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Atelier de la Concurrence Rapport de la Conférence Concurrence et marché horloger: La course contre la montre? XV Openmovement: Arriver à des résultats d’un effet puissant avec de petits moyens Roman Winiger, président openmovement Swissness et marché horloger David Lambert, SLB Avocats Innovation et concurrence dans l’industrie hor- logère suisse Dr. Hanspeter Rentsch, Swatch Group Marchés horlogers et droit de la concurrence Prof. Dr. Evelyne Clerc, Université de Neuchâtel; COMCO Prof. Dr. Blaise Carron, Université de Neuchâtel Sarah Umbricht Contenu Auteure

XV - zhaw.ch · L‘industrie horlogère Suisse a des décennies de mouvements derrière elle : dans les années 80, encore perçu comme secteur en difficulté,

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Atelier de la ConcurrenceRapport de la Conférence

Concurrence et marché horloger:La course contre la montre?

XV

Openmovement: Arriver à des résultats d’un effet puissant avec de petits moyens Roman Winiger, président openmovement

Swissness et marché horlogerDavid Lambert, SLB Avocats

Innovation et concurrence dans l’industrie hor-logère suisseDr. Hanspeter Rentsch, Swatch Group

Marchés horlogers et droit de la concurrenceProf. Dr. Evelyne Clerc, Université de Neuchâtel; COMCOProf. Dr. Blaise Carron, Université de Neuchâtel

Sarah Umbricht

Contenu

Auteure

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Concurrence et marché horloger:La course contre la montre?

Rapport de la Conférence de Sarah Umbricht

L‘industrie horlogère Suisse a des décennies de mouvements derrière elle : dans les années 80, encore perçu comme secteur en difficulté, les producteurs horlogers suisses se sont lancés à la conquête des marchés mon-diaux – en dépit de la rude concurrence en provenance d’Asie. Cependant, le succès des différents acteurs du marché, ainsi que la concentration opérée autour de quelques grands groupes, ont également généré des craintes : existe-t-il encore aujourd’hui un environnement concurrentiel sain ? Les PME manufacturières sont-el-les menacées d’étouffement de la part des sociétés surpuissantes ? Est-il déjà trop tard? Depuis 10 ans, les autorités de la concurrence s’efforcent de répondre à ces craintes de manière proactive. L’objet du XVe Atelier de la concurrence et de savoir si la concurrence n’est pas trop limitée sur ce marché et dans quelle mesure l‘intervention des autorités de la concurrence était nécessaire et appropriée afin de stimuler la concurrence.

„The winner takes it all?“

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Prof. Dr. RA Patrick L. Krauskopf, Avocat

KWP Rechtsanwälte

Chef du Centre du droit du commerce et de la concurrence de la ZHAW

Dr. Hanspeter Rentsch

Membre de la Direction générale Swatch Group SA

Roman Winiger

Président openmovement

David Lambert

SLB Avocats

Prof. Dr. Daniel Kraus

Professor of innovation law at the University of Neuchâtel, WIPO Arbitrator and Mediator

Prof. Dr. Evelyne Clerc

Commission de la concurrence COMCO; Université de Neuchâtel

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Prof. Dr. Blaise Carron, Avocat

Université de Neuchâtel

Conseiller national Jacques-André Maire

PSS

Dr. Olivier Schaller

Vice-directeur de la Commission de la concurrence

1ère partie: Introduction et salutation

Daniel Kraus, Université de Neuchâtel

Le Prof. Daniel Kraus a ouvert le XVe Atelier de la concurrence à l’Université de Neuchâtel. Le thè-me du marché horloger convient particulièrement bien à cette ville. Le Prof. Kraus a souligné que la situation juridique du marché horloger, sur le plan de l’économie et de la concurrence, était d’une actualité brûlante. Une concurrence opérationnelle s’avère capitale dans l’industrie horlogère aussi.

2e partie: Conférences

2.1 Openmovement: Arriver à des résultats d’un effet puissant avec de petits moyens

Roman Winiger, horloger indépendant et président de„openmovement“

Dans son introduction Roman Winiger donne la parole à Baudelaire: „Cet artiste (…) arrivait sou-vent, par une heureuse concurrence de petits moyens, à des résultats d’un effet puissant“1.

Ensuite, M. Winiger a présenté openmovement:

• openmovement est issu de l’union/association de quatre membres fondateurs avec environ 80 autres membres („adhérents“).

1 Charles Baudelaire, Salon, 1846, p. 138. «Cet artiste (…) arrivait souvent, par une heureuse concurrence de petits moy-ens, à des résultats d’un effet puissant.»

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• En arrière-plan, l’industrialisation développe le savoir-faire dans l’industrie horlogère. Ce sa-voir-faire technique doit être précisément encouragé, car „s’il (le savoir-faire) ne circule pas, il disparaît“. Il a ajouté qu’il était difficile pour les écoles professionnelles d’obtenir les ébauches et les composants nécessaires pour fournir l’expertise indispensable à la future génération des horlogers.

• openmovement est une (possible) solution à ce problème/défi: l’objectif est d’offrir un hardware opensource“ accessible dans le domaine des mouvements horlogers, à l’image de Linux dans l’industrie informatique.

Après une brève description du fonctionnement d’une montre, l’horloger explique que la crise dans le secteur d’horlogerie, dans les années 70, a conduit à la disparation de nombreuses entreprises qui produisaient des mouvements. Seule une poignée de sociétés sont aujourd’hui en mesure de fournir des mouvements à l’ensemble du secteur horloger.

La production industrielle a besoin d’une base traditionnelle, parce que cette connaissance s’avère essentielle pour rester compétitif envers les entreprises étrangères.

• Le savoir-faire horloger doit être préservé, notamment en alimentant les HES et d’autres éco-les d’horlogerie, grâce à la promotion et au développement de l‘innovation. De ce point de vue, openmovement constitue une alternative pour les petites et moyennes productions de mou-vements.

• L‘objectif est un mouvement de bonne qualité qui est accessible et disponible pour tous. Cette possibilité d’usage devrait être ouverte non seulement aux horlogers Suisses mais aussi aux horlogers d‘autres pays comme la Chine ou le Japon. Les fabricants horlogers opensource ont le devoir d’inscrire le logo „OM“ (pour openmovement) sur leurs boitiers.

• Le risque dans le cas de carence consiste en une verticalisation de la chaîne de production et de distribution. Ce phénomène existe depuis 15 ans. Dans la pratique, les grandes entreprises bénéficiant d’un développement annuel de 15% dictent leurs lois aux petites et moyennes entre-prises.

Enfin Roman Winiger (www.openmovement.org) a expliqué qu’openmovement a bénéficié de plusi-eurs partenariats. Néanmoins, la société recherche encore 150‘000 francs suisses pour développer un mouvement avec lequel openmovement serait en mesure d’atteindre un chiffre de vente d’un montant de 5 à 10 millions de francs suisses.

2.2 Swissness et marché horloger

David Lambert, SLB Avocats

En guise de préliminaire, l’orateur, M. Lambert, décrit la situation juridique actuelle: depuis le dé-but de 2012, le projet Swissness est discuté au Parlement. Ce projet Swissness a pour objet une révision de la loi sur les marques et de la loi fédérale sur la protection des armoiries publiques et autres signes qui symbolisent la „marque Suisse“., Les débats se sont poursuivis jusqu’alors, faute de consensus.

Sur le fond, M. Lambert a rappelé que les dispositions légales du „Swiss made“ couvraient tous les biens et services.

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• L’art. 48c LPM impose deux conditions cumulatives pour l’obtention du label „Swiss Made“, con-ditions que Lambert qualifie de relativement imprécises: (i) 60% du prix de revient des produits (comprenant les coûts de fabrication et d’assemblage, mais aussi les coûts de recherche et dé-veloppement) et (ii) le processus principal de la phase de production/fabrication doit se dérouler en Suisse.

• Mais ces dispositions sont dépassées. En effet, la loi fédérale sur la protection des armoiries publiques et autres signes n’autorise pas l’inscription de la Croix suisse sur les produits. Une interdiction qui ne correspond plus à la réalité (voir les exemples de Victorinox, Tissot). Le label „Swiss Made“ sera perçu, en outre, davantage comme une caractéristique de qualité que com-me une appellation d‘origine. Cette circonstance permet de nombreux abus et plaide donc en faveur d’une révision officielle de la loi.

L‘industrie horlogère est soumise à une réglementation spéciale, l’Ordonnance du 23 décembre 1971 sur l‘utilisation du nom «Suisse» pour les montres (ci-après: l’Ordonnance).

• Les montres constituent les seuls produits pour lesquels une réglementation spéciale est appli-cable. Cette spécificité devrait changer avec le projet Swissness.

• Les appellations d‘origine jouent un rôle déterminant dans l’industrie horlogère. Ceci est d’autant plus vrai que cette l‘industrie est la seule où le label Swiss Made est aussi largement répandu.

La préoccupation principale du projet Swissness est d’adapter et de modifier les conditions légales en faveur d’une appellation d’origine plus claire et plus précise.

• La modification des deux critères mentionnés ci-dessus, dans le cadre du droit des marques, donne lieu à des discussions émotionnelles au Parlement. Par exemple, l’attribution d’une ap-pellation d’origine à un produit spécifique est conditionnée au fait qu’une étape physique de la production a lieu en Suisse et non pas seulement la recherche et le développement ou le mar-keting.

• Pour l’industrie horlogère, qui dépend de l’ordonnance d’application spécifique, cette révision revêt une signification particulière. Cette Ordonnance peut seulement matérialiser la loi, sans établir d’exception à cette loi, ni fournir de protection plus étendue que celle de la loi. La révisi-on de la réglementation aura une influence significative sur les critères pris en compte lors de l’évaluation d’un produit au regard de sa qualité «Swiss Made».

Pour les armoiries la révision représente une occasion d’appliquer à la Croix suisse les mêmes conditions que celles relevant de l’appellation d’origine.

• Cela facilitera sa protection en Suisse comme à l‘étranger. La Croix devient ainsi une appellation d‘origine, mais son armoirie reste la propriété exclusive de l‘Etat.

• Il y a des exceptions pour des entreprises utilisant son armoirie comme Victorinox: elles peuvent continuer à le faire, mais seulement pour les produits qui répondent aux exigences de la loi et, par conséquent, ayant été créés au moins en (grande) partie en Suisse.

David Lambert nous rappelle que l’attitude des consommatrices et des consommateurs a évolué dans la mesure où la majorité d’entre eux ont des attentes très élevées à l’égard de la qualité des produits.

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• Pour les produits alimentaires suisses, le consommateur moyen attend que 80% des ingrédients proviennent de Suisse.

• L’industrie y a vu un moyen marketing. Le scandale de la viande de cheval2 dans l’UE a offert l’occasion de mettre en avant «la qualité Suisse».

Mais la révision aura un effet limité:

• À cause de l’absence d’un effet extra territorial, elle ne s’applique qu’aux entreprises suisses. Cela signifie que les entreprises suisses seront soumises à des règles et des conditions plus strictes qu’auparavant, alors que les entreprises étrangères pourront continuer à appliquer de la même manière le Swiss Made.

• À l’avenir, de nouvelles indications géographiques doivent être autorisées, à condition qu’il exis-te une réglementation pour le secteur concerné. Cette protection promet plus d’efficacité que celle d’aujourd’hui. L’orateur l’a illustré au moyen d’un exemple: il y a quelques années la fédéra-tion horlogère suisse a déposé une marque «SWISS MADE» aux États-Unis (non reconnue en Suisse). Ce processus d’enregistrement a pris beaucoup de temps parce qu’une entreprise américaine avait recouru contre la démarche. Le cas reste pendant. Les modifications introdui-tes dans le projet Swissness vont considérablement accélérer le processus d‘enregistrement: dès lors que la marque géographique est répertoriée en Suisse, il suffirait à l’avenir de valider une équivalence aux Etats-Unis ou ailleurs dans le monde.

En conclusion, M. Lambert a précisé que la législation concernant Swissnes n’était pas un instru-ment de répression au service de l’Etat.

• Swissness impose aux entreprises un cadre juridique. Si elles sortaient de ce cadre, leurs viola-tions risqueraient d’être dénoncées par leurs concurrents.

• Swissness est un instrument de promotion du Swiss Made, un signe positif et un encouragement en faveur de la production locale.

2.3 Innovation et concurrence dans l’industrie horlogère suisse

Hanspeter Rentsch, Swatch Group, membre du comité exécutif

En guise d’introduction, le Dr. Rentsch a présenté les principales caractéristiques du marché horlo-ger,, caractéristiques qui ont surpris, ici ou là, dans l’auditoire.

• Si la quote-part de la production horlogère suisse à l’échelle mondiale reste relativement limitée (moins de 5%), en valeur, elle est singulièrement plus importante (supérieure à 50%). Ceci dé-montre que la Suisse produit des montres dans le segment de prix le plus élevé. Tant en Suisse, qu’ailleurs dans le monde, les montres mécaniques ne représentent qu’une faible proportion de la production horlogère.

• Le marché est hautement complexe: il s’étage dans une structure à plusieurs niveaux (différents composants, travaux, montres) dont les marchés en amont et en aval comprennent des in-terdépendances et où règne, au niveau du produit fini des montres, une plus forte concurrence.

2 Le scandale de la viande de cheval a éclaté dans plusieurs pays européens en 2013 quand on découvert que des produits alimentaires à base de boeuf contenaient jusqu’à 100 % de viande de cheval non-déclarée. En outre, au cours de l’enquête, des traces d’autres viandes non déclarées (comme le porc) ainsi que des médicaments (phénylbutazone) ont été décelées. Les produits concernés étaient en particulier des sur-gelés et des sauces à la viande comme les lasagnes, les raviolis, la sauce bolognaise etc.

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• Le marché est relativement hétérogène: aux côtés de quelques gros fournisseurs, il en existe de nombreux petits.

• Parmi de plusieurs petits vendeurs, il y a quelques grandes. Trois grands acteurs rassemblent la majorité de la production mondiale de montres: le Japon, la Chine et la Suisse, parmi lesquels la Chine est quantitativement le concurrent le plus grand/fort dans la production des montres à quartz/analogiques. Après ces trois grands acteurs viennent l’Inde et la Russie.

«Sans innovation une industrie ne peut survivre», a souligné le Dr. Rentsch. Les innovations forme-raient la roue motrice de l’économie et la société de consommation nécessiterait des nouveautés.

• Il existe une relation directe entre l’innovation et la concurrence. Sans concurrence, l’incitation au renouvellement ne serait pas alimentée ou insuffisamment et les investissements en recher-che et développement déclineraient. M. Rentsch a expliqué, que les innovations d’un fournisseur aboutissent à de nouveaux développements de produits chez d’autres fournisseurs, créant ainsi une pression concurrentielle.

• Par conséquent, les PME jouent un rôle central: elles sont très innovantes parce que leurs pro-cessus décisionnels sont généralement plus courts que ceux des grands groupes. Cela génère une pression sur les grands fournisseurs et empêche de se reposer «sur ses lauriers».

• De plus, la compétitivité technique internationale fait peser une pression sur la Suisse sur le plan de l’innovation.

La structure du marché horloger met en lumière de nombreux défis: la dépendance d’un ou plusi-eurs fournisseurs restreint habituellement la diversité de la production.

• Un manque d’experts technologiques conduit à moyen et long terme à une uniformité technique, ce qui a pour effet de déplacer la concurrence au niveau de prestations secondaires comme l’esthétique, le marketing, la marque, le service etc. dans les étapes en aval.

• Enfin, si toutes les pièces ne sont achetées que par une ou plusieurs sociétés, d’une part la créativité technique et la diversité des produits en souffrent, d’autre part cela conduit à entrepre-neuriat moins actif et à une moindre prise de risque.

Dans le passé, l’industrie horlogère a traversé les phases d’innovation suivantes:

• L’introduction des montres à quartz. Celle-là a presque évincé, incidemment, Nivarox du mar-ché. On a du discuter en interne dans les années 80 de l’opportunité de limiter à l’avenir la pro-duction des montres au quartz. Nivarox n’aurait pas pu modifier aussi rapidement sa production mécanique et n’a dû son salut qu’à la Swatch mécanique.

• La deuxième révolution à l’innovation a consisté, pour «Swatch», à produire des montres aussi bon marché que possible.

Une nouvelle impulsion à l’innovation ne pourrait survenir que par un renforcement du «Swiss made». Dans l’intervalle, des innovations se développent constamment:

• Les méthodes de production sont constamment améliorées, de nouveaux matériaux testés et utilisés, les caractéristiques techniques sont améliorées et - par exemple avec Tissot – l’écran tactile est introduit.

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• Pour les innovations, les conditions suivantes doivent être remplies: de l‘argent, des idées, des visions, de l‘entrepreneuriat et du savoir-faire à la base.

En ce qui concerne la procédure de la COMCO, M. Rentsch a indiqué que:

• Le Swatch Group dispose d’une position économiquement forte concernant les mécanismes, appelés assortiments. Il est le principal fournisseur d’assortiments pour de nombreux fabricants de montres, ce qui implique pour eux une faible incitation à développer et à produire leurs pro-pres mécanismes.

• Il n’y a pas d’obstacles insurmontables, pour construire sa propre production d’assortiments. (i) Il n’y a pas de barrières de brevets, (ii) le savoir-faire, le personnel qualifié, le capital et les équipements sont disponibles.

• Le Swatch Group est conscient de sa responsabilité et n‘a donc jamais envisagé une réduction de l‘approvisionnement à court terme. Mais le groupe Swatch doit mettre en place des capacités de production limitées pour ses propres marques et il est souhaitable que la dépendance à long terme à l’égard d’un seul fournisseur soit réduite.

• Dans ce contexte, on doit viser la mise en place des solutions suivantes: la réduction des liv-raisons a lieu progressivement sur une plus longue période, pendant laquelle des traitements spécifiques différenciés sont négociés. Ainsi, on peut garantir la sécurité de planification des fab-ricants de montres. Les quantités indiquées sont des quantités maximales lors de la commande, pouvant être aisément réduites par des acheteurs.

• Les autorités pourraient au final assurer plus de concurrence ainsi: une plus grande diversité des produits, plus d’innovations et plus de créativité dans le développement des mécanismes. Un regard sur le marché montre que, entre-temps déjà, une augmentation se dessine dans l’activité des fabricants horlogers de mécanismes.

Enfin, le Swiss Made constitue un label à haute valeur intrinsèque, synonyme de qualité. La Suisse, en tant que pays, est aussi une marque déposée.

• Un «Swiss Made» solide garantit sa crédibilité, empêche la tromperie des consommateurs et lutte contre les abus.

• Le Swatch Group et la „grande majorité“ de l‘industrie horlogère se sont engagés pour la varian-te du 60%, laquelle est aménagée pour les besoins de l‘industrie: «Tout ne doit pas être suisse, mais la majeure partie doit être suisse!»

• Des périodes de transition seraient envisageables pour les cas extrêmes. La règle des 60% ramènerait des emplois (hautement qualifiés) en Suisse et conduirait à une concurrence plus grande. En outre, elle ne contrarie pas un achat ciblée à l’étranger.

2.4 Les marchés horlogers et le droit de la concurrence

Evelyne Clerc, Commission de la concurrence, Université de Neuchâtel /

Blaise Carron, Université de Neuchâtel

En premier lieu, le professeur Carron avertit que les entreprises doivent être conscientes des ris-ques associés à une violation délibérée de la loi sur la concurrence. Elles s’exposent non seulement

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à des amendes élevées et des coûts administratifs, mais aussi à des dépenses judiciaires élevés ainsi qu’à des dommages en termes d’image.

En ce qui concerne les ententes illicites, M. Carron souligne les éléments essentiels, cruciaux pour les entreprises de l‘industrie horlogère:

• Accordshorizontaux: bien sûr, les entreprises ne devraient pas s’entendre ensemble sur les prix en vue de les fixer. Mais cette interdiction va encore plus loin: l’échange d’informations sensibles est en tout cas très problématique, car un tel comportement peut conduire à une uniformisation des prix dans ce secteur et donc être qualifié d’entente horizontale sur les prix.

• Lesaccordsverticaux: Les accords sur les prix de revente sont problématiques. Dans l’industrie horlogère, on ne rencontre guère de tels accords sous cette forme, mais plutôt sous la forme de recommandations de prix: les recommandations de prix sont-elles permises ou pas? La situation juridique est diffuse: La COMCO dresse des critères, à partir desquels elle établit les indicateurs d‘un accord vertical. La COMCO a souligné que, dans un cas «Hors-liste», une interdiction de recommandation des prix repose sur deux facteurs: d’une part sur une vaste enquête menée par le détaillant et d’autre part sur le fait que les recommandations de prix des fabricants de médicaments ont constitué une poursuite de l’entente cartellaire SANPHAR, interdite en 2001. De nos jours, la situation dans l‘industrie horlogère correspond de façon comparable à l‘affaire précitée. Il existe de nombreuses recommandations de prix, apparemment également suivie par les détaillants, et la COMCO a interdit le cartel sur les marges des prix de la SUMRA en 2001.

• Le Prof. Carron est d’avis que les recommandations de prix dans une branche comme l’industrie horlogère sont nécessaires. Mais à partir du moment où la loi et la pratique de la COMCO clas-sent ces recommandations comme problématiques, il est essentiel que les autorités clarifient (enfin) cette thématique, pour éviter les risques et obtenir davantage de sécurité juridique.

Madame le professeur Clerc a précisé que le droit de la concurrence suisse tend à la compatibilité avec celui de l’UE. Les décisions des autorités suisses prennent généralement en considération les cas jugés au niveau européen et les rendent compatibles.

• Les recommandations de prix sont généralement autorisées dans l‘UE, sauf si le prix en cause est seulement déterminé à un prix fixe ou minimal. Dans ce cas, la conduite serait sanctionnée.

• Le critère décisif pour la COMCO est de savoir si un détaillant dispose de suffisamment de liberté de décision pour fixer lui-même son prix de vente. Dans les jugements de l’UE, une recomman-dation de prix est considérée comme un prix fixe, si le prix de vente est associé à une fixation de marge ou à des remises en faveur du distributeur. Une recommandation de prix, imprimée sur un produit déterminé, est un indice induisant qu’une recommandation de prix devrait être suivie.

• L’application d’une pression ou d’une promesse d’avantages particuliers comme une incitation constituent des exemples d’autres indicateurs. L’exercice d’une pression a lieu si le fabricant surveille le distributeur/vendeur et l’intimide en le menaçant de sanctions (par exemple des liv-raisons retardées). La promesse d’avantages particuliers, comme des rabais de fin d’année en faveur du vendeur (coopératif), ou la promesse d’un bonus classent aussi la recommandation de prix dans les ententes illicites.

Au cas où une recommandation de prix aurait effectivement été suivie, les déclarations d’intentions

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entre les parties sont recherchées dans la pratique des tribunaux européens, que ce soit dans des clauses contractuelles ou sous toute autre forme d’accord mutuel, susceptible d’exprimer ces re-commandations.

• Un cas exemplaire devrait être mentionné, dans lequel un fabricant de montres a systématique-ment envoyé une liste de prix conseillés avec la facture, où les prix sont toujours restés iden-tiques. Une recommandation peut néanmoins être qualifiée comme une entente illicite, même si certains fournisseurs/distributeurs respectent les recommandations seulement en apparence, alors qu’en fait ils vendent les produits moins chers.

• Plus les prix sont maintenus élevés sur le marché des fabricants, plus grand est le risque que les recommandations de prix obéissent à un prix modèle.

En ce qui concerne un éventuel abus de position dominante, une position dominante devrait être identifiés au préalable:

• Dans ce cas, il faut considérer les différents produits substituables sur le marché pertinent favor-isant la concurrence et la réduction des prix.

• Dans l’industrie horlogère, il existe un marché pour les montres, subdivisé selon des échelles de prix, selon le marché des réparations ou selon les pièces de rechange. Une segmentation du marché a été confirmée par la Cour de justice (Tribunal de première instance des Communautés européennes) établissant à partir de quel montant une montre est considérée comme une mon-tre de luxe. En revanche, la Cour de justice n’a pas accepté, dans une affaire récente, pour plu-sieurs raisons, qu‘il y ait seulement un système de marché unique (avec un marché de la montre associé à celui des pièces de rechange), en particulier au motif que les pièces de rechange ne sont pas interchangeables entre elles.

Dès lors qu’une position dominante est démontrée, un abus potentiel devrait être examiné. Dans le cas des refus de contracter ou d’entretenir des relations commerciales, l’UE, les Etats-Unis ainsi que la Suisse suivent une approche similaire. Les conditions sont plus strictes quand il s’agit d’une cessation des relations contractuelles existantes que s’il s’agit d’un refus de contracter dès le début. Les autorités Suisses traitent le déni de relations contractuelles de manière moins stricte que les autorités européennes. En Suisse, il faut une restriction notable de la concurrence.

Les conditions suivantes doivent être examinées afin de déterminer un abus de position dominante:

• Le produit de la société en question doit être indispensable/essentiel pour les acheteurs et les autres sociétés (il n’y a actuellement et dans un avenir proche pas d’alternative).

• L’accès aux livraisons du produit concerné doit être facilité, et cela, à des conditions raisonnab-les /proportionnées et non discriminatoires.

• Enfin, les justifications d’une éventuelle non-livraison doivent être étudiées.

M. Carron ajoute qu’il est difficile de savoir comment les autorités suisses définissent le marché horloger.

• La seule définition du marché horloger se trouve dans le cas SUMRA 2001: la subdivision en quatre segments (les montres d’une valeur de 0 à 200 CHF, de 200 à 700 CHF, de 700 à 2000 CHF et les montres d’une valeur de plus de 2000 CHF) est éventuellement dépassée et devrait

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être mieux différenciée selon les circonstances.

• On peut se demander si, dans le secteur du luxe, les montres n’appartiennent pas à un marché plus important, dans lequel une montre est substituable à des produits en cuir ou des bijoux. Une montre, coûtant plusieurs milliers de francs, sert moins à donner l’heure, qu’à marquer un certain niveau de vie, comme cela est le cas avec tous les produits de luxe.

En ce qui concerne un accord à l’amiable avec la COMCO, le professeur Carron complète les points suivants du droit suisse:

• Dans la décision “arrêt de la livraison Swatch“, une solution amiable avait été trouvée, grâce à des négociations avec toutes les parties concernées. Selon lui, cette décision semble proporti-onnée.

• Pour Carron, il est absolument central qu’une solution appropriée soit élaborée, afin de garantir une situation concurrentielle conforme. Le défi de la COMCO consiste à fixer des délais, de telle manière qu’une concurrence effective soit de nouveau rétablie.

• Toutefois, il reste à analyser ce qui a déjà été entrepris dans le passé. En 2005, le Swatch Group était tenu par une décision de la COMCO, de continuer à livrer des ébauches pendant plusieurs années. On pensait (ou espérer) que, dans l’intervalle et jusqu’à l’expiration de la date limite,, une concurrence apparaîtrait sur le marché. Avant d’opter de nouveau pour une solution iden-tique, il serait utile de procéder à une analyse du marché des ébauches pour déterminer si, en fait, la concurrence est en mesure de se développer.

3e partie: Groupe de discussion (extraits)

Direction: Patrick Krauskopf, ZHAW, KWP Avocats

Participants:

Roman Winiger, Président openmovement

David Lambert, SLB Avocats

Evelyne Clerc, Commission de la concurrence COMCO; Université de Neuchâtel

Blaise Carron, Université de Neuchâtel

Conseiller national Jacques-André Maire, PSS

Hanspeter Rentsch, Swatch Group

3.1 Tour de table des nouveaux intervenants

Pour lancer la discussion, M. Patrick Krauskopf convie le conseiller national, Jacques-André Maire, à une première analyse de la situation.

Le conseiller national Jacques-André Maire:

En premier lieu, M. Maire explique qu’il avait suivi très attentivement les présentations et que cel-les-ci l’ont encouragé à approfondir les questions soulevées. Justement pour un parlementaire, en tant que généraliste, de telles réunions sont importantes pour mener à bien les dossiers en cours.

• Dans la compétition internationale, il est essentiel qu’on donne aux entreprises suisses un cadre

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juridique, leur permettant de s’affirmer sur le marché mondial.

• Il est important de promouvoir les innovations (et donc la recherche et développement), car ce sont les moyens grâce auxquels on peut stimuler la concurrence, à la pointe du marché mondial. En ce sens, une loi a été récemment adoptée dans le canton de Neuchâtel, loi qui apporte des résultats visibles, comme l’atteste l’exemple de la montre de Microcity.

Ensuite, M. Maire a évoqué l’état du projet Swissness, pour lequel le Conseil des Etats doit encore confirmer la décision du Conseil national. La contre-proposition (60% au lieu de 50% des coûts générés en Suisse, pour pouvoir afficher le label “Swiss Made“) dispose d’une majorité claire de voix en faveur de la solution des 60%.

En ce qui concerne la compétition en Suisse dans le secteur de l’horlogerie, M. Maire considère que:

• le cadre juridique, défini par la LCart, est adéquat.

• la crise dans le marché horloger des années 70 a eu pour conséquence une concentration sur ce marché, multipliant le risque d’une formation de cartels.

• La concurrence intérieure est donc d’une grande importance pour stimuler la recherche et le développement et lui redonner vie.

3.2 Session Q & R avec le public

Hanspeter Rentsch

A la demande d’un participant concernant les 60% „swissmade“, le Dr. Rentsch a indiqué qu’il n’y avait pas encore de jurisprudence. Les 60% incluent aussi le coût de la recherche et du développe-ment, mais il reste cependant difficile d’évaluer le pourcentage exact.

Roman Winiger

Au sujet des nouveaux entrants sur le marché des ébauches – dans le délai imparti par la COMCO –Roman Winiger indique qu’il existe effectivement de nouveaux producteurs de mouvements, mais qu’il reste très difficile pour les horlogers indépendants de se fournir auprès d’eux.

Roman Winiger

À la question de savoir pourquoi l’industrie, comme alternative à ETA, ne s’en remet pas à des manufactures comme MAHVJ ou Technotime, Roman Winiger explique qu’il est difficile de recevoir généralement une offre et si elles le font, il n’est pas possible d’acheter un assortiment complet pour CHF 100. Selon Winiger, Technotime est lent et aussi cher. Bien qu’on puisse obtenir des produits standards, dès qu’on demande un devis, on s’entend souvent répondre qu’on ne livre pas à des gens qui ne sont pas encore clients.

Hanspeter Rentsch

Il est certainement possible de produire des montres mécaniques en Suisse et on a déjà mené des

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discussions avec des producteurs potentiels; Mais les acheteurs ne veulent prendre aucun risque: tant qu’ils peuvent encore être livrés, ils ne produisent pas en propre. Le problème est probablement qu’ils ne peuvent pas produire de manière aussi efficace que l‘ETA (Ramp-up)

3.3 Groupe de discussion

1ère Session de questions, par Patrick Krauskopf: le projet Swissness a-t-il un effet pro con-currentiel?

David Lambert

Swissness est une pure idée marketing, donc il faudra qu’elle tienne ses promesses dans ce cadre. Pour cette raison, la révision doit fournir un instrument aux consommateurs pour comprendre cette idée de marketing-Représentation.

Néanmoins, M. Lambert a déclaré: „Swissness seul incitera les consommateurs à l’achat d’un pro-duit.“

 la question de savoir si les nouveaux entrants n’allaient pas être gênés par le Label Swiss Made, M. Lambert a estimé que ceux qui voulaient revenir sur le marché pourraient cependant le faire.

Jacques-André Maire

Pour le consommateur, il est important d’avoir quelque chose qui corresponde en fait au Label. Le projet Swissness doit garantir cette crédibilité. Les acheteurs sont prêts à payer 20% de plus pour un produit qui porte le „label Suisse“. Pour M. Maire, il relève de la responsabilité du législateur d’assurer au consommateur qu’il ne sera pas déçu.

Hanspeter Rentsch

Pour M. Rentsch, le projet Swissness soutiendra avant tout la compétitivité de la Suisse et du mar-ché du travail en Suisse:„ »Swiss made repose sur la qualité, voilà ce qu’on doit défendre! »

Roman Winiger

„Je fais du ‘La Chaux-de-fonds Made’, pas du Swiss Made, mais je dois forcément m’approvisionner au Japon ou ailleurs!“

Evelyne Clerc

Swissness est un instrument de différenciation des produits. Par conséquent, les produits qui ne pourront pas bénéficier du Label, devront se différencier / se définir / se distinguer par d’autres mo-yens.

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2e Session de questions par Patrick Krauskopf: Quelles suggestions et quels désirs les inter-venants adressent-ils aux législateurs?

Blaise Carron

M. Carron s’adresse aux législateurs et à l‘autorité de la concurrence:

• Le législateur suisse veut essentiellement adopter des lois qui soient compatibles/ conformes au droit européen. Mais l’art. 7a LCart (prévu dans la révision actuelle de la loi sur la concurrence) ne va pas dans ce sens, ni avec le droit de l’Union, ni même encore avec la volonté affichée en direction de l’OMC. Il est d’avis que les législateurs doivent négocier sur ce point, débattre et écarter cet article pour rester crédible.

• Les décisions de la COMCO se rapportent à un cas particulier, mais dont l’influence s’étend au-delà. Il est donc important que les autorités (de la concurrence) prennent des décisions claires et précises, car les juristes et les entreprises ont besoin d’un certain degré de certitude juridique, sinon les jugements diffus bloquent le marché.

Hanspeter Rentsch

On sera reconnaissant quand le législateur se décidera pour la solution des 60%. Cela sera essen-tiel pour l’industrie horlogère. Il voudrait aussi en appeler au patronat suisse, pour promouvoir et prendre des mesures en faveur d’un „chantier Suisse/EU“ qui inclurait notamment la promotion de l’innovation.

David Lambert

La Suisse subirait un préjudice considérable en termes d’image, si le projet Swissness devait être „enterré“ au Parlement. Il est donc absolument nécessaire que la réglementation Swissness soit adoptée.

Roman Winiger

Les parlementaires doivent (apprendre à) connaitre et inclure la réalité entrepreneuriale parce que les décisions prises au Parlement ont un très grand effet/influence sur les entrepreneurs et leur travail quotidien.

Evelyne Clerc

Les autorités de la concurrence doivent prendre des décisions qui reflètent de manière plus claire et plus sure la règlementation légale. En outre, elle souhaiterait commenter l’art. 7a LCart: le légis-lateur a ainsi créé un „animal unique“ dans le droit européen de la concurrence. Si le législateur acceptait cet article, il faudrait étudier de très près les modalités pratiques.

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Jacques-André Maire

Il assure qu’il veut rester en contact avec les participants de la réunion pour poursuivre ces réfle-xions. Il souligne que l’arc jurassien a peu de poids au Parlement. Cependant, il se réjouirait à l’idée d’impliquer tous les parlementaires de la région du Jura dans ce débat.

4e partie: Récapitulatif et épilogue

Olivier Schaller, Commission de la concurrence, COMCO

Au terme du XVe Atelier de la Concurrence, M. Dr. Olivier Schaller a remercié tous les participants pour leur présence et leurs prises de position. Il a relevé que cette manifestation avait été particu-lièrement bilingue l’a close, au vu de l’heure tardive, par la formule: „Le temps a passé très vite, ce qui est plutôt un bon signe!“ Ainsi se termine, sous les applaudissements nourris, le XVe Atelier.