UNIVERSITE LYON II
L'ENSEIGNEMENT DE L'ANGLAIS
DANS
LES ECOLES DE COMMERCE DU SOIR
problèmes socio-politiques problèmes didactiques
?:<?&s THESE
Présentée en vue de l'obtention
du DOCTORAT DE 3èCYCLE
en Sciences de l'éducation
par
Sami N.Ziyad AL-BAYATI
Sous la direction de
Monsieur le Professeur Guy AVANZINI
(M:
1984
410
TABLE DES MATIERES
410 bis
L'ENSEIGNEMENT DE L'ANGLAIS DANS LES ECOLES DE COMMERCE,
DU SOIR : PROBLEMES SOCIO-POLITIQUES, PROBLEMES
DIDACTIQUES
INTRODUCTION GENERALE P. 1
PREMIERE PARTIE - L'ENSEIGNEMENT DE L'ANGLAIS DANS
LES ECOLES DE COMMERCE,OBSERVE
DANS SON EVOLUTION P. 22
Introduction P# 23
CHAPITRE I - îfiïS^HS£-BâïÎ2S3£££2ïîlÉi-^É£2 dominations linguistiques
A / L'Irak:Conflit socio-politique et linguistique
1. L'Irak renforce l'essor de la langue
sacrée de 1 ' Islam P. 2?
2. L'Irak espace de conflit perso-turc P. 35
3. L'Empire OttomanjUne politique pour
supprimer la langue arabe P. 37
4. La tendance à l'occidentalisation P# 42
5. La Première Guerre Mondiale et les luttes
courants religieux et nationalistes ..... P. 4-6
6. L'occupation britannique et la crise de
confiance • P. 51
7. Les Anglais:Une politique pour que leur
langue soit dominante P. 57
B / L'Irak indépendant: La langue arabe
parvien à s'imposer
1. L'indépendance en 1932,a-t-elle libéré
l'enseignement ? P. 66
2. Fidélité à la tradition linguistique .... P. 70
3. L'Ecole coranique:Un but religieux et un
rôle linguistique P. 73
4. La révolution de 1958,a-t-elle conduit à
une réforme de l'enseignement de l'anglais?P. 79
Conclusion P. 89
411
CHAPITRE II - LlIiAK_contem£orain_£
Un^Pouvoir^gréoccugé^gar^la
Introduction . .. P. 91
A / A partir de 1974*un enseignement gratuit
et obligatoire
1. Structure de l'échelle de l'enseignement. P. 92
2. Lforganisation progressive de
l1 enseignement de lfanglais ........ P. 95
3# Politique éducative du Parti Ba'ath P. 95
4. Démocratisation de l1enseignement : P. 98
1 ) Gratuité de 1f enseignement . P. 99
2) Obligation de 1f enseignement P. 100
3) Cessation de lfanalphabétisme P. 101
B / L'enseignement professionnel de 1968-1980 P. 103
1. Evolution qualitative et quantitative ... P. 104
2. Cour du soir ; sa nécessité éducative et
son but formationnel P. 106
3# L'enseignement privé et la formation
professionnelle « P. 108
4. Motivation P. 108
C / La langue étrangère retrouve sa valeur
1. Changement rationnel et sûr du manuel
scolaire d'anglais P. 111
2. Une nouvelle vision des langues:locale
et étrangère •.•.•....... P. 116 Conclusion P. 121
DEUXIEME PARTIE - LES METHODES DIDACTIQUES : LES
MODELES DE L'ENSEIGNEMENT DES
LANGUES ETRANGERES P. 123
Introduction; P. 124
- Qu'est-ce que la méthode ? P. 125
- Le développement des méthodes
d'enseignement ............. P. 129
412
CHAPITRE I - Modèles_des_méthode
traditionnelles
A / La méthode grammaire-traduction P. 135
1. Principes de la méthode ...... P. 14-0
2. Critiques ......... P* 141
B / Les méthodes directes ....... ...... P. 144
1 • La méthode naturelle ....... P* 145
2. La méthode psychologique(par les séries) P. 148
3# La méthode phonétique ..... P. 150
4. La méthode directe (ou active) P. 152
5. Les principes théoriques de la méthode
directe . • P. 155
6. Principes méthodologiques ... P. 157
7. Critiques de la méthode directe P. 161
CHAPITRE II - Modèles^des^meth^
nouvelles
A / La méthode audio-orale
1. Présentation • P. 166
2. Principes méthodologiques P. 169
a) La langue est parole,pas écriture •.. P. 170
b) La langue est une série d'habitudes.. P. 173
c) Enseigner la langue,pas sur la langue P. 175
d) La langue est ce que le locuteur dit,
pas ce qu'on pense qu'il faut dire... P. 178
e) Les langues sont différentes P. 178
5. Comment faire acquérir des habiletés
linguistiques P. 179
4. Evaluation de la méthode audio-orale.... P. 183
B / Les méthodes audio-visuelles
1. Présentation P. 188
2. Fondements linguistiques P. 192
3. Fondements psychologiques P. 193
4. Les démarches des méthodes audio-visuelles P. 195
5. Réaction contre les moyens audio-visuels P. 198
Conclusion P. 202
413
TROISIEME PARTIE - EVALUATION DES MODELES DIDACTIQUES
ET DES MANUELS UTILISES P. 204
Introduction P. 205
CHAPITRE I - Agglication^
A / Application des méthodes didactiques dans
les écoles de commerce,du soir P. 210
1. L'enseignement des langues étrangères
aux adultes P. 210
2. Quelle méthode didactique d'enseignement
les professeurs utilisent-ils ? P. 217
B / Classification des problèmes rencontrés
au cours de l'enseignement P. 223
1. Problèmes d*ordre pédagogique P. 224
a) L ' absence P. 224
b) La négligence des devoirs P. 224
c) La fatigue P. 225
d) L ' immensité du programme P. 225
e) Manque de matériaux didactiques
auxiliaires P. 226
2. Problèmes d'ordre linguistiques ....... P. 228
a) Problème d'ordre phonétique P. 230
b) Problème grammaticaux-syntaxiqie ... P. 236
CHAPITRE II - L^&cguisition^d^^
reste^tou^ours^difficile
A / L'anglais tel qu'il est assimilé en Irak(par
les bénéficiaires des écoles de commerce,du
soir. P#i 239
1. Les bénéficiaires des écoles de commerce,
du soir:sexe,âge,situâtion familiale et
sociale P. 239
a)Renseignement sur l'élève P„ 240
b) Rapport : profession/étude P. 245
c) Rapport : formation linguistique /
profession P# 247
414
d) Attitude des élèves vis-à-vis de
l'assiduité aux cours et de la
révision .......... •. • P. 249
e) Attitude des élèves vis-à-vis du corps
enseignant et de la technique de
classe utilisée par le professeur
d'anglais P. 255 f) Activité de renforcement ............ P. 258
2. La représentation que se font les béné
ficiaires de leur enseignement ......... P.
A- i e r e catégorie: Les élèves travail
leurs marié(e)s...... P. 259
B- 2 e m e catégorie: Les élèves travail
leurs célibataires... P. 261
C- 3 e m e catégorie: Les élèves dont l'en
seignement commercial
n'a pas de rapport avec
la profession P. 263 D- 4 e m e catégorie: Les élèves sans
profession . P. 264
B / Vers des proposition de réajustement
1• De quelle formation linguistique les élèves
ont-ils besoin ? ..••..... • P. 266
2. Le manuel actuel d'anglais répond-t-il
aux besoins linguistiques et éducatifs?. P. 271
3. A) La forme du volume des connaissances. P. 271
4. B) Le contenu P. 271
G) Commentaire* sur le contenu du
programme .. P. 272
1- On ne considère pas le but fonda
mental de la formation profession
nelle des élèves P. 273
2- On ne considère pas la personnalité
de l'élève P. 275
3- La non-concordance entre les struc
tures grammaticales du textes et
les exercices P. 277
415
3. Caractères d'un programme scolaire
a- Présentation des nécessités linguis
tiques aux élèves .... P. 279
b~ La relation dm vocabulaire et des
connaissances linguistiques à la
formation linguistique générale P. 280
c- Interdépendance entre la formation en
langue et la formation professionnelle, P. 281
4. L'enseignement des langues de spéciali
sation . P. 282
a- La définition des objectifs du sujet. P. 287 b- Développement de l'habileté de la
communication ..... .....•• P. 287
c- La détermination des termes et des
structures linguistiques •.... P. 288
d- Considération de la langue maternelle
du sujet . P. 290
e- Association des données linguistiques
à 1'enseignement professionnel .. P. 292
Conclusion .... P. 29^
CONCLUSIQN GENERALE P. 298
TABLEAUX P. 307
ANNEXES P. 327
BIBLIOGRAPHIE P. 370
TABLE DES MATIERES P. 410
123
DEUXIEME PARTIE
LES METHODES DIDACTIQUES :
MODELES DE L'ENSEIGNEMENT DES LANGUES ETRANGERES
12 4
INTRODUCTION -ssssagsssrasssssssss
Lfobtention d'une attitude favorable à lfégard des langues
étrangères dans la population irakienne a entraîné l'exigence d'un
renouveau des méthodes d'enseignement. Cette réévaluation visait
à proposer des manuels scolaires cohérents avec la nouvelle si
tuation et les nouveaux besoins socio-culturels du pays. Elle
requérait en même temps l'amélioration de la compétence des pro
fesseurs de langues.
En effet, la formation professionnelle et la connaissance
théorique et pratique de nouveaux moyens didactiques et méthodo
logiques aident les enseignants à développer leur habileté et à
s'adapter aux disciplines enseignées. Or, la qualification et la
compétence des professeurs déterminent le succès de tel ou tel
programme scolaire.
Ainsi nous semble-t-il indispensable d9exposer maintenant
les méthodes didactiques les plus utilisées, afin de comprendre
ce que le professeur peut et doit faire, et pour cela de nous
interroger sur la notion de "méthode" elle-même, et ce qu'elle
signifie pour nous.
125
1 - Qu'est-ce que la méthode ?
La méthode, au sens général, n'est que l'organisation des
procédures exigées pour atteindre un but* Ainsi le mécanicien a~t-
il sa méthode pour préparer une voiture, le chirurgien pour opérer
les malades. Chacun a sa méthode dans son métier et sa vie. Même
ceux qui ont choisi le même métier ou la même profession peuvent
ne pas procéder de la même manière.
Il nous semble donc indispensable, puisque nous parlons de
méthodes dans lfenseignement des langues, de nous interroger sur le
mot lui-même, parce que, réellement, il "n'a pas toujours un sens
clair pour ce qui est de l'enseignement des langues" (1). Il souffre
dfambiguïté, en français comme en anglais.
ft Ce terme est malheureusement ambigu puisqu'il désigne aussi
bien le matériel pédagogique utilisé (ce que les Anglo-Saxons
appellent teaching materials, qu'il s'agisse d'un simple ma
nuel ou d'un ensemble pédagogique complexe, audio-visuel par
exemple) que l'usage que le professeur en fait dans la classe,
qui relève de la technique pédagogique. La même ambiguïté
existe en anglais avec le mot rnethod, mais c'est alors la
deuxième acception qui est la plus courante"(2).
MACKEY avait donc tout à fait raison "d'avoir commis un gallicisme
en donnant au terme anglais method l'un des deux sens du mot fran
çais "méthode", à savoir "manuel" ou "ensemble pédagogique" (3).
(1) COSTE Daniel, "Le renouvellement méthodologique dans l'enseignement du français, langue étrangère, remarques sur les années 1955-1970", -Jn Ali BOU'ACHA A., La pédagogie du français langue étrangèret Paris, Hachette, Coll. F. 1978, p. 18.
(2) GIRARD D., Linguistique appliquée et didactique des langues,. ParisjPUF, 1982, p. 32.
(3) ihid.
126
ll'ACKEY, lui-même, explique la cause de cette ambiguïté, en disant
que :fïLe mot "méthode* évoque différentes réalités pour différen
tes personnes. Pour quelques uns, "méthode11 veut dire un
ensemble de procédés pédagogiques; pour dfautres, ce mot
met tout en branle pour éviter de se servir des procédés
pédagogiques. Pour certains, il se réfère à la prédominan
ce d'un automatisme de la langue; pour d'autres enfin, la
méthode c'est un certain type et une certaine quantité de
vocabulaire et de structures" (4).
Guy A.VANZINI donne une définition remarquable, qui englobe le
manuel et les procédures de l'enseignement en disant que :
" Une méthode se définit par référence à trois paramètres:
des finalités, une progressivité didactique, enfin une re
présentation psychologique de l'élève" (5).
En effet, nous ne sommes pas tout à fait d'accord avec
DFSCARTES quand il dit que "c'est la méthode'qui importe beau
coup plus que les connaissances, la marche vers la vérité, plus
que la vérité" (6). Nous sentons que le contenu ne doit pas être
séparé des procédures. Les procédures conduisent vers la réalisa
tion des mêmes buts, déterminés par le contenu du programme
(le manuel).
Si l'on essaie d'examiner les liens profonds entre le
contenu et la méthode, on voit qu'ils sont parallèles. Autrement
(4) MACKEY W.P., Principes de Didactique Analytique, Paris, Didier, 1972, p. 217.
(5) AVANZINI G., Immobilisme et novation dans l'Education Scolairef Toulouse, Privât, 1975t P. 277.
(6) GAL R., Histoire de l'Education, Paris^UF, Coll. QSJ ? ng 310, p. 72.
dit :"Qu'est-ce que la méthode du point de vue d'un individu
qui étudie le contenu ?... C'est simplement une manière
efficace de traiter le contenu -efficace signifiant que ce
traitement utilise le contenu (lui donne une fin) avec le
minimum de perte de temps et dénergie"(7)•
Or la méthode dirige efficacement et successivement le contenu
pour qu'il obtienne les résultats désirés. D'autre part, 11 Elle s'oppose à l'action faite au hasard ou irréfléchi,
- irréfléchi signifiant inadaptée -" (8).
Le sens de ce mot reste toujours sujet à ambiguïté. Il est donc
nécessaire d'en rechercher un qui la définisse avec plus de pré
cision, car la terminologie pédagogique est très riche. Aux Etats-
Unis, par exemple, la tendance actuelle paraît bien être trop
dogmatique, au profit du terme (approach)(9).
1 notre avis, le sens qui désigne l'ensemble de l'ensei
gnement est le mieux adapté. C'est celui que nous utilisons. La
méthode de l'enseignement des langues a ses caractéristiques, si
gnifiant toutes actions achevées par le professeur de langues
et ses élèves dans la salle de cours : les étapes selon lesquel
les il présente le contenu de sa matière et les matériaux didac
tiques qui l'aident à aboutir à ses buts, proches et lointains,
linguistiques et éducatifs.
(7) DE1EY J., Démocratie et Education, Paris, Armand Colin, 1975» p. 202.
(8) DEWEY J., Ibid.
(9) COSTE Daniel, "Le renouvellement méthodologique dans l'enseignement du français, langue étrangère", in $li BOUACHA k. 9
La Pédagogie du français, note p. 19. Il souligne plus loin, en page 26 dans le même article que "Nilson BROOCKS, dans un exposé présenté à la Northeast Conférence en 1970, mettait en cause le terme "méthode", considéré comme trop limitatif et trop contraignant et préférait retenir "approche ". Voir également ANTONY E.M. "Approach Méthode and Technique" (pour avoir une différenciation entre ces trois termes), Ln: Bnglish Languege Teaching, V. 17» PP. 63-67
12B-
J. LEIP dit que la méthode est :
11 Lfensemble des principes, des moyens, des démarches, des
règles de l'action éducative ou pédagogique, en vue d'at-
teindre les buts, les objectifs, les fins qu'elle se fixe"
(10).
Enfin, nous croyons qu'il ne suffit pas, pour la méthode,
d'être un art à la manière de John DEWEY pour qui "la méthode
de l'enseignement est la méthode d'un art" (11). Il faut que le
professeur maîtrise ce qu'il enseigne et ait une connaissance
suffisante de processus psycholinguistiques et socio-linguisti
ques. Ainsi la méthode de l'enseignement est-elle un art et une
science.
Nous tenons aussi à rappeler que le développement des
méthodes résulte des besoins politiques et culturels qui inter
fèrent, comme cela est arrivé pendant la deuxième guerre mondiale,
lorsque les Américains ont été obligés d'apprendre des langues
étrangères à leurs soldats dans un minimum de temps. C'est de
là que vient la méthode de l'armée américaine, ou méthode direc
te. Par ailleurs, cet enseignement s'est développé d'une manière
particulière après la deuxième guerre mondiale.
" L'enseignement des langues vivantes, et rtotamment de l'an
glais et du français, langues étrangères, s'est renouvelé
de façon spectaculaire au cours des années suivant la
deuxième guerre mondiale. Un examen critique de l'ensei
gnement dit traditionnel a tout remis en cause : objectifs,
conceptions, méthodes, moyens utilisés, dynamique de la
(10) LEIP J. et BIANCHERS, Philosophie de l'Education, T.4, Vocabulaire technique et critique de la pédagogie et des Sciences de l'Education, Paris, Delagrave 1974» p. 175. Voir également LAENG Mauro, sous la direction de AVANZINI G., Vocabulaire de pédagogie moderne, Paris, Le Centurion, 1974, VP. 195-196.
(11) DEWEY J.tJ Démocratie et Education, Paris, Armand Colin-I975t p. 207.
129
classe de langue, rôle et formation des enseignants,
programmes, examens" (12)
D. GIRARD distingue trois grandes étapes dans 1'évolution
de lfenseignement des langues :
A - enseignement des mots, en dehors de tout contexte;
B - la découverte de la nécessité du contexte,
C - et l'enseignement des structures (13).
Cela nfest pas tout. En effet, les méthodes d'enseigne
ment ont elles-mêmes connu un autre développement selon le desti
nataire : à qui devons-nous enseigner, et pour quelle raison ?
En d'autres termes, elles ont connu de nombreuses modalités, se
lon qu'elles s'appliquent aux adultes ou aux enfants.
Cette séparation doit se faire également entre la méthode
utilisée pour enseigner la langue dans un but précis, et celle
qui vise l'acquisition de connaissances linguistiques générales.
2 - Le développement des méthodes d'enseignement -
L'histoire des méthodes d'enseignement des langues est
très ancienne. Elles ont pris forme après l'apparition de l'é
criture et se sont développées en fonction des besoins des socié
tés et des systèmes politiques qui ont jalonné l'histoire. Or,
les opinions se transforment et changent en fonction des expé
riences des hommes qui travaillent pour le changement. En effet,
(1?) COSTE D. "Introduction" in REBOULLET A,vGuide pédagogique pour le professeur de français : langue étrangère, Paris, Hachette, Coll. F. 1971, p.6.
(13) GIRARD P., Linguistique appliquée et didactique des langues, Paris, PUP, 1982, p. 68.
130
L'expérience dfun individu ne peut pas être identique à celle dfun
autre, quelle que soit la ressemblance des conditions sociales,
psychologiques et linguistiques. C'est ce que nous confirme D.A.
WILKINS x
" History shows that attitudes can change and then change back
again, and there is no guarantee that at any one time tea-
chers of similer expérience will be drawing similar condi
tions from it. This is a human characteristic that is by no
means confined to language teachers" (14).
Evidemment, chacune des disciplines s'est développée dans
sa voie propre (15)• La modernisation des méthodes d'enseignement
résulte de nombreuses tentatives des éducateurs et des linguistes
qui ne croient plus à l'efficacité des anciennes et ont essayé d'en
trouver de nouvelles.
" The appaarance of gifted teachers who hâve combined original
thinking with strong powers of persuasion has often led to
the adoption of new methods which hâve survived until another
teacher has appeared to argue a différent view equal convic
tion" (16).
Les nouvelles méthodes sont dites "modernes" ou "révolu
tionnaires" ce qui traduit leur insatisfaction vis-à-vis de celles
(14) L'histoire enseigne que les attitudes peuvent changer de temps en temps, et il n'y a pas de garantie que les professeurs de la même expérience puissent en tirer en même temps des conclusions semblables. Ceci est dû aux caractères humains qui varient selon les professeurs de langue (notre traduction*). WILKINS D.Â., Linguistics in Language îeaching, LONDON, Edward Arnold, 1978, p. 200.
(15) A.VANZINI G., Immobilisme et Novation dans l'Education Scolaire, TOULOUSE, Privât, 1975, p. 277.
(16) L'apparence de plusieurs doués, qui ont combiné les idées originales avec le pouvoir fort de méthodes nouvelles, lesquelles ont survécues jusqu'à un autre professeur, apparaît pour soutenir avec une conviction semblable, un point de vue différent (notre traduction) - WILKINS D.Q., Linguistics in Language »
London, Edward Arnold, 1978, p* 209.
131
qui prédominaient auparavant, et qufon appelle "anciennes" ou
"traditionnelles". Cependant, ce qui est aujourd'hui "moderne"
et "révolutionnaire" deviendra demain "ancien" et "traditionnel"
(17).
De ce fait, il sfavère difficile de décider qu'une mé
thode est la meilleure, dans la mesure où la plupart visent des
buts qui se ressemblent et sont même identiques, à savoir l'en
seignement des langues (étrangères ou maternelles) aux hommes
(enfants et adultes). En effet, leurs principes généraux se rap
prochent et se rencontrent, malgré les différentes appellations
et les différences qui caractérisent les moyens conduisant aux
buts visés (18)•
Cela ne veut pas dire que nous niions le développement
de ces deux méthodes et des moyens nécessaires à leur réussite.
Au contraire, nous pensons que le progrès a commencé depuis la
première invitation à refuser et à critiquer les anciennes mé
thodes et à chercher à en mettre au point une qui réponde aux
besoins sociaux, psychologiques, scientifiques et culturels de
la période où cette invitation a été formulée. Le développement
de ces besoins a contraint les éducateurs à refuser la méthode
traditionnelle et à en chercher une autre. C'est en ce sens que
COMENIUS préconise la méthode intuitive pour l'étude de la gram
maire par les exemples et par l'usage, et non yat des règles abs
traites et à donner des exemples en utilisant des.termes très pré
cis. COMENIUS dit :
" Instruire la jeunesse, ce n'est pas lui inculquer un amas
de mots, de phrases, de sentences, d'opinions recueillies
dans les autres, cfest lui ouvrir l'entendement par les
choses" (19)
(17) Voir GANTIER Hélène, Lyenseignement d'une langue étrangère, Paris, PUF, Coll. Sup. 1973 f pp.. 16-33.
(18) Yoir GANTIER H. ibid. p. 143.
(19) GAL R., Histoire de l'Education, Paris, PUF, Coll. QSJ ? n§ 310, 1976, p. 72
132
L'histoire nous apprend que les Romains avaient des en
seignants spécialistes (tutor) pour l'enseignement de la langue
latine à leurs enfants. C'est aussi ce que le père de Montaigne
a fait pour son fils. Mais celui-ci en a-t-il réellement profité,
et a-t-il gardé ce qu'il a appris ? Quand il est allé à lfécole,
il avait presque oublié ce qu'il avait appris de latin (20).
C'est ce qui justifie le point de vue de ceux qui refusent la
méthode traditionnelle, comme Coménius, Gouin, Victor, Palmer.
" Coménius, Gouin and many others wrote in part out of
dissatisfaction with existing methods, and their writings
produced great changes in the ways in wich îanguages
were being taught" (21).
Cela implique que, entre deux périodes, apparaît une
idée ou une invitation au modernisme; celle-ci peut rester vala
ble jusqu'à ce qu'un autre éducateur en lance une autre, oui
peut être complémentaire de la précédente, ou la refuse, ou in
vite à un retour à une méthode ancienne, ou insiste sur quelques
uns de ses éléments. Des éducateurs insistent sur l'importance
de l'enseignement des langues étrangères dès le plus jeune âge.
Ils expliquent cela en se fondant sur des données biologiques
et physiologiques de l'enfant, ainsi que sur sa faculté d'appren
dre rapidement. D'autres insistent sur la nécessité d'apprendre
la langue étrangère dans le pays où elle se pratique.
" The only way in wMch a German, Japanese, or Arab child
can learn English as an English child is to go to England
(20) Voir WILKINS D.A., Linguistics in Language Teaching, London^ Edward Arnold, 1978, p. 208
(21) Coménius, Gouin et beaucoup d'autres ont parlé du mécontentement des méthodes existences, et leurs oeuvres ont produit un changement géant dans la manière par laquelle les langues ont été enseignées (notre traduction). Wilkins D.A., ibid.
133
and live is an English home and hâve to dépend upon the
English language for ail communication11 (22 V.
Des idées nées à partir dfun certain nombre d'études et dfex
périences insistent sur l'importance de prendre en compte de nom
breux facteurs, notamment psychologiques et linguistioues, comme
le souligne Tatiana SLAMA-CAZAŒU .
,f ... il existe aussi dçautres facteurs psycholin^nistiques
importants, tels que les particularités d'âge des élèves,
les motivations profondes, les aspects psychologiques de la
mémorisation, le rôle du professeur lui-même, e t c . " (23),
Un examen chronologique du développement des divers moyens
utilisés dans l'enseignement des langues étrangères fait ressortir
les mieux connus à l'heure actuelle. Il montre eue ce sont : la
méthode grammaire-traduction, les méthodes directes, la méthode
audio-orale (audio-lingual), les méthodes audio-visuelles, etc..
" ... from as early as records are available an alphabet
méthod was used. The child was not to attempt to read words
until he could read and write ail of the letters and sylla-
bles, nor sentences until he was perfectly familiar with
word" (24).
Cela résume le principe de cet enseignement qui, de l'enfant à
(22) La seule façon pour un enfant allemand, japonais ou arabe d'apprendre l'anglais, comme le fait un enfant anglais, est qu'il aille en Angleterre, vivre dans une famille anglaise, et utilise l'anglais dans toutes ses communications (notre traduction), GATENBY E.V. English as a Foreign Language. LOKDON* Longman, 1964t p. 13.
(23) SLAMA CAZACU Tatiana, La Psycholinguistique, Paris, éd• Klinck-sieck, 1972, p. 28.
(24) La méthode par l'alphabet fut connue et utilisée dès l'invention de l'écriture, L'enfant ne doit pas essayer de lire les mots avant de connaître toutes les lettres alphabétiaues; il ne doit pas non plus lire les phrases avant de s'être familiarisé avec les mots (notre Traduction) Voir GUDSCHINSKY Sarah C'Litêracy the growing influence of linguistics" in-> Trends in Linguistics,Paris, Mouton, n§ 2, 1976, P. 8.
13-4
l'adulte, satisfait, même aujourd'hui, des éducateurs et des pro
fesseurs* On peut donc souligner que la plupart des méthodes
élaborées depuis des siècles sont encore en usage sous une forme
ou une autre, dans différentes parties du monde. L'innovation et
la création de méthodes nouvelles, dites quelquefois "révolu
tionnaires", n'entraîne pas une disparition complète des autres,
dites "anciennes" ou "traditionnelles".
135
CHAPITRE I
MODELES DE METHODES DIDACTIQUES TRADITIONNELLES
A - La méthode Grammaire - Traduction
Elle est extrêmement connue, notamment à cause de son an
cienneté. Elle est fondée et sfest développée à partir des princi
pes essentiels des deux méthodes qui ont dominé successivement 1'
enseignement des langues étrangères : l'une est fondée sur la
grammaire, et lfautre sur la traduction. La première lfest sur la
grammaire latine. Le latin a été la langue internationale du mon
de occidental et, pendant très longtemps, fut considéré comme la
seule utile à apprendre, la seule langue véhiculaire d'enseigne
ment dans les écoles. Cfest pourquoi, en la matière, le premier
objectif en Europe se borna a la diffusion du latin, bien que cet
enseignement par la grammaire connut des changements de contenu
et de finalité : de la grammaire formelle à la grammaire indueti-
ve, de la grammaire pour former des grammairiens à la grammaire
pour former des latinistes.
La méthode grammaire-traduction est apparue à certaines
époques comme tout à fait valide. Au cours du Moyen-Age, certaines
catégories de la population se sont livrées à l'apprentissage
des langues étrangères. Le noble désirait que son fils ou sa fille
en apprit une. Le moyen le plus facile était d*engager un précep
teur, qui ne possédait guère les techniques didactiques, mais
maîtrisait parfaitement la langue qufil enseignait. Par conséquent.
13 6
la méthode consistait dans un enseignement de la lecture et de
l'écriture (2 5).
On ne peut attribuer la méthode grammaire-traduction à
un théoricien déterminé, mais elle est sans doute liée à l'ensei
gnement formel des langues latine et gradue, prédominantes en
Europe pendant plusieurs siècles. C*est lorsque les peuples eu
ropéens décidèrent de redonner vie à leurs langues que le latin
céda progressivement sa place aux langues nationales européennes.
Il devint ainsi une langue morte, et ce ne fut plus celle de la
communication quotidienne ni de la scolarisation. Mais il demeu
re jusqufà nos jours la langue de lfEglise Catholique. De plus,
il fut toujours considéré comme une discipline de haute valeur
intellectuelle. Cela tient notamment à sa difficulté, qui exige
une analyse logique et une mémorisation de règles et de paradig
mes complexes, indispensables à la traduction. Le latin et le
grec étaient ainsi considérés comme les clés de la pensée et de
la littérature des grandes civilisations passées. Cfest pourquoi
la lecture et la traduction de leurs textes eurent une grande
importance (26).
A la fin du XVIII ème siècle, James HAMILTON et ses dis
ciples préconisèrent un retour à la grammaire inductive, fondée
sur l'étude de textes dans la langue seconde; mais il sfest avé
ré que ceux qu*on utilisait étaient trop difficiles pour les é-
tudiants.
(2 5) Voir AL HAMASÏÏ Kh.I.« Principles and Techniques of Teaching Bnglish as a Foreign Language, Bagdad, Al-Rissafi Printing Press, 1978, p. 30.
(2 6) Voir RIVERS M.W.yTeaching Foreign Language Skills, Chicago, Univ. of Chicago Pr.,I972, p. 14.
137
" Pour surmonter cette difficulté, SEIDENSTUCKEN réussit
à rédiger en 1811, un texte composé de phrases simples,
réunissant la majorité des caractéristiques et des faits
grammaticaux de la langue" (27).
Karl PLOTZ (I8I9-I88I) a construit des phrases séparées,
dont 1*utilité se faisait sentir surtout pour 1fenseignement de la
grammaire. Ce principe domina 1fenseignement des langues en Europe
tout au long du XIXème siècle, et même après la mort de PLOTZ.
" Sa méthode se divisait en deux parties :
1. Les règles et les paradigmes,
2. Les phrases à traduire en langue seconde, et de la langue
seconde tf (28).
Cette méthode était fondée sur la langue maternelle utilisée comme
un intermédiaire pour apprendre la langue étrangère, ce qui signi
fiait : apprendre par coeur des règles de grammaire, apprendre à
mettre aux mots des étiquettes grammaticales et à appliquer les rè
gles en traduisant des phrases.
Les instruments propres à la méthode "traditionnelle" gram
maire - traduction, sont dfune part; 11 un livre de grammaire où lfélève trouve des règles et des ex
plications qui renvoient à une conception normative plus sou
vent qu'à une description cohérente du système de la langue.
De lfautre, un dictionnaire bilingue et/ou un ouvrage regrou
pant par centres d'intérêts de longues listes de noms,de ver
bes, d'adjectifs accolés à leurs équivalents dans la langue
maternelle" (29) •
(.27) MACKEY W.F. Principes de didactique analytique, Paris, Didier$
1972, p. 200.
(28) MACKEY W.P., ibid.
(29) Daniel COSTE, Le renouvellement méthodologique dans l'enseignement du français langue étrangère, in Ali BOUACHA, La pédagogie du français langue étrangère, Paris, Hachette, Coll. F. 1978, p. 12.
133
Par conséquent, les implications ou présupposés théoriques
de cette méthode traditionnelle se manifestent oar 1 importance
donnée à l'écrit, le poids des activités métalinguistiques ou
des travaux de stylistique comparée, le souci d'appuyer lfappren
tissage plus sur une explication ou une mémorisation des règles
de la langue que sur une pratique du discours. Autrement dit,
elle est liée implicitement à une certaine conception de l'acquisi
tion d'une langue. Cours et manuels sont fondés sur l'hypothèse
qu'on possède une langue quand on en connaît les règles (30).
Dans l'enseignement des langues, la traduction (l'utili
sation de la langue maternelle) fut alternativement considérée
comme agréable ou discutable, en fonction des objectifs prédomi
nants et des préférences des professeur. Elle est aussi la clef
de voûte du processus d'apprentissage et des essais scolaires
dans la méthode grammaire-traduction. Cependant, elle ne peut
être totalement évitée. Celui qui supprime totalement l'utilisa
tion de la langue maternelle n'arrive plus à comprendre ce qui
se passe chez ses élèves... Ainsi ne peut-il pas, évidemment
savoir ce que ceux-ci pensent en leur langue (31). La traduction
est d'ailleurs utilisée pendant les cours, même si l'on ne tra
duit pas oralement, car elle fonctionne inconsciemment et inévi
tablement dans leur esprit.
La méthode par la traduction ou, comme H.E. PALMER l'ap
pelle "la méthode classique" (classical method ) signifie donc
l'utilisation du dialecte national ou de la langue maternelle
pour la compréhension et l'explication dans la langue étrangère.
Celui qui apprend s'occupe uniquement de trouver les contre
parties exactes aux formes linguistiques rencontrées dans la
(30) ROULET B., Les modèles de grammaire et leurs applications à l'enseignement des langues vivantes, in REBOULLET, Guide pédagogique pour le professeur de français, langue étrangère Paris, Hachette, Coll. P. 1971, p. 33
(31) FRENCH P.G.,The teaching of English abroad, Part. 1, London^ Oxford Univ.Pr.,1969f p. 81.
139
langue étrangère. Ainsi l'élève est-il simultanément sollicité
par ies deux processus suivants : traduction et compréhension de
ce qu'il a traduit. Gela entraîne la distraction mentale. La com
préhension est par conséquent altérée à la suite de lfeffort
de concentration demandé par la traduction. Même les théoriciens
de la méthode directe mettent l'accent sur la traduction, mais
ils l'excluent dès que possible, de l'instruction élémentaire.
Ils la considèrent cependant comme un art dans les études supé
rieures (32).
" In higher classes, the use of the mother-tongue is valn.able,
sometimes necessary,in explaining points in grammar. Do
not be afraid te use it for that purpose; but again, as
quickly as possible get back into English" (33).
De même, dans les pays où la situation linguistique est
différente de celle de la langue étrangère, les programmes de
la langue seconde, fondés sur la méthode audio-orale, compren
nent-ils souvent des listes de mots nouveaux, avec leur traduc
tion (équivalents) en langue maternelle. Ces listes se situent
au verso ou en marge à la fin d'un texte, d'une conversation ou
d'un dialogue.
(3?) RIVERS M.W. and TEMPERLEY M.S., Practical Guide to the Teacher of English as a Second Languagef London, Oxford Uni.Pr. 1978, p. 326.
(33) Dans les classes supérieures, l'utilisation de la langue maternelle est précieuse, et quelquefois nécessaire, dans l'explication des points grammaticaux. Il ne faut pas avoir peur de l'utiliser dans ce but, mais revenir aussi rapidement que possible à l'anglais (notre traduction), PRENCH F. G.* The Teaching of English Abroad, Part.1, London, Oxford Uni. Pr.^I969, P. 84.
140
1/ Principes de la méthode grammaire-traduction
Ses défenseurs estiment qufelle est la plus pratique et
la plus efficace, à cause des exercices. Ils pensent que la gram
maire est universelle s ce qui concerne une langue peut s1adresser
à une autre. Les principes méthodologiques sont fondés sur cette
conception. La méthode grammaire-traduction consiste évidemment
à associer les activités mises en évidence par la grammaire et la
traduction.
En voici les principales caractéristiques :
L'idée que la langue n'est constituée que de mots, d'idiomes,
reliés entre eux par les règles de la grammaire est essentielle.
Pour apprendre une langue, il faut donc mémoriser des listes de
mots et de règles. On commence l'enseignement par l'acquisition
de celles-ci, d'éléments de vocabulaire isolés, de paradigmes et
par la traduction de textes classiques faciles. On fait mémoriser
les règles comme unités; elles s'accompagnent souvent de phrases
qui servent d'exemples. Il est habituel de les énoncer après la
présentation de la règle grammaticale. On classe aussi le vocabu
laire en listes de mots à mémoriser; mais celui des leçons succes
sives est sans rapport direct avec elles. En ce qui concerne la pho
nétique, elle se limite aux problèmes de prononciation ou, si l'on
en parle, on se limite à quelques remarques d'introduction (34).
(34) Voir : a. MACKEY P., Principes de didactique analytique, Paris, Didier, 1972, p. 213.
b. AL HAM&SH Kh. I., Principles and Techniques of Teaching English as a Foreign Lan^uage, Baghdad, Al Rissafi
printing Pr.#I979f p. 31.
141
2/ Critiques de la méthode grammaire-traductionnelle -
Bien qu'un grand nombre dfétudiants aient reçu un ensei
gnement fondé sur cette méthode, qui a généralement donné de mau
vais résultats (35),elle a depuis longtemps ses défenseurs et ses
détracteurs, Lfargument le plus répandu en sa faveur est que,
quoi qu'on fasse oour l'éviter, lfélève utilise , même incons
ciemment, la traduction. Il recherche dans sa mémoire lféquivalent
dans sa langue maternelle du mot présenté. Une fois qu'il l'a trou
vé, il a la satisfaction dfavoir enrichi son vocabulaire étranger
d'un mot supplémentaire, ce qui est positif. Ses défenseurs pen
sent, d'autre part, que certains mots et quelques points grammati
caux ne peuvent être abordés qu'à l'aide de la traduction.
Cependant, ceux qui la rejettent ne manquent pas d'argu
ments, même s'ils ne refusent pas catégoriquement la traduction
dans les études supérieures. Lorsqu'il fut démontré que la gram
maire est un système particulier, propre à chaque langua, cette
conception détruisit l'opinion traditionnelle, qui la considérait
comme un système universel. Chaque langue fonctionne avec sa pro
pre structure linguistique, qui diffère totalement de toute autre.
D'où l'impossibilité de donner une reproduction exacte d'une tra
duction précise de la langue étrangère en langue maternelle et vice
versa, A cet égard, quand un professeur suivait la méthode gram
maire-traduction, il s'apercevait, après un certain temps, que ,
ses élèves n'avaient pas développé leur connaissance de la langue
étrangère car il ne leur avait, en fait, enseigné qu'un système
grammatical totalement coupé de la langue (36). Ils étaient oc
cupés par la mémorisation de listes de mots. Cette façon d'enseigner
(35) AL HAMASH Kh.I., Principles and Techniques of Teaching English as a Boreign Language, Baghdad, Al Rissafi Printing Pr.^1978* p. 31.
(36) EL-BETTAR A.K., Methods of Teaching English, Baghdad, Al-Sha ab Pr.,I965f p. 5*
142
ne peut conduire à une bonne acquisition» surtout quand, on commen
ce par elle, parce que la traduction demande une certaine maîtrise
dans la pratique de la langue et que celle-ci n'est pas une collec
tion de mots. Quant aux règles grammaticales, elles ne signifient
rien par elles-mêmes et ne peuvent fonctionner sans une bonne ex
périence de la langue étrangère. Chaque langue a aussi ses propres
"habitudes" : "habitudes" dfordre de mots, "habitudes" de modèles
de phrasés et des expressions, "habitudes" de l'utilisation de
certains mots, notamment les mots structuraux, qui n'existent
pas dans d'autres langues.
FRENCH constate que x
" It is impossible to get command of the habits of one lan-
guage using continually the quite différent habits of
another language. If a person has learned ail his life to
write with his right hand, it is very difficult for him
to learn to write with his left hand; he will certainly
not do it by continually changing from right to left hand.
He must put the pen in his left hand and keep it there,
and go on practicing" (37)*
Par conséquent, la traduction, qui oblige à faire appel
aux habitudes de la langue maternelle, constitue un obstacle au
processus d'apprentissage d'une langue étrangère. Cela ne veut
pourtant pas dire que l'on doive absolument l'éviter.
(37) Il est impossible de changer les habitudes d'une langue de quelqu'un qui appliaue continuellement des habitudes totalement différentes d'une autre langue. Si quelqu'un a passé sa vie à écrire avec la main droite, il semble qu'il soit très difficile pour lui d'aporendre à écrire avec la gauche. Il
ne le fait certainement pas tout de suite en changeant de la droite à la gauche. Il doit mettre le stylo dans sa main gauche, le garder et essayer d'écrire (notrr traduction). FRENCH F.G., The Teaching of English Abroadt Part I, London^ Oxford Uni.Pr, 1969 f p. 82.
143
Evidemment, cette méthode est facile pour le professeur,
mais n'apporte pas à l'élève une bonne compréhension. La traduc
tion mot à mot ne donne pas nécessairement une exacte reproduc
tion de l'idée originale. Cela est particulièrement clair avec
les langues anglaise et arabe. La première appartient à la fa
mille Indo-saxonne, et la deuxième au groupe des langues sémi
tiques. Une autre difficulté tient à ce qu'elle développe la
mauvaise habitude de penser et de s'exprimer dans sa langue ma
ternelle au lieu d'être encouragé à une pratique de la langue
étrangère.
H.E. PALMER affirme que :
" Translation method ignores ail considérations of phonetics,
pronunciation, and acoustic image, and badly places lan-
quar:e on a foundation of alphabets, spelling and writing
Systems. It is the one which assumes translation to be the
main and only procédure for the learning of vocabulary "
(38).
La méthode grammaire traduction fut utilisée en Irak
dès 1921, jusau'à l'introduction, en 1936, de la méthode directe.
Malgré les Instructions du Ministère de l'Education, de
mandant aux enseignants d'appliquer celle-ci dans toutes les éco
les, l'accueil qui lui fut réservé fut assez froid. Ainsi EL-
BETTAR critique-t-il vigoureusement ceux qui continuent à appliquer
maintenant la méthode grammaire-traduction :
(38) La méthode par la traduction ignore toutes considérations de phonétique, de prononciation et d'image accoustique. Elle base maladroitement l'apprentissage d'une langue sur les découvertes de l'alphabet, de l'appellation et du système d'orthographe. Par conséquent on peut assurer que la traduction est la principale procédure, et la seule pour l'apprentissage du vocabulaire (notre traduction). PALMER Harold E. and Dôrothine, English Through Actions, London, Adward Arnold, 1959* p. 12.
144
11 The translation method continuée! to be used and is still
unlawfully used by lazy and unfaithful teacbers as an
easy way of covering up for tbeir idleness and ignorance."(39)
B - Les méthodes directes -
Une série de méthodes sont apparues au cours du XlXè et XXè
siècle, par réaction à la grammaire-traduction. Elles sont évidem
ment le fruit de plusieurs essais et de maintes expériences didac
tiques menées par les partisans d'une évolution et dfune amélio
ration de la didactique.
C'est peu à peu que se sont élaborées plusieurs méthodes,
dites "directes" (40) dans plusieurs pays, notamment en Europe.
Cfest pourquoi :
tf II est nécessaire de bien préciser sur quelles bases
(39) La méthode par la traduction, est toujours illégalement utilisée par des professeurs infidèles, comme un moyen simple correspondant à leur ignorance et à leur paresse (notre traduction). EL BETTAR A., Methods of Teaching English, Baghdad, Al-Sha'ab Pr. Î965* p. 21.
(40) ff C'est en 1901 que le terme "méthode directe" semble avoir été choisi et adopté à l'occasion d'une description qu'en fit une circulaire du Ministère de l'Education de France. En Ji902, grâce à un décret de LEYGUES qui était alors ministre, la méthode directe devenait la seule méthode officiellement approuvée pour l'enseignement des langues étrangères en France. C'est aussi la même année que la méthode directe devenait officielle en Allemagne, de même que la phonétique de VTEÏOR. Avant la fin du siècle dernier, Walter RIPMAN avait déjà introduit la méthode directe en Angleterre..." W.F. MACKEY, Principes de didactique analytique, Paris, Didier 1972, p. 203.
145
théoriques elles se fondent afin de ne pas utiliser ce
terme pour désigner n'importe quelle méthode "moderne" "
(41)
On peut en distinguer trois principales,
1. £2L2£*!!î2(*e n&turelle -
C'est au XVIIIème siècle qufapparut l'idée d'un retour à
In nature afin d'arriver, par des démarches essentielles et suc
cessives à l'apprentissage de la nature, l'homme tirant beaucoup
plus d'enseignements de celle-ci que de l'école. Rousseau est
considéré comme un précurseur de ce courant, par l'expérience
éducative exposée dans lf Emile . Il est donc perçu comme l'un
des théoriciens et des créateurs de la méthode naturelle. Son
oeuvre est sans comparaison possible, plus étendue et. plus
complète que celle d'aucun autre en ce domaine. Sa méthode, '
qui consiste à "emmener l'enfant à la campagne" pour lui faire
saisir les principes fondamentaux de la vie sociale, est consi
dérée comme un pas en avant dans la démarche didactique :"Pas
d'école, pas de livre , mais 'l'expérience des hommes en société".
Donc "... il s'agit de réaliser l'homme tel que les caractères
en sont, selon Rousseau, inscrits dans la nature humaine"
(42).
Au début de la deuxième moitié du XIXème siècle, les pé
dagogues et les linguistes étaient à la recherche de moyens nou
veaux pour améliorer l'enseignement des langues vivantes. Le re
fus total des méthodes traditionnelles les conduisait à croire
(41) L.Y. LANCHEC, Psycholinguistique et pédagogie des langues, Paris, PUF, Coll. Sup. (l'Educateur n§ 54)» 1976, p. 79.
(42) J. LEIF et G. RUSTIN, Pédagogie générale par l'étude des doctrines pédagogiques, Paris, Delagrave, I954t p. 381.
146
en l'importance de la langue parlée et à rejeter l'usage de la
langue maternelle en classe (43) :
,f L'acquisition de la langue-cible s'effectue par la conver
sation naturelle sans jamais faire appel à la littérature
ou à l'analyse grammaticale" (44).
D'autre part, Claude Marcel en explique, dans son Traité sur 1'étude
des langues, publié en 1867, les principes généraux. Il en souli
gne trois. Il "préconise l'abolition de la traduction et des règles
de grammaire, recommande que l'enseignement se fasse d'abord par
la compréhension de textes, par des auditions soutenues, abondantes
et répétées, et ensuite la lecture de textes composés de matériaux
simples et connus suivis plus tard par la conversation et la rédac
tion".
Parmi les autres théoriciens, Lamber SAUVEUR
" se fait l'avocat de principes similaires, mais il y ajoute
la grammaire et la traduction à ne présenter que lorsque
les étudiants sont capables de comprendre la langue" (45)
En résumé, la méthode naturelle exige que :
" The learner of a second language should undergo the same
expérience as that undergone by the native speaker of the
second language" (46)
(43) "Vers 1866 HENESS avait fondé une école privée pour l'enseignement des langues par la méthode naturelle; celle-ci s'inscrivait en réaction profonde contre les méthodes grammaire-traduction de PLOTZ, AHN et OLLENDORF". MACKEY W.F., Principes de didactique analytique, Paris, Didier^ 1972, p. 200.
(44) LANCHEC J,Y.« Psycholinguistique et pédagogie des adultes, p. 79
(45) MACKEY W,F.f Principes de didactiques analytique, Paris, Didier^ 1972, p. 200
(46) L'apprenant d'une deuxième langue doit subir la même expérience que celui qui a acquis cette langue (notre traduction), EL BETTAR A.K»,Methods of Teaching English, Baghdad, Al-Sha'ab Pr.;I965, p. 22.
14 7
Elle ressemble à la méthode directe dans la mesure où
elle commence les cours par des questions sur des objets et des
images. On explique les mots nouveaux au moyen de mots connus.
On enseigne la signification par induction. On n'utilise pas la
langue maternelle ni la traduction et on ne parle qie dans la lan
gue seconde. On utilise la grammaire pour corriger les fautes,
le dictionnaire pour aider à se souvenir des mots partiellement
oubliés. L'ordre de présentation est le suivant : écouter (ou
audition), écrire (ou rédaction), grammaire.
Cette procédure a cependant reçu des critiques concer
nant surtout l'âge de l1apprenant# L'adulte ne peut réussir en
suivant la même démarche que l'enfant.
ff This method ignores the fact that the learaer's working
knowledge of his mother tongue would act as a hindrcmce
to his acquisition of a practical knowledge of another
language. To require the foreign adult to learn English
in the same way as does the native English child is to J.
ignore the fact thatlanguage is a System of habits which
in the adult learner hâve become so welle established
that they présent problems of interférence when learning
the second language. This is because of the tendency of
the adult to transfer the previously established habits
of his own language into the second language he is lear
ning" (47).
(47) Cette méthode néglige le fait que la connaissance appartenant à l'apprenant, de la langue maternelle, handicape l'acquisition d'une connaissance pratique de deuxième langue. Demander à un adulte étranger d'apprendre l'anglais de la même façon qu'un enfant anglais, ne tient pas compte du fait que la langue est un système d'habitudes qui sont aussi bien établies chez l'adulte qu'elles représentent des problèmes d'interférence au moment où se déroule l'apprentissage de la deuxième langue. Cela découle de la tendance de l'adulte de transférer ses habitudes concernant sa langue à l'apprentissage de la deuxième langue (notre traduction). EL-BETTAR, Â.K., Ibid. p. 22.
148
2. La méthode psychologique -(ou la méthode par les séries)
Les psychologues ne cachent pas qu'il s1agit dfune révolu
tion méthodologique, en ce sens qu'ils ont tenté d'expliquer le
comportement humain pour l'appliquer à l'enseignement des langues,
La méthode psychologique de François GOUIN (1880) présente de nom
breux points communs avec la précédente (méthode naturelle), mais
la complète par des exercices "structuraux11 (48). Les idées de
GOUIN furent donc utilisées comme source et comme inspiration de
la méthode directe. Ami de HUMBOLDT, cet auteur appliqua à l'en
seignement des langues les principes de cette science nouvelle
qu'était la psychologie moderne; il y mettait en évidence et en
application le thème de l'association des idées et de la visua
lisation de l'apprentissage par le canal des sons, des centres
d'intérêt, du jeu et de l'activité au sein de situations quoti
diennes et familières. Donc,
" on ajouta un nouvel élément à l'enseignement des langues :
l'activité physique" (49) •
Les exercices structuraux forment des ensembles regroupés
par thèmes.
" GOUIN est opposé à toute méthode imprimée. Il cherche à
imiter simplement la nature : l'élève est amené à poursui
vre ses efforts grâce aux nombreux encouragements du pro
fesseur : "bien", "continuez" etc..., qui agissent comme
des renforcements, de nature identique à ceux de l'appren
tissage de la langue maternelle" (50).
La liaison entre le mot et le sens doit s'établir au moyen d'ac
tions appropriées ou de présentation d'objets, mais le professeur
(48) JoY. LANCHEC, Psycholinguistique et pédagogie des langues, Paris, PUF, Coll. Sup. 1976, p. 79
(49) MACKEY W.F., Principes de didactique analytiquet Paris, Didier, 1972, p. 201.
(50) LANCHEC J.Y., Psycholinguistique et pédagogie des adultes, Paris, PUF, Coll. Sup. 1976, p. 79.
149
doit préférer à une parfaite prononciation lfaisance dans l'élo-
cution (5l)« De plus, tout devait être lié :
" chaque phrase de son cours était liée à dfautres phrases
à l'intérieur dfune sélection; chaque sélection associée
à une autre sélection à l'intérieur d'une série et chaque
sérié dans une série plus générale" (52),
Quant aux techniques de cette méthode
H o n présentait d'abord la langue par l'oreille et ensuite
on utilisait le renforcement de l'oeil et de la main par
la lecture et par l'écriture".
Enfin :
" lfensemble du vocabulaire, environ 8000 mots, découlait
ou était lié aux activités : activités fondées sur les in
térêts des étudiants et non pas sur ceux du professeur"
(53).
Une utilisation de cette méthode est exposée par H.E.
PALMER et sa fille dans leur ouvrage : English through Action,
dans lequel, en utilisant l'association de la progressivité en
accord avec les activités physiques, ils présentent une chaîne
(série) d'activités qui sera facilement instaurée à l'intérieur
de la salle de cours (54). Ses principes caractéristiques entraî
nent une série d'activités accompagnant des techniques didacti
ques comme des objets, des dessins ou des croquis, des images
et des tableaux muraux, pour aider à créer une image mentale et
à la relier au mot.
(51) LANCHEC J.Y., Psycholinguistique et pédagogie des adultes, Paris^PUP, Coll. Sup. 1976, p. 79•
(52) MACKEY W.F., Principes de didactique analytique, Paris, Didier, 1972, p. 201.
(53) MACKEY W.F. Ibid.
(54) Voir EL-BETÏAR A.K., Méthods of Teaching English, Baghdad, Al-Sha'ab Pr. 1965t PP. 2 5-2 6.
150
,f Le vocabulaire est disposé en groupes de phrases idiomati
ques courtes, reliées au sujet. Un groupe de ces phrases
représente une leçon. Les leçons sont réunies en chapitres;
plusieurs chapitres forment une série. L'enseignement est
d'abord exclusivement oral; plus tard, il se base partiel
lement sur le livre. On utilise très rarement la langue
maternelle» quoique parfois on le permette ou on le tolère.
On introduit la composition après la première leçon. On
commence la grammaire tôt; la lecture tard11 (55).
3o La méthode phonétique -
Nous avons dit que toutes les méthodes ré-instaurées
lfont été par suite du refus des méthodes traditionnelles.
VIËTOR, qui critiqua violemment la méthode grammaire - traduction
de lfécole de PLOTZ, est considéré comme le premier., à avoir in
corporé la phonétique descriptive dans l'enseignement des lan
gues. Il propose une nouvelle façon de lfaborder.
Se servant de la langue parlée comme point de départ, il élabore
avec ses disciples une procédure qui consiste à utiliser les
mots dans les phrases et non d'une façon isolée, puisqu'on con
sidère dorénavant la phrase comme étant l'unité fondamentale
du langage. On ne doit plus composer les phrases isolées et sans
lien, mais les utiliser en contextes liés à d'autres phrases qui,
toutes, sont l'expression de l'intérêt des étudiants pour un su
jet donné. On doit aussi présenter la matière nouvelle, les nou
velles unités didactiques par des gestes, des images, et par l'u
sage de mots déjà connus. On devait introduire la lecture plus
tard, en n'utilisant que des textes gradués qui conduiraient l'é
tudiant à une connaissance du pays étranger et de sa culture.
(55) MACKEY W.P., Principes de didactique analytique, Paris, Didier, 1972, p. 211.
151
On devait acquérir toute connaissance de la grammaire dfune façon
inductive grâce à des textes (56).
Il nous semble que cette méthode est différente, dfune
façon ou d'une autre, des précédentes parce' qufelle requiert la
maîtrise du système linguistique de la langue seconde• Aussi l'ac
quisition des éléments phonétiques est-elle une exigence indispen
sable. En effet,PRIES et PALIER ont beaucoup insisté sur l'utili
sation de la phonétique. Cette façon de faire a bénéficié de nom
breux sympathisants, notamment Henri BARGY qui a publié, en 1923,
son livre s la grammaire de l'oreille, qui expose ses idées sur
l'apprentissage par la phonétique, à l'époque où tous les profes
seurs de langues étaient des avocats de la méthode par la grammaire.
w For Bargy... taught the language, not by the application of
the old rules inspired by Latin grammar, nor frora an exami-
nation of the vagaries of the printed word, but entirely
via a study of the ressemblances and the différences in
the sounds of the forms under considération" (57).
Evidemment, cette méthode est également connue sous le nom
de méthode orale ou de la réforme. Elle présente des liens très
étroits avec la méthode directe. Son principe est de commencer par
un entraînement de l'oreille qui renforce :
" ensuite l'apprentissage de la prononciation, selon l'ordre
(56) Voir MACKEY W.P., Principes de didactique analytique, Paris, Didier, 1972, p. 201.
(57) BARGY a enseigné la langue, non par l'application des règles traditionnelles inspirées de la grammaire latine, et non plus d'après un examen de la fantaisie du mot imprimé, mais entièrement par l'étude des formes semblables et différenciées de la'langue en considération (notre traduction). BASHOUR Dora S. "A Precursor of Today's Methodology* in; The French Review, Vol. 43, n§ 2, Décembre 1969, p. 305.
152
suivant : des sons aux mots, des groupes de mots ou locu
tions, aux phrases. Celles-ci se combinent plus tard pour
former des dialogues et des histoires. On utilise une nota
tion phonétique et non les caractères orthographiques dans
les textes. La grammaire est inductive et la composition
consiste à reproduire ce qu'on entend et ce qu'on lit"
(58).
L'apparition de chaque méthode soulève critiques et débats
à propos de son rendement et de la faible proportion de réussite
scolaire; on vise à en trouver une qui soit plus efficace. A cet
égard, une grande contreverse fut soulevée .autour de celle qu'on
appelait phonétique ou de la réforme, et qui se termina en un
semblant de compromis : se ralliant à quelques uns des principes
de GOUIN, elle donna naissance à l'idéologie de la méthode direc
te.
4. iS^méthode^directe(ou la méthode active) -
Elle est le fruit naturel du mariage entre les trois pré
cédentes : naturelle, psychologique et phonétique. Elle est pré
sentée entre 1889 et 1923 par VIETOR, JESPERSOK, SWEET et PALMER
(59).
On considère le Danemark comme son pa/s d'origine (6i3).
Elle s'oppose à la méthode traditionnelle qui, fondée sur la
connaissance de la grammaire et sur la traduction, n'intéressait
plus ni les éducateurs, ni les psychologues, ni les linguistes.
(58) MACKEY W.P., Principes de didactique analytique, Paris, Didier, 1972» p. 212.
(59) L4NCHEC J.Y., Psycholinguistique et pédagogie des langues, Paris, PUF, Coll. Sup. 1976, p. 79.
(60) EL-BETTAR, Methods of teaching English, Baghdad, Al~Sha'ab Pr.^ 1965, P. 26.
153
Comme le dit Claude MARCEL :
" On peut affirmer sans hésitation que la grammaire n'est pas
un point de départ, mais un instrument de perfectionne-
ment". (61)
Un autre aspect, présenté par SPENCER H., s'oppose à la récitation
des règles de grammaire comme élément fondamental à l'acquisition
d'une langue étrangère :
" En résumé, comme la grammaire a été trouvée après la langue,
elle doit être enseignée après la langue; c'est là une
inférence dont tous ceux qui connaissent le rapport entre
l'évolution de l'individu et l'évolution de l'espèce recon
naîtront l'exactitude" (62).
Ainsi la méthode directe - comme son nom l'indique -
s'est-elle caractérisée dès son apparition par le refus de l'exer
cice "indirect" qu'est la traduction. Au contraire, elle recherche
un contact, sans l'intermédiaire de la langue maternelle, entre
la langue étrangère et les réalités référentielles. Elle sollicite
constamment la participation active dans le maniement de la langue
étrangère et institue le dialogue professeur - élève comme hase
de tout enseignement, en excluant presque tout recours à la langue
maternelle.
" The various "oral" and "natural" methods which developed
at this time (XIX th Century) can be grouped together as
forms of the direct method, in which they(the advocates)
advocated lecirning by the direct association of foreign
words and phrases with objects and actions, without the
use of the native language by teacher or student.
Speech preceded reading, but even in reading
(61) SPENCER H., De l'éducation intellectuelle, morale et physique, Belgique, Verviers, 1974» p. 78.
(6?) SPEIÏCER H., ibid. p. 79.
students were encouragea to forge this direct bond between
the printed word and their understanding of it without
passing through an intermediate stage of translation into
the native language. The ultimate aim was to develop the
ability to think in the language, whether conversing,
reading of writing" (63).
Son application fait appel à des procédures naturelles et
logiques fondées sur les comportements psychologiques de l'en
fant dans son apprentissage du langage; il entend d'abord des
bruits sans les comprendre puis, au fur et à mesure, arrive à
saisir quelque chose; peu à peu, grâce à l'influence du milieu
familial, il arrive à comprendre et essaie de prononcer quelques
sons incompréhensibles au début, ou bien à imiter des sons lin-
guistiquement faciles à reproduire. Ce phénomène évolue avec lsâge
jusqu'à lfapprentissage de la lecture qui se fait à la maison ou
à 1'écoleç oralement dans un premier temps, puis alphabétique
ment. Il arrive à la dernière étape quand il commence à écrire»
Ces observations d'un caractère psychologique sont utilisées
par les éducateurs et les linguistes et mises en pratique par la
méthode directe qui :
se propose de placer l'élève dans un "bain de langage"
(63) La variété des méthodes "orale" et "naturelle" qui se développent en ce moment (XIXème siècle) peuvent être regroupées dans une forme de la méthode directe dans laquelle ils (les avocats) ont approuvé l'apprentissage de mots et d'expressions avec les objets et les actions, sans l'utilisation de la langue maternelle, ni par le professeur ni par l'élève. La parole a précédé la lecture, mais, même dans la lecture, les élèves o nt été encouragés à forger directement le sens entre le mot imprimé et leur propre compréhension de ce mot sans passer par une étape intermédiaire de traduction dans la langue maternelle. Le but ultime était de développer l'aptitude de penser dans la langue, soit au cours de la conversation, de la lecture ou de l'écriture (notre traduction). RIVERS • W., Teaching Foreign Language Skills, Chicago, Université of Chicago Pr.*5 th. éd 197?, p. 18
155
et de reproduire dans la classe des conditions d'acquisi-
tion aussi "naturelles" que possible : on pense que, de
même que 1»enfant apprend sa langue maternelle à force d'y
être exposé, de même le candidat à la maîtrise d'une langue
étrangère nfatteindra son but que si l'enseignement lui
donne l'occasion dfune pratique constante" (64).
Cette méthode peut se résumer très simplement comme un enseigne
ment donné directement dans la langue étrangère (sans l'intermé
diaire de la langue maternelle des élèves).
J. LOCOQ en affirme l'utilité et l'efficacité en disant quelle :
" doit être directe, à mon avis, tout d'abord en ce sens quf
elle doit faire l'économie totale du passage par la langue
maternelle pour arriver à la langue étrangère..., c'est di
rectement encore et non par une lente et pénible traduc
tion sans valeur, et sans couleur, que les élèves doivent
reproduire ce qu'ils ont appris" (65).
5. Les principes théoriques de la méthode directe (ou active)
Elle vise à remédier aux défauts des méthodes traditionnel
les, centrées fondamentalement sur l'apprentissage des règles
grammaticales et la compréhension par la traduction. Elle s'y op
pose par le refus total de la traduction, surtout au début de
(64) Daniel COSTE, Le renouvellement méthodologique dans l'enseignement du français langue étrangère : remarque sur les années 1955-1970* in Ali BOUACHA y La pédagogie du français, p. 12.
(65) L. LECOQ, Lyenseignement vivant des langues vivantes, Paris, Cornely, I904f p.51
156
l'enseignement. Ainsi ffTo ask for translation is to ask for
something unnaturaln (66). En revanche, des théoriciens préconi
sent l'association directe de l'objet, du concept ou de l'activi
té avec le symbole étranger. Un autre principe, fondé sur des
données psychologiques, estime que :
" A foreign language oan be learnt in the same w ^ as te* native
language i s learnt" (67). Cela parce que "Language is
fondamentally oral".(68).
et, par conséquent, l'apprentissage d'une langue implique l'ac
quisition du contrôle de quatre habiletés linguistiques fondamen
tales :
" deux orales : comprendre à l'audition et parler; deux gra
phiques : comprendre à la lecture et lire.
Il y a deux habiletés réceptives : comprendre à l'audition
et lire, et deux habiletés de nature productive : s'expri
mer oralement et s'exprimer par écrit" (69).
La priorité entre ces quatre habiletés principales est organisée
de la façon suivante s comprendre à l'audition, parler, lire, et
écrire (70)
(66) La demande pour la traduction est considérée comme une demande dénaturée (notre traduction)- GATENBY E.V. "Popular Fallacies in the Teaching of Foreign Languages", in-Bnglish Language Teaching, vol. VII, 1952, p. 21.
(67) Une langue étrangère est acquise de la mène façon que la langue maternelle.(notre traduction) AL-HAMASH Kh.l., Principles and Techniques of Teaching Bnglish, Baghdad, Al~ Rissafi Printing PrvI978, p. 33.
(68) La langue est fondamentalement orale (notre traduction) AL-HAMASH, ibid.
(69) TITONE Renzo, Psycholinguistique Appliquée, Paris, Payot, 1979, p. 152.
(70) La classification, en anglais, de ces habiletés linguistiques est la suivante t listening, speaking, reading and writing*
157
Mais les participants à la :The Colby'Collège Conférence on the
Undergraduate Major in French^ préfèrent mettre lfaccent sur l'im
portance de la lecture :
" We suggest that the order of priority should be altered and
that the présent primacy of speaking and understanding yield
to the primacy of reading. Our order of priority (priority
of importance not order of présentation) would be : reading,
understanding, speaking, writing" (71).
Cependant, la majorité des professeurs de langues étrangè
res considèrent comme prioritaire de comprendre à l'audition et de
parler avant d'apprendre à lire et à écrire.
6. Les principes méthodologiques -
Cet apprentissage aboutit aux procédés suivants : les pre
miers cours, qui durent quelques semaines ou quelques mois, sont
consacrés à la prononciation orale et à la familiarisation avec les
nouveaux symboles et sons étrangers, Dfoù la présentation de listes
de mots comportant des symboles phonétiques parallèles comme :
" pin - tin (i) / cat - hat (gfc) / seek - weak (iz) / boy - toy
(oi) etc...11
ou des voyelles différentielles comme : ff sit (i) sert (a) / sit (i) - seat (i; ) etc ft...
ou des consonants étrangers et difficiles à prononcer comme : ,f big (b) - £ig (p) / Knife (f) - dive (v) etc..."
(71) Nous suggérons que l'ordre de priorité doit être modifié et que la priorité actuelle de parole et de compréhension doit céder à celle de la lecture. Ainsi notre ordre de priorité (priorité d'importance et non de présentation) serait-il : la lecture, la compréhension, la parole et la rédaction (notre traduction).
"The report of The Colby Collège Conférence on the Undergraduate Major in French'i in;,The French Review, Vol. XLII, n§ 1, Octobre 1968, p. 70.
158
Wilga M. RIVERS explique l'intention des utilisateurs en
disant que :
,f Direct - method teacher frequently began a language course
with an introductory period duing which students were
taught the new sound System. Often, for an initial period
of several raonths» the only représentation students saw
of the sounds they were learning to produce and discriminate
was a phonetic notation. In this way they were ab^e to
develop correct pronunciation without being influenced by
similarities between foreign and native-language ortho-
graphy" (72).
Ensuite, on doit susciter une association, sans utiliser
la traduction entre l'objet ou l'activité et le symbole linguis
tique de la langue étrangère, à l'aide des moyens didactiques
tels que des cartes murales, des illustrations, des matériaux re
présentatifs et des objets faciles à apporter dans la salle de
cours# Toutes les explications doivent être fournies en langue
étrangère. A.J. GIONET explique l'apprentissage de nouveaux mots
par cette association et par l'effort du professeur, en disant :
" Imitation of the instructor is the way to learn. Prom voice
intonation, facial expression, gestures, charades, the use
(72) Les professeurs appliquant la méthode directe, ont commencé fréquemment leurs cours de langue par une période de-préparation durant laquelle les élèves ont été enseignés dans le système vocalique nouveau. Pour une période initiale de quelques mois, la seule représentation de sons était, souvent, la notation phonétique que les élèves apprenaient à produire et à discriminer. Selon cette méthode, ils étaient capables de développer la prononciation correcte sans être influencés par les similitudes entre l'orthographe de la langue maternelle et celle de la langue étrangère (notre traduction) RIVERS Wilga M., Teaching Bnglish Language Skills» Chicago, University of Chicago Pr., 5 th. éd. 1972, p. 19.
159
of objects etc, the student deduces what the teacher tells
him" (73).
Cette association se développe dans la mesure où elle se
fait par le regroupement de mots de type complémentaire comme : 11 tree, wood, forest", etc., ou de type contradictoire (opposé)
comme "hand é foot / man ^ woman / right é wrong" etc..., en
présentant d'abord les mots les plus fréquents et les plus néces
saires. La répétition "est nécessaire pour retenir des associa
tions, tout en soutenant lfintérêt des élèves" (74).
Après ces activités méthodologiques et didactiques qui
visent essentiellement à la familiarisation phonétique et à la
compréhension et à l'acquisition de mots et de phrases dans la
lqngue étrangère, on passe à l'étude de la civilisation et de la
vie quotidienne du pays où elle est parlée.
Wilga M. RIVERS dit :
" A direct-method elass provided a clear contrast with the
prevailing graramar-translation classes. The course began
with the learning of the foreign words and phrases for ob
jects and actions in the classroom. When thèse could be
used readily and appropriately, the learning moved to the
common situations and settings of everyday life,
(73) L'imitation d'un instructeur est une façon d'apprendre* D'après l'intonation vocalique, l'expression du visage, des gestes, des cartes, l'utilisation des objets, etc. L'élève déduit ce que son professeur veut lui dire (notre traduction). GIONET Arthur J. "Current Foreign Language Methods", in:., The French Review, Vol. XLVIII, n§ 1, Octobre 1974. VV• 18-19.
(74) Pour plus de détails, voir Henri SWEET, The Practical Study of Languages, London, Oxford, Uni. Pr. ,19641 surtout -pp. 102-111.
160
the lesson often developing around specially constructed
pictures of life in the country where the language was
spoken" (75) .
Quant à l'acquisition de la grammaire, elle fl se fait
par déduction, et son acquisition doit rester liée à la pratique*
(76). Le professeur doit encourager les élèves à effectuer eux-
mêmes des généralisations, d'après la présentation d*exemples
grammaticaux incorporés à des phrases compréhensibles, répétées
par eux.
" Grammar was not taught explicitly and deductively as in
the grammar-translation class but was learned largely
through practice. Students were encouragea.to draw their
own structural généralisations from what they hadbeen Imrràng
by an inductive processl' (77).
L'activité de lecture se fait à partir de textes trai
tant de sujets précédemment abordés et traités oralement par les
(75) Une classe de la méthode directe a fourni un contraste clair par rapport à celle prédominante de la méthode "grammmaire-traduction". Le cours commence avec l'apprentissage de mots et d'expressions s'accompagnant d'objets et d'actions dans la salle. L'apprentissage s'est développé aux situations habituelles de la vie quotidienne. La leçon était souvent développée autour d'une image spéciale issue de l'environnement où la langue est parlée (notre traduction). RIVERS Wilga M.. Teaching Foreign Language Skillst Chicago, Uni.of Chicago Pr.^5 th. éd. 1972, p. 19.
(76) LANCHEC J Y., Psycholinguistique et pédagogie des langues* Paris, PUF. Coll Sup.?I976, p. 80.
(77) La grammaire n'a pas été enseignée ni explicitement, ni dé-ductivement, comme c'est le cas dans une classe de la méthode grammaire-traduction, mais elle a été largement apprise par exercice. Les élèves ont été encouragés à tirer leurs généralités structurales parce qu'ils ont appris selon un processus inductif (notre traduction). RIYERS Wilga M.,Teaching Foreign Language Skills, Chicago, Uni.of Chicago Pr.?5th. éd. 1972, p. 19.
161
élèves, que le professeur prépare en présentant les expressions
et mots nouveaux du texte choisi.
En effet s 11 Ce nfest qu'à la fin du siècle dernier que les manuels de
la méthode directe commencèrent à suivre une structure et
une démarche déterminées. Tout en sauvegardant le principe
qu'on ne devait se permettre aucune utilisation de la lan
gue maternelle de l'étudiant, le manuel-type commençait
par présenter la langue parlée^ Ce nfest qu'après un
certain laps de temps écoulé qu'on pouvait passer à la lec
ture et plus tard à l'écriture" (78).
Cette méthode fut appliquée en Irak dès son origine, jus
qu'à aujourd'hui, et elle est préconisée par plusieurs éducateurs
et théoriciens. (79).
7. Critiques de la méthode di£e££2-.""
Elle a connu, sans aucun doute, wa grand succès et a fait
progresser l'enseignement. Son essor répondait aux besoins éduca
tifs soulevés par l'accroissement des objectifs scolaires. Elle
s'avéra révolutionnaire lorsqu'elle apparut, au début de ce siècle,
à cause des nouveaux processus didactiques qui permettaient l'en
seignement à un grand nombre d'élèves, tandis que les procédés
traditionnels correspondaient à une instruction individuelle et
à un nombre limité.
Cependant, malgré tout ce qu'elle a apporté, elle n'a pas
manqué d'être critiquée.
(78) MACKEY W.E., Principes de didactique analytique, Paris, Didier, 1972, p. 203.
(79) Voir AL HAMASH Kh.I., Principles and Techniques of Teaching English, Baghdad, Al-Rissafi Printing Pr., 1978, p. 33.
162
Tout d'abord Î
11 The direct method does not differentiate between the
situation encoutered by an adult learning a second language
and the child when learning the same" (80).
Elle nfa pas tenu compte de lfinterférence avec la langue mater
nelle chez un adulte déjà familiarisé et conditionné par un sys
tème grammatical, phonétique et structural bien établi et diffé
rent, largement où partiellement, de la langue étrangère. Par
conséquent, il doit premièrement apprendre à employer, avec un
certain effort, les nouvelles structures (pour s'habituer au
nouveau système linguistique) et deuxièmement, les reproduire
automatiquement et inconsciemment, comme dans la langue maternel
le. Pour Kh.AL HAMASH, ce principe de la méthode directe paraît
le contraire du bon sens.
" To assume that a foreign language is learnt in the same
way as the native language is to assume something which,
on the face of it, seems contrary to commun sens" (81).
En effet, on apprend la langue maternelle sans aucune in
terférence linguistique. En revanche, ce qui se passe, selon la
méthode directe, cfest que l'adulte s'exprime avec le système
linguistique de sa langue maternelle tout en employant le vocabu
laire étranger (82). Evidemment, toutes les critiques s'empressent
(80) Elle m'établit pas de différence entre la situation entourant l'adulte apprenant une deuxième langue, et celle de l'enfant (notre traduction). EL-BETTAR A.K., Methods of Teaching E n g l i s h , Baghdad, Al-S h a ' a b P r v 1965, P . 54 .
(01) Le concept d'après lequel la langue étrangère doit être apprise dans les mêmes conditions et situations que celles dans lesquelles l'enfant l'a acquise, paraît contradictoire avec le bon sens: (notre traduction)- Principles and Techniques of Teaching English,. Baghdad, Al-Rissafi Printing Pr.71978» p. 35.
(8?) Voir RIYERS W M,., Teaching Foreign Language Skills, Chicago^ Uni. of Chicago Pr.,1972, p. 20.
16.3
de faire remarquer que la théorie de la sélection naturelle ne
s'opplique pas à la seconde langue où trop de difficultés présen
tées à la fois nfengendreraient que confusion, erreurs, perte de
temps et inexactitudes (83). Cependant, un enseignement fondé sur
la méthode directe serait probablement, très approprié aux enfants;
il s1est avéré que les plus jeunes sont réellement les seuls ca
pables de sfy adapter (84).
Dfautre part, le problème de la traduction par la méthode
directe a également provoqué de nombreuses discussions et criti
ques, de la part d'éducateurs oui ont analysé les raisons de sa
suppression ou de sa réutilisation (85), Cette méthode élimine
absolument, en effet, l'usage de la langue maternelle pendant
les cours, ce qui, dans une certaine mesure, complique la situa
tion car, au lieu de traduire directement une expression nouvelle
ou un mot nouveau, ce qui serait une solution de facilité, on es
saie de les expliquer par différents moyens; d'où, le plus sou
vent une perte de temps. Pourtant le résultat est le même puis
que les élèves les traduisent mentalement, ou copient l'équiva
lent, e>n leur langue, sur leurs manuels ou leurs cahiers. Ainsi
son application exige-t-elle beaucoup plus de temps que celui
qui lui réserve habituellement l'horaire.
(83) Voir MACKEY W.F., Principes de didactique analytique, Paris, Didier, 1972» p. 202.
(84) Voir GIONET A.J., "Current Foreign Language Methods", in The Franch Review, Vol. XVIII, n§ 1, Octobre 1974. p« 19.
(85) A cette question de la traduction, voir par exemple :
a. GATENBY E.V.,''popular Fallacies in the Teaching of Foreign Languages*, in Bnglish Language Teaching,Vol.VII, 1952, pp. 21-29.
b. MYRON H.B., Translaton anewsx% in:,The French Review, Vol. XXIII, n§ 2, décembre 1949» VV. 124-128.
c. TITONE R.f Psycholinguistique appliquée, pp. 143-154, et pp. 226-234.
164
De même "ce que l'on peut reprocher à la méthode directe,
c'est de ne rien dire que le continu.de l'enseignement qui est pour-
tant fondamental" (86), "ni sur le contenu du cours et sur sa pro
gression" (87). "Tout est permis, du moment que le professeur s'en
tretient avec les e'ièves en langue étrangère" (88). L'accès à la
compréhension se manifeste dans le fait que :
on laisse à l'élève le soin d'induire, de procéder par rap
prochements, inférences et analogies. Il faut aussi croire
plus au filtrage opéré par celui qui apprend qu'à une sélec
tion linguistique étroite de la part de l'enseignant : loin
de limiter le nombre des items présentés ou de respecter
une progression stricte..." (89).
En résumé, "on ne trouve aucun souci de la progression linguistique
ni de la qualité des modèles de langue parlée à proposer aux
élèves (90)".
Certes, cette méthode exige la contribution de professeurs
compétents, parlant couramment la langue étrangère et possédant
suffisamment de ressources et de vitalité pour l'enseigner.
Car elle dépend beaucoup du rôle joué par lui, de son énergie et
de sa capacité. Par conséquent, elle est éprouvante pour lui, parce
qu'il est le seul qui agisse dynamiquement dans la salle de cours,
afin que les élèves participent et répètent paradigmes et phrases
nécessaires à une bonne acquisition des diverses structures gram
maticales ou phonétiques et des mots et expressions nouveaux.
C'est toujours lui qui parle et pose des questions.
(86) GIRARD D., Linguistique appliquée et didactique des langues Paris, Armand Colin, 1972, p. 35.
(87) GIRARD D., Ibid. p. 13.
(88) GIRARD D., Ibid. p. 35.
(89) COSTE D., Le renouvellement méthodologique dans l'enseignement du français, langue étrangère^ in Ali BOUACHA A.: La Pédagogie du français,langue étrangère, Paris, Hachette, Coll. W*$ 1978, p. 13. '
(90) GIRARD D., Linguistique appliquée et didactique des langues Paris, Armand Colin, 1972, p. 52.
16 5
Enfin, PPRIMMER attaque la méthode directe en l'accusant
d'importer faiblesse et lacune dans l'enseignement des langues
étrangères :
" En résumé, nous constatons que les résultats de la
nouvelle méthode sont inférieurs et de beaucoup, à ceux
de l'ancienne" (91).
Il nous semble pourtant qu'elle n'exige pas des matériaux
didactiques compliqués comme ceux, par exemple, de 1'audio-visuel*
Il lui suffit de quelques cartes murales, de dessins effectués
par l'enseignant ou les élèves eux-mêmes, d'objets divers, etc...
Tous sont faciles à apporter dans la salle de cours. Ainsi con-_
vient-elle aux pays pauvres et aux sociétés en voie de développe
ment, puisqu'elle est applicable à un grand nombre d'élèves, ave:c
des moyens .simples.
(91) PF1IMMER P,,MAprès un demi-siècle de la méthode directe"1, in : Langues Modernes, ni 47, p. 204.
166
CHAPITRE II
MODELES DES METHODES DIDACTIQUES NOUVELLES
A - La méthode audio-orale (aurai - oral approach)
1. Présentation
La deuxième guerre mondiale fit comprendre au monde entier
1 importance dfune coopération, et dfune consultation internatio
nales, afin d'éviter que de telles catastrophes se reproduisent*
Plusieurs organisations et comités furent alors créés en vue de
faire aboutir des objectifs pacifiques et scientifiques* Un autre
résultat, si l'on peut dire positif,de cette guerre tient à ce quf
elle attira l'attention sur l'importance de communiquer d'une fa
çon compréhensible, et sur la nécessité d'acquérir une ou plusieurs
langues étrangères, afin de faciliter les rapports et la cohabi
tation entre les pays.
Ainsi l'expérience de l'Armée américaine, pendant la deu
xième guerre mondiale, illustre-t-elle parfaitement ce but. Les
militaires devaient suivre une méthode dite intensive, ou le pro
gramme spécial d'entraînement de l'Armée (A.S.T.P. t Army Specia-
lized Training Program) (92); ils assistaient aux cours intensifs
(au moins vingt sept heures par semaine) pour apprendre les lan
gues des pays où ils étaient supposés occuper un poste et, par
conséquent, communiquer avec la population.
(92) "Foreign language Army schools popularized the audio-lingual approach especially at the end of Worls War II" GIONET A.J./Current Foreign Language Methoàsvi invThe French Review, Vol XLVIII ng 1, ©et. 1974, p. 19.
16 7
Des professeurs étrangers étaient nommés pour fournir des
modèles; la communication quotidienne entre les militaires eux-
mêmes devait se faire dans la nouvelle langue. Les techniques et
les résultats de cette expérience furent beaucoup admirée, notam
ment par les professeurs de langues étrangères. De nombreux ar
ticles (93) la préconisèrent» et en présentèrent des commentaires
favorables. C'est pourquoi plusieurs éducateurs prirent modèle
sur elle, et utilisèrent la technologie moderne dans l'enseigne
ment des langues, comme les disques et les magnétophones, ce qui
donna naissance au laboratoire de langues.
Compte tenu du grand succès de cett,e méthode, des maté
riaux diversifiés apparaissent sur le marché et, aujourd'huif
on trouve une publicité et des annonces attrayantes, qui font
"tourner la tête" en affirmant la possibilité d'apprendre (et de
maîtriser) telle ou te^le langue pendant les vacances, par exemple:
acquérir la langue chinoise sur le bateau, pendant le voyage.
De cette affirmation nouvelle quant à une compétence lin
guistique de la communication, découle l'utilisation du terme audio
oral (aurai - oral) qui apparaît comme une solution nouvelle (new
key) sune baguette magique, en quelque sorte (magie key) face aux
problèmes de lfenseignement des langues étrangères et qui concerne
deux habiletés auditives 1 comprendre à 1•audition, et parler.
(93) Voir par exemple ; a - COOPER A., Virginia Dodd, "Before and ofter the ASTP" in
The French Review. Vol XXII, nQ 1, oct. 1948, pp. 40-44
b - Me Donald Pearl S. "The consensus of Opinion on the ASTP^ in The French Review, Vol. 21, ng 2, Décembre 1947» PP» 129-133-
c - HARRIS Julian, How can the ASTP Method be adapted to Civilian Instruction^ in : The French Review, Vol, XXÏ? ng 6, May 1948, pp. 450-460.
d - PULVER Jean, '*Teaching Languages at the Navy Intelligence School i in : The French Review, vol.XXI; nU 4* Féb. I949t po. 317-319.
e - VAN PASSEL F., Lyenseignement des langues aux adultes, Paris, Nathan, 1974$ 208 p.
168
Dès lors, la plus importante est celle des activités audio-orales
qui apportent une assise indispensable aux deux autres étapes :
la lecture et l'écriture.
,fIn .this first stage, only the ear and tongue are trained
without use of the written language" (94).
Wilga M. RIVERS commente lforiginalité de cette méthode par rap
port aux résultats des travaux des linguistes, anthropologues,
et même psychologues behavioristes américains.
" The origins of the audio-lingual method may be found in
the work of Américain structural linguists and cultural
anthropologists who were working in the same climate as
the behaviourist psychologists" (95)»
Evidemment, les théoriciens concernés, comme Nilson Brooks,
L. POLITZER, ont rendu compte du seul succès de l'expérience accom
plie par lfArmée Américaine, Mais, à cause de l'ambiguïté et de
la difficulté de prononcer le terme "aurai-oral" en anglais,
BROOKS a proposé le terme "audio-lingual"#
En effet, cette méthode, bouleversante pour son temps, a
été développée par beaucoup de linguistes et de psychologues, dont
Wilga M. RIVERS, qui l'a définie et détaillée.
Cependant, Renzo TITONE affirme que s
" Une révision critique des principes psychologiques de la
méthode audio-orale, encore assez répandue aux Etats-Unis,
(94) Dans cette première étape, seules l'oreille et la langue sont entraînées sans l'utilisation de la langue écrite (notre traduction). RIVERS W.M., The Psychologist and the Foreign Language Teacher, Chicago, Uni. of Chicago Pr., I969f p. 14.
(95) L'originalité de la méthode audio-orale est à rechercher dans les travaux des linguistes structuralistes et anthropologis-tes américains qui ont travaillé dans le même sens que les psychologues behaviouristes (notre traduction). RIVERS W.M., Teaching Foreign Language Skills, Chicago, Uni. of Chicago Pr.,5 Thf éd.91972, p. 33.
169
a été réalisée par Wilga M. RIVERS, avec des conclusions
qui peuvent être considérées comme définitives11 (96).
Ainsi constatons-nous qufelle n'est pas totalement indé
pendante des précédentes car elle ressemble à la méthode directe
dans la mesure où elle exige un modèle (le professeur, ou les en
registrements), et prend en considération les facteurs psycholo
giques de l'enfant quand il apprend la langue maternelle. En
revanche, elle permet et conseille l'utilisation de celle-ci par
le professeur, dans la salle de cours, uniquement en vue de mieux
faire comprendre aux élèves le sens de mots et d'expressions nou
veaux. Là encore, elle rejoint les méthodes traditionnelles qui
considéraient la traduction comme un moyen de la compréhension.
Ph.D. SMITH renvoie son origine à plusieurs siècles en arrière
quand il dit :
" The "audio-lingual" or "functional skills" emphasis in
modem foreign language teaching has roots extending back
several centuries and is in charp contrast to traditional
teaching mêthods" (97)
2# Principes méthodologiques
Certes, les principes de base, fondés sur la simulation,
suivent indubitablement l'ordre psycholinguistique de l'apprentis
sage instinctif de la langue. La démarche méthodologique et didac
tique présente la classification suivante :
ff The approach says "hearing before speaking, speaking
before reading, reading before writing".
(96) Psycholinguistique appliquée, Paris, Payot, 1972, p. 26.
(97) L'audio-oral ou les habiletés fonctionnalles précisés dans l'enseignement moderne des langues étrangères a des racines dans les siècles passés et ils sont un contraste affilié aux méthodes traditionnelles ( notre traduction). n An Assessement of three Foreign Language teaching Stratégies add three Language Laboratory Systems", in The French Review, Vol. XLIII, ng 2, Nov. 1969, P* 290.
170
Le premier caractère ne se limite donc pas à mettre 1•ac
cent sur la priorité de lfaudition. Par ailleurs, William M0ULT0N
résume de la même façon les cinq slogans du jour (98) qui vont
conduire les professeurs à appliquer les résultats de ces re
cherches linguistiques à la préparation des matériaux didactiques
et des matières à enseigner :
a) La langue est parole* pas écriture -
Le terme "audio-oral" a été fortement influencé par ce
principe, Nilson BROOKS affirme que s
" Language is primary what is said and only secondary what
is written" (99).
Par conséquent les exercices oraux visant à entraîner l'oreille de
l'élève à des articulations étrangères et §. des élocutions com
plètes, sollicitent lfattention des professeurs avant dfexercer
leur langue, parce que :
" A learner cannot give what he has not previously received"
(100).
De plus, les expressions familières présentées lors de la première
(98) "Linguistics and Language Teaching in the United States 1940-I960ff, In ; International Review of Apolied Linguistics» Vol 1, n? 1, 1963.1 P. 24.
(99)"La langue est en premier lieu ce qui est oralement dit et deuxièmement ce qui est écrit", cité par RIVERS -W. BU«The Psycho-logist and the Foreign Language Teacher, Chicago, Uni. of Chicago Pr. 1969t P. 14.
"Le débutant ne peut, .jamais donner quelque chose qu'il n*a pas encore reçue précédemment," PALIER H«.The Teaching of Oral Bnglish, London, Oxford Uni, Pr.,I958f p. 12.
171
séance doivent l'être sous une forme aisée, adaptée à lfâge de
l'élève ainsi qu'aux situations les plus caractéristiques du pays
étranger.
Ainsi AL-BETTAR constate-t-il :
" ... he has to know how a new word is pronounced before
he tries independently to look up its meaning in the die-
tionnary" (101).
Cette précision sur l'importance de l'apprentissage oral
dont l'expérience de l'Armée Américaine a donné un exemple con
vaincant , conduit naturellement à la production de plusieurs types
de matériels audio-visuels, utilisables dès la première étape de
l'enseignement.
A cet égard, nous avons vécu une expérience personnelle,
lorsque, instituteur dans une école primaire à Bagdad, nous y en
seignions l'anglais (entre autres matières) à un certain riembre
d'élèves de cinquième année (l'enseignement de l'anglais commence
en 5ème année). A cette époque, nous suivions les cours du soir
à l'Université et essayions de mettre en pratique notre connais
sance des méthodes nouvelles d'enseignement. Les principes psycho
logiques et linguistiques ont attiré notre attention, en particu
lier l'importance de la hiérarchie temporelle dans l'acquisition
d'une langue. Nous avons consacré les quatre premières semaines
à,des exercices oraux en vue de familiariser les élèves avec les
nouveaux sons et articulations étrangères. Pour l'enseignement du
vocabulaire, nous avons apporté en classe des objets simples repré
sentant les mots nouveaux, sans l'utilisation de la langue mater
nelle. Le choix du vocabulaire présenté chaque jour correspondait
(101) "L'élève doit savoir prononcer le mot nouveau avant dfen chercher la signification dans le dictionnaire" in:Methodsof Teaching English» Baghdad, Al-Sha^ab Pr., 1965 p. 50.
172
à celui du manuel enseigné» La plus grande partie du temps était
consacré à la répétition de phrases courtes et simples, soit en
groupe, soit individuellement• Nous nous efforcions de nous con
former aux procédures didactiques de 1*audio-oral par un entraî
nement de lforeille de l'élève, une acclimatation et un apprentis
sage du vocabulaire et des expressions courantes t par exemple,
des questions sur son nom, son âge, sa famille, etc..» ou des
questions simples comme les suivantes : ".Corne hère, please",
"open the door". (x)
La première étape consistait donc à faire comprendre le
sens de ces questions aux élèves, et à susciter leurs réponses,
ainsi que des activités en rapport.
Franchir cette étape avec de bons résultans est très en
courageant* Il faut préciser que nous n'utilisions pas, en cours,
de manuel concernant ces activités, sauf pour quelques mots, en
vue de faciliter la répétition. Signalons que nous >2favions à
notre disposition aucun moyen technique, tel que film fixe ou ma
gnétophone.
Un jour, le directeur de l'école a visité notre classe
pour inspecter notre travail (il est prévu officiellement qu'il
rende visite à tous les instituteurs puisqu'il n'y a pas de spé
cialisation professionnelle au niveau de l'école primaire). Il
s'est assis au fond de la salle, à côté d'un élève. Pendant la
récréation, après avoir assisté au cours, il nous a demandé de
venir le trouver car il avait à nous faire part de quelques remar
ques, à son avis, très graves, concernant la démarche du cours.
En premier lieu, il nous a demandé, avec mécontentement, la rai
son pour laquelle nos élèves n'avaient pas de cahier pour reco
pier les leçons et les exercices, tandis que ceux de l'autre sec
tion, dirigée par un autre instituteur, terminaient la leçon nu
méro 4, et savaient lire et écrire en anglais.
Deuxièmement, à son avis, les élèves ne pouvaient pas
(x) "Viens ici, s'il te plaît", "ouvre la porte",
17 3
réussir aux examens avec un tel enseignement.
Troisièmementf toujours à son avis, il ne fallait pas,
surtout pour les débutants, prononcer les phrases comme un Anglais
le ferait, mais il fallait le faire lentement et en coupant les
phrases par mot. Ainsi faudrait-il dire "wha..^... is... this ?**
pour que lfélève puisse distinguer les mots et les sons qu'il
apprend, au lieu de dire "what's this?"
Nous avons essayé, mais en vain, de lui expliquer notre
but linguistique et notre intention dfaider à surmonter ces dif
ficultés phonétiques.
En effet, il était, pour nous, le parfait exemple de ceux
qui supposent à l'innovation et au changement des techniques et
des matériaux didactiques puisqu'il pensait que c'était grâce à
l'efficacité de la méthode traditionnelle qu'il avait mené à bien
ses études.
b) La langue est une série d'habitudes
Evidemment, la langue est un phénomène inséparable de la
culture de chaque peuple. Son apprentissage se déroule au moment
où l'enfant acquiert la culture et les coutumes de son milieu fa
milial et social. Cependant, il ne peut apparemment l'acquérir
sans un contact et une communication avec les autres, dans des
situations différentes et variables. C'est pourquoi au début, il
aura un délai de réflexion avant de s'exprimer. Mais, avec le
temps, il arrive à reproduire inconsciemment des phrases, peut-
être même un discours. Cela confirme que la langue est bien un phé
nomène culturel, lié à une série d'habitudes linguistiques que les
éducateurs comme BLOOMFIEH), PRIES et LADO ont observées attenti
vement :
" Dfautre part, la langue étant conçue comme un comportement
174
fait d'habitudes et d'automatismes, son apprentissage repo
se sur un modèle skinnerien (stimulus - réponse, renforce
ment)" (102).
L'acquisition d'une langue est donc une formation d'habitudes. Cela signifie que :
1. l'apprentissage d'une langue maternelle implique le développe
ment d'habitudes qui doivent être enracinées.
2. et plus l'habitude devient automatique,plus l'apprenant con
trôle la langue.
De la même façon, Pierre DELATTRE classe les habitudes linguisti
ques en trois catégories enseignées simultanément (selon sa façon
d'appliquer la méthode audio-orale) :
1. Habitudes physiologiques d'articulation et de diction;
2. Habitudes psychologiques d'associations directes (son avec
sa signification);
3. Habitudes grammaticales de la morphologie et de la syntaxe
(103).
Ainsi, d'une part, la méthode audio-orale vise-t-elle à
approfondir les habitudes linguistiques par la répétition orale,
dite "drills" (104) ou "substitution drills". D'autre part, elle
(102) COSTE D."Le renouvellement méthodologique dans l'enseignement du français langue étrangère", in Ali BOUACHA, La pédagogie du français. Paris, Hachette, Coll. F, 1978, p.~Ï5. —
(103) Voir Pierre DELATTRE,"A technique or aurai-oral aporoach,report on a University of Oklahama experiment in teaching Prench" m-.The French Review. Vol. XX, n2 3,janvier 1947, p. 239.
(104) "Le drill : convenons d'appeler drill (du mot anglais qui signifie exercice, au sens militaire) tout apprentissage par répétition jusqu'à l'obtention d'un comportement-habitude, ou mieux encore "réflexe" qui se déclenche sur signal et répond à la situation standard pour laquelle il a été construit"(notre traduction). R. MUCCHIELLI, La méthode active dans la pédagogie des adultes, Paris, éd. Libr. Technique et entreprise moderne, 1972 p.45. "On appelle "drill" tout exercice oral d'entraînement systématique dont le but est d'amener l'élève par paliers gradués à la production et à la pratique intensive de tournures correctes et naturelles (notre traduction). Hélène GANTIER, L'Enseignement d'une langue étrangère, Paris, PUP, Coll. SUP., 1973, P. 52.
175
offre aux élèves, par les simulations (105) des occasions de
perler et de vivre les situations quotidiennes simulées du peuple
parlant cette langue. C'est à cause de ce principe, intégrant
langue et culture, qufon trouve de nombreux linguistes et éduca
teurs insistant sur 1*étude de la civilisation, de la culture,
de lfhistoire etc.. et la familiarisation avec la vie, les coutu
mes etc.. du peuple en question, en prenant en considération
que tout cela devra se dérouler dans la langue étrangère étudiée.
De même, Ph.D. SMITH explique 1'importance d'avoir le
comportement automatique des habiletés linguistiques :
w Many linguints claâm that languqge learning is a beha-
vioural skill and not intellectual discipline. Develo-
ping this skill like any other, then requires the care-
ful cultivation of language habits that are an automa-
tic, almost inconscious, performance of highly compli-
cated physical and mental processes" (106).
c) Enseigner la langue, pas sur la langue
Cette tendance, apportée par les "avocats** de la méthode
mxdio-orale, implique la révolte contre les méthodes tradition
nelles qui prônaient une étude basée sur une explication détaillée
(105) Pr. DEBYSER donne un très bon aperçu de la simulation dans son article ^Simulation et réalité dans l'enseignement des langues vivantesf,f in Ali BOUACHA, La Pédagogie du Français langue étrangère, Paris, Hachette, Coll. P.,1978, pp.81-95.
(106) ''Plusieurs linguistes affirment que l'apprentissage de la langue est une habitude de comportement, et non une discipline intellectuelle. Par conséquent, le développement de cette habitude, comme toutes les autres, exige la maîtrise soigneuse des habitudes langagières qui sone un accomplissement automatique, presque inconscient, de processus mentaux et physiques extrêmement compliqués (notre traduction). An Assessement of three Poreign Language Teaching Stratégies and three Language Laboratori Systems, in :The Prench Reviesr. Vol. XLIII, n§ 2, Nov. 1969, p. 290.
176
de la structure grammaticale. Cette dernière occupait la totalité
du temps consacré à lfétude du langage. Pour cette méthode (dite
révolutionnaire) la grammaire n'est qu'un moyen pour arriver à
un but déterminé ; apprendre une langue afin de l'utiliser d'une
manière compréhensible dans la communication quotidienne. Ainsi
l'accent est-il mis sur l'exercice permanent de la communication
par de courts dialogues ou des conversations simulées. L'étude
de la grammaire structurelle est considérée comme une recherche
avancée qui doit être évitée au début de l'apprentissage.
En effet, l'enseignement de la langue diffère plus du
point de vue des disciplines scolaires car il vise à apprendre
aux élèves comment utiliser telle ou telle langue, et non pas à
leur apprendre des réalités théoriques ou naturelles. Ainsi
Julien HARRIS justifie-t-il ce principe en affirmant Ï
" ... Learning a language is not like learning history or
sociology. An intelligent teacher of history can get by
very nicely without specialized training if he sees to it
that his charges leârn a cerfein number of facts ând théories;
but teaching a language means teaching students to use the
language, not teaching them facts and théories about the
language. Pacts about the language are very helpful for a
person who hopes to get a complété mastery of it#ff.. (107).
(107) L1enseignement d'une langue n'est pas comme celui de l'histoire ou de la sociologie. Un enseignant intelligent d'histoire peut transférer, même s'il n'a pas été entraîné dans sa spécialité, à ses élèves, un certain nombre des réalités et des théories. Mais l'enseignement de la langue signifie: apprendre aux élèves à l'utiliser, et non pas à leur apprendre des réalités et des théories concernant la langue. Celles-ci sont très efficaces pour celui qui souhaite maîtriser complètement la langue, (notre traduction) . "Panel Discussion : Concepts of Language and their Relation to the Teaching of Poreign Languages", in ;The Prench Review. Vol XXVII, n§ 5, April 1954, p. 391.
177
Cependant, on peut distinguer deux catégories de professeurs.
D'une part, ceux qui pensent que lfenseignement de la grammaire et
des connaissances de la langue est un but en lui-même| cela est
dû soit au système scolaire, qui fait que les élèves ont besoin
de oes connaissances pour passer leurs examens, soit au manuel
utilisé.
D'autre part, ceux qui croient à l'importance de 1*ensei
gnement de la langue parlée, sans négliger, bien entendu, la gram
maire et qui insistent pour l'enseigner d'une façon indirecte et
l'utiliser comme un moyen afin d'aboutir aux objectifs linguisti
ques.
M.A.K. HOLLIDAY, Angus IfcINTOSH et Peter STREVENSON, expliquent
les différences entre ces deux tendances s
" Teaching about a language is easy to carry out. The use of a
grammar book turns a "skill" subject into a "content" subject.
Hère the teacher can teach facts instead of skills. But an
hour spent in teaching the facts of grammar, of sounds or of
words, is not an hour of teaching the language.Teaching a lan
guage means joining two essentials: first» the learner must
"expérience" the language in meaningful ways, either in its
spoken or in its written form; and secondly,the learner must
himself hâve the opportun!ty of performing out his own skills,
of making mistakes and being corrected. Thèse are the essen
tials of language learning. And teaching about a language
does not contribute directly of them" (108).
(108) L'enseignement sur la langue est facile à mettre en pratique. L'utilisation du livre de grammaire change le sujet"dfhabitude" ' à un autre de "contenance".A ce moment là,le professeur enseigne des données réelles sur la langue au lieu de développer les habiletés linguistiques. Ainsi, le cours consacré à enseigner des règles de grammaire et à étudier les sons des mots isolés ne peut il être considéré comme un enseignement de langue. Celui-ci comporte deux fonctions essentielles : premièrement, l'élève doit "expérimenter" la langue, soit sous sa forme orale, soit sous sa forme écrite, à travers des contextes particulièrement significatifs; deuxièmement,on doit lui fournir l'occasion de la pratiquer et de mettre à l'épreuve ses propres habitudes linguistiques, de commettre des fautes et ainsi de les corriger. Ceci sont les traits essentiels de l'enseignement de la langue. Donc l'enseignement sur la langue ne contribue pas directement ni à l'un ni à l'autre (notre traduction)- The Linguistic-Sci©faces and Language Teaching» London, Longmans, 1964, P» 258.
178
d) * La langue est ce que le locuteur (natif) dit, pas ce qu*on
pense qufil faut dire w
Cfest évidemment la nécessité de communiquer avec les habi
tants du pays étranger dans leur langue maternelle qui a fait appa
raître ce slogan sur les dialogues simulés et les exercices de com
munication (109)* Cela avait une influence directe sur les program
mes de langues étrangères, élaborés en fonction des expressions et du
vocabulaire en rapport avec les situations quotidiennes dues à la
culture et aux coutumes du peuple étranger* Il nous semble que ce
principe a été tiré de la démarôhe méthodologique de l'ASTP, où
les militaires ont été entraînés, grâce aux modèles, à communiquer
avec les étrangers avec les expressions et énoncés actuellement en
application. Cela signifie qufon doit suivre la vie de ce peuple
avec toutes ses données psycho-sociologiques et culturelles.
e) Les langues sont différentes
La disparition de la notion de système grammatical universel
est due aux analyses des linguistes structuralistes, qui ont mis en
lumière le fait que chaque langue conserve spécifiquement ses carac
téristiques grammaticales. Par conséquent, la reconnaissance de la
diversité des langues a conduit à rechercher des moyens et des ma
tériaux didactiques facilitant la présentation des différences exis
tant entre celle de l'élève et celle qu*il apprend.
" Pour des raisons à la fois linguistiques et psychologiques,
une grande importance est donnée aux comparaisons entre
(109) Christina PAULSTON a analysé le problème des exercices de communication de façon plus détaillée. Elle distingue trois groupes 1 les exercices mécaniques, les exercices significatifs et les exercices de communication** • Wilga M. HIVERS," Joe étudiants veulent la parole* in: Ali BOUACHÀ k%j La Pédagogie du Français langue étrangère, Paris,,Hachette Coll. P.,I978f. P. 127. Voir également Ch. PAULSTON :''structural Pattern Drills : A classification, in:Poreign Language Anuals» vol IV, n9 2, Décembre 1970, pp. 187-193.
179
langue étrangère et langue maternelle; les deux systèmes
ont une organisation structurale différente et des interfé
rences apparaîtront en cours d*apprentissage (ce qui expli
que entre autres causes, pourquoi lfapprentissage dfune
langue étrangère est irréductible à celui de la langue
maternelle). Il faut donc comparer avec soin les deux
systèmes linguistiques pour déterminer les zones dfinter
férence : ensuite, dans la composition dfun cours et dans
les exercices à faire pratiquer par lfélève, on tiendra
compte de ces comparaisons pour prévenir les erreurs pré
judiciables à une bonne acquisition de la langue étrangè
re" (110).
Ainsi la méthode audio-orale ne rejette-t-elle pas totale
ment la traduction. Au contraire, elle préconise son utilisation:
Premièrement, pour économiser le temps et l'énergie à la fois
du professeur et des élèves,
Deuxièmement, pour éviter l1interférence de la langue maternel
le de lfélève quand il essaye de trouver lféquivalence dfun mot
ou d'une expression, en supposant qu'il ne se trompe pas de si
gnification. Cependant, les exercices traditionnels de la traduc
tion sont considérés par les audio-oralistes comme un exercice
dangereux, surtout au début de !•apprentissage. L'activité de la
traduction est un art et une habileté en elle-même; elle demande
des techniques spécifiques et un niveau linguistique avancé.
3. Comment faire acquérir des habiletés linguistiques ?
La démarche méthodologique de la méthode audio-orale a
connu maintes expériences élaborées par des professeurs de langues,
(110) Daniel COSTE, f,Le renouvellement méthodologique dans lfenseignement du français,langue étrangère", in: Ali BOUACHA , La pédagogie du français langue étrangère, Paris, Hachette, Coll. P. 1978, p. 15.
180
préconisant telle ou telle procédure» mais tout en gardant les
mêmes principes fondamentaux (111); lfune consacrera quelques
semaines de plus à lfhabileté auditive; une autre présentera des
structures grammaticales sans les expliquer, pour assurer 1•ha
bitude grammaticale morphologique et syntaxique; une autre
encore» préférera les exercices intensifs répétés par lfélève
individuellement, soit chez lui, soit dans le laboratoire de
langues, ou bien insistera sur la formation de ^habileté de
la lecture» etc..
Evidemment, nous avons cité quelques procédures en abor
dant les principes de cette méthode* Cependant, il nous semble
nécessaire de les expliquer en respectant ses étapes hiérarchi
ques.
- Audition - Dès les premiers cours, 1*accent doit être mis
sur 1fentraînement de l'oreile, à l*aide dfun modèle : le pro
fesseur ou la voie dfune personne étrangère, enregistrée sur
disque ou sur cassettefOn présente aux élèves des expressions,
des phrases courtes, des dialogues simulés, des situations
courantes du pays étranger, comme : les salutations, les
(111) Plusieurs expériences et recherches ont été consacrées à
lfétude de l'efficacité de la méthode audio-orale, soit en la comparant avec une autre, soit en étudiant ses principes ota sa démarche. Pour ceux qui s'intéressent à cette méthode, voici quelques ouvrages et articles abordant des recherches dans ce domaine :
a. Ph.D. SMITH, ffAn Assessement of three Poreign Language Teaching Stratégies and three Language Laboratory Systems*, in; The French Review. Vol. XLHÏ ng 2, Dée* 1969, PP 289-304.
b. Théodore H. MUELLER^Could the New Key be a Wrong Kejs) in: The French Rcview, Vol. XLIV n§ 6, Mars 1971, pp. 1085-1093.
c. Lioyd BISHOP,^Toward an Eclectic Methodology t A three Phase Classeroom HourV in; The French Review, vol.XLV, nS 2, Déc.I97I
d. G. SCHERER and M. WERTHEIMER, A Psycholinguistic experiment in Foreign Language Teachingt New-York, Me Graw-Hill, 1964» 198 p.
18 1
remerciements, etc.. Ceux-ci les écoutent attentivement, à plu
sieurs reprises, pour distinguer les sons.
~ SÉSÉÎÉÎiSïî ~ Quand les élèves réussissent à comprendre le
sens de ce qu'ils entendent, ils répètent, après le professeur, en
choeur, par groupes, et ensuite, individuellement pour fixer ^habi
leté de prononciation d'une façon acceptable. Si un élève fait une
faute, la classe répète en choeur après correction. Dans un labo
ratoire de langues, l'élève travaille individuellement ou sous la
surveillance de son professeur; la répétition orale des articula
tions enregistrées domine alors les activités. Dans ce domaine,
absolument oral, des "phrases patrons" (pattern sentences) ou
phrases modèles, servent à introduire et à pratiquer la langue
parlée. Chaque "pattern" contient une structure productrice; en
d'autres termes, une structure qui, une fois maîtrisée, permettra
d'édicter de nouveaux énoncés par substitution lexicale. è.
Ces "pattern" sont travaillés dans des exercices (drills) conçus
pour mettre en évidence les changements de formes ou d'organisa
tion qui se produisent dans les structures; de tels exercices se
nomment "pattern drill" ou exercices structuraux (structural
drills). Ces phrases modèles sont soit insérées dans des dialo
gues, soit présentées isolément, hors dialogue, en limitant la
quantité de vocabulaire introduit.
Rien n'empêche le professeur d'appliquer des procédures
qui servent à l'approfondissement des habiletés orales. Il peut
demander aux élèves de poser des questions et d'y répondre entre
eux, par exemple.
- Mémorisation - On demande aux débutants de mémoriser quel
ques expressions, dialogues, mimiques par coeur, sans leur présen
ter les symboles écrits ni phonétiques, même s'ils ne comprennent
pas exactement le sens de ce qu'ils récitent. Cette activité vise
à entraîner l'oreille et la langue. Puis, elle se développe avec
182
le niveau des élèves. On propose des modèles de phrases plus
longues que les précédentes, et plusieurs "drills" substitution-
nels, qui permettent de contrôler les réflexes habituels pour
des situations différentes. De même propose~t-on des exercices
à mémoriser, en rapport avec 1•environnement de lfélève, son
âge, son milieu familial, ses intérêts.
- Lecture - Elle commence par la présentation des expressions,
des dialogues imprimés, familiers aux élèves, qufils ont déjà
appris oralement, et accompagnés d'illustrations, de films, de
diapositives, etc.. Le vocabulaire doit être, au début, limité
aux connaissances des élèves, Au cours de l1apprentissage de la
lecture, on l'enrichit en enseignant oralement de nouveaux élé
ments, avant de les affronter aux symboles imprimés.
- Ecriture - Cette activité doit être, au début, imitative,
c'est-à-dire se limiter à une transcription des mots et des phra
ses des dialogues imprimés dans le manuel. Le professeur peut éga
lement demander d'écrire des "phrases patrons" ou différents
"drills" déjà vus oralement dans la salle de cours. Une fois que
l'élève a acquis un certain nombre d'expressions utiles, et plus
de confiance en lui-même, par la manipulation de ces structures
essentielles, on doit l'encourager à s'exprimer d'une façon plus
compréhensible sur certains thèmes, d'aboïd oralement, puis par
écrit, dans de courtes compositions. On doit aussi lui demander
de répondre à des séries de questions en rapport direct soit avec
l'activité orale du cours, soit avec une matière déjà lue et dis
cutée. En résumé, la finalité de l'activité d'écriture vise, sur
tout au début, à préciser des situations structurales et à entraî
ner à formuler des compositions correctes, afin de mieux s'expri
mer par écrit comme oralement.
18 3
4. Evaluation de la méthode audio-orale -
Là méthode audio-orale donne, au début de 1*apprentissage
de bons résultats en ce qui concerne le développement des habile
tés linguistiques» surtout pour la compréhension auditive. Elle
présente également,un grand intérêt pour lfintroduction des maté
riaux didactiques dans le domaine de lfenseignement des langues
(112). Elle a aussi mis en commun des principes linguistiques et
psychologiques pour atteindre les buts éducatifs et linguistiques
de l'enseignement des langues étrangères. De plus, la mise en
rapport constante et précise de la langue et de la culture ou
de la civilisation du peuple et du pays concernés, démontre l'ob
jectif socio-culturel de cette méthode. D'autre part, les élèves
apprenant une langue étrangère en suivant cette méthode, font
preuve d'une motivation plus importante que ceux qui recourent à
d'autres, de type"traditionnel*, car ils sont très satisfaits
d'utiliser la langue dès le commencement de l'apprentissage. Cela
apparaît plus nettement chez les petits enfants que chez les adul
tes.
Wilga M. RIVERS constate que :
" Expérience has shown the method to be very appropriât for
younger children, who love to mimic and act out rôles and
to learn through activity fathar than through explanation
and the learning of facts" (113)
C'est pourquoi les techniques concernant son application*
en particulier les activités de la répétition par groupes et en
(112) Voir~Linguistics and Language Teaching : Report of a working Commitee of the 1962 Northeast Conférence on the Teaching of Foreign Languages^ in?International Review of Applied Linguis-tics. Vol. II, n§ 1f April I9é4t p. 48.
(113) L'expérience démontre que la méthode (audio-orale) est mieux adaptée aux petits enfants qui aiment imiter et jouer des rôles et apprendre par l'activité plus que par l'explication et l'apprentissage des réalités (notre traduction). RIVERS WyM,., Teaching Foreign Language Skills. ChicagofUni.of Chicago P r M 5 th^éd. 1972, p. 48
184
choeur, permettent la participation de tous, dans la salle de cours
ou au laboratoire. De même permettent-elles au professeur de mieux
suivre individuellement chaque élève, de corriger ses fautes de
phonétique et de l1encourager à participer au cours, car elles
lui fournissent une situation qui convient mieux à ses activités
que les méthodes tratitionneUes.
En revanche,il faut émettre certaines réserves concer
nant son application et ses principes fondamentaux. D'abord, quant
à 1*ordre d'acquisition des habiletés linguistiques, conseillé
par les théoriciens de lfaudio-oral : audition, parole, lecture
et écriture, ordre justifié car c'est celui que l'enfant suit
pour sa langue maternelle, mais qui présente toutefois des diffé
rences totales entre la sitaution d'un adulte ou celle d'un gar
çon qui apprend une langue étrangère.
Le premier recourt à l'exploration de son milieu familial, à cause
de ses besoins croissants et de son intérêt pour ce qui est nou
veau, tandis que l'élève, écolier ou lycéen, possède déjà sa lan
gue maternelle avec toutes ses caractéristiques syntaxiques, for
malistes et structuralistes.
Or î " Obviously, to learn a language, particularly after the âge of fourteen or fifteen, is not an easy task" (114).
Cela exige en effet l'acquisition d'une nouvelle façon
deppenser,de réagir et de s'exprimer. C'est pourquoi il va ressen
tir des interférences avec sa langue et des problèmes psycholin
guistiques et sociaux. En résumé, il n'a pas la motivation de l'en
fant, ne se trouve pas dans la même situation et n'a pas les mêmes
(114) L'apprentissage d'une langue, en particulier après l'âge de quatorze ans ou de quinze, n'est pas une tâche facile (notre traduction). GIONET Arthur J.t"current Foreign Language Methods^, in: The French Review, Vol. XLVIII, ni 1,Octobre 1974, p. 17.
la «5
occasions de la pratiquer que lui. Alors, comment lui demander
dfacquérir les habiletés linguistiques en suivant des étapes pa
rallèles et semblables à celle de lfenfant ?
De plus, après notre expérience, nous ne pensons pas qufon
puisse exercer cette méthode avec lfadulte, notamment celui qui
suit les cours du soir* Il sera contrarié d'être traité comme un
enfant et ne trouvera aucun intérêt a répéter oralement et en
groupes des phrases ou des expressions, vu sa mentalité et son
âge, D'autre part, la répétition mécanique lfennuie. Son objectif
est dfacquérir le maximum de connaissances en un minimum de temps
et dfénergie. Cfest pourquoi il rejette cette activité car elle
le fatigue et diminue sa motivation personnelle par la répétition
de mêmes réalités linguistiques plusieurs fois, et pendant un cer
tain temps. De même les activités de mémorisation ou de "drills"
ne l'intéressent-elles pas; cela est dû à sa situation sociale et
à son travail. Autrement dit, il nfa pas assez de temps pour mémo
riser ou accomplir des devoirs supplémentaires. Pour lui, la mémo
risation signifie la récitation par coeur de quelques paradigmes
auxquels il doit consacrer du temps. Le professeur devrait plutôt
profiter de sa présence au cours pour le faire travailler intensi
vement. Dans un laboratoire, où l'adulte semble plus intéressé,
et manifeste un plus grand désir d'apprendre, son rôle est de le
suivre individuellement et de le diriger continuellement. Cela
signifie qu'il préfère le travail individuel en laboratoire à la
méthode audio-orale pratiquée en- cours, notamment parce que ses
camarades ne peuvent pas entendre les fautes qu'il commet.
Lorsque nous étions professeur d*anglais, nous avons appli-
aué la méthode audio-orale dans deux lycées différents. Dans le
premier, les élèves étaient uniquement des garçons d'âge normal
par rapport à leur niveau de scolarité, qui le fréquentaient pen
dant la journée, tandis que dans le deuxième, ils étaient des deux
18'6
sexes, et d'âges différents. Les premiers participaient active
ment, montraient leur satisfaction et leur plaisir à apprendre
la langue étrangère, bien qu'un certain nombre ait manifesté
au début, une certaine timidité, voire du mécontentement. En
revanche, ceux qui fréquentaient les cours du soir, n'en vou
laient pas. Nous avons essayé de les encourager, de les stimu
ler, de leur expliquer les avantages présentés par cette méthode
efficace, pratique et convenant à leur situation socio-scolaire.
Nous en avons convaincu quelques uns, mais ce ne fut pas suffi-
suffisant et$ devant la diminution progressive de leur nombre,
nous avons abandonné.
Une autre réserve émise par les professeurs eux-mêmes
tient à ce que cette démarche mathodologique exige beaucoup de
temps et de travail de la part des professeurs et des élèves,
E.V. GATENBY critique et rejette ce point de vue en affirmant
que : " The oral approach is the quickest way of bringing children
to understand and use a new language. Other methods, if
thoroughly employed, may succeed in the end, but they
take longer" (115)
En effet} il nous semble que ceux qui s1opposent à cette
méthode sont leé partisans et les avocats des méthodes tradition
nelles, qui manquent d'une bonne formation professionnelle leur
permettant de s'adapter à l'innovation et à l'application de tel
le ou telle méthode nouvelle. Par contre, ceux qui sont bien
(115) L'approche orale est la façon la plus rapide d'amener les enfants à comprendre et à utiliser la langue nouvellef D'autres méthodes, en étant parfaitement pratiquées, peuvent avoir des résultats positifs, mais elles exigent beaucoup plus de temps (notre traduction). ^Popular Pallacies in the Teaching of Poreign Languages^ in: Bnglish Language Teaching, Vol. VII, 1952, p. 28;
18 7
formés et ouverts au renouvellement, souffrent» pour leur part,
de "fatigue" et • d'ennui". Elle exige d'eux une préparation sé
rieuse, des données linguistiques, l'élaboration de plusieurs
"drills" substitutionnels, pour chaque structure grammaticale
ou dialoguée, une bonne organisation, et l'application de la
même démarche méthodologique dans chaque salle de cours, s'ils
sont chargés de plusieurs sections de même niveau.
Par suite, l'application de cette méthode repose en grande
partie sur l'effort et la volonté du professeur. Elle exige une
bonne connaissance de l'articulation, de l'accent et des énoncés
de la langue étrangère, puisqu'il est considéré comme un modèle
par ses élèves. Evidemment, on peut atteindre un niveau accepta
ble grâce aux nouveaux matériaux techniques, mais cela demande
du temps et du travail à ce professeur "courageux".
Enfin, les expériences réalisées par des psychologues et
des linguistes montrent qu'il n'y a pas de grandes différences
entre les résultats obtenus par cette méthode et par la "tradi
tionnelle" bien qu'on ne puisse mettre en doute son efficacité
pour ce qui est de la compréhension auditive et de la prononcia
tion au début de l'apprentissage.
18 8
B - Les méthodes audio-visuelles
1• Présentation -
L'expérience de lfArmée Américaine (Army Str^tegy ïraining
Program) a donné naissance, aux Etats-Unis et en Europe, à des ten
dances apparemment nouvelles; le courant qui insiste sur les principes
psychologiques de 1*apprentissage des langues avait été bien accueil
li par un* certain nombre de professeurs. L'appel à un enseignement
oral s1est répandu aux Etats-Unis dans les années 1950 par l'appli
cation de la méthode audio-orale (dont nous venons de parler) qui
est, en fait, le prolongement et la modernisation des techniques de
lfASTP. La France procédait simultanément à la fondation du CREDIP
(Centre de Recherches et d'Etudes pour la Diffusion du Français) à
l'Ecole Normale Supérieure de Saint-Claude (116), où la méthode
audio-visuelle, ou structure-globale, a été audacieuseraent appli
quée (117).
(116) Pour plus de détails sur cette école, voir : a- Jean GUENOT, Clefs pour les langues vivantes, Paris?Seghers
1964, PP. 99-115.
b- Hélène GANTIER, L'enseignement d'une langue étrangère, Paris, PUF, Coll.Sup. 1973, 146 p.
(117) Une expérience dans le domaine de l'enseignement des langues étrangères a été réalisée à Zagreb d'après la méthode audiovisuelle, structure-globale de Saint-Claude. Le succès fut immédiat et apparent : après six mois d'études, les étudiants de langue ont démontré une facilité formidable aux niveaux de la parole et de la compréhension, résultats qui nfavaient pas été obtenus par 1 application des méthodes précédentes,(notre traduction du texte suivant :) "The success was immédiate and apparent : with six months of study, language students showed much facility in speaking and understanding than they with eralier methods".
Voir : PUDOLF Filipovic,"Audio-visuel languages at the Univer-sity of Zagreb t principales and methods^ in international Review of Applied Linguistics, Vol. II, ng 1, 1964, p. 55.
189
D'où vient ce terme d*audio-visuel ?
H, DIEUZEIDE dit que cfest s
" de la pédagogie américaine : les progrès de la reproduc
tion sonore et de la radio-diffusion, puis l'apparition
du cinéma parlant, ont permis dfaccoler vers 1930 le ter
me "audio" aux procédés déjà anciens dfenseignement
"visuel* appuyé sur l'image, et le mot "audio-visuel*
s'est répandu parmi les spécialistes de l'éducation et
de la formation et, de là, dans les milieux universitai
res américains" (118)•
Ainsi l'utilisation pédagogique des moyens audio-vi
suels nous paraît-elle encore plus ancienne que la mise en apâLi-
cation officielle du terme après la deuxième guerre mondiale.
Avant la première guerre mondiale, on trouve divers essais sur
l'utilisation et l'amélioration des techniques.
Cette technique audio-visuelle, proprement dite, fut in
novée par PAROT^qui proposait d'utiliser la lanterne magique; il
fut suivi par Jean Paul MARAT, qui faisait connaître les avanta
ges scientifiques et pédagogiques de la projection lumineuse...
Puis ce fut DEMENY en 1896, qui créa le phonoscope destiné à en
seigner aux sourds-muets; la liaison des mouvements à la parole
réalisa le premier "enseignement audio-visuel" au plein sens du
terme (119). les tentatives d'utilisation se succédèrent jusqu'à
la deuxième guerre mondiale, où les nécessités militaires prési
dèrent à la naissance du :"laboratoire de langues".
Certes ; "Avant la guerre, certains essais pédagogiques avaient
déjà été tentés avec les moyens de l'époque, et des ma
gnétophones avaient été expérimentés, dès 1939" (120).
(118) Henri DIEUZEIDE, les Techniques audio-visuelles dans l'enseignement, Paris,, PUF, I965f PP« 1-2.
(119) Henri DIEUZEIDE, ibid. pp. 11-12.
(120) Maurice CLING, Problèmes de l'enseignement de la prononciation par les laboratoires de langues, Paris, Nathan, 1972, p. 14.
190
Cependant, lfapparition du mot "audio-visuel" dans la
terminologie pédagogique, au sens scientifique, c'est-à-dire
fondé sur des données psycholinguistiques, est à relever dès
l'année cinquante, en même temps que celui de méthode audio-
orale t
" Si, nées sensiblement à la même époque, la méthode audio
orale et la méthode audio-visuelle ont eu à faire face à
des enseignements plus traditionnels ou à se distinguer
l'une et l'autre de la méthode directe, il ne s'ensuit
pas qu'elles se confondent" (121).
A vrai dire, elles présentent les mêmes principes psychologiques
et linguistiques mais chacune comporte ses caractéristiques, no
tamment méthodologiques, qui différencient les deux démarches,
même si elles sont apparemment semblables et parallèles.
En effet, l'exigence, à l'heure actuelle, d'un enseigne
ment des masses ou d'un enseignement collectif est apparue dans
tous les p^ys du monde, La diffusion des programmes par la radio
ou la télévision touche le monde entier. Mais il est très surpre
nant d'entendre appeler la radio, le magnétophone ou la projec
tion fixe t moyens audio-visuels. Il est donc indispensable de
distinguer les techniques auditives, visuelles ou mixtes, pour
que ce terme "audio-visuel" soit parfaitement défini.
L'expresion exacte doit être :
- "techniques auditives" : radio, magnétophone, laboratoires de langues, etc.. et celles qui donnent uniquement le son.
- " techniques visuelles" : cinéma muet, les diapositives,
l'affiche, la photographie, les livres, les journaux, les
périodiques, etc..
(1211 Daniel COSTE, Le renouvellement méthodologique dans l'enseignement du français,langue étrangère*, in : Ali BOUACHA, La Pédagogie du français langue étrangère. Paris, Hachette Col. F. 1978, p. 16.
19-1
- "techniques mixtes, dites audio-visuelles" : cinéma
parlant» la télévision, la présentation sonorisée de
protographies, etc. (122)
Il en existe d'ailleurs plusieurs classification^, se
lon leurs natures, leurs applications, leurs fonctions, etc,
(123)• Cette variété de moyens (aids) audio-visuels n'entraîne-
t-elle pas des divergences méthodologiques ? Autrement dit,
existe-t-il une ou plusieurs méthodes audio-visuelles ?
(122) J.J. MATRAS donne un classement précis des moyens audiovisuels en les divisant en trois catégories : systèmes sono-
• res, systèmes visuels, et systèmes mixtes- L'audio-visuel, Paris, PUF, Coll. QSJ, n§ 1575» 1974» PP. 8-9.
(123) n... There are many ways in wiich aids can be gouped.Accor-ding to the sensés, aids can be named audio(heard)or Visual (seen). According to their nature, they can be considered as flat, three dimens|onal, motoing or still. According to how they are shown, aids may be divided into projected (shown to a group) or non-projected (used by individual students). In terms of the language skills they are used for, aids may grouped Under liste-ning,spëaking, reading, and writing", Voir Salah EL-ARABI, Audio-visual aids for Teaching English Language, London, Longman 1974. pp.1-2. Cf. Distinguons, conformément au spécialiste américain SHRAMM,sur le plan technique, 4 générations de moyens éducatifs :
"- La première génération est antérieure au machinisme. C'est celle du tableau noir, de la carte ou de graphiques qu'on dessine à la main.
- La seconde, apparaît avec la machine à imprimer. C'est celle du manuel scolaire, outil fondamental de la pédagogie encore en usage dans nos établissements scolaires.
- La troisième fait suite à l'invention de la radio-diffusion et de la télévision. C'est celle des moyens audio-visuels.
- Enfin, la quatrième génération est issue de 1'ordinateur : C'est celle de la "machine à enseigner"•
Cité par Jacques FOURNIER, Politique de l'éducation. Paris, le Seuil, 1971, PP. 138-139.
192
" Il n'y a pas UNE méthode audio-visuelle, mais DES méthodes
audio-visuelles, c'est-à-dire des ensembles pédagogiques
comportant des auxiliaires audio-visuels et s»appuyant sur
une certaine conception méthodologique" (124).
Enfin, pour définir cette méthodologie, nous devons abor
der brièvement ses fondements linguistiques et psychologiques.
2. Fondements linguistiques des méthodes audio-visuelles
Evidemment, toutes les méthodes modernes - appelées par
les Américains "The new key" - partent d'une meilleure connaissan
ce de la langue enseignée, due aux apports des sciences linguis
tiques: appliquée et comparative du XXème siècle. Il nous semble
impossible de dire en détail tout ce qu'elles ont apporté à l'en
seignement des langues. Toutefois, nous en aborderont schématique-
ment les points essentiels.
Tout d'abord : la linguistique moderne a amené à une
étude scientifique et descriptive de la langue contemporaine, fon
dée sur la décomposition en unités de base qui s'identifient et
s'opposent par leurs traits distinctifs, sur une quantification
des unités phonétiques, lexicales ou même grammaticales, enfin
sur l'agencement de ces unités entre elles, qui constitue la
structure originale de la langue. Ainsi les unités linguistiques
ne seront-elles jamais enseignées isolément, mais toujours dans
leur agencement structural.
(124) Voir 2-GIRARD D.f Linguistique appliquée et didactique des langues, Paris, Armand Colin, 1972, 164.
- Daniel COSTE et V. FERONCZl/'Méthodologie et moyens audio-visuels**, in REBOULLET A.: Guide pédagogique pour le professeur de français, langue étrangère. Paris, Hachette, Coll. F., 1978, pp. 144-147.
193
là comparaison des langues entre elles sert à mieux dé
gager l'autonomie de chaque système linguistique» peser leurs dif
férences essentielles et aussi leurs ressemblances. Par consé
quent la comparaison entre langue de départ (ou maternelle) et
langue dfarrivée (ou étrangère) justifiera, en partie, le choix
des unités et les progressions adoptées pour les introduire.
l'insistance sur l'aspect oral de toute langue devient
une prédominante. En effet, dans leur développement historique
et génétique, c'est bien l'oral qui est prioritaire. Ainsi le
maniement correct de la langue parlée est-il le premier objec
tif de toute, méthode audio-visuelle. La compréhension et l'ex
pression écrite n'interviennent que lorsque cet objectif est
atteint.
Cela amène à souligner l'importance de la communication, comme
fonction essentielle du langage. A cet égard, le choix du dialo
gue confirme son utilisation privilégiée à des fins de communi
cation.
Enfin, l'idée que son usage est une affaire de comporte
ment, introduit la création d'habitudes linguistiques qui doi
vent précéder, dans la méthodologie audio-visuelle, toute ré
flexion théorique.
3. Fondements psychologiques -
" La psychologie vient au secours de la linguistique pour
décrire deux types de phénomènes : la communication lin
guistique, et les processus d'apprentissage;
a) d'une langue maternelle,
b) d'une langue étrangère" (125)»
(125) GIRARD D.,Linguistique appliquée et didactique des langues Paris, Armand Colin, 1972, pp. 36-37
194
La communication linguistique fonctionne entre deux individus de
vant avoir un code (ou système de signes) et des concepts communs
à exprimer. Quant aux processus d'apprentissage de la langue ma
ternelle, ils se déroulent, dans toutes les civilisations, et
chez tous les êtres humains, en deux temps t langue orale, puis
langue écrite. De même supposent-ils que lfenfant acquière sa
langue maternelle d'une façon plus naturelle et inconsciente quf
intentionnellement. Il apprend à ^écouter et parler, puis à lire
et écrire, cfest-à-dire à percevoir et déchiffrer les messages
oraux et écrits (écouter et lire), puis à encoder et produire à
son tour de tels messages (parler et écrire) (126). Cette démar
che naturelle de lfapprentissage illustre la nécessité de lfadap
tation ou 1 acquisition de quatre habiletés (skills) essentiel
les.
D'ailleurs, l'apprentissage de la langue étrangère se
heurte aux habitudes linguistiques, déjà fortement ancrées, de la
langue maternelle. Cela explique tout le problème des interfé
rences i d'ordre socio-culturel et d'ordre linguistique, soit
orale ou écrite. Autrement dit, l'élève, apprenant une deuxième
langue (langue étrangère), a déjà appris sa langue (dite première
ou celle de départ). Il perfectionne constamment des habitudes
culturelles et linguistiques propres à sa société et à sa cultu
re, ce qui l'empêche naturellement de se familiariser avec de
nouvelles facultés psychophysiologiques et linguistiques qui
lui sont proposées, ou de s'y adapter.
A cet égard, la méthode audio-visuelle
* développe au maximum les facultés de perception, de dis
crimination auditive et de phonation, en prenant comme
(126) GIRABD D.f Linguistique appliquée et didactique des langues. Paris, Armand Colin, 1972, p. 39.
195
point de départ de toutes les acquisitions» le DIALOGUE
en SITUATION"(127).
Elle atteint les objectifs linguistiques que l'on s1est fixés
par un support visuel qui assure la compréhension d1une langue
orale, en tenant compte de la nécessité de vaincre les habitudes
de la langue maternelle.
4. Les démarches des méthodes audio-visuelles -
Elles apportent une indéniable amélioration à l1enseigne
ment des langues étrangères* Elles ont un rôle essentiel à
jouer, notamment, au niveau des élèves débutants. Elles assu
rent, avec l'utilisation des moyens (techniques) audio-visuels,
l'approfondissement des connaissances linguistiques par la con
jonction des répétitions orales et des activités visuelles.
Elles : n exploitent systématiquement les unités de leçons cons
truites en séquences dialoguées pré-enregistrées sur ban
de magnétique et illustrées, séquence par séquence, par
les vues fixes d'un film synchrone, installant au con
traire l'appareillage technique comme principe essentiel
dé la démarche enseignante et donnant au laboratoire de
langues un rôle fonctionnel étroitement associé au tra
vail de la classe : répétition du dialogue acauis, com
pris en classe, mécanisation de son contenu linguistique,
élargissement de celui-ci par des exercices appropriés,
enregistrés sur bande "(128).
(127) GIRARD D.f Linguistique appliquée et didactique des langue Pans, Armand Colin, 1972, p. 41. 7
(128) Charles BOUTON, La linguistique appliquée. Paris.PUP Colle QSJ ?, nS 1755, 1979; pp. 98-99.
19 f.
Que se passe-t-il dans la salle de cours ?
Dans un cours où. est utilisé un matériel nouveau» le pro
fesseur va tout d'abord montrer des photos aux élèves» projeter
des diapositives ou un fils fixe» c'est-à-dire que la voix enregis
trée commente successivement les vues.
" Une série d'images pourra suggérer un échange de répli
ques entre plusieurs personnes» engagées dans une situa
tion de la vie quotidienne" (129)
Cette activité pourra être répétée à plusieurs reprises; les élè
ves n'ont donc qu'une activité réceptives ils regardent les ima
ges, écoutent la voix enregistrée, les commentant simultanément
ou d'une façon non simultanée afin de distinguer les sons et la
juste prononciation des énoncés. Ensuite, chacun répète indivi
duellement ce qu'il entend» énoncé après énoncé; le professeur
n'a qu'à faire fonctionner le magnétophone en avant et en arrière,
et à corriger. Le nombre des répétitions dépend de la faculté de
réponse des élèves. Il faut que chacun répète l'énoncé produit
par l'enregistrement et non celui que prononce son camarade.
Durant la deuxième étape» le professeur montre les images
les unes après les autres, et ils doivent prononcer la phrase ou
l'expression les concernant. Cela, avec le plus grand nombre
d'élèves, et jusqu'à ce qu'une bonne prononciation soit obtenue
et qu'ils aient saisi l'explication des situations simulées.
" L'élève qui ignore la langue doit s'identifier avec le
personnage présent sur l'image et prendre à son compte
ses responsabilités expressives. Il ne doit pas décrire
ce qu'il voit, mais s'interroger sur ce que dit le
(129) Daniel COST et Victor PERENCZI,^Méthodologie et moyens audio-visuels%, \i (n* André REBOULLET : Guide pédagogique pour le professeur de français,langue étrangère, Paris, Hachette, Coll. P.,1971, p. 141.
197
locuteur dont il entend les propos comme si lui-même se
trouvait à sa place11 (130).
Quand les élèves arrivent à reproduire ou à prononcer
le dialogue d'une façon parfaite ou, du moins, acceptable, le
professeur leur demande de jouer oralement le rôle des person
nages, avec l'intention de faire une sélection parmi eux; con
naissant les meilleurs, il pourra ainsi faire participer le
plus grand nombre possible d'entre eux.
Lorsqu'on est convaincu que les méthodes audio-visuel
les sont adaptées et conviennent aux débutants, il faut se deman
der si on peut les utiliser avec ceux d'un niveau plus élevé
ou s'il faut les modifier en fonction des connaissances et de
l'âge des élèves. Bien sûr, elles s'appliquent aux premières
phases de l'apprentissage avec un succès remarquable, surtout
si elles s'adressent à des débutants relativement jeunes, c'est-
à dire des enfants de 4 à 8 ans. Cependant, cela ne supprime ni
leur succès ni leur efficacité avec des étudiants plus avancés,
s'intéressant eux aussi à l'image animée.
" Au fur et à mesure que les connaissances des élèves aug
mentent, l'image devient moins un moyen dfaccès à la com
préhension linguistique qu'un support thématique ou un
stimulus destiné à provoquer des réactions affectives ou
intellectuelles qui créent de nouveaux besoins d'expres
sion linguistique. On peut penser que jusqu'à présent,
dans la pratique, mais aussi au niveau de Ira réflexion
théorique, l'image et le son paraissent souvent moins
intégrés dans les cours avancés que dans les cours pour
débutants" (131)
(130) Daniel COSTE et Victor FERENCZI, in REBOULLET : Guide pédagogique pour le professeur de français«langue étrangère, ibid. pp. 141-142.
(131) Ibid. p. 146.
198
Par conséquent, lfâge et le niveau de lfélève orien
tent le contenu de 1'enseignement et de la méthode employée.
Francis DEBYSER dit que :
" Lfâge des élèves est un élément très important. On n'en
seignera pas de la même manière au jardin dfenfants, à
l'école primaire, au début ou à la fin du secondaire,
ou à des adultes11 (132).
En régumé, ces méthodes varient selon l'âge et le ni
veau des élèves. Cette variation est réalisée grâce à la quali
fication et à la volonté des professeurs et à l'aide des nom
breux moyens audio-visuels que la technique met au service de
la méthodologie, pour la reproduction des sons comme des ima
ges.
5. Réaction contre les moyens audio-visuels -
Ces moyens sont-ils aisément accueillis par tous les
professeurs de langues ?
Il est évident que certains craignent l'apparition de ma
chines et d'instruments nouveaux, et les évitent. Ils ne veulent
par voir le "robot" révolutionnaire les supplanter, et crai
gnent que la suprématie de leur rôle et de leur valeur soit mise
en doute. Par conséquent, ils suspectent le besoin et la valeur
d'un laboratoire de langues. Certes, cette attitude est due à une
incompréhension du rôle des matériaux didactiques et du labora
toire de langueé; mais ce sentiment de méfiance les amène à s'in
terroger sur leur utilité et sur la nécessité d'une formation
nouvelle pour l'application de moyens rares, étrangers, compli
qués et très chers. En bref, ils se demandent pourquoi appliquer
(132) Francis DEBYSER, "Introduction", in André REBOULLET, Guide pédagogique pour le professeur de français, langue étrangèret Paris, Hachette, Coll. F.?I97If P'# 20.
199
àe nouveaux matériels didactiques, alors qu'on est habitué, et
plus ou moins familiarisé, avec des techniques simples, pratiques
et existantes, grâce auxquelles on a obtenu de bons résultats.
D*autres questions se sont posées sur leur validité et leur rôle
dans les salles de cours où lfeffectif atteint 50 à 60 élèves,
ce qui ne permet pas à chacun de participer activement aux
cours.
Evidemment, ces questions, et de nombreuses autres sont
posées dans le monde arabe, comme le dit Salah A. EL-ARABY, par
les professeurs de langues, surtout ceux d'anglais, qui font
tout ce qu'ils peuvent pour éviter l'utilisation de ces nouveaux
matériels didactiques et qui, malgré un effectif très important,
préfèrent emporter chez eux leurs cahiers pour les corriger (133).
Ils réclament l'augmentation de nombre d'heures consacrées à
l'étude des langues étrangères plutôt que de nouveaux moyens.
D'autre part, il existe des professeurs qui partagent,
mais d'une manière différente, l'incompréhension des moyens
audio-visuelx. Ils les croient prévus pour remplacer le tra
vail du professeur (134). Ils pensent que l'installation des
moyens techniques t disques, magnétophones, laboratoires de lan
gues, etc.. leur permettrait de se reposer et de laisser les
élèves travailler, jouer, ou "se débrouiller" avec ces nouveaux
matériaux. C'est en ce sens que Louis S. GAUDIN décrit la réac
tion de certains;
"Some teachers fear that machines are going to be used to
réplace them, some fro.wn upon the spoken approach, some
hâve experimented with poor d!r obsolète équipaient with
(133) Voir EL ARABI S., Audio-visuel Aids For Teaching English., London^Longman, 1974t p. 2.
(134) Voir M1REDITH G.P. / Visual Aids in the Teaching of Englishv* in : Bnglish Language Teaching, Vol.1, I947f p. 61.
200
discouraging resuits, some are apprehensive lest a
colleage say :" Let's put the Cours on tape and relax
in class" » or ,fLetfs play records in class and amuse
the students11 .(135).
Charles BOUTON, de son côté, ajoute qu'ils voient dans
1 apparition de ces moyens un "robot" qui entraverait leurs
initiatives pédagogiques. Leur exploitation, de plus en plus
large poserait en des termes nouveaux le problème de la fonc
tion du professeur dans la classe de langues, l'essentiel de la
progression linguistique étant en fait "programmé" par des lin
guistes pédagogues^à qui reviendrait l'initiative des choix et
des hiérarchies(136).
En fait, les moyens audio-visuels - comme leur nom l'in
dique - ne peuvent pas remplacer l'explication donnée par le
professeur, ni l'effort d'apprentissage de l'élève. La recher
che en démontre la valeur pour susciter l'intérêt de celui-ci
et en renforcer la mémorisation. De même donnent-ils aux ap
prenants l'occasion de vivre une situation qui se déroule réel
lement en dehors de la salle de cours. Ainsi la craie et la
(135) Un certain nombre de professeurs craignent que les machines vont les remplacer, d'autres désapprouvent l'approche de la parole, d'autres ont obtenu des résultats décourageants pour avoir travaillé à l'aide d'un équipement inefficace ou désuet. Enfin d'autres, qui sont anxieux, disent :"Reposons-nous en faisant tourner le ruban", ou bien "Mettons les magnétophones en marche dans la salle de classe pour amuser nos élèves".
"The Language Laborantory" in The French Review. Vol.'XXVf nQ 5» April 1952i p. 285.
(!36) I»a Linguistique appliquée. Paris, PUF, Coll. OSJ ?, ne 1755, 1979, p. 99.
201
parole ne demeurent-ils plus les seuls moyens d*expression
dans un monde compliqué, industrialisé, et en développement
rapide dans l'invention de moyens et dfinstruments qui facili
tent la communication. Cependant, les matériels didactiques
audio-visuels sont prévus pour aider les professeurs à mieux
utiliser leur temps et leur travail.
202
CONCLUSION
Une méthode dfenseignement est le résultat de plusieurs
expériences et essais, achevés ou réalisés, par des éducateurs,
des linguistes, des sociologues, des psychologues et des profes
seurs de langues. Toutes sont menées pour répondre à un ou des
besoins apparus à une époque ou dans des milieux différents :
on n'apprend pas une langue étrangère au XIXème siècle pour
les mêmes raisons qufau XXème siècle. Elles diffèrent selon les
besoins économiques, technologiques, linguistiques et socio-cul
turels. Ainsi constate-t-on que chaque méthode ne représente et
ne résume pas lfeffort personnel d'un seul pédagogue ou éduca
teur particulier.
Au contraire, elle implique une série d'observations
et d'idées, qui se complètent ou s'opposent mutuellement. C'est
ainsi que la méthode active est apparue pour mettre fin aux
principes linguistiques et méthodologiques de celle de la gram
maire-traduction. Cette innovation ne résista pas longtemps à
la volonté de mutation, avec la technologie moderne qui vint ré
volutionner tous les domaines vitaux. Par suite, les inventions
scientifiques et technologiques et les moyens audio-visuels
pénètrent et dominent le champ de l'enseignement des langues,
réservé depuis des siècles aux professeurs et aux manuels.
Cependant, aucune nouveauté ni aucun changement ne
peut supprimer le rôle de celui qui transmet savoir et connais
sance. C'est à lui, à sa personnalité et à sa compétence que
telle ou telle méthode doit son échec ou son succès.
203
Ainsi Herbert SPENCER, dans v'De 1'Education1 f estime-
t-il que :
" Le succès d'une méthode dépend de l'intelligence avec
laquelle elle est appliquée* C'est une "banalité de dire
que les meilleurs outils font de mauvais ouvrages dans
la main d'un mauvais ouvrier. Nous dirons même que de
mauvais maîtres échoueront avec les meilleures méthodes;
c'est lfexcellence même de la méthode qui devient alors
la cause de lfinsuccès; de même que, pour continuer la
comparaison, la perfection de l'outil est, dans une
main inhabile, une source d'imperfection dans les résul
tats" (137).
(137) Belgique, Verviers, I974t p. 87.