeune profession à part entière, néces-sitant la redéfinition du métier dansles conventions collectives, et de met-tre en place massivement des forma-tions de chauffeur-livreur correspon-dantes, en commençant par uneformation continue pour tous ceuxdéjà en fonction.n

Un jeune cèdre du Liban a été symboliquement planté le2 octobre au parc Saint Martin de Limeil-Brévannes pourfêter le lancement des travaux de la Tégéval anagrammede végétal, coulée verte destinée aux piétons, joggeurs,cyclistes, rollers, poussettes et encore fauteuils roulants,qui reliera Créteil à Santeny sur les emprises des délais-sés du TGV, réalisation à l’initiative du Conseil Généraldu Val de Marne, destinée aussi à assurer la liaison avecla coulée verte de Seine-et-Marne.Au programme : 20 km de cheminement arboré qui tra-versera tous les espaces verts du périmètre depuis la basede loisirs de Créteil, le parc départemental, la Plage bleuejusqu’à la forêt Notre-Dame. Destiné aux loisirs, le che-min devrait aussi s’inscrire dans le parcours quotidienjusqu’aux transports en commun avec plusieurs stations.Le projet est conçu en liaison aussi avec le projet Téléval

de téléphérique urbain. La réalisation, en cours, de cettecoulée verte végétale, est due à l’initiative du maire com-muniste de Villeneuve-Saint-Georges, Sylvie Altmann quien préside aujourd’hui le syndicat Mixte d’Etudes et deRéalisation (SMER), et est financée à 40 % par le Conseilgénéral du Val de Marne et à 60 % par le Conseil Régionald’Île de France.Les travaux concernant la passerelle au-dessus de la N406devaient commencer en septembre 2013, or l’État (quidoit donner son autorisation puisqu’il s’agit d’une natio-nale) a demandé une étude complémentaire liée à l’in-frastructure de la passerelle. Cela a retardé le commen-cement des travaux dont on peut tout de même espérerqu’ils démarrent en 2014 et se terminent dans quinze ans,certaines parties étant bien sûr accessibles avant.

LE VÉGÉTAL TÉGÉVAL DU VAL DE MARNE

L’ALLIER SOUTIENT L'AGRICULTURE DE PROXIMITÉ

L e Conseil général de l’Allier à majorité communiste s’estengagé depuis 2008 dans une démarche de développementet de restructuration de l’agriculture locale, qui se fonde,

notamment, sur une politique encou-rageant l’approvisionnement de la res-tauration collective en produits locaux.La charte « Produits d’Allier », créée parle Département, compte désormais denombreux signataires. Le président Jean-Paul DUFREGNE et les vice-présidents

veulent aujourd’hui aller plus loin, afin de faciliter et multiplierl’introduction de produits locaux dans les menus proposés en res-tauration collective et ainsi soutenir activement les producteurslocaux. Pour cela, le Conseil général de l’Allier va adhérer à l’asso-ciation nationale Agrilocal, une initiative originale lancée par ledépartement de la Drôme, qui s’inscrit dans la droite lignée de cettepolitique. 23 collèges du département, les communes de Beaulonet Prémilhat, le restaurant inter-administratif de Moulins Yzeure,ainsi que l’Institut de formations interprofessionnelles (IFI 03),l’entreprise Saveur et Tradition Bocage et un foyer de jeunes tra-vailleurs ont signé la Charte Produits d’Allier. Cet outil, créé par leConseil général de la Drôme, a été développé avec l’aide du Conseilgénéral du Puy-de-Dôme en octobre 2012. Aujourd’hui, 15 Départementsont manifesté leur intérêt pour cette idée originale.Une association nationale est sur le point de voir le jour, avec pourobjectif d’assurer la promotion des circuits agricoles de proximité,le développement de l’agriculture et le renforcement de l’écono-mie locale, notamment via la restauration collective.Cette décision constitue un véritable espoir et exemple d’organi-sation vertueuse à l’échelle d’un territoire, bénéficiant à l’ensem-ble des partenaires.n

PETIT TOUR DE FRANCE ET D'EUROPE DES « POSSIBLES »De nombreuses réalisations et expérience pionnières pourraient être de bons points d'appui en vue d'unegénéralisation sur tout le territoire. Avec plusieurs statuts : réussites confirmées, expérimentation, et parfoisaussi des pistes non concluantes. Petit tour d'horizon de quelques communes et de leurs efforts pour contri-buer à la préservation de notre environnement.

Un exemple de Tram-train : celui de l’agglomérationnantaise.

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SE CHAUFFER GRÂCE À NOS EAUX USÉES

U tiliser les calories des eaux usées pour alimenter un sys-tème de chauffage, couplé à une pompe à chaleur, (cf.texte : Nom de code P-A-C, ci-contre) est un procédé qui

a de l’avenir. La technique est désormais mise en œuvre pour chauf-fer 15 000 m2 d’une compostière de boues d’eaux usées dans lequartier nord de Toulouse, Ginestous. Cette innovation a été tes-tée depuis 2 ans à Cagnes sur mer. Cette technique permettra d’éco-nomiser environ 65 000 kW/h sur une année soit environ 34 tonnesd’équivalent pétrole (TEP) et aura évité le rejet de 34 tonnes enmoins de rejets de CO2 dans l’atmosphère. Plus généralement, l’uti-lisation de la chaleur des unités d’évacuation des eaux usées et deseffluents des agglomérations sont des sources potentielles de cha-leur qu’il va falloir utiliser dans les années à venir, ainsi que la métha-nisation des dits effluents, technique qui est au point depuis desdécennies, mais malheureusement peu mise en œuvre. À ces gise-ments de calories sous nos pieds, il convient d’ajouter aussi lessources d’eau chaude qu’on peut trouver en profondeur ou plusprosaïquement dans les régions volcaniques. La ville de Gennevilliersdans la banlieue parisienne a mis en place un réseau de chaleuréconome en consommation d’énergie qui est basé sur la cogéné-ration. Une expérimentation aussi est en cours sur une technique nou-velle, la pyrogazéification, qui serait susceptible de fournir du chauf-fage pour les villes d’Evry et de Courcouronnes.n

ACHÈRES, LA FUTURE PLATE-FORME PORTUAIRE, PORTE D'ENTRÉE DE PARIS

L a future plate-forme multimodale (route-eau-fer) d'Achères,très bien située à la confluence de la Seine et de l'Oise, devraitpermettre un triplement du transport fluvial de marchandises

importées du Havre et la création de 3 000 emplois dans les entrepôtsassociés. 13 % de l'approvisionnement de l'Ile de France est déjàréalisé par voie d'eau. Ce sera une plate-forme de près de 400 ha,pour répondre aux objectifs du Grenelle de l'environnement, quifixe à 25 % l'augmentationà réaliser des modes de trans-ports autres que la route.Une consultation publiqueest actuellement en cours.Avec la montée en puissancedes trafics sur l'Axe Seineet l'ouverture du canal Seine-Nord en 2017, Ports de Paris,établissement public por-teur du projet, prévoit ledoublement de la capacitéfluviale, en incluant les outilslogistiques nécessaires. Ce sera une porte d'accès vers le denseréseau des canaux du Nord.Doit-on cependant ne considérer que les fonctions d'approvision-nement urbain du bassin francilien avec ses onze millions et demid'habitants?La question du rôle des terminaux intérieurs franciliens doit êtreposée en coopération avec les différentes parties prenantes, acteurséconomiques et institutionnels, pour éviter les concurrences inef-ficaces et optimiser les opérations d'aménagement et les filièresd'écologie industrielle à organiser : recyclage des voitures, desdéchets, etc.n

NOM DE CODE: P-A-C

Non, ce n’est pas ce que vous croyez ni même la PolitiqueAgricole Commune, mais bien la Pompe à Chaleur. Les PACsaquathermiques sont susceptibles de délivrer des puis-

sances thermiques bien plus importantes (environ 4 fois plus) queles systèmes classiques pour le chauffage urbain. La productiond’énergie est démultipliée, ainsi avec 100 kWh d’électricité consom-mée, on fournit 400 kWh de chaleur. Ce type de PAC produit fortpeu de gaz à effet de serre ou de gaz toxique. Leurs avantages sontvariés, de l’indépendance énergétique au faible coût d’exploita-tion. Leur utilisation va du local individuel, pavillon avec jardin, àl’immeuble en ville. Mais les installations ne sont pas les mêmescar il y a deux grands types de PACs aquathermiques. Celle qui vapomper la chaleur dans la nappe profonde. Le plus souvent, ellepompe de l’eau dans la nappe phréatique, la relève, prélève descalories grâce à la pompe à chaleur proprement dite et rejette l’eauainsi refroidie dans la nappe, sans lui avoir fait subir aucun traite-ment ni ajouts de quelque adjuvant que ce soit. L’autre type estl’aquathermie horizontale, on devrait sans doute là parler de géo-thermie plutôt. Mais là il faut disposer d’une surface assez impor-tante de terrain dénué d’arbres et de construction. Pour ce qui estde l’habitat collectif, l’utilisation de PACs aquathermiques passesans doute par la chaleur contenue dans les eaux usées (cf. texteci-contre : Se chauffer grâce à nos eaux usées).n

DES JARDINS SUR LES TOITS

I l y a bien des ruches sur le toit de l’Opéra Garnier à Paris, il vay avoir des jardins sur les toits de quelques immeubles où lesabeilles pourront butiner. En effet, le 4 avril 2013 a été inau-

guré à Paris, la plus grande terrasse végétalisée sur un toit à Paris,7 000 m2, au sommet du centre Beaugrenelle dans le 15e arrondis-sement. Il s’agit là, non seulement d’une première à Paris – alorsqu’un million de m2 de toiture est végétalisé en France –, mais sur-tout d’une tentative d’obtenir une régulation climatique, isolationcontre le froid en hiver, et climatisation en été, tout en promou-vant la biodiversité. Un autre avantage non négligeable de cettetechnique, c’est l’isolation sonore qu’elle confère, aussi bien auxbruits venant de l’extérieur qu’à ceux générés par l’activité du cen-tre commercial. À noter aussi sa capacité à retenir l’eau de pluie,jusqu’à 90 %, ce qui évite l’engorgement et qui double en moyennela durée de vie et de l’étanchéité des toitures. Pour attirer les oiseauxde différentes espèces, mésanges, rouges-queues et autres pinsons,les « piafs » de Paris : des nichoirs seront déposés sur la terrasse.Toutefois la démarche est loin d’être évidente, les études ne sontpas toujours fiables ou adaptées selon le Centre scientifique et tech-nique du bâtiment (CSTB).n

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DOSSIER COMMUNES ET ENVIRONNEMENT24

Progressistes OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2013

TRANSPORT GRATUIT : L'EXPÉRIENCE RÉUSSIE D’AUBAGNE

Mai 2009: la gratuité des transportsest mise en place à l'échelle del'agglomération, soit 105 000

habitants. Un signe fort de politique dedéplacement avec un réseau perfor -mant complété par les modes doux: prêtde vélos gratuit, et projet de deux réseauxde transport en site propre, dont le futurtramway d'Aubagne, gratuit aussi.Le financement : gratuité totale pour lesutilisateurs du réseau, sans carte. Comment?Avec le « versement transport » des entre-prises. Au-dessus de 10 000 habitants, lescollectivités perçoivent une contributiondes entreprises de plus de 9 salariés, fonc-tion de la masse salariale : 0,6 % pour lescollectivités de moins de 100 000 habitants,1,05 % jusqu'à 400 000, 1,8 % au-delà. Si leréseau compte des transports en site pro-pre, comme le tramway ou le métro, le tauxde 1,8 % s'applique. Ainsi pour notre agglo-mération: 8,6 millions d'euros. Des sala-riés bien transportés, à l'heure, des zonesd'activité bien desservies avec moins devéhicules, c'est bénéfique pour tous.La valeur d'usage se substitue à la valeurmarchande et se traduit par un bénéfice

très concret en termes d'évaluation moné-taire. Moins de trajets en voiture : usuremoins rapide des chaussées, moins deplaces de stationnement à construire, moinsde CO2. Plus de déplacements : plus degens au cinéma, dans les commerces, pasde centre-ville réservé à quelques-uns, pasde communes inaccessibles. On désen-clave les cités. Chacun va où il veut, libre.Nous trouvons normal et bénéfique querues et écoles soient d'accès gratuit. Pourquoipas les transports? C'est une novation duservice public, non pas en régie, mais avecun délégataire, « Transdev », que nous obli-geons à faire de la gratuité. Nous introdui-sons de la maîtrise publique dans une délé-gation de service public. Une rupture avecles politiques libérales et la marchandisa-tion comme horizon indépassable.

DES RÉSULTATS TRÈS POSITIFSEn un an, 100 % de progression de fréquen-tation, 174 % aujourd'hui, ce qui permetune baisse du coût de l'investissementpublic : de 3,93 € à 2,04 € par voyage. Avecle même investissement, on transportedeux fois plus de passagers, ce qui illustre

de nouveaux critères possibles de gestionde l'argent public. Une enquête montreun report modal de 35 %, soit plus de 5 000voyages en voiture ou moto évités par jour.Le matériel est respecté et plus de mondeen bus, c'est plus de sécurité. C'est du pou-voir d'achat, 600 à 700 euros par an pourune famille de 4 personnes et l'économiede la deuxième voiture pour de nombreuxfoyers, soit 5 200 euros. Elle évite le contrôle,qui pointe la hiérarchie des positionssociales. Elle n'est pas une gratuité d'ac-compagnement pour les plus pauvres, elleest la gratuité de l'émancipation. Des villeseuropéennes y réfléchissent.Étendre partout cette expérience ? C'estune avancée locale sur un champ limité,un petit pas vers l' « émancipation ». n

Inspiré d'un article de La Revue du projet,n°29, septembre 2013, dossier « Commu -nisme municipal », Transports en commun:Liberté, égalité, gratuité - auteur : DanielFontaine, maire (PCF) d'Aubagne, vice-président du conseil général des Bouches-du-Rhône.

Un des problèmes auquel estconfrontée la ville, c’est celuidu transport et de la livraisondes marchandises en ville etde la collecte. Cette activité,nécessaire bien sûr, peut vitedevenir problématique dupoint de vue de la gestion del’espace urbain d’une part,de la pollution tant sonoreque chimique d’autre part.

Comment réduire les nuisanceset aider le développement éco-nomique, comment préserver

l’équilibre économique des différentsespaces : centre-ville, zones d’activitéet périphérie. Pour une ville commeBordeaux, 51 % des marchandises ache-minées dans la ville le sont par lesménages qui émettent ainsi 11 % desémissions de CO2. Les livraisons sontfaites avec de petits véhicules dans unespace très diversifié de magasins.

Différentes réponses ont été appor-tées dans le monde à ce type de pro-blème. Outre l’électrification desvéhicules de collecte, de transportet de livraison, repenser l’espace etle temps joue un rôle non négligea-ble. Réseaux à aspiration pour la col-lecte des déchets dans 400 villes, sys-tème à aspiration aussi pour lestransports de fonds des points decollecte aux banques, groupementde stockage pour les magasins avec

groupement de livraisons, standar-disation des conteneurs, et gestiondes horaires de livraison (10-12h) etd’enlèvement (17h). En termes degestion de l’espace, la ville deLa Rochelle a instauré un Centre deDistribution Urbain (CDU) qui sertde relais pour la distribution des mar-chandises en centre-ville à l’aide devéhicules électriques, ce qui permetde rationaliser le nombre de véhi-cules de livraison en circulation.n

TRANSPORTER, LIVRER, COLLECTER PROPREMENT

Les fameux«dernierskilomètres » delivraison... unproblème difficileà résoudre.

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OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2013 Progressistes

Prochain dossier janvier, février, mars : LES TRANSPORTS

L’avantage comparativement au tram-way, c'est qu'il n'y a pas de chan-tier lourd lié à la nécessaire pose de

rails, et la voie peut être utilisée par lesautres usagers de la route, et ce, tout enconservant les avantages de la mobilitéélectrique. Donc beaucoup plus facile àmettre en place, pas de rejets polluants etplus silencieux que les bus à moteurs ther-miques. Certaines villes ont gardé leur trol-ley et les ont même modernisés : Lyon estune ville emblématique dans ce domaine,avec pas moins de 7 lignes mais citons éga-lement des projets d'extension et de créa-tion de lignes nouvelles avec la ville deValenciennes (30 km), Nancy (12 km),Lorient (11 km) et Saint-Etienne (11 km)…et l’Europe n'est pas en reste : Gene ve(6 lignes), Lausanne, Zurich, Rome, Berlin,Genes, Parme, Milan, Athe nes, Solingen,

Eberswalde, Salzburg, Innsbruck... et dansle monde, plus de 10 000 trolleybus sonten circulation, et près de 348 villes exploi-tent des trolleybus.Néanmoins, comme toutes solutions tech-niques, il y a aussi des inconvénients: l'usagede caténaire fait que le trolley est moins flexi-ble concernant la gestion du trafic: difficilede dévier les bus pour un itinéraire bis en casde congestion sur une partie du trajet ou detravaux sur la voirie, à moins de disposer detrolley avec moteur thermique en parallèle.Il serait utile d'ailleurs, en se servant du retourd'expérience des nombreuses villes citéesavec ce type de transport, de lancer des étudesincluant la faisabilité technique notammentpour la gestion de l'exploitation, l'aspect éco-nomique et le gain environnemental.

ÉVOLUTION TECHNOLOGIQUENéanmoins, le trolley connaît aussi sa pro-pre évolution technologique: il est sur le pointde se passer de caténaire, grâce au procédéde recharge rapide. Le principe : le bus serecharge en 15 secondes sur des bornes fixéesaux arrêts de bus, ce qui ne perturbe pas apriori le temps de trajet. À Genève, un busde ce type en démonstration a été lancé (pro-jet «Tosa») et les données sont récoltées afind’ajuster le dispositif et valider l'expérience.Autre mode de transport : le bus hybride. Ces bus disposent de deux sources d'éner-

gie: carburant diesel et électricité. Le princi-pal avantage de cette technologie est la réduc-tion de la consommation de carburant caron peut récupérer l’énergie du freinage et laréutiliser, comme pour les voitures hybrides.En plein développement dans le réseau dela RATP notamment mais aussi à Dijon et àBordeaux.Ce type de transport va dans le sens de larelocalisation de la production que nousappelons de nos vœux dans le programmedu Front de gauche, puisque le combustibleutilisé, l'électricité, est produit en France, cequi allège donc la facture pétrolière et le défi-cit commercial de notre pays (60 milliardsd'importations de pétrole et gaz). D’autrepart, cela permet de consacrer ces milliardsà la création d'emplois en France plutôt qued'alimenter les caisses des rentiers du pétroleet du gaz. Bon pour l'emploi, la balance com-merciale et l'environnement. n

LES TROLLEY-BUS ET BUS HYBRIDES: VERS LA MOBILITÉ ÉLECTRIQUEC’est une histoire qui se répète. À l’image du tramway délaissé et déman-telé partout en France au lendemain de la guerre, au profit des bus àpétrole, combustible bon marché (à l'époque !), les trolleys, sorte de busélectriques équipés de caténaire s'alimentant en électricité grâce à des filssuspendus, reviennent en force et semblent connaître le même scénario.

NOUVEAUX PHÉNOMÈNES URBAINS: LES JARDINS PARTAGÉS

Bus du projet « Tosa » à l'arrêt le temps de larecharge (système sans caténaire). Genève

Borne de recharge

Le Trolley Lyonnais

Certains habitants, regroupés pour desinitiatives « citoyen nes », souhaitentinvestir des espaces publics, de dif-

férentes façons: jardins dans des écoles, dansdes centres sociaux, friches provisoires ouréalisations de projets inspirés de l'écologieurbaine et du développement durable.La commune doit alors harmoniser les inter-ventions, dans l'espace et dans le temps,puisque le jardin reste une propriété publique

et que sa gestion peut nécessiter un accom-pagnement, des actions de responsabilisa-tions, ou une assistance des services muni-cipaux. L'idée est de préserver tout à la foisl'intérêt général et l'investissement de citoyensdésireux de participer à la vie de leur ville.Il est d'usage d'y voir un outil de démocra-tie participative.Une charte peut définir les modalités d'usagedu jardin, souvent avec une association por-

teuse du projet : temps et horaires d'ouver-ture, affichage des réunions ou événements,définition de règles de fonctionnement etrespect de principes écologiques et de laconformité des usages du lieu et enfin garan-tir la sécurité et même l’assurabilité des lieux.Ces jardins fleurissent dans de nombreusescommunes et peuvent être le lieu d'échangeset de rencontres. n

Pages 22 à 25 réalisées par : SAMIRA ERKAOUI, IVAN LAVALLÉE, ANNE RIVIÈRE

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BRÈVES26

» 24 % DES JEUNES EN APPRENTISSAGE OU EN STAGESUREXPOSÉS AUX PRODUITSCANCÉROGÈNESChiffre choc de l’enquête Sumer (surveillancemédicale des expositions aux risquesprofessionnels) et ce sont les ouvriers quipaient le plus lourd tribut, avec plus de deuxtiers des exposés alors qu’ils ne représententque 29 % de l’effectif salarié, et parmi eux,les apprentis sont encore plus touchés. Ainsi,les « apprentis et stagiaires » (qui sont à90 % des jeunes de moins de vingt-cinq ans),sont exposés à 24 % aux produitscancérogènes, mutagènes et reprotoxiques(CMR) sur leur lieu de travail. Dans un secteurcomme la « mécanique, travail des métaux »,le chiffre s'élève à 70 % aux CMR, contre35 % pour l’ensemble des ouvriers dusecteur. Les jeunes semblent effectuer un typede tâches plus exposant, ou moins protégé :« Les activités confiées aux apprentis ou auxnouveaux embauchés, comme le nettoyagedes zones empoussiérées ou le dégraissagede pièces, sont souvent à risque », pointel’étude.« Le problème, c’est que plus personne ne vaen entreprise pour regarder les conditions detravail des jeunes », déplore Didier Senseby,enseignant en centre de formation d’apprentiset secrétaire général du SNCA-CGT. « Autrefois,il existait un système d’agrément desentreprises avec des commissions composéesd’artisans, de représentants de l’éducationnationale et de l’inspection de l’apprentissage,mais il a été supprimé il y a vingt-cinq ans.L’inspection de l’apprentissage existe toujours,mais son rôle a évolué, elle ne se déplace plussur le terrain. »

(Infos tirées du journal l'Humanité)

» ACCORD ENTRE GDF ETGAZPROM POUR PROLONGER LE GAZODUC DE SCHROEDERL‘ex-chancelier Gerhard Schroeder, reconvertien président du projet de gazoduc NorthStream, avait affirmé il y a quelques années :les besoins en gaz de l’Europe allaientcontinuer à croître pour atteindre les 700millions de m3 en 2015. Le gazoduc NorthStream passant sous la Mer Baltiquen’assurant qu’une faible part du transport de cegaz, GDF et Gazprom ont signé en juin 2013un accord pour une extension de ce gazoduc.L'autre projet pour acheminer le gaz du Moyen-Orient, Nabucco, est lui porté par l’ex-écologiste Joschka Fischer, avec qui il prônâtl’abandon du nucléaire civil en Allemagne. Laréduction des émissions de gaz à effet deserre attendra !

Alors que nous « bouclons » ce numéro,notre camarade et ami, le général Giap,surnommé le stratège de la liberté, nousa quittés à l’âge de 102 ans. Nous saluonsici la mémoire de ce francophile qui atoujours été très attentif au dévelop-pement scientifique et technique deson pays, le Vietnam. Sensible à pré-server l’amitié franco vietnamienne, ila joué en particulier un rôle clé dansl’établissement de l’Institut de laFrancophonie pour l’Informatique (IFI)à Hanoï. Fondé en 1993, l’IFI estaujourd’hui un établissement del’Université Nationale du Vietnam quiforme, en français, des masters et doc-torats en informatique. Il abrite un labo-

ratoire de recherche membre d’uneunité Mixte Internationale de l’IRD etd’un Laboratoire International Associédu CNRS. L’IFI accueille des étudiantsde la région (Thaïlande, Cambodge,Laos, Vietnam…) et de la francopho-nie (Afrique, Europe…).

Le général Giap nous a quittés

Progressistes OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2013

Sous pression de l' Etat Japonais et dela communauté internationale, Tepcoa annoncé vendredi 27/09 avoir remisen service une unité de décontamina-tion d'eau radioactive :ALPS, système conçu avec Toshiba, estcensé décontaminer l'eau ainsi débar-rassée de césium 134/137 qui est actuel-lement stockée dans des centaines deréservoirs sur le site de la centrale.Il devrait traiter les centaines de mil-liers de tonnes d'eau, quantité qui aug-mente au fil des heures et qui ne pourra

pas être stockée indéfiniment. Le pro-blème de l'eau radioactive s'écoulanten partie dans l'océan Pacifique depuisles sous-sols inondés est crucial. Il fau-dra pour ce faire que sa radioactivitésoit conforme aux normes mondiale-ment admises avant de pouvoir les reje-ter. Pour le suivi des mesures prises surle site en temps réel, on peut consulterle site de l’AIEA (Agence internationalede l’Énergie Atomique), www.iaea.org,ou de l’IRSN (Institut de radioprotec-tion et de sûreté nucléaire), www.irsn.fr

Fukushima : décontamination del’eau relancée

Une étude de l'institut (GISS) de la NASA,Pushker Kharecha, et James Hansen,célèbre pour avoir été un des premiersà alerter sur le réchauffement clima-tique, conclut que l’utilisation de l'éner-gie nucléaire a permis de sauver 1,84million de vies, de 1971 à 2009 dans lemonde. Ainsi le nucléaire civil auraitévité infiniment plus de décès qu'ellen'en a provoqué, malgré les 3 accidentsmajeurs de TMI, Tchernobyl etFukushima. «Depuis qu'elle est utiliséepour produire de l'électricité, l'énergienucléaire a permis d'éviter la construc-tion de plusieurs centaines de centralesthermiques au charbon, épouvantable-ment polluantes » indiquent les deuxchercheurs. Le même exercice pour lapériode à venir d'ici 2050, en se basantsur les projections de l'AIE, donne pourle charbon : 7 millions de morts sup-plémentaires. Quant à l’hypothèse d'unremplacement du nucléaire par des cen-

trales à gaz, moins polluant certes quele charbon, ce chiffre «tombe» à 700000morts supplémentaires. L'étude mon-tre également que le nucléaire civil apermis d'éviter le rejet de 64 milliardsde tonnes de CO2 entre 1971 et 2009 etd'ici à 2050, le rejet de 80 à 240 milliardsde CO2 dans l'atmosphère. Le calcul desdécès évités n’inclut pas les conséquencesdu réchauffement climatique qui seraitaggravé sans l’usage de l'énergie nucléaire.Pour les deux chercheurs : « L'énergienucléaire, malgré les différents défisqu'elle pose, doit continuer à être utili-sée dans la production globale d'électri-cité afin de réduire les conséquencescatastrophiques d’un réchauffement cli-matique incontrôlable.» Cette étude aété publiée dans la revue EnvironmentalScience & Technology et continue d'êtreexaminée et relue par d'autres cher-cheurs, ainsi que par le laboratoire desénergies renouvelables des États-Unis.

Le nucléaire civil aurait sauvé 1,84 millions de vies depuis 1971

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» LA CHINE À LA TÊTE DES SUPERCALCULATEURSTianhe-2, qui appartient aux militaires chinois,affiche au programme test Linpack unepuissance de 33,86 petaflops, c’est-à-dire33,86 millions de milliards d'opérations parseconde. Les spécialistes n'attendaient pasTianhe-2 à ce niveau avant deux ans. Tianhesignifie Voie Lactée en chinois. La Chine quiconstruit une université par mois, a accédé aurang de grande puissance scientifique par sesinvestissements massifs en moyens financierset humains. La Chine consacre 1,75 % du PIBà la R & D et se fixe 2,5 % en 2020 ; bienplus que la France !

» ALLEMAGNE, LE CHARBONEXPULSE DES MILLIERS DE PERSONNESQuelque 7600 habitants et tout leurenvironnement doivent être déplacés suite àl’agrandissement de la mine de charbon à cielouvert de Garzweiler en Allemagne.Effet secondaire de la « transitionénergétique » allemande, le charbon polluantreprésente 40 % de la production électrique dupays, contre 25 % en moyenne en Europe. Leprix des droits de polluer s'est effondré sur lemarché européen, et l'Allemagne renonce àses centrales nucléaires. Le charbon extrait àGarzweiler a donc de beaux jours devant lui.La nouvelle mine à ciel ouvert atteindra unesurface de 48 kilomètres carrés, autant que laville de Lyon.

» ASSASSINAT D’UNE FIGURE DU RATIONALISME INDIENLe docteur Narendra Dabholkar, 67 ans, avaitpassé ces 30 dernières années à combattreles superstitions dans les villages de l’Inde, oùastrologues, gourous, devins et autresguérisseurs continuent à avoir une très grandeinfluence. Lui et ses collaborateursdupliquaient notamment les prétendus «miracles » de leurs adversaires à l’aide deméthodes scientifiques afin de démontrer qu’ilsn’avaient rien de surnaturel.En Inde comme en France, les superstitionsrapportent gros : la campagne du docteurDabholkar avait donc froissé de nombreuxintérêts économiques. Le docteur Dabholkaravait fait l’objet de nombreuses menaces demort dernièrement.Le 20/08/2013 deux hommes armés l’ontabattu. Une loi soutenue depuis 14 ans parNarendra Dabholkar et visant à interdire lavente de pierres sacrées et autres gris-grisvient de passer dans l’État de Maharashtra.

» PÉNURIE DE 1,3 MILLION DE PROFS DANS LE MONDESelon une étude de l’Unesco, il manquerait1,3million d'enseignants dans le monde pourgarantir le droit à l'éducation primaire universeld'ici 2015. Ce chiffre atteint 3,6 millions pour2030. C'est l’Afrique et le monde arabe quiseront les plus touchés par cette pénuried'enseignants.

Le député André Chassaigne attire l'at-tention sur le pillage de l'argent publicpar Arcelor-Mittal. Pendant que lesmétallos de Florange se démènent poursauver leurs emplois et que l'État indem-nise leurs périodes de chômage partiel,Arcelor-Mittal engrange des profits grâceà l'arrêt de ses hauts-fourneaux lorrains.D'après un cabinet londonien, Carbon

market data, Arcelor-Mittal n'a pasdépassé son quota annuel en 2009, 2010et 2011, économisant environ 4,7mil-lions de tonnes de CO2. Ce résultat estdû en partie à la mise en sommeil deses hauts-fourneaux de Florange. À envi-ron 5 euros la tonne, Arcelor-Mittal pour-rait empocher près de 24 millions d'eu-ros s'il décidait de les vendre.

Arcelor et quotas CO2 : la fermeturede Florange rapporterait 24 millionsd'euros !

L’assemblée nationale a définitivementvoté la loi autorisant la recherche surles cellules-souches embryonnairesprovenant des embryons surnumé-raires de la procréation médicalementassistée. Elles sont utilisées dans desprogrammes de recherche visant des

thérapies pour des maladies actuelle-ment non soignées. La loi précise quece recours aux cellules-souches embryon-naires est nécessaire « en l’état de laconnaissance scientifique ».

La recherche sur les cellules-souchesembryonnaires autorisée par la loi

Une étude, présentée début juillet àAjaccio, mené par une équipe italiennede Gênes conclut que le nombre decancers de la thyroïde a augmenté de28,29 % en Corse après le passage dunuage radioactif .Or, selon l’IRSN, (Institut de radiopro-tection et de sûreté nucléaire), «L’analysedu rapport fait apparaître des limitesmajeures dans les trois études réalisées.Ces limites concernent aussi bien lesdonnées utilisées, la réalisation des études,

l’analyse statistique et l’interprétationdes résultats ». Rappelons que l’aug-mentation des cancers de la thyroïdeest un phénomène qui a débuté dansles années soixante-dix, bien avantTchernobyl, et qui touche des zonespourtant complètement épargnées parcette pollution comme la Bretagne oul'Amérique du Nord. De nombreux cher-cheurs dans le monde travaillent pourélucider les causes de ce phénomèneglobal.

Récusation d’une étude sur l’impactdu nuage de Tchernobyl en Corse

OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2013 Progressistes

Depuis plusieurs années, de nombreusesétudes épidémiologiques concluentque le travail de nuit raccourcit l’espé-rance de vie de 3 à 4 ans et augmentel’occurrence de contracter une tumeurcancéreuse. Déjà en 2010, une étudeproduite par des chercheurs de l'Inserm(étude N°U1018, « centre de rechercheen épidémiologie et santé des popula-tions ») montrait que le travail de nuitaugmente de 30 % le risque de cancerdu sein. Elle fait écho aux conclusionsdu CIRC (Centre international de

recherche contre le cancer, dépendantde l'OMS) et rejoint également le constatdu CESE (Conseil économique socialet environnemental) dans un rapportpublié en 2010 (Le travail de nuit : impactsur les conditions de travail et de viedes salariés). La lutte chez les salariéesde Séphora, qui a conduit à la ferme-ture des magasins à 21 heures, nousrappelle quels sont les dégâts sanitairesprovoqués par le travail de nuit et lanécessité de le combattre.

Le travail de nuit augmente de 30 % le risque de cancer

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» BUREAU MAL RANGÉ, ESPRIT CRÉATIFSelon une étude portant sur l’organisation autravail, menée par des chercheurs allemands,on apprend qu'un bureau en désordre, seraitune façon inconsciente de stimuler notreesprit, et nous aiderait à être plus créatif etplus productif. C'était le cas du bureau d'uncertain Albert Einstein. Une étude qui va faireplaisir aux bordéliques du monde entier.

» 60 MILLIONS DE CHINOISASSISTENT À UN COURS DEPHYSIQUE DONNÉ… DEPUISL'ESPACE60 millions d’élèves, autant que la populationfrançaise, ont assisté à une leçon de travauxpratiques en orbite donnée, jeudi 20 juin2013, par l’une des trois taïkonautes chinoisesde la plus longue des missions spatialeshabitées chinoises (Shenzhou X). Uneperformance technique à 340 kilomètres au-dessus du globe qui témoigne des ambitionsspatiales de la Chine.

» ACCIDENT FERROVIAIRE DEBRÉTIGNY SUR ORGE ET CONDI-TIONS DE TRAVAIL : LES SYNDICATSALERTENT2 mois après le grave accident qui a fait 7morts et 10 blessés, La CGT, l' UNSA et SudRail adressent une lettre au ministère destransports : «Comment peut-on imaginerpouvoir supprimer plus de 10 000 emplois decheminots qualifiés et formés en cinq ans,réaliser une somme inégalée de travaux,produire toujours plus de trains et transporterplus de voyageurs sans qu’il y ait unerépercussion sur le niveau de sécurité ?»,s’interrogent-ils. Ils dénoncent, notamment "ladégradation des conditions de travail" [...] "lemal-être causé par les injonctionscontradictoires entre la pression sur les délaisou les coûts et des moyens inadaptés", [...] "ledoublement, voire le triplement des territoires àsurveiller", [...] « la médiocrité des travauxréalisés par des entreprises sous-traitantes».

» RAPPORT DU GIEC : 2000 PAGES SUR LE CLIMATLe 27 septembre le GIEC a rendu public sondernier rapport, la partie scientifique, plus de2000 pages de synthèse, critiqueextrêmement dense de plus de 9000publications parues depuis 2007. Physique duclimat, compréhension de son fonctionnementet influence des actions de l'homme, passé,actuel et projections pour le futur. Denombreux graphiques scientifiques, chiffres,références, calculs et raisonnementsscientifiques : cela s'adresse tout de même àun public averti. Faisant appel à l'expertise duplus haut niveau mondial, ouverte à la critiquede tous les scientifiques qui le souhaitent, ilpermet d'aboutir à un « état de la science »dans le domaine. Les auteurs ont avecprudence indiqué les « degrés de confiance »que l'on peut accorder aux résultats exposés etleurs incertitudes. Progressistes reviendra pluslonguement sur les conclusions de ce rapportdans les prochains numéro.

Selon une nouvelle estimation de l'INED(Institut National d'Étude Démogra -phique) il y aura 9 731 millions d'habi-tants en 2050 et de 10 à 11 milliards d'icila fin de ce siècle. Ces estimations sonten hausse par rapport aux précédentes.À noter que l’Afrique comptera près de

2,5 milliards d'humains, soit près duquart de l’humanité, et atteindra unepopulation de 4 milliards en 2100. Cesdonnées interpellent quant aux défis àrelever pour répondre aux besoins élé-mentaires comme l'eau, l’agriculture,l'énergie et l'habitat.

»10 milliards d'humains d'ici 2050selon l' INED, dont 2,5 milliardsd’Africains !

BILLET D’HUMEUR D’IVAN

SHUTDOWN SUR LA RECHERCHE FRANÇAISE

Madame Fioraso, j’allais écrire Madame Pécresse, improbable minis-tre de la recherche, appréciera sans aucun doute l’anglicisation dutitre. La dépendance, plus ou moins voulue de la recherche fran-

çaise au monde anglo-saxon et plus précisément US, la rend vulnérable auxaléas de la politique intérieure des USA ainsi qu’à leurs possibles pressions.L’interruption, durant dix jours du paiement des fonctionnaires US et consé-quemment la fermeture des administrations et services non indispensablesa révélé la stricte dépendance de la science et de la technologie françaisesau bon vouloir de l’administration US. Comme le note le professeur EricRaoult dans Le Point (12/10/2013) : « De ce fait, le répertoire des publicationsscientifiques médicales (PuBMed) n'a plus été mis à jour. (…) De même, leréservoir de toutes les séquences génétiques des microbes, des animaux et del'homme disponibles sur un site de l'État américain (GenBank) s'est retrouvélui aussi bloqué. »On pourrait dire la même chose pour ce qui est de la base de données desgrandes molécules organiques, de l’Internet dont les serveurs racines sontgéographiquement situés aux USA. En aucun cas l’administration US n’en-tend laisser gérer ces bases de données et serveurs par un organisme inter-national qui ne serait pas strictement sous son contrôle et aussi celui deGoogle qui est sous autorité US et donc de la CIA et la NSA. Ils utilisent cesbases de données pour piller les informations de la recherche mondiale, oudu moins occidentale, et peuvent ainsi saisir toutes nos données person-nelles, comme l’a confirmé Edward Snowden (informaticien américain,ancien employé de CIA et de la NSA), qui a dénoncé les détails de plusieursprogrammes de surveillance américains et britanniques.

IVAN LAVALLÉE

BRÈVES

Le 17 juin 2013, c'est le premier permisminier depuis 1970 qui a été délivré enFrance, dans la Sarthe, pour l'entre-prise Variscan Mines, une filiale dugroupe minier australien Platsearch.En jeu : la possibilité d'y trouver du cui-vre, du zinc et des minerais connexes,comme le plomb, l’or et l’argent et mêmedu germanium, si utile aux composantsélectroniques. Au programme, possi-bilité de forage et exploration sur plusde 205 km2 avec à la clé une possibleouverture de mines. Mais de nombreuxhabitants s'y opposent : en effet, ilsn’oublient pas qu'entre 1989 et 1997,

l'entreprise Total qui a déjà exploitéune mine d'or à proximité, a laissé der-rière elle près de 300 000 m3 de terrestérile et polluée au cyanure. Aujourd'huiencore ces terres s'offrent en spectacleaux passants et ne sont toujours pasdépolluées et sans doute ne le serontjamais car jugées trop toxiques et dan-gereuses. Opération trop toxique outrop chère pour Total ? À quand unelégislation qui impose aux entreprisesde provisionner de l'argent en vue dela dépollution des sites comme c'estdéjà le cas pour le nucléaire civil ?

300 000 m3 de terre pollués au cyanure dans la Sarthe

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Le sable : enquête sur une disparition

Documentaire Arte – 74 mn Quand le sable devient une matière rare,l’érosion des plages n’est pas seulement dueà la variation du niveau de la mer. Il y en adans le béton, au rythme de deux tonnespar an et par être humain. On l’utilise nonseulement pour le verre, mais aussi dans lescosmétiques, le vin, dans les puces électro-niques, le papier, le plastique, les peintures,les détergents, les cosmétiques… À voir.

Sochaux, cadences en chaînes Réalisation Laurence Jourdan productionFrance télévisions/INA année 2010 - 52 mn Pour comprendre l’organisation de la pro-duction actuelle et les pourquoi et com-ment de la désindustrialisation et du chô-mage. Peugeot, 180 000 travailleurs dans lemonde, un salarié « compétitif » à raison desept opérations en une minute trente-deuxsecondes sur une voiture et 70 % du chif-fre d’affaires de l’industrie automobile sontgénérés par les équipementiers. Et pourceux qui ne croient pas à l’analyse marxistede la valeur travail, cette petite phrase d’an-thologie « Une voiture chère est une voituresur laquelle il y a plus de travail que sur uneautre ». Une remarque, Peugeot fabrique46 % de ses voitures en France, Renault dontl’État est actionnaire, 27 % !

La mise à mort du travail Une série documentaire de Jean-Robert Viallet,sur une idée originale de Christophe Nick.Produit par Yami2Avec la participation du Centre national dela cinématographie et France Télévisions.Documentaire qui nous plonge dans lemonde du travail, ses techniques de mana-gement, la culture du chiffre et de la pro-ductivité ainsi que tous les dégâts que pro-voque la mainmise de la finance sur cesentreprises. À travers des exemples concrets,indispensable pour ceux qui veulent réflé-chir à ces thématiques. 3 films : La destruc-tion (66 mn), L'aliénation (64 mn), La dépos-session (63 mn)

Vers une famineplanétaire ? L'épuisementdu phosphore 52 mn Réalisation : Christiane Schwarz, MarcelWeingärtner Le phosphate est un élément essentiel à laproduction d'engrais. Des signes montrentque cette ressource est en train de s'épui-ser. Enquête sur un problème peu média-tisé qui pourrait avoir des conséquencesgraves pour la production agricole mon-diale.

Goldman Sachs, labanque qui dirige lemonde Documentaire Arte, 72 mn, 2012 Le documentaire clé qui permet de pren-dre la mesure du pouvoir exorbitant de lafinance et plus particulièrement de la banqueGoldman Sachs, qui a tissé ses liens au cœurdes institutions politiques partout dans lemonde.

Chine, le nouvel empire 3 épisodes (3 x 60 mn) : La Chine s'éveille, LaChine s'affirme, La Chine domine. Coproduc-tion Arte France, Grain de sable, 2012Une série documentaire inédite de Jean-Michel Carré qui retrace un siècle et demid’histoire de la Chine. Montrant la com-plexité des situations que le pays a connueset c'est rare, avec une certaine objectivité,loin des a priori anticommunistes et loinde l'ethnocentrisme habituel, cette sériede trois films est de grande qualité.

Ce n’est pas le travail qui coûte cher mais larémunération du capital Réalisé par le syndicat CGT, l'émission d’Ex-pression directe de Jean-Michel Fouque avecla participation de Nasser Mansouri-Guilani,économiste. Une vidéo courte mais d'une efficacitéredoutable pour comprendre les liens entretravail et capital et déconstruire la doxalibérale en économie.

La sale guerre des terres raresRéalisateur et auteur : Guillaume Pitron/Réali-sateur Réalisateur : Serge Turquier 55 minutes,documentaire France TélévisionCérium, terbium, samarium, gadolinium,ces métaux sont méconnus du grand public.Mais indispensables dans les écrans, lestéléphones, les aimants et jusque dans lesbillets de banque. Ces « terres rares », sontconvoitées par les grandes puissances, etc'est aujourd'hui la Chine qui en a le mono-pole.

Transition énergétique.L'Allemagne devant et tous derrière Documentaire réalisé par ZDF, 73 min L’Allemagne est le seul État européen às’être lancé dans un changement radicalde son dispositif énergétique, visant à met-tre fin à la production électrique d’originenucléaire d’ici 2022. Pourtant l’Allemagneémet plus de dioxyde de carbone qu’au-paravant. Les centrales à charbon et lescentrales à gaz se portent mieux. A noterun chiffre : le solaire et l’éolien ne contri-buent qu'à hauteur de 12 % de la produc-tion électrique malgré une débauche demoyens, alors que le charbon y contribuepour plus de 40 %. Ces deux chiffres don-nent toute leur dimension aux thèses défen-dues dans le documentaire.

VU SUR INTERNET

Tous ces documentaires et films sont disponibles en VOD (payant), en DVD, et pour certainsen libre accès (sous réserve de films libres de droit) par une simple recherche internet.

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Progressistes OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2013

PAR GILLES COHEN-TANNOUDJI*,

L’annonce, le 4 juillet 2012, dela découverte au CERN, à l’aidedu grand collisionneur dehadrons (LHC), de la particuleappelée boson de Higgs a eu unretentissement médiatiqueconsidérable: son annonce, faitesur le Web a été suivie par unmilliard d’internautes et télé-spectateurs. De fait, cette décou-verte, à six mille signataires(deux collaborations impliquantchacune trois mille physiciens)est le couronnement de ce quel’on a pu qualifier de plus grandeexpérience scientifique jamaisentreprise ; elle est le résultatde recherches expérimentalesmenées depuis près de cin-quante ans, après la publica-tion en 1964 d’abord par Broutet Englert, puis par Higgs dedeux articles théoriques prédi-sant l’existence de cette parti-cule, qu’il serait d’ailleurs plusconforme à la justice d’appelerle boson de Brout Englert Higgs(BEH). On peut dire que cettedécouverte représente le cou-ronnement de la révolutionscientifique du vingtième siè-cle initiée par les remises encauses majeures de la physiqueclassique par la théorie de larelativité et par la mécaniquequantique. En tant que telle,elle a des répercussions majeuresaux plans scientifique, philo-sophique et politico-social voireanthropologique.

ENJEUX SCIENTIFIQUESLa physique des particules, dis-cipline scientifique dont relè-vent les recherches qui ont aboutià cette découverte est, en quelquesorte, l’héritière de la concep-tion atomistique des philosophesde l’antiquité : elle vise à iden-tifier les constituants élémen-taires de toute matière et à com-prendre de manière quantitativeles interactions, qualifiées defondamentales dans lesquellesces constituants sont impliquésdans tout l’univers. Cette jeunediscipline (elle ne date que dudébut du XXe siècle) a accom-pli des progrès fulgurants depuisles années soixante; elle a aboutià ce qu’on appelle le modèlestandard, la théorie de référencequi permet de rendre comptede manière quantitative et pré-dictive de l’ensemble de sesrésultats expérimentaux. Or cemodèle standard comportait,jusqu’à l’annonce de juillet 2012,un chaînon manquant, le fameuxboson BEH, qui, en était mêmela clé de voûte.Le problème que permet derésoudre le mécanisme BEH(impliquant l’existence duboson BEH) concerne l’unifi-cation de deux interactionsfondamentales, l’interactionélectromagnétique de portéemacroscopique dont relève lalumière et l’interaction nucléairefaible de très courte portée res-ponsable des réactions ther-monucléaires fournissantl’énergie des étoiles. De nom-breux arguments d’ordre théo-

rique avaient rendu très sédui-sante l’hypothèse de l’unifica-tion de ces deux interactionsfondamentales au sein de ceque l’on appelle la « théorie dejauge électrofaible ». Il se trouveque cette hypothétique théo-rie serait prédictive si et seu-lement si les bosons intermé-diaires, les particules quitransmettent l’interaction fai-ble étaient, comme le photonqui transmet l’interaction élec-tromagnétique, des particulesde masse nulle, et si tous lesconstituants élémentaires dela matière (quarks et électron)

étaient aussi de masse nulle.Or des bosons intermédiairessans masse et des constituantsélémentaires sans masse sonten contradiction flagrante avecl’expérience ! Le mécanismeBEH est ce qui permet de rele-ver ce défi : il rend massifs lesbosons intermédiaires et lesconstituants élémentaires maisil préserve le caractère prédic-tif de la théorie de jauge élec-trofaible !

ENJEUX PHILOSOPHIQUESAu plan strictement scientifique,la découverte du boson BEH estdonc déjà une avancée consi-dérable puisque se trouve ainsivalidée la théorie de référencequi, dans le prolongement dela conception atomistique dumonde se trouve au fondementdes sciences physiques voire detoutes les sciences de la nature.Mais si l’on veut élever le débatau niveau philosophique, lemécanisme BEH apparaîtcomme une astuce ad hoc (rele-vant d’une approche épisté-mique ou gnoséologique) des-

tinée à résoudre un problèmescientifique purement théo-rique, et se pose la question desa signification ontologique(c’est-à-dire celle qui est rela-tive à la réalité elle-même et passeulement à la connaissance decette réalité).Une telle signification ontolo-gique résulte du rapprochementde la physique des particules etde la cosmologie (elle aussi dotéed’un modèle standard, le modèle

La recherche et la découverte du boson de Higgs,

une aventure humaine exemplaire

n PHYSIQUE

SCIENCE ET TECHNOLOGIE30

La confirmation de l'existence du boson de Higgs peut êtreanalysée à travers les enjeux philosophiques et anthropolo-giques. Un message d’espoir fonde sur le progre s humain.

Qu’une organisation internationale comme le CERN, fon-dée au lendemain des drames de deux guerres mon-diales, avec comme seule finalité, ce progrès desconnaissances humaines, ait réussi à relever les redouta-bles défis de la recherche du boson BEH, n’est-ce pas unfacteur d’espoir dans la capacité des civilisationshumaines de refuser la fatalité et de surmonter les crisesaussi graves soient-elles ?

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OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2013 Progressistes

du Big Bang) qui leur confèreune dimension temporelle, ausein de ce que l’on appelle ungrand récit de l’univers. La repré-sentation que nous offre ce grandrécit est celle d’un univers quin’est pas seulement en expan-sion, mais aussi en devenir, enévolution, depuis une phase pri-mordiale, de haute énergie (parceque proche du big bang) oùtoutes les particules sont indif-férenciées et sans masse, oùtoutes les interactions sont uni-fiées, jusqu’à l’état dans lequelil se laisse aujourd’hui obser-ver, en passant par une série detransitions de phases, au coursdesquelles les particules se dif-férencient (certaines d’entreelles acquérant de la masse), lesinteractions se séparent, lessymétries se brisent, de nou-velles structures émergent, denouveaux états de la matièreapparaissent. La transition, objetdes recherches qui ont aboutià la découverte du boson seraitintervenue à la plus haute éner-gie, c’est-à-dire dans le passé leplus lointain, qu’il est possibled’explorer expérimentalement,celle dans laquelle les bosonsintermédiaires et les consti-tuants de la matière seraientdevenus massifs.Ainsi, la révolution scientifiquedébouche-t-elle sur une authen-tique révolution philosophique,celle qui consacre le triomphedu matérialisme (implicitementsous-jacent aux sciences de lanature, en particulier à la phy-sique) selon lequel la matièredésigne l’ensemble de la réa-lité objective, existant indépen-damment de et antérieurementà la connaissance que l’on peuten avoir et selon lequel aussicette réalité est, en droit et en

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principe, intelligible, même sicette intelligibilité est toujourspartielle, provisoire et révisa-ble. Mais ce qui ressort de cetteconception de l’univers c’estque la matière, au sens philo-sophique du terme, a bel et bienune histoire, qu’elle ne peut pasêtre conçue comme une subs-tance immuable.

ENJEUXANTHROPOLOGIQUESSi, comme nous venons de l’ex-pliquer, ce grand récit de l’uni-vers confère à la découverte duboson BEH une significationontologique, il en souligne aussila portée anthropologique. Toutesles civilisations, toutes les reli-gions se sont appuyées, sansavoir à attendre une révolutionscientifique sur un grand récitfondateur. En tant que fondésur les avancées scientifiquesconsignées dans le modèle stan-dard, ce récit a une portée essen-tiellement épistémologique,mais cela ne l’empêche pasd’avoir aussi une portée axio-logique, c’est-à-dire relative auxvaleurs: le progrès des connais-sances humaines n’est-il pasune valeur universelle ?Compte tenu des nuages quiassombrissent actuellementnotre horizon, pensons-nousque nous puissions faire l’éco-nomie d’un progrès soutenudes connaissances, dans tousles domaines ? Pourquoi ce quia été possible avec le CERN ne

serait-il pas possible dans lesnombreux autres domaines oùle progrès des connaissances,non soumis aux exigences del’utilité immédiate, est plus quejamais nécessaire ?Il faut bien voir en effet que l’ex-traordinaire aventure humainequ’ont représenté la rechercheet la découverte du boson BEHintervient dans un contexte quin’est pas sans analogie aveccelui du début du XXe siècle :l’apogée actuelle du modèlestandard fait penser à celle dela physique classique d’alors ;le prodigieux essor des techno-logies de l’information rendupossible par la révolution quan-tique et relativiste fait penser àcelui des techniques de la révo-lution industrielle des XVIIIe etXIXe siècles, mais, en mêmetemps, la crise systémique danslaquelle est plongée l’écono-mie mondiale, la perspectived’épuisement des ressourcesénergétiques et les inquiétantesprémisses du changement glo-bal du climat font craindre lasurvenue, à l’échelle mondiale,de convulsions comparables àcelles qui ont marqué la pre-mière moitié du XXe siècle.Qu’une organisation interna-tionale comme le CERN, fon-dée au lendemain des dramesde deux guerres mondiales, aveccomme seule finalité, ce pro-grès des connaissances hu -maines, ait réussi à relever lesredoutables défis de la recherchedu boson BEH, n’est-ce pas unfacteur d’espoir dans la capa-cité des civilisations humainesde refuser la fatalité et de sur-monter les crises aussi gravessoient-elles ?Pour reprendre une expressionutilisée par Louise Gaxie et AlainObadia dans leur beau livre Nousavons le choix, on s’aperçoit quele fonctionnement et la straté-gie du CERN font la preuve qu’ilest possible de refuser « TINA »(There Is No Alternative). Il mesemble en effet que le « mani-feste » en cinq points développédans ce livre, pourrait figurerdans les statuts du CERN.Le progrès humain comme fina-

lité ? Le CERN a été créé au len-demain de la seconde guerre,pour mener, dans le prolonge-ment de l’aventure nucléaire,des recherches dans le domainede la recherche fondamentaleen physique des particules, aveccomme tâches celles de révé-ler les secrets de la nature, derassembler par-delà les fron-tières, d’innover et de formerde nouvelles générations de tra-vailleurs scientifiques.La démocratie comme matrice?Sans un fonctionnement scru-puleusement démocratique, ilserait impossible de faire col-laborer efficacement des mil-liers de scientifiques venant dumonde entier.La durabilité comme logique ?Le premier accélérateur du CERNdatant des années cinquanteest toujours en fonctionnement;il sert d’injecteur au complexede machines qui lui ont suc-cédé.La coopération comme démar -che ? Les expériences qui ontabouti à la découverte du bosonétaient trop complexes pourêtre menées par un seul pays,voire par un seul continent. C’estla coopération internationalemondiale qui a été la conditiondu succès.L’appropriation populaire commedynamique ? Le CERN (à quil’on doit le WEB gratuit et deslogiciels libres comme LINUX)a mis en place un nouveau para-digme pour les publications parles éditeurs de revue à comitéde lecture. Au lieu que ces édi-teurs soient financés par lesabonnements des universitésdu monde entier qui sont par-fois étranglées par le prix desabonnements fixés par les édi-teurs, c’est le CERN qui négo-cie avec les éditeurs le coût dela publication des articles duLHC dans des revues à comitéde lecture.n

*GILLES COHEN-TANNOUDJI estphysicien. Il est chercheur émérite aulaboratoire des recherches sur lessciences de la matière (LARSIM).Site : www.gicotan.frLivre: Le boson et le chapeau mexicain

Le Large Hadron Collider (LHC)construit dans le tunnel circulaire(26,659 km de circonférence)est le plus grand dispositifexpérimental jamais construitpour valider des théoriesphysiques.

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Un problème très largement occulté par le débat sur les sources d’énergie de l’avenir,mais qui y est lié : l’épuisement des ressources en terres et métaux rares.

tous les composants électro-niques et dans les moteurs ther-miques. Enfin, l'épuisement dupétrole nécessite de trouver dessources alternatives pour lesproduits de base que sont, parexemple, les polymères (matièresplastiques) ou les médicaments.On peut penser à créer uneindustrie chimique plus respec-tueuse de l'environnement etbasée sur des matières premièresvertes, notamment pour lespolymères. On peut égalementabandonner le moteur à explo-sion au profit des piles à com-bustible qui, en théorie, utili-sent la réaction de combustionde l'hydrogène pour générer del'électricité et ainsi alimenterun moteur électrique ; les preuvesde concept existent. Tout ceciindique clairement les pistes àsuivre, si l'on rajoute, quoi qu'onen pense à ce stade, la décou-verte aux États-Unis et dansd'autres pays de vastes réservesde gaz de schiste, il est tentantde penser que le problème estd'une actualité moins brûlantequ'on aurait pu le penser il y aquelques années. C'est d'ail-leurs ce qui est officiellementou officieusement la position

PAR BRUNO CHAUDRET *,

Si l'on se réfère à la transitionénergétique, les deux raisonsqui la rendent nécessaire eturgente sont d'une part la raré-faction des hydrocarbures(pétrole et dans une moindremesure gaz) et d'autre part lanécessité de trouver des éner-gies décarbonées pour limiterla production du dioxyde decarbone (CO2), l'élément prin-cipal du réchauffement clima-tique. Pour décarboner l'éner-gie, les pistes évidentes sont laconversion de l'énergie solaire,en chaleur ou en énergie élec-trique et la multiplication deséoliennes ou des barrages oude dispositifs utilisant la forcedes marées, mais qui ont tousen commun, de convertir l'éner-gie mécanique en énergie élec-trique. En parallèle, il est néces-saire de réduire la consommationénergétique, notamment dans

des différents États : la transi-tion énergétique peut attendrela fin de la crise ! On oubliegénéralement un point impor-tant, la conversion d'énergie

nécessite des processus com-plexes que nous allons survo-ler et, par ailleurs, la miniatu-risation des circuits électroniquesimplique l'emploi d'élémentsde protection électromagné-tique pour éviter les interfé-rences entre les circuits (trans-

mettre ses coordonnées GPSquand on vient de prétendrepar téléphone être cloué au litpar une grippe...). Tout ceci aun point en commun. Il faututiliser des systèmes complexesqui font appel à des matériauxstratégiques.

- la conversion de l'énergiesolaire fait appel au silicium,élément abondant qui peut êtreproduit (moyennant beaucoupd'énergie) à partir du sable com-mun, cependant ses perfor-mances plafonnent autour de20-25 % d'efficacité et d'autrepart pour la miniaturisation etla généralisation des cellulessolaires (sur votre portable) ilfaut faire appel à des cellulescomportant d'autres éléments,par exemple Gallium, Indium,Arsenic, Phosphore... Ces élé-ments sont rares et en voied'épuisement. Les nouvellespistes contenant des matériauxmixtes font appel à des métauxprécieux - les éoliennes et autresdispositifs mécaniques trans-forment l'énergie sur le prin-cipe de l'induction électroma-gnétique. Pour que ceci soitefficace, il faut des aimants aussi

Métaux et terres rares : l'autre problèmede la transition énergétique

Progressistes OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2013

La miniaturisation descircuits électroniquesimplique l'emploid'éléments deprotectionélectromagnétique pouréviter les interférencesentre les circuits. Toutceci a un point encommun. Il faut utiliserdes systèmescomplexes qui fontappel à des matériauxstratégiques.

n MATÉRIAUX

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Platine : élément stratégiquemajeur servant au raffinage dupétrole, à la fabrication de pilesà combustible (batterie destockage de l’électricité) ouencore d’injecteur pour moteursà réaction (aviation).

Mine à ciel ouvert en Australie.

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performants que possible, lesmeilleurs sont formés à partirde Fer/Néodyme, Bore. Le feret le bore sont abondants. Lenéodyme n'est pas vraimentrare bien que ce soit un élé-ment des "terres rares" ou lan-thanides de la classificationpériodique des éléments. Leproblème de ces éléments estqu'ils se trouvent répartis à lasurface de la terre en faibleconcentration et que l'exploi-tation des minerais a lieu essen-tiellement en Chine bien qu'onen ait découvert récemment auCanada. Ces éléments sont dif-ficiles à extraire vu leur faibleconcentration et surtout ils seprésentent comme un ensem-ble de 15 éléments qui ont àpeu près les mêmes propriétéschimiques, ils sont donc trèsdifficiles à séparer. De plus, ilsont des propriétés semblablesaux "actinides", éléments lourds,comprenant entre autres leThorium et l'Uranium et l'ex-ploitation industrielle des terresrares entraîne la production de

déchets faiblement radioactifs.- la miniaturisation des circuitsélectroniques et leur produc-tion de masse (plusieurs mil-liards de transistors produitschaque jour !) entraînent lanécessité de contrôler de plusen plus finement leurs proprié-tés. Il faut isoler les circuits desinterférences électromagné-tiques donc utiliser des maté-riaux magnétiques (le meilleur,le cobalt). Il faut isoler les cir-cuits pour empêcher qu'il se

forme des arcs électriques entreles différentes fonctionnalités: pour cela on va utiliser desisolants à base de niobium oude tantale, dont les minerais,le coltan, est une source impor-tante des guerres de l'Afriquede l'ouest. Il faut que les cir-cuits soient les plus conduc-teurs possible donc il faut uti-liser au moins du cuivre si cen'est de l'or : métaux rares, cherset épuisables, même si les res-sources en cuivre sont encoreabondantes. - enfin, il faut, pouravoir une industrie chimiquemoins consommatrice d'éner-gie, moins productrice dedéchets et respectueuse del'environnement utiliser desprocessus catalytiques. Lescatalyseurs sont en grande par-tie des métaux précieux,"métaux de la mine du platine"car on les trouve mêlés au pla-tine à l'état naturel et dont lesplus importants sont le pla-tine, le palladium, le ruthé-nium et le rhodium. Leurs pro-priétés catalytiques les fontutiliser pour le raffinage dupétrole, pour l'industrie phar-maceutique, la conversion dela biomasse mais égalementdans des processus électrochi-miques comme les piles à com-

bustibles. Leur utilisation demasse les rend stratégiques carleurs réserves sont faibles. - entoute fin, le développement dela catalyse environnementales'appuie largement sur descatalyseurs à base d'or.

UNE QUESTION STRATÉGIQUELa société britannique de géo-logie a publié une liste des élé-ments stratégiques avec un clas-sement de leur situation. Lasituation la plus critiqueconcerne l'antimoine mais ennuméro 2 on trouve les métauxprécieux, puis ce dont on a parléci-dessus : Niobium, Tantale,Cobalt, Tungstène, Indium, terresrares etc... À quoi servira d'avoirdes hydrocarbures ou de la bio-masse s'il n'y a plus de cataly-seurs pour les transformer ? Àquoi servira d'avoir du vent oudu soleil si l'on ne sait plus trans-former ces énergies ? Il est urgentde prendre conscience de ceproblème…

QUELLES SONT LES PISTES ? • réserver les éléments straté-giques aux utilisations pour les-quelles ils n'ont pas d'équiva-lents, • développer la recherche pourtrouver des alternatives, parexemple utilisation du fer, dunickel ou du chrome en cata-lyse (bien que ce dernier soitparticulièrement toxique), uti-liser du zinc plutôt que de l'in-dium ou du cadmium pour lesdispositifs photo-voltaïques.

• arrêter la gabegie et recyclerles circuits électroniques • être économe de ces ressources.Le dernier point est plus poli-tique. On a vu dans la périoderécente que la politique exté-rieure des États-Unis se préoc-cupait uniquement de l'appro-visionnement énergétique deson territoire. C'est ce qui adonné lieu aux deux « guerresdu Golfe ». La mise au pas del'Irak, la tutelle exercée sur leMoyen Orient et la découverted'immenses gisements de gazde schiste a fait baisser la pres-sion dans ce secteur. Par contre,on a vu le développement deguerres et d'interventions enAfrique liées à l'uranium, aucobalt et au coltan. Ceci motiveégalement, au moins en par-tie, la présence de la Chine enAfrique et le regain d'intérêtdes États-Unis pour ce conti-nent. Par ailleurs, les réservesde terres rares exploitables sonten Chine et celles de métauxprécieux en Afrique du sud. Sion n'imagine pas une attaquefrontale des États-Unis contrela Chine, il est à craindre quela présence des métaux pré-cieux n'interfère avec le pro-cessus démocratique en Afriquedu sud. La politique interna-tionale et le risque d'interven-tions extérieures peuvent êtreliés à ces ressources. Il faudraune fois de plus décrypter les"interventions humanitaires"de nos dirigeants occidentaux.En conclusion cet article ne faitque survoler le problème d'épui-sement des richesses minéralesde la planète mais son ambi-tion est d'alerter sur un sujetsouvent ignoré. n

*BRUNO CHAUDRET est directeurde recherche au CNRS et membre del’Académie des Sciences.

me

OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2013 Progressistes

À quoi servira d'avoirdes hydrocarbures oude la biomasse s'il n'ya plus de catalyseurspour les transformer ?À quoi servira d'avoirdu vent ou du soleil sil'on ne sait plustransformer cesénergies ?

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L’indium, un des éléments rareset en voie d'épuisement.Constituant de base dans lesecteur de l’électronique (écransplats et tactiles), médecinenucléaire, téléphones portableset cellules photovoltaïques...

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Plus de trente ans nous séparent de la naissance d’Amandine (1982) qui a marquéen France le début de la PMA. La PMA a été portée au-devant de la scène, au tra-vers des débats sur le mariage pour tous qui se sont centrés essentiellement sur lesaspects éthiques. Mais 30 ans après, il est grand temps de lui faire un bilan de santéet de s’interroger sur la réalité concrète de cette pratique : ses avancées, ses limitesainsi que les risques qu’elle comporte.

pour tous – ce qui est une autrequestion – se sont largementappuyées sur ce point. Qu’enest-il aujourd’hui ? A-t-on unbilan de l’expérience de la PMAà ce jour ? Quels sont les pro-blèmes concrets qui se posent?La naissance d’Amandine en1982 a marqué le début en Francede la PMA. Depuis, ce sont plusde 50 000 enfants qui naissentainsi dans notre pays. 5 % desnaissances en incluant les sti-mulations ovariennes sans fécon-dation in vitro sont concernées.Trois millions d’enfants sont nésde par le monde depuis l’appa-rition de la PMA, et 200000 parFIV. D’autres techniques ont vule jour comme l’ICSI (intra-cyto-plasmic sperm injection: injec-tion d’un seul spermatozoïdedans l’ovule soit 60 % des FIVaujourd’hui), l’IMSI (intra-cyto-plasmic magnified sperm injec-tion: utilisation d’un microscope

PAR LE DR MICHEL LIMOUSIN*,,

Paradoxalement la controversesur le « mariage pour tous » amis en avant dans le débat publicla question de la PMA au traversdes problèmes de l’adoption etplus largement de la filiation.Une aspiration de certains pourdes voies artificielles de procréa-tion qui puissent contourner lanature s’est manifestée. La ques-tion alors n’est plus seulementcelle d’une aide à la résolutiond’une infertilité pathologiqued’un couple hétérosexuel maiscelle d’une infertilité liée à l’orien-tation homosexuelle des indivi-dus. Les débats suscités de façonsurprenante ont été empreintsd’une grande foi dans les possi-bilités de la technique médicaleet se sont centrés sur l’aspectéthique. La dispute a porté surles aspects politiques; les mobi-lisations d’opposants au mariage

puissant pour sélectionner lespermatozoïde), la MIV (matu-ration in vitro), les dons d’ovo-cytes, la conservation de tissusovariens et les dons d’embryoncongelé. La gestation pour autrui(non autorisée en France) apresque toujours recours à unePMA. De nouvelles techniquesse sont développées dans lessuites de la FIV: production d’ovo-cytes par stimulations hormo-nales, manipulation des gamètesin vitro, nouveaux milieux deculture, maturation in vitro. Àce jour, nous n’avons pas d’étudessolides qui permettent d’éva-luer l’impact sur le développe-ment à long terme des enfants.Seuls trois centres de référencesexistent en France et la littéra-ture internationale ne permetpas non plus de conclure. Le pro-blème est vraiment le suivi desenfants.

CONSCIENCE DES RISQUESGlobalement en France l’im-pression est que cela se passedans de bonnes conditions; il ya un peu plus de complicationspérinatales que pour les gros-sesses spontanées. Les risquesidentifiés sont faibles mais malconnus. Ces risques sont poly-morphes. Ils tiennent d’abord àce que l’âge de la femme enceinteest plus important que lamoyenne car elle a d’abord«essayé» d’avoir un enfant natu-rellement; ces risques ne se dif-

férencient pas en ceci du risquedes autres femmes, enceintesde façon naturelle, mais du mêmeâge. On peut dire que le risquede malformation est corrélé àl’âge de la femme; l’impact dela PMA n’est pas vraiment connucar de toute façon, il est faible.Les complications périnatalessont assez bien identifiées carimmédiates et plus faciles à êtreenregistrées. Le taux de préma-turité est multiplié par cinq, letaux d’hypotrophies par trois.La mortalité néonatale est mul-tipliée par six. Ces risques sontliés au fait que ce sont souventdes grossesses multiples; on noteune part de responsabilité ini-tiale des pathologies vasculairesde la mère. Ces données vien-nent du FIVNAT 2005. On a iden-tifié un risque particulier de mal-formations cardiaques etd’anomalie de fermeture du tubeneural. Une étude est en coursen région parisienne pour mieuxévaluer la situation. Les risquesde maladies chromosomiquessont très faibles. Les risques decancers type rétinoblastomesemblent maintenant écartés.

UN BILAN ENCORE À PRÉCISERLa question des risques resteposée. La littérature médicaleest des plus discrètes sur un desaspects le plus sévèrement cri-tiquable de l’histoire de la PMA:après avoir fait les premières ten-tatives sur des cycles spontanés

La procréation médicale assistée :retour d’expérience

n MÉDECINE

SCIENCE ET TECHNOLOGIE34

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(G.B., France, Australie, Israël,USA, Italie), s’est posé le pro-blème du bon moment du pré-lèvement d’ovocytes (pratiquédurant dix ans environ par cœlio-scopie). On obtenait de très fai-bles résultats (moins de 10 % destentatives). À cette époque onutilise déjà depuis près de dixans des stimulations ovariennes(gonadotrophines et clomiphène)entraînant des hyperstimula-tions dont on connaît les dan-gers et la gravité possible (ovairesmonstrueux, ascites, troubleshydro-électrolytiques considé-rables et accidents thrombo-emboliques), sans parler desgrossesses multiples supérieuresà deux, très fréquentes et dan-gereuses. Et bien que connais-sant ces risques, leur mauvaiseprédictivité, malgré des dosageshormonaux quotidiens et la sur-veillance échographique, cesrisques seront pris parce qu’enréimplantant trois, quatre, ouparfois plus, d’embryons on aug-mentait les chances d’obtenirune grossesse (actuellemententre 15 à 20 % de succès enFrance), mais surtout, et nousle savions, les risques de gros-

sesses multiples et d’hypersti-mulations. Il a donc été très vitenécessaire de proposer à ces cou-ples peu ou pas fertiles, ayantattendu parfois plus de dix ansun enfant, une « réductionembryonnaire » afin de ne paslaisser évoluer quatre, cinq…embryons menaçant gravementla vie de tous, et d’en laisser, unou deux, parfois trois (ce qui esttrès incertain).

Sachant que ladite réductionprésentait elle-même le risqued’interruption de la grossesse.Il est évident qu’à côté des pro-blèmes médicaux des dramespsychologiques ont été induits.Mais après tout, aussi dures quesoient ces différentes étapes,

peut-être était-il possible de lesprésenter dans toute leur gra-vité et laisser le choix aux cou-ples. Cela a paru si compliquéet si menaçant pour l’avenir dela PMA (les laboratoires ont par-faitement joué l’« apaisement »)et l’avenir personnel des acteursmédicaux que peu de choses ontété révélées à ce sujet. Sauf entrespécialistes. Et les bilans à trenteans semblent avoir totalement(ou presque) oublié les ombresd’un aussi beau et triomphaltableau! Évoquons une dernièrequestion: celle du secret des ori-gines pour les dons de gamètes.Les donneurs l’exigent. Mais lesenfants nés ainsi, parfois, dansleur quête d’identité souhaitentconnaître leur parent biologique,particulièrement leur père. Deuxlégitimités s’affrontent et le légis-lateur se trouve bien embarrassé.Derrière le droit se trouve la souf-france. Et le risque de voir le donse restreindre par peur de l’ave-nir. Au total à ce jour l’ensem-ble des risques paraît limité etau dire des épidémiologistes cecine remet pas en cause la PMAdans ses diverses formes.L’important est que les parentssoient bien informés et sachenten toute conscience qu’ils pren-nent des risques. La clarté doitêtre la règle. Mais donner la viene donne jamais de certitudessur l’enfant à venir.

lisé pour les couples porteurs decertaines anomalies génétiquesgraves. Il nécessite une FIV etpose pour l’avenir des problèmeséthiques majeurs : le génomepour tous et assez bon marchésera accessible; il permettra tech-niquement le tri et le choix surcatalogue dans les sociétés mar-chandes, des embryons avantimplantation. Que va-t-on faire?Mais on peut tout de mêmeconstater que là aussi la ques-tion des moyens se pose. Ne fau-drait-il pas être plus vigilants,plus systématiques, plus pru-dents? Il faut de l’argent. Il fautaussi des gens, des profession-nels, du temps humain. Uneréflexion s’impose. La PMA n’estpas anodine. C’est une avancéemajeure pour le développementde l’homme. Elle suppose res-ponsabilité et longue durée d’ac-tion. Engagement de toute lasociété. Recherche. Elle portemodification de l’avenir du genrehumain. Les questions éthiquesdoivent être traitées et ne sontpas l’affaire des seuls spécia-listes. n

*MICHEL LIMOUSIN est médecin. Ilest membre du comité de rédaction ainsique de la commission santé et protec-tion sociale du PCF.

À ce jour, nous n’avonspas d’études solidesqui permettentd’évaluer l’impact surle développement àlong terme des enfants.[…] Le problème estvraiment le suivi desenfants.

L’important est que lesparents soient bieninformés et sachent entoute conscience qu’ilsprennent des risques.La clarté doit être larègle.

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L’AVENIR DE LA PMA EN QUESTIONLa proposition qui peut être faiteest de bien organiser le suivi surle long terme. Jusqu’à mainte-nant le souci était de ne pas stig-matiser l’enfant ainsi né et dene pas le soumettre à une sur-veillance particulière. On peutdire que c’est une réussite.D’ailleurs parmi les lecteurs decet article, qui sait quel enfantou quel adulte de son entourageest né de cette façon? Il n’y a pasde débat là-dessus. Mais d’unautre côté l’absence de suivi nepermet pas d’évaluer la situa-tion. Ne risque-t-on pas un jourde découvrir un problème quisera longtemps passé inaperçudu fait d’un faible risque statis-tique ? Nous restons dans unenon-culture de santé publiquebien traditionnelle en France.

La constitution de « cohortesépidémiologiques » est impos-sible à mettre en œuvre, nousdit-on. Le Dr Foix-L’Hélias, pédia-tre et épidémiologiste à l’hôpi-tal Trousseau et élève du PrFrydman de Béclère, déclaraitdans le Quotidien du Médecindu 11 avril 2013: il faut « menerdes enquêtes spécifiques pourrépondre à une question donnéecomme nous l’avons fait par exem-ple pour savoir s’il y avait plusde traitements de l’infertilité chezles parents d’enfants atteints d’unrétinoblastome ». Les questionssont donc très complexes et tech-niques. Autre question: le diag-nostic pré-implantatoire est uti-

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En 2011, l’entreprise américaine D-Wave annonçait la commercialisation du premierordinateur quantique. Cette irruption d'une entreprise privée dans un secteur dominépar la recherche fondamentale publique faisait l’effet d’une petite bombe. Aucunchercheur ne croyait atteindre cet objectif si rapidement. Nous discutons ici des pers-pectives ouvertes par le calcul quantique, avant de revenir sur le cas D-Wave.

PAR MANUEL HOUZET*

L’industrie des ordinateursactuels s’est développéeen utilisant deux décou-

vertes majeures : le transistoren silicium (John Bardeen, WalterBrattain et William Shockley,1947) et la théorie de l’informa-tion (Claude Shannon, 1948)(1).La première découverte a per-mis de concevoir des transis-tors de tailles de plus en plusréduites. En assemblant un nom-bre croissant de transistors surune surface de plus en pluspetite, les microprocesseurssont devenus de plus en plus

puissants. Dans les années 1990,la miniaturisation a fait passerl’industrie informatique desmicrotechnologies aux nano-technologies – les tailles typiquespassant du micron au nanomè-tre(2). La seconde découverte aindiqué comment transmettrel’information de la façon la plus

fiable et la moins coûteuse entemps et en énergie. Cette infor-mation est codée en langagebinaire, c’est-à-dire en séquencede 0 et de 1 aussi appelée bit(3).Les transistors permettent deréaliser des portes logiques effec-tuant des opérations : la valeurdes bits en sortie d’une porteest entièrement déterminée parleur valeur en entrée. Ces opé-rations forment la base du cal-cul informatique que la théo-rie de Shannon a permisd’optimiser.

DE PLUS EN PLUS PETITLa miniaturisation se poursui-vant, on assiste depuis plusieursannées à l’apparition d’appli-cations toujours plus perfor-mantes. Une loi empirique for-mulée par G. Moore en 1965continue de rendre compte dudoublement de la densité detransistors dans les micropro-cesseurs tous les 18 mois. Ilexiste pourtant une limitationfondamentale à la miniaturisa-tion : l’échelle quantique ! Eneffet, les dimensions des tran-sistors des ordinateurs ou smart-phones commencent à s’appro-cher de quelques nanomètres,alors que les atomes dont ilssont constitués sont de l’ordred’une fraction de nanomètre.Lorsque le canal d’un transis-tor n’est plus défini par un nom-bre suffisant d’atomes, les per-formances de ce dernier sedégradent. La mécanique quan-tique qui détermine les proprié-tés des électrons en est la cause.

En effet, le courant électroniquequi s’écoule à travers un tran-sistor classique implique ungrand nombre d’électrons, dontles propriétés moyennes peu-vent être décrites semi-classi-quement comme celles d’unfluide(4). Lorsque leur taille dimi-nue, le comportement quan-tique de chaque électron entraînedes déviations significatives parrapport au comportement clas-sique moyen. La taille des atomesinduit donc une limitation fon-damentale à la miniaturisa-tion… Les technologies actuellesse rapprochent inéluctablementdu régime où la physique quan-tique ne garantira plus un fonc-tionnement fiable des circuitsélectroniques ! Loin de n’êtrequ’une nuisance, les effets quan-tiques pourraient au contraires’avérer très utiles.

LE TEMPS DE CALCULUne autre limitation de nos ordi-nateurs classiques est qu’ils nesont pas adaptés pour résoudrecertains problèmes dans untemps raisonnable. Ainsi unvoyageur voulant visiter Paris,Londres, Madrid et Rome dansun ordre quelconque, mais enparcourant une distance mini-male, devra examiner toutes lespossibilités pour trouver le choixoptimal. Ou encore, pour fac-toriser un nombre entier en pro-duit de facteurs premiers(5), nousapprenons à l’école que l’onpeut examiner s’il est divisiblepar les nombres premiers connus(2, 3, 5, 7…). Dans ces exemples,

le temps mis par les ordinateursclassiques pour résoudre le pro-blème devient dramatiquementgrand si le nombre de villes àparcourir ou la taille du nom-bre augmentent(6). En particu-lier, l’impossibilité de factoriserles très grands nombres est uti-lisée en cryptographie pourgarantir la sécurité des infor-mations échangées sur un réseaude télécommunication. Pourenvisager une alternative à l’in-formatique classique, une pistequi semble prometteuse consisteà utiliser les états dits enchevê-trés, propres à la mécaniquequantique. Considérons un sys-tème quantique à 2 niveaux pou-vant se trouver dans l’état 0, cor-respondant à l’occupation del’un des états, ou dans l’état 1,correspondant à l’autre état. Enoutre, à la différence des sys-tèmes classiques, le systèmequantique peut se trouver dansn’importe quelle superpositionde ces deux états. Le bit quan-tique, ou qubit, ainsi réalisé per-met de coder infiniment plusd’information que le bit clas-sique. Soient deux qubits a et bplacés dans une superpositiondes états 0a et 1b d’une part, etdes états 1a et 0b d’autre part.Les états 0a1b et 1a0b sont enche-vêtrés : si on mesure le qubit adans un état particulier (0 ou 1),alors on sait que le qubit b setrouve automatiquement dansl’autre état (1 ou 0). Pour autant,aucune des deux possibilitésn’était prédéterminée dans l’étatquantique initial.

L’ordinateur quantique : un domainede recherche en pleine expansion

n INFORMATIQUE

SCIENCE ET TECHNOLOGIE36

La loi de Moore rendcompte du doublementde la densité detransistors dans lesmicroprocesseurs tousles 18 mois. Il existepourtant une limitationfondamentale à laminiaturisation :l’échelle quantique.

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DES PARADOXES DE LAMÉCANIQUE QUANTIQUECet enchevêtrement a fascinéles « inventeurs » de la méca-nique quantique dès les années1920. Il a donné lieu à la formu-lation de nombreux paradoxesqui ne peuvent pas être expli-qués en physique classique.Ainsi, Albert Einstein, BorisPodolsky et Nathan Rosen (EPR)ont discuté en 1935 commentle résultat de la mesure de deuxqubits a et b séparés spatiale-ment pourrait signifier qu’uneinformation a été échangée ins-tantanément, en violation duprincipe de causalité de la théo-rie de la relativité (limitant lavitesse maximale de propaga-tion d’une information par cellede la lumière)(7). Un autre para-doxe célèbre est celui du chatde Schrödinger enfermé dansune boîte où se trouve un qubit(microscopique) capable, selonson état, de déclencher l’ouver-ture d’une fiole empoisonnée

(macroscopique). La physiquequantique prévoit que le chatse trouve dans une superposi-tion quantique entre les états"mort" et "vivant". C’est seule-ment lorsqu’on ouvre la boîtequ’on projette classiquementle chat dans l’état "mort" ou"vivant" ! À l’origine, ces para-doxes étaient conçus commedes expériences de pensée mon-trant que la mécanique quan-

tique aboutit à des conséquencesdéfiant notre imagination. AlainAspect a réussi à réaliser l’ex-périence EPR avec des photons(grains de lumière) se compor-tant comme des qubits (1980-82). Le domaine de l’optiquequantique auquel la France aapporté des contributions impor-tantes (prix Nobel de ClaudeCohen-Tannoudji en 1997 etSerge Haroche en 2012) a long-temps été en pointe pour la réa-lisation de qubits avec des atomespiégés entre deux miroirs.Depuis, de nombreux systèmesont été proposés pour réaliserdes qubits plus facilement mani-pulables. Des atomes artificielsréalisés avec des circuits supra-conducteurs ont permis d’ob-tenir des résultats similaires etdes portes quantiques mani-pulant de tels qubits ont étéconstruites. De nombreux para-doxes de la mécanique quan-tique ont alors pu être testés enlaboratoire.

DES PROBLÈMES DE CALCULQUI DEVIENDRONTACCESSIBLESAu-delà de l’exploration desprincipes de base de la phy-sique, l’intérêt du calcul quan-tique et d’un éventuel ordina-teur quantique repose sur le faitque la manipulation d’un grand

nombre de qubits massivementenchevêtrés pourrait permet-tre de résoudre des problèmesdont la solution n’est pas acces-sible en temps raisonnable surun ordinateur séquentiel clas-sique. En 1994, Peter Shor a pro-posé un algorithme quantiqueefficace pour le problème defactorisation. Il a été testé expé-rimentalement avec un nom-bre modeste mais croissant dequbits. On a ainsi factorisé 21= 3 x 7 en 2012 ! L’ordinateurquantique de D-Wave évoquéprécédemment a, lui, été conçupour résoudre le problème duvoyageur. Les chercheurs onten fait testé ses performanceset n’ont pas observé de gain detemps par rapport aux ordina-teurs traditionnels. Cependant,les compétences acquises parD-Wave sont déjà impression-nantes et ont convaincu Googleet la NASA de s’associer à laconception d’un prototype dedeuxième génération. La réali-sation d’un ordinateur quan-tique autrement plus perfor-mant pourrait rester une chimère.Il est cependant indéniable quece domaine de recherche a beau-coup fait progresser notre com-préhension de la mécaniquequantique. Prédire quelles serontles véritables applications quien résulteront est une tâche dif-

ficile. De ce point de vue, il estimportant que les financementsattribués à ce type de recherchepréservent l’esprit de curiositécomme moteur des progrèsfuturs. n

*MANUEL HOUZET est chercheuren physique ([email protected])

(1) Ces découvertes ont été faites ausein du même laboratoire de recherchefondamentale (Bell labs) hébergé parune entreprise privée du secteur destélécommunications (AT&T) aux Etats-Unis, au sein duquel les chercheurs(parmi lesquels 7 prix Nobel) dispo-saient d’une très grande autonomiethématique et financière, et qui a dis-paru au début des années 2000.(2) Cf. Les nanosciences : enjeuxscientifiques et sociétaux, A. Lopes etJ.-N. Aqua, numéro 1 de Progressistes(préciser ?).(3) « Bit » est l’acronyme de binarydigit (chiffre binaire en anglais).(4) En toute rigueur, la mécaniquequantique est aussi nécessaire pourdériver les propriétés de ce fluide, dontle comportement est plutôt qualifié desemi-classique.(5) Les nombres premiers sont desnombres entiers uniquement divisiblespar 1 et par eux mêmes.(6) En pratique, aucun ordinateur clas-sique ne peut résoudre le problème duvoyageur avec quelques centaines demilliers de villes ou factoriser des nom-bres écrits avec quelques centaines dechiffres. (7) Un tel effet caractérise en fait lanon-localité des lois de la mécaniquequantique.

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Au-delà del’exploration desprincipes de base dela physique, le calculquantique (…)pourrait permettre derésoudre desproblèmes dont lasolution n’est pasaccessible en tempsraisonnable sur unordinateur séquentielclassique

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Le super calculateur de la Nasasitué à Columbia (USA)

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tion va-t-elle rester un employeurmassif avec les nouveautés tech-niques ou organisationnellesque certains préparent? L'effectifglobal approche 150 000 per-sonnes, avec de forts taux deturnover, qui suscite desembauches en continu pouvantfaire illusion. Une dominanteféminine et une forte présenceétudiante qui se complètentpour les répartitions d'horaires.Une caisse automatique coûtede 15 000 à 20 000 € avec unretour sur investissement en

trois ans et il y en a environ4 000 à 5 000 en France. Ellesont été testées prudemment, iln'y a pas eu d'introduction mas-sive susceptible de déclencherune contestation ou la colèrede clients, qui n'aiment pasattendre, mais n'aiment pas nonplus la croissance du chômage.D'autre part la disparition de

PAR ANNE RIVIÈRE *,

Médias et sociologuesmontrent un vif inté-rêt pour le métier de

caissière dans la grande distri-bution, qui concentre des ques-tions sociales très sensibles.Cela concerne des emplois àdominante féminine, dits peuqualifiés, aux salaires très bas,à temps partiel souvent subi(37 % des emplois), aux horairesmal commodes impactant lavie familiale. S'y ajoute la mono-tonie et pénibilité particulières,soumis à des calculs de rende-ment, d'intensité et stress ainsiqu'un regard social souventdévalorisant. Un mouvementsocial très courageux en 2008,impensable pour certains, a for-tement pointé le phénomènedu « travailleur pauvre », dontle salaire trop bas ne lui permetpas de vivre. Pour les princi-paux employeurs concernés, lasolution fut le « travailler pluspour gagner plus », c’est-à-direpasser des 28 ou 30 heures subiesau soi-disant temps complet« choisi », avec cinq heures decomplément à passer en rayon,ou en bijouterie ou à toute autretache. Cela représente environ200€ pour compléter des salairesde 800€ et un accès à la « poly-valence » salvatrice pour aug-menter l'intérêt du métier, avoirmoins de manipulations et depoids à porter et plus de contactavec le client. Avec l'apparitiondes caisses automatiques enlibre-service et des « douchettes »(des scanners code-barres pourclients), ces emplois sont-ilsmenacés ? La grande distribu-

l'humain dans leurs servicespréférés ou obligatoires lesheurte. Les publics ne sont pashomogènes dans leurs âges,leurs cultures, leur adaptabilitéaux nouveautés et les distribu-teurs sont prudents.

UN NOUVEAU RAPPORT AU CLIENTAinsi, le mouvement social de2008 a fortement frappé l'opi-nion, échaudé par une forteexpansion de l'automatisationdans les banques, les cinémas,la Poste (42 000 emplois perdusde 2002 à 2007), et déjà à l'époquedans la grande distribution.Aussi l'introduction des caissesautomatiques n'a-t-elle été quetrès progressive sur dix ans, pré-sentée invariablement par lescadres de la profession commeun complément de moyens sou-ple pour assurer la fluidité auxheures de pointe, avec mise àdisposition très rapide de qua-tre ou cinq caisses contrôléespar une seule caissière, derrièreun écran. Ce sont souvent lesmeilleures caissières qui tien-nent ces îlots de caisses, réser-vées aux paniers plus qu'auxcaddies. Leur travail change :de séquentiel et peu mobile, ildevient une tâche intense desurveillance et de détection/réso-lution de problèmes en 4 lieuxsimultanément. La caissièrepeut bouger, aider un client,vérifier une tentative de cha-pardage, une pesée d'articles,et cherche à éviter la constitu-tion de queue aussi derrière cescaisses-là en facilitant leur usage.Le rapport avec le client devientun rapport de formation « pro-

fessionnelle », plus ou moinsbien accepté, nécessitant plusde diplomatie et d'interactionspatientes que le contrôle decaisse normal. On les formepour jongler avec des logiquescontradictoires : fonction d'ac-cueil et guide pour résoudre lesproblèmes : mauvaise pesée,non-respect des consignes desécrans de machines, blocagesur un paiement de carte bleue,ne sont pas rares et chaque clientse vit seul et n'a cure de la flui-dité recherchée pour la file d'at-tente. L'obsession des respon-sables du magasin est pour ainsidire que le client en ressorte leplus vite possible en ayant payé.Éviter les queues ou les réduireafin d'éviter que le client renonceaux achats. Le client est roi etest aussi « imprévisible » dansses flux, surtout depuis les années1980, où est apparue tout à coupla nécessité d'adapter le tempsde travail et la présence des cais-sières à ses caprices. Ainsi au

Hôtesses de caisse (caissières) dansles grandes surfaces : quel avenir ?

TRAVAIL ENTREPRISE & INDUSTRIEn PRÉCARITÉ

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La présence majoritaire des femmes dans les fonctions de caissières ainsi que desjeunes étudiants, jeunes diplômés sont une caractéristique de ce secteur. L'apparitiondes caisses automatiques questionne. Faut-il y voir une possibilité de s'affranchir d'untravail pénible ou est-ce un moyen de plus pour augmenter les marges et licencier ?

Progressistes OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2013

Une caisseautomatique coûte de15 000 à 20 000 €avec un retour surinvestissement en troisans. Il y en a environ4000 à 5000 enFrance. Elles ont ététestées prudemment, iln'y a pas eud'introduction massivesusceptible dedéclencher unecontestation ou lacolère.

Caisse automatique aujourd’huicouramment utilisée dans lessupermarchés.

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lieu du temps complet avechoraires réguliers, le temps par-tiel surgit comme le moyen parexcellence de réduire cet aléaet de minimiser la dépense ensalaire pour qu'elle colle au plusprès aux flux de clients. La même« imprévisibilité » dans le dis-cours persiste aujourd'hui,curieusement, alors que l'onconnaît les moments d'affluencesur une année, ou sur un mois,empiriquement et par calculinformatique sur les donnéesdes années antérieures. Derrière« l'imprévisibilité » du flux declient, il y a donc eu construc-tion sociale du temps partielréservé aux femmes et à leurscontraintes familiales, large-ment financé par l'Etat (exoné-rations de prélèvements sociauxsur les bas salaires). Or, l'entréemassive des femmes sur le mar-ché du travail s'était d'abordfaite à temps complet. Si l'usagedu scanner en caisse a réduitau maximum les temps morts,selon l'idéal entrepreneurial duflux tendu propre au secteurindustriel, il a eu aussi d'autreseffets : une caissière classiquemanipule jusqu'à trois tonnesde produits sur une journée de8 heures et tourne 9 000 fois latête. Cela finit par un très groschiffre de troubles musculo-squelettiques (TMS) et un mil-lion de journées de travail per-dues en 2008, payées par laSécurité Sociale; celle-ci, depuis2005, a mené campagne pourréduire cette incidence et lesinvalidités. Le patronat y a vuune raison de plus, peu avouéeet peu glorieuse, pour contour-ner ce problème avec unerecherche incessante d'inno-vations techniques ou organi-sationnelles. Les troubles de

santé et rigidités d'horaires ontconduit certains employeurs àassouplir l'organisation desplannings en permettant auxsalariées regroupées en îlots deplanifier elles-mêmes sur troissemaines ou un mois leurs impé-ratifs personnels. Ainsi unéchange des moments « péni-bles » est devenu possible, danscertaines limites, entre collègues:fermeture, nocturnes, Samediet Dimanche, selon les secteurset les régions qui ne sont pastoutes sur un pied d'égalité pourles moyens de transport ou degarde d'enfants etc. Cette expres-sion des salariées a fortementréduit l'absentéisme partout oùelle est appliquée loyalement.

Pour autant, le «choix» du métierde caissière en est-il un ? Sestransformations en cours doi-vent d'abord nous interpellersur les questions des salaires etde la recherche d'égalité réelle,d'accessibilité concrète aux for-

mations professionnelles desjeunes femmes, sur les ques-tions de services publics utilespour la garde des enfants, surles transports, le logement, surle statut du jeune travailleur enétude, sur les questions d'ho-raires jusqu'à 22heures ou mêmeminuit pour Auchan au Portugal!Liberté pour les uns, esclavagepour les autres? La faiblesse dessalaires et les conditions de tra-vail des hôtesses de caisse appa-raissent bien comme la trans-position d'un rapport socialprofondément inégalitaire quiconduit « naturellement » à leursous-évaluation en matière desalaire et de droits sociaux(retraite). La surface de venteelle aussi est déclinée selon lesprix des produits et la clientèlevisée: les hypermarchés ne s'ins-tallent pas partout.

QUELLES RESPONSABILITÉSSOCIALES POUR LESENTEPRISES ?Alors que progressent la prisede conscience de cette questionet ses traductions légales et juris-prudentielles, les innovationstechniques et organisationnellesles plus récentes s'en évadent,dans « l'intérêt du client ». Ainsiont été testées les puces magné-tiques RFID, intégrées aux pro-duits, à lire par une machine-tunnel à la sortie, mais leurs coûtsélevés les réservent à des mar-chandises coûteuses ou spéci-fiques (bijoux…). Une autre for-mule connaît un importantdéveloppement, dans la guerreconcurrentielle des distribu-teurs: Le DRIVE. Le client ne metplus les pieds dans le magasinet commande sur internet saliste de courses. Sous le signe dutemps gagné, cette innovationséduit de nombreux clients moto-risés, des mères avec enfants quivont juste chercher le paquet surdes parkings réservés. En un an,deux mille sites ont été créés enFrance par Carrefour,Intermarché, et Leclerc aux grandsprojets. Au lieu d'une heure« client » pour le parcours decourses en magasin, l'employéerecrutée, formée spécialement

à la rapidité, met une demi-heure,ou même 10 minutes dans lesformules avec entrepôt. C'est unsuccès indéniable: l'innovationpermet de contourner la loi limi-tant l'implantation des grandesou très grandes surfaces et se ritdes efforts des édiles locaux pourpréserver les petits commercescar il suffit de déposer un per-mis de construire. L'argumentdes créations d'emploi est avancé,ainsi que la pression concurren-tielle scrutée pour se « piquer »les zones de chalandise (attrac-tivité commerciale). Remettreen cause ces métiers? Oui, maisselon une logique progressiste :en identifier la valeur humaineet salariale réelle et en qualifierd'autres pour briser l'enferme-ment dans le sous-emploi et laprécarité. Revoir les prix et com-ment ils sont fixés, hors de touteconsidération de juste rémuné-ration et de dégâts écologiqueset garantir des produits de qua-lité, préservant la santé. Un autremodèle agricole redéfinissantles liens producteurs consom-mateurs. Le « modèle » de la voi-ture à remplir le samedi ou lesoir tard dans des grandes sur-faces lointaines sous prétexted'économies connaît un certaindéclin. Les hypermarchés souf-frent d'une relative baisse derentabilité depuis la crise de 2008suite aux restrictions dues auchômage et aux salaires insuf-fisants. Le chiffre d’affaires de lagrande distribution frise tout demême les 300 milliards, avec uneffectif global de 600000 emplois(caissières et personnels divers)et représente environ 70 % ducommerce alimentaire en 2012.n

*ANNE RIVIÈRE est juriste et mem-bre du comité de rédaction.

À lire : - Guide pour une évaluation nondiscriminante des emplois à prédomi-nance féminine. Ouvrage collectif sousl'égide du Défenseur des droits, R.Silvera, S. Lemière, M. Becker - Travail et automatisation des ser-vices : la fin des caissières? SophieBernard. 2012.Éditions Octares. - Article de l’Humanité 25/01/2008, deMargaret Maruani.

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La faiblesse dessalaires et lesconditions du travaildes hôtesses decaisse apparaissentbien comme latransposition d'unrapport socialprofondémentinégalitaire quiconduit« naturellement » àleur sous-évaluationen matière de salaireet de droits sociaux(retraite).

Inventé en 1949, en usage à partir de 1973 aux États-Unis, le code-barres est aujourd’hui massivement utilisé dans le commerce. Il sertégalement dans tous les secteurs qui nécessitent un contrôle étroit duprocessus de production, de traçage et suivi des produits(biotechnologie, médecine...).

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TRAVAIL ENTREPRISE & INDUSTRIE

Alors que la finalité d’une entreprise est de produire des biens et des services corres-pondant aux besoins des citoyens, aujourd’hui, le statut juridique de l’entreprise nereconnaît que les actionnaires et les propriétaires. La loi peut changer.

compte tenu de ses finalitésactuelles, les travailleurs ne sontque des tiers et des coûts réduitsau maximum pour augmenterle profit.Le fait de ne plus confondre lesdeux entités ouvrirait la pers-pective d’une nouvelle logiqueéconomique beaucoup plusfavorable au travail et à l’em-ploi.

SORTIR DE L’IDÉOLOGIEACTIONNARIALE : LARÉMUNÉRATION DU CAPITALNE DOIT PLUS ÊTRE LAFINALITÉ DE L’ENTREPRISEPour sortir de cette confusion,il faut donc trouver une réponseà la question de l’organisationdes pouvoirs en vue d’alimen-ter démocratiquement les pro-cessus de décision. L’idéologieactionnariale a réussi à fairepasser l’exercice d’un pouvoir- le gouvernement d’entreprise- pour le simple usage d’un droit

de propriété, délégué par lesactionnaires au chef d’entre-prise qui ne doit rendre comptequ’à eux seuls, ses mandants.Or les actionnaires ne sont pro-priétaires que des actions émisespar les sociétés commercialesqui servent de support juridiqueaux entreprises, pas de l’entre-prise en soi. Quand il s’agit depayer les « pots cassés », lesactionnaires sont très heureuxde n’être que propriétaires des

actions qui leur accordent unelimitation de leur responsabi-lité et donc l’immunité.L’idéologie actionnariale, c’estle pouvoir sans la responsabi-lité, l’appropriation des gainsdécoulant de risques que l’onfait peser sur d’autres, le droitde créer des dommages sansl’obligation de dédommager. Ilfaut donc construire un systèmedémocratique dans lequel lerôle politique de l’entreprisefait l’objet d’une prise deconscience se traduisant par lamise en place de modes nou-veaux d’expression des intérêtsaffectés par l’activité entrepre-neuriale.Refonder l’entreprise pourconstruire une véritable démo-cratie économique implique

comme préalable d’assigner àl’entreprise une finalité insti-tutionnelle qui n’est plus le pro-fit puis en tirer toutes les leçonsen matière d’organisation despouvoirs et de nouvelle effica-cité économique et sociale. Lepouvoir dans l’entreprise nepeut plus provenir de la seulepropriété des titres de capitalémis par les sociétés commer-ciales servant de support juri-dique aux entreprises. Autrement

dit, changer de logique écono-mique et sociale suppose delaisser les droits de propriétésur les actions à leur place : larémunération du capital n’estpas la finalité de l’entreprise.C’est l’ensemble des coûts géné-rés par les décisions qui doitêtre pris en compte, seulemanière de décharger la collec-tivité du rôle qui lui est imposéaujourd’hui et auquel elle a dumal à faire face.

Il faut donc conduire juridi-quement les dirigeants desgrands groupes cotés en bourseà prendre en compte l’ensem-ble des intérêts qui vont êtreaffectés par leur décision etnon les seuls intérêts des action-naires. L’objectif est de pro-

Refonder la finalité et la«gouvernance» de l’entreprise

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n TRAVAIL

C’est dans l’entreprise que le travail est une source devaleur et de développement. Pour la société (au sensjuridique) et compte tenu de ses finalités actuelles,les travailleurs ne sont que des tiers et des coûtsréduits au maximum pour augmenter le profit.

Progressistes OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2013

PAR DANIEL BACHET*,

Baisse permanente descoûts et de la masse sala-riale, licenciements, délo-

calisations abusives, pollutionset atteintes à l’environnement…Tous les actes des entreprisessont guidés par une logiquepurement financière et le tra-vail n’est pas valorisé autantqu’il pourrait l’être car réduitlui aussi à un simple coût.On peut considérer de manièrelogique, opératoire et progres-siste que l’entreprise devraits’inscrire dans une dynamiquede développement où les savoirs,savoir-faire et compétencesprennent tout leur sens et devien-nent véritablement sources devaleur. Pour s’inscrire dans cetteoption, il faut tout d’abord sor-tir de la confusion entre les deuxentités distinctes que sont l’en-treprise (structure productive)et la société (entité juridique).Qu’elle soit une multinationaleou une PME, l’entreprise est lastructure productive qui pro-duit des biens et/ou des ser-vices dans le monde physique.Elle n’est pourtant pasaujourd’hui reconnue par ledroit. Seule la société disposed’une personnalité morale quila fait exister juridiquement.Cette confusion conduit à desconséquences désastreuses surla représentation et la gestiondu travail et surtout sur l’em-ploi. C’est dans l’entreprise quele travail est une source de valeuret de développement. Pour lasociété (au sens juridique) et

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duire des biens et/ou des ser-vices en vue de dégager unrevenu pour l’entreprise : lavaleur ajoutée. Il s’agit de lacontrepartie économique dela richesse créée. C’est la fonc-tion première et « l’objet social »même de l’entreprise qui donnedu sens à l’action du dirigeant.Ce dernier doit agir en respec-tant un certain nombre decontraintes (équilibre finan-cier, économique et écologique,intérêts collectifs des partiesprenantes, conditions de tra-vail, etc.). L’article 1832 du CodeCivil indique que la « sociétéest instituée par deux ou plu-sieurs personnes qui convien-nent par un contrat d’affecterà une entreprise commune desbiens ou leur industrie en vuede partager le bénéfice ou deprofiter de l’économie quipourra en résulter ». Il fautchanger cette formulation etsouligner que l’objectif de lasociété n’est pas de maximiserle profit et de partager le béné-fice qui en résulte (ce qui n’in-téresse que les détenteurs decapitaux) mais de maximiserla valeur ajoutée en vue de lapartager de manière juste entreles différentes parties prenantes(personnel, banques, État,actionnaires, société).Paul-Louis Brodier a mis en évi-dence une grandeur écono-mique ayant une importancemajeure pour l’entreprise qu’ila nommé Valeur Ajoutée Directedes ventes ou VAD. Il s’agit sim-plement de la différence entrele Chiffre d’affaires et laConsommation directe desventes.VAD des ventes = Chiffre d’af-faires – Consommation directedes ventes.La Valeur Ajoutée Directe est levéritable revenu de l’entrepriseconsidérée en tant qu’institu-

LES SALARIÉS DOIVENT AVOIR DES REPRÉSENTANTSDANS LES CONSEILSD’ADMINISTRATION DES ENTREPRISESL’axe structurant de la nouvelleorganisation pourrait être conçusur la base de la double légiti-mité des dirigeants (P.-D.G.,directeurs généraux) qui rece-vraient leur pouvoir de gestionet de décision du Conseil d’ad-ministration c’est-à-dire desactionnaires et des propriétairesmais aussi des salariés (Comitéd’entreprise et collectivité detravail). Dans cette nouvelleconfiguration, il faudra com-mencer par interdire les stock-options et autres rémunéra-tions axées sur la création de« valeur actionnariale », et taxertrès fortement les revenus finan-ciers des entreprises, la « vraie »valeur étant la valeur ajoutée.Le pilotage de la société et del’entreprise ne pourra alors s’ef-fectuer que sur la base decomptes de gestion orientéevaleur ajoutée dont la confron-tation permettra ensuite auxdifférentes instances institu-tionnelles reconfigurées deprendre des décisions plusconformes au développementde l’entreprise, seule entité quiimplique l’ensemble des acteurs(actionnaires, propriétaires,dirigeants, salariés, élus dessalariés). Les représentants dessalariés au Conseil d’adminis-tration seraient alors en mesurede faire connaître l’intérêt socialde l’entreprise qui se mesured’abord par la valeur ajoutée.Le pouvoir des apporteurs decapitaux est un des facteursparmi beaucoup d’autres per-mettant le fonctionnement del’entreprise. Il n’y a aucune rai-son justifiant que l’apport dedépart des actionnaires et despropriétaires leur octroie les

pleins pouvoirs alors que lahausse de la richesse de l’en-treprise provient en grande par-tie du travail des salariés et quece sont eux qui assument levéritable risque (perte de capi-tal pour les actionnaires, pertede leur travail pour les salariés).Les représentants élus des sala-riés devraient donc disposer dedroits de vote au sein du Conseild’administration. Dans ceconseil, la présence significa-tive de représentants de sala-riés permettrait de mieux défi-nir l’intérêt général en évaluantla justesse des décisions prisespar les directions.

Le choix du gouvernementactuel de ne retenir qu’un oudeux représentants des sala-riés dans les Conseils d’admi-nistration est une évolutionbien peu audacieuse (le rap-port remis au gouvernementpar Louis Gallois préconisaitd’en introduire quatre).n

*DANIEL BACHET est Professeur desociologie à l’Université d’Evry.

Bibliographie Bachet Daniel, Les fon-dements de l’entreprise, Construire unealternative à la domination financière,Paris, Les éditions de l’Atelier, 2007.Brodier Paul-Louis, La VAD, La ValeurAjoutée Directe, Une approche de lagestion fondée sur la distinction entresociété et entreprise, Montpellier,AddiVal, 2001. Brodier Paul-Louis, Un autre modèle économique : lalogique de la valeur ajoutée Site Vadway :http://www.vadway.com/Pages/Autre.php Robé Jean-Philippe, L’entreprise etle droit, Paris, PUF, Que sais-je ?1999.

tion (SA, Sarl, Scoop…) crééedans la perspective de produiredes biens et des services. Elleest à la source des revenus desayants droit et une contribu-tion au PIB (Brodier, 2013).La VAD est le revenu créé par l’en-treprise, considérée en tant qu’or-ganisation ayant concrètementpour fonction de produire desbiens et des services grâce auxressources réunies et « mises ensystème » par l’institution : per-sonnel, équipement, consom-mation de fonctionnement.

Il est par conséquent plus quejamais indispensable d’assi-gner cette finalité à l’entrepriseet de construire juridiquementc’est-à-dire politiquement, denouvelles règles qui tiennentcompte de celle-ci si l’on sou-haite rééquilibrer les pouvoirsconcernant les décisions deproduction et de répartitiondes richesses.La mise en avant de l’entitéentreprise comme intérêt supé-rieur aux intérêts des parties enprésence permettrait aux sala-riés de disposer de points d’ap-pui pour s’assurer une meil-leure représentativité dans leslieux où se joue le pouvoir(Conseil d’administration enparticulier).

Il n’y aucune raisonjustifiant que l’apportde départ desactionnaires et despropriétaires leuroctroie les pleinspouvoirs alors que lahausse de la richessede l’entreprise provienten grande partie dutravail des salariés

OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2013 Progressistes

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TRAVAIL ENTREPRISE & INDUSTRIE

75 % des échanges mondiaux se font par voie maritime. La « conteneurisation »,vecteur technique de la mondialisation, a permis une chute de plus de 60 % du prixdes transports. Le port du Havre, avec ses atouts et les 35 000 emplois qu'il génère,peut être un outil public industriel d'intérêt régional et national incluant la « contraintecarbone », à condition d'une volonté publique forte.

PAR DANIEL PAUL*,

Quelques chiffres pour illustrerle poids du complexe indus-trialo-portuaire du Havre dansl’économie nationale et dansl’emploi local.• Le Havre, second port deFrance, après Marseille, en ton-nage total de marchandises, estle 1er pour le nombre de conte-neurs manutentionnés, avec2,3 millions d’EVP(1) en 2012. • Près de 32 000 emplois sontrecensés par l’INSEE, se décom-posant en :• 14 400 emplois dans le « clus-ter » maritime. Ce sont surtoutdes emplois tertiaires, dont 1800dans le secteur public, y com-pris l’autorité portuaire,• 17 400 dans le « cluster » nonmaritime. Il s’agit d’emploisindustriels (automobile, raffi-nage, pétrochimie…), mais ausside services aux industries et dutransport terrestre qui concerneprès de 3000 emplois. • Si la zone industrialo-portuairepèse 22% de l’emploi de la régionhavraise, la richesse dégagéereprésente 42 % de la valeurajoutée dans l’ensemble consi-déré. Évaluée à 3,7 milliardsd’euros, elle correspond à 1/8e

de la richesse créée en Haute-Normandie. Soit 125 000 eurospar salarié !!!• le montant des droits et taxesacquittés à l’administration desdouanes du Havre atteint 3,25milliards d’euros.Ces chiffres illustrent les enjeuxéconomiques et sociaux liés à

la plate-forme industrialo-por-tuaire du Havre. Poumon localet régional, par le nombre et lanature des emplois, par les qua-lifications et les salaires, le PortduHavre est aussi un atout natio-nal, avec la large diffusion desmarchandises transitant parLe Havre et son poids dans lecommerce extérieur et les ren-trées fiscales de notre pays. Lesatouts du Havre au vent du libé-ralisme : à court terme, 75 % à80 % des échanges mondiauxse feront par voie maritime. Lesports prennent dès lors encoreplus d’importance. Mais ils sontpeu nombreux, ceux qui sontcapables d’accueillir les plusgros porte-conteneurs, les super-tankers… Le Havre est de ceux-là. Son tirant d’eau lui a tou-jours permis de recevoir les plusgros navires. Dans les années60, le percement de l’écluseFrançois 1er avait permis auxnavires d’accoster auprès desentreprises installées sur la ZoneIndustrialo-portuaire. Depuisles années 70, les supertankersviennent à Antifer. « Port 2000 »,c’est un accès simultané à 8porte-conteneurs de la dernièregénération, du type du dernier-né de CMA-CGM, le « JulesVerne », avec ses 396 m de long,ses 54 m de large, ses 16 m detirant d’eau et ses 16 000 « boîtes».Cette accessibilité est un atoutdans la concurrence à laquellese livrent les ports européenspour attirer les plus grands arme-ments, ceux qui dominent lecommerce maritime mondial.

Mais cela ne suffit plus à cesgroupes. Maximiser la rentabi-lité et les profits passe par desescales de plus en plus rapidespour des navires de plus en plusgrands, avec des tarifs de plusen plus bas… Tout ce qui peut« gripper » les résultats doit doncêtre modifié. C’est le sens desréformes portuaires exigées parla Commission Européennedepuis plus de 20 ans. En

quelques années, la manuten-tion, les dockers, les conduc-teurs d’engins, l’outillage et lespersonnels de maintenance sontpassés aux mains du privé liéesaux compagnies maritimes. LePort garde la gestion des ponts,de l’écluse, une réparation navale(très réduite), le secteur croi-sière… Il reste aussi proprié-taire des quais. Pour accueillir

les navires, les armements dis-posent, par Autorisationd’Occupation Temporaire (AOT),de postes à quai sur lesquels ilsinstallent leurs matériels demanutention, portiques, grues,etc… Cette libéralisation s’estheurtée à de grandes luttessociales des personnels, soute-nues par les communistesdu Havre et leurs élus, du ConseilMunicipal jusqu’au Parlement.Nous avons toujours estimé queles enjeux portuaires et la pré-servation de l’avenir justifientque les ports restent sous maî-trise publique, ce qui signifiait,et signifie toujours, qu’ils nesoient pas dessaisis des moyensleur permettant la poursuite deleurs activités, face à des arme-ments dont les intérêts sont deplus en plus internationalisés.Et nous avons toujours défendul’idée que les objectifs de « per-formance industrielle » étaienttout à fait compatibles avec lesstatuts du port et des différentspersonnels. Ces luttes(2) ont per-mis d’éviter les aspects les plusnégatifs et de maintenir la vigi-lance face aux volontés de relan-cer de nouvelles phases de libé-ralisation. Vigilance justifiée car,pour gagner en rapidité, cer-tains revendiquent l’allégementdu contrôle des marchandisesimportées, ce que dénoncentles personnels des douanesconfrontés aux réductions demoyens humains et matérielspour un bon exercice de leursmissions. Il faut regretter quele ministre des transports n’ait

Le port du Havre, un poumon pour la ville, un atout pour la France

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n ENTREPRISE

Les grands ports belgeset hollandais fontpasser 40 % de leurstrafics conteneurs parle rail, quand lepourcentage Havraisest tombé à 5 %,symbolisant l’échecd’une politique de fretferroviaire, tant auniveau desinvestissements quedes réponses auxenjeux.

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pas hésité à intégrer cet allége-ment dans son « plan » de com-pétitivité des ports.

UN PORT A BESOIN DELIAISONS TERRESTRESUn port a besoin de lignes mari-times, mais aussi besoin de liai-sons terrestres – fluviales, fer-roviaires et autoroutières – versdes « hinterlands » souvent loin-tains, vers l’est de la France,l’Europe centrale. C’est un enjeumajeur, environnemental etéconomique qui interpelle l’État.Force est pourtant de consta-ter que notre pays n’a jamaistiré les conséquences de sesvocations maritimes et por-tuaires. Faut-il rappeler que l’au-toroute de Normandie, à sa créa-tion dans les années 60, joignaitDeauville à Paris mais ignoraitLe Havre et qu’il faudra atten-dre les années 80 pour que lepont de Tancarville soit relié,par autoroute, au Havre. Les grands ports belges et hol-landais font passer 40 % de leurstrafics conteneurs par le rail,quand le pourcentage Havraisest tombé à 5 %, symbolisantl’échec d’une politique de fretferroviaire, tant au niveau desinvestissements que desréponses aux enjeux. C’est moinsque le fluvial, et pourtant, cedernier souffre aussi de l’ab-sence d’une liaison facile entreles quais à conteneurs et le fleuve,alors qu'Anvers et Rotterdamreportent leurs marchandisesà 30 % par voie d'eau, modesobre en énergie et en émis-sions de CO2 (trois fois moinsde carburant que le transportroutier). Le trafic de l'estuairede la Seine se fait à 87 % par laroute ! Ferroviaire et fluvial : lesexigences en matière de trans-ports terrestres pour un déve-loppement portuaire suppor-table sont là. Cela signifie quepour bien répondre à la grandequestion nationale et européennedes transports de demain, inté-grant celles de l’environnementet de l’aménagement du terri-toire, les enjeux portuaires nepeuvent plus être ignorés par lapuissance publique.

LE PORT, ACTEUR ET TÉMOIN« L’activité industrielle et l’em-ploi qui en découle sont despans essentiels de la stratégieportuaire… Cela fait bien par-tie des objectifs des Grands PortsMaritimes de développer l’em-ploi portuaire et l’emploi indus-triel lié à l’activité portuaire ».Cette déclaration du Présidentdu Directoire du Port du Havreest importante. Encore faut-ilque se traduise dans les faitsl’idée qu’un port n’a pas seule-ment à se préoccuper des acti-vités de transport et des activi-tés maritimes, mais qu’il doitaussi intégrer dans sa stratégiele développement industriel et

favoriser l’installation de nou-velles entreprises sur le domainepublic portuaire et au-delà. Nousavons toujours défendu unedouble idée : le port du Havredoit être un outil public et unacteur dans le développementde l’activité et de l’emploi indus-triels. Ainsi, nous soutenons lesprojets d’implantation, au Havre,d’usines destinées à la filièreéolienne offshore, synonymesde centaines d’emplois indus-triels. Mais les évolutions des traficsmaritimes et portuaires témoi-gnent aussi des conséquencesdes coups de boutoir que subitnotre tissu industriel. Ainsi, lafermeture de 2 tranches de lacentrale thermique du Havre aconsidérablement réduit lesimportations de charbon, doncles emplois et les recettes quis’y rattachent. Quant à l’arrêtde «Petroplus», s’il était confirmé,il entraînerait une baisse signi-ficative du trafic de pétrole brut.

Et deux constats sont préoccu-pants :• Le trafic conteneurisé devienten 2013 le 1er trafic du Portdu Havre, ce qui justifie unegrande vigilance sur les évolu-tions de ce type de trafic. • Le Havre est de plus en plusun port d’importation, ce quitémoigne de la désindustriali-sation de notre pays.Or, si les armements interna-tionaux peuvent trouver leurcompte dans des importationstoujours plus importantes et untrafic conteneurisé dépassantnos frontières nationales, nousne saurions nous satisfaire d’uneactivité portuaire surfant sur ledéclin industriel. Notre bataillepour la relance de notre appa-reil productif se nourrit ausside ce constat.

DU PORT AUTONOME, AUGRAND PORT MARITIME ET ÀHAROPA Le statut de « Port Autonome »marquait une volonté politiquede maîtrise publique. Le pas-sage de « Port Autonome » à« Grand Port Maritime » reflèteles pressions libérales en Europeet en France et la volonté d’im-poser une plus grande présencedes intérêts privés. Nous avionsdénoncé, dans le débat parle-mentaire, cette étape nouvellede l’évolution des ports. HAROPA,GIE créé par les ports du HAvre,de ROuen et de PAris, consti-tue aujourd’hui le 5e ensembleportuaire européen, derrièreAmsterdam, Hambourg, Anverset Rotterdam. Si l’intention affi-chée est de développer les com-plémentarités, soutenir l’acti-vité et l’emploi, développerl’axe-Seine, la vigilance est forteparmi les salariés qui craignent,

à juste titre, que ce GIE soit leprélude à une fusion des 3 ports.La création du Port du Havre,en 1517, visait à pouvoir accueil-lir les plus gros navires del’époque, marquée par lesgrandes expéditions maritimes.Ses caractéristiques actuelleslui permettent de répondre auxdéfis auxquels il est confronté.Mais cela ne se fera pas sansune volonté politique forte, affir-mant et concrétisant la maîtrisepublique nécessaire sur tout cequi engage son avenir. Par ail-leurs, les missions d’un grandport international ne sauraientse limiter à la bonne gestion dutransit des marchandises dansses bassins ; il doit s’impliquer,en coopération avec les collec-tivités territoriales, dans l’amé-nagement et l’industrialisationdes territoires qu’il irrigue. Enfin,n’est-il pas temps de dépasserla concurrence effrénée entreles ports, les territoires et leshommes et de réfléchir à descoopérations permettant demieux appréhender les évolu-tions du monde, une autreconstruction européenne, d’au-tres modes de productions, deséchanges entre différents sec-teurs (industrie et agriculture),des symbioses entre des activi-tés-clefs et des moyens de trans-port à mettre en œuvre ? n

*DANIEL PAUL est Conseiller Municipaldu Havre, député honoraire.(1) EVP : Equivalent Vingt Pieds, soit6 m. Unité de longueur utilisée pourles conteneurs, mais il existe desconteneurs plus longs et plus courts.

(2) Voir à ce sujet mon rapportn°3507, de 2001, sur « les portseuropéens, face aux dérives de ladéréglementation ». Site del’Assemblée Nationale : www.assem-blee-nationale.fr

Nous ne saurions noussatisfaire d’une activitéportuaire surfant sur ledéclin industriel. Notrebataille pour la relancede notre appareilproductif se nourritaussi de ce constat.

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TRAVAIL ENTREPRISE & INDUSTRIE

Aux antipodes des arguments avancés par les « Pigeons » et les « Poussins », cet arti-cle nous éclaire sur la réalité des difficultés des PME : quelles relations entretiennent-elles avec les grands groupes ? Quel est leur accès aux financements ? Quelle diffé-rence avec la situation allemande ? Cet article a été également publié dans uneversion plus longue dans la revue « économie et politique » du mois de septembre.

PAR YVES DIMICOLI *,

Alors qu’en 2012, 61 294 entre-prises ont fait faillite en France,dont 57 284 PME1 ,cela reparten 2013, avec la récession et lerationnement du crédit ban-caire. Ce sont des PME de plusde 50 salariés qui font faillite.Selon la 17e édition du baromè-tre de KPMG2 et de la CGPME3

(mars 2013), le pessimisme desdirigeants de PME atteint unrecord depuis la création decette enquête (mars 2009). Plusd’un tiers d’entre eux estimentque la situation économiquefrançaise a des impacts néga-tifs importants sur les condi-tions d’accès au crédit.Pourtant F. Hollande se félicitede la baisse du coût du travailque vont permettre les 20 mil-liards d’euros du crédit d’im-pôt compétitivité. Il encensel’accord national interprofes-sionnel (ANI) qui permettra auxemployeurs de supprimer plusfacilement des emplois, de bais-ser les salaires, de disposer demain-d’œuvre plus précaire. Illoue la création de la Banquepublique d’investissement (BPI)qui, n’interviendra qu’en sou-tien de « fonds privés », pour desPME « performantes » sur desmarchés « en croissance ». Elledevra « corriger les imperfec-tions du marché » bancaire etsurtout pas changer les critèresdu crédit aux entreprises.

Loin de permettre aux PME etETI4 français de constituerquelque chose d’équivalent au« Mittelstand5 » allemand, cettepolitique va les affaiblir.

Une raison essentielle des dif-ficultés de PME, qui représen-tent, en France, 56 % de la valeurajoutée marchande et 66 % del’emploi marchand, tient à lafaiblesse de la demande inté-rieure avec le chômage, la pré-carité des contrats de travail,les bas salaires qui minent lademande salariale, tandis queles politiques d’austérité bud-gétaire dépriment la demandepublique.D’autres raisons expriment, plusprofondément, leur inefficacitérelative par rapport aux PMEd’outre-Rhin.

LA FAUTE AUX GROUPES L’Allemagne a bâti son efficienceindustrielle, non sur de bas coûtssalariaux, mais grâce à des rela-tions entre grands groupes, PMEet banques permettant des rap-ports bien meilleurs qu’enFrance.En France, il n’existe quasimentpas de relations à long termeconstruites entre grandes socié-tés et PME, sauf lorsque celles-ci sont satellisées par un groupeou, dans le sillage d’une grandesociété, partie prenante d’unpôle de compétitivité. Aussi, dèsque des difficultés conjonctu-relles se font jour, ce sont lesPME indépendantes et leurssalariés qui, les premiers, sup-portent la charge des ajuste-ments.Les grandes sociétés, qui réali-sent de plus en plus leur chif-fre d’affaires hors de France,canalisent une grande part des60 milliards d’euros d’aidespubliques annuelles distribuéesaux entreprises.

En France, à la différence del’Allemagne, les PME à fortecroissance, notamment cellesque l’on nomme « les gazelles »(entreprises jeunes à forte crois-sance), disparaissent prématu-rément, absorbées par de grandsgroupes.Les grands groupes sélection-nent les PME les plus dyna-miques, qui ont 19 % de chancesde connaître une restructura-tion après absorption, contre3 % si l’entreprise reste indé-pendante.Tous les efforts des pouvoirspublics, en amont de ces inté-grations, comme, par exemple,la multiplication de fonds decapital-risque et de capital inves-tissement, ou l’aide au déve-loppement de l’épargne enactions, sans parler des aidesdirectes à la rentabilité (créditsd’impôt, exonérations de coti-sations sociales...) constituentainsi, un subventionnementindirect à la croissance préda-trice et l’écrémage des grandsgroupes.Les grands donneurs d’ordrepillent aussi les PME par le ral-longement des délais de paie-ment dont la France est cham-pionne. Ils sont à l’origine d’uncrédit à court terme implicite,le crédit inter-entreprise, qui apu être évalué à plus de 600 mil-liards d’euros au 31 décembre2011, soit environ 30 % du PIBfrançais, contre 14 % enAllemagne.Cette pratique induit un risqued’impayé qui oblige les entre-prises exposées à recourir à desassureurs-crédit dont les ser-vices coûtent d’autant plus cher

qu’ils sont en situation d’oligo-pole et deviennent de plus enplus sélectifs avec la stagnationde l’économie. Le recours forcéde nombre d’entreprises à l’af-facturage6 accentue la main-mise des grands groupes ban-caires.De 1990 à 2005, les PME ontcherché à se désendetter enFrance. Mais cela n’a pas débou-ché sur une reprise de leursinvestissements matériels. Aucontraire, la part de la valeurajoutée qui leur est consacréemarque une baisse régulière surla période.Les PME françaises ont utiliséune part croissante de leursbénéfices pour alimenter leurtrésorerie, dans le but « de seprémunir contre les chocs néga-tifs dans un contexte où lesconcours bancaires sont diffi-ciles à obtenir ». C’est ainsi, que

les liquidités détenues repré-sentaient 13 % du bilan en 2010pour les PME de l’industriemanufacturière et le commerce,et plus de 16 % pour la construc-tion.C’est dire l’importance d’unchangement profond des rela-tions entre groupes et PME avec

PME : Pourquoi tant de difficultés ?

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n ENTREPRISE

Les grandes sociétés,canalisent une grandepart des 60 milliardsd'euros d'aidespubliques annuellesdistribuées auxentreprises.

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la transformation des actuelspôles de compétitivité en pôlesde coopération et la création,le long des filières industrielleset de services, de pôles publicsd’impulsion, acteurs d’une nou-velle politique industrielle visantla sécurisation de l’emploi etde la formation, le redressementproductif et la protection del’environnement.

LA FAUTE AUX BANQUES Cela exprimerait, aussi, la dif-ficulté des rapports banques-PME en France. Les premièresdétiennent un très fort pouvoirde marché sur les secondes« dans la mesure où elles ne réper-cutent que de façon différée etpartielle les baisses de taux surles crédits de court terme de plusfaibles montants ».Un rationnement du créditfrappe ainsi les PME françaisesrestées indépendantes, tandisque les plus performantes, une

fois absorbées par des groupes,accèdent aux financementsmutualisés internes et aux pré-lèvements de ces derniers.Ce serait là une raison essen-tielle pour laquelle les PME, enFrance, tendent à freiner leursinvestissements et accumulentde la trésorerie. Cela engendreun vieillissement relatif de leurscapacités productives qui, mar-chant de pair avec une insuffi-sance des qualifications dessalariés et de l’effort de R&D,contribue à une perte d’effica-cité du capital des PME parti-culièrement sensible en France.En Allemagne, par contre, lesecteur public bancaire, avecles secteurs coopératif et mutua-

liste, domine le marché ban-caire. Les banques des Länderdétiennent 20 % de ce marché.Ce pays a développé le conceptde « banque maison » (haus-bank) : les entreprises allemandesentretiennent avec leur banque,souvent unique, des relationssuivies de partenariat à longterme. Ce type de relations fait

que les faillites sont moins nom-breuses en Allemagne et lesbanques sont moins rentablesfinancièrement qu’en France.Le rationnement du crédit auxPME a pris de l’ampleur enEurope du sud avec les plansd’austérité et malgré les 1 000milliards d’euros de prêts à troisans accordés par la BCE auxbanques à 1 % de taux d’inté-rêt seulement. Effectuée sansaucun changement des critèresdu crédit, cette création moné-taire n’a fait qu’encourager laspéculation, au lieu de lever lefrein du crédit.En France, les encours de cré-dit mobilisés par les entreprisesrésidentes n’ont crû que de 0,1 %

pour les PME entre novem-bre 2012 et février 2013, contre0,6 % pour les grandes entre-prises. Les PME appartenant àun groupe (+0,6 %) paraissentfavorisées par rapport aux autresPME (+0,1 %).Sans réforme du système ban-caire et des critères du créditaux entreprises, sans réorien-tation du système européen debanque centrale et de la poli-tique monétaire de la BCE, cerationnement perdurerait, accen-tuant les tendances dépressivesde la zone euro, avec la mise enœuvre des règles prudentiellesde Bâle III. Elles prétendent inci-ter les banques à adopter descomportements plus sains etmoins risqués que ceux qui ontconduit à l’explosion de la crisefinancière de 2007-2008 en accen-tuant leurs besoins de fonds pro-pres relativement aux créditsaccordés et, donc, leurs exi-gences de rentabilité financière.F. Hollande cherche à encoura-ger les PME et les entreprisesde taille intermédiaire (ETI) lesplus performantes à aller cher-cher des fonds sur le marchéfinancier et à développerl’épargne en actions. Pourtant,le lancement, en mai 2005, dumarché Alternext débouche surdes résultats plus que mitigés.Surtout, dans l’industrie manu-facturière, on constate que lapart des capitaux propres dansle bilan des PME françaises agagné plus de 6 points depuis2000, à 41,5 % en 2010, soit letroisième plus haut niveau enEurope, après celui des PMEbelges (50,5 %) et polonaises(48,5 %). Mais cela n’a en aucunefaçon détendu le crédit, le tauxd’endettement bancaire desPME françaises demeurant l’undes plus faibles en Europe, niamélioré l’efficacité productivedes PME et ETI.Les ETI les plus rentables ten-dent à se tourner vers des « finan-cements alternatifs » désinter-médiés encore plus sélectifs, cequi va accentuer le dualisme

déjà si prononcé du secteur PMEen France.Autant de fuites en avant aveclesquelles il faudrait rompre,notamment par la création d’unpôle financier public regrou-pant la CDC, la banque pos-tale, la BPI, les banques mutua-listes et des banquesnationalisées. Il distribueraitun nouveau crédit, pour lesinvestissements matériels et derecherche des entreprises, dontle taux d’intérêt serait d’autantplus abaissé, jusqu’à zéro, voireen dessous (non-rembourse-ment d’une partie du crédit)qu’ils programmeraient plusd’emplois et formations cor-rectement rémunérés et de pro-grès écologiques.n

*YVES DIMICOLI est responsable dela commission économique nationaledu PCF

(1) Ce texte est intégralement en lignesur www.progressistes.pcf.fr avectoutes les références afférentes.

(2) KPMG, qui tire son nom de quatrecabinets d’audits comptables qui ontfusionné en 1986, est un réseaumondial de prestations de servicesd'audit et de conseil aux entreprises,c’est le quatrième cabinet en termed’audit.

(3) La Confédération Générale desPetites et Moyennes Entreprises estune organisation patronale quiregroupe les dirigeants de PME qui nesont pas membres du MEDEF.

(4) Entreprises de taille intermédiaire,qui comptent de 250 à 4999 sala-riés.

(5) Le Mittelstand renvoie, enAllemagne, à la notion d’entreprisesfamiliales indépendantes, de taillemoyenne. Elles constituent un réeltissu économique intermédiaire sousles grands groupes, créant une cer-taine élasticité à l’économie alle-mande.

(6) Technique visant à confier à untiers, le plus souvent une banque, lesoin de recouvrer les créances à rece-voir. En termes plus simples, il s’agitde vendre à une banque le rembour-sement d’une de ses dettes, celle-ci,contre le paiement de la dette en unefois à la société créditrice sera doncdotée de titres de créances à recevoir.

Ce pays (l’Allemagne) a développé le concept de« banque maison » (hausbank) : les entreprisesentretiennent avec leur banque, souvent unique, des relations suivies de partenariat à long terme.Ce type de relations fait que les faillites sont moinsnombreuses.

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Économie et politique, revue marxiste d'économie(http://www.economie-politique.org)

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PAR HUBERT KRIVINE*,

Une horloge arrêtéeindique certainementl’heure exacte – et même

deux fois par jour - mais on nesait pas quand. De la même façon,le doute systématique permetcertes de se prémunir des erreursou des escroqueries, mais il ignoreégalement le vrai au passage.Quelles que soient les satisfac-tions intellectuelles et souventmondaines qu’il peut procurer,le doute systématique est doncaussi opérant que notre horlogearrêtée.Historiquement pourtant, ledoute a fait œuvre salutaire : c’estle « doute scientifique » apparucomme mise en question desvérités révélées. Sous sa formeplus moderne, c’est la notionpopularisée par Popper que toutevérité pour être scientifique doitêtre réfutable. Une vérité scien-tifique « indiscutable » est doncun oxymore.Croire une affirmation seule-ment quand on a de bonnes rai-sons de la croire vraie peut sem-bler une banalité, uncomportement que tout le mondetient. Mais le « seulement » rendce comportement souvent dif-ficile à maintenir. Les exemplesabondent.Croire à un paradis au ciel, commel’annonce la Bible ou en URSScomme le proclamait la propa-gande de Staline, sont descroyances fondées sur le bien-fait qu’on en espère(1). La reli-gion peut éventuellement cal-mer la peur de la mort et

l’astrologie répondre à desangoisses, ça ne les rend pasvraies pour autant. Les « bonnesraisons » fondées sur l’avantage(ou l’inconvénient) qu’il y auraità croire (ou à ne pas croire) sonten fait de bien mauvaises rai-sons. Il en va de même quandon juge une information seule-ment à l’aune de sa source.Qu’une information vienne dela CIA la rend certes douteuse,mais ne la disqualifie pas à coupsûr : après tout, ces Messieurs,quand ça les arrange, peuventaussi avoir intérêt à dire deschoses qui se trouvent être vraies :hélas, le goulag a bien existé.Lemaitre, prêtre de son état, pré-sident de l’Académie pontificale,a élaboré une théorie de « l’œufprimitif » qui fut initialementsaluée par le Pape comme prou-vant le Fiat Lux de la Bible. Etpourtant, cette théorie actuel-lement appelée « Big Bang » estuniversellement reconnue.

Mais quid des « bonnes raisons »si on se refuse de les fonder surleur vertu opératoire de courtterme ?La réfutabilité, la reproductibi-lité, l’universalisme, la parcimo-nie, la capacité à prévoir, la consis-tance, etc. sont les attributshabituels d’une proposition jugée« scientifique ». Il faut ajouterun autre au moins aussi impor-tant et curieusement moins sou-vent évoqué : son imbricationdans le reste des connaissances.Cette imbrication lui procure enquelque sorte un poids effectifsupérieur à la force de ses seulssuccès locaux. En d’autres termes,

le poids d’une connaissance inté-grée s’alourdit du poids de toutesles autres(2). Les journalistes peu-vent sans état d’âme titrer sur lamémoire de l’eau ou la vitessedes neutrinos supérieure à cellede la lumière, la communautéscientifique, effrayée par la chaînedes conséquences, est plus réser-vée. Conservatisme de la science ?Peut-être, mais c’est aussi l’exi-gence qu’à affirmation excep-tionnelle il faut des preuves excep-tionnelles. N’oublions pas quecette même communauté auraaccepté la mécanique quantique

avec son cortège de résultats stu-péfiants (chat de Schrödingermort et vivant à la fois, un élec-tron passant simultanément pardeux trous à la fois, etc.).Cette version de la validité desconnaissances scientifiques estradicalement mise en questionpar les tenants (ou les héritiers)du « programme fort »(3), pourqui « le contenu de n’importequelle science est social de parten part ».À des variantes près, Bruno Latour,dans son livre La Science en action(La Découverte, 2005), s’était faitle chantre de ces conceptions.Nous ne sommes pas certainsque Latour continue aujourd’hui

encore à flirter avec ce courantrelativiste, mais son œuvre a euun grand écho national et inter-national. Un commentaire deJacques Bouveresse sur le phi-losophe allemand Spengler (1880-1936) semble écrit pour lui :« Spengler - dont certains de nosphilosophes des sciences « post-modernes », qui connaissentaujourd’hui un succès compa-rable au sien, ne semblent tou-jours pas avoir remarqué à quelpoint il les avait devancés - s’estcontenté de sauter immédiate-ment à la conclusion qu’il n’y

avait pas de réalité, que la natureétait une simple fonction de laforme culturelle variable danslaquelle elle s’exprime, autre-ment dit, que c’est la nature quiest une fonction de la représen-tation que nous en construisons,et non pas, comme on pouvaitle croire et l’espérer jusqu’à pré-sent, l’inverse. Et il est parvenuà la conclusion que les questionsépistémologiques étaient, en finde compte, uniquement desquestions de style, les systèmesphysiques se distinguant les unsdes autres et s’opposant les unsaux autres comme les tragédies,les symphonies et les tableaux,en termes d’écoles, de traditions,

L’attitude scientifique, douter ou relativiser ?

n EPISTÉMOLOGIE

ENVIRONNEMENT & SOCIÉTÉ46

Dans les attributs d'une proposition jugée«scientifique», il en faut ajouter un, peu souventévoqué : son imbrication dans le reste desconnaissances. Cette imbrication lui procure enquelque sorte un poids effectif supérieur à la force deses seuls succès locaux.

La démarche scientifique est guidée par la volonté de comprendre, se nourrissant de laconfrontation au réel, incluant le doute. Alors que les positions relativistes de Bruno Latour ouIsabelle Stengers qui considèrent que « le contenu de n'importe quelle science est socialde part en part » gagnent du terrain, c’est un rappel salutaire.

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de manières et de conventions(c’est à peu près textuellementce qui est affirmé dans Le Déclinde l’Occident). »Synthétiquement, ce courant depensée considère naïf de faireintervenir la Nature - c’est-à-direl’expérience - comme arbitre descontroverses scientifiques ; ou,plus subtilement, ne la consi-dère que comme un argumentrhétorique supplémentaire. Lanotion de « vérité » scientifiqueserait une imposture. À la limite,ce sont les scientifiques qui fabri-queraient les objets qu’ils croient« découvrir ». Qu’est-ce qui décidealors de la clôture d’une contro-verse ?

Ce serait le rapport de forcesentre les différents réseauxhommes (et machines) prota-gonistes du débat. Les chercheurs, nous affirmeBruno Latour : « n’utilisent pas la nature commeun juge extérieur et, comme iln’y a aucune raison d’imaginerque nous sommes plus intelli-gents qu’eux, nous n’avons pas,nous non plus, à l’utiliser. »Typique encore est l’affirmationd’Isabelle Stengers (Les conceptsscientifiques, Gallimard, 1991) :« Un concept n’est pas doué depouvoir en vertu de son carac-tère rationnel, il est reconnucomme articulant une démarcherationnelle parce que ceux quile proposaient ont réussi à vain-cre le scepticisme d’un nombresuffisant d’autres scientifiques,eux-mêmes reconnus comme«compétents» [...]»

Comme souvent, chez ces rela-tivistes on passe d’une trivialitévraie : « si le concept est reconnu »,c’est bien qu’il y ait « un nom-bre suffisant d’autres scienti-fiques » pour le faire, à une tri-vialité fausse : cettereconnaissance ne devrait rienà « son caractère rationnel ».Latour, comme Stengers ne pren-nent aucun risque et couvrenttout le champ du possible enaffirmant que c’est le meilleurréseau qui gagne, mais ils n’ontrien dit. En revanche, lorsqu’ilsracontent que la nature, c’est-à-dire l’expérience et l’imbrica-tion dont nous avons parlé nejouent qu’un rôle rhétoriqued’appoint, ils disent quelquechose et ce quelque chose estfaux.

Galilée avait osé affirmer, contreAristote et le Saint-Siège, que lesmontagnes de la Lune et les satel-lites de Jupiter n’étaient pas desartefacts de sa lunette. Il a fina-lement gagné parce que mon-tagnes et satellites étaient bienlà, tout simplement.Tout simplement ? Mais les satel-lites de Jupiter et les montagnesde la Lune étaient là depuis desmilliards d’années et personnene les avait vus. Pour ce faire, ilfallait de l’audace, une certainecuriosité et surtout disposer dela lunette des Hollandais. Audace,curiosité et lunettes ne tombentpas du ciel ; ce sont clairementles productions d’une société àun certain moment. Mais cecine fait pas des montagnes de laLune une construction sociale.

L’histoire de l’ « hypothèse ato-mique » est analogue, même sila lunette qui a permis de « voir »les atomes est autre chose qu’untube muni d’une lentille conver-gente à un bout et divergente àl’autre – pour ne pas mention-ner la « lunette » qui a permis de« voir » le boson de Higgs. C’està la construction de cette « longue-vue » qu’on a assisté, pas à celledes atomes ! L’Amérique existaitavant Christophe Colomb,comme les microbes avantPasteur !

Les théories relativistes sont peuconnues, et en tout cas sansinfluence, chez les profession-nels de la science, qui de façongénérale - et à tort - se désinté-ressent de la sociologie dessciences(4). Nous leur avons donnéde l’importance dans la mesureoù elles en ont pour certainsjournalistes « savants » et déci-deurs politiques, voire pour cer-tains enseignants. Sciences Po,par exemple, censé former nosfutures « élites », avait choisi unsociologue comme directeurscientifique : Bruno Latour. Cesthéories ne sont pas directementresponsables des politiques scien-tifiques actuelles mais en consti-tuent d’excellents compagnonsde route. En effet, si le succèsd’une théorie scientifique surses concurrentes est dû à la consti-tution d’un lobbying assurant lameilleure publicité, voire la meil-leure propagande, mieux vautalors développer dans les uni-versités le budget « com », assu-rer le meilleur réseau, dévelop-per la visibilité, la concurrenceet l’ « excellence ». Cette concep-

tion cynique d’une recherchemue par le désir de pouvoir serapprocher du coup d’un désird’enrichissement personnel,d’où le rôle de la prime au mériteet la tendance à faire du facteurh(5) le critère de la valeur d’unchercheur et du classement deShanghai, celui d’une univer-sité. Dans cette période d’aus-térité, c’est un choix plus éco-nomique que celui d’uneformation de masse et d’expé-riences coûteuses dont les résul-tats ne sont jamais garantis. Ilne s’agit pas de stopper larecherche, mais de la ramenerà ce qu’elle vaut : un argumentde plus dans la rhétorique de lacompétition. Le malheur vou-drait que cette philosophiedéviante devienne auto-réalisa-trice. Alors, on ne formera plusdes chercheurs, mais des gagnantsou des « communicateurs », visantà se faire une place sur un mar-ché des connaissances. Confondrel’intérêt de la science avec sonintéressement, c’est à terme lastériliser. n

*HUBERT KRIVINE est physicien. Il a été chercheur au Laboratoire de physique théorique et modèles statistiques de l’Université Paris-Sud(LPTMS).

Livre : La Terre, des mythes au savoir

(1) Vieille affaire déjà considérée parles Anciens : en latin, Argumentum adconsequentiam, l'argument par laconséquence.(2) La sociologue nord-américaineSusan Haack donne une image trèsparlante de cet enchevêtrement desconnaissances : quelques fois on peutchanger dans une grille de mots croi-sés un mot au prix de petites modifica-tions locales, mais généralement toutest à refaire.(3) Attaché aux noms de David Blooret Barry Barnes dans les années 70.(4) Weinberg, qui ne s'en désintéres-sait pas, livre néanmoins - à propos dela philosophie en général - cette obser-vation amère : « les intuitions de philo-sophes se sont révélées profitables auxphysiciens, mais généralement defaçon négative - en les protégeant desidées préconçues d'autres philo-sophes.»(5) Ou h-index en anglais. Un scienti-fique avec un indice de h a publié harticles qui ont été cités au moins hfois. Un seul nombre, donc, caractériseun chercheur, et les machines peuventse charger du classement !

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Le cas Galilée :audace, curiosité etlunettes ne tombentpas du ciel ; ce sontclairement lesproductions d’unesociété à un certainmoment. Mais ceci nefait pas des montagnesde la Lune uneconstruction sociale.

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À gauche, dessin de la Lune par Galilée publié en 1610, et à droiteune photo de la Lune.

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Magie et irrationnel captivent la jeunesse, ou compensent les impasses et difficultés devie d'un grand nombre de citoyens. L'auteur revient sur la démarche originale duProfesseur Henri Broch, lancé dans l'étude scientifique des phénomènes dits paranor-maux depuis plus de trente ans, afin de dénoncer efficacement ces impostures.

PAR VINCENT LAGET*,

Nous vivons dans une sociétéde haute technologie. Il estdevenu « naturel », y comprispour nos aînés, de surfer surInternet. Il est devenu tout autant« naturel » de bénéficier, à lacommande d’un simple inter-rupteur, des bienfaits d’un chauf-fage ou d’une climatisation,d’éclairage et d’autres serviteursélectriques et électroniques. Lesimages des sondes spatialesenvoyées sur Mars ou sur Saturnene relèvent quasiment plus del’exploit technique et ne nousémerveillent plus. Pourtant,sous leur apparente banalité,les objets du quotidien cachentdes prouesses technologiquesmajeures. Ils traduisent uneconnaissance profonde dumonde réel, rendue possiblepar la démarche scientifique.Ils sont la preuve de la supério-rité du discours scientifique surtoutes les autres, et en particu-lier sur les discours religieuxconcernant le Monde, pour com-prendre le réel.Dans le même temps, les cultesde déraison ne se sont jamaisaussi bien portés : les sites devoyance par Internet sont flo-rissants, l’astrologie a pignonsur rue dans les médias1 et l’ho-méopathie est remboursée parla Sécurité Sociale. Tout ceci estd’autant plus incompréhensi-ble que l’homéopathie n’a jamaisfait la preuve de son efficacitéet que ses principes violent leslois de la physique les plus soli-dement établies ; même chosepour la voyance et l’astrologie,où la réussite des prédictionsne se distingue pas d’un effetdu hasard2.

Pourtant, par un étrange retourdes choses, les pseudoscienceset autres pseudo-médecinesconstituent un formidablemoyen de (re)découvrir laScience et la méthode scienti-fique…

DE BRIC ET DE BROCH…Dans les années 70-80, un scien-tifique, le Professeur Henri Broch,s’intéresse aux phénomènes« paranormaux » et leur appliquela démarche scientifique. Il vachercher à vérifier l’existencede ces phénomènes. Après desannées de recherches, la conclu-sion tombe : leur existence n’estpas démontrée, ce qui ne veutpas dire paradoxalement, qu’étu-dier ce domaine, soit dénuéd’intérêt…

LES HOMMES, DOCUMENTS ET MÉTHODES DU « PARANORMAL »Tout d’abord, l’étude du domaine« paranormal » renseigne surles comportements des« tenants », ces personnes quiconsidèrent pour vrais ces phé-nomènes hors réalité. HenriBroch note, que ces personnesont des comportements decroyant : rien ne peut les fairechanger d’avis sur ce qu’ils tien-nent pour vrai, ce qui les metde facto hors Science.Ensuite, il constate que les pro-ductions « paranormales » pré-sentent des similitudes qui lescaractérisent. Généralement,elles transgressent des connais-sances scientifiques les plussolidement établies, commedans le cas de l’homéopathiedéjà citée plus haut, ou encoredans celui de divers « miracles »,comme celui du « sang » de Saint

Janvier à Naples, ou encore du« Suaire » de Turin. Alors que lacohérence et le respect desconnaissances antérieures sonttoujours recherchés en Science,à l’inverse dans le monde « para »,plus l’explication du phéno-mène est nébuleuse, incohé-rente et mystérieuse, plus elleest considérée comme Vérité…Enfin, restent les méthodes ;Henri Broch identifie des lignes

de démarcations claires, quivont de la naïveté à la simpleincompétence, en passant parla fraude ou la possibilité defraude. Par exemple, des confu-sions entre les notions de cor-rélation et de causalité : consta-ter la présence d’un briquetdans la poche d’un maladeatteint d’un cancer du poumon(corrélation) ne signifie pas quele briquet cause de manière« paranormale » le cancer dupoumon (causalité)…

D’OÙ LA ZÉTÉTIQUE…L’utilité paradoxale des pseu-dosciences apparaît mainte-nant clairement : en montrantce qui n’est pas Science, ellescontribuent à guider la démarche

critique vers ce qui est Science.Plus encore, il est possible éga-lement de profiter du supportmotivant que procurent les pseu-dosciences. Henri Broch a sys-tématisé tout cela en renouve-lant une démarche appeléeZététique. Elle repose sur deuxcatégories de recommanda-tions, les « facettes » et les « effets ».Les facettes sont des principesgénéraux à respecter pour toutedémarche critique ou qui seveut respectueuse de la métho-dologie scientifique. Les effetssont des erreurs ou biais de rai-sonnements à rechercher danstout discours pour en évaluersa qualité. Vous en trouverezquelques exemples dans l’en-cadré qui suit ce texte.Reste maintenant à pratiquer…

QUELQUES EFFETS DE LA ZÉTÉTIQUE

L’effet PuitsVous avez besoin que les autrespersonnes vous aiment et vousadmirent mais vous êtes tout demême apte à être critique enversvous-même. Bien que vous ayezquelques faiblesses de caractère,vous êtes généralement capablede les compenser. Vous possédezde considérables capacités nonemployées que vous n’avez pasutilisées à votre avantage.Quelques-unes de vos aspira-tions ont tendance à être assezirréalistes. Discipliné et faisantpreuve de self-control extérieu-rement, vous avez tendance àêtre soucieux et incertain inté-rieurement. Quelquefois vousavez même de sérieux doutesquant à savoir si vous avez prisla bonne décision. Vous préférezun petit peu de changement et

Esprit (critique) es-tu là ?

Les productions«paranormales»présentent dessimilitudes qui lescaractérisent.Généralement, ellestransgressent desconnaissancesscientifiques les plussolidement établies.

n SCIENCES ET PSEUDO-SCIENCES

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de variété et êtes insatisfait lorsquevous êtes bloqué par des restric-tions ou des limitations3.N’est-ce pas une bonne des-cription de votre personnalité,qui pourrait être émise par unvoyant, un horoscope ou un testde personnalité de responsa-ble RH? Elle surprend et impres-sionne fortement parce quenous nous y retrouvons alorsqu’elle est produite par une per-sonne qui ne nous connaît pas.

COMMENT EST-CE POSSIBLE ?En utilisant des phrases vagues,floues voire contradictoires,mêlant tout et son contraire.Ainsi, la phrase « Bien que vousayez quelques faiblesses de carac-tère, vous êtes généralement capa-ble de les compenser » en est unparfait exemple : nous avonstous des faiblesses de caractèreque nous allons plus ou moinsbien compenser. Dès lors, c’estune banalité toujours vraie oùtout le monde va se reconnaî-tre. L’absence de contexte par-ticulier du sujet peut aussi êtreimportante pour donner dusens. Par exemple, une phrasecomme « Vous allez faire partiedes forts » n’a pas de sens sansson contexte : fort en quoi ? Enmathématiques ? En sport ? Enmacramé ? En tartes aux fraises? En… faiblesse? C’est ce contexte

que chaque lecteur va appor-ter pour donner un sens parti-culier à la phrase (pour lui) etdès lors, se reconnaître.Il s’agit, en psychologie, de lamanifestation de l’effet Forer,du nom du psychologue ayantla première fois testé cet effet

en 1948, ou encore, en scienceshumaines, de l’effet Barnum.Pour la zététique, elle est dénom-mée effet puits et s’explique ainsi: plus un discours est vague (pro-fond dans le sens de creux), plusles personnes qui l’écoutentpeuvent se reconnaître, et sereconnaître majoritairement,dans ce discours.

Effet Boule de neige :accumuler les détails dans unrécit de Ne mainUntel déclare que Machin a ditque Chose avait appris chezTruc que etc. C’est le témoi-gnage de Ne main où chaqueintermédiaire rajoute un élé-ment de son cru à l’histoire dedépart.

Effet Bipède : prendre l’effetpour la causeC’est raisonner d’une fermeconviction vers une cause pos-sible, raisonner à rebours. C’estun des effets les plus pervers etdes plus difficilement identifia-bles. Très souvent, il consiste àprendre l’effet pour la cause.Une bonne illustration de ceteffet peut être donnée par l’af-firmation suivante : le fait quenous portions des pantalonsprouve que Dieu a voulu quenous soyons bipèdes.

Effet Cigogne : confondrecorrélation et causalitéL’Effet Cigogne consiste à toutsimplement confondre un lienstatistique (corrélation) entredeux variables avec un lien decause à effet (causalité).L’exemple du briquet en est uneparfaite illustration.

QUELQUES FACETTES DE LA ZÉTÉTIQUELe bizarre est probableNous sommes frappés, dans lavie courante, par certaines coïn-cidences particulièrement stu-péfiantes : rencontrer dans lemétro un ami d’enfance perdude vue depuis 20 ans, penser àune personne et apprendre sondécès 5 minutes plus tard, etc.Nous attribuons une faible pro-babilité à ces événements de se

réaliser, ce qui les rend d’au-tant plus extraordinaires. Or, s’ily a effectivement peu de chancequ’un événement extraordi-naire précis nous arrive, enrevanche il est quasi certain quenous serons tous dans notre viel’objet d’un événement extra-ordinaire, parce que le nombredes événements perçus commetels est lui quasi-infini.

L’ORIGINE DE L’INFORMATIONEST FONDAMENTALEIl faut toujours avoir un petitdoute sur la validité d’une infor-mation tant qu’on n’a pas puvérifier par soi-même son ori-gine. En effet, on constateraalors souvent que soit l’infor-mation rapportée n’est pas l’in-formation d’origine (effet petitsruisseaux), soit qu’elle vientd’informateurs pas toujourscompétents dans le domaine(voir ci-après).

LA COMPÉTENCE DEL’INFORMATEUR ESTÉGALEMENT FONDAMENTALEL’information a d’autant plusde chance d’être de meilleurequalité qu’elle provient de per-sonnes compétentes dans ledomaine concerné. Ainsi, surde l’astrophysique, nous pour-rons consulter Hubert Reevesou Claude Allègre sur de la géo-logie. Gare toutefois au glisse-ment du domaine de compé-tence : toujours garder à l’esprit

que l’opinion d’Hubert Reevessur les pesticides comme cellede Claude Allègre sur le réchauf-fement climatique ne valent pasplus que celle de Mireille Mathieusur l’existence des trous noirs…n

*VINCENT LAGET, responsable dugroupe AFIS 92 (AssociationFrançaise pour l'InformationScientifique).

POUR ALLER PLUS LOINSur la zététique :Broch Henri (2010) Au cœur de l'ex-tra-ordinaire, Collection zététique,book-e-book.com

Broch Henri Le Paranormal. SesDocuments, ses Hommes, sesMéthodes, collection Science Ouverte, Le Seuil, Paris, (1985)

Charpak Georges et Broch HenriDevenez sorciers, devenez savants,Odile Jacob, (2002)

Sur les phénomènes paranormaux :site du laboratoire de zététique del’Université de Nice-Sophia Antipolis :http://www.unice.fr/zetetique

Site de l’Association française pour l’in-formation scientifique :http://www.pseudo-sciences.org/

Rejoindre l’Afis Paris, écrire à :[email protected]

Ressources pour enseignants :http://cortecs.org/

L’utilite paradoxale despseudo-sciencesapparaît maintenantclairement : enmontrant ce qui n’estpas Science, ellescontribuent a guider lademarche critique versce qui est Science.

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OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2013 Progressistes

Le Caravage : La diseuse de bonne aventure, 1594.

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Le projet d'un centre industriel de stockage géologique (Cigéo) fait l’objet en 2013d’un débat public et soulève des inquiétudes parmi les populations locales.Débattons en sereinement !

PAR JEAN-NOËL DUMONT,ET BERNARD FELIX*,

UN PROCESSUS DE LONGUEHALEINE Les premiers travaux sur la ges-tion à très long terme des déchetsradioactifs remontent aux annéessoixante, avec notamment ledéveloppement du procédé devitrification. Dans la décennie70, l'engagement du gouverne-ment dans la réalisation d'unparc électronucléaire s'est accom-pagné du développement duretraitement à usage civil. Celui-ci permet d’extraire la majeurepartie de la matière fissile pré-sente dans le combustible ensortie de réacteur, donc de réduirela toxicité des déchets, sinon leurvolume. Le plutonium récupéréest utilisé pour fabriquer le com-bustible MOX. Les résidus duretraitement sont calcinés etintégrés dans les blocs de verre.La très grande majorité desdéchets produits par les activi-tés nucléaires est solidifiée etconditionnée en ligne dans descolis à conteneurs en acier ouen béton. À plus de 96 % ils sontde très faible, de faible ou demoyenne activité à vie courte,c’est-à-dire que leur période dedemi-vie, au terme de laquellela radioactivité est divisée pardeux, est inférieure à 31 ans. Cesdéchets sont expédiés vers lesstockages en surface de l’Andra[1], dont les ouvrages après fer-meture seront surveillés pen-dant au moins 300 ans, le tempsd’une décroissance vers laradioactivité du milieu naturel.Pour les déchets de moyenne

activité à vie longue (MAVL) etceux de haute activité (HA) [2]une telle solution ne peut êtreenvisagée. Dès les années 70, lestockage profond (au moins 200mètres) en formation géologiquecontinentale a fait l’objet d’unconsensus international qui aété promu par l’agence interna-tionale de l’énergie atomique,l’AIEA, organisme spécialisé desNations Unies.Jusqu’en 1990, la recherche desites potentiels d’implantation,selon les seuls critères géolo-giques, s’est appuyée sur le pou-voir exécutif, ce qui a été véculocalement comme une agres-sion et a mené à un blocage. Lebesoin de légiférer s’est imposéet le parlement adoptait en 1991à l'unanimité la « loi Bataille »,qui définit trois axes de recherchepour la gestion des déchetsHA–MAVL:• La transmutation qui consisteà transformer les noyaux à vielongue en noyaux à période pluscourte par réactions nucléaires.Séduisante sur le papier, cettesolution passe par une sépara-tion des différents radioélémentsdans le processus de retraite-ment, par leur incorporation

dans des combustibles et leurirradiation dans des réacteurs àneutrons rapides. Si elle permetde réduire la radio toxicité desdéchets, elle implique un essor

de l’industrie nucléaire et nesupprime pas la nécessité d'unstockage profond. • Le conditionnement et l’en-treposage en surface ou à faibleprofondeur. Ces ouvrages per-mettent une mise en attente desdéchets et donc de reporter ladécision sur leur gestion finale.Cependant dès que leur main-tenance cesse, le confinementdes déchets et la sûreté se dégra-dent. • Le stockage, réversible ou irré-versible, dans des formationsgéologiques profondes. Confiéeà l'Andra, cette recherche néces-

site des études en laboratoiressouterrains.En 2005, échéance fixée par laloi de 1991, trois formations géo-logiques avaient été exploréesdans des départements quis'étaient portés candidats : laVienne, le Gard et à la charnièrede la Meuse et de la Haute-Marneoù un laboratoire souterrain(laboratoire de Bure) a été misen service en 99 pour étudier insitu le comportement des rochesargileuses. Sur la base du dos-sier présenté par l’Andra, laCommission Nationale d’Éva-luation (CNE), composée d’ex-perts, et l’Autorité de SûretéNucléaire (ASN) ont conclu à lafaisabilité d’un stockage géolo-gique réversible en Meuse/Haute-Marne. La loi de programme du28juin 2006 a confirmé ces choix:

Quelle solution pour les déchetsnucléaires ?

Le parlement adoptaiten 1991 à l'unanimitéla "loi Bataille", quidéfinit trois axes derecherche pour lagestion des déchetsHA–MAVL

n ÉNERGIE

Pour le PCF, le débat public sur le projet CIGEO constitue un momentimportant du projet (…) Si l’on veut que toute la filière nucléaire civilesoit portée et assumée par nos concitoyens, il faut qu’ils se sententécoutés et respectés (…) Pour nous la transparence est une exigence.Elle nécessite une information accessible à tous. C’est une conditionincontournable à l’acceptation par les populations de la réalisation detout grand projet essentiel… (http://www.pcf.fr/43909)

Le 1er septembre 2013

EXTRAITS DE LA DÉCLARATION DU PCF SUR LE PROJET CIGEO

ENVIRONNEMENT & SOCIÉTÉ50

Colis de déchets vitrifiés issus du retraitement des combustiblesusés des centrales nucléairesdans les usines d’Areva - LaHague.

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Le stockage est la solution deréférence et sa démonstrationde sûreté doit s'appuyer sur desexpérimentations en laboratoiresouterrain. Il est donc de faitlocalisé en Meuse/Haute–Marne.Une gestion réversible devra êtrepossible pendant au moins 100ans. Le stockage ne peut s’ap-pliquer qu’aux déchets radioac-tifs ultimes: le stockage des com-bustibles usés est seulement uneoption, car leur valorisation com-plète est envisagée dans les réac-teurs de la génération IV. La trans-mutation est désormais associéeaux recherches sur cette nou-velle filière de réacteurs.L’entreposage doit répondre auxbesoins de la gestion des colisavant le stockage, sans s’y subs-tituer. Aujourd’hui, l’étude dusite, des colis et du concept destockage est suffisamment avan-cée pour que, après intégrationdes données du débat public encours, une demande d’autori-sation de création d'un centreindustriel de stockage géolo-gique (Cigéo) soit déposée en2015 avec un avant-projet d'unepremière tranche. Après instruc-tion du dossier, une nouvelle loidéfinira, entre autres, les condi-tions de la réversibilité.

CIGÉO: UN PROJET HORS NORMES L’objectif est de confiner laradioactivité un temps suffisantpour que sa décroissance limitel’impact des transferts résiduelssur l’environnement à un niveautrès inférieur à celui de la radioac-tivité naturelle. On utilise pourcela les propriétés d’imperméa-bilité et de rétention d’une coucheargileuse de 130 m d’épaisseur,

formée il y a 160 millions d’an-nées. La modélisation de la migra-tion sur plusieurs centaines demilliers d’années des radionu-cléides à partir des colis et à

travers la barrière géologiques’appuie sur les données expé-rimentales acquises notammentau laboratoire souterrain de Bure,ainsi que sur l’observation d’ana-logues naturels dont certainsremontent à plusieurs millionsd’années.Cigéo accueillera des déchetsMAVL-HA issus d’installationsindustrielles, militaires et derecherche existantes et enconstruction pendant toute leurdurée d’exploitation. Il sedéploiera sur une centaine d’an-nées, avec la construction detranches successives et simul-tanément, l’exploitation des pre-mières d’entre elles et la ferme-ture éventuelle des plusanciennes. À 500 mètres de pro-fondeur, dans une couche argi-leuse du bassin parisien situéeà 230 km à l’est de Paris, desalvéoles horizontaux seront creu-sés pour y placer des colis dedéchets radioactifs. Après uneexploitation de plus d’un siècle,le stockage occupera en profon-deur une emprise de l’ordre de15 km². Pour répondre à lademande de réversibilité, il estconçu de telle sorte que, pen-dant la durée d’exploitation, les

colis puissent, si nécessaire, êtrerécupérés. À terme, il doit pou-voir être fermé, en commençantpar les alvéoles, puis les galerieset enfin les puits et descende-ries. Ceci pourra se faire suivantun rythme qui sera révisé tousles dix ans, après consultationdes parties prenantes. Après fer-meture, la mémoire du site devraêtre conservée au moins 500 ans.Des enjeux industriels, socié-taux, et financiers immédiats Leprojet Cigéo doit s’insérer dansun territoire. Les préoccupationsde la population locale sont com-préhensibles : qui accepterait,sans se poser de questions, d’ac-

cueillir dans son sous-sol desdéchets radioactifs? Mais il répondaussi à un enjeu national: la ges-tion à long terme des déchetsradioactifs HA-MAVL est incon-tournable quelle que soit la placeréservée au nucléaire dans laproduction d'électricité et ced’autant qu’une part significa-tive est déjà produite.Si la décision finale reviendra augouvernement, dans un cadredéfini par le Parlement, elleimplique toute la société. Ladémocratie devra accompagnerle processus de décision puis degestion réversible de Cigéo et lesrendre transparents. D'où l’im-portance du débat public actuel,et de sa poursuite dans un cli-mat serein. Malheureusement,les premières réunions ont étésabotées par des opposants anti-nucléaires qui font monter lesinquiétudes avec l'objectif defaire rejeter le projet et ainsi pré-server l’argument de l’absencede solution à long terme pourles déchets. Ce projet représenteaussi un enjeu financier impor-tant. Depuis la transformationd’EDF en société anonyme cotéeen bourse, dans le contexte euro-péen de libéralisation du mar-

ché de l’électricité, le montantdes provisions pour le stockageinflue directement sur le coursde l’action. La pression est fortepour réduire le coût de Cigéo,même s’il reste modéré au regarddu coût de l’électricité [3]. Lalogique de court terme pousse-rait à choisir le maintien pro-longé en entreposage, une mesuredilatoire qui nécessite un moin-dre investissement, mais qui lais-serait à une autre génération lacharge de la gestion finale dedéchets issus de la productionde notre électricité. C’est ainsique la capacité de l’Andra, agencepublique, à assurer la maîtrised’ouvrage du projet Cigéo, a étémise en cause. Comme le rap-portait le député socialisteChristian Bataille en 2001, noussommes convaincus que "lestockage des déchets et l’entre-posage à long terme des com-bustibles irradiés doivent impé-rativement rester entre les mainsd’entreprises dépendant étroi-tement de la puissance publiquequi, jusqu’à preuve du contraire,reste la seule capable d’assurersur de très longues durées lemaintien des structures néces-saires au respect absolu des règlesde sûreté. Ne laissons pas desspéculateurs pénétrer dans unsecteur qu’ils n’auraient ni lavolonté ni les capacités de gérersur le très long terme".n

*BERNARD FELIX est un ancienadministrateur salarié CGT de l’AndraJEAN-NOËL DUMONT est adminis-trateur salarié CGT.

(1) L'Andra est une agence nationale,indépendante des producteurs dedéchets, chargée de la gestion à longterme des déchets radioactifs produitsen France.

(2) Les déchets MAVL contiennent desradionucléides dont la période estsupérieure à 31 ans. Les déchets HA,essentiellement, issus du retraitementdes combustibles usés des centralesnucléaires, totalisent 96,8 % de laradioactivité des déchets français, maisseulement 0,2 % de leur volume, soitenviron 10,000 m3. [3] D’après laCour des Comptes, le financement deCigéo représenterait entre 1 et 2 % ducoût de l’électricité produite.

La gestion à long terme des déchets radioactifs HA-MAVL est incontournable quelle que soit la placeréservée au nucléaire dans la production d'électricité et ce d’autant qu’une part significative est déjà produite.

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Le centre industriel de stockage géologique Cigéo. (document Andra)

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n Point de vue de JOËL GUIDEZ, Conseiller scientifique à l’ambassade de France à Berlin du 01/11/2009 au 31/08/2011

ENVIRONNEMENT & SOCIÉTÉ52

RAPPEL DU PLAN ALLEMAND : DIE ENERGIEWENDEEn 2000 l'Allemagne faisait le choix d'une production électriquebasée sur un développement des énergies renouvelables accom-pagnant une sortie du nucléaire. En mars 2011, trois jours aprèsl’accident de Fukushima, le gouvernement Allemand, annonçaitun plan énergétique, confirmant le processus engagé. En juin 2011,ce plan "Die EnergieWende" était publié avec des objectifs chiffréset précis pour 2020 et 2050 :• Diminution de la consommation d’énergie primaire de 50 % d’ici2050. (par rapport à 2008)• Diminution des gaz à effets de serre de 40 % en 2020 et de 80 à95 % en 2050 (par rapport à 1990).• Confirmation de l’arrêt des 8 centrales les plus vieilles du parc,avec dates butoirs pour les neufs restantes (les trois dernières devantfermer en 2022).• Accompagnement de l’arrêt du nucléaire par une forte montéedes énergies renouvelables dans la consommation électrique (35% en 2020, et 80 % en 2050), couplée à une baisse de la consomma-tion électrique (-10 % en 2020 et -25 % en 2050 par rapport à 2008).Les budgets nécessaires pour atteindre ces objectifs, restent encoreà préciser même si de nombreuses estimations ont été effectuéessur le coût de ce plan énergétique. Le 20 février 2013, Peter Altmaier,ministre de l’écologie du gouvernement, annonçait officiellementune facture de 1 000 milliards d’euros pour atteindre la premièrephase du plan d’ici la fin des années 2030.

LE DIFFICILE PROBLÈME D'UNE PRODUCTION ALÉATOIREL’Allemagne dispose en 2012 de 32 GW de puissance solaire instal-lée et 30 GW de puissance éolienne. À midi, avec le bon soleil et lebon vent, on a environ l’équivalent des 58 réacteurs nucléaires fran-çais se déversant sur le réseau. Mais le soir, et si le vent tombe onn'a plus rien de disponible. Avec des rendements de 17 % pour l’éo-lien et de 12 % pour le solaire, cette gigantesque puissance instal-lée n’a fourni que 12 % du courant électrique en 2012. Autant desfluctuations s’absorbent dans le réseau lorsque la production estde l’ordre de quelques %, autant le réseau est techniquement inca-pable d’absorber ces gigantesques puissances fluctuantes existanteset à venir. En 2012, l’Allemagne a du plusieurs fois payer pour queles pays frontaliers acceptent cette énergie intempestive (prix néga-tif du courant).Les conséquences sont multiples : nécessité de développer desréseaux de transport renforcés et coûteux, nécessité d’avoir en dou-ble des installations de puissance (gaz, charbon...) capables de pren-dre le relais, difficultés de fonctionnement de ces installations quine sont plus rentables et dont le vieillissement est accéléré par unfonctionnement fluctuant (arrêts/démarrages)...La première solution préconisée par l’Allemagne est d’augmenterla taille du réseau et des interconnexions, ce qui correspond un peuà exporter ses problèmes et ne suscite pas l’enthousiasme des inves-

tisseurs. Et des clients potentiels, car une production aléatoire etnon adaptée aux besoins n’intéresse pas grand monde.La deuxième solution est bien sûr le stockage. De nombreuses solu-tions sont à l’étude : production d'hydrogène stockable, mines d’aircomprimé, stockage de chaleur… Toutes ces solutions en sont actuel-lement au stade de recherche et ont en commun de conduire à uneexplosion des coûts. La seule solution aujourd'hui opérationnelleest le stockage hydraulique : Elle nécessite des installations spéci-fiques permettant de relier un barrage en partie basse et un barrageen partie haute. On utilise alors le courant excédentaire pour pom-per de l’eau du bas vers le haut, puis cette eau sera turbinée lorsqu’onaura besoin de courant. Ces installations sont rares et les capacitésallemandes sont extrêmement faibles. Des discussions sont en coursavec la Norvège, l’Autriche, la Suisse pour essayer d’y stocker leurssurplus électriques. Ceci renchérit encore le coût final : perte de ren-dement, pertes de transport, coût des lignes et du fonctionnement…Les smart-grids (circuits intelligents) peuvent également apporterune aide. C’est alors le consommateur qui sera sollicité : on luidemandera de moduler sa demande en fonction de la production.Une partie importante de la demande (machines à laver, batteriede voitures, partie du chauffage électrique, etc.) sera mise en stand-by et décalée en attendant les pics de production du renouvelable.Des coupures sélectives encore plus sévères pourront être effec-tuées pour éviter dans les creux, le black-out sur le réseau.

UNE PROGRESSION DES COÛTS QUI DEVIENTINSUPPORTABLE…Le principe de base suivi depuis 2000 est d’établir pour chaque typed’énergie renouvelable (solaire, éolien, méthanisation, géothermie,etc..) un contrat de prix de rachat garanti sur une certaine durée(généralement vingt ans). L’investisseur, sur la base de ce contratpeut établir un plan d’investissement, juger de la rentabilité poten-tielle et se lancer dans l’aventure. Ces contrats sont revus chaqueannée à la baisse, pour tenir compte des évolutions, tout en main-tenant un tarif suffisamment attractif pour que de nouveaux inves-tisseurs se présentent. Le développement qui en résulte dans cha-cun de ces secteurs subventionnés doit conduire à des développementsindustriels et à une baisse des coûts.Toutefois ce schéma vertueux a ses propres limites.Malgré une baisse considérable des coûts de l’éolien et du solaire,des surcoûts importants sont liés aux renforcements du réseau ren-dus nécessaires par les fluctuations de ces énergies. Payé par leconsommateur via des taxes, ils conduisent à un coût final très élevé.À cela s'ajoute le fait que les investissements en cours ont des duréesde vie limitées et ne sont garantis que pour 20 ans. Il faudra alorsen 2030 continuer à réinvestir.Dans la pratique le coût du kilowatt en Allemagne a décollé demanière linéaire depuis le lancement du programme : alors qu'ilétait en 2000 du même ordre de grandeur qu'en France, il est actuel-

Le «modèle énergétique allemand» ne doit pasêtre un mirage pour la France

En 2000 l'Allemagne s’engageait dans un vaste projet énergétique, avec une production électrique basée sur undéveloppement des énergies renouvelables accompagnant une sortie du nucléaire. Douze ans plus tard un premierbilan est faisable. Il doit pour le moins engager la France, à la plus grande prudence vis-à-vis de ce « modèle», etce d’autant plus que les deux pays ont de grandes différences structurelles dans le domaine énergétique.

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lement plus du double (plus de 30 c/KWh pour environ 14 en France).Il suffit d'extrapoler cette évolution jusqu’en 2030, pour voir qu’onatteint des prix intolérables

UNE PRODUCTION DE CO2 QUI REPART À LA HAUSSE…Une électricité chère entraîne automatiquement une baisse de laconsommation. En 2012 la consommation d'électricité allemandeétait inférieure à celle de 2004. Mais dans le même temps, la consom-mation totale d’énergie par habitant continue d'augmenter. En faitles tarifs électriques élevés maintiennent les gens dans une utilisa-tion renforcée des énergies fossiles.C'est en particulier le cas pour le chauffage des maisons où la voie,pourtant particulièrement intéressante d'un chauffage électriqueavec pompe à chaleur qui permet une économie d'énergie, n'estpas exploitée. De même le peu d'engouement pour les voitures élec-triques : avec une électricité produite en Allemagne à plus de 60 %en 2012 par des énergies fossiles, autant mettre le gaz ou le fuel direc-tement dans les voitures.La conséquence de cette politique est globalement une remontéede la production de CO2

(1).

DES EMPLOIS PROMIS QUI NE SONT PAS TOUJOURS AURENDEZ-VOUS.Si dans l’éolien, une avance technique qui existe encore préserveprovisoirement cette industrie, il n'en est pas de même dans lesolaire. La concurrence très forte des produits chinois a conduit en2011 et 2012, à des faillites retentissantes de l’ensemble de l’indus-trie solaire allemande (Solon, Solar millenium puis QCell...), ou àdes rachats comme Sunways racheté par l’entreprise chinoise LDKavec une offre bradée à 25 % de la valeur boursière. L’Allemagne seretrouve en 2012, à payer des surcoûts énormes pour financer descapteurs chinois. Le bilan final des emplois créés par cette bulle pro-tectionniste, n’est pas au niveau des espérances initiales.Dans le même temps, les pertes d’emplois dus à l’abandon dunucléaire sont nombreuses chez les 4 grandes compagnies : Eon,RWE, RMBW, et Vattenfall. Elles sont d’ailleurs en procès avec l’étatallemand. Il faut rappeler ici qu’un réacteur nucléaire en démantè-lement utilise environ dix fois moins de personnel qu’un réacteuren fonctionnement, et que par contre, au lieu de créer de la richesse,il en consomme.

LE RÔLE DE L’EUROPEL’Europe n’a pas actuellement de politique industrielle et vit sur unschéma libéral de mise en concurrence y compris mondiale. Dansce contexte l’Allemagne essaye de jouer ses cartes de manière prag-matique :• ne pas trop se faire pénaliser quant aux rejets CO2 : elle a fait échoueren 2013 le plan de la commission sur la revalorisation du coût de latonne de CO2

• essayer de faire payer par l’Europe, au moins en partie, le déve-loppement des réseaux électriques dont elle a besoin et les proto-types de centrales solaires.• éviter la concurrence sur le marché du courant électrique par lebiais de taxes payées par l’utilisateur a posteriori. Sans ces taxes, leconsommateur, dans un monde concurrentiel réel, irait acheter lecourant français à moitié prix.• mettre une taxe sociale sur les produits pour faire contribuer unpeu les produits importés comme les panneaux solaires asiatiques.• développer des accords avec les pays frontaliers (Autriche, Suisse,Norvège) possédant des capacités hydrauliques importantes pourle stockage d’énergie et de lissage des fluctuations des EnR.

TENTATIVE DE PROSPECTIVE SUR LE SCÉNARIO2022/2050.En 2022, date prévue d’arrêt du dernier réacteur nucléaire, la situa-tion devrait être la suivante :• Le parc de réacteurs thermiques lancés en remplacement devrait,malgré les retards actuels, être peu ou prou opérationnel et assurerla couverture nécessaire.• Le coût du courant électrique aura encore notablement augmenté(entre 40 et 50 c€KWh). Ce coût élevé devrait réussir à maintenirune diminution de la consommation.• Si grâce à un effort financier considérable, on maintient la pro-gression des renouvelables à +1 % minimum par an, le soleil et l’éo-lien produiraient alors environ 23 % de la production électrique.Ceci correspondrait à une puissance installée considérable (envi-ron 2 fois la puissance des 58 réacteurs français). Aucune solutionn’existe aujourd’hui pour le réseau vis-à-vis des fluctuations de pro-duction correspondantes.• L’énergie fossile produira l’essentiel du reste, avec les conséquencesnégatives correspondantes sur le quota CO2 et sur la balance com-merciale.

DES SITUATIONS ÉNERGÉTIQUES DIFFÉRENTES ENTRE LA FRANCE ET L’ALLEMAGNEHistoire, ressources naturelles, situation géopolitique, économie dupays… autant d'éléments qui ont structuré des productions électriquesbien différentes en France et en Allemagne : Alors que l'Allemagne faitlargement appel aux énergies fossiles pour sa production électrique,les productions nucléaire et hydraulique, peu émettrices de CO2, sontdepuis longtemps très largement majoritaires en France(2).Si l’Allemagne continue dans sa transition énergétique, elle va arri-ver à disposer d’une électricité durablement rare et chère et doncréservée à des usages nobles et limités. Les solutions électriquesauront alors peu d’intérêt pour le transport et pour le chauffage desmaisons qui s’effectuera toujours par des énergies fossiles. Leurconsommation résiduelle entraînera une production de CO2 et undéficit de la balance commerciale. Les investissements restant àfaire sont colossaux et ne sont accessibles qu'à un pays qui accu-mule mois après mois les excédents commerciaux.On est dans une situation complètement différente en Franceaujourd’hui où l’utilisation d’une énergie électrique décarbonéebon marché, ouvrirait la voie à des chauffages électriques toujoursaméliorés, à des voitures électriques et à l’abandon progressif del’utilisation des énergies fossiles. La production de cette électricitédécarbonée, non délocalisable, serait génératrice d’emplois enFrance. Les investissements nécessaires à cette option, conduisentà une baisse plus importante de l’utilisation des énergies fossiles etde la production de CO2. Le coût de ces investissements pourraitgrandement être supporté par la baisse des importations d’éner-gies fossiles (69 milliards en 2012)Suivre l’exemple allemand de tentative de remplacement du nucléairepar des énergies renouvelables serait donc une grave erreur, dont nousn’avons pas les moyens. Par contre collaborer avec nos amis allemands,pour un développement des recherches permettant de diminuer encorele coût des énergies renouvelables, de développer des filières perfor-mantes, de trouver des solutions de stockage, etc.... serait parfaitementcohérent avec la volonté de substituer peu à peu aux énergies fossilesune électricité décarbonée produite sur notre sol.n

(1) En 2012, la production de CO2 par tête d’habitant – une des plus fortesd’Europe – est en Allemagne environ double de celle d'en France.(2) l'Allemagne est le premier producteur mondial de lignite. Son charbon natio-nal, complété par des importations de gaz russe et de charbon, a produit en2011, 58,2 % de l’électricité. En France, nucléaire et hydraulique, peu émetteur deCO2, ont produit respectivement sur les 10 dernières années environ 78 % et 12% de l’électricité.

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La Présentation poursuit deux objectifsconnexes. La Science comme telle est

aujourd’hui sur la sellette ; elle fait figure d’accuséeen dépit d’un résidu de fascination. Le premier objec-tif consiste à éclaircir les termes du débat. Ceci faitl’objet d’un parcours de trois exemples embléma-tiques, La Bombe, les OGM, les « Mathé matiquesfinancières ». On essaie de situer ces exemples dansune perspective historique. Le premier exemple, s’ilne tente pas le vain exercice de laisser à l’écart desresponsabilités la communauté scientifique, montrela flèche de responsabilité qui est avant tout celle dupouvoir de décision politique. Le second exempletente de répondre à l’idée répandue selon laquelle «les scientifiques jouent aux apprentis sorciers ». Il

montre comment on passe sans transition de la miseen cause des activités prédatrices des multinatio-nales de l’Agroalimentaire à celle des scientifiques etde leur supposée « inconscience des risques ». Letroisième exemple vise à tracer à grands traits lesavatars d’une dégénérescence systémique du capi-talisme. Il est devenu impossible de traiter de « lascience en soi » et ces exemples appellent des étudesapprofondies sur les liens entre le développementscientifique, rapports sociaux, forces productives.(voir à ce sujet le livre majeur « La révolution oubliée» de Lucio Russo – Springer) Le second objectif viseà indiquer d’une part des aspects – non exhaustifsmais fondamentaux – de la démarche scientifique.Sont ici convoqués notamment les deux physiciensRichard Feynmann pour qui « l’expérimentation estle seul juge de la vérité scientifique », et Jacques

Solomon (communiste, fusillé par les nazis), lequelécrit « L’usage des instruments de mesure, néces-site l’élaboration de toute une théorie de sorte qu’en-tre la sensation qualitative que nous éprouvons... Etle résultat de l’expérience tel que le physicien le for-mule, il y a un pas immense que la théorie, et seulela théorie, permet de franchir » dans un remarqua-ble article publié dans le N° 374 de « La Pensée ».L’auteur, sous réserve de frais intellectuels nouveauxet d’une démarche exigeante conclut en parcourantdeux exemples significatifs de la physique contem-poraine (la Mécanique quantique et la Théorie de laRelativité Générale) « Seule une conception matéria-liste dialectique est en mesure de percer le mystèredu progrès scientifique ».

*Olivier Gebuhrer est mathématicien.

PAR SEBASTIEN ELKA*,

I l y a bien longtemps que lessciences de la nature n’avaienttrouvé pareille résonance

dans un cénacle communiste !Face aux montagnes majestueusesdes Karellis, cinq ateliers offraientaux communistes d’osciller entrepoèmes de l’astrophysique etvertiges du nano-monde. Sansjamais perdre de vue – on ne serefait pas ! – les enjeux politiques.Car comme l’a rappelé l’écologueLuc Foulquier parlant de la revueProgressistes1, les enjeux scienti-fiques et techniques sont au cœurdes questions qui traversent nossociétés et, en particulier, la gauche.Si le progrès technique ne sem-ble plus mécani quement porteurde progrès humain, que faire ?Faut-il considérer qu’avec lafinance au pouvoir la techniqueest devenue tellement toxiqueque la seule réponse sensée est

de lui tourner le dos, de viser ladécroissance et le retour indi-viduel et individualiste à la terre,la « sobriété heureuse » ? Oudoit-on chercher une organisa-tion de société qui remette lessciences et techniques au ser-vice du progrès social ? Ou autre-ment dit, peut-on encore êtreprogressiste ? Pour les scienti-fiques présents, la réponse estclaire : oui ! Ainsi pour GillesCohen-Tannoudji, physicien auCEA, la découverte récente duboson de Higgs est certes unedécouverte scientifique de pre-mier plan, mais c’est aussi ladémonstration qu’un modèlediamétralement opposé auxcanons du capitalisme commecelui du CERN (cf. encart) peutexister, réaliser de grandes choseset ouvrir les portes d’un nou-veau monde ! CERN qui a éga-lement donné au monde lesnavigateurs Internet ou le sys-tème informatique libre Linux.Et la veille, c’était CatherineCézarsky2, académicienne cha-leureuse et accessible, qui avaitsouligné ce que le savoir humainsur l’histoire de l’univers doit aupartage, à la mise en commun.Au désir désintéressé de décou-vrir, de comprendre, d’allumertoujours plus d’étoiles lointaines.Sur la terrasse, entre 2 verres,l'équipe de la revue Progressistesbraque une lunette sur le disquesolaire. Sur le disque d’or ourlé

d’écoulements rougeoyants,quelques taches sombres. Il restetoujours un peu d’ombre, et c’estheureux. Car il ne faut jamaisl’oublier : dans la lumière totale

comme dans les ténèbres, noussommes aveugles. n

*SÉBASTIEN ELKA, comité derédaction de Progressistes

« La science est-elle à l’origine de tous les maux ? »ZOOM SUR UN ATELIER

ÉVÉNEMENT

Près de 300participants aurontprofité de la visiondu soleil à traversla lunette solairemis à dispositionpar l'équipe deProgressistes.

Le soleil avec ses taches et ses protubérances

PAR OLIVIER GEBUHRER*,

Le Centre d’Etude des Rayonne-ments Nucléaires, à Genève, estdepuis sa fondation après-guerrele lieu d’une coopération scienti-fique internationale exemplaire,un lieu dévoué au savoir et auprogrès humain démocratique,fraternel, durable, et néanmoins…efficace. De par ses statuts, leCERN ne dépose jamais de brevet,toutes ses découvertes devant êtreouvertes à l’humanité.

LE CERN

Introduction à la méthode scientifique

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Retour vers le progrès

1/ Revue lancée par le Conseil National du PCF pour éclairer les enjeux techniques,politiques et environnementaux de la science, des technologies et du travail.2/ Astrophysicienne de renom, membre de l’Académie des Sciences et sans doutel’une des femmes de science les plus diplômées et décorées au monde.

n UNIVERSITÉ D’ÉTÉ 2013 DU PCF

Progressistes OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2013

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L e 22 juillet dernier, l'as-semblée nationale adop-tait une nouvelle loi-cadre

pour l'enseignement supérieur,la « loi Fioraso ». Les commen-tateurs s'en sont brièvementemparés avant l'été, au nom dela défense de la francophonie etde la littérature française. C'estprécisément le traitement lapi-daire et sélectif auquel la réformede l'enseignement supérieur estréduite depuis le début des années2000. Les étudiants qui travail-lent sur les bancs de l'universitéfrançaise sont pourtant les sala-riés, les ingénieurs et les cadresde demain ; ceux dont l'entre-prise est délocalisée par caprice,ceux qui nourrissent le progrèsprofessionnel du pays, ceux quis'effondrent sous la pression du«Wall Street Management ». Lesmaîtres d'œuvre de cette offen-sive législative le savent bien, quiimposent leurs mesures tam-bour battant au nom de « l'em-ployabilité » de la « compétiti-vité » du marché du travail… Laréforme de l'enseignement supé-rieur est une réforme de l'em-ploi qui ne dit pas son nom, etelle porte un projet scientifique,industriel et social pour la France.La loi Fioraso elle-même reposesur les lignes de force qui ontanimé les politiques précédentes.Il s'agit, d'abord, de tourner défi-nitivement la page des diplômesnationaux au profit de certifica-tions régionales. La politiqueéducative du quinquennat Sarkozyavait déjà mis tous les cadres derégulation au placard: les inti-

tulés se sont aussitôt multipliés,en fonction des établissementset des régions. Les diplômes, dèslors, servent de support à laconcurrence territoriale la plussauvage. Chaque nuance dansle contenu des certifications peutêtre utilisée pour opposer deuxcandidats et pour tirer leurs condi-tions d'embauche vers le bas. Lechômage des jeunes diplômés aainsi gagné trois points durantcette période. C'est la vitalité etla qualité du monde du travailqui s'en ressentent, quand lesmécanismes de formation ini-tiale sont à ce point soumis à l'ar-bitraire, au caprice et aux pres-sions locales… Et la loi Fiorasone décolle pas de ces logiques.Elle permet aux établissementsd'habiliter leurs programmesdans le cadre de «schémas régio-naux » quand, auparavant, cetteresponsabilité était du ressort del'État… Il est temps de se battrepour le cadrage, non seulementnational, mais professionnel desdiplômes; pour adosser des condi-tions minimales d'emploi et desalaire à chaque certification.Il s'agit, ensuite, de continuer la« professionnalisation » au nomde laquelle le gouvernementSarkozy avait invité les chefs d'en-treprise à prendre leurs aises dansles instances dirigeantes de l'uni-versité. Ils y ont organisé lesfameux modules d'employabi-lité, qui, loin de valoriser et detransmettre les métiers, les ontremisés au placard. Auto-mar-keting ou rédaction de CV, autantde compétences qui n'ont pas

le moindre intérêt dans quelquebranche professionnelle que cesoit, qui ont simplement voca-tion à faire du chômage et de larecherche d'emploi l'alpha etl'oméga des parcours profession-nels. Par conséquent, depuis,seuls 20 % des diplômés s'ins-tallent dans l'emploi à l'issue deleurs études. La « compétitivité »des universités est le creuset duchômage de masse et du déman-tèlement des métiers… Et la for-mation dispensée n'en est queplus lacunaire et inadéquate. Lesnouveaux pouvoirs dont dispo-sent les établissements privésavec la loi Fioraso, notammentceux d'évaluer les diplômes,accentuent la pression sur lesfilières et sur les métiers. Il fautau contraire mettre les certifica-tions à la base du progrès socialet professionnel, dans le cadrede formations sérieuses.L'université n'a pas besoin deces modules dé-professionnali-sants: elle est par contre orphe-line d'une véritable filière tech-nologique, pour permettre auxsalariés de demain d'apporterune contribution nouvelle aumonde du travail. Il s'agit, enfin,de réaffirmer les dogmes bud-gétaires qui paralysent l'ensei-gnement supérieur. L'autonomiedes universités met les établis-sements en faillite les uns aprèsles autres, au point que certainsd'entre eux, en l'absence demoyens, sont forcés de recourirau hasard pour sélectionner lesétudiants. Conçues pour renfor-cer l'influence des « mécènes »

entrepreneuriaux dans lesdiplômes, ces mesures font peude cas de la qualité des forma-tions. Elles substituent les per-sonnels vacataires aux titulaires,elles ont un impact considéra-ble sur les équipements et ellesferment la porte du diplôme àdes milliers d'étudiants; en unmot, elles interdisent les forma-tions de qualité dont le pays abesoin. La loi Fioraso, qui créedes communautés d'universitésunilatéralement responsablesde l'exécution de leur budget,aggrave encore la situation. Ilfaut, au contraire, donner lesmoyens aux établissements dedélivrer des diplômes de qualité.La fin de l'autonomie budgétaireest nécessaire et doit être le pre-mier pas vers le réinvestissementmassif dans nos institutions d'en-seignement supérieur et derecherche. n

Un nouvel obstacle au progrèsprofessionnel : la loi Fioraso

ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET RECHERCHE

n Le point de vue de HUGO POMPOUGNAC, secrétaire national de l'UEC (Union des étudiants communistes)

La réforme del'enseignementsupérieur est uneréforme de l'emploi quine dit pas son nom… Ilest temps de se battrepour le cadrage, nonseulement national,mais professionnel desdiplômes ; pouradosser des conditionsminimales d'emploi etde salaire à chaquecertification.

CRÉDITS PHOTOS : P7 en bas : Black Woodpecker Dryocopus martius with young, Finland. - 8 July 2003, 11:23 -auteur Alastair Rae , from London, United Kingdom • P7 en haut :Paris Tramway ligne 1, 6 novembre 2012, auteur :Eole99 • P8 : Représentation d'un réseau de chauffage urbain, 25 May 2012, auteur : POWER SOLUTIONS FRANCE • P9 en haut :The River Seine from the right bank at Saint-Martin de Boscherville, Normandy, 4 August 2012, auteur :Nortmannus • P9 en bas : Lignes à haute tension (Sagy, Val d'Oise) Photo JH Mora, juin 2005 • P10 Étang de Berre by SPOT Satellite, 2003, auteur : Cnes - Spot Image • P13 Balot de bouteille de plastique après tris des déchets ,2006, auteur : Antoine Taveneaux • P17 en haut : La ligne T1 du tramway de Toulouse entre Zénith et Cartoucherie., 26 March 2012, auteur : Antoine Blondin • P20 Ouaouaron au Sentier d'interprétation de la Réserve naturelle desMarais-du-Nord,2008, Gilbert Bochenek • P21 :Barrage de Monteynard (Isère, France), 13 October 2007, David Monniaux • P22 La coulée verte du sud de Paris.April 2007, auteur : Subichan • P22 Local foods, 1980, auteur : Rotget• P22 Déchargement d'un camion de livraison Biocoop pour approvisionnement du magasin Biocoop du boulevard Grenelle à Paris. Auteur : User:Oliver H • P22 : Une rame du Tram-Train de Nantes à quai en gare de Vertou, 26 August2011, auteur : Tgv79 • P25 : Trolleybus Renault Cristalis du réseau TCL de Lyon - Ligne C3 à Laurent Bonnevay Astroballe, 22 April 2010, auteur : Occitandu34 • P 23 : Égoûts de Paris et équipement d'entretien. Auteur : rama • P25 :Bus TOSA a l'arrêt aéroport pendant le salon UITP .29 May 2013, auteur : Hoff1980 • P25 :TOSA Aufladestation an der Haltsetlle Flughafen in Genf. Der Stromabnehmer ist in Kontakt mit der Stromschiene, der Bus lädt sich auf.29 May2013. auteur : Hoff1980 • P31 LHC tunnel, CERN, 10 October 2005, auteur : Max Braun on Flickr • P32 en bas : An assortment of nuggets of native platinum from California (top-left) and Sierra Leone (top-right and bottom), 23 February2005, auteur : Aram Dulyan • P32 en haut : The open pit at Sunrise Dam Gold Mine, Australia. 12 October 2010, auteur : Calistemon • P33 : Pure indium bars, roughly one pound each.24 April 2009, auteur : Nerdtalker • P37 :TheColumbia Supercomputer at its largest capacity at NASA's Advanced Supercomputing Facility located at NASA Ames Research Center, Moffett Field, California. Auteur : Trower, NASA • P39 : le code-barre de 47, héros de la série de jeuvidéo Hitman, 2007, auteur : Richard Gilbert • P 23 : Created map myself.9 October 2007, Godefroy

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LIVRES

Anaximandre de Milet,ou la naissance de lapensée scientifiqueCARLO ROVELLI Carlo Rovelli - 192 p. - Dunod - juin 2009Outre son sujet, l'intérêt de cet ouvrage tient égale-

ment à la personnalité de son auteur. Professeur de physique àl'université d'Aix-Marseille et professeur affilié au départementd'Histoire et Philosophie des Sciences de Pittsburg aux États-Unis,Carlo Rovelli s'attache à décrire sans jargon la place d'Anaximandrede Milet dans la naissance de la science moderne.Carlo Rovelli revient ici sur la première tentative de l'Hommed'expliquer le fonctionnement du monde à l'aide de lois fon-damentales et non pas par l'intervention des dieux. On décou-vre comment la pensée scientifique s'est développée et épa-nouie dans le monde occidental.C'est l'occasion de revenir sur l'importance de la pensée scien-tifique et critique pour lutter contre les obscurantismes. A.L.

Modèle allemand, une impostureDE BRUNO ODENT 205 p. - Éditions Le Temps des Cerises,2013Un poison pour l'Allemagne et l'Europe : la

dynamique de contraction des dépenses publiques et dedémolition des protections sociales, la baisse des salaires et laprécarisation suscitent des spirales récessives tant enAllemagne que chez ses partenaires européens, pour sesexportations. En profitent les Konzern, grands groupes : allé-gements de cotisations sociales et fiscales, euro fort et précari-sation du travail. Et le système bancaire, faute de résister auxsirènes de la financiarisation anglo-saxonne et à ses aléas.Dégradation des statistiques démographiques, fin du loge-ment abordable, sabordage de la retraite par répartition, syn-dicalisme en crise, collectivités locales en difficulté. L'Europeest en danger si spéculation et obsession concurrentielle res-tent sa boussole. A.R.

Promesses et réalitésdes énergiesrenouvelablesDE BERNARD WIESENFELD Bernard Wiesenfeld - 176 p. - ÉditionEDP Sciences - février 2013Les énergies renouvelables : mais que recou-vre vraiment ce terme ? Pour le citoyen non

informé, c'est avant tout l’éolien et le photovoltaïque, bienqu’en importance ce soit surtout la biomasse et l'hydrauliquequi constituent l’essentiel de ces énergies. Ce livre permet desituer avec leur bon ordre de grandeur l’importance de cesénergies, leurs potentialités et aussi, comme pour toutes lesénergies, leurs limites. Il permet de sortir de visions trop sou-vent simplistes qui éludent certaines limitations techniques.On y trouvera des informations détaillées sur les aspects tech-niques, économiques, en explorant aussi bien les technolo-gies parvenues à leur maturité que celles encore futuristes etau stade d'expérimentation. Un livre, qui s'adresse à un publicaverti, mais essentiel pour quiconque veut entrer sérieuse-ment dans le débat sur l'énergie. A.B.

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La chimie d'une planètedurableSTÉPHANE SARRADE 224 p. - édition : Le pommier - mai 2011Comment produire en économisant les ressources,et en limitant les pollutions ? Faire autant, voire

plus, avec moins ? Face à une population mondiale qui attein-dra les 10 milliards d'ici 2050, et les besoins croissant en eau,énergie, agriculture et matières premières, ces questions appa-raissent fondamentales, et le secteur de la chimie est aux avant-postes pour relever ce défi. Tels sont les objectifs que se fixe la« chimie verte », exposés à travers ce livre. Alors que bien sou-vent on associe la chimie à la pollution et à une menace pourl'humanité, l’auteur explique en quoi nous devons notre survieaux bienfaits apportés par les progrès de la chimie. Il n'éludepas pour autant les catastrophes industrielles ni les pollutions,mais nous invite à bien situer le niveau des problèmes. A.B.

L'accident majeur deFukushima ALAIN CARPENTIER, JACQUES FRIEDEL,ÉDOUARD BRÉZIN, ÉTIENNE-ÉMILEBAULIEU 87 p. - Edition EDP Sciences - mai 2012L'accident de Fukushima suite au Tsunami de

mars 2011 au japon a frappé les consciences. Désormais il yaura un avant et un après Fukushima concernant les grandesdécisions de politique énergétique. C'est pour cela que ce livre,qui fait le point sur cet accident majeur est essentiel. Il est diviséen trois parties qui traitent des aspects sismiques, nucléaireset médicales de l’accident. Ce livre précis, très documenté, aété rédigé par des membres de l’académie des sciences, en soli-darité avec le Japon. Il est un outil pour mieux comprendre lesrisques encourus en France et y remédier du mieux possible.Chaque chapitre est ainsi suivi d'une série de recommanda-tions. Nul doute que cet ouvrage participera au retour d'expé-rience nécessaire de cet accident. A.B.

Produire mieux pourmanger tous d’ici 2050et bien aprèsGÉRARD LE PUILL323 p. - Édition Pascal Galodéjuin 2013

Frédéric Joliot considérait déjà qu’une société qui produisaitpour vendre et non pour répondre à des besoins allait à lacatastrophe. Ce 3e ouvrage en 5 ans, marque l’engagementet l’inquiétude de l’auteur qui dégage de nombreuses pistespour relever le défi alimentaire à venir. Cela passe par unegestion rationnelle des sols et le respect de règles simples. Nepas faire produire à un sol plus que ce que permet sa régéné-ration dans un laps de temps donné, sous peine de stérilisa-tion. L’agroforesterie, les ceintures vertes autour des grandesagglomérations : il s’agit de produire mieux pour que tousmangent à leur faim et que dans le même mouvement, oncapte du CO2 au lieu d’en libérer, qu’on n’empoisonne plusles sols et que la biodiversité tant végétale qu’animale (insectes)soit conservée. Mettre en valeur les terroirs de France afind’assurer la souveraineté alimentaire actuellement mise à malpar le marché spéculatif sur les productions agricoles. I.L.

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L’être humain et la naturequelle écologie? Manifestepour un développementhumain durableLUC FOULQUIER, ROLAND CHARLIONET205 p. - Fondation Gabriel-Péri - septembre 2013

Les relations humains/nature sont au centre de cet ouvrage.En cohérence avec la pensée de Marx qui n’a jamais cessé depenser la dialectique être-humain/société/nature, dénon-

çant vigoureusement la rupture par lecapitalisme entre la nature et les sociétéshumaines. La notion de biens communsde l’humanité occupe une place essen-tielle dans cette réflexion. Des analysesrares, dans le cadre du développementdurable sont présentées, telles que lesmodes de production cyclisée ou le défi duprogrès des connaissances scientifiques ettechniques concept galvaudé et dénaturédans le mode de production mortifèrequ’est le capitalisme. Il y est fait litière desidéologies démobilisatrices du type « sor-

tir de… » ou de la décroissance qui sont montrées pour cequ’elles sont, à savoir in fine obscurantistes. Le niveau dedéveloppement des forces productives matérielles est tel quetous les besoins de l’humanité peuvent être satisfaits à lacondition d’un autre système de production et d’échanges.On trouve, en fin de quatrième partie, des propositions quipermettent d’assurer une cohérence de pensée sur l’ensem-ble des sujets traités et qui structurent un projet communistesi tant est que ce qui distingue une société d’une autre, c’estla façon dont les marchandises y sont produites et échangées(F. Engels). Ce dernier chapitre peut être lu séparément dureste et reprend son sous-titre « Manifeste pour un dévelop-pement humain durable ». Cet ouvrage témoigne de plus de40 ans d’engagement écologique du Parti Communiste enFrance. I.L.

NOUS AVONS LE CHOIX!LOUISE GAXIE, ALAIN OBADIA525 p. - Fondation Gabriel-Péri - 2013

« Nous avons le choix : Penser le souhai-table pour ouvrir d’autres possibles ».Associez une jeune juriste en droit publicet un militant aguerri du PCF, membre duConseil Économique Social etEnvironnemental, et vous obtenez unouvrage remarquable qui montre tout l’in-térêt de faire de la politique.Ne croyez pas Margaret Thatcher qui reven-diquait cette affreuse formule « TINA =There Is No Alternative ». Pour l’instant,c’est le peuple qui paie avec le slogan per-manent de la nécessité de faire baisser lecoût du travail.Le capitalisme ne dispose plus de l’argu-ment de l’efficacité de son système. Ça nefonctionne pas. Mais peut-on changer ?Richelieu disait que « la politique est l’artde rendre possible ce qui est nécessaire ».Ce livre montre qu’il y a des possibles.Des propositions novatrices, cohérenteset globales constituent une grille de lec-ture de la construction d’un véritable pro-jet de société. Il est temps de mettre fin àcette contre-révolution qui, depuis lesannées soixante-dix, n’en finit pas de s’at-taquer aux droits sociaux, ne voit commeavenir que le taux de profit au détrimentdes hommes et de la nature, nous enfoncedans des choix binaires en masquant lacomplexité du réel et en nous privant devrais débats contradictoires et pluralistes.Les lectrices et lecteurs de notre revue

seront particulièrement intéressés par lesparagraphes qui traitent des questions dutravail, du rôle de l’expertise, du respectdes écosystèmes, de la planification et dela politique industrielle, des sciences etdes technologies au service de l’humainou encore de la conception de produitsfinanciers responsables socialement etécologiquement.Ils pourront réfléchir sur les débats rela-tifs à « l’économie verte », au concept decroissance-décroissance ou à la définitiond’indicateurs de richesses. Avec quelquesprincipes forts d’humanisation, de trans-formation écologique des modèles pro-ductifs… on peut s’attaquer à de grandschantiers, comme ceux de l’énergie, del’agriculture, des services publics.

Tout montre que l’hymne à la gloire de laconcurrence comme modèle de société, quiva avec l’austérité, nous envoie dans le mur.Au contraire, en Europe comme dans lemonde, il faut développer en grands lescoopérations, les débats, les échanges. Ilfaut une autre mondialisation qui partede l’intérêt des peuples, qui impose desnormes sociales et environnementales,qui prenne soin du patrimoine communde l’humanité.

C’est déjà tout un programme de luttes etd’objectifs à atteindre.

La structure de l’ouvrage va au-delà. Ellepart du progrès humain comme finalitéet de la démocratie à tous les niveauxcomme matrice. Elle s’appuie sur unelogique de durabilité et sur une concep-tion d’un mode de développement éman-cipateur. Elle fait la promotion des coo-pérations et d’une mondialité solidaire.La dynamique de ce processus ne pou-vant se transformer en véritable projetqu’avec l’appropriation populaire et l’en-gagement citoyen.Cette mise en question profonde du sys-tème capitaliste est à la hauteur des besoinspour orienter la société vers le progrèshumain durable.Cet espoir, ces propositions sont réalistes.Le texte se termine par cette phrase d’EdgardMorin « tout commence par une déviance,qui se transforme en tendance, qui devientune force historique ». L.F.

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» LA FONDATION GABRIEL PERI C’est pour rendre hommage à l’audace, àl’esprit libre et anticonformiste, à l’intellectuellucide et exigeant, anticipateur, que lafondation créée par le Parti communiste et

présidée par AlainObadia, s’appelle GabrielPéri nom du députécommuniste d’Argenteuilassassiné par les nazis.La fondation organisedifférentes initiatives : • les colloques : une à

deux fois par an. Il s’agit d’approfondir unthème précis avec une série d’intervenants,universitaires, chercheurs, politiques,personnalités. Chaque colloque donnera lieu àla publication d’actes ; • les rencontres : organisées une fois par mois,sur le principe d’une audition d’unepersonnalité. L’invité exposera son point de vued’expert d’une question donnée, avant dedialoguer avec le public ; • les séminaires : la Fondation se proposed’ouvrir quatre grands chantiers de rechercheet d’élaboration de propositions nouvelles en2005. Ce sont les « séminaires », installésdans la durée (1 an minimum) avec pourobjectif, au terme de cette période, lapublication d’un ouvrage collectif. À noter quetoutes les conférences sont filmées avec desmoyens professionnels : très appréciable pourceux qui n'habitent pas en région parisienne.http://www.gabrielperi.fr/

» LE LEMhttp://lem.pcf.fr/ En février 2009, le ConseilNational du Parti communiste français décidaitde créer le LEM - Lieu d'étude sur le

mouvement desidées et desconnaissances.Le LEM est un

lieu de rencontres, de travail commun, aveccelles et ceux qui portent des connaissances,des analyses, des expériences diverses, sur lemonde comme il va et comment le changerdans un sens plus progressiste. Cesévénements donnent régulièrement lieu à lapublication de dossiers, les cahiers du LEM,téléchargeables librement sur le site. À traverscette nouvelle relation de travail, le LEM veuttout à la fois ouvrir les communistes aumouvement multiforme des connaissances etdes idées et faire se rencontrer celles et ceuxqui réfléchissent au changement de la sociétédans un sens émancipateur et organiser larencontre-confrontation avec les réflexions etles productions novatrices des communistes.Quelques invités, au hasard : Philippe Corcuff(La gauche en état de mort cérébrale ?),Louise Gaxie et Alain Obadia (à la reconquêtedu progrès), Gabriel Colletis et Maryse Salles(une méthode pour construire les objets d’unealternative politique), Gabriel Colletis (quelprojet industriel pour la France ?).

La Revue du projet faitpeau neuve à l'occasiondu numéro d’octobre.Plus aéré, plus clair.

Trois années d'existence,à un rythme d'un numéropar mois : cet anniversairea donné lieu à un bel évé-nement au siège du PCFle 4 octobre dernier, enprésence de Pierre Laurent.Cette revue commence àêtre citée et identifiée parles médias comme la revue de réfé-rence du PCF, ce qui est déjà une belleréussite. Pour le numéro de septem-bre, consacré au communisme muni-cipal, sur près de 30 pages, un dossierqui va grandement aider et nourrirpolitiquement, à la fois les militants

mais surtout les anima-teurs de la campagne àvenir : secrétaire de sec-tion, futurs candidats, diri-geants de fédérations… Etcomme toujours de nom-breuses rubriques et unretour sur le travail dessecteurs. Le numéro dumois d'octobre, nouvelleformule donc, consacréà la République, donneralieu à un deuxièmenuméro en novembre :

un numéro dédoublé en somme, tel-lement le sujet est important.L'abonnement peut se faire par inter-net très facilement, pratique pour lerecevoir chez soi et ne rater aucunnuméro : http://projet.pcf.fr

La Revue du Projet

Une revue marxiste quifait le point sur l’actualitééconomique et donne àvoir les propositions duPCF et des clés pour répon-dre à la crise du capita-lisme et le dépasser. Éco-nomie & Politique arécemment étoffé soncomité de rédaction, etcontinue de s'ouvrir àdes contributions venant de

toutes les générations. Le der-nier numéro fait le pari du lienentre les générations (voir lacouverture ci dessus) dans labataille sur les retraites. Pourrappel, citons le site internet,transformé, véritable mine d'ord'informations et outil de for-mation, avec la possibilité des'abonner à la revue :http://www.economie-poli-tique.org

Économie & Politique

Un nouveau blog : http://www.pier-relaurent.org/ Pour mieux connaî-tre l’homme, le secrétaire nationaldu Parti Communiste Français. Loinde la pipolisation actuelle des poli-tiques en général, dans la fraternitéque lui connaissent ses camarades,et malgré sa réserve naturelle. PierreLaurent nous donne là un blog élé-gant et sobre qui le rapproche desmilitants et de toute personne dési-rant en savoir un peu plus sur le diri-geant tout en ayant un moyen directd’entrer en contact personnel avec lui.

Le blog de Pierre Laurent

Du côté du PCF et des progressistes...

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PAR LUC FOULQUIER,

Cadre de vie, environne-ment, écologie : notonsque ces mots ne recou-

vrent pas la même chose et queleur définition bouge avec letemps.Pour beaucoup l’affaire seraitentendue : le PCF ne s’est jamaisoccupé de ces questions ; il auraitpris le train en marche et, de plus,il ne pouvait faire mieux car, pardéfinition, c’est un parti produc-tiviste. Certes, le PCF a eu desretards quant à la prise en compted’une conception globale de l’ex-ploitation des hommes entre euxet des hommes sur la nature parle système capitaliste. Le soutien au « système sovié-tique » l’a souvent empêché deregarder la réalité en face ; c’est-à-dire la manière dont son fonc-tionnement conduisait, « aunom » de la nécessité de pro-duire et de rattraper le capita-lisme, à des désastres écologiques.Mais cela cache une autre réa-lité. Il y a la volonté dans la batailleidéologique d’éliminer Marx etle Marxisme du champ des dis-cussions concernant l’écologie.De ce point de vue les chosesbougent, des textes sont publiéset surtout on relit Engels et Marx.On pourra revenir sur leurs tra-vaux mais le dernier livre de J. B.Foster « Marx écologiste » remethistoriquement les choses à leurplace(1). Il y a surtout la volonté de cacherles réflexions, les positions poli-tiques et les initiatives des com-munistes pour protéger et amé-liorer l’environnement et le cadre

de vie des gens. J’ai donc cher-ché dans les archives les textesanciens, les coupures de presse,les travaux de congrès du PCF,les livres. La réalité n’est pas cellequ’on prétend exposer ou quel’on veut imposer. Par exemple,on oublie le travail effectué parles mairies dirigées par les com-munistes pour les espaces natu-rels, l’eau, l’urbanisme, l’éner-gie, les transports…

Il faut bien commencer à unmoment donné. Je pense que laréunion du comité centrald’Argenteuil des 11 au 13 mars1966, marque une étape déci-sive dans la réflexion du PCF. Larésolution adoptée affirme quele siècle où nous vivons est « aussicelui de la mathématique, de laphysique, de la chimie, de la bio-logie, le siècle de l’énergie nucléaire,de la télévision et de la cyberné-tique, un grand siècle de créationartistique et littéraire ». « L’accumulation d’armementsnucléaires fait peser sa menacesur le monde. La faim, l’incultureet l’oppression demeurent la réa-lité quotidienne pour des cen-taines de millions d’êtreshumains »(2). Cette résolution propose l’éla-boration par les partis et orga-nisations démocratiques d’unprogramme commun qui per-mette de mettre en valeur les res-sources dont dispose la France.La démocratie « contribuera » àla solution des problèmes de laconstruction, de l’urbanisme, dela santé, de l’équipement cultu-rel et sportif. « Elle rendra possi-ble des actions concrètes et à longue

échéance sans briser la nécessaireunité de la science, ni sacrifier lesdisciplines jugées aujourd’huinon rentables, dans les sciencesde la nature comme dans cellesde la société ». Cela reste d’actua-lité ! Mais « le développement de lascience nécessite les débats et lesrecherches. Le Parti CommunisteFrançais ne saurait contrarier cesdébats ni apporter une vérité apriori, encore moins trancher defaçon autoritaire des discussionsnon achevées entre spécialistes ».Quand on constate aujourd’huicomment certains affirment sansargument, suivent des dogmesou des croyances plutôt que desréflexions fondées sur des apportsscientifiques pour, en fin decompte, dire non au débat, cettephrase méritait d’être citée.Waldeck Rochet dans son dis-cours de clôture revient sur Marx« qui, dans ses thèses sur Feuerbach,relatives au côté actif de la pen-sée humaine a avancé la grandeidée selon laquelle la penséehumaine permet à l’homme depromouvoir la nature et la société,non pas en les contemplant maisen agissant sur elles et en les trans-formant ».Le problème est, en effet, com-ment agir et dans quel sens trans-former ? « De nos jours, les hommes voientgrandir leur capacité d’agir, aussibien sur les phénomènes de lanature en vue de soumettre celle-ci à leurs besoins, que sur le déve-loppement de la société, en créantde nouveaux rapports sociauxqui répondent au développementdes forces productives modernes».

« La liberté de l’homme consisteessentiellement à connaître leslois du développement de la natureet de la société et à s’en servir habi-lement dans son activité pra-tique ».On voit bien que la dénoncia-tion de l’exploitation de l’hommepar l’homme, tend à minimiserou à mettre au second plan l’ex-ploitation de la nature et sesconséquences. Mais le débat estbien lancé. Le PCF se met au tra-vail sur l’environnement et surson programme. Dès 1968-1969,sous l’impulsion de René Le Guenet de Roland Leroy, une commis-sion travaille sur les questionsscientifiques et techniques dumoment dont celle touchant àl’écologie.

René LE GUEN (1921-1993), undes principaux initiateurs de lacommission écologie du PCF en1968. Il animera égalementpendant de nombreuses annéesla revue « Avancées » dont« Progressistes » s'inspire.

(1) John Bellamy Foster – « Marx éco-logiste » - Edition Amsterdam. Paris2011

(2) Débat sur les problèmes idéolo-giques et culturels. Comité central duPCF – Argenteuil 11.12.13 mars 1966– in «Cahiers du Communisme » - n°5/6 mai juin 1966.

OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2013 Progressistes OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2013 Progressistes

Le cadre de vie, l’environnement,l’écologie et les communistes : histoire et présent

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Dès les années soixante, les idées liées aux questions environnementales émergentau PCF. Un débat s’instaure qui aboutira à la création de la Commission écologie etau lancement de la revue Avancées par René le Guen.

HISTOIRE

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Page 60: x COMMUNES ET ENVIRONNEMENT · Pour une transition énergétique réussie - Contribution au débat public Complexes et vitaux à bien des titres, les enjeux énergétiques structurent

« L’histoire humaine n’est qu’un effort incessantd’invention, et la perpétuelle évolution est uneperpétuelle création. » Jean Jaurès

Carte stellaire Dunhuang, années 649-684, document chinois trouvé dansun temple situé sur la route de la soie.La plus ancienne carte d’étoiles connue, toutes civilisations confondues. On peut reconnaître les constellations de la grande Ourse, du Sagittaire et du Capricorne.

Théorie des éclipses, tiré d'un manuscrit d’Al-Biruni,astronome arabe, 973-1048

PROCHAIN DOSSIER (Janvier, février, mars) : LES TRANSPORTS

• Photo de notreplanète (au centredu cercle) réaliséeen 1990 par lasonde à près de6,4 milliards dekilomètres de laTerre ... La photola plus lointainede notre monde.

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Vue d'artiste de la sonde Voyager1.

• Septembre 2013 : La sonde américaine Voyager1, lancée en1977, est sortie du système solaire, devenant ainsi le premierobjet envoyé par l'homme à atteindre l'espace intersidéral.

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