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lhomme

Comment l'intelligence est venue à l'homme

© Soudan E. / Alpaca /

 Andia.fr/© Soudan E. / Alpaca/ Andia.fr 

Pour la première fois, un gènepropre à notre espèce s'avèreimportant pour ledéveloppement des cellulesnerveuses du cerveau.

Par Pierre Kaldy - le27/05/2012

Des gènes apparus dansl'évolution ont accru lesconnexions dans le cerveau.

Comment expliquer lescapacités cognitivesexceptionnelles qui caractérisent notre espèce? Depuis l'achèvement du séquençage dugénome humain en 2003 puis celui du chimpanzé en 2005, la chasse aux gènes pouvantrépondre à cette question est ouverte.

Les chercheurs ont déjà trouvé que bien des différences se sont accumulées entre le génome desdeux primates depuis la séparation de leur ancêtre commun il y a environ six millions d'années. Par exemple, des centaines de gènes sont apparus chez l'homme par duplication d'autres déjàexistants et les protéines issues de ces copies ont ensuite pu acquérir de nouvelles fonctions.

Une étude publiée dans la revue Cell(11 mai 2012) montre ainsi que l'un de ces nouveaux gènes apermis une augmentation considérable du nombre de connexions nerveuses dans le néocortexpréfrontal, région du cerveau la plus récente dans l'évolution humaine. Pour la première fois, ungène propre à notre espèce s'avère important pour le développement de ses cellules nerveuses.

L'équipe à l'origine de ce travail, dirigée par le Français Franck Polleux du Scripps Research

Institute en Californie, était sur la piste d'un gène nommé SRGAP2. Elle avait déjà trouvé qu'ilcodait pour une protéine très impliquée dans la migration et l'extension des cellules nerveuses aucours du développement du cerveau chez les mammifères. En étudiant une copie de ce gèneprésente uniquement chez l'homme baptisée SRGAP2C, elle a découvert qu'elle conférait auxcellules nerveuses la propriété entièrement nouvelle d'amplifier le nombre de points de contactprésents à leur surface.

Le rôle inattendu du gène supplémentaire SRGAP2C

Or une des caractéristiques de notre espèce est le nombre record de ces contacts, appelés épines

dendritiques, que peuvent porter nos neurones dans le cerveau, en particulier dans le cortex.Chaque cellule pyramidale des neurones du cortex préfrontal, région antérieure du cerveauimpliquée dans les fonctions mentales les plus complexes, peut ainsi présenter 10 000 épines quireprésentent autant de sites de connexion avec d'autres neurones. L'étude du gène supplémentaireSRGAP2C a dévoilé son rôle inattendu dans la formation abondante des épines. «Lorsque nous

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avons fait exprimer la protéine humaine issue de ce gène par des neurones de souris, témoigneFranck Polleux, nous avons eu la surprise de voir apparaître à leur surface un nombre deux à troisfois plus important d'épines, et qui ressemblaient d'une manière frappante à leurs homologueshumaines.»

La seule augmentation à la surface des neurones du nombre de leurs épines peut-elle suffire àamplifier les capacités nerveuses d'un animal? «L'introduction du gène humain chez des sourispermettra de répondre à cette question, précise Franck Polleux, et cette expérience est en cours.»

Plusieurs arguments suggèrent que ce SRGAP2C pourrait jouer un rôle important dans ledéveloppement de l'intelligence humaine.

Dans un autre article de la revue Cell (11 mai 2012), des chercheurs américains de l'Université deWashington révèlent qu'il est apparu il y a environ 2,5 millions d'années. Ce moment, soulignent lesauteurs, coïncide de façon troublante avec l'apparition du genre Homo et l'expansion massive deson néocortex par rapport à celui des australopithèques. Leur analyse montre aussi que ce gène nevarie pas dans la population humaine actuelle, signe de son importance pour notre espèce. D'autrepart, le nombre d'épines reflète le potentiel d'apprentissage au cours du développement humain,culminant vers l'âge de 5 ans et régressant ensuite progressivement jusqu'à 30 ans. Il est enrevanche nettement réduit chez les personnes atteintes d'un handicap mental comme les

trisomiques.

Une piste pour mieux comprendre l'autisme

Beaucoup d'autres gènes sont probablement impliqués dans la formation du cerveau humaincaractérisé par sa taille, disproportionnée relativement à celle des autres primates, par ledéveloppement inégalé de son cortex préfrontal et par des particularités liées à la mise en place etau fonctionnement de ses cellules nerveuses. «Beaucoup de modifications du génome ont dûparticiper à l'humanisation du cerveau, précise Alain Prochiantz, professeur au Collège de France,avec pas seulement l'apparition de nouvelles protéines comme celle découverte ici mais aussi des

mutations affectant la régulation de l'expression génétique».

 Avant de trouver ces changements propres à notre espèce, l'étude de la formation des épinesdendritiques pourrait s'avérer précieuse à plus court terme. «De plus en plus d'indices montrentque dans des maladies comme l'autisme ou la schizophrénie l'établissement des connexionsnerveuses est affecté conclut Franck Polleux, et la connaissance des mécanismes qui les sous-tendent spécifiquement chez l'homme nous permettra probablement de mieux comprendre cespathologies.»