1
Dossier thématique 16 Médecine des maladies Métaboliques - Mars 2011 - Hors série 1 © 2011 - Elsevier Masson SAS - Tous droits réservés. Y-a-t’il encore un avenir pour les inhibiteurs des récepteurs aux endocannabinoïdes ? Tam J et al. Peripheral CB1 cannabinoid receptor blockade improves cardiometabolic risk in mouse models of obesity J Clin Invest 2010 ; 120 : 2953-2966 Le coin biblio de la SFD O n a longtemps pensé que l’échec du rimonabant (Acomplia ® ) avait sonné le glas des inhibiteurs des récepteurs aux endocannabinoïdes. Ce d’autant plus, que le développement d’un deuxième inhibiteur, le taranabant (laboratoires Merck), avait aussi été stoppé en raison de troubles psychiatriques (dépression, anxiété, idées suicidaires.) [1]. Très récemment, les résultats de l’étude CRESCENDO visant à évaluer le bénéfice cardiovasculaire du rimonabant ont été publiés [2]. Cette étude est difficilement interprétable car elle n’a pu être conduite à son terme en raison de l’arrêt de la com- mercialisation du produit. Aucune tendance en faveur d’une protection cardiovasculaire n’a pu être observée et un nombre plus important de suicides a été retrouvé dans le groupe rimonabant par rapport au groupe placebo (4 cas contre 1). Le système endocannabinoïde joue un rôle clef au niveau du système nerveux central (SNC) en contrôlant notamment la prise alimentaire. Néanmoins, les récepteurs aux endocannabinoïdes CB1-R & CB2-R sont également exprimés aux niveaux de tissus périphériques comme le foie, le tissu adipeux, le muscle ou le pancréas. Dans ce travail, l’équipe de George Kunos (NIH, Bethesda, États-Unis), expose ses résultats concernant les conséquences métaboliques d’une inhibition périphérique de CB1-R. Son équipe a développé un inhibiteur sélectif de CB1-R (AM6545) qui, contrairement au rimonabant, ne s’accu- mule pas au niveau du SNC. Il semble que l’AM6545 puisse passer la barrière héma- toencéphalique, mais qu’il soit activement réexporté vers la circulation sanguine par un transporteur spécifique de la famille des ABC (abcb1 ou P-gp). Ainsi, le ratio entre les concentrations « centrales » (i.e. dans le LCR) et plasmatiques est de 0,03 pour l’AM6545 contre 0,8 pour le rimonabant dans les souris contrôles. En revanche, les souris invalidées pour le transporteur abcb1 ont un ratio de 0,64. Quoi qu’il en soit, des souris traitées par l’AM6545 ne présentent aucun trouble du comportement des souris. Contrairement au rimonabant, l’AM6545 est incapable d’antagoniser la catalepsie, l’hypomotilité et l’hypothermie induites par les endocanabinoïdes. En revanche, cette étude démontre l’intérêt d’une inhibition sélectivement périphérique du CB1-R par l’AM6545 sur différents paramètres métaboliques dans des modèles de souris obèses. L’AM6545 entraîne une perte de poids qui semble liée à une augmentation de la dépense énergétique plus qu’à une diminution de la prise alimentaire (absence d’effet sur le SNC). Cette action sur la dépense énergétique est dépendante de l’action lipolytique de la leptine au niveau du tissu adipeux, puisque cet effet disparaît chez les souris ob/ob déficientes en leptine. L’autre tissu cible du système endocanna- binoïde en périphérie est le foie. En effet, l’inhibition du CB1-R par l’AM6545 diminue la lipogénèse de novo hépatique, favorise la β-oxydation et augmente l’export des VLDL ; l’ensemble de ces actions contri- buant à diminuer la stéatose hépatique. On observe également une augmentation de la tolérance au glucose et de la sen- sibilité hépatique à l’insuline en réponse à l’AM6545. Ces effets pourraient être en partie liés à l’augmentation de la synthèse et de la sécrétion d’adiponectine par le tissu adipeux. Au total, ce travail renforce l’intérêt de développer des inhibiteurs périphériques de CB1-R, qui pourraient contribuer à l’amélioration des paramètres du syndrome métabolique. Reste à démontrer l’efficacité des ces inhibiteurs périphériques de CB1R chez l’homme. B. C. Références [1] Merck. Press release 29 september 2008 (http://www.merck.com/newsroom/newsrelease- archive/research-and-development/). [2] Topol EJ et al. Lancet 2010;376:517-23.

Y-a-t’il encore un avenir pour les inhibiteurs des récepteurs aux endocannabinoïdes ?

Embed Size (px)

Citation preview

Dossier thématique16

Médecine des maladies Métaboliques - Mars 2011 - Hors série 1

© 2011 - Elsevier Masson SAS - Tous droits réservés.

Y-a-t’il encore un avenir pour les inhibiteurs des récepteurs aux endocannabinoïdes ?Tam J et al. Peripheral CB1 cannabinoid receptor blockade improves cardiometabolic risk in mouse models of obesity J Clin Invest 2010 ; 120 : 2953-2966

Le coin biblio de la SFD

On a longtemps pensé que l’échec du rimonabant (Acomplia®) avait sonné le glas des inhibiteurs

des récepteurs aux endocannabinoïdes. Ce d’autant plus, que le développement d’un deuxième inhibiteur, le taranabant (laboratoires Merck), avait aussi été stoppé en raison de troubles psychiatriques (dépression, anxiété, idées suicidaires.) [1]. Très récemment, les résultats de l’étude CRESCENDO visant à évaluer le bénéfice cardiovasculaire du rimonabant ont été publiés  [2]. Cette étude est difficilement interprétable car elle n’a pu être conduite à son terme en raison de l’arrêt de la com-mercialisation du produit. Aucune tendance en faveur d’une protection cardiovasculaire n’a pu être observée et un nombre plus important de suicides a été retrouvé dans le groupe rimonabant par rapport au groupe placebo (4 cas contre 1).Le système endocannabinoïde joue un rôle clef au niveau du système nerveux central (SNC) en contrôlant notamment la prise alimentaire. Néanmoins, les récepteurs aux endocannabinoïdes CB1-R & CB2-R sont également exprimés aux niveaux de tissus périphériques comme le foie, le tissu adipeux, le muscle ou le pancréas. Dans ce travail, l’équipe de George Kunos (NIH, Bethesda, États-Unis), expose ses résultats concernant les conséquences

métaboliques d’une inhibition périphérique de CB1-R. Son équipe a développé un inhibiteur sélectif de CB1-R (AM6545) qui, contrairement au rimonabant, ne s’accu-mule pas au niveau du SNC. Il semble que l’AM6545 puisse passer la barrière héma-toencéphalique, mais qu’il soit activement réexporté vers la circulation sanguine par un transporteur spécifique de la famille des ABC (abcb1 ou P-gp). Ainsi, le ratio entre les concentrations « centrales » (i.e. dans le LCR) et plasmatiques est de 0,03 pour l’AM6545 contre 0,8 pour le rimonabant dans les souris contrôles. En revanche, les souris invalidées pour le transporteur abcb1 ont un ratio de 0,64. Quoi qu’il en soit, des souris traitées par l’AM6545 ne présentent aucun trouble du comportement des souris. Contrairement au rimonabant, l’AM6545 est incapable d’antagoniser la catalepsie, l’hypomotilité et l’hypothermie induites par les endocanabinoïdes. En revanche, cette étude démontre l’intérêt d’une inhibition sélectivement périphérique du CB1-R par l’AM6545 sur différents paramètres métaboliques dans des modèles de souris obèses. L’AM6545 entraîne une perte de poids qui semble liée à une augmentation de la dépense énergétique plus qu’à une diminution de la prise alimentaire (absence d’effet sur le SNC). Cette action sur la dépense énergétique est dépendante de

l’action lipolytique de la leptine au niveau du tissu adipeux, puisque cet effet disparaît chez les souris ob/ob déficientes en leptine. L’autre tissu cible du système endocanna-binoïde en périphérie est le foie. En effet, l’inhibition du CB1-R par l’AM6545 diminue la lipogénèse de novo hépatique, favorise la β-oxydation et augmente l’export des VLDL ; l’ensemble de ces actions contri-buant à diminuer la stéatose hépatique. On observe également une augmentation de la tolérance au glucose et de la sen-sibilité hépatique à l’insuline en réponse à l’AM6545. Ces effets pourraient être en partie liés à l’augmentation de la synthèse et de la sécrétion d’adiponectine par le tissu adipeux. Au total, ce travail renforce l’intérêt de développer des inhibiteurs périphériques de CB1-R, qui pourraient contribuer à l’amélioration des paramètres du syndrome métabolique. Reste à démontrer l’efficacité des ces inhibiteurs périphériques de CB1R chez l’homme.

B. C.

Références

[1] Merck. Press release 29 september 2008 (http://www.merck.com/newsroom/newsrelease-archive/research-and-development/).

[2] Topol EJ et al. Lancet 2010;376:517-23.