Les précarités : face visible de la pauvreté.
Mécanisme ou conséquence ?
Auxerre, 28/9/04
Guy Ardiet, Lyon
Une photo de soleil couchant en Martinique …
comment je m ’y projette ?
A quoi pense une personne en grande pauvreté devant ce
cliché ?
Introduction Introduction
loi du 29 juillet 98 : loi du 29 juillet 98 : DIGNITEDIGNITE
accès effectif de tous aux droits fondamentaux :
emploi, logement, protection de la santé, justice,
éducation, formation et culture, protection de la famille et de
l'enfance
… l'Etat, les collectivités territoriales, les établissements
publics …
poursuivent une politique destinée à connaître, à prévenir et à
supprimer toutes les situations pouvant engendrer des exclusions
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Parler de la pauvreté (à propos de )?
Ou parler de la pauvreté (depuis la pauvreté ) ?
Notion de misère : En fait, travail de « traducteur » : un autre
monde …
Pas un seuil, mais une situation, un vécu.
Et l’argent n’est pas le problème essentiel
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La pauvreté : une limitation de la liberté
VulnérabilitéPerte de la liberté
Manque de respectDouleur sourde
Etre moins que les autresSe sentir humilié
Impuissance Résignation
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Quelques définitions
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Exclusion : Définitions statiques
- rupture du lien social,difficultés d’accès à des droits sociaux élémentaires
- désaffiliation : désappartenance et vulnérabilité sociale (Castel)
- absence de réponses adéquates aux exigences sociales
Exclusion : Définitions dynamiques
- absence d’une ou plusieurs sécurités, notamment de l’emploi, permettant aux personnes et aux familles d’assurer leurs obligations professionnelles, familiales et sociales et de jouir de leurs droits fondamentaux (rapport Wrésinsky, 1987)
- dialectique inclusion-exclusion ; l’ exclusion est vue comme processus ou mode de vie
La personne exclue a changé: elle est, d’apparence, comme vous et moi : normalement habillée (bourses au vêtements), elle marche, vite, pour
aller quelque part (ou ne sort pas : non vue, elle ne demande rien)
Cela est différent pour les malades stabilisés et internés en ville.
Trop demandeuse, elle « profite » ? 5 millions de profiteurs ?
Combien d ’enfants sans travail à 10 ans ?
(vécu social du lien entre travail et revenu … comme si on était fait pour le
travail !)
Elle est vue si on regarde (en Bresse, Yonne placements après guerres ? ...)
Quel outil on se donne pour bien voir ? Des jumelles avec leur
couvercle ?
Est-ce que je remarque cet immeuble délabré, à demi muré,
avec du linge aux fenêtres ?
Un autre élément à considérer :
La misère visible nous agresse: c’est un peu moi, mais surtout pas
moi.
Angoisse de la maladie, de la contagion, de la mort ;
oscillation entre culpabilité, jugement
(impression que la personne pourrait avoir fait d’autres choix)
Conséquences sur la santé physique et sur la
santé mentale.
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Pauvreté et santé physique :
Troubles neurologiques (douleurs), rhumatologiques, endocriniens,
gastro-entérologiques, … prise de toxiques
sur-maladie et surmortalité.
L’espérance de vie est diminuée.
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D ’abord, maladie psy : rare; souvent, regroupement de signes
(dépression, anxiété, …)
Auto jugement : on me dit que je suis nul :
1) ça doit bien être un peu vrai 2) c’est de ma faute : je suis donc
responsable de ma relégation
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Lutte contre la disqualification: faire du bruit, du volume, boire au
besoin, se monter violent, faire peur … ou se faire violence à soi.
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« Mon rêve : un jour, ne pas tomber dans l'eau , mais sur le
quai en contre-bas. Ensuite, on a une bonne fracture, un statut de
handicapé, enfin, on est quelqu’un, on existe ».
Mr X. , ancien ingénieur, 45 ans, a perdu son travail il y 10 ans, après
explosion de sa télé au visage … avec au fil des ans un vécu persécutif
minime, et 3 tentatives de suicide.
Vécu : très difficile à exprimer, même difficile à penser.
Les personnes a-t-elle conscience de sa pauvreté ? Ou c ’est moi qui la vois ainsi ?
Sidération par la pauvreté : on ne pense plus, on ne bouge plus, on se met devant la télé, il n'y a ainsi rien à attendre de demain; on peut presque parler de renfermement psychotique
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Perte de la notion du tempsIsolement
Incapacité d’entreprendrePerte du ressenti des besoins
fondamentaux
« La vie est très difficile, c'est plus comme avant.
Avant je me battais, j'ai plus envie de me battre; ça sert à quoi. Si je n'ai pas un papier à faire, je ne
sors pas de chez moi » Mme B., 49 ans
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Insuffisance des ressources, exclusion d’un mode de vie matériel et culturel dominant, précarité du statut social
Avec une « pauvreté sanitaire » et une « pauvreté culturelle »
(Valtriani)
La santé, le médecin, c’est pour les autres
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L’insécurité :
c’est la source de la souffrance psychique, de la sidération , d’un
« désavantage induit »
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Les troubles psychiques secondaires :
- angoisse, dépression, prise de toxiques
- états dépressifs
- sidération, mise à distance, déni, effondrement
- pas de notion des dangers
- difficultés intellectuelles, blocages cognitifs
- à la fois conscience et déni de la dégradation
- attitudes de prestance « cf l’enfant ou l’adolescent »
- perte totale de confiance, dans les services sociaux et médicaux
(on ne m’a pas aidée …)
- mais en même temps sur investissement d’une ou deux
personnes « déifiées »
« Toute mon enfance, mon père, alcoolique et violent, m’a traitée
d’avorton. Alors, depuis toujours, je ne pense
à rien, dans la vie on doit se débrouiller, moi je n’en vaux pas la peine , je ne veux pas d’aide ;
toute ma vie j’aurai été la grosse, j’aimerais être morte … je me suis
éteinte, je ne sens plus rien »
Mme H. 44 ans
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« La manière dont l’ensemble de la population se représente les exclus et les précaires est déterminante car
le regard jeté sur eux conditionne le regard qu’ils jettent sur eux-mêmes.
Reconnaître et éviter le rejet, éviter le regard disqualifiant, éviter l’évitement et la mise à distance, éviter la croyance
dans l’inéluctabilité de ces situations et l’impossibilité d’une évolution possible constituent souvent l’attitude des
citoyens et figent l’image négative de ceux-ci quand à ces personnes.
Croire que seules certaines personnes et quelques
dispositifs spécialisés doivent être en charge de « ces personnes », ne pas croire que chacun peut être
auteur de changement et d’évolution possible par son seul regard et sa seule action bloquent ces
situations, sidèrent le changement. Inscrire dans une dimension citoyenne et une approche humaniste ce changement des représentations et des attitudes est indispensable. A l’inverse, admettre le tragique
des réalités n’est pas fataliste, bien au contraire cela engage à l’action »
(Rapport Parquet, sept 2003)
Quelles pistes pour un changement de la situation :
- des pistes locales- régionales- citoyennes- mondiales
Mais avant, un essai d’explication …
Comment on peut, dans un pays occidental,
comprendre ?
Le conseil économique et social
- Rapport 2004 : Accès au logement, droits et réalités :
saisonniers, gens du voyage, demandeurs d ’asile, familles
nombreuses, personnes âgées et handicapées, jeunes adultes,
étudiants, personnes d ’origine étrangère.
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Pour le logement, « en 10 ans, le taux d ’effort des ménages est
passé de 20 % à 22,5 %, … ce qui
s ’oppose à la garantie du droit à la vie décente »
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Logements locatifs (en milliers, hors prêts bancaires conventionnels)
0
50
100
150
200
250
300
Mondialisation
- partage des cultures entre hommes
- protection des minorités par l’information ?
- mais modifie la circulation des capitaux
- l’humain parfois devient second(concurrence->délocalisation ->déqualification->exclusion)
L’exclu serait le « prix à payer » (cf René Girard) … mais pour
acheter qui ?
Progression de la Bourse de Paris :
1996 : + 23,7 %1997 : + 29,5 %1998 : + 31,5 %
Progression du chômage
2001 : + 16,2 %2002 : + 16,6 %2003 : + 15,5 %
A qui va la répartition de l’augmentation de notre PIB ?
Comment se passent les échanges entre pays riches et
pauvres ?
Une accélération croissante:
- commerciale : toujours mieux, pour être « au niveau »
- en matière de santé, les hôpitaux doivent faire mieux et surtout plus vite (sous entendu,
moins cher)
- la communication doit être immédiate
- les modalités de vie sont emballées : on choisit vite, et pour
soi d’abord
On doit être un « battant », dès la maternelle. Il y a les gagnants, et les autres. Et l’écart existe dès le
début de l’école.
Si on n’a pas les mêmes habits que les autre, on se sent nul, et objet de moqueries souvent …
Une rencontre de « partenaires » : couple pervers vendeur acheteur :
Rencontre entre celui qui veut vendre « à tout prix » et celui qui veut acheter pour compenser :
une salade toute lavée (alors qu’il me semble que la personne sans
travail a le temps de laver une salade moins cher …),
un magnétoscope à crédit, à la place des dépenses de santé
(>500 000 dossiers de surendettement en France)
Si les parents s’en sortent parfois, par des économies drastiques, les jeunes traînent. Il n’auront jamais de boulot … ni une belle voiture, à
moins de la voler, de la brûler (notion de défi, de vengeance, …)
ou simplement de voler un autoradio. Avec quelques joints
pour être bien.
On peut craindre que se prépare ainsi une société à double vitesse.
Les prises en charge- du sujet malade
- d’une société malade
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Travail sur les causes :
- traumatismes dans l’enfance, - non-réussite scolaire,
- non qualification professionnelle,- absence ou débordement des
compétences - difficultés spécifiques en milieu
rural- troubles mentaux
- pathologie des personnes âgées
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Comment donner à qui ne demande surtout plus rien ? Donner ? Partager ?
Donner et recevoir ? Si on ne reçoit rien d'un habitant en
difficulté, c'est fichu : on est en relation d'assistance, et, sauf urgence extrême, cela enfonce. Surtout, par pitié, je dois me demander, avant d'aider, si je vais recevoir en retour. Et je dois signifier à
l'autre que la rencontre m'apporte.
« le Secours catholique, ils sont sympas, une amitié se crée, … mais je
leur explique que c’est eux qui ont besoin de moi, sinon ils ne viendraient
pas » (Jean Paul, cité par S. Rullac)
Les pistes de prise en charge du sujet
- rechercher avec la personne ce qu’elle a su faire
- l’aider à retrouver ses droits de citoyen
- « aller vers »- accepter l’injure et l’échec
- mettre en place 2 interlocuteurs (épuisement, relais)
-restauration des liens sociaux- retrouver (ou poursuivre) les
liens familiaux- construire un projet de vie
- relation d’aide « à vie » ? (10-15 ans)
Le pari est d'aller chez l'autre, dans sa mentalisation
Qui en plus ne sait pas vraiment ce dont il a encore besoin.
Notion de sadisme de l ’aidant : en quoi l ’aide que j ’apporte
1) fait souffrir l ’autre2) écrase l ’autre
En tout cas, savoir s’asseoir et écouter la souffrance, si et quand
elle peut être dite.
Avec les personnes en situation de pauvreté, et partout où je travaille:
- voir l’adéquation des moyens de santé aux besoins
(aller sur site, à domicile si c ’est bien pour la santé;
« téléphone ouvert » comme dit Mr Tery,
consult. sans RV)
- tenir compte et améliorer les conditions de vie
- octroi des sécurités de base.
Causes collectives :
- carences d’hébergement - absence de ressources,
- malmenage économique, - cruauté de la vie en société
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Actuellement : nécessité d’action conjointe du droit commun (CMU) et d’actions ciblées (SAMU social)
Quelles solutions d’urgence ? Les grands exclus préfèrent-ils un
dortoir ? Des chambres individuelles ?
Un studio ? Que fait-on pour une famille ? Là où j ’habite ?
Demander à son député, à son adjoint au maire, à ceux que l ’on
connaît, ce que l ’institution politique (en particulier la ville) a
prévu. http://crpplyon.ifrance.com Auxerre, 28/9/04
Projet de loi prévention de la délinquance Début 2004
Articles 15 à 19- Simplification de la législation sur 1es fourrières. [à coordonner avec le
PL responsabilités'local~J[....]
TITRE III
Du RENFORCEMENT DE LA CONTINUITE DE L'ACTION SOCIALE ET ÉDUCATIVE
Article 19- Participation de l'Education nationale à la prévention de la délinquance
« Sera rendue de même obligatoire la transmission par I'inspecteur d'académie au maire d’une information
régulière sur les élèves dont le manque d'assiduité dans les devoirs relève d'un problème social … »
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Les Droits de l’homme sont plus importants que la
répression …
si on pense que la misère est une violation des droits
fondamentaux.
Donc la politique doit aider, avant de réprimer.
La prise en charge d’une société malade
1) dans nos régions- impliquer les populations
- ateliers santé-ville- travail des DDASS, DRASS, ARH : évaluation des pratiques, travaux
des observatoires, - croisement des professions:
comme aujourd’hui. 2) dans notre vie citoyenne:
notion de discrimination positive ?
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Les préconisations en cours
- un réseau santé mentale-précarité
- des lits à orientation psychosociale
- participation des Maisons relais à la réponse à la souffrance
psychique- travaux de recherche dans cette
population- activités de soutien et de
formationrenforcer la prise en charge des
conduites addictives pour les populations exclues ou précaires
Implications des mairies, services sociaux, services sanitaires,
éducation, police municipale, … aux services et toujours en
pensant à inviter les personnes concernées : Quelle association les représente le plus, là où je
vis ? Car il est parfois trop tôt pour intégrer directement les
personnes, à qui on a rien demandé depuis longtemps.
Le coordonnateur doit être choisi, lui aussi, au plus près de la
population concernée
Se mettre à l'épreuve des faits, en excluant comme réalisation les
réunions, les commissions d'experts, les enquêtes et les
plaquettes ressources. il en faut, mais ce n'est qu'un moyen , pas
l'objectif.
UNE question : ce travail, à combien de personnes précaires
(fragiles), ou exclues, va-t-il servir maintenant ?
« La propagation généralisée de la misère est un scandale.
La machine à créer des biens est la même qui fabrique la
misère.
Une transformation radicale de nos mode de vie est la condition de toute lutte
sérieuse contre les novelles formes de production de la misère » (Majid Rahnema)
Si on est venu là, et pas à une journée sur autre chose, c'est que
le sujet nous questionne.
Nous sommes ceux par qui le changement doit passer, ceux qui doivent, toute leur vie, apprendre
à changer de vision, jour après jour.
Pour ceux qui n ’osent plus avoir de voix …,
nous devons rester des portes paroles, tant qu ’on a de la voix.
Bibliographie : - Debionne F.P., La santé passe par la dignité. Ed Quart Monde, Paris, 2000- René Girard, La violence et le sacré, Ed Grasset, Paris, 1972- Joubert M. et coll. Santé mentale, ville et violences. Ed Erès, Paris, 2003- Rahnema Majid, Quand la misère chasse la pauvreté, Ed Fayard, Paris, 2003- Rullac Stéphane, L’urgence de la misère, SDF et SAMU social, Ed Les quatre chemins, Paris, 2004- Revue Rhizome, ONSP-ORSPERE, téléchargement: http://www.ch-le-vinatier.com/orspere
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