Aspects physiopathologiques et cliniques du vieillissement
osseux
Philippe ORCELService de Rhumatologie
Centre Viggo PetersenHôpital Lariboisière, Université Paris 7.
Plan général
Physiologie :fonctions physiologique et structurematricecellulesremodelage physiologique et facteurs de contrôle
Vieillissement, aspects pathogéniques :mécanismes tissulaires et cellulairesmécanismes moléculairesaltérations de l’architecture trabéculaire et corticale
Vieillissement, aspects cliniques :fractures, densitométrie, marqueurs biochimiquesévaluation du risque et aspects pharmacologiques
Fonctions physiologiques de l’os
Mécanique
Protection
Métabolique
soutien de l’organismelocomotion
organes vitaux,mœlle (sang)
réservoir d’ions Ca et PO4
Structure macroscopique & microscopique
Organisation macroscopique, os cortical - os trabéculaire :
mêmes éléments constitutifs (cellules, matrice, minéral)différences de structure et de fonction
Structure microscopique :os cortical compact : VO = 80-90%os trabéculaire → réseau anastomotique
volume trabéculaire = 15-25%surface trabéculaire > 80% de l’interface os-moelle
Fonction : mécanique vs métabolique
Constitution de la matrice osseuse
Collagène :type 190% de la matrice protéique
Protéines non collagéniques :nombreuses protéines10-15% de la matrice mais fonction très importante
Minéral :cristaux de structure mal définie (‘hydroxyapatite’)processus de minéralisation complexe.
Protéines non collagéniques osseusesProtéines γ-carboxylées
Protéines d’adhésion
Protéoglycanes
Facteurs de croissance
Protéines plasmatiques adsorbées
ostéocalcineprotéines Gla matricielles
ostéonectinefibronectinethrombospondinesialoprotéines (BSP I et II)
TGF-βIGF-II (et I)BMP FGF PDGFα2HS glycoprotéinealbumine,immunoglobulines
Os et cellules osseuses
Ostéoclaste
Ostéoblastes
Ostéocytes
Cellules osseuses
Ostéoblastes :cellule ostéoformatrice, origine mésenchymateuseunités ostéoblastiques
Ostéocytes :englobés dans la matrice, dérivées des ostéoblastessignaux matriciels et communication
Ostéoclastes :cellule de la résorption, origine hématopoiétique4 phases: attachement, acidification, protéolyse, inactivation (apoptose)
Différenciation ostéoblastiquePluripotent mesenchymal cell
Osteoprogenitor
Preosteoblasts
Osteocytes
Adipocyte
OsteoblastsIGF-1TGF-β
Cbfa1, Osx
PPARγ2
?
?
Sox
Chondroprogenitor
Morphologie de l'ostéoclaste
Différenciation ostéoclastique
mature OCOC precursor
RANK
RANKL
OsteoblastStromal cell
RANKL
mature OC
OPG
OPG
stimulators17β-E2
1,25(OH)2D3IL-1, TNF, TGF-β
IL11
inhibitorscorticosteroids
PTH, PTHrP, PGE2
mature OC
stimulators 1,25 (OH)2D3PTH, PTHrPIL1-α , PGE2IL1-β, TNF-α
IL11, IL17corticosteroids
inhibitorsTGF-β
OC precursor
RANK
OsteoblastStromal cell
RANKL
RANKLRANKL
M-CSF
Martin et Ng, BoneKEy-Osteovision 2007 Nov;4(11):287-98.
Séquence de remodelage trabéculaire
QUIESCENCE
Cellules bordantes
RESORPTION
Ostéoclastes ACTIVATION
Pré ostéoclastes
INVERSION
Cellules stromales
FORMATION
Ostéoblastes
Remodelage osseux trabéculaire
Remodelage osseux cortical
Facteurs modulant l’ostéoformation
Facteurs de transcription de la différenciation Ob : Cbfa-1, Osx…
Facteurs de croissance des Ob : IGF-1, TGF-β, BMPs…
Agents hormonaux : PTH, estrogènes, leptine…
Agents pharmacologiques : strontium…
Récepteurs membranaires : LRP-5
Canalis et al, N Engl J Med 2007;357:905-16
Système LRP5 et ses cofacteurs & régulation de la formation
Facteurs modulant la résorption osseuse
Cytokines et facteurs de croissance :cytokines monocytaires activatrices des Oc (IL-1, IL-6, IL-11, TNF-α…)facteurs de croissance impliqués dans la différenciation des Oc (M-CSF…)facteurs inhibant l’activité de résorption et stimulant l’apoptose Oc (TGF-β…)
Ostéoprotégérine et RANK-ligand
Hormones : calcitonine, estrogènes…
Agents pharmacologiques : bisphosphonates, SERMs, Ac anti RANKL…
OstéoblasteCellule stromale
RANKLRANKL
mature OC pré OC
RANK
mature OC
Anti RANKL Abdenosumab
Vieillissement osseux
Altérations quantitatives :négativation de la balance osseuse (profondeur lacunes - épaisseur paquets) ↓ formation osseuse et ↑ résorption osseuse
Anomalies qualitatives et architecturales
Conséquences : ↓ masse osseuse et ↓ compétence
biomécanique → fragilisation osseuse (risque de fracture)
Mécanismes tissulaires et cellulaires
remodelage osseux physiologique
vieillissement osseux “physiologique” : diminution de la formation et amincissement progressif des travées
accélération post-ménopausique de la perte osseuse : excès de résorption par augmentation du nombre de sites de résorption activés et perforation de travées amincies
ostéoclastes ostéoblastes
↑ RÉSORPTIONHypogonadismeHyperparathyroïdieImmobilisationInflammation…
↓ FORMATIONVieillissement OBs
CorticoïdesDénutrition protidique
AmyotrophieTabac…
MÉNOPAUSE VIEILLISSEMENT
carenceœstrogènes
Vieillissement cellulaire
↑ PTH
•carence calcique et vitaminique D
•altération fonction rénale avec l’âge
RÉSORPTION FORMATION
PERTE OSSEUSE
Grands mécanismes pathogéniques
Carence œstrogénique : conséquences osseuses
Conséquences tissulaires, cellulaires, moléculaires
Globalement : hyper remodelage osseuxbalance négative à chaque unité perte osseuseamincissement des travées et des corticales perturbations micro architecturales.
Carence œstrogénique : conséquences cellulaires
Ostéoclastes :↑ natalité ↑ activité↓ apoptose
Ostéoblastes/ostéocytes :↑ apoptose↓ activité OBs matures Weitzmann et Pacifici,
JCI, Mai 2006
Carence œstrogénique : conséquences tissulaires
↑ fréquence d’activation des unités multicellulaires osseuses → ↑ remodelage osseux (augmentation de l’espace de remodelage)
↑ résorption ostéoclastique :↑ volume érodé (↑ surface érodée liée au nombre d’OCs & ↑ profondeur des lacunes liée à l’activité de chaque OC) sur toutes les enveloppes osseuses↑ résorption trabéculaire → ↑ écartement des travées↑ résorption endostéale et endocorticale → amincissement et ↑ porosité des corticales
Carence œstrogénique et résorption osseuse
n
Trabecular surfaceEndocortical surfaceIntracortical surfaceCombined total surface
+ 48%+106%+68%+57%
< 0.05< 0.05< 0.05< 0.02
Pre
24
0.460.340.410.44
Post
27
0.700.680.690.69
Menopausal status
% change p
Parfitt et al
Mosekilde, Bone Miner 1990, 10: 13-35
Vieillissement : conséquences osseuses
Conséquences tissulaires, cellulaires, moléculaires
Globalement : amincissement des travéesaggravation des conséquences de l’hyperremodelage
Vieillissement : anomalies tissulaires
Dans l’os trabéculaire : ↓ épaisseur du mur ostéonique↓ épaisseur des travées amincissement des travéesfavorise les perforations et transforme les plaques en piliers
participation à la détérioration de la micro architecture trabéculaire
Dans l’os cortical :↑ résorption et remodelage endocorticaux et endostéaux en relation avec l’hyperparathyroïdie secondaire chez les sujets âgés → amincissement et fragilisation des corticales.
Pilier Plaque
Pilier Plaque
Ostéon trabéculaire et mesure de l’épaisseur du mur ostéonique (MWTh)
Diminution de l’épaisseur du mur ostéonique avec l’âge Lips et al, Calcif Tissue Int 1978
↓ natalité et prolifération des ostéoblastes↑ adipogenèse et ↓ myélopoièse↓ ostéoclastogenèse↑ apoptose des ostéocytes
Vieillissement : anomalies cellulaires
Ammann et al (Osteoporosis Int 1996) : perfusion d’IGF-1 pendant 6 sem chez la rate OVX ⇒
↑ DMO trabéculaire et corticale↑ résistance mécanique
Schurch et al (Ann Intern Med 1998) : relation déficit alimentaire protidique/ taux IGF-1correction du déficit protidique chez sujets âgés + Fx col récente ⇒ ↑ taux IGF-1 et ↑ DMO col à 1 an.
Perte osseuse et IGF-1
Schurch et al, Ann Intern Med 1998
Schurch et al, Ann Intern Med 1998
Périoste, épaisseur corticale et perte osseuse
Évaluation de la masse osseuse et de la structure osseuse au radius distal chez 108 femmes suivies 19 ans à partir de la ménopauseConstatations :
↓ DMO, mais↑ surfaces endostée et périostée↓ index de résistance, MOINDRE QUE NE LE VOUDRAIT LA ↓ DE DMO
Ahlborg et al, NEJM, juil 2003
Cross-sectional Moment of Inertiamoment d’inertie transversal
CSMI = π/4 (r4externe - r4
interne)
Area (cm2) 2.77 2.77 2.77CSMI (cm4) 0.61 1.06 1.54Bending Strength 100% 149% 193%
Seeman, editorial, NEJM, juil 2003
Différents modèles animaux :rat ou souris sénescentmanipulations génétiques : délétion ou surexpression géniqueovariectomie chez la rate, chien, singe, brebis
Limites :aucun modèle parfaitaucun animal ne présente de réelle ménopause
Renseignements physiopathologiques et pharmacologiques.
Modèles animaux du vieillissement osseux
Méthodes d’étude expérimentale des modèles animaux
HistomorphométrieDensitométrie, micro scannerÉtudes biomécaniques osseusesCultures cellulaires ex vivo :
cultures primaires Obcultures de moelle ou d’Oc isolés
Études de biologie moléculaire :autoradiographieshybridation in situextractions d’ARN → Northern, RT-PCR …
Aspects cliniques du vieillissement osseux
Évolution de la masse osseuse avec l'âge→ quantification de la perte osseuse (globale / annuelle)
Méthodes d’évaluation :histomorphométriedensitométriemarqueurs biochimiques du remodelage
Application à l'étude des médicaments :anti-ostéoclastiques (bisphosphonates , SERMs, calcitonine, anti-RANKL…)anaboliques ([fluor], PTH…)« découplants » (ranélate de strontium).
Évolution de la masse osseuse avec l’âge
Densitométrie osseuse
Absorptiométrie biphotonique aux rayons Xtechnique de référencemesure au rachis lombaire + hanche
Mesure quantitative de la « densité osseuse » : dosage du minéral osseuxPrécision et reproductibilité satisfaisantes (à condition d’un contrôle qualité rigoureux et d’une formation)Très faible irradiationBonne corrélation au risque de fracture.Utilisée en recherche clinique et dans les modèles expérimentaux.
Tableau récapitulatif des indications de l’ostéodensitométrie en pratique clinique
Antécédent de fracture par fragilité osseusePathologie ostéopéniante (endocrinopathies) ou traitement ostéopéniant (corticoïdes, estrogéno- ou androgénoprivation)Chez la femme ménopausée en présence de facteurs de risque :
antécédent de fracture du col chez parent au 1er degréindice de masse corporelle < 19 kg/m2
ménopause avant 40 ans quelque soit la causeantécédent de corticothérapie prolongée
Arrêt d’un traitement anti-ostéoporotiqueSuivi d’une ostéoporose non traitée.
Fractures ostéoporotiques
Fx non vert
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9
Antécédent de fracture vertébrale
Fx col fém
Toutes Fx
Rapport d’incidence standardisé
Risque de
van Staa et al, Osteoporosis Int 2002;13:624-629
Les fractures passées sont un facteur de risque majeur de fracture future
0 1 2 3 4
Antécedent de Fx non vertébrale
Rapport d’incidence standardisé
Fx vert
Fx col fém
Toutes Fx
Risque de
Mesure de DMO lombaire
“T score” et “Z score”
8020 40 60
moyenne
- 2,5 DS
- 1 DS
+ 1 DS
Z score = - 1
T score = - 2,6
Définition de l’ostéoporose
1994 : définition densitométrique (OMS) →distinction entre "ostéopénie", "ostéoporose" et "ostéoporose confirmée" :
état normalostéopénieostéoporoseostéoporose confirmée
T score > -1-1 > T score > - 2,5
T score < - 2,5T score < - 2,5 + fracture(s)
Fractures
fémorales
vertébrales
radiales
Femmes
17,5 (16,8 - 18,2)
15,6 (14,8 - 16,3)
16,0 (15,2 - 16,7)
39,7 (38,7 - 40,6)
Hommes
6,0 (5,6 - 6,5)
5,0 (4,6 - 5,4)
2,5 (2,2 - 3,1)
13,1 (12,4 - 13,7)
Risque de fracture au cours de la vie à partir de 50 ans % de survie (IC95%) avec fracture (Melton et coll, 1992).
Risque de fracture ostéoporotique
Site de mesure
Lombaire
Fémoral prox
Radial prox
Radial dist
Fracture
Avant bras
1,5 (1,3 -1,8)
1,4 (1,4 - 1,6)
1,8 (1,5 - 2,1)
1,7 (1,4 - 2,0)
Hanche
1,6 (1,2 - 2,2)
2,6 (2,0 - 3,5)
2,1 (1,6 - 2,7)
1,8 (1,4 - 2,2)
Rachis
2,3 (1,9 - 2,8)
1,8 (1,1 - 2,7)
2,2 (1,7 - 2,6)
1,7 (1,4 - 2,1)
Toutes
1,5 (1,4 - 1,7)
1,6 (1,4 - 1,8)
1,5 (1,3 - 1,6)
1,4 (1,3 - 1,6)
Risque Relatif (IC 95%) pour - 1 DS de DMO Méta-analyse, Marshall et coll. 1996
DMO et risque de fracture
Marqueurs biochimiques du remodelage osseux
Formation osseuse :
phosphatases alcalcines totalesphosphatase alcaline osseuseostéocalcinepeptides d'extension du collagène de type I : PICP, PINPautres protéines non collagéniques
Résorption osseuse :
hydroxyprolinuriephosphatase acide résistante au tartratepyridinolinurie et deoxypyridinolinurie libreN- et C-télopeptides
Carence œstrogénique et augmentation du remodelage osseux (Stepan et al) → cinétique des marqueurs
Corrélation négative DMO/remodelage de plus en plus forte avec ↑ âge (Garnero et al)
Stepan et al, Bone 1987
Marqueurs biochimiques et physiopathologie de l’ostéoporose post-ménopausique
Évaluation clinique du risque de fracture
Âge Antécédents de fracture post-méno (pré-méno)Mesure de DMOFacteurs cliniques de risque :
poids (BMI) antécédents familiauxcorticothérapiecarences (estrogènes, Ca, vit D, activité)facteurs de risque de chute (sujets âgés)
Marqueurs biochimiques ?
T-score (SD)-3-2-101
0
10
20
50
60
70
80
Age (yrs)
Kanis et al, 2002
L’âge et la DMO sont des facteurs de risque indépendants des fractures du col fémoral
~2%
~12%
Ce que l’on ne sait pas (mal) faire…
Évaluer la microarchitecture osseuse :définition de l’ostéoporoseméthodes invasives : histomorphométrieméthodes non invasives : recherche… (ultrasons, TDM, IRM)
Évaluer la qualité de la matrice osseuse :matrice protéique : marqueurs (isomères CTX)minéralisation
Évaluer la résistance mécaniqueimportant dans le développement précliniquepas de méthode d’évaluation cliniqueimportance de la géométrie des pièces osseuses
Anti-ostéoclastiquesestradiol, SERMs, bisphosphonates, calcium/D
Anaboliques osseux(fluor) teriparatide
Les médicaments en fonction de leur mécanisme d’action
Découplants « positifs »ranélate de strontium
État des lieux des traitements actuels : niveau de preuve d’efficacité
Efficacité fractures
vertébrales
Efficacité fractures
périphériques
Efficacité fractures de
hanchecalcium + vitamine D ND(-?) +/- +THS + + +raloxifene + - -alendronate, risédronate
+ + +
ibandronate + - -acide zolédronique
+ + +
tériparatide + + -PTH 1-84 + - -ranélate de strontium
+ + +