UNIVERSITÉ DE SHERBROOKE
Faculté d’éducation
Une analyse du travail en éducation sous l’angle des normes : le cas de l’activité des éducatrices
en service de garde en milieu scolaire
par
Annie Chalifoux
Thèse présentée à la Faculté d’éducation
en vue de l’obtention du grade de
Doctorat en éducation
Août 2021
© Annie Chalifoux, 2021
UNIVERSITÉ DE SHERBROOKE
Faculté d’éducation
Une analyse de l’activité en éducation sous l’angle des normes : le cas de l’activité des
éducatrices en service de garde en milieu scolaire
par
Annie Chalifoux
a été évaluée par un jury composé des personnes suivantes :
Julie Myre-Bisaillon Directrice de la recherche Université de Sherbrooke Simon Collin Codirecteur de la recherche Université du Québec à Montréal Frédéric Saussez Membre du jury Université de Sherbrooke Marco Allenbach Membre du jury Haute École Pédagogique du canton de Vaud Annie Charron Membre externe du jury Université du Québec à Montréal
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Thèse acceptée le 23 août 2021
SOMMAIRE
Cette thèse porte sur l’analyse de l’activité dans le travail des éducatrices en service de
garde en milieu scolaire (SGMS). Son objectif général vise à mieux comprendre les rapports
complexes qui prennent forme, entre travail prescrit et travail réel, dans l’activité des éducatrices
auprès des enfants en SGMS. À travers la problématique, il est constaté que le travail des
éducatrices est particulier dans la mesure où il est relativement récent, la formation est limitée par
rapport aux autres éducatrices qui travaillent dans les centres de la petite enfance par exemple et
les orientations ministérielles sont peu détaillées, ce qui implique un flou dans les compétences à
développer. De plus, sur le plan de la recherche, ce qui se passe dans le travail des éducatrices, en
fonction des besoins des enfants, du contexte scolaire, des responsabilités qu’elles ont et de la
façon dont elles s’en acquittent, n’est pas étudié. Compte tenu de la manière dont les éléments sont
posés dans la problématique, le concept le plus approprié pour étudier l’activité dans le travail des
éducatrices s’est avéré être le concept de norme.
La norme est définie dans le cadre conceptuel selon les trois caractéristiques suivantes,
identifiées par Prairat (2016). La norme est contraignante, c’est-à-dire qu’elle réfère à une
obligation d’agir ou du moins à une recommandation. Elle est opératoire, dans la mesure où elle
porte les modes de l’action, elle fixe les usages. Elle est également collective, car elle est partagée
entre des personnes, elle coordonne en quelque sorte le vivre ensemble. Dans cette étude de
l’activité dans le travail, le concept de norme est mobilisé selon deux perspectives. D’abord
philosophique, des normes professionnelles ont été définies en fonction des devoirs rattachés à
l’activité professionnelle et l’objet de service, la garde éducative des élèves. Ensuite, sociologique,
v
l’analyse de l’activité des éducatrices s’est appuyée sur le concept d’acteurs porteurs d’univers
normatifs pluriels qui orientent l’action. Cette perspective est issue des travaux de Bernard Lahire
(2005). Ainsi, les normes, celles ancrées dans les univers normatifs portés par les acteurs et les
normes professionnelles, ont servi à élaborer le cadre d’analyse de l’activité dans le travail des
éducatrices. Pour rendre compte de la dynamique entre les normes dans l’activité, les travaux de
Schwartz (2016) ont été mobilisés autour de la renégociation et de la hiérarchisation des normes
dans la redéfinition de l’activité par les acteurs dans le travail. Les concepts mis en relation dans
ce cadre ont mené à la formulation des trois objectifs spécifiques suivants : identifier les
récurrences dans l’activité dans le travail des éducatrices ; définir autour de quelles normes
professionnelles se déploie l’activité dans le travail des éducatrices ; décrire ce qui participe à la
négociation des normes et à la hiérarchisation de celles-ci dans l’activité des éducatrices.
Cette recherche a une visée descriptive car elle veut rendre explicite, par l’analyse, le
passage entre les données de terrain et l’objet de recherche, la norme. La démarche
méthodologique est basée sur l’étude de cas, le cas étant l’activité des éducatrices en SGMS. Elle
s’est développée à partir de l’observation de l’activité et du sens donné par les acteurs à leur
activité. Plus précisément, le déroulement de la collecte des données s’est échelonné de mai 2017
à juin 2018. Elle s’est effectuée en collaboration avec 7 éducatrices travaillant auprès de plus de
140 enfants d’âge préscolaire. Les écoles dans lesquelles les éducatrices travaillaient sont situées
en milieu multiethnique et sont classées selon les indices (milieu socioéconomique, IMSE, et seuil
de faible revenu, SFR) de défavorisation les plus élevés (9-10). En résumé, la collecte de données
s’est déroulée selon la séquence suivante : 9 périodes d’observation non participante sans grille, 1
entretien de groupe semi-directif (séminaire), 7 entretiens téléphoniques individuels, 9 périodes
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d’observation participante dans les milieux avec grille, suivies d’entrevues individuelles, 2
entretiens de groupe semi-directifs (dont le dernier présente un bilan des échanges). La présente
collecte de données s’est inscrite dans un projet de recherche plus large visant l’éveil à la lecture
et à l’écriture (ÉLÉ) des enfants d’âge préscolaire qui fréquentent les SGMS. Dans ce cadre, une
formation et un accompagnement ont été offerts aux éducatrices pour les soutenir à travers
l’animation d’activités ludiques d’ÉLÉ en SGMS et parallèlement, la collecte de données de cette
thèse a été organisée.
Les données recueillies ont été analysées en fonction des objectifs spécifiques ciblés. En
premier lieu, cherchant à expliquer l’activité des éducatrices, l’analyse des données observées a
permis d’identifier des récurrences dans l’activité. En effet, une séquence d’activités suivant le
même déroulement dans tous les groupes a été identifiée et une multitude d’autres actions sont
répétées et se reproduisent (d’un groupe à l’autre) dans l’activité des éducatrices. Ainsi, les gestes,
les paroles et les choix des éducatrices seraient en quelque sorte prévisibles dans la mesure où ils
prennent forme selon une certaine organisation de leur activité professionnelle, qui se déploie dans
des lieux, ceux de l’école, auprès d’enfants de 4 ans à 6 ans, et en fonction de ce qui doit ou qui
convient de faire selon les situations. Cela dit, dès ces premières analyses visant à identifier les
récurrences dans l’activité, les résultats présentés permettent de soulever que, même si toutes les
éducatrices doivent mener certaines actions, elles agissent différemment par rapport aux
prescriptions dans leur travail.
En second lieu, les normes professionnelles (morale, spécifique et éducative) identifiées
dans le cadre conceptuel ont permis de définir l’activité. Toutefois, corroborant ce qui a été soulevé
vii
dans le premier objectif spécifique, il est constaté que les éducatrices, dans des contextes de travail
similaires —réunissant les mêmes prescriptions, types d’élèves et séquences de tâches—,
n’agissent pas de la même façon en priorisant certaines dimensions professionnelles plutôt que
d’autres dans leur activité. Par exemple, il est remarqué que les gestes et les paroles des éducatrices
se répartissent différemment entre les trois dimensions. C’est-à-dire que les actions de certaines
éducatrices sont plus fortement axées sur les dimensions morales tandis que les actions d’autres
éducatrices portent plutôt sur les dimensions spécifiques ou éducatives. Ces différences dans
l’activité au travail semblent dépendre des sensibilités des éducatrices, mais aussi de la force de la
prescription portée par certaines normes professionnelles. En effet, la force de la prescription
jouerait également un rôle dans le choix des actions menées dans l’activité.
En troisième lieu, les résultats autour de l’objectif visant à décrire la négociation et la
hiérarchisation des normes dans l’activité peuvent être regroupés en deux constats. D’abord, la
place occupée par les dimensions professionnelles est différente lorsque les éducatrices décrivent
leur travail en séminaire et lorsqu’elles le décrivent à la suite d’une période passée avec les enfants
en service de garde. En effet, quand les éducatrices décrivent leur travail en séminaire, les trois
dimensions normatives semblent équilibrées dans leurs descriptions, alors que, lorsqu’elles
rédigent une description de leur activité après avoir vécu une période, certaines composantes sont
plus présentes, au détriment des autres. Dit autrement, le poids des normes professionnelles dans
le discours des éducatrices est différent lorsqu’elles pensent à leur activité, chaque dimension étant
nommée et semblant faire partie de l’activité de manière égale, par rapport à lorsqu’elles viennent
d’effectuer une période de travail, où certaines dimensions des normes professionnelles sont plus
fortement présentes dans l’activité que d’autres. Pour mieux comprendre les conduites de l’action,
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un deuxième constat émerge autour de la hiérarchisation des normes dans l’activité. Lorsque les
éducatrices s’interrogent sur ce qui explique leurs actions, elles nomment des sources (valeurs,
formations, instinct, éducation et expérience) et ces données peuvent être analysées à partir du
concept d’acteurs porteurs d’univers normatifs. Ensuite, sous le même objectif, l’analyse des défis
a émergé. Elle permet de faire ressortir que les éducatrices reproduisent inconsciemment, lors de
l’animation d’activités visant le développement d’habiletés, les actions rattachées aux normes qui
prévalent dans les contextes d’enseignement apprentissage en milieu scolaire formel (activités
obligatoires, position assise, en silence, etc.). Ainsi, les nombreuses actions menées pour assurer
le déroulement des activités dans ces conditions participent à la négociation des normes dans
l’activité. Les éducatrices effectuent des tris lorsqu’elles travaillent, et ceux-ci s’expliqueraient en
fonction du rapport qu’elles entretiennent face aux normes (celles reposant sur leur univers
normatif et celles professionnelles). Enfin, l’analyse des résultats démontre que les normes dans
l’activité relèvent de l’École comme institution et que les rapports sociaux en milieux de travail
exercent des contraintes dans l’activité.
À titre de conclusion des résultats, un schéma des trois registres de normes émerge, selon
lequel l’activité des éducatrices est le lieu de médiation des rapports entre les normes
professionnelles, celles dont sont porteurs les acteurs, et celles portées par l’école, établissement
et institution située dans le temps et dans l’espace, soit dans une société. Il est important de préciser
que les résultats permettent d’avancer que l’activité n’est pas strictement déterminée par les
prescriptions, mais par l’acteur qui fait des choix en travaillant. Ce qui explique ces choix pourrait
être conceptualisé autour du rapport à la norme des acteurs dans leur activité au travail. Le rapport
à la norme pourrait être compris en fonction des registres normatifs (normes professionnelles,
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univers normatifs, École en tant qu’institution située dans un espace/temps) et il serait influencé
par la force de la prescription ainsi que par le collectif d’acteurs en présence.
Finalement, la discussion présente le schéma des registres normatifs issu de l’analyse des
résultats dans lequel y sont réparties 8 situations-types caractérisant l’activité des éducatrices en
SGMS. Il est constaté que les situations-types se situent près du registre des personnes porteuses
d’univers normatifs car ce registre joue fortement dans le choix des actions menées dans le travail
des éducatrices auprès des enfants en SGMS. En termes de contribution, cette analyse de l’activité
est construite à l’intersection de perspectives sociologique et philosophique auxquelles s’ajoutent
une sensibilité ergonomique percevant le travail comme devant s’adapter aux personnes qui
l’effectuent. De plus, la norme, qui est au cœur de la vie des humains en groupe, est un concept à
approfondir notamment en ce qui a trait aux rapports que les personnes entretiennent avec celle-
ci. Les résultats présentent également des retombées sur les plans de la formation et des dimensions
professionnelles du travail des éducatrices en SGMS. Des recommandations en matière de
formation ainsi qu’au sujet du contexte d’exercice de travail et du mandant des SGMS sont
formulées dans la conclusion. Enfin, les rapports complexes dans l’activité ne se situeraient pas
strictement entre travail prescrit et travail réel, mais dans le rapport aux normes lorsque les
éducatrices font leur travail auprès des enfants à l’école.
TABLE DES MATIÈRES
INTRODUCTION......................................................................................................................... 1
LA PROBLÉMATIQUE ................................................................... 2
1. ÉLÉMENTS DE CONTEXTE........................................................................................................ 2
1.1 L’éducation des enfants : un bien commun ................................................................. 7
2. DÉVELOPPEMENT DES SGMS ................................................................................................. 9
2.1 Croissance des services de garde au sein des écoles .................................................. 11
3. LE TRAVAIL EN SGMS : ENJEUX ET CONTOURS ................................................................... 13
3.1 Enjeux du travail de garde en milieu scolaire ............................................................ 15
3.2 Enjeux de formation ................................................................................................... 18
3.2.1 AEP, DEC et profil canadien ......................................................................... 19
3.3 Orientations ministérielles et écrits scientifiques sur le travail en SGMS ................. 24
3.3.1 Socialisation, éléments d’analyse ................................................................... 27
4. ÉTUDIER LE TRAVAIL DES EDUCATRICES .............................................................................. 32
4.1 Écart entre travail réel et travail prescrit .................................................................... 34
4.2 Concept à mobiliser ................................................................................................... 37
4.3 Objectif général .......................................................................................................... 38
CADRE CONCEPTUEL ............................................................. 40
1. LA NOTION DE TRAVAIL ET CELLE D’ACTIVITÉ ..................................................................... 41
1.1 L’acteur influence le déroulement du travail réel ...................................................... 42
1.2 Les éducatrices porteuses d’univers normatifs .......................................................... 43
1.3 Ce qui organise l’action de l’acteur au travail ........................................................... 44
2. LA NORME COMME ORGANISATRICE DU TRAVAIL ................................................................. 46
2.1 Qu’est-ce qu’une norme ? .......................................................................................... 47
2.2 Normes professionnelles : dimensions du cadre d’analyse ........................................ 50
2.2.1 La norme de nature spécifique et morale ....................................................... 52
2.2.2 La norme de nature éducative ........................................................................ 57
3. OBJECTIFS SPÉCIFIQUES ........................................................................................................ 62
MÉTHODOLOGIE ..................................................................... 65
1. VISÉES DE L’ÉTUDE ET CONSIDÉRATIONS MÉTHODOLOGIQUES ............................................. 65
xi
1.1 L’étude de cas ............................................................................................................ 66
1.1.1 Qu’est-ce qu’un cas? ...................................................................................... 67
1.2 Recherche de type descriptive : défis de l’écriture et critères d’univocité ................ 70
2. CONTEXTE DU PROJET DE RECHERCHE .................................................................................. 71
2.1 Écoles et participantes ................................................................................................ 72
2.2 Choix des instruments et déroulement de la collecte de données .............................. 74
ANALYSE DES DONNÉES/RÉSULTATS ............................ 79
1. DESCRIPTIONS PRÉLIMINAIRES : LE CONTEXTE DE TRAVAIL ................................................. 80
1.1 Horaire ....................................................................................................................... 80
1.2 Lieux .......................................................................................................................... 83
1.3 Statut des emplois ...................................................................................................... 86
2. IDENTIFICATION DES RÉCURRENCES DANS L’ACTIVITÉ ......................................................... 87
2.1 Caractéristique du déroulement des périodes ............................................................. 89
2.1.1 Description chronologique : première partie de la matinée. .......................... 89
2.1.2 Fin de la matinée, midi et après-midi : multiplicité des actions et des interactions. .................................................................................................... 92
2.2 Récurrences dans l’activité ........................................................................................ 93
2.2.1 Séquence d’activités ....................................................................................... 96
2.2.2 Constance malgré la contingence ................................................................... 97
2.2.3 Synthèse de l’objectif 1 .................................................................................. 99
3. DÉFINIR LES NORMES PROFESSIONNELLES DANS L’ACTIVITÉ .............................................. 100
3.1 Dimension spécifique de l’activité des éducatrices ................................................. 101
3.1.1 Composantes d’activités psychomotrices et cognitives ............................... 102
3.2 Dimension morale de l’activité des éducatrices ....................................................... 103
3.2.1 Composantes d’actions : hospitalité, sollicitude et confiance ...................... 103
3.3 Dimension éducative ................................................................................................ 108
3.3.1 Composante du parentage ............................................................................ 109
3.3.2 Composante codifiée .................................................................................... 113
3.3.3 Composante « sociabilité » .......................................................................... 120
3.3.4 Composante d’une construction de la perception du monde ....................... 122
3.3.5 Synthèse de l’objectif 2 ................................................................................ 125
xii
4. ÉLÉMENTS PARTICIPANT À LA NÉGOCIATION ET À LA HIÉRARCHISATION DES NORMES ....... 127
4.1 Explications des éducatrices sur ce qu’elles mobilisent pour faire leur travail ....... 128
4.2 Descriptions par les éducatrices de leur activité au travail ...................................... 134
4.2.1 Poids variable des normes professionnelles selon les moments de description ...................................................................................................................... 135
4.2.2 Acte d’observer en amont des actions menées dans l’activité ..................... 136
4.3 Défis expliqués et négociation des normes dans l’activité ...................................... 139
4.3.1 Ajuster son activité en fonction des éléments du contexte........................... 140
4.3.2 Registres de normes s’imposant dans l’activité ........................................... 144
4.3.3 Synthèse de l’objectif 3 ................................................................................ 154
5. CONCLUSION DES RÉSULTATS ............................................................................................. 156
DISCUSSION ............................................................................................................................ 165
1. RÉCURRENCES DE L’ACTIVITÉ MALGRÉ LES SINGULARITÉS ................................................ 167
1.1 Expliquer les récurrences à l’aide des concepts de normes antécédentes et d’acteurs porteurs d’univers normatifs .................................................................................... 169
2. MIEUX COMPRENDRE LES DIMENSIONS PROFESSIONNELLES DE L’ACTIVITÉ ET LA FINALITÉ
DES SGMS ......................................................................................................................... 172
2.1 Composantes des dimensions professionnelles moins perceptibles dans l’activité . 173
2.1.1 Statut des normes et travail discrétionnaire ................................................. 175
2.2 Redéfinir la finalité des SGMS ................................................................................ 177
2.2.1 Visée éducative élargie ................................................................................ 177
2.2.2 Complémentarité des SGMS : entre instruction et socialisation .................. 179
2.3 De multiples référents à consolider .......................................................................... 181
3. HIÉRARCHISATION DES NORMES ET EMBOÎTEMENT DES REGISTRES NORMATIFS................. 185
3.1 Travail d’apparence peu prescrit mais fortement codifié dans l’activité ................. 186
3.2 Choix des actions, un jeu d’univers normatifs et de légitimité des normes ............. 189
3.2.1 Les univers normatifs soutenant le choix des actions menées ..................... 189
3.2.2 Défis et légitimité de la norme ..................................................................... 191
3.3 L’École : à la fois établissement et institution située dans un espace-temps donné 193
4. SYNTHÈSE : DES RAPPORTS COMPLEXES VUS SOUS L’ANGLE DES REGISTRES NORMATIFS ... 197
4.1 Huit situations types ................................................................................................. 199
xiii
4.2 Rapport à la norme : les acteurs et la force de la prescription ................................. 208
CONCLUSION ......................................................................................................................... 211
RECOMMANDATIONS ......................................................................................................... 221
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES................................................................................ 225
ANNEXE A. CANEVAS, ENTRETIENS GROUPE 1 ET CARNET ÉDUCATRICES ... 242
ANNEXE B. CANEVAS ENTRETIENS DE GROUPE 2 ET 3 ........................................... 247
ANNEXE C. EXTRAIT OBSERVATION (2018) ................................................................. 250
ANNEXE D. GRILLE D’ANALYSE ...................................................................................... 261
ANNEXE E. EXTRAIT DE VERBATIM, SÉMINAIRE 2 .................................................. 262
LISTE DES TABLEAUX
Tableau 1. Horaire type, d’enfants à l’éducation préscolaire .................................................. 81
LISTE DES FIGURES
Figure 1. Schéma de collecte de données ............................................................................. 78
Figure 2. Schéma récapitulatif de trois registres de normes intervenant dans l’activité .... 163
Figure 3. Schéma synthèse incluant les situations types de l’activité ................................ 200
LISTE DES ABRÉVIATIONS, DES SIGLES ET DES ACRONYMES
AEP Attestation d’études professionnelles
ASGEMSQ Association des services de garde en milieu scolaire
CPE Centre de la petite enfance
CSE Conseil supérieur de l’éducation
CSRHSGE Conseil sectoriel des ressources humaines des services de garde à l’enfance
DEC Diplôme d’études collégiales
ÉLÉ Éveil à la lecture et à l’écriture
MÉES Ministère de l’Éducation et de l’enseignement supérieur
MÉLS Ministère de l’Éducation des Loisirs et du Sport
SGMS Services de garde en milieu scolaire
Observant les enfants de 4 ans en groupe au service de garde, je réalise qu’ils se parlent, qu’ils
s’échangent des phrases, des gestes, des mots, des rires, mais ces interactions n’ont d’apparence
aucuns liens ensemble. Les propos de l’un ne font pas suite aux propos de l’autre, mêlant
l’imaginaire, le réel, l’irrationnel, le rationnel, …(Observation, 2018)
Dans les années 70, une étudiante demanda à Michel Foucault son avis sur l’émancipation des
femmes. « Voila ce que je vais vous dire. Les femmes ne doivent pas perdre de vue qu’elles ont
un pouvoir considérable dans notre société, elles ont élevé les enfants. » (Wade, 2021)
REMERCIEMENTS
Je dois, d’abord, remercier les éducatrices de m’avoir permis de passer des périodes de
travail avec elles dans leurs milieux et d’avoir accepté à la fois de réfléchir, de s’interroger et de
remettre en question certains aspects du travail en service de garde en milieu scolaire. Sans cette
collaboration, soutenue par l’équipe d’Une École Montréalaise pour tous, l’analyse de cette
activité aurait été impossible ou traitée de l’extérieur. Ensuite, mes directeurs, professeurs et
collègues ont été de précieux alliés dans ce parcours. Étrangement, ou non, comme dans la vie, dès
le moment où j’étais confrontée à un obstacle, se trouvait sur mon parcours un professeur ayant
l’ouverture et la générosité de partager mes questionnements en cherchant à les clarifier à travers
une réflexion commune. Ces professeurs m’ont régulièrement dit faire leur travail, mais reste que
faire son travail repose aussi, comme les résultats de cette thèse l’avancent, sur la personne, ses
valeurs et sa conception du travail bien fait (dans un contexte universitaire où l’esprit des
procédures, la compétition et les relations humaines exercent une tension par rapport à
l’avancement des connaissances). Je me dois de remercier particulièrement la directrice de ma
thèse qui m’a toujours laissé l’autonomie dont j’avais besoin pour écrire et pour prendre des
décisions et qui, aux moments opportuns, a su rappeler avec fermeté et bienveillance l’orientation
à suivre. Enfin, sur le plan personnel, la famille et les amies m’ont donné confiance en me rappelant
que cet intérêt pour comprendre la vie sociale m’habitait depuis l’enfance. Au jour le jour, les
enfants, sans être en mesure d’expliquer le travail de leur maman, ont vécu la thèse à travers des
échanges sur le sens des mots et sur différentes conceptions de la vie en société. Ces discussions
ont sûrement été abordées trop fréquemment et les ont fait sourciller à maintes reprises, mais j’ose
xx
espérer qu’elles ont eu des effets positifs sur leur développement. Mon copain, son écoute, son
humour et sa présence avec les enfants, a rendu ce projet possible, voire agréable. Merci!
INTRODUCTION
La présente thèse s’est effectuée dans un contexte de recherche précis. Le personnel
professionnel de l’équipe Une École Montréalaise pour tous, issue d’un programme du ministère
de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur (MÉES), a demandé à l’équipe de recherche de
l’Université de Sherbrooke de mettre en place une activité de formation et d’accompagnement
pour soutenir les éducatrices en service de garde en milieu scolaire (SGMS). Cette formation visait
l’expérimentation par les éducatrices d’activités ludiques d’éveil à la lecture et à l’écriture (ÉLÉ)
auprès des enfants de 4 ans et de 5 ans en SGMS, dans des écoles situées en milieux multiethniques
dits défavorisés. Il a alors été entendu qu’à travers cette recherche avec les éducatrices, les données
pour le présent projet de thèse seraient recueillies. Nous pensions a priori travailler sur le
développement professionnel des éducatrices en SGMS, mais les premières observations sur le
terrain, avant que le projet ne commence, ont suscité une série d’interrogations autour du travail
quotidien des éducatrices en SGMS. À ce moment, il a semblé de première importance de mieux
cerner ce qui passe pendant les périodes de garde en milieu scolaire, et plus précisément de
comprendre ce qui organise le travail fait par les éducatrices auprès des enfants lors de ces
périodes. Ainsi, de fil en aiguille, l’objet de la thèse a émergé, ce dont nous rendrons compte ici.
LA PROBLÉMATIQUE
Pour comprendre le travail de la garde en milieu scolaire, nous proposons de présenter, en
premier lieu, des éléments du contexte économique et leur incidence sur l’organisation de ce milieu
de travail et, en second lieu, de soulever certaines caractéristiques de l’évolution de l’éducation
des enfants au Québec.
1. ÉLÉMENTS DE CONTEXTE
En premier lieu, bien que notre thèse ne s’inscrive pas dans une perspective étudiant la
transformation de la société par le travail, nous ne saurions faire l’économie d’une note
préliminaire situant notre intérêt de recherche par rapport à l’organisation de la vie en société et
des éléments qui participent à la régulation de cette organisation, comme le stade actuel de
l’économie capitaliste et de l'idéologie sur laquelle elle repose. En effet, il est tentant de se pencher
sur le travail s’effectuant dans les SGMS à partir de l’acteur (éducatrice1 dans le présent cas) et
des défis qu’il rencontre dans son travail. Ce qui permettrait ensuite de proposer des solutions aux
problèmes identifiés pour favoriser son adaptation à l’environnement de travail. Ce faisant, nous
ne serions pas en mesure de rendre compte du contexte dans lequel il évolue (et auquel il
contribue), et pourtant, il semble essentiel, pour le scientifique comme pour l’acteur, de porter un
regard sur ce qui, en toile de fond, régule les milieux de travail.
1 Le personnel éducateur qui travaille en service de garde en milieu scolaire est majoritairement formé de femmes c’est pourquoi le terme, éducatrice, sera utilisé dans le présent texte.
La problématique 3
Relevons simplement que le contexte de globalisation (entendu au sens décrit dans
l’ouvrage de Y., Lenoir, Adigüzel, A., Lenoir, Libâneo, et Tupin, 2016) –soit un projet idéologique
porté par le néolibéralisme économique qui a pour effet de soumettre les États, les institutions et
la population aux lois du marché– a favorisé l’instauration de mécanismes pour assurer une plus
grande productivité (des pays, d'un pays ou d’une province comme le Québec). Ceci s’est traduit,
dans le secteur de la petite enfance, par la mise en place de structures assurant la garde des enfants
pour permettre aux femmes d’augmenter le nombre de travailleurs disponibles. D’un point de vue
économique, ce mouvement est considéré comme étant favorable, tel que le démontrent les
analyses qui mesurent les avantages économiques de la mise en place des services de garde, par
rapport à l’approche traditionnelle, sur le PIB du Québec (Fortin, Godbout et St-Cerny, 2013).
Au Québec, depuis les années 1970, un réseau de garde s’est progressivement mis en place
dans le domaine de la petite enfance. Dans les écoles, étant donné que les horaires de travail de
certains parents ne correspondaient pas aux horaires de classe des enfants, des services assurant la
garde se sont développés. Actuellement, dans les SGMS, le personnel doit être présent le matin,
vers 6 heures, pour accueillir les enfants ainsi que le midi et l’après-midi, de 15 heures à 18 heures,
selon l’horaire des milieux de travail des parents. De plus, l’ouverture de ces services est requise
lors des journées pédagogiques et parfois pendant des congés scolaires. On pourrait avancer que
cet horaire n’a pas été pensé avant tout en fonction des besoins des enfants en matière d’éducation,
ni dans l’optique de développer un milieu de travail adéquat pour les éducateurs qui allaient
occuper ces emplois, mais en fonction des besoins de la société à ce moment de l’histoire. Ainsi,
prendre pour thème de recherche le travail des éducatrices en SGMS et expliciter ce qui le compose
nécessite qu’on le contextualise sous l’angle des effets de l’économie sur l’organisation du travail
4
en éducation et sur ses finalités qui sont imbriqués dans une logique capitaliste. D’ailleurs,
plusieurs auteurs soutiennent que la gestion des écoles est inspirée du modèle de management de
l’entreprise (dont la finalité est la rentabilité) en ce qui concerne les choix et les méthodes
d’organisation (Y. Lenoir, Adigüzel, A. Lenoir, Libâneo, et Tupin, 2016). Toutefois, ce modèle
managérial n’est pas le seul à influencer les dynamiques dans les établissements scolaires ou plus
largement dans le monde du travail : les acteurs scolaires contribuent aussi à ces dynamiques. Ils
évoluent dans une école et plus largement dans une société qui est située (sur les plans, politique,
théologique, démographique, géographique, etc.) et qui est donc porteuse de normes et de valeurs.
Bref, mettre de l’avant l’incidence de la logique capitaliste sur l’organisation du travail ne doit pas
occulter les autres dynamiques en présence dans les milieux scolaires.
C’est en ce sens que la perspective qui oriente nos travaux se veut une contribution à une
réflexion plus large sur l’éducation en matière d’enjeu social. Les emplois dans le domaine de
l’éducation, tel que ceux dans les SGMS, sont certes imbriqués dans une société qui s’est
développée dans un contexte de globalisation, mais qui, sur le terrain, portent sur un bien commun :
l’éducation des jeunes enfants.
En second lieu, afin de rendre compte du contexte des SGMS et de la place qu’ils occupent
actuellement au Québec, quelques grands changements liés à l’éducation et à la famille seront
repris ici avant de présenter la problématique de la recherche. Soulignons d’abord certains
éléments de l’évolution du système scolaire québécois qui façonnent l’école d’aujourd’hui.
Premièrement, le mouvement de démocratisation de l’éducation au Québec dans les années 1970
a assuré, dans la foulée des recommandations du rapport Parent, l’accès à la scolarisation d’une
La problématique 5
vaste majorité de Québécois et cela dans un contexte de croissance démographique. De plus, à la
fin des années 1970, une politique d’intégration des élèves handicapés visant la scolarisation dans
un contexte dit le plus normal possible (gouvernement du Québec, 1979) a vu le jour. Depuis, le
Québec a choisi d’intégrer les élèves handicapés ou ayant des difficultés aux classes et aux écoles
régulières plutôt que d’assurer leur scolarisation dans des écoles spécialisées. Ainsi, à partir de
cette décennie, on retrouve des élèves en beaucoup plus grand nombre et des élèves présentant des
handicaps ou des difficultés sur les bancs d’école. À cette époque, les infrastructures nécessaires
sont mises en place, les besoins de personnel enseignant augmentent rapidement, un réseau de
formation universitaire s’organise, la recherche en éducation s’intensifie et de nouveaux acteurs
non enseignants intègrent progressivement les écoles pour répondre aux besoins diversifiés des
élèves (voir notamment Lessard et Tardif, 1996) et de leurs parents. C’est le cas des éducatrices
en SGMS, comme nous le verrons plus loin.
Deuxièmement, ce demi-siècle est marqué par l’allongement de la période scolaire
obligatoire. Avec la création de la maternelle et de la prématernelle, les enfants sont scolarisés de
plus en plus jeunes et demeurent aux études plus longtemps en poursuivant pour certains leur
parcours à l’université (Tardif, 2013). De plus, aujourd’hui, les enfants arrivent plus tôt le matin à
l’école, terminent plus tard le soir et dînent à l’école pour la majorité (CSE, 2006). Au cours des
cinq dernières décennies, le temps passé par les jeunes Québécois dans les écoles s’est allongé.
Dans le même ordre d’idée, soulignons dans une perspective anthropologique qu’à la suite
de la Révolution tranquille, la famille québécoise a connu d’importantes transformations. Comme
il a été indiqué précédemment, les femmes ont intégré le marché du travail et on note également
6
que le nombre d’enfants par famille diminue. Cette période est aussi caractérisée par un
accroissement du nombre de familles monoparentales. Enfin, on constate plus récemment que les
enfants qui fréquentent l’école primaire côtoient une pluralité d’acteurs scolaires participant à
divers degrés à leur éducation (Levasseur et Tardif, 2010). Parmi ceux-ci, le personnel de garde
représente le groupe d’acteurs qui a connu l’augmentation en nombre la plus importante dans les
écoles du Québec (Ibid., 2010). Ainsi, l’éducation d’une large part d’enfants québécois prend
forme dans un contexte où la famille comme institution connaît d’importants changements. Par
conséquent, l’enfance, et plus précisément l’éducation des enfants, se trouve elle aussi en mutation.
Troisièmement, un regard sur l’évolution des énoncés de politique de l’école au Québec
laisse entrevoir l’élargissement de la mission de celle-ci. L’école, qui au tournant du XXe siècle
avait comme mission première d’instruire, a vu celle-ci s’élargir pour inclure celles de socialiser
et de qualifier (ministère de l’Éducation, 2006). Ainsi, en plus de viser l’apprentissage, le
développement intellectuel et l’acquisition de connaissances (instruire), on reconnaît également à
l’école le rôle « d’agent de cohésion en contribuant à l’apprentissage du vivre ensemble et au
développement d’un sentiment d’appartenance à la collectivité » (CSE, 2006, p.3). Dans cette
optique, la mission de socialiser fait référence à la transmission de valeurs communes, à
l’apprentissage de la citoyenneté et à la prévention de l’exclusion. Tandis que la mission de
qualifier vise à assurer la réussite éducative et dans cet objectif à permettre divers cheminements
de formation pour faciliter l’intégration sociale et professionnelle des élèves. Un portrait des défis
de l’école québécoise est tracé dans le document de consultation, Pour une réussite éducative
(ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, 2017). Ce portrait est basé sur quelques
indices qui rendent compte de transformations de la société québécoise (par exemple, le
La problématique 7
vieillissement de la population et l’avènement de la société numérique) et des attentes envers
l’école contemporaine. Ainsi, on comprend à travers cet état de situation qu’en plus d’instruire, de
socialiser et de qualifier, l’école doit intégrer pédagogiquement les technologies numériques et
favoriser l’éducation à l’utilisation de celles-ci, elle doit promouvoir et favoriser l’équité sociale,
assurer l’égalité des chances, contrer l’exclusion, la pauvreté et la violence, intégrer les nouveaux
arrivants dans la communauté, contribuer à l’éducation relativement au développement durable,
promouvoir de saines habitudes de vie et de saines habitudes alimentaires (MÉES, 2017). En
résumé, l’école doit aujourd’hui remplir un rôle d’éducation qui dépasse largement celui de
l’instruction.
Bref, le contexte historique présenté, référant à la fois à la démocratisation de l’accès à la
scolarisation (et à la diversité des élèves fréquentant l’école), aux besoins de main-d’œuvre de
l’économie, à la transformation de la famille ainsi qu’à l’élargissement de la mission de l’école,
témoigne de changements qui ont des répercussions sur l’éducation des enfants ainsi que sur les
lieux et les personnes qui en ont la responsabilité.
1.1 L’éducation des enfants : un bien commun
Il n’y a pas si longtemps, l’éducation des jeunes enfants appartenait à la sphère privée et
était une "affaire de femmes". Aujourd’hui, le sens commun veut que l’enfant, au cours de la
8
période préscolaire2, se développe et apprenne sur les bancs d’école ou au sein d’autres
établissements.
Au Québec, les services de garde pour les enfants de 0 à 5 ans sont offerts dans des centres
de la petite enfance (CPE), dans des milieux familiaux ou encore dans des garderies (privées,
subventionnées, ou non). D’ailleurs, le taux élevé de fréquentation de ces services a donné lieu à
de nombreuses recherches depuis les dernières décennies. Les objets d’étude ont inclus l’incidence
de la qualité des lieux de garde pour enfants d’âge préscolaire sur leur développement cognitif,
affectif, social, psychomoteur, etc. (Bigras et Japel, 2007; Bigras, Lemay et Tremblay 2012;
Institut de la statistique du Québec, 2004; Manningham 2008; Pineault, 2012). On y soulève
également que la qualité de ces services deviendrait encore plus cruciale pour favoriser la réussite
scolaire dans les milieux défavorisés et que les enfants qui intègrent le système scolaire ont
grandement besoin d’être entourés d’un personnel outillé en termes d’actions pédagogiques
(Pineault, 2012).
Pour le Conseil supérieur de l’éducation (CSE), la garde des enfants relève maintenant à la
fois d’une responsabilité familiale et publique.
Selon le Conseil, la question de la conciliation travail-famille concerne évidemment
les parents, mais elle constitue également un enjeu social qui va bien au-delà de la
responsabilité individuelle, qui touche l’organisation du travail de même que la
2 Au Québec, l’école accueille les enfants de 4 à 5 ans, ce qui est désigné comme étant l’éducation préscolaire et qui précède l’ordre d’enseignement primaire. L’éducation préscolaire, communément appelée la maternelle, est non-obligatoire mais fréquentée par la majorité des enfants qui y ont accès.
La problématique 9
place accordée aux enfants et aux familles dans la société et qui interpelle les
pouvoirs publics, en tant que responsables du bien commun (CSE, 2006, p. 8).
Ainsi, la question de l’éducation des jeunes enfants, de ce bien commun, devrait prendre une place
importante dans l’organisation des services de garde destinés aux enfants. Aujourd’hui, on sait que
le travail de la garde scolaire touche plus 330 000 enfants chaque année dans les écoles (MÉES,
2018), mais que sait-on, d’autre part, de ce travail fait par les éducatrices auprès des enfants en
SGMS ?
2. DÉVELOPPEMENT DES SGMS
C’est dans le contexte décrit ultérieurement, et précédé par le déploiement des services de
garde pour la petite enfance, que les SGMS ont évolué. En 1979, la Loi sur les services de garde
à l’enfance (Gouvernement du Québec, 1979) a assuré la reconnaissance de ces services qui se
sont rapidement multipliés dans les années 1980. Ce développement rapide s’explique notamment
par la forte demande des parents qui voyaient leurs enfants rentrer à la maison le midi et après
l’école « la clé au cou » (Tougas, 2002, p.52), et cela malgré le fait que les commissions scolaires
n’avaient pas l’obligation d’offrir ce service. Les bases d’un réseau de SGMS se sont mises en
place au cours de cette période.
La croissance a été fulgurante: en 1980-1981, on comptait 5 103 enfants fréquentant
un SGMS et en 1989-1990, ce nombre s’élevait à 46 7196 (CSE, 2006). C’est dans
cette foulée que l’ASGEMSQ [Association des services de garde en milieu scolaire
du Québec] a vu le jour en 1985. […] C’est aussi au cours de cette décennie, en
10
1998, qu’on a assisté à l’instauration des places à contribution réduite à 5 $/jour,
mais aussi au passage des compétences légales et organisationnelles entièrement
entre les mains du MELS – autrefois, partagées avec l’Office des services de garde
à l’enfance. De plus, en vertu de la Loi sur l’instruction publique, les commissions
scolaires sont désormais obligées de mettre en place un service de garde lorsque le
conseil d’établissement en fait la demande. Un règlement régissant les SGMS est
également adopté cette même année. Il permet d’affirmer leur vocation éducative
et leur rôle complémentaire dans le projet éducatif de l’école. En 1999, on assiste à
la conclusion d’une importante entente de travail qui reconnaît le personnel des
SGMS non plus comme des « préposés », mais comme des « éducatrices ». Cette
entente leur donne également une meilleure sécurité d’emploi et une hausse de
salaire importante. Finalement, c’est aussi à ce moment que l’on hausse les
exigences de formation pour le personnel éducateur (diplôme de cinquième
secondaire) et pour le personnel responsable/technicien (diplôme d’études
collégiales). » (ASGEMSQ, 2013, p.3-4).
Cet extrait présente les divers éléments qui marqueront le développement des SGMS au cours des
décennies suivantes, soit la croissance de la fréquentation, les places de garde à contribution
réduite, l’amorce de la reconnaissance de leur vocation éducative, l’augmentation de la
rémunération et les exigences de formation.
La problématique 11
2.1 Croissance des services de garde au sein des écoles
S’intéressant au nombre d’heures passées dans les SGMS, le CSE remarque que les enfants
de 5 ans, de 6 ans et de 7 ans passent parfois plus de temps au SGMS qu’en classe (CSE, 2006).
De plus, à travers les consultations effectuées, « le Conseil a entendu plusieurs acteurs souligner
le fait que bon nombre d’enfants fréquentent l’école au minimum 50 heures par semaine » (Ibid.,
p.7). Comptabilisée autrement, la moyenne d’heures passées au SGMS par les enfants qui les
fréquentent est d’environ 14 heures par semaine à la maternelle, et de 15 heures par semaine en
première année (Giguère et Desrosiers, 2010). On sait également qu’en 2011, 86% des parents
québécois ont choisi pour leurs enfants ce mode de garde avant et après les heures de classe
(Statistique Canada, 2015). Le personnel des SGMS occupe donc aujourd’hui une présence
marquée dans les écoles auprès des jeunes Québécois.
L’augmentation du personnel de garde dans les écoles est documentée par LeVasseur et
Tardif (2005a) qui rendent compte de l’essor du travail technique en milieu scolaire. Ils présentent
la croissance du personnel non enseignant ainsi que celle du personnel technique et paratechnique
au cours de la décennie s’écoulant de 1990 à 2000. Ils remarquent que le groupe qui a connu la
croissance la plus importante est celui formé par les éducatrices SGMS ; il a augmenté de 240,3%.
Tardif et LeVasseur (2015), relèvent également qu’on comptait en 1997-1998, 923 services de
garde scolaires au Québec et 72 664 élèves fréquentant ces services. De plus, on en dénombrait
1634 en 2012-2013, avec une fréquentation de 286 381 élèves et de 305 374 l’année suivante
(Ibid., 2015). Ciblant précisément cinq années phares dans la croissance des SGMS, Berger,
12
Héroux et Shéridan (2005) constatent une augmentation de 690 services de garde entre 1997-1998
et 2002-2003.
Les besoins de garde des familles québécoises se sont traduits par une croissance des
SGMS, donc par une demande accrue d’embauche de personnel éducateur et par une pénurie de
personnel qualifié pour exercer ce travail. Ce constat a été clairement décrit dans l’avis du Conseil
supérieur de l’éducation (2006). En effet, dans la foulée du Rapport du Vérificateur général du
Québec (2001) soulevant notamment le problème de l’accessibilité des SGMS, ainsi que ceux du
manque de locaux, de l’importance de la compétence du personnel, de sa formation, du programme
éducatif, etc., le CSE (2006) publie un avis sur la qualité des services de garde en milieu scolaire.
Il présente un portrait de l’offre de ces services dans la province. Il rapporte que sur 8000
éducateurs sondés dans 55 commissions scolaires, 59% n’ont pas de formation liée à l’emploi. De
plus, le CSE constate que « la fonction éducative complémentaire du service de garde n’est pas
toujours actualisée dans les pratiques concrètes » (p.45). Il soulève, à l’instar de la publication du
Vérificateur général du Québec (2001), qu’en dépit de l’amélioration de l’accessibilité des services
de garde scolaire, la qualité de ces services est jugée très variable et que cela représente un enjeu
réel.
Avant de conclure cette section, il semble important de relever que les écrits portant sur la
croissance des SGMS soulèvent des avancées dans le domaine. En effet, s’intéressant à l’évolution
des SGMS depuis les années 1990, on constate que les écrits (ASGEMSQ, 2013, 2015; Caron
2016; CSE, 2006; MÉES, 2017; Tougas 2002) relatent l’encadrement du travail d’éducatrice et
cela s’expliquerait grâce aux revendications syndicales, aux politiques gouvernementales et à
La problématique 13
l’évolution du secteur de la garde destinée à la petite enfance. Pour Caron (2016), les SGMS ont
évolué selon une logique de professionnalisation : « Celle-ci s’opère par le biais de formations, de
programme éducatif et de formalisation des connaissances sur lesquelles repose leur pratique »
(Ibid., p.116). Ces années ont été caractérisées par des avancées concrètes dans les SGMS:
développement du réseau de SGMS notamment à travers l’ASGEMSQ, augmentation du niveau
de formation initiale pour les éducatrices en SGMS, meilleure offre d’activités de formation
continue, services considérés comme nécessaires, augmentation des salaires et reconnaissance
progressive de l’aspect éducatif de la tâche.
En somme, ce lieu de garde s’est progressivement imposé dans les écoles du Québec depuis
les années 1970, il a connu une augmentation marquée au tournant du XXIe siècle et plus
récemment, il a été marqué par l’émergence d’un processus de professionnalisation. Toutefois, la
visée éducative complémentaire du SGMS a représenté un enjeu persistant à travers cette
évolution.
3. LE TRAVAIL EN SGMS : ENJEUX ET CONTOURS
Avant de s’intéresser aux enjeux actuels de la garde en milieu scolaire, il semble pertinent
de regarder quelques caractéristiques propres à ces milieux. En fait, pour mieux saisir les contours
(ou les formes d’organisation) du travail de garde en milieu scolaire, il peut être utile de
s’interroger sur ce qui le différencie d’autres tâches/professions relevant des domaines de la petite
enfance et de l’éducation. Par exemple, on peut envisager que comme pour les éducatrices en CPE,
les mandats éducatifs, préventifs et ceux liés aux soins de base, sont également présents dans le
travail des éducatrices en SGMS. Toutefois, le travail des éducatrices en SGMS s’exerce dans les
14
écoles avec des enfants de 4 à 12 ans, et non dans des centres conçus pour la garde d’enfants de 0
à 5 ans. Cela exige pour les éducatrices en SGMS d’être en mesure de développer une approche
selon les différents groupes d’âge et d’être en mesure de se faire dans des groupes comptant en
moyenne 18 enfants. Dans le même sens, pour mener des activités visant des objectifs tels que le
développement global et le développement d’habiletés sociales, par exemple, l’éducatrice doit
pouvoir se référer à un large bagage de connaissances pour rejoindre l’ensemble des enfants. Une
deuxième différence importante entre le travail en CPE par rapport à celui en SGMS a trait à la
fonction d’intégration des enfants au monde scolaire, au partage de l’espace cohabitation avec le
personnel scolaire et au respect des règles de l’école, éléments qui font partie du quotidien des
éducatrices étant donné leur milieu de travail. Enfin, au sein de l’école, le travail des éducatrices
et celui des enseignants sont imbriqués. Ces acteurs côtoient les mêmes enfants. Cependant, ils ne
poursuivent pas la même visée ; l’un vise la garde "éducative" en milieu scolaire et l’autre vise
notamment l’atteinte des objectifs pédagogiques définis par un ministère.
S’ajoute à ces éléments un aspect central du travail quotidien des éducatrices en SGMS :
elles s’occupent de l’ensemble des moments de transition (le matin, le midi et l’après-midi), vers
la classe et au retour de celle-ci ainsi que lors de l’entrée de l’enfant à l’école et lorsqu’il retourne
à la maison. D’ailleurs, les éducatrices sont en relation avec de nombreux acteurs, soit : les élèves,
les parents, les enseignants, les surveillants, les éducatrices et l’ensemble des autres acteurs
scolaires, comme le personnel de direction, le personnel administratif et le personnel professionnel
et technique. Les interactions entre les éducatrices et les différents acteurs sont omniprésentes dans
le travail, certaines éducatrices croisent les parents deux fois par jour et les enseignants ainsi que
le personnel professionnel ou technique plusieurs fois par jour.
La problématique 15
3.1 Enjeux du travail de garde en milieu scolaire
Les enjeux du travail de garde en milieu scolaire sont d’abord présentés autour des
obstacles liés à l’emploi en milieu scolaire et portent ensuite sur des recommandations relevées
dans le milieu par l’ASGEMSQ.
Pour Caron (2016), les conditions d’emploi dans les SGMS posent problème : « le travail
des éducatrices est confronté à plusieurs difficultés: les horaires coupés, la précarité d’emploi, les
ratios enfants/adulte élevés, le manque de locaux adéquats, le niveau de formation varié du
personnel » (Ibid., p. 52). Il ajoute en ce sens que « le statut contractuel de la majorité des
travailleuses dans le domaine fragilise les équipes de travail par le grand "roulement" de personnel
qu’il engendre » (Ibid., p.82). Cette réalité se heurte à la perception du MÉES, selon laquelle les
SGMS « constituent un milieu de vie complémentaire pour l’élève. Par la constance de la relation
mise en place avec l’élève, souvent pendant de nombreuses années, l’équipe des services de garde
est en mesure d’établir des liens privilégiés avec l’élève et ses parents » (MÉES, 2020). S’il est
vrai que l’équipe du SGMS qui côtoie quotidiennement les enfants peut développer des liens
privilégiés avec ces derniers, il semble important de préciser que la précarité liée à l’emploi peut
se traduire par un important mouvement de personnel, ce qui est relevé dans de nombreux écrits
(ASGEMSQ, 2015; Caron 2016; Étienne, Deubelbeiss, et Rousseau, 2015; LeVasseur et Tardif,
2005a).
Un autre élément récurrent issu des écrits scientifiques et professionnels au sujet du travail
en SGMS porte sur le manque de reconnaissance ou le peu de valorisation de la profession
d’éducatrice (Archambault, 1997; ASGEMSQ, 2013, 2015; Aubry, 2001; Betsalel-Presser, White,
16
Baillargeon et Jacobs, 1998; Caron, 2016; Étienne, Deubelbeiss, et Rousseau, 2015; Larouche,
2000; Musson, 1995; Myre-Bisaillon et Chalifoux, 2013; Roy, Baillargeon, et Larouche, 1999;
Tardif, 2015). Pour plusieurs, la valorisation de ce travail passe d’abord par la reconnaissance du
potentiel éducatif de la garde en milieu scolaire et par la formation continue du personnel, ce qui
aurait une incidence sur le statut d’éducatrice et sur les collaborations avec les acteurs au sein des
écoles (CSE, 2006; Caron, 2016).
À la lumière de ce contexte, l’ASGEMSQ (2015) présente un mémoire dénombrant
plusieurs recommandations, dont celles liées directement au travail des éducatrices dans les
SGMS. Elle soutient notamment qu’un changement d’appellation remplaçant l’offre de services
de "garde" pour des services "éducatifs" serait nécessaire pour marquer le rôle éducatif que les
éducatrices sont amenées à jouer. Il est aussi question d’éléments liés aux responsabilités des
éducatrices, tels que l’optimisation des tâches qu’elles peuvent assumer au sein de l’école et la
mise en place d’un programme d’activités éducatives dans tous les SGMS. Ce programme
d’activités est d’ailleurs, pour l’association, un outil important pouvant favoriser la
complémentarité des SGMS avec la mission de l’école et soutenir l’évaluation ainsi que la
réflexion du personnel éducateur. Cependant, en 2015, l’ASGEMSQ relève que plusieurs SGMS
n’ont pas rédigé de programme d’activités (Ibid., 2015).
À ces enjeux, s’ajoute celui de l’augmentation du nombre de classes de maternelle pour les
enfants de 4 ans. Pour l’ASGEMSQ, cette augmentation implique notamment l’adaptation du
matériel, des locaux ainsi que des approches et des connaissances nécessaires aux éducatrices pour
travailler auprès de ces enfants spécifiquement en milieu scolaire. De plus, la question des ratios
La problématique 17
est soulevée comme tension dans le travail des éducatrices en SGMS par l’ASGEMSQ (2013 et
2015). En CPE, les ratios sont de 1 éducateur pour 10 enfants (ministère de la Famille, 2017), alors
qu’en SGMS ils sont de 1 éducateur pour 18 enfants. L’association souligne également
l’importance de la présence d’un programme d’activités adapté au développement des enfants de
4 ans et d’une formation en petite enfance pour les éducatrices.
Concernant la formation du personnel liée à l’augmentation du nombre d’enfants de 4 ans
en milieu scolaire, l’ASGEMSQ fait part de ses interrogations.
Il est alors pertinent de se questionner quant à savoir, premièrement, si l’attestation
d’études professionnelles (AEP) représente un niveau d’études suffisant,
deuxièmement, si cette attestation en garde scolaire fournit une formation assez
spécialisée en petite enfance et troisièmement, si le perfectionnement offert au
personnel éducateur et responsable/technicien est suffisant. (ASGEMSQ, 2013,
p.10.)
Les enjeux présentés par l’ASGEMSQ soulèvent de nombreuses questions liées à la formation du
personnel par rapport au travail de l’éducatrice. D’ailleurs, l’association réitère l’importance de
l’évaluation de la formation professionnelle obligatoire et de la mise en place d’incitatifs de
perfectionnement pour les éducatrices SGMS (ASGEMSQ, 2015). Ceci dit, la formation
professionnelle doit se faire par rapport à son adéquation avec le travail des éducatrices tel qu’il
s’effectue lors des périodes de garde. Cependant, comme nous le présenterons ici, à la lumière des
écrits consultés, les modalités de ce travail sont peu connues.
18
3.2 Enjeux de formation
Dans les suites de l’avis du CSE (2006), un groupe de travail a été mandaté de « dégager
les recommandations prioritaires et celles qui sont réalistement applicables dans le contexte actuel
de l’école québécoise » (MÉES, 2018). Ces travaux ont entre autres mené à la création d’une
Attestation d’études professionnelles (AEP) pour éducateurs et éducatrices en service de garde en
milieu scolaire en 2011. Ainsi, il a été prévu que les éducatrices embauchées à partir de 2011
devraient détenir ce diplôme d’études professionnelles pour pouvoir travailler en SGMS.
Le programme d’études de cette AEP (Commission scolaire des Découvreurs, 2011) a été
organisé initialement autour de deux types de compétences, soit des compétences générales –se
situer au regard de la profession et du contexte d’intervention, établir des relations professionnelles
en milieu de travail, intervenir auprès d’enfants d’âge préscolaire et scolaire ainsi qu’auprès
d'enfants aux prises avec des "problématiques" particulières, planifier et organiser des activités–
et des compétences particulières –assurer le bien-être et la sécurité, assurer le déroulement des
activités liées aux repas et aux collations, réaliser des activités à prédominance socioaffective et
morale, psychomotrice et cognitive–. Aujourd’hui, le contenu du programme s’articule autour
d’énoncés de compétences (Service régional d’admission en formation professionnelle, 2021) qui
rassemblent ces deux types de compétences. Enfin, la durée totale de cette formation, développée
spécifiquement pour les éducatrices qui veulent travailler en SGMS, est de 390 heures d’études et
prévoit un stage de 2 semaines en SGMS. L’évaluation des effets de cette attestation n’a pas encore
été effectuée et les besoins de personnel qualifié ainsi que la formation du personnel éducateur
représentent d’importantes préoccupations pour de nombreux SGMS (ASGEMSQ, 2015).
La problématique 19
Ce n’est pas qu’au Québec que les questions de formation du personnel œuvrant auprès de
jeunes enfants se posent. En France, les métiers de la petite enfance (tels que les assistants
maternels, les assistants familiaux, les auxiliaires de puériculture, les agents territoriaux spécialisés
des écoles maternelles, etc.) présentent quelques similarités avec certains métiers de la petite
enfance au Québec. Ces métiers ont connu une croissance importante sur le territoire français et la
formation disponible présente des parcours parfois laborieux pour le personnel qui occupe ces
métiers. En ce sens, les résultats de l’étude de Galtier (2013) sur la formation de l’ensemble des
personnels peu ou pas qualifiés en charge des enfants de 0 à 6 ans en France, démontrent que même
si les demandes d’enrichissement des pratiques professionnelles actuelles sont fortes et largement
partagées par ce personnel, les obstacles sont nombreux : obligation de se déplacer pour suivre une
formation, manque de soutien des employeurs, peu de possibilités de mobilité interprofessionnelle,
etc. Enfin, même si la formation du personnel qui travaille en petite enfance en France présente
des défis similaires à ceux des éducatrices en SGMS au Québec, la comparaison des deux systèmes
demeure ardue. En effet, les structures des établissements et les fonctions occupées par le personnel
exigeraient une recherche en soi.
3.2.1 AEP, DEC et profil canadien
Afin de bien saisir les enjeux de formation pour le travail de garde en milieu scolaire au
Québec, il semble pertinent de s’arrêter aux formations destinées aux éducateurs en petite enfance.
Pour ce qui est de la majorité des éducateurs et éducatrices qui travaillent avec des enfants de 4
ans et de 5 ans dans le contexte des centres de la petite enfance (CPE), ou encore pour les
responsables d’un service de garde, l’obtention d’un diplôme d’études collégiales (DEC) est
20
obligatoire. Ce DEC s’échelonne sur trois années et totalise 2490 heures de formation (ministère
de la Famille, 2014). Les compétences ciblées dans le cadre de cette formation se rattachent à trois
mandats qui structurent le programme d’études, soit le mandat éducatif (lié au développement
multidimensionnel de l’enfant), le mandat préventif (de dépistage de difficultés notamment) et le
mandat des soins de base pour assurer la santé et la sécurité des enfants (ce mandat favoriserait le
lien d’attachement de l’éducatrice ou de l’éducateur avec l’enfant) (Ibid., 2014). Sans avoir accès
aux écrits ou aux principes qui ont guidé la conception des contenus de programme, on perçoit que
l’articulation des contenus du DEC rend explicite les mandats de l’éducatrice auxquels sont
rattachées les compétences ciblées dans la formation. Ce type d’information, permettant de saisir
l’articulation entre les mandats des éducatrices et les compétences à développer, n’est pas indiqué
dans le programme d’études de l’AEP.
À l’échelle canadienne, le Conseil sectoriel des ressources humaines des services de garde
à l’enfance (CSRHSGE) présente un document de référence intitulé Profil pour les services de
garde scolaire, des normes professionnelles pour les éducatrices et les éducateurs en garde
scolaire (CSRHSGE, 2012). Dans ce document, les normes professionnelles s’appuient sur des
sphères d’activités – développement, apprentissage et soins aux enfants, équipement et installation,
relations avec les familles et avec la collectivité– qui recoupent les contenus des cours de l’AEP
mais dont les connaissances de base requises pour la mise en application de compétences et des
habilités visées dépassent largement la formation prévue par l’AEP. À titre d’exemple, une des
trente sous-tâches prévoit que, pour favoriser le développement langagier des enfants d’âge
scolaire, les éducatrices doivent détenir neuf connaissances de base incluant les étapes et les
théories liées au développement langagier, les styles d’apprentissages, les théories relatives à la
La problématique 21
diversité culturelle, etc. (Ibid., 2012). On comprend que les connaissances de base prévues, pour
chacune des 30 sous-tâches liées aux normes professionnelles, ne peuvent être enseignées aux
éducatrices à travers l’AEP en service de garde en milieu scolaire étant donné le temps alloué pour
cette formation. En parallèle, le nombre de sous-tâches et de connaissances associées nous semble
présenter un défi quant à leur actualisation dans le travail au quotidien. Ce Profil pour les services
de garde scolaire, dont les contenus mériteraient d’être interrogés quant à leur pertinence
empirique et théorique, permet néanmoins de dresser un portrait détaillé des tâches et des sous-
tâches qui nécessitent des connaissances pour le développement d’habiletés et de compétences
particulières pour travailler en SGMS. Bref, à la lecture de ces documents sur la formation en
matière de garde, on remarque qu’il y a un écart important entre la formation professionnelle (AEP)
et celle correspondant à ce Profil pour les services de garde scolaire qui ressemble davantage à
celle de l’éducatrice en petite enfance, ou comme le soutien Caron (2016), à celle de l’enseignante
au préscolaire et au primaire.
Pour conclure cette section, retenons d’abord que la formation demeure un enjeu central
dans le domaine de la garde en milieu scolaire au Québec. La formation obligatoire (AEP) actuelle
présente une avancée certaine mais qui demeure restreinte par rapport aux contenus de formation
prévus à la fois pour les métiers en CPE et ceux prévus dans les normes canadiennes pour les
services de garde en milieu scolaire. Toutefois, compte tenu des conditions d’emploi des
éducatrices en SGMS décrites précédemment, l’augmentation du niveau de formation obligatoire
risque d’accroître la pénurie de personnel qui pose déjà problème à l’heure actuelle. En effet,
malgré l’importance du travail des éducatrices dans la vie des élèves d’âge primaire en matière de
temps et du rôle d’éducation qui leur est dévolu, l’augmentation des exigences de formation
22
(formation technique ou universitaire par exemple) comporte un risque réel par rapport à
l’équilibre entre les besoins de main-d’œuvre dans les SGMS et la disponibilité de personnel
formé.
Ensuite, en plus des enjeux de formation, des éléments des modalités spécifiques du travail
de garde en milieu scolaire ont été soulevés dans cette section : ce travail s’effectue à l’école, les
éducatrices contribuent donc à l’intégration des enfants au monde scolaire; elles travaillent avec
des groupes de 18 enfants ou plus, dont les âges varient entre 4 ans et 12 ans; le nombre de groupe
d’enfants de 4 ans qui fréquentent l’école a augmenté et, donc, la part du travail dans le domaine
de la petite enfance s’est accrue; la finalité de la garde scolaire n’est pas la même que celle des
autres acteurs scolaires, mais elle doit s’inscrire dans une visée éducative complémentaire; les
éducatrices assurent les moments de transition dans la journée, leur travail est ainsi imbriqué à
celui des enseignants et des autres acteurs scolaires. Malgré la description de ces contours, nous
ne disposons pas d’une connaissance fine du travail effectué par les éducatrices auprès des enfants
en SGMS. En effet, alors que Giguère et Desrosiers (2010) concluaient un article en soulignant
que « sur le plan de la recherche, les services de garde en milieu scolaire ont été négligés » (p.16),
les écrits scientifiques sont plus nombreux depuis les années 2000, mais demeurent limités par
rapport à ceux ciblant le domaine de la petite enfance ou de l’enseignement préscolaire par
exemple. Les principaux travaux de recherche sur les SGMS ont notamment porté sur les
perceptions des éducatrices (Caron, 2016; Étienne, Deubelbeiss et Rousseau, 2015; Myre-
Bisaillon et Chalifoux, 2013), sur l’expérimentation de projets de formation (Chalifoux et Myre-
Bisaillon, 2021 ; Cyr 2012; Larouche, 2000; Musson, 1995; Myre-Bisaillon et Chalifoux, 2013)
ainsi que sur l’évolution du milieu scolaire au Québec et, dans ce cadre d’analyse, sur les fonctions
La problématique 23
assumées par les éducatrices dans les écoles (LeVasseur et Tardif, 2005, Tardif et LeVasseur,
2010, Tardif et LeVasseur 2015).
Ce dernier angle d’analyse est certainement celui qui s’approche le plus de l’analyse d’un
segment du travail des éducatrices, nous y reviendrons dans la section sur la socialisation.
Toutefois, et tel a été notre premier constat lors de la mise en relation des observations
préliminaires et des écrits scientifiques et professionnels, nous disposons de peu de connaissances
élaborées à partir d’une analyse de ce travail lorsqu’il se déploie. En fait, là est peut-être l’un des
plus grands enjeux de l’étude de ce travail ; au carrefour de la garde et de l’éducation s’est
développée une sphère d’activité en milieu scolaire, peu connue, dont l’objet de travail est
relativement récent. On peut penser que les responsabilités des éducatrices vont de soi, car elles
s’apparentent aux formes de vie sociale ordinaires et familières (Mayen, 2007). Or, lorsque cette
activité se transpose de la sphère privée à la sphère publique, ce qui est à faire et la manière de le
faire doivent être réélaborés. Dans ce contexte, l’identification de normes dans un domaine comme
la garde en milieu scolaire est certes pertinente. Toutefois, plutôt que de penser les normes
professionnelles du travail en SGMS en fonction des compétences, il semble judicieux de
s’interroger en amont sur les enjeux éthiques de la garde, aujourd’hui à visée éducative, en milieu
scolaire.
Avant de déterminer sous quelle perspective étudier ce travail, nous présentons le discours
ministériel définissant le travail de garde en milieu scolaire pour ensuite faire le parallèle avec des
écrits scientifiques sur le travail des éducatrices en SGMS qui présentent des éléments d’analyse
disponibles sur ce travail.
24
3.3 Orientations ministérielles et écrits scientifiques sur le travail en SGMS
Dans cette section, la mise en relation d’écrits ministériels et d’éléments d’analyse,
permettra de faire ressortir l’intérêt de l’étude du travail réel des éducatrices à travers une démarche
empirique.
Regardons premièrement le contenu de la prescription ministérielle telle qu’elle apparaît
dans les documents officiels, c’est-à-dire les tâches et responsabilités attendues des éducatrices en
SGMS. Le premier objectif des SGMS au sens de la loi consiste à :
Veiller au bien-être général des élèves et poursuivre, dans le cadre du projet éducatif
de l’école, le développement global des élèves par l’élaboration d’activités tenant
compte de leurs intérêts et de leurs besoins, en complémentarité aux services
éducatifs de l’école (Ministère du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale,
2020).
De plus, deux autres objectifs sont indiqués, soit le soutien lors des devoirs et assurer la santé et la
sécurité dans les SGMS. Selon le Ministère du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale
(MTES, 2020), les objectifs de la garde en milieu scolaire se déclinent en cinq responsabilités :
1) Assurer la sécurité et le bien-être général des élèves. 2) Participer à l’atteinte des
objectifs du projet éducatif de l’école. 3) Mettre en place des activités et des projets
récréatifs aidant au développement global des élèves. 4) Encourager le
développement d’habiletés sociales telles que le respect et l’esprit d’échange et de
coopération. 5) Soutenir les élèves dans leurs travaux scolaires (devoirs et leçons)
La problématique 25
après la classe par l’établissement d’un temps et d’un lieu de réalisation adéquats et
par l’accès au matériel requis. (Ibid., 2020).
Ces responsabilités correspondent à celles identifiées sur les offres d’emplois affichées par les
commissions scolaires pour l’embauche du personnel éducateur, auxquelles on ajoute
généralement celle « d’observer et intervenir auprès des enfants présentant des problèmes affectifs,
intellectuels ou sociaux afin de les référer à des spécialistes […] » (Métiers Québec, 2020). On
peut donc penser que les exigences des établissements sur ce que doivent faire les éducatrices dans
leur travail s’articulent autour de ces responsabilités. Pour ce qui est de la responsabilité d’assurer
la sécurité, LeVasseur et Tardif (2010) ont souligné la prégnance de cet aspect dans le cadre du
travail des éducatrices.
En fait, une des tâches les plus routinières, mais également les plus stressantes, des
ESG [éducatrices en service de garde], consiste à gérer les allées et venues des
élèves, à les garder sous leur contrôle en permanence afin de ne déplorer en aucun
cas la disparition de l’un d’entre eux. L’application des normes de sécurité constitue
aussi une source importante de stress. (Ibid., p.122).
Parmi les objectifs des SGMS, ces auteurs soutiennent que l’aspect de la sécurité est au cœur du
travail quotidien des éducatrices.
Pour atteindre le premier objectif, nommément les responsabilités liées à l’animation
d’activités dans le cadre du projet éducatif (2) et du développement global de l’enfant (3), le MÉES
(2020) décrit le rôle de l’éducatrice en ces termes :
26
Le rôle principal et habituel de la personne salariée de cette classe d’emplois
consiste à organiser, à préparer et à animer une variété d’activités favorisant, dans
le cadre du projet éducatif de l’école, le développement global des élèves de
l’éducation préscolaire et de l’enseignement primaire dont elle a la garde, tout en
assurant leur bien-être et leur sécurité. (MÉES, 2020)
Ainsi, les éducatrices sont tenues de mettre en place des activités qui doivent s’inscrire dans le
cadre du projet éducatif de l’école. On y précise également la forme que peuvent prendre les
activités ; libres ou animées, à court ou à long terme, planifiées ou non et visant l’atteinte
d’objectifs éducatifs.
Selon cette documentation ministérielle, les articles devraient se référer modèle de
processus éducatif basé sur les travaux de Berthiaume (2004) pour mener leurs activités. Ce
modèle visant à favoriser le développement global de l’enfant suggère que l’éducateur exécute de
façon continue les actions suivantes : observer, planifier, organiser, intervenir et évaluer (MÉES,
2020). À ce propos, Caron (2016) soutient qu’une « meilleure communication quant aux stratégies,
pour aider le développement des enfants par exemple, permettrait aux éducatrices d’approfondir
les compétences professionnelles qui leur sont prescrites comme d’observer, d’évaluer,
d’intervenir » (Ibid., p.122).
Il est important de souligner que dans l’ensemble de la documentation consultée, les
orientations ministérielles ne décrivent pas ce qui est entendu par « bien-être et développement
global de l’enfant ». Pourtant, tenter de favoriser ces éléments dans le cadre du projet éducatif de
l’école fait partie du mandat éducatif de la garde en milieu scolaire. On peut penser que l’absence
La problématique 27
d’éléments définitoires explicites de ces notions oblige chaque milieu, ou pire, chaque acteur, à en
faire l’interprétation, réduisant ainsi la cohésion des actions menées autour de ces visées dans le
travail en SGMS.
Les objectifs d’assurer le bien-être des enfants et de favoriser leur développement global
et celui lié au développement d’habiletés sociales et à la coopération (4) occuperaient, selon les
écrits scientifiques consultés, une place centrale dans le travail des éducatrices œuvrant auprès des
enfants. La section suivante interroge la façon dont ces objectifs, identifiés comme centraux, sont
liés à la fonction de socialisation rattachée au travail des éducatrices en SGMS.
3.3.1 Socialisation, éléments d’analyse
Dans les écrits scientifiques, l’aspect du travail en SGMS qui a fait l’objet d’analyses est
celui de la fonction de socialisation des éducatrices. Dans une acceptation large, la socialisation
des élèves porte sur l’éducation aux modes de vie à adopter en société, consistant à « les mener à
respecter une certaine idée de la bonne conduite en société » (LeVasseur et Tardif, 2010, p. 125).
Pour d’autres, « les SGMS représentent un lieu de socialisation de première importance »
(Larouche, 2000, p. 327). Or, le processus d’intégration à la vie sociale en milieu scolaire porte
sur une multitude d’éléments : comportements à adopter en groupe, développement d’amitiés et
de l’identité de l’enfant, résolution de conflits, enseignement aux valeurs communes, apprentissage
d’habitudes de vie saines, à la vie citoyenne, etc. En participant à ce processus de socialisation, les
éducatrices des SGMS font partie de ce que les sociologues désignent comme des "agents de
socialisation" (Tardif et LeVasseur, 2010).
28
Ce travail dans les SGMS est décrit ainsi par Levasseur et Tardif (2005) :
Il peut également renvoyer à la fonction de socialisation qu’assument les
éducatrices, à la transmission des valeurs, au développement de l’autonomie et du
sens moral chez l’enfant, à la responsabilité de celui-ci par rapport à son
environnement, à l’apprentissage de la nécessité de respecter les autres et de vivre
en harmonie avec eux. Une éducatrice donne un exemple du rôle qu’elle doit
assumer en lien avec cette seconde conception du rôle éducatif des éducatrices. Elle
cherche à sensibiliser les enfants aux conséquences des gestes qu’ils posent, à
développer leur sens moral en les amenant à concevoir eux-mêmes une sanction
correspondant à la gravité de la faute commise. Ce rôle éducatif s’exerce en toutes
circonstances. […] elles doivent transmettre des « règles de vie » aux enfants, les
mener à respecter une certaine idée de la bonne conduite en société. (Ibid., p. 125)
Au cours de nos recherches avec les éducatrices en SGMS (Chalifoux et Myre-Bisaillon, 2021 et
Myre-Bisaillon et Chalifoux, 2013) nous avons été témoins des éléments du travail des éducatrices
rattachés à cette fonction de socialisation. Il a notamment été soulevé que les interventions (qui
pourraient correspondre aux finalités souhaitées en matière de rôle éducatif) que peuvent faire les
éducatrices prend diverses formes et ne sont peut-être pas faites toujours en pleine conscience par
celles-ci. On pense à des actions concrètes comme le choix de visionnement d’un vidéo musical
pour animer les enfants, choix qui n’est parfois pas approprié en milieu scolaire ou adapté à ce
type de public. S’ajoutent à ces considérations des questionnements sur la façon de faire la
discipline, sur le vocabulaire utilisé pour intervenir auprès des enfants, ou plus largement à
La problématique 29
l’ensemble des actions quotidiennes et à l’incidence du travail des éducatrices sur le
développement (social, langagier, affectif, etc.) de l’enfant. Dans l’extrait de LeVasseur et Tardif
(2005) présenté à la page précédente, on perçoit que les valeurs, les connaissances, le sens moral,
les croyances, etc., orientent en toile de fond les actions de l’éducatrice et teintent les interactions
entre les enfants et les éducatrices. Le choix et la façon d’intervenir dans une situation dépendent
en partie de l’éducatrice. De plus, étant donné le peu de formation et les finalités de la garde en
milieu scolaire, qui détient aujourd’hui une visée éducative plus explicite (sans que celle-ci ne soit
pour autant clairement définie), on entrevoit dans quelle mesure le travail des éducatrices repose
sur elles, comme personnes socialement constituées, d’expériences, de connaissances, ayant des
valeurs, des croyances, etc.
Selon Tardif et LeVasseur (2010), les responsabilités qu’assument les éducatrices des
SGMS représentent le prolongement de certaines grandes orientations de l’institution scolaire et
de la sphère du parentage. La forte fréquentation des SGMS implique que les éducatrices héritent
d’une grande part de ces responsabilités. Ainsi, le SGMS, identifié comme milieu de vie
complémentaire pour l’élève, est perçu ici sous l’angle du rôle d’éducation partagé entre la famille
et l’école. L’éducatrice s’occupe de responsabilités telles que « la supervision des repas, l’aide aux
devoirs, le bien-être et la sécurité des enfants et surtout leur socialisation » (Caron, 2016, p.109).
Pour cet auteur, comme pour LeVasseur et Tardif (2010), ces aspects du travail des éducatrices
sont liés à la sphère du parentage : les éducatrices assumeraient des responsabilités qui étaient
autrefois celles des parents. Le rôle de complément à la famille peut porter sur des tâches que les
parents n’ont pas le temps ou la capacité de faire. Toujours selon Levasseur et Tardif (2010)
« l’exemple le plus probant de l’extension du rôle social de l’école est sans doute celui du transfert
30
d’une partie des obligations et des responsabilités de la famille à l’école via notamment les services
de garde » (Ibid., p.125).
Ce transfert des obligations et des responsabilités soulève la question de la part accrue de
cette dimension de la socialisation qui s’effectue maintenant en milieu scolaire. Alors que ce travail
relevait des familles, lorsqu’il est pris en charge au sein de l’établissement scolaire, on peut penser
qu’il s’effectue en conformité aux attentes scolaires et ministérielles. Ceci nous amène à nous
interroger sur la préséance de la socialisation des enfants en termes d’attentes scolaires. On peut
penser que des milieux distincts de l’école (familial, sportif, artistique, communautaire …) peuvent
favoriser la découverte d’espaces de vie contrastés dont les normes et les attentes varient et qui
participent au développement de l’enfant. Or, la concentration de la responsabilité de l’éducation
des enfants à l’école, par l’entremise du SGMS, qui s’inscrit comme nous l’avons vu dans un
mouvement d’élargissement de la mission de l’école québécoise, mérite d’être creusée. Par
exemple, il est possible et pertinent d’examiner la responsabilité de complément à la famille joué
par les SGMS et de s’interroger sur les bases qui structurent cette responsabilité. Quelles sont les
attentes de l’école face à cette nouvelle responsabilité ? Quelles formes prennent ces attentes dans
l’action? Et finalement, quelle place occupent ces actions dans le travail quotidien des éducatrices?
En somme, dans cette section, il a d’abord été question de d’expliciter certains contours de
la garde scolaire liés à l’organisation du travail (ratios élevés, horaires atypiques, milieu scolaire,
groupes multiâges, etc.), qui présentent des obstacles en matière d’emploi dans le travail des
éducatrices. De plus, même si les éducatrices travaillent quotidiennement à l’éducation des enfants
en milieu scolaire, leur formation est limitée et leur possibilité de formation continue en parallèle
La problématique 31
avec l’augmentation des exigences de formation présente un risque pour le milieu scolaire en ce
qui concerne la disponibilité du personnel éducateur. Ensuite, il a été soulevé que des orientations
ministérielles définissent les grandes lignes du travail des éducatrices, que la finalité de leur travail
doit s’inscrire en complémentarité avec le projet éducatif, sans pour autant que des objectifs et des
moyens aient été déterminés pour ce faire. En effet, alors que la visée éducative de la garde
demeure un enjeu, on constate, du même coup, que sa définition demeure vague, qu’il en est de
même pour sa finalité et que ce travail est peu reconnu au sein des établissements et dans la société
en général. Enfin, le manque de clarification de la notion de développement global qui a été soulevé
incite à se demander si favoriser le développement global de l’enfant consiste à lui apprendre à
répondre correctement uniquement aux attentes de l’école (par exemple, à connaître les routines
et à s’y conformer). Il n’est pas rare que le discours de sens commun laisse entendre que les enfants
ou les groupes d’enfants sont « autonomes » du fait qu’ils exécutent les étapes de la routine établie
à l’école et qu’ils adoptent des comportements en fonction de ce qui est attendu. Est-ce que se
conformer aux attentes de l’école correspond à l’un des objectifs à atteindre en matière de
d’éducation? Ou, est-ce que s’interroger sur ce qui est attendu et de s’y conformer si cela est jugé
pertinent favoriserait plutôt le développement global et le bien-être d’une personne?
Ces questions débordent de la sphère de la garde en milieu scolaire et embrasse
certainement celle de l’éducation, au sens large, et de sa finalité. D’ailleurs, la finalité est entendue
dans cette recherche comme un énoncé de principe, indiquant l’orientation générale de la
philosophie, des conceptions et des valeurs, qui orientent les actions d’un ensemble de personnes,
et qui, dans le domaine de l’éducation, fonde l’organisation du système éducatif (Lenoir, 2016).
Cet aspect ne sera pas l’objet de la présente thèse, cependant, il semble fondamental de jeter un
32
regard sur les effets du phénomène sociétal de confluence des responsabilités en matière de
socialisation des enfants, aujourd’hui transférées de la famille vers l’école via les SGMS, et de
s’interroger sur les conditions dans lesquelles cette socialisation a lieu. Comme nous l’avons
montré, c’est un personnel trop peu formé et pourtant interpellé sur une multitude d’aspects de
l’éducation des enfants qui est appelé à assurer une grande part de la finalité de socialisation de
l’école québécoise. Cette problématique doit faire l’objet, selon nous, d’un questionnement sous
l’angle de l’analyse du travail et plus précisément sur ce qui organise le travail effectué par les
acteurs en SGMS.
4. ÉTUDIER LE TRAVAIL DES EDUCATRICES
Cette section servira à cibler sous quel angle et avec quel outil conceptuel étudier le travail
des éducatrices. Il sera question des éléments de la problématique qui permettent d’appréhender
ce travail et qui se traduiront par un objectif général de recherche.
Dans l’ensemble de cette problématique, les questionnements et les éléments de réponse
autour du travail fait par les éducatrices lors des périodes avec les enfants permettent de dégager
trois pans du travail dans les SGMS. Un premier aspect relevé à trait au travail de la garde, à la
fonction d’accueillir l’enfant dans le milieu scolaire, de l’accompagner dans son développement
et de reconnaître ses besoins ainsi qu’à y répondre. Ensuite, un deuxième aspect relève du mandat
éducatif, référant au travail de garde en milieu scolaire (mais aussi à la garde dans le champ de la
petite enfance) qui est lié notamment au développement d’habiletés psychomotrices et cognitives
faisant l’objet de contenus constituant l’AEP. Enfin, un troisième aspect du travail des éducatrices
englobe la fonction de socialisation qui s’adosse aux attentes des milieux scolaires ainsi qu’aux
La problématique 33
perceptions sur les façons d’éduquer les enfants. En ce sens, tenter de comprendre ce qui interpelle
les éducatrices dans leur travail et comment elles y répondent implique de prendre en compte ces
éléments du travail en SGMS. De surcroit, à ce stade de la problématique, on peut considérer que
le travail des éducatrices s’inscrit, d’une part, dans une organisation du travail, celle de l’école,
selon des prescriptions ministérielles et, d’autre part, il est effectué selon les valeurs, les
connaissances, les expériences, les savoir-faire, etc., des éducatrices elles-mêmes. Il est ici possible
d’envisager que les ressources des personnes, fruit des expériences vécues tout au long de la vie,
s’avèrent d’une grande utilité pour travailler dans ce domaine. Elles présentent également sur le
plan de la recherche de précieux matériaux pour comprendre le travail en SGMS. Ainsi, se pencher
empiriquement sur ce qui se passe dans le travail des éducatrices lors de périodes de SGMS pour
développer un cadre d’analyse permettant de s’interroger sur ce qui organise cette activité, nous
semble porteur.
À l’heure actuelle, les descriptions sur le travail concret des éducatrices dont nous
disposons sont limitées. Elles permettent certes de saisir les routines d’une journée en SGMS. À
ce sujet, les travaux de Caron (2016 ; 2017) décrivent, entre autres, à quoi peut ressembler une
journée type dans un SGMS, soit les gestes posés par le personnel le matin, le midi, l’après-midi
ainsi que durant les moments de la journée où il n’est pas en présence d’élèves. À la suite d’une
description factuelle, Caron souligne que le travail des éducatrices est rempli de nombreuses
« situations inhérentes du travail auprès des enfants : les blessures à guérir, les conflits à gérer, les
enfants à raisonner ou à consoler, etc. » (Ibid., 2017, p.1). Ce faisant, il soulève des éléments
typiques du travail des éducatrices. Toutefois, il semble que ce qui se passe dans le travail des
éducatrices en fonction des besoins des enfants, du contexte scolaire, des responsabilités qu’elles
34
ont et de la façon dont elles s’en acquittent n’est pas analysé. Il semble toujours d’actualité de
soutenir, comme Hélène Larouche le concluait dans son projet de thèse visant la formation des
éducatrices et la construction de savoirs théoriques, qu’il est urgent de mieux définir ce milieu
éducatif et de documenter le travail des éducatrices en garde scolaire (Larouche, 2000). Dans le
même sens, LeVasseur et Tardif (2005) soutenaient que l’analyse du travail quotidien en milieu
scolaire s’est surtout centrée sur le travail des enseignants tandis que peu de recherches
documentent le travail des autres acteurs scolaires. Ce qui est encore vrai aujourd’hui, car même
si des travaux (Caron, 2016 ; Chalifoux et Myre-Bisaillon 2014 ; Sorel Étienne, Lambert
Deubelbeiss et Rousseau, 2015), ont porté sur les perceptions des éducatrices en SGMS, ils ne
portent pas sur l’analyse du travail concret.
La conceptualisation de ce qui organise le travail en SGMS pourrait, pensons-nous,
permettre de mieux le comprendre et de saisir les défis qui se présentent dans ce travail, et cela au-
delà d’une énumération des tâches routinières et des compétences à développer pour ce faire. Pour
pouvoir décrire et peut-être aussi expliquer mais plus précisément chercher à comprendre et situer
le travail des éducatrices, il semble judicieux d’étudier ce travail et ce qui l’organise, en prenant
compte à la fois de ce qui l’oriente et ce qui s’y passe, ainsi qu’aux défis perçus par les éducatrices
qui l’effectuent.
4.1 Écart entre travail réel et travail prescrit
En plus des éléments typiques, relevés précédemment, Caron écrit que : « En faisant partie
du quotidien des enfants, le personnel éducateur vit des journées rythmées par les routines scolaires
et parsemées d’inattendus » (2017, p.1). Le travail des éducatrices auprès des enfants en milieu
La problématique 35
scolaire comporte une part importante d’inattendus. Comme l’ensemble des métiers à interaction
humaine, « plusieurs facteurs indépendants de l’action d’un professionnel interviennent » (Mayen,
2014, p. 28), et l’objet même du travail de la garde en milieu scolaire est largement tributaire de
cette caractéristique. En effet, il est aisé de concevoir que comme ces services sont destinés aux
jeunes enfants, ils interpellent les éducatrices et influencent ainsi les actions menées. On sait
d’ailleurs que, par la nature et la complexité du travail dédié à autrui, il ne peut pas faire l’objet
d’une prescription englobant toutes les circonstances fortuites d’une situation (Durand, 2009).
La particularité du travail des éducatrices en SGMS repose sur le fait qu’il est relativement
récent, que son mandat n’est pas clairement défini et que les prescriptions demeurent floues.
Nonobstant cette particularité, même lorsque le mandat est clairement prescrit et défini, le travail
en éducation comprend une part d’inattendu. Par exemple, Lessard (2010) écrit sur le travail
enseignant en soutenant que ce travail comporte des prescriptions qui ont pour fonction soit
d’orienter et organiser le travail en termes de tâches, soit d’identifier un ensemble de buts et de
moyens pour les atteindre. Mais ces prescriptions ne représentent qu’une partie du travail; une
autre facette porte sur le travail que l’enseignant redéfinit en travaillant, soit le travail réel.
Pour plusieurs auteurs, tels que Amigues et Lataillade (2007), le travail en éducation,
contrairement au travail productif, se caractérise par un "déficit de prescription" qui oblige les
enseignants à continuellement concevoir eux-mêmes ce qu’il y a faire, et les moyens pour le faire.
À ce propos, l’auteur défend l’idée que les prescriptions telles que les programmes d’enseignement
par exemple, demeurent floues. Malgré les nombreux acteurs qui travaillent à leur redéfinition,
elles manquent de précision. Toutefois, il nous semble plus juste de soutenir qu’étant donné la
36
contingence des situations de travail, il serait ici moins question d’un déficit de prescription, mais
bien d’une caractéristique intrinsèque de l’activité dans le travail réel. On pourrait penser que dans
le travail des éducatrices, cette caractéristique d’absence de tâches organisées en termes de buts et
de moyens à atteindre en fonction du mandat des SGMS les oblige encore plus fortement à redéfinir
leur activité en travaillant.
Dans la tradition ergonomique, le travail réel fait référence à l’activité, soit comment
l’acteur choisit d’agir en fonction de la prescription et des facteurs qui interviennent dans les
situations de travail. En fait, il est intéressant de revenir à l’étude d’Alain Wisner (Wisner, Laville,
1966) dans le cadre de laquelle le travail, celui d’ouvrières dans le domaine de l’électronique, se
voulait automatisé et répétitif. Chaque action avait été pensée et il était prévu que les ouvrières
travaillent selon le protocole affiché près de leur poste de travail. L’analyse de ce travail a permis
de lever le voile sur les stratégies développées par les ouvrières pour gagner du temps, pour éviter
les difficultés et pour prévenir les problèmes de santé. « Elles ont une activité mentale intense et
continue, elles prennent des microdécisions, récupèrent les incidents, mémorisent des opérations
à faire dans l’espace qui n’ont pourtant aucun lien logique entre elles » (Efros, Noël Lemaître et
Belliès, 2015, p.4). Ainsi, même dans le cas d’un travail pour lequel chaque action se voulait
anticipée, l’activité déborde toujours de la prescription. Nous pouvons alors aisément imaginer ce
"débordement", lorsque l’activité implique l’interaction entre humains. La prescription est
élaborée de manière à circonscrire le travail, à l’orienter, mais l’activité dans le travail s’élabore
immanquablement en situation réelle avec toute l’imprévisibilité que cela suppose. Pour ces
derniers auteurs, l’écart entre la prescription et la réalisation d’un travail est universel, il se
matérialise par l’infraction, l’invention et la transgression considérées normales. Wisner (1986)
La problématique 37
parle à ce sujet de l’intelligence du travailleur. Ainsi, entre le travail prescrit et le travail réel,
l’étude de l’activité des éducatrices permettrait de capter ce qui se tisse, entre la prescription et ce
qu’elles font, ainsi que les choix qui s’opèrent.
4.2 Concept à mobiliser
Dès les premiers contacts avec le terrain, il a semblé important de développer une meilleure
compréhension du travail de la garde en milieu scolaire. Nous avions initialement orienté l’objet
de notre étude autour des savoir-faire des éducatrices travaillant dans les SGMS. Cependant, les
observations ont permis de réaliser que les savoir-faire des éducatrices, définis principalement
comme des connaissances sur lesquelles reposaient leurs actions, n’étaient qu’une part de
l’ensemble des éléments en jeu dans leur travail. En fait, leurs savoir-faire s’exprimaient plutôt sur
le plan des compétences, référant aux connaissances, aux affects et à l’expérience des personnes.
Ainsi, étudier le travail des éducatrices sous l’angle des compétences nécessaires pour travailler
dans les SGMS semblait certes intéressant et cela d’autant plus dans l’optique d’élaborer,
ultimement, des contenus de savoirs en vue d’une formation ultérieure. Cependant, ce faisant, les
probabilités auraient été grandes d’aboutir à un référentiel "plaqué", c’est-à-dire élaboré sans
prendre en compte l’ensemble des éléments en jeu dans le travail des éducatrices en SGMS. En
effet, au-delà des savoir-faire et des compétences des éducatrices, un ensemble de contraintes, de
possibles, de tensions, d’actions, de régularités, etc. présente un intérêt en matière d’analyse du
travail lorsqu’il se déploie. Cet ensemble doit faire partie de l’analyse pour comprendre l’activité,
son sens, avant que soit défini un référentiel de compétence et par la suite de formation. C’est
d’ailleurs ce que Nagels et Lasserre Moutet (2013) font ressortir, dans leurs travaux autour de
38
réflexions critiques sur la conception d’un référentiel de compétences qui doit être précédé d’une
analyse du travail. Selon les données de recherche disponibles au sujet du travail en SGMS, il
semble essentiel d’analyser le travail à partir de l’activité des éducatrices lors des périodes de
garde.
4.3 Objectif général
De l’intérêt initial consistant à documenter ce qui se passe lors des périodes en SGMS s’est
progressivement développé celui cherchant à saisir ce sur quoi se basent les éducatrices pour faire
leur travail et ce qui permet d’expliquer leur travail lorsqu’elles sont en présence des enfants en
SGMS. Ainsi, à travers la problématique, il semble qu’à défaut d’études sur l’analyse du travail
des éducatrices auprès des enfants dans les SGMS (celles disponibles portent sur leurs perceptions,
la formation, des éléments de descriptions et d’analyse de leur fonction au sein de l’école), nous
devions a priori en proposer une, sous l’angle de l’activité des éducatrices dans le travail réel. En
effet, sous cet angle, il s’avère possible d’étudier ce qui, parallèlement aux orientations
ministérielles, à la liste des tâches et aux finalités floues de la garde en milieu scolaire, organise
ou règle les choix, les gestes et les paroles des éducatrices dans leur travail.
S’est ainsi développée l’idée que ce qui organise l’activité des acteurs dans le travail, ce
qui détermine l’univers des possibles avant qu’une action ne soit menée, serait caractérisable à
l’aide du concept de norme. Ce concept pourrait servir à conceptualiser, entre le travail prescrit et
le travail réel, ce qui règle les conduites dans un milieu de travail. Les normes liées au milieu de
travail, celles rattachées à l’activité professionnelle et celles découlant des expériences de vie des
éducatrices (formées à partir des expériences sociales), serviraient en quelque sorte à comprendre
La problématique 39
les impératifs et les conduites des éducatrices dans leur activité auprès des enfants. Ceci
favoriserait, d’un côté, une meilleure compréhension de ce qui organise le travail et, plus
largement, le métier, ses défis, et servirait à ultérieurement à orienter la formation nécessaire et les
contenus particuliers/spécifiques requis pour exercer ce travail en contexte scolaire. Une étude de
cette nature permettrait, d’un autre côté, de mettre à l’épreuve empiriquement un modèle d’analyse
du travail en éducation à partir des normes en présence dans l’activité. C’est ce que nous visons
dans le cadre de cette thèse, à travers l’objectif général de mieux comprendre les rapports
complexes qui prennent forme, entre le travail prescrit et le travail réel, dans l’activité des
éducatrices auprès des enfants en SGMS.
CADRE CONCEPTUEL
L’objectif général visant à mieux comprendre les rapports qui prennent forme, entre le
travail réel et le travail prescrit, dans l’activité des éducatrices auprès des enfants en SGMS,
oblige, en premier lieu, à préciser notre conception du concept de travail. Sous un angle
anthropologique, on pourrait définir le travail comme étant l’une des formes du rapport de
l’humain à son environnement. Ce rapport est productif, au sens de ce qui est produit par la relation
de l’humain à son environnement (Bidet et Valin, 2016). De plus, dans les sociétés modernes
s’étant développées dans une économie capitaliste, la force de travail a une valeur marchande. Le
travail devient, à ce moment, le propre de toute prestation rémunérée (Schwartz, 2016). Ainsi,
s’intéresser au travail pourrait vouloir dire s’intéresser au rapport, socialement normé, de l’humain
à son environnement dans un contexte de production de biens ou de services, s’établissant sur un
certain nombre de règles formelles et informelles, pour lequel il perçoit une rémunération. Enfin,
ces règles, et le fait de devoir travailler pour gagner de l’argent et subvenir à ses besoins,
constituent une dimension contraignante du travail.
L’intérêt de recherche portant sur le travail, tel que présenté dans la problématique, s’inscrit
dans un mouvement de l’analyse du travail. Plus précisément, l’angle d’analyse est ici développé
selon une approche sociologique, considérant le travail réel et le travail prescrit en éducation (voir
notamment, Lessard, 2010, cité précédemment, ou encore, Perrnoud, 2005), auquel s’ajoute la
notion d’activité, issue de la tradition ergonomique portant sur le travail (Daniellou et Béguin,
2004).
Cadre conceptuel 41
1. LA NOTION DE TRAVAIL ET CELLE D’ACTIVITÉ
S’interrogeant sur la définition du travail dans le domaine de l’enseignement, Rola
Koubeissy (2015) retient celle-ci dans sa thèse sur les pratiques de soutien des enseignants : « Le
travail de l’enseignant réfère à tout ce qu’il fait en classe (et hors classe) pour enseigner aux élèves :
leur assigner des tâches, utiliser des ressources et des outils, dialoguer, soutenir, circuler, prendre
des décisions rapides, gérer la classe, évaluer, etc. » (Ibid., p.51). En ce sens, le travail serait en
quelque sorte l’activité "observable" de l’enseignant et des élèves en classe ainsi que ce que cela
nécessite en dehors de la classe. Koubeissy fait ici référence au travail que l’enseignant réalise en
classe. Par rapport à cette définition, relevons une remarque permettant de préciser la conception
du travail à partir de laquelle sera construit notre objet de recherche.
Dans la définition précédente, la dimension du travail en fonction de tout ce qui est fait lors
d’une période (de garde en milieu scolaire dans le cadre de cette thèse) est centrale dans le projet
ici proposé. Par contre, il semble que ce qui est fait n’est qu’une part de l’ensemble des choix qui
auraient pu se matérialiser. Par exemple, devant la grande agitation d’un groupe d’enfants en
période de garde, l’éducatrice peut décider de proposer une période de repos, de répartir les enfants
en petits groupes, de lever le ton pour tenter de calmer l’atmosphère, de proposer une activité, ou
simplement de poursuivre sans porter attention à cette agitation. Ainsi, ce qui est fait est l’un des
possibles. Sur ce point, les écrits scientifiques portant sur l’analyse de l’activité parlent de l’activité
« réalisée » et de sa contrepartie, l’activité « non réalisée » (Clot, 1999). On prend ici en
considération que ce qui est réalisé n’est qu’une part de ce qui aurait pu se faire et qu’on pourrait
penser qu’une logique préalable, ou, dit autrement, que des mobiles permettraient d’expliquer ce
42
choix. À cet égard, l’éventail des "possibles" peut paraître infini. Cependant, ce qui importe n’est
pas de rendre compte exhaustivement de l’ensemble des possibles (nous doutons que ce soit
envisageable étant donné la contingence de l’activité) mais bien de s’intéresser à ce qui peut en
quelque sorte cadrer les conduites, leur donner une profondeur sociale et biographique. Sans aller
plus loin pour le moment, retenons que la notion d’activité au travail est vue, dans le cadre de cette
thèse, comme l’activité réalisée et non-réalisée, soit les gestes et les choix du travailleur pour
accomplir son travail (Bernoux, 2015).
1.1 L’acteur influence le déroulement du travail réel
Dans notre conception du travail, "les travailleurs" sont vus comme des acteurs, ici les
éducatrices, qui doivent jongler avec ce qu’elles doivent faire et ce qu’elles font. La notion d’acteur
fait référence à ce que Lessard (2010) décrit à travers l’évolution du regard porté par les
sociologues de l’éducation sur le travail enseignant.
Ils [les enseignants] devenaient des acteurs dotés de ressources cognitives et
sociales, insérés dans des systèmes d’action leur octroyant une autonomie relative,
armés d’outils de travail collectif institutionnalisés ou bricolés individuellement, et
confrontés à des situations de travail qui, comme toute situation de travail, les
interpellaient individuellement et collectivement, et auxquelles ils devaient
s’adapter (ce dernier verbe ayant ici un sens positif). (Ibid., p. 284).
Dans le travail réel, l’acteur est amené à prendre part à ce qui se déroule dans la situation. Dans le
même sens, il participe ainsi à cette dynamique : « Le travail a ainsi une dynamique propre : il s’y
Cadre conceptuel 43
invente et se stabilise des pratiques et des routines; il s’y élabore des catégories, des normes, des
significations, des intentions, une mémoire collective » (Ibid., p.287). Poursuivant l’objectif
d’expliquer les rapports, soit en quelque sorte ce qui organise l’activité dans le travail des
éducatrices, nous venons de poser qu’elles sont ici perçues au sens de ce qu’elles mobilisent :
compétences, savoirs et savoir-faire, sens donné au travail, affects, normes et valeurs (Roche,
2016) lors de périodes où elles travaillent avec les enfants. Elles sont donc perçues comme ayant
une incidence sur le travail réel.
1.2 Les éducatrices porteuses d’univers normatifs
Supposons que les actions des éducatrices lorsqu'elles travaillent auprès des enfants
reposent en partie sur leur expérience de vie. Cette expérience personnelle est formée d'un
ensemble d'habitudes, de façons de faire, de penser, d'intervenir qui sont réactualisées dans
l'activité des éducatrices au travail. Selon Lahire (2005), ces habitudes sont multiples et
proviennent de différentes sources, comme l'éducation familiale (celle en tant qu'enfant et celle en
tant que parent), l’école, le milieu culturel, l’appartenance religieuse ainsi que la formation et les
emplois occupés, et finalement, l'ensemble des expériences vécues. Ainsi, les éducatrices seraient
porteuses d'un ensemble d'habitudes qui se réactualisent dans leur travail et qui s’ajustent aux
normes en présence pour guider leur action en situation. Ici, le cadre théorique développé par
Bernard Lahire (2005) qui conçoit l'acteur et l'action comme étant constitués « d'une pluralité de
schémas d'expériences incorporées » (Ibid., p.30), permet de prendre en compte le système
d'habitudes qui fonde l'action. L'homme serait pluriel dans la mesure où les sources de l'action
seraient, d'une part, hétérogènes, comme nous venons d'y faire référence, et, d'autres part, non
44
cohérentes, c'est-à-dire parfois contradictoires. Il prend comme exemple le processus de
socialisation primaire, socialisation du jeune enfant au sein de sa famille, dont l'univers normatif
présente une certaine cohérence (quoi qu'il n’en soit pas nécessairement ainsi). Ensuite, l'enfant
qui grandit intègre de nouveaux lieux, garderie, école, dont les univers normatifs diffèrent et ne
sont pas nécessairement cohérents avec le précédent. Lahire soutient, de façon beaucoup plus
explicite que nous le faisons ici, que « toutes les expériences ne sont pas systématiquement
cohérentes et homogènes et même totalement compatibles et que nous en sommes pourtant bien
les porteurs » (Ibid., p.36). Par rapport à cette conception théorique, nous avançons ici que les
éducatrices sont plurielles et par conséquent, il semble intéressant de s’interroger sur les normes
qu’elles convoquent en situation pour effectuer leur travail. La cohérence ou non de leurs actions
par rapport à leurs univers normatifs (mais aussi par rapport aux normes dans le milieu de travail)
serait en partie appréhendable à partir de ce qu’elles font et de ce qui les incite à le faire ainsi et de
ce qu’elles identifient comme étant des défis ou des tensions dans le travail. Sur le plan de la
recherche, on perçoit ici la nécessité d’avoir accès au sens que la personne construit autour de ses
gestes.
1.3 Ce qui organise l’action de l’acteur au travail
En s’imaginant le travail réel des éducatrices, on pense notamment aux nombreux éléments
informels qui teintent les situations de travail, tels que les rapports entretenus avec les élèves, le
respect (ou non) des règles de l’organisation scolaire, les différents parcours des enfants qui s’y
trouvent, ceux des éducatrices, etc. Ces éléments informels sont, selon Tardif et Lessard (1999),
constitutifs du travail enseignant et plus largement des métiers à interactions humaines dont l’objet
Cadre conceptuel 45
de travail est fondé a priori sur des relations humaines qui sont toujours imbriquées dans des
rapports sociaux. On comprend que l’enseignant comme l’éducateur se voient dotés d’un degré
d’autonomie en travaillant, c’est-à-dire d’une marge de manœuvre qui fait de ce personnel, tel que
le soutient Lessard (2010), un acteur social plutôt qu’un simple agent de l’organisation ou un
simple "opérateur".
Ce dernier élément pourrait faire référence à l’idée soutenue en analyse de l’activité selon
laquelle l’acteur agit selon des mobiles : « l’activité humaine est faite d’un ensemble
d’interrelations entre individus et collectif, orientée par un mobile (conscient ou non) qui doit
permettre de satisfaire un besoin » (Efros, Lemaître et Belliès, 2015, p.3). Sans nécessairement
retenir cette notion de mobile, on peut saisir l’idée derrière, soit, les motifs qui incitent l’acteur ou
le collectif à se conduire d’une façon dans une situation. Nous comprenons que les motifs
s’expliqueraient selon les règles et les contraintes qui s’appliquent dans une situation ainsi que
selon l’univers normatif dont les acteurs sont porteurs. Par exemple, une période de garde en milieu
scolaire le matin se passe selon des règles et des contraintes différentes de celles d’une matinée à
la maison. Dans le même sens, une mère sera incitée à agir d’une certaine façon avec ses enfants
et ses gestes seront influencés par l’univers normatif lié à l’éducation familiale et l’éducatrice le
sera d’une autre façon avec les enfants de son groupe où le contexte éducatif est lié à la garde en
milieu scolaire. Pour comprendre ce qui organise l’activité dans le travail, les motifs des actions
doivent être étudiés en fonction des contextes et des acteurs (éducatrices) et de l’objet de service.
Pour Daniellou (2002), le travail est composé d’une diversité de sources de prescriptions,
soit les prescriptions descendantes, ici les orientations ministérielles ou celles de l’établissement
46
scolaire, soit les prescriptions remontantes, celles qui dans le travail dont l’objet est humain,
peuvent venir du client, du patient, de l’élève. Dans une période de garde, l’activité des éducatrices
(entre la prescription et la contingence de l’activité, marquée notamment par les besoins des
enfants) peut sembler désordonnée. Les actions peuvent paraître chaotiques, éparses, certes, mais
on peut penser que soit repérable une certaine constance (par exemple, les similarités des actions
des éducatrices d’un groupe à l’autre), basée sur des repères communs, notamment les
prescriptions descendantes et remontantes, relativement stables, sur une part de cohérence que
partagent, consciemment ou non, les personnes pour coordonner leurs actions.
Bref, le travailleur est perçu, d’une part, comme un acteur, au sens de la marge de
manœuvre dont il dispose par rapport à un ensemble de règles et de prescriptions dans le travail
et, d’autre part, par rapport à ce qu’il mobilise dans l’activité et ce qui l’incite à le faire, en fonction
à la fois d’un univers normatif et des besoins des élèves. Ainsi, cherchant à saisir ce qui organise
l’activité des éducatrices dans le travail, nous tendons graduellement vers un autre registre
d’analyse, soit une contribution à l’analyse du travail en référence aux normes organisant l’activité
des éducatrices.
2. LA NORME COMME ORGANISATRICE DU TRAVAIL
Dans une perspective philosophique, Schwartz (2016) propose que la vie en groupe des
humains est envisageable que par le partage de normes. En lien avec la première conception du
travail, présentée au début de ce chapitre comme étant la relation de l’humain à son environnement,
les normes pourraient être comprises comme étant ce qui assure une certaine régularité des actions
dans le vivre ensemble des sociétés humaines. Elles seraient d’abord le propre de l’activité
Cadre conceptuel 47
humaine (Ogien, 2003) et assureraient une certaine constance, un déroulement "normal" des
actions. Ainsi, toute activité humaine reposerait sur le partage de normes, et en contexte de travail,
les normes de "vie" et de travail seraient ce qui organise l’activité des travailleurs engagés dans
une production de biens ou de services.
2.1 Qu’est-ce qu’une norme ?
Selon Prairat (2012a), les prescriptions du travail sont des normes qu’on pourrait définir
comme des énoncés prescriptifs ou directifs qui peuvent être formulés de différentes façons, mais
qui réfèrent toujours à une obligation, ou du moins à une recommandation, sur ce que le travailleur
est tenu de faire ou de ne pas faire. Par exemple, les éducatrices doivent animer des activités. De
plus, la norme régulant les rapports humains, elle guiderait les interactions : « Non seulement elle
donne forme à la matière sociale en fixant les modalités de l’être ensemble, mais elle gage aussi
l’avenir en le faisant échapper tendanciellement au règne de l’aléa et de l’imprévu » (Ibid., p.40).
Pour imager ce que Prairat propose ici par « faire échapper à l’imprévu », on peut citer/donner de
nombreux exemples : en se rendant à un endroit, pour assister à un cours, à un spectacle, participer
à une soirée avec des amis, ou encore aller travailler, on sait à l’avance ce qui est convenu de faire,
on connaît les modes de conduite de l’action attendus à ces différentes occasions. Ainsi, les normes
organiseraient ou coordonneraient les gestes et les choix, et présenteraient une certaine régularité
(et seraient rassurantes dans la mesure où elles encadreraient les rapports humains à venir). En
accord avec Ogien (2012), Prairat (2012a) soutient qu’il ne faut pas confondre la norme avec le
jugement de valeur qui ne mène pas à un engagement. Les acteurs qui sont interpellés dans une
situation sont amenés à agir et l’action posée (parfois de manière routinière) est l’une des manières
48
de faire parmi d’autres. Alors, elle serait composée d’une dimension opératoire menant à l’action.
Pour Prairat, la norme « règle un conflit entre plusieurs manières de procéder qui sont en suspens,
elle arbitre entre plusieurs possibles, elle fixe un usage là où plusieurs usages sont en concurrence »
(Ibid., 2012a, p.39). C’est à cet égard qu’il écrit qu’elle règle les problèmes (Prairat, 2014). Donc,
la norme porte les modes de l’action, ou, dit autrement, ce qui organise l’action en fonction des
attentes. Maintenant si nous retenons que la norme est à la fois contraignante (dans le sens où elle
est prescriptive), opératoire et collective, on peut se demander comment les normes s’articulent
dans l’activité.
Pour Schwartz, l’activité se déroulerait selon un jeu de renégociation des normes
antécédentes, provenant de différentes sources (hétérodéterminées), qui seraient continuellement
en cours selon diverses temporalités : « En situation de travail, par exemple, comment hiérarchiser
son emploi du temps, ses gestes professionnels, ses postures, instant par instant, en continuité
cohérente avec les autres empans temporels avec leurs agendas propres, minute, journée,
semaine… dans lesquels ces instants s’emboîtent? » (Schwartz, 2016, p.174). Il fait ressortir
ensuite dans cet emboîtement de normes celles provenant des instances organisationnelles et celles
de politesse, par exemple. Il démontre qu’à un extrême se produit l’échec de la renégociation des
normes « si notre monde de valeurs n’arrive plus à négocier sa compatibilité avec les valeurs qui
soutiennent telles ou telles normes antécédentes, à hiérarchiser celles-ci par rapport à celui-là »
(Ibid., p.175). À ce propos, il présente le débat, la confrontation des normes de travail et
d’existence sociale, comme fécond pour rendre compte de l’espace entre travail réel et travail
prescrit. Il met cependant en garde quant à la séparation du sujet et du social pour penser le débat
de normes.
Cadre conceptuel 49
Sans reprendre l’ensemble de la perspective développée par Schwartz (2016), car il n’est
pas lieu pour nous d’étudier l’activité comme modèle d’une élaboration de la dimension
proprement humaine du vivre, nous proposons de retenir que l’activité, qu’elle soit professionnelle
ou non, est fondée sur des normes. En suivant cet auteur, on pourrait dire que les normes relèvent
de différentes sources et font l’objet de renégociations constantes permettant à l’acteur
"d’ordonner" ou d’organiser son travail. On peut penser que les actions des acteurs, malgré les
renégociations constantes, présentent certaines régularités qui pourraient être appréhendables sous
l’angle des normes hétérodéterminées. Ces différentes sources normatives seraient repérables à
travers la régularité des regroupements d’actions des acteurs. De plus, l’échec (ou non) de la
renégociation d’une norme, observable à travers les actions des acteurs, dépendrait de la légitimité
d’une norme dans l’activité. Car, si une norme tient, c’est qu’elle est considérée, consciemment ou
non, comme légitime par les acteurs (Prairat, 2014). Lorsque la majorité d’entre eux ne la respecte
plus, donc lorsqu’il y a échec de la renégociation des normes au sens de Schwartz, une nouvelle
norme serait instituée, par l’assignation d’un sens nouveau à une réalité qui est déjà là (Ibid., 2014).
La régularité dans l’activité témoignerait ainsi de la légitimité reconnue par les acteurs d’un mode
de conduite de l’action (une norme). Sur le plan opérationnel, le concept de norme serait
identifiable à partir des trois caractéristiques définies précédemment : elle est contraignante, c’est-
à-dire qu’elle porte une obligation ou une recommandation sur ce qui est tenu de faire, opératoire,
c’est-à-dire qu’elle fixe les usages et collective, c’est-à-dire qu’elle prend forme entre un ou
plusieurs personnes. Au sein de l’activité s’entremêleraient différentes sources de normes,
obligeant l’acteur à faire des choix, c’est-à-dire à renégocier constamment les normes en effectuant
son travail.
50
Sur le plan conceptuel, l’analyse des rapports entre travail prescrit et travail réel dans
l’activité des éducatrices en SGMS pourrait être effectuée en termes de normes. Plus précisément,
cet objectif cherche à expliquer la redéfinition de l’activité par les acteurs en fonction des normes
en présence dans celle-ci. Pour l’instant, nous postulons que cette redéfinition s’établit à la fois
selon la pluralité de schémas d’expériences incorporés des acteurs ainsi que selon les prescriptions
du travail des éducatrices qui devraient être issues de l’objet de service, soit, les élèves.
2.2 Normes professionnelles : dimensions du cadre d’analyse
Lorsqu’il est question de normes en milieu de travail, on parle régulièrement de normes
professionnelles. La définition de ce qu’est une norme professionnelle semble de deux ordres.
Dans un cadre, on se réfère à la norme professionnelle comme guide de ce que le travailleur doit
connaître et doit être en mesure d’exécuter dans un contexte de travail spécifique. Par exemple, le
Conseil sectoriel des ressources humaines des services de garde à l’enfance publie un guide des
normes professionnelles qu’il définit ainsi :
Les normes professionnelles décrivent ce qu’une personne exerçant une profession
donnée doit savoir et être capable de faire pour être considérée "compétente" au
sein de sa profession –c’est-à-dire le niveau requis de compétences et de
connaissances pour faire son travail de façon efficace, sécuritaire et correcte.
(CSRHSGE, 2011, p.3).
Cette conception de la norme professionnelle n’est pas celle à laquelle nous référons. Celle-ci fait
plus fortement référence à la dimension de contrainte de la norme, soit ce que la personne doit
Cadre conceptuel 51
savoir et doit être capable de faire. Elle est axée sur les compétences de l’acteur. Dans le même
esprit, elle est en quelques sortes évaluative, fixant le niveau à atteindre. De plus, ces normes
professionnelles sont orientées en fonction de la prescription, mais cette prescription n’est pas
rattachée à la raison d’être de la "profession". Dans le cadre ici développé, nous concevons la
norme professionnelle en fonction de l’objet de travail plutôt qu’en fonction de ce que l’individu
doit développer pour l’occuper. Pour Prairat (2012b), « on ne comprend vraiment les normes d’une
profession que si l’on accède au sens de ladite profession, que si l’on perçoit clairement le service
que celle-ci entend rendre et à qui elle entend le rendre » (Ibid., p.124). C’est en ce sens que nous
nous pencherons sur les normes liées au travail dans les SGMS, au "service" qui y est rendu, étape
selon nous préalable à la réflexion sur les compétences nécessaires à développer pour travailler
dans ces milieux.
Dans la logique que nous venons de décrire, c’est-à-dire cherchant à étudier la norme, non
pas en fonction des compétences des acteurs mais dans l’idée de « réinscrire les enjeux éthiques
au cœur de la pratique professionnelle » (Prairat, 2014, p.81), nous adoptons une position et
sommes conscients de l’engagement pris. Cette réinscription des enjeux éthiques autour du travail
en éducation et l’appui sur cette perspective philosophique dans le cadre d’une thèse qui cherche
à analyser l’activité présente un biais en matière de jugement de valeur. En effet, les premières
distinctions que nous présentons subséquemment sont celles mobilisées par Prairat à partir d’une
réflexion philosophique sur les normes professionnelles sur lesquelles devrait reposer le travail en
éducation. Elles portent donc un caractère idéal dans le sens de ce vers quoi le service offert devrait
tendre. Elles sont donc le fruit d’une démarche philosophique et non d’une recherche empirique.
Ceci dit, par rapport au sujet de cette thèse, soit l’activité dans le travail en SGMS, et son objet, la
52
norme, nous proposons de nous appuyer sur les dimensions développées par Prairat pour ensuite
les mettre à l’épreuve avec les données tirées du terrain. De plus, il semble important de souligner
que les choix faits à travers la construction de notre objet de recherche ne permettaient pas de nous
appuyer sur des travaux en analyse de l’activité dans le travail tels que ceux de Yves Clot (1999).
En effet, nous voulons comprendre l’activité dans le travail sans chercher à étudier le sujet dans
une perspective historico-psychologique du développement de son activité comme le fait Clot
(1999). Même si les concepts de genre professionnel et son incarnation, le style, sont intéressants,
ils ne pourraient être mis à contribution dans la présente analyse, car nous tentons de cerner les
normes dans l’activité sans nous pencher sur l’intériorisation psychique des conflits (Ibid., p.7) et
de ses effets. Ainsi, les perspectives philosophique et sociologique sont plutôt celles que nous
mobilisons pour cette analyse de l’activité dans le travail.
2.2.1 La norme de nature spécifique et morale
Prairat (2014) soutient que lorsque le travail enseignant (qui pour l’auteur englobe celui
d’éducateur) est observé sous l’angle enseignant/enseigné, ce travail repose sur deux types de
normes : les normes spécifiques et les normes morales (Prairat, 2012b). La distinction entre normes
de nature spécifique et normes de nature morale permet de conceptualiser deux premières
dimensions de normes que nous pensons distinguables sur le plan de l’activité dans le travail des
éducatrices en SGMS.
Nous identifierons, en premier lieu la façon dont les normes sont définies par l’auteur pour
ensuite chercher à les transposer au sujet qui nous intéresse. Pour Prairat (2012b), les normes
spécifiques sont faites de règles et de principes qui assurent l’enseignement de contenus
Cadre conceptuel 53
disciplinaires. Par exemple, une norme spécifique pourrait se traduire par l’enseignement d’un
certain nombre de savoirs selon une organisation progressive des apprentissages. Ce type de norme
est tenu comme légitime, cohérent et intégré à une profession et ne relève pas de l’agir individuel.
Les normes morales, pour leur part, seraient portées par l’ensemble des acteurs dont le travail vise
le bien de l’enfant, comme lui apprendre à « Ne pas se moquer, ne pas humilier, savoir
encourager… » (Ibid., p.128). L’auteur pose que des devoirs émanent des normes professionnelles
en éducation et que dans le cas des normes morales, c’est à partir du rapport adulte/enfant que les
devoirs de l’éducateur doivent être formulés.
Il convient alors de déduire les devoirs moraux du maître d’une compréhension de
ce qu’est l’acte d’enseigner mais aussi de ce qu’est l’enfance au plan ontologique.
On peut qualifier l’enfant au plan ontologique d’une triple manière : comme
nouveau venu, comme sujet vulnérable et enfin comme sujet en quête d’autonomie.
D’où trois devoirs majeurs : un devoir d’hospitalité adossé à l’idée que l’enfant est
toujours étranger au monde qui l’accueille (nouveau venu), un devoir de sollicitude
qui est reconnaissance de sa fragilité (sujet vulnérable) et un devoir de confiance
qui à la fois s’origine et se fonde dans la promesse d’adultité qu’enferme toute
enfance (le devenir autonome) (Ibid., p.129).
Les normes de nature morale feraient référence en quelque sorte à l’accueil par l’adulte de l’enfant
dans le milieu scolaire. L’accueil est vu ici en fonction du devoir d’hospitalité envers le nouveau
venu, de celui de sollicitude à l’égard de la vulnérabilité de l’enfant, et aussi en fonction du
54
développement de la confiance, à travers l’accompagnement dans le processus d’autonomisation
de l’enfant.
Dans ce qui vient d’être dit, on perçoit, à travers la description des devoirs moraux, que
s’entremêlent les attentes envers l’activité professionnelle (hospitalité, sollicitude, reconnaissance)
et les attentes visées en termes d’éducation des enfants (autonomie, confiance, sécurité, etc.)
déduites de ce qu’est l’enfance au plan ontologique. Comme la norme selon Prairat (2014) est
définie en fonction du sens de la profession, les deux types d’attentes sont prises en compte dans
notre recherche, ce qui semble logique et surtout ce qui semble faire partie intégrante de l’activité
dans le travail. Dans cette thèse, cherchant à analyser l’activité telle qu’elle se déploie, nous
proposons de cerner les normes professionnelles en jeu, en termes d’attentes envers l’activité
professionnelle, en se penchant d’abord sur l’activité des acteurs à partir d’observations, et ensuite
sur le sens que ces acteurs construisent autour de leurs gestes lorsqu’ils effectuent leur travail.
En second lieu, les normes de nature spécifique et morale paraissent transposables à
l’activité des éducatrices en SGMS. Pour ce qui est des normes de type spécifique, elles feraient
référence, dans le travail en SGMS, à la portion de prescription liée au développement d’habiletés
spécifiques. Cette prescription semble être celle qu’on identifie à travers la visée éducative en
SGMS, selon laquelle les éducatrices doivent assurer le développement d’habiletés des enfants du
primaire en réalisant des activités à prédominance psychomotrice et cognitive (Attestation d’études
professionnelles, 2011). Les normes de nature morale réfèreraient pour leur part à la fonction de
prendre soin des enfants comprise dans le travail des éducatrices en SGMS. Les éducatrices sont
responsables d’accueillir les enfants en milieu scolaire : elles sont chargées de l’hospitalité, de la
Cadre conceptuel 55
sollicitude et du développement du lien de confiance avec les enfants dont elles sont responsables.
Ces normes de nature morale font référence aux gestes des éducatrices lorsqu’elles rassurent
l’enfant, le réconfortent, le saluent à l’arrivée et au départ, l’écoutent, etc. Ces normes relèvent
également des autres acteurs en milieu scolaire mais on peut penser qu’elles sont particulièrement
présentes dans le travail des éducatrices en service de garde où la notion de garder, à l’origine de
ce travail, fait directement référence à prendre soin des enfants qui sont à l’école mais qui ne sont
pas en classe.
2.2.1.1 Les normes à caractère flou et le statut de reconnaissance
La distinction opérée par Prairat (2012b) entre les normes de nature morale et celles de
nature spécifique, appliquée au travail des éducatrices en SGMS, induit deux remarques. Nous
explorerons d’abord le statut de reconnaissance des normes spécifiques par rapport aux normes
morales ainsi que l’incidence de ce statut sur le travail des éducatrices en SGMS.
La première remarque au sujet de la distinction entre les normes spécifiques et les normes
morales a trait à leur différence en matière de statut. Pour Prairat (2012b), le statut de
reconnaissance des normes spécifiques serait acquis alors que celui des normes morales ne le serait
pas. Il prend l’exemple de l’élaboration d’une programmation d’objectifs pédagogiques : « Celle-
ci répond à l’exigence sociale légitime qu’a toute société d’exiger de ses membres la maîtrise d’un
ensemble de savoirs et de savoir-faire, elle répond aussi à une nécessité pédagogique » (Ibid.,
p.125). Ainsi, pour assurer les devoirs liés aux normes spécifiques, l’enseignant est préparé pour
ce qu’il doit enseigner et sait comment s’y prendre, ce qui est moins vrai pour les devoirs moraux.
56
Qui plus est, dans le contexte du travail en SGMS, le mandat éducatif ne s’appuie pas sur
des objectifs pédagogiques détaillés et reconnus. Il ne bénéficie donc pas de cette légitimité. Ainsi,
les devoirs rattachés au travail dans les SGMS présentent tous deux un caractère imprécis et cela
en explique peut-être le déficit de reconnaissance constaté à l’égard de la profession. Il serait
pertinent d’étudier le problème de reconnaissance récurrent relevé dans la documentation
professionnelle et scientifique au sujet du travail en SGMS à la lumière du statut des devoirs
rattachés à l’activité professionnelle3. Mais, au-delà de leur statut, les normes professionnelles
reposent sur un travail qui est largement discrétionnaire au sens défini par Durand (2009), soit par
des objectifs dont la définition des moyens à mettre en œuvre pour les atteindre demeure tributaire
de "l’opérateur". Ainsi, on pourrait penser qu’étant donné l’absence d’objectifs clairs et de
procédures pour accomplir ces devoirs, ce travail reposerait fortement sur les acteurs (porteurs
d’univers normatifs). Ainsi, suivant cette logique, l’étude de l’activité permettrait de voir si ces
devoirs, et peut-être d’autres, sont perceptibles à travers les actions des acteurs mais aussi à quels
devoirs elles donnent préséance dans leur activité. De plus, on peut penser que la différence entre
« garde » et « éducation » représente une tension traversant l’activité des éducatrices qu’il serait
pertinent d’analyser, à travers les références qu’elles font ou ne font pas à ces deux types de
3 En cherchant à valoriser le travail des éducatrices en s’appuyant sur sa fonction éducative, qui n’est pas soutenue par
un mandat clair et présente une absence de buts et de moyens pour le mettre à exécution, dans un contexte où la
formation des éducatrices demeure limitée et que les normes de nature morale présentent un statut de
reconnaissance moindre, le problème de reconnaissance du travail en SGMS s’explique bien.
Cadre conceptuel 57
« norme » et les problèmes qu’elles rencontrent dans la négociation entre les deux, dans leur travail
auprès des enfants en SGMS.
2.2.2 La norme de nature éducative
Nous venons de voir que la norme de nature spécifique réfèrerait à l’acte d’enseigner tandis
que celle de nature morale vient qualifier le rapport adulte/enfant, mais il semble qu’en plus de
celles-ci, une autre norme s’impose dans le travail en SGMS, celle portant sur l’acte d’éduquer.
Sans vouloir faire la genèse de ce qu’est éduquer, on peut tenter de préciser cette notion en
regardant ce qui la distingue de celle d’instruction.
La distinction entre éducation et instruction est rapportée par Lenoir (2016) à travers un
extrait du Projet d’éducation nationale de Rabaut Saint-Étienne écrit en 1792.
Il faut distinguer l’instruction publique de l’éducation nationale. L’instruction
publique éclaire et exerce l’esprit; l’éducation nationale doit former le cœur; la
première doit donner des lumières et la seconde des vertus; la première sera le lustre
de la société, la seconde en sera la consistance et la force. L’instruction publique
demande des lycées, des collèges, des livres, des instruments de calcul, des
méthodes, elle s’enferme dans des murs; l’éducation nationale demande des cirques,
des gymnases, des armes, des jeux publics, des fêtes nationales, le concours
fraternel de tous les âges et de tous les sexes, et le spectacle imposant et doux de la
société humaine rassemblée. Elle veut un grand espace, le spectacle des champs et
de la nature; l’éducation nationale est l’aliment nécessaire à tous; l’instruction
58
publique est le partage de quelques-uns. Elles sont sœurs, mais l’éducation
nationale est l’aînée. Que dis-je? C’est la mère commune de tous les citoyens, qui
leur donne à tous le même lait, qui les élève et traite en frères, et qui, par la
communauté de ses soins, leur donne cet air de ressemblance et de famille qui
distingue un peuple ainsi élevé de tous les autres peuples de la Terre. Toute doctrine
consiste donc à s’emparer de l’homme dès le berceau, et même avant sa naissance;
car l’enfant qui n’est pas né appartient déjà à sa patrie. Elle s’empare de tout
l’homme sans le quitter jamais, en sorte que l’éducation nationale n’est pas une
institution pour l’enfance, mais pour la vie tout entière. (Rabaut Saint-Étienne,
1792, p.231-233, cité par Lenoir, 2016, p.33)
Cette citation, nonobstant son caractère nationaliste, repose sur cette idée d’éducation en tant que
mère commune de tous les citoyens, en fonction de cet air de ressemblance qui distingue un peuple,
qui forme le cœur, celle qui donne des vertus. Elle porte à faire le parallèle avec l’apprentissage
du vivre ensemble, avec le développement de valeurs communes, de l’appartenance à une
collectivité par le biais de l’éducation. La conception de l’apprentissage du vivre-ensemble dans
les écrits (voir notamment, MEQ, 1997) fait référence, comme le remarquent Lenoir et Tupin
(2012), à la promotion de valeurs démocratiques, citoyennes et au développement du sentiment
d’appartenance à la collectivité. Selon ces auteurs,
Le discours hautement ambigu conduit à la saisir [la socialisation] en tant que
valorisation moralisatrice de la conduite humaine, en ce qu’elle prônerait le
développement, de la part des élèves, des attitudes en des conduites sociales
Cadre conceptuel 59
conformes aux règles, aux normes et aux valeurs en vigueur dans la société (Ibid.,
p.9).
Replaçant cette conception de la socialisation dans les courants sociologiques, il est possible de
faire le lien avec la conception Durkhemienne, selon laquelle la socialisation (synonyme pour lui
d’éducation) assurerait l’inculcation et la reproduction des conceptions (idées, croyances,
habitudes, pratiques) propres à la collectivité. Nous comprenons l’ambiguïté soulevée par Lenoir
et Tupin dans le sens où la socialisation s’opère aujourd’hui en l’absence de clarification et de
réflexion critique sur les valeurs communes supportant ce processus en cours dans les écoles. On
pourrait également faire le même constat à la lecture du programme de formation des éducatrices
et des éducateurs en SGMS (AEP, 2011), dans lequel, sans parler précisément de socialisation, il
est question de promouvoir le développement social, d’apprendre à vivre avec les autres, à établir
des relations "adéquates", et à promouvoir des comportements socialement "acceptables". Dans ce
programme les termes « adéquat » et « acceptable » dépendent de l’interprétation qui en est faite.
Cette interprétation est à son tour formée par le contexte d’origine de l’acteur, son âge, son
éducation, par exemple, et ainsi une large place est laissée au choix des valeurs et des normes à
promouvoir, et à l’ordre d’importance de ces derniers. Il est ici question d’enjeux éthiques au
même titre que ceux sous-jacents aux devoirs moraux et spécifiques. Ceci dit, ce n’est pas notre
intention de présenter une réflexion critique sur ce à quoi s’adosse le processus de socialisation à
l’œuvre au sein de l’école, mais plutôt de s’attarder à décrire si l’activité dans le travail des
éducatrices porte sur cette dimension, et si elle fait bel et bien l’objet de renégociations.
60
La notion de socialisation a fait couler beaucoup d’encre et a donné lieu à une multitude de
construits; socialisation anticipatrice, communautaire, différentielle, latente, manifeste, politique,
primaire, secondaire, professionnelle, scolaire, etc., (Alpe, Beitone, Dollo, Lambert et Parayre,
2013). Pour les besoins du cadre d’analyse que nous proposons afin de mieux comprendre et situer
le travail des éducatrices en SGMS, nous retenons la socialisation comme « Processus par lequel
les individus intériorisent les codes, normes et valeurs d’une société » (Akoun et Ansart, 1999,
p.481), et qui serait un processus engendré par l’acte d’éduquer. À l’instar de Tardif et Lessard
(1999), de Larouche (2000) ainsi que de Caron (2016), on peut soutenir que l’éducatrice travaille
à la socialisation des élèves, car elle développe (consciemment ou non) chez les enfants des
valeurs, des manières d’agir, de penser, d’interagir au sein de l’école (et plus largement en société),
qui existent au-delà des consciences individuelles, et qui sont intégrées à travers l’éducation. Ici
les attentes professionnelles et celles envers les élèves se distinguent ainsi : les premières sont liées
à l’acte d’éduquer, qui relève de l’éducatrice, et les secondes sont liées à la socialisation, qui fait
référence au processus qui s’opère chez les élèves. Enfin, soulevons que le choix du terme norme
de nature éducative peut engendrer une confusion, car lorsqu’il est question du mandat éducatif
de la garde en milieu scolaire, le sens commun réfère notamment au développement d’habiletés
ou de pré-habiletés qui seront utiles lorsque l’enfant fera des apprentissages ciblés par le
programme pédagogique. Ici, la nature éducative de cette norme professionnelle fait plutôt
référence à la notion plus large d’éducation présentée précédemment et non à celle de nature
spécifique qui porte sur l’enseignement formel de contenus disciplinaires.
Pour conclure cette section sur les normes professionnelles, nous soulignons l’importance
de deux éléments structurants. Premièrement, les normes professionnelles telles que nous les
Cadre conceptuel 61
concevons seront abordées en fonction de l’objet de travail, soit en ce qui concerne les devoirs qui
se rattachent à l’activité professionnelle déterminée selon l’objet de service. Pour le travail en
SGMS, les normes professionnelles ont été définies selon trois devoirs de nature morale, spécifique
(lié au développement d’habiletés spécifiques), et éducative. On constate que les devoirs
s’inscrivent tous dans le rapport entre l’adulte et l’enfant en milieu scolaire, mais que la définition
de ce à quoi se rapportent ces devoirs n’est pas du même ordre. En effet, une distinction peut être
faite. Le devoir moral est repérable à travers des actions associées à la sollicitude, l’hospitalité et
le lien de confiance développé entre l’éducatrice et l’enfant. Ce devoir témoigne de l’adhésion des
acteurs à des valeurs qui s’expriment dans les actions dans le travail auprès des enfants. Le
deuxième devoir, spécifique, est identifiable à travers l’animation d’activités éducatives en SGMS.
Le troisième devoir, éducatif, se présente sous forme d’activités non spécifiques visant
l’intégration par les élèves de normes sociales liées à différentes sphères de la vie en société. Ainsi
les premiers devoirs, moraux, font référence à des comportements repérables à travers des gestes
de l’adulte vers l’enfant mais qui sont non formalisés en termes d’activités menant à des
apprentissages, tandis que les deux autres sont liées à des activités.
Deuxièmement, nous avons avancé que l’activité se caractériserait par un emboîtement de
normes se hiérarchisant, ou dit autrement, devant être triées ou débattues pour orienter l’action, ce
dont parlait Schwartz (2016). Cet emboîtement de normes se hiérarchisant dans l’activité
relèverait, tel que nous avons tenté de l’expliquer, de deux pans, soit celui des normes
professionnelles et celui des normes de vie, incorporées par les éducatrices, qui formeraient un
système d’habitudes qui orientent l’action. Les acteurs qui se conduisent d’une façon plutôt que
d’une autre dans leur milieu de travail procéderaient à une négociation des normes et choisiraient
62
(consciemment ou non) d’agir d’une façon plutôt que d’une autre. Ainsi se jouerait ce processus
de "re-normalisation" selon les diverses normes lors de périodes de garde. Les normes sont
convoquées, ou au contraire, explicitement ou clandestinement ignorées, au profit de certaines
autres normes, dans les espaces-temps où interviennent les éducatrices. De plus, on pourrait penser
que les normes sont influencées par des valeurs dominantes à l’école ou en termes d’éducation des
enfants dans la société au-delà de l’école, etc. Enfin, nous pensons que des récurrences dans les
gestes et les paroles4 des éducatrices sont repérables à partir d’une analyse de l’activité, ce qui
permettra de cerner les normes dans celle-ci.
L’identification des normes dans l’activité serait appréhendable à partir des conduites des
éducatrices en situation avec les enfants et de leur compréhension de leur activité dans le travail.
Il semble important de préciser que nous ne nous intéressons pas directement aux processus à
travers lesquels les éducatrices convoquent les normes, mais plutôt à l’analyse de ce qui organise
la redéfinition de l’activité dans le travail. Les paroles et les gestes des éducatrices s’établissent à
partir de choix faits dans l’activité et l’analyse de cette activité, sous l’angle de la négociation des
normes, permettrait de définir, d’expliquer et de décrire les ressorts de cette activité ordinaire.
3. OBJECTIFS SPÉCIFIQUES
Au-delà de la liste des tâches et des finalités floues de la garde en milieu scolaire, l’activité
professionnelle se compose d’une multitude de gestes, de paroles et de choix effectués par le
4 Même si la parole peut être considérée comme un geste verbal, nous utiliserons le terme geste, pour les gestes corporels, les déplacements dans l’espace et la parole pour ceux verbaux car à l’étude, les indices de l’activité des éducatrices se distinguent naturellement à travers les gestes et les paroles.
Cadre conceptuel 63
travailleur pour accomplir son travail. Ce qui est réalisé n’est qu’une part des possibles et nous
soutenons l’hypothèse que cet univers de possibles est balisé par des normes. Celles-ci organisent
l’activité des acteurs qui sont constamment amenés à faire des choix lorsqu’ils travaillent. Les
acteurs disposent de moyens pour agir ou pour réagir dans les situations et comme ils ont évolué à
travers différents univers normatifs, le tri qu’ils effectuent dans leur activité au travail est
également influencé par cet univers. De plus, étant donné la nature de leur travail, soit la garde
éducative des jeunes en milieu scolaire, nous postulons que des normes professionnelles de nature
tripartite, nommément des normes morales, spécifiques et éducatives sont repérables, à différents
degrés, dans leur activité.
L’objectif général de cette thèse consiste à mieux comprendre les rapports complexes qui
prennent forme, entre le travail prescrit et le travail réel, dans l’activité des éducatrices auprès
des enfants en SGMS. Considérant le présent cadre conceptuel, nous avançons que pour définir ces
rapports complexes, le concept de norme s’avère pertinent et nécessaire. Or, la norme étant un
objet élaboré sur le plan conceptuel, n’est pas directement observable empiriquement. Ainsi, dans
le but de décrire la dynamique entre les normes qui se nouent dans l’activité des éducatrices, nous
proposons les objectifs spécifiques suivants :
1) Identifier les récurrences dans l’activité dans le travail des éducatrices ;
2) Définir autour de quelles normes professionnelles se déploie l’activité dans le travail
des éducatrices;
3) Décrire ce qui participe à la négociation des normes et à la hiérarchisation de celles-
ci dans l’activité des éducatrices.
64
MÉTHODOLOGIE
Posons d’emblée que le cheminement mis en œuvre dans le cadre de ce processus de
recherche ne relève pas de la voie « classique », voulant que l’acte d’observation, au sens large, se
fasse entre un cadre conceptuel posé et l’analyse de données. Notre investigation est née d’une
question de départ – « que se passe-t-il dans ces milieux ? » - qui a orienté le premier contact avec
le terrain de recherche et qui a mené à la construction de l’objet de recherche en parallèle et de
façon itérative aux démarches "sur le terrain". D’ailleurs, ce mouvement, alliant une part de
déduction et une part d’induction, caractériserait « les recherches concrètes » (Van Campenhoudt,
Marquet et Quivy, 2017, p.12). Si nous étions contraintes à classer la démarche dans l’un ou l’autre
des mouvements de la recherche, la part d’induction prendrait certainement le dessus dans la
mesure où c’est à partir de l’activité que nous en sommes arrivées à tenter de conceptualiser des
éléments d’un cadre permettant de mieux comprendre ce travail en milieu scolaire. En fait, le
passage de l’acte d’observation et des données recueillies vers l’analyse de celles-ci, à partir du
cadre développé, s’est fait à postériori. Dit autrement, le terrain de recherche étant gorgé d’actions
et de variables, les catégories émergeant du travail réel ne sauraient se traduire en catégories
conceptuelles en dehors du processus d’analyse et d’écriture.
1. VISÉES DE L’ÉTUDE ET CONSIDÉRATIONS MÉTHODOLOGIQUES
L’objectif du projet de thèse est de mieux comprendre les rapports complexes qui prennent
forme, entre le travail prescrit et le travail réel, dans l’activité des éducatrices auprès des enfants
en SGMS à l’aide du concept de norme. La méthode à mettre de l’avant pour ce faire doit permettre
66
de rendre compte des nombreuses variables dans l’activité. Donc, premièrement, la collecte de
données doit se faire dans le contexte de travail. Qui plus est, tenter de faire ressortir des
récurrences au sein de l’activité (et non à des interventions spécifiques liées à une dimension de
l’activité ou à une éducatrice) oblige à utiliser une méthode pour avoir accès aux éléments
récurrents. Ainsi, plus d’un acteur doit participer à la recherche et plusieurs outils doivent être mis
à contribution. Dans le lot de données recueillies sur le terrain, celles que l’on considère pouvoir
éclairer l’objet de recherche, soit les normes, seront retranchées et analysées à la lumière du cadre.
Ainsi, le sens donné par les acteurs à leur activité est nécessaire pour avoir accès à ce qui règle les
conduites et plus précisément à la négociation dans le choix des actions des éducatrices lorsqu’elles
effectuent leur travail. Enfin, ce devis de recherche conçoit l’activité comme étant l’outil
permettant de mettre en lumière les normes dans le travail. Dans cette optique, l’activité des
éducatrices en SGMS est le cas étudié dans le cadre de l’analyse du travail.
1.1 L’étude de cas
L’ouvrage sur lequel s’appuie la démarche que nous mettons de l’avant dans cette thèse est
celui du sociologue Jacques Hamel (1997). L’auteur a le souci de présenter les défis
méthodologiques de l’étude d’un cas concret, soit la représentativité du cas choisi, l’objectivité (de
la mise en œuvre de l’acte d’observation, de l’analyse et de l’écriture de celle-ci) ainsi que sa visée
descriptive. L’étude de cas a fait l’objet de nombreux écrits dont ceux présentés dans la typologie
de l’ouvrage de Karsenti et Savoie-Zajc (2011). Toutefois, malgré les nombreuses conceptions
caractérisant l’étude de cas selon les différentes disciplines et les divers auteurs, les défis
Méthodologie 67
méthodologiques présentés par Hamel nous semblent incontournables lorsqu’on envisage de
mener une recherche à partir d’une étude de cas.
1.1.1 Qu’est-ce qu’un cas?
Le phénomène concret qui nous intéresse est l’activité, elle représente le cas, soit l’objet
d’étude. Pour Hamel (1997), « La représentativité du cas tient alors à des qualités que la théorie
met en relief pour les fins de l’étude vers laquelle elle tend, de sorte que ces qualités sont, pour
l’essentiel, méthodologiques » (Ibid., p.100). En ce sens, la représentativité du cas ne ferait pas
référence au nombre de participants par exemple mais bien aux qualités du cas comme moyen pour
expliquer l’objet d’étude. Dans notre projet, la détermination du cas, soit l’activité des éducatrices
dans le travail en SGMS, par rapport à l’objet de recherche, soit les normes, s’appuie sur deux
éléments. D’une part, l’activité se déploie dans un contexte de travail réel qui permet d’étudier le
phénomène à partir des matériaux de terrain pour comprendre les normes y prenant forme. D’autre
part, cet objet permet de dégager des dimensions conceptuelles qui pourraient être mises à
l’épreuve dans d’autres activités professionnelles en enseignement ou en éducation à la petite
enfance, par exemple. L’étude de cas permet en effet d’accéder à une information détaillée du cas
qui peut éclairer d’autres cas. Pires (1997) parle en ce sens de généralisation analytique. Nous
cherchons, en fait, à généraliser un modèle d’analyse, dans le sens où il permettrait de
conceptualiser ce qui règle les conduites dans un milieu de travail. Dans le même sens, les qualités
de ce cas peuvent être envisagées par rapport au cadre conceptuel qui pourrait être transposé à
d’autres milieux de travail. Au-delà de la généralisation analytique, ajoutons, pour préciser notre
conception du "cas", que si l’objectif était d’analyser les normes dans l’activité dans le travail
68
d’éducatrices en SGMS par rapport à celle d’enseignants à l’éducation préscolaire et à celle
d’éducatrices des centres de la petite enfance, il serait question d’une étude à partir de plusieurs
cas et non de l’étude d’un cas tel qu’il est question dans ce projet de recherche.
L’analyse de l’activité au travail des éducatrices en SGMS ne sera pas étudiée par la
sélection de témoignages, mais plutôt par les éléments récurrents de l’activité dans le travail des
éducatrices. Cette conception de l’étude de cas est soutenue dans l’ouvrage de Pires (1997) sur
l’échantillonnage en recherche qualitative : « on peut apprendre la culture et les mécanismes
sociaux en action à partir des phénomènes "normaux", routiniers, qui, sans être extrêmes ou
exceptionnels, se révèlent être d'excellents fils conducteurs pour l'analyse de différents aspects de
la société » (Ibid., p.59). Ainsi, l’observation en milieu de travail et le regard des acteurs sur leur
activité seront mis à contribution dans cette optique.
Comme on le sait, l’étude de cas permet de donner une voix aux acteurs à propos de leur
expérience et cette voix est essentielle pour comprendre l’activité dans les SGMS. Soulevons que
la caractéristique principale sur laquelle se base la démarche de l’étude de cas consiste à avoir
accès à la conscience pratique : « des acteurs sociaux sont conduits à livrer le sens de leur action
collective, et par cette auto-analyse, à prendre en compte ses dimensions sociales, tout en
débordant de sa conscience pratique » (Hamel, 1997, p.62). Cette idée d’amener les acteurs à
déborder de leur conscience pratique nous incite à favoriser l’intégration d’acteurs ayant de riches
expériences terrain et celle d’autres acteurs travaillant dans les écoles à titre de conseillers par
exemple auprès des SGMS. Il semble en effet que ce "regard intermédiaire" (Ibid., 1997) sur
Méthodologie 69
l’activité puisse permettre de faire émerger la réflexion à partir du sens premier donné par les
acteurs.
Sur le plan méthodologique, il parait important de soulever un élément au sujet de la
recherche en sciences sociales, qui s’établit sur l’étude à partir d’un cas, basée sur un nombre
restreint d’acteurs qui sont mis à profit dans l’analyse. Nous nous questionnons sur le fait que,
reposant sur peu d’acteurs, les données recueillies peuvent dépendre des différences entre les
personnes choisies; une éducatrice ne fera pas son travail comme une autre, elle n’aura pas le
même tempérament par exemple. Outre cela, l’observation de l’activité d’un groupe, et donc des
gestes et des choix d’une éducatrice à un moment donné aurait pu être différente à un autre
moment. Par exemple, si l’observation proprement dite (ou l’entretien) se fait lors d’une période
et que l’éducatrice est fatiguée, ou se sent très bien, ou est blessée, ou encore s’il y a une situation
particulière, un problème d’accès au local, si une activité spéciale a lieu, etc., les données
recueillies seront teintées par ces variables. Alors, dans quelle mesure l’acte d’observation dans
une étude de cas peut-il être considéré comme étant fiable au regard de ces éléments? Ce souci
méthodologique a été soulevé par Efros, Noël Lemaître et Belliès (2015). Ces auteurs parlent de
la variabilité (industrielle, liée à l’organisation matérielle, interindividuelle, d’un individu à l’autre,
et individuelle, soit selon le moment de la journée, de l’année ou de la vie) et concluent sur le plan
méthodologique que « c’est par la comparaison entre différentes analyses de situations singulières
qu’on peut identifier ce qui sera partagé et commun et accéder à une certaine généralisation »
(Ibid., p.5). Ainsi, les actions des acteurs qui se répètent d’une période à l’autre et dans un SGMS
à l’autre deviennent des indicateurs de l’activité. On retient que le nombre d’acteurs et le nombre
70
de moments de collecte de données ainsi que la diversification des outils permettrait de limiter cet
aspect de singularité des situations et des individus.
1.2 Recherche de type descriptive : défis de l’écriture et critères d’univocité
La recherche de type descriptive repose sur le travail du chercheur qui doit rendre explicite
le passage des catégories pratiques vers celles conceptuelles, en assurant que les interprétations
des unes correspondent aux autres. Il est ici question de l’objectivité de la mise en œuvre de la
méthode. Celle-ci exige, sur le plan de l’écriture, que le choix des termes et de ce à quoi ils font
référence demeure cohérent à travers le processus de description que le chercheur met en œuvre.
Il est évident que le processus d’objectivité de l’écriture est central dans l’étude de cas :
« c’est par ce moyen que se fixent les catégories théoriques qu’on coordonne aux catégories
pratiques pour ainsi les décrire » (Hamel, 1997, p.87). Ici, la part d’écriture articulée à partir de
l’acte d’observation doit se faire en cohérence avec son référent dans l’activité et la description
rend explicite le lien entre le passage des données de terrain par l’analyse à des éléments
conceptuels. C’est exactement dans cette optique que nous référons à la description d’un cas, qui
est ici centrale dans le type de recherche mené dans cette thèse. Le langage doit être univoque,
dans le sens de permettre de distinguer les catégories pratiques des catégories conceptuelles, ce
qui signifie qu’il doit se prêter à former des catégories et des procédés opératoires pouvant être
vérifiés. Nous ne connaissons pas de technique assurant ce processus, outre celle du souci du
chercheur de ne pas induire sa grille d’interprétation dans son rapport au terrain et de rendre
explicite son cadre d’analyse. Notons que cette dernière remarque soulève selon nous un élément
central de la recherche qualitative, celui de l’inférence ; cette opération à partir de laquelle on passe
Méthodologie 71
d’une "vérité", celle des acteurs, vers une autre, celle que le chercheur tente de construire. Enfin,
Pires soulevait en ce sens l’importance de préserver le doute relativement aux "croyances" tenues
pour vraies par les acteurs (Pires, 1997) et à leur conceptualisation par les chercheurs. Pour
l’instant, retenons que l’étape préalable à cette démarche d’écriture porte sur le choix des outils
permettant la collecte des données et leur utilisation qui doit se faire dans le souci de rendre compte
des logiques propres aux acteurs dans leur contexte et non à l’interprétation de celui qui mène ces
actes d’observation.
2. CONTEXTE DU PROJET DE RECHERCHE
Le projet de recherche à partir duquel les données de thèse ont été recueillies s’est tenu au
cours de l’année scolaire 2017-2018. Tel que nous l’avons expliqué d’entrée de jeu, le projet de
thèse s’est inscrit dans un projet de recherche plus large autour de l’animation d’activités d’éveil
à la lecture et à l’écriture (ÉLÉ) auprès des enfants de 4 ans, 5 ans et 6 ans en milieu scolaire
défavorisé. Les objectifs portaient sur le développement professionnel des éducatrices en SGMS
et visaient aussi à mesurer le développement (au cours d’une année scolaire) des habiletés en ÉLÉ
des enfants inscrits à la maternelle 4 ans qui fréquentaient les SGMS par rapport à ceux qui ne les
fréquentaient pas. La recherche a pris forme à la suite d’une demande du programme ministériel
Une école Montréalaise pour tous dont le mandat est de développer des projets permettant de faire
le pont entre la recherche en éducation et le travail. C’est dans ce cadre que l’équipe de recherche
a été approchée pour offrir de la formation et de l’accompagnement aux éducatrices en SGMS.
Alors que la formation auprès des éducatrices avait pour objectif de leur fournir des outils
pour animer des activités d’ÉLÉ en SGMS, les démarches subséquentes auprès des éducatrices ont
72
pris deux formes. D’abord, l’accompagnement à travers l’animation des ateliers d’ÉLÉ a été mis
en œuvre, auquel s’est greffée la démarche propre au présent projet de recherche consistant à mener
des observations et des entretiens avec les éducatrices pour favoriser une meilleure compréhension
de leur activité au travail auprès des enfants. En tout, 7 éducatrices ont été invitées à participer à
cette démarche, ainsi que 2 conseillères pédagogiques travaillant en soutien aux SGMS.
2.1 Écoles et participantes
Le projet s’est développé dans trois écoles provenant de trois commissions scolaires situées
à Montréal en milieu multiethnique classé défavorisé. Les écoles ayant participé au projet sont
situées dans différents arrondissements de Montréal, soit, Montréal-Nord (École 1), Saint-Léonard
(École 2), ces deux écoles font partie de la commission scolaire de la Pointe de l’île et
arrondissement Saint-Laurent (École 3) école rattachée à la Commission scolaire Marguerite-
Bourgeoys. Ces écoles sont toutes classées comme étant en milieu défavorisé. Le classement de
défavorisation du ministère de l’Éducation et de l’enseignement supérieur est basé sur l’indice du
milieu socioéconomique (IMSE) et l’indice du seuil de faible revenu (SFR). L’IMSE est calculé à
partir du niveau de diplomation de la mère (2/3 de l’indice) et l’emploi ou le non-emploi des
parents lors du recensement (1/3 de l’indice) tandis que le SFR « correspond à la proportion des
familles avec enfants dont le revenu est situé près ou sous le seuil de faible revenu » (MÉES,
2020). Les écoles sont classées sur une échelle de 1 à 10. Un classement de 9-10 représente l’indice
de défavorisation le plus élevé. Les trois écoles qui participent au projet ont été classées ainsi en
2017-2018 : École 1 et 3, SFR 10 et IMSE 10, École 2, SFR 10 et IMSE 9 (MÉES, 2020).
Méthodologie 73
À l’École 1, 11 groupes d’âge préscolaire sont formés au SGMS : 6 groupes de maternelle
5 ans, 5 groupes de maternelle 4 ans (2 groupes à temps partiel passant des demi-journées avec
une éducatrice, et 2 groupes à temps plein). À l’École 2, sur les 8 classes de maternelle 5 ans, 4
groupes fréquentent le SGMS. Pour ce qui est de l’École 3, 2 classes de maternelle 4 ans à temps
plein, 8 classes 4 ans à temps partiel (demi-journées) et 6 groupes sont formés en SGMS. Lorsqu’il
est indiqué que des enfants sont inscrits à la maternelle pour des demi-journées, cela veut dire
qu’ils sont avec un enseignant pour la demi-journée. La plupart de ces enfants demeurent à l’école
pendant l’autre moitié de la journée et sont sous la responsabilité d’une éducatrice (ce qui est
appelé dans le milieu un « service complémentaire »), mais ne sont pas nécessairement inscrits au
SGMS soit avant ou après les heures de classe, ainsi qu’à l’heure du dîner.
Un total de 7 éducatrices travaillant auprès de plus de 140 enfants d’âge préscolaire a
participé au projet de thèse. Deux éducatrices travaillent à l’école 1, elles sont toutes deux
originaires du Québec et comptent, chacune, plus de 15 années d’expérience en SGMS. Deux
éducatrices travaillent à l’École 2, l’une est d’origine algérienne et l’autre québécoise, elles
comptent plus de 10 années d’expérience en SGMS. Trois éducatrices travaillent à l’école 3, l’une
est originaire du Chili et les deux autres proviennent du Maroc et de la Tunisie, 2 d’entre elles ont
plus de 15 années d’expérience en SGMS et la troisième occupe ce travail en alternance avec des
études. Des 7 éducatrices, 1 éducatrice est détentrice de l’attestation d’études professionnelles
(AEP) pour éducateur et éducatrice en SGMS, tandis que les 6 autres n’ont pas suivi cette
formation, étant donné qu’elles ont été embauchées avant la création de celle-ci. Nous soulignons
ici le nombre d’années d’expérience, la formation (AEP) et les différentes origines des éducatrices
car, pour répondre aux objectifs de recherche, des données seront recueillies autour du sens donné
74
par les éducatrices à leur activité et nous postulons que leurs parcours (éducation familiale,
systèmes scolaires, culture, etc.) peuvent teinter ces perceptions. Plus largement, dans les SGMS
participants, plus de la moitié des éducatrices travaillant dans les SGMS visités présentent les
caractéristiques (langue, peau et prénom) de personnes d’origine immigrante.
2.2 Choix des instruments et déroulement de la collecte de données
Les instruments de collecte de données ont été choisis en fonction des objectifs spécifiques
de la recherche. Comme présenté précédemment, pour identifier les récurrences dans l’activité
dans le travail des éducatrices (1) et définir, dans un premier mouvement, autour de quelles
normes professionnelles se déploie l’activité dans le travail des éducatrices (2), des observations
ont d’abord été menées pendant des périodes de SGMS. Ces observations devaient permettre à
l’équipe de recherche de « faire l’expérience » de chaque milieu lors d’une période du matin, du
midi et du soir dans chacune des trois écoles dans lesquelles des éducatrices participent au projet
(soit 9 périodes d’observation). Lors des premières observations effectuées dans les milieux, j’ai
été présentée informellement aux acteurs scolaires (secrétariat, direction, enseignants, éducatrices,
surveillantes, etc.) comme membre de l’équipe de recherche de l’Université de Sherbrooke. Cette
première série d’observations s’est effectuée sans grille car les éléments du contexte et les actions
à observer ne sont pas donnés d’avance. Ces premières observations étaient donc libres, non
participantes et non dissimulées selon la typologie des techniques d’observation de Giroux et
Tremblay (2009). Les données recueillies lors des moments d’observation ont été colligées dans
un carnet visant à noter les observations de façon factuelle, précise et détaillée.
Méthodologie 75
Notons que les observations initiales, comme celles en cours de projet (qui seront
présentées subséquemment), se sont avérées nécessaires pour expliquer l’activité et définir les
normes professionnelles. En fait, l’activité, son organisation et sa logique (le cas échéant), est en
quelque sorte invisible aux acteurs. Lors des échanges en groupe ou des échanges individuels, il
est difficile d’avoir accès à l’activité "naturelle". Nous avons plutôt accès à ce que les éducatrices
pensent de leur activité, ou comment elles l’expliquent ou encore comment elles l’interprètent pour
la comprendre. Cette activité naturelle ou ordinaire est difficilement descriptible pour l’acteur,
c’est l’environnement dont il fait partie. De plus, les données recueillies à l’aide des observations
permettent de capter certains éléments concrets de l’activité pour favoriser la discussion autour de
ceux-ci.
Le deuxième moment de collecte de données visait toujours le premier et le deuxième
objectif mais aussi l’amorce du troisième objectif cherchant à décrire ce qui participe à la
négociation des normes et à la hiérarchisation de celles-ci dans l’activité des éducatrices. Ainsi,
l’entretien de groupe semi-dirigé a été choisi car il permet aux éducatrices de s’interroger sur leur
activité dans le travail et donne ainsi accès à des informations et à des réflexions riches. Les thèmes
proposés lors de cet entretien ont été déterminés en fonction des observations antécédentes et se
voulaient larges pour permettre, d’une part, aux éducatrices de discuter des éléments communs et
des tensions dans leur activité dans le travail et, d’autre part, à l’équipe de recherche de mettre en
relation ces propos par rapport à ce qui a été observé. En ce sens, cette technique permet de laisser
parler ouvertement les acteurs en recentrant les propos autour des objectifs de recherche au besoin
(Van Campenhoudt, Marquet et Quivy, 2017). De façon plus générale, les thèmes identifiés à
travers les phases d’observation ont orienté de manière itérative la collecte de données.
76
Il semble pertinent d’ajouter que comme les questions posées lors de l’entretien (voir
Annexe A) visaient la réflexion à la fois personnelle et collective, la démarche proposée aux
éducatrices s’est déroulée en deux temps; elles ont été invitées d’abord à rédiger leurs réponses
individuelles aux questions suggérées, et ensuite à part de leurs réflexions au groupe; les échanges
se sont poursuivis à partir de ces réponses. Des enregistrements audionumériques ont été effectués
et retranscrits pour les besoins de l’analyse. À la fin de cet entretien, un carnet d’observations a
été remis aux éducatrices (Annexe A). Il a été demandé aux éducatrices de rédiger dans ce carnet,
à la suite d’une période (un matin, un midi et un après-midi), une description la plus détaillée
possible du déroulement des actions menées pendant la période. Dans le même esprit, les
éducatrices ont été invitées à faire la description par écrit d’un défi quotidien rencontré dans leur
milieu. La consigne principale de cet exercice consistait à rédiger cette description tout de suite
après la période.
Les moments de collecte de données subséquents, représentés à la Figure 1, ont été mis en
place pour amasser des données autour des trois objectifs spécifiques. Des entretiens téléphoniques
ont été prévus pour recueillir verbalement les informations colligées dans les carnets d’observation
par les éducatrices. Les données recueillies dans ces entretiens ont servi à organiser la deuxième
série d’observations qui a eu lieu dans les milieux. En effet, l’accès aux carnets d’observation des
éducatrices a permis d’identifier certains éléments récurrents de l’activité des éducatrices. La
deuxième série d’observations (9 périodes), a été orientée à partir d’éléments récurrents émergents
notés par les éducatrices dans leurs carnets, mais aussi en fonction des observations initiales et du
premier entretien semi-directif. Ainsi, cette phase d’observation se voulait plus ciblée et autorisait
la participation de la chercheuse, selon les techniques répertoriées par Giroux et Tremblay (2009),
Méthodologie 77
du fait que cette dernière connait certains thèmes récurrents de l’activité des acteurs et peut donc
participer à des actions avec eux. Certaines de ces périodes ont été enregistrées à l’aide d’un
magnétophone audionumérique (lorsqu’elles se passaient à l’extérieur ou dans le gymnase ou que
plusieurs déplacements étaient faits, nous n’avons pas enregistré les périodes). La grille
d’observation a été construite, a posteriori, à partir des enregistrements, en fonction du cadre
d’analyse autour des normes. L’écoute de ces périodes, enregistrées en temps réel, donne accès à
ce que les acteurs font ordinairement lorsqu’ils effectuent leur travail. Ces enregistrements lors des
périodes de garde permettent plus spécifiquement d’approcher le déroulement "naturel" de
l’activité et de s’intéresser à ce qui l’organise, ce que nous tenterons de représenter par écrit. Après
les observations, de brefs entretiens individuels de type compréhensif (Van Campenhoudt,
Marquet et Quivy, 2017) ont été menés. Ces discussions visaient une compréhension plus fine des
actions observées et du raisonnement de l’éducatrice autour de ces actions.
78
Figure 1. Schéma de collecte de données
Enfin, deux entretiens de groupe semi-dirigés (voir Annexe B) ont eu lieu en lien avec les
informations recueillies auparavant et avec certains éléments conceptuels qui prenaient forme
progressivement à travers l’émergence de catégories d’analyse. Lors du dernier entretien, un bilan
des informations recueillies dans ce projet de recherche visait à susciter les échanges quant à
certains éléments conceptuels portant, notamment sur ce qui influence les conduites des
éducatrices lors des périodes de SGMS.
ANALYSE DES DONNÉES/RÉSULTATS
Les résultats ont été analysés en poursuivant l’objectif général suivant : mieux comprendre
les rapports complexes qui prennent forme, entre le travail prescrit et le travail réel, dans l’activité
des éducatrices auprès des enfants en SGMS. Cet objectif se décline plus spécifiquement selon ces
trois objectifs : (1) identifier les récurrences dans l’activité dans le travail des éducatrices, (2)
définir autour de quelles normes professionnelles se déploie l’activité dans le travail des
éducatrices, (3) décrire ce qui participe à la négociation des normes et à la hiérarchisation de
celles-ci dans l’activité des éducatrices.
Lors de la première phase d’analyse, l’écoute et la transcription des données observées ont
permis d’approcher l’activité lorsqu’elle se déploie, de façon ordinaire, dans le travail réel. Cette
phase a permis d’explorer les objectifs spécifiques de recherche 1 et 2. Par la suite, l’analyse des
données déclarées, c’est-à-dire des entretiens individuels tenus à la suite des observations, des
entretiens de groupe lors de séminaires5 et des traces écrites colligées par les éducatrices a permis
d’amener des précisions sur l’objectif spécifique 2 et d’atteindre l’objectif spécifique 3.
Avant de présenter les analyses en fonction des objectifs spécifiques, des éléments du
carnet de terrain sont mis en forme dans la prochaine section pour permettre au lecteur de suivre
le fil des observations. Dans ce carnet, des données de deux ordres ont été recueillies, celles portant
5 Séminaire, c’est ainsi que nous avons nommé les entretiens de groupe semi-dirigés avec les éducatrices car ils se voulaient un lieu d’échange et de réflexion, entre l’équipe de recherche et les éducatrices, sur l’activité dans le travail en SGMS.
80
directement sur ce qui a été observé lors des périodes (avec un souci de décrire les actions et les
interactions qui se matérialisent et, dans la mesure du possible, qu’un autre observateur aurait pu
noter de façon semblable) et celles portant sur des éléments de réflexion, de questionnement du
chercheur et des impressions, notées en marge pendant les observations ou à la suite d’une série
d’observations.
1. DESCRIPTIONS PRÉLIMINAIRES : LE CONTEXTE DE TRAVAIL
Au cours des observations, soit avant l’analyse des données proprement dites, s’est opéré
un mouvement de mise en évidence de ce qui était différent, ou semblable, d’un SGMS à l’autre.
Parfois, ces données ne sont pas directement liées à l’activité des éducatrices lorsqu’elles sont en
présence des enfants, mais elles méritent d’être soulevées, car elles témoignent de certains
éléments qui peuvent, directement ou indirectement, influencer cette activité et la
conceptualisation qui peut en être faite. Ces descriptions préliminaires tirées du carnet de terrain
portent sur l’horaire dans les écoles, les lieux où se déroulent les périodes des SGMS ainsi que les
éléments liés au statut d’emploi du personnel qui gravite autour de celui rattaché au SGMS. Ces
données préliminaires seront réinvesties dans la mise en relation des résultats et de certains sujets
traités dans la discussion.
1.1 Horaire
Les SGMS qui ont participé au projet de recherche sont ouverts, approximativement, entre
6 h 30 et 18 h. Un horaire type est organisé de la façon suivante pour les groupes du cycle
d’éducation préscolaire.
Analyse des données/résultats 81
Tableau 1. Horaire type, d’enfants à l’éducation préscolaire
SGMS Classe Dîner SGMS ou surveillance Classe SGMS
6h30 à 8h33 8h43 à 11h22 11h27 à 12h42 12h47 à 15h 15h05 à 18h
Tableau inspiré du site Web de l’École 2 (2020).
Les horaires des SGMS visités sont, à 15 minutes près, similaires à celui-ci. Dans ce tableau,
l’addition du nombre d’heures de classe par rapport au nombre d’heures de SGMS permet de
constater que le temps passé en SGMS peut être plus grand que celui passé en classe pour les
enfants inscrits à temps plein. Cependant, ce ne sont pas tous les enfants qui fréquentent les SGMS
de 6 h 30 à 18 h. Dans les SGMS visités, il a été observé que les heures d’arrivées et de départs
d’une majorité d’enfants qui les fréquentent se font entre 7 h 30 et 8 h, en début de journée, et entre
16 h et 17 h, l’après-midi. On pourrait donc penser qu’une proportion importante d’enfants qui
fréquentent les SGMS visités passent environ 8 h 30 par jour à l’école, soit plus de 42 h par
semaine. À ce sujet, les écrits du Conseil supérieur de l’Éducation (2006), rapportés dans la
problématique présentée au premier chapitre, indiquent le fait que bon nombre d’enfants passaient
plus de 50 h par semaine à l’école. Dans le cadre de cette recherche, il a également été constaté
que plusieurs enfants arrivent autour de 7 h et repartent à la fermeture du SGMS. Nos données
corroborent donc celles du Conseil supérieur de l’Éducation (2006).
Les périodes d’observation effectuées dans les trois écoles ont débuté à 6 h 30. À ce
moment, une ou deux éducatrices étaient sur place. Parfois, elles prenaient leur déjeuner et on
comprenait à travers les échanges informels qu’elles considéraient que la journée commençait tôt,
car elles disaient devoir se réveiller autour de 5 h. Parmi les éducatrices participant au projet de
82
recherche, cinq éducatrices travaillaient pendant les trois périodes d’observations. Lors des
observations, deux de ces éducatrices étaient présentes à l’ouverture du service de garde et à la
fermeture. L’une est demeurée à l’école toute la journée tandis que l’autre a fait des aller/retour à
la maison entre les périodes de garde. Ainsi, pour ces cinq éducatrices, la journée de travail
s’échelonne sur 12 heures, mais le temps de travail et la rémunération pour celui-ci est d’environ
6 h ou 7 h, selon les horaires d’arrivée et de départ déterminés. Pour ce qui est des deux autres
éducatrices, l’une travaillait auprès de groupes d’enfants inscrits à la maternelle mi-temps. Elle
était donc en présence des enfants pendant une demi-journée de classe (l’enseignant assurant
l’autre demi-journée) et elle travaillait pendant la période du diner. Enfin, la septième éducatrice
travaillait certains midis ainsi qu’après les classes, soit entre 15 h et 18 h.
Une première remarque s’impose en fonction des observations colligées dans le carnet de
terrain. L’horaire, plus précisément le temps, calculé à la minute, ponctue les arrivées et les départs
des éducatrices ainsi que toutes les activités6 qui se déroulent dans une journée type. Par exemple,
les éducatrices, lors de la période du matin, sont attendues à des heures précises : la première arrive
à 6 h 15 min, la deuxième à 6 h 30 min, la troisième à 6 h 45 min, la quatrième à 7 h. Ensuite,
l’horaire d’arrivée des éducatrices est prévu aux 5 min ou 10 min, 7 h 05, 7 h 10, 7 h 15, 7 h 25,
etc., jusqu’à 8 h. Suivront les cloches en fonction de l’horaire de classe, 8 h 33 min, première
cloche, 8 h 43 min, deuxième cloche. Après la deuxième cloche, les éducatrices ont terminé leur
6 Lorsque le mot activités est utilisé au pluriel il fait référence à celles qui regroupent une série d’actions rattachables à un but déterminé dans une période de garde : faire un bricolage et prendre la collation sont des activités. Tel que défini dans le cadre conceptuel le mot activité au singulier fait référence à l’activité réalisée et non-réalisée, soit, l’ensemble des paroles, des gestes et des choix du travailleur pour accomplir son travail.
Analyse des données/résultats 83
période de travail du matin, et ainsi de suite pour la journée organisée à la minute près, comme le
démontre l’horaire type présenté plus tôt. À l’issue des séries d’observations, on relève la
prégnance du temps, son découpage minutieux, qui dicte les moments de l’activité des éducatrices,
mais aussi celle des enfants. Il en est certainement de même pour le travail de tous les acteurs
scolaires, mais ce qu’il y a de particulier pour le personnel des SGMS, c’est qu’il est responsable
de l’ensemble des transitions dans la journée. Ce travail est donc caractérisé par la fréquence du
nombre d’arrêts et de reprises de l’activité dans une journée.
1.2 Lieux
L’accueil des enfants dans les SGMS des Écoles 1 et 2 se fait dans des locaux situés au
demi-sous-sol ou au sous-sol. Le parent sonne et l’éducatrice appuie sur un bouton pour
déverrouiller la porte. Elle ne croise donc pas nécessairement le parent, car l’enfant entre seul.
Dans l’École 3, c’est au premier étage que les enfants sont accueillis, par la porte principale qui
n’est pas verrouillée (ouverte lorsque le temps le permet). Dans cette école, le parent, l’éducatrice
et l’enfant se voient à l’accueil. Pour ce qui est de la fin de la journée, dans tous les SGMS visités,
les parents entrent dans l’école par la porte du SGMS et ont un contact avec la personne présente
à l’accueil. Ce n’est donc pas nécessairement l’éducatrice qui s’occupe de l’enfant qui croise le
parent, mais un membre du personnel du SGMS.
On remarque des points communs à propos des locaux dans les SGMS des écoles
participantes. Ils sont tous éclairés au moyen de néons, les murs et les plafonds sont fréquemment
décorés d’images, parfois de bricolages faits par les enfants ou de photos d’eux, de leurs familles,
et l’espace est aménagé avec des tables et des chaises, comme lorsque les enfants sont en classe.
84
D’ailleurs, la position assise, sur des chaises autour de tables, est celle observée comme étant la
plus fréquente dans les heures de SGMS. Lors de jeux libres, il arrive que les enfants soient
allongés pour jouer ou se reposer, les activités telles que la danse se font également debout, mais
les tables et les chaises occupent largement l’espace dans les SGMS visités. Les lieux comme la
cour d’école et le gymnase sont fréquentés au moins une fois dans toutes les journées de garde
observées. Pour ce qui est des périodes du midi, ce sont les locaux de classe qui sont utilisés dans
les trois SGMS et il en est souvent de même pour les périodes de garde l’après-midi à partir de 15
heures. Après la collation de l’après-midi, les groupes changent parfois de local et vers 17h, les
enfants encore présents au SGMS sont réunis dans un local, souvent celui désigné comme étant le
local du SGMS.
Différents constats peuvent être faits à propos des lieux. Premièrement, le personnel des
SGMS voit les parents des enfants qui le fréquentent une ou deux fois par jour, ce qui n’est pas le
cas des autres acteurs qui gravitent autour de l’enfant pendant la journée scolaire. Deuxièmement,
les éducatrices changent de locaux au cours de la journée, elles occupent fréquemment les mêmes
locaux que ceux des enseignants et l’espace est généralement aménagé comme il le serait dans un
contexte d’enseignement/apprentissage traditionnel au Québec. Pourtant, le mandat des SGMS
n’est pas celui de l’instruction, mais bien de la garde éducative. On peut donc ainsi s’interroger
sur la concordance entre les lieux physiques utilisés par les services de garde au sein des écoles et
la finalité des SGMS.
En terminant, différents constats peuvent être soulevés au sujet de l’accès aux lieux. Par
exemple, le fait que les portes des écoles, et donc des SGMS, soient ouvertes, non verrouillées
Analyse des données/résultats 85
dans une école, et verrouillées dans les deux autres écoles, peut être mis en perspective avec une
impression notée lors des observations.
Observatrice : À l’École 2, toutes les portes sont verrouillées, après avoir sonné, on
m’ouvre et j’entre dans l’école, je fais quelques pas dans le corridor et on me
demande ce qui explique que je circule dans l’école sans identification. Je suis
dirigée vers le secrétariat pour obtenir une étiquette autocollante avec mon nom et
le nom de l’université pour avoir droit de circuler dans l’école. On me précise que
je dois, en tout temps porter cette étiquette. Le lendemain, à l'école 3, les portes sont
ouvertes le matin, la dame accueille les enfants par cette porte et je circule librement
toute la journée, sans étiquette. (École 2, O, 2017)7
Cette expérience sur le terrain porte à réfléchir sur les mesures de sécurité liées à l’accès à l’école
et à son effet sur le sentiment de danger que représente le milieu extérieur pour les parties prenantes
principales, soit les enfants, les parents et le personnel scolaire. Qui plus est, cette tendance
relativement récente de verrouiller les portes des écoles au Québec invite à s’interroger sur
l’incidence de cette pratique sur la diminution des possibilités de moments d’échange,
d’interaction, entre les parents et le personnel scolaire en présence de l’enfant (et aussi de
l’émergence des collaborations qui peuvent s’y créer). D’ailleurs, dans les SGMS participant au
7 L’identification des extraits est organisée ainsi dans ce chapitre. Nous identifions d’abord l’éducatrice (ou l’école) à l’aide d’un chiffre, ensuite l’instrumentation (O, observation; ET, entrevue téléphonique; EI, entrevue individuelle; CO, carnet d’observations de l’éducatrice; S1, séminaire 1, soit premier entretien semi-directif) et le moment : École 2, O, 2018. Aussi, les éducatrices identifiées par des lettres, plutôt que par des chiffres, sont des éducatrices qui n’ont pas participé au projet mais qui travaillaient lors des périodes d’observation. Pour ce qui est des noms des enfants cités dans les extraits, ils sont fictifs.
86
projet, il est notable que les interactions du personnel du SGMS de l’école 3 (portes déverrouillées)
avec les parents étaient plus fréquentes quotidiennement que celles des écoles 1 et 2.
1.3 Statut des emplois
Lors des observations, avant le début des périodes de garde, il est constaté que le personnel
en présence dans le local du SGMS occupe différents emplois. Parfois, ce personnel remplit la
fonction de surveillant (même si les surveillants ne font pas partie du SGMS, ils sont présents au
local du SGMS, avant et après les périodes), d’autres fois celui d’éducateur ou encore d’éducateur
de services complémentaires (ce sont les éducatrices qui travaillent durant les demi-journées,
lorsque les enfants de 4 ans ou de 5 ans sont en classe une partie de la journée et qu’ils sont au
SGMS durant l’autre demi-journée). Il est possible de comprendre, à travers les échanges avec les
éducatrices, que les conditions de travail des éducatrices des services complémentaires sont
enviées. Par exemple, elles nomment que les heures travaillées sont moins étalées dans la journée.
Également, une certaine fierté semble être associée au statut des emplois des éducatrices des
services complémentaires, car elles complètent, en quelque sorte, la tâche de l’enseignant. Selon
la même logique, le travail des surveillants est moins envié par les éducatrices, car ceux-ci
travaillent surtout pendant le dîner et qu’ils sont responsables de groupes d’enfants nombreux, soit
50 enfants pour un surveillant. Enfin, avant les périodes de garde s’agglomèrent dans le local
principal des SGMS visités plus de quinze éducatrices. Parmi celles-ci, entre quatre et huit
éducatrices, par jour observé, effectuaient des suppléances. Ces observations corroborent celles
présentées dans la problématique car, même si elles ne portent pas sur la stabilité du personnel au
Analyse des données/résultats 87
cours de l’année, elles témoignent du "roulement" de personnel sur une base quotidienne dans les
SGMS, ce qui a été relevé dans les écrits entourant cette question.
Horaire, lieux et statuts d’emploi, ces éléments autour du contexte de travail en SGMS
seront discutés par rapport à d’autres éléments d’analyse de l’activité qui feront l’objet des
prochaines sections de ce chapitre.
2. IDENTIFICATION DES RÉCURRENCES DANS L’ACTIVITÉ
Cette section de l’analyse des résultats vise à identifier les récurrences dans l’activité dans
le travail des éducatrices, soit le premier objectif spécifique de cette thèse. Pour atteindre cet
objectif, les données observées ont largement été mises à contribution et l’analyse s’appuie
également, mais dans une moindre mesure, sur quelques extraits de données déclarées. La présente
section porte d’abord sur le choix des données permettant d’avoir accès à l’activité comme elle se
déroule. Ensuite, l’analyse des données recueillies à différents moments de la journée permet de
mettre en lumière la multiplicité des actions dans l’activité des éducatrices. Enfin, les récurrences
dans l’activité sont analysées en termes de séquence d’activités et de constance dans les actions
observées lors des différentes périodes et auprès de l’ensemble des éducatrices.
Il semble important de préciser, avant de présenter les résultats, que l’analyse effectuée à
partir des enregistrements lors des périodes de garde a pu être orientée autour des récurrences dans
l’activité des éducatrices car ces dernières laissent entrevoir ce qui organise l’activité au travail
lors de ces entretiens. Pour qu’une action ou une activité soit considérée comme récurrente à
l’analyse, elle doit se répéter lors de différentes périodes de garde et se reproduire d’une éducatrice
88
à l’autre. En effet, bien que des récurrences soient certainement retraçables à travers les périodes
travaillées par la même éducatrice (des observations répétées dans le même groupe auraient pu
être faites, si tel avait été l’objectif de la thèse), elles ne permettraient pas d’analyser ce qui dépasse
l’habitude singulière ou la routine d’une personne lorsqu’elle travaille.
En général, le travail de la garde scolaire est défini ou plutôt décrit en termes de tâches à
effectuer ou encore en termes de visées. C’est d’ailleurs sous cet angle que les éducatrices l’ont
décrit en répondant à la question suivante lors du premier séminaire « Si vous deviez décrire ce
que vous faites dans votre travail comme éducatrice, qu’est-ce que vous décririez …par exemple,
à quelqu’un qui ne sait pas du tout ce que c’est le travail d’éducatrice en milieu scolaire? »
J’ai marqué [elles devaient d’abord écrire leur réponse] accueillir les enfants, les
observer en arrivant, leur dire bonjour, laver les mains, ouvrir les thermos, distribuer
les ustensiles, etc., etc., aider parfois les enfants à s’habiller, les mettre en rang, les
amener à l’extérieur. Ha, ne pas oublier le balai, laver les tables, ramasser ce qui
traîne, les responsabiliser, les faire jouer, leur apprendre plein de choses, parler aux
parents, gérer les conflits, parfois discuter de choses personnelles avec les enfants,
guérir les bobos, discuter avec les profs pour essayer de régler les problèmes, etc.,
etc. …Ça doit se ressembler pas mal hein?!. (Éducatrice 4, S1, 2018)
Cette description porte surtout sur la liste de tâches que cette éducatrice effectue au cours d’une
période. Celle d’une collègue, qui prend la parole dans la même discussion, se développe plutôt
autour des visées de la garde en milieu scolaire.
Analyse des données/résultats 89
Bon, je n'ai pas pris comme ça, au pied de la lettre, j'ai fait, j'ai écrit, donner
confiance aux enfants, les accueillir avec ses différences, essayer de leur apprendre
au niveau social, par exemple, l'amitié, le partage, éveiller leur imagination, les
surprendre, leur donner un petit peu des folies des fois. Dans la pratique, apprendre
des mots, des façons de faire différentes qu'ils ne connaissent pas ...ben c'est ça
(Éducatrice 7, S1, 2018).
Ces descriptions, quoique très intéressantes, ne permettent pas d’expliquer l’activité "naturelle",
comme elle se déroule en temps réel, mais font plutôt référence à des tâches ou aux visées de ce
travail. Si nous les présentons ici, c’est pour faire ressortir qu’il est difficile d’expliquer l’activité
à partir de celles-ci, ce qui est compréhensible car les éducatrices en font partie, elles n’en sont pas
observatrices, mais actrices. Regardons comment des observations permettent d’appréhender cette
activité, son déroulement et les récurrences qui s’y produisent.
2.1 Caractéristique du déroulement des périodes
La première partie de la période du matin dans les SGMS, soit entre 6 h 30 et 7 h 30, est
différente des autres moments observés.
2.1.1 Description chronologique : première partie de la matinée.
La première heure en SGMS se déroule à un rythme plus lent que les autres périodes de la
journée. C’est la seule période qu’il nous est possible de décrire de façon séquentielle dans le
90
temps. Voici un extrait des notes manuscrites lors de la première série d’observations effectuée
sans grille.
Arrivée à 6 h 30 min, je sonne, j’entre.
Deux éducatrices dans le local d’accueil, l’une mange des céréales [Éducatrice A],
l’autre [Éducatrice 1, elle fait partie des 7 éducatrices qui participent au projet] se
tient près du bouton pour déverrouiller la porte aux enfants. Deux enfants arrivent.
Elle les salue, les nomme par leur prénom et coche la feuille de présence.
6 h 40 min. Cinq enfants jouent en petit groupe autour d’une table avec des blocs,
avions et voiturettes. Quelques enfants regardent les photos au mur (sans activité
précise). Les enfants sont calmes. Deux enfants arrivent. Ils prennent un bol de
céréales et une orange en entrant au SG. Les éducatrices sont assises, laissent les
enfants jouer, elles parlent peu. Deux enfants proposent à l’éducatrice de « faire le
bouton », elle accepte, ils sont contents.
Local : Néons, tables et chaises occupent l’espace. Grande table et espace cuisine.
Sofas collés au mur. Jeux, livres, bricolages, dans les étagères sur les murs.
6 h 50 min, il y a plus de 20 enfants, la sonnette retentit plusieurs fois en quelques
minutes. Dans les minutes qui viennent de passer, plusieurs enfants sont entrés. Des
éducatrices arrivent à tour de rôle aux dix minutes. Elles se saluent brièvement.
L’une amène un groupe de plus vieux au gymnase. Une éducatrice arrive avec son
Analyse des données/résultats 91
enfant. L’éducatrice A, présente depuis le début de la période, regarde les enfants,
regarde son cellulaire.
Il est 6 h 55 min, on demande aux enfants de s’activer… des garçons rigolent à une
table en transformant les blocs en fusée et en catapulte, l’éducatrice A, bras croisés,
leur demande d’arrêter de rire si fort.
7 h 05 min, une éducatrice arrive, souriante vient saluer les enfants, elle les nomme
par leur prénom. Une éducatrice rappelle aux enfants qu’il ne faut pas toucher aux
photos sur le mur (photos : enfants avec un de leurs parents). « Vous pouvez faire
des jeux libres, mais calmement. » « Il ne faut pas prendre les ballons. » Une
nouvelle éducatrice entre, elle ne sourit pas aux autres. Elle parle avec une autre
éducatrice.
7 h 10 min, l’éducatrice 1, qui est assise à la table depuis 6 h 30 min, se lève pour
jouer avec les enfants. La dernière éducatrice arrivée s’assoit sur le sofa. « Estie que
chu tannée de ça, les diners! » Elle explique ensuite les problèmes de santé de sa
famille. L’éducatrice A, qui est là depuis le début, s’installe au comptoir et regarde
ce qui se passe (elle a un air sérieux). Le jeu est libre. Deux éducatrices s’installent
sur le sofa tout près de moi et jasent (je pense qu’elles ne commencent pas tout de
suite à travailler). Les enfants sont nombreux à arriver à 7 h 15 min, le rythme
change. (École 1, O, 2017)
92
À l’analyse, ce qui ressort de cet extrait par rapport au déroulement subséquent de la journée, c’est
la lenteur de l’activité. De plus, ce moment, tôt dans la journée, avec certains enfants et éducatrices
qui prennent le petit déjeuner ainsi que le peu de personnes et le peu de bruit, est particulier. Il ne
ressemble pas aux autres moments observés en SGMS. C’est la seule partie de la journée où il est
possible d’écrire ce qui se déroule.
2.1.2 Fin de la matinée, midi et après-midi : multiplicité des actions et des interactions.
À partir de la deuxième partie de la période du matin, ainsi que pendant les midis et les
après-midis, le rythme est différent et l’activité ne peut être décrite de façon séquentielle. Il y a
constamment un bruit de fond, caractérisé par des discussions d’enfants entre eux ou des enfants
qui interpellent l’éducatrice, des interactions entre l’éducatrice et les enfants, ou entre éducatrices,
ou encore entre d’autres personnes qui travaillent à l’école (enseignant, technicien au SGMS,
personnel de soutien, etc.). C’est une première caractéristique de l’activité : la multiplicité des
actions et des interactions ainsi que le bruit qui augmente et diminue, mais qui est toujours présent
pendant les périodes. De plus, lors des périodes du midi et de l’après-midi, les échanges sur les
radios portatives (certaines radios sont fixées sur les vêtements des éducatrices et, à l’École 3, elles
sont posées à l’oreille des éducatrices) s’ajoutent aux bruits ambiants et on entend également,
sporadiquement, au minimum deux ou trois fois par période, les messages à l’interphone de l’école.
Transcrire ce qui se passe pendant une période de garde est laborieux voir quasi impossible.
Lors de la transcription, des notes indiquant : voix de l’éducatrice inaudible, trop de bruit,
transcription impossible, trop nombreux foyers d’action simultanés, sont écrites à certains
passages et cela malgré la qualité du matériel d’enregistrement audio. En fait, cette difficulté
Analyse des données/résultats 93
témoigne d’un trait caractéristique de cette activité dans le travail qui est gorgée d’actions de la
part de l’éducatrice, constamment sollicitée par les enfants (individuellement, en groupes
restreints, en grand groupe), mais aussi responsable de mener certaines activités, de faire les tâches
prévues, d’effectuer les suivis demandés de façon sporadique par le personnel de l’école, de régler
les incidents qui demandent son attention, etc. Les paroles et les gestes des éducatrices paraissent,
au premier regard, désordonnés, voire chaotiques. Cet aspect du travail en SGMS s’expliquerait
par la contingence, au sens usuel du terme c’est-à-dire, l’imprévisibilité de l’activité du travail
destiné à autrui, soit la part d’inattendus que l’éducatrice ne contrôle pas, mais qui peut arriver,
qui l’interpelle et qui peut induire une action.
2.2 Récurrences dans l’activité
L’analyse des données visant à identifier les récurrences dans l’activité des éducatrices
permet de dégager un résultat intéressant. Bien que l’activité observée paraisse au premier regard
désordonnée et imprévisible, on constate, à l’analyse, qu’il est possible de repérer une séquence
d’activités et même une certaine constance des actions à travers la contingence des situations dans
l’activité.
Activité d’apparence désordonnée
Les actions des éducatrices pendant une période sont multiples, parfois simultanées et
semblent imprévisibles. Par exemple, en même temps que l’éducatrice félicite l’enfant pour son
dessin, elle aide un autre enfant à tracer son cercle et fait signe, à un enfant qui l’interpelle,
d’attendre en lui montrant l’index. Ou encore, elle s’adresse à un enfant, et, dans la seconde qui
94
suit, elle s’adresse au groupe, puis, s’interrompt pour faire un suivi sur la radio, et reprend sa phrase
destinée au groupe. Un extrait de verbatim qui illustre cette dynamique a été placé à l’Annexe C.
La période transcrite est celle de l’après-midi, l’extrait débute à la suite du lavage des mains et de
la prise des présences et se termine après la collation et le dessin fait par les enfants. Reprenons ici
environ 1 minute de verbatim de cet extrait, qui se passe à la fin d’une activité, vers 15 h 45.
L’attention est portée sur les actions de l’éducatrice, soit l’ensemble des gestes et des paroles qui
ont lieu pendant cette minute. Le choix de présenter cette transcription dans un format de type
pièce de théâtre a pour but de rendre plus compréhensibles les nombreuses actions qui se déroulent
dans cette minute.
Éducatrice 5, s’adressant au groupe à partir d’un coin du local, là où il y a un tapis
— Alors les amis qui ont dessiné…
Enfant, montre son dessin — Madame Éducatrice 5.
Éducatrice 5 — Ha ça c’est beau, c’est qui? …
Interphone — Mohammed Hachni, doit se rendre au secrétariat…
Enfant, qui parle plus fort que le bruit ambiant — Alors tu touches pas si c’est pas
à toi, (un enfant semble avoir touché son dessin).
Éducatrice 5, s’adressant à un enfant — Alors qu’est-ce que tu fais? t’as dessiné
des livres, bravo, t’as fait ça…
Radio portative — Emma Gilbert
Analyse des données/résultats 95
Éducatrice 5, répond à la radio en même temps qu’elle se tourne vers cet enfant —
Message reçu, je la prépare. Tu peux le mettre dans ton sac à dos, mais t’as pas
signé ici…
Éducatrice 5, s’adressant à l’enfant qui doit partir, d’abord, et au groupe, ensuite
— Va préparer tes choses, n’oublie pas de le mettre dans ton sac, et ta boîte à lunch
aussi, — sourire de l’éducatrice en touchant le bras de l’enfant qui part— tu as
passé une belle journée ma belle? Les amis qui ont terminé de dessiner, venez ici,
... Les amis qui ont terminé le coloriage du dessin, venez on s’assoit ici.
Éducatrice 5, vers un autre enfant qui lui montre son dessin — Va le mettre dans le
sac à dos pour ne pas oublier.
Éducatrice 5, vers le groupe — Les amis qui ont terminé le dessin, venez montrer
à Éducatrice 5 et on s’assoit par terre. Venez montrer à Éducatrice 5. Un enfant
montre son dessin — Les lumières pendant la nuit, wow, c’est beau bravo.
Éducatrice 5 — Les amis qui ont terminé, on s’assoit par terre, Belize assis-toi
maintenant, c’est beau, c’est quoi?
Éducatrice 5, se tournant simultanément vers quelques enfants qui sortent dans le
corridor — Tu fais quoi Gabriel? Viens ici Étan, non, on ne peut pas faire ça, vient
ici Élie, Gabriel, non on ne peut pas faire ça, non. Non, on ne peut pas faire ça, pas
dans les corridors, vient on s’assoie.
96
Éducatrice 5, en regardant l’image que l’enfant lui montre en même temps qu’elle
demande aux enfants de venir s’asseoir — Comment elle s’appelle? (École 3, O,
2018).
Cet extrait donne un aperçu de la contingence de l’activité et des nombreuses actions de
l’éducatrice dirigées sur différentes situations dans le local et à l’extérieur du local (avec la radio
portative et l’interphone) qui se passent en même temps. On peut voir que ses actions sont
notamment partagées entre un souci d’encourager les productions des enfants, de leur poser des
questions sur ce qu’ils ont fait, sur le pourquoi, tout en intervenant auprès d’enfants qui ne font
pas ce qui est attendu, en s’assurant de saluer avec affection l’enfant qui quitte le SGMS et
d’écouter les messages à distance ainsi que de faire les suivis avec la radio portative. Ici, gestes et
paroles liées aux habiletés des enfants, à leur développement, et ceux amenant les enfants à
respecter les façons de faire ou à participer à l’activité prévue sont simultanés. Dans cette activité,
l’éducatrice répète à plusieurs reprises ce qui est attendu des enfants. De plus, à travers l’extrait à
l’Annexe C, on peut voir qu’il y a, en toile de fond lors d’une période, une série d’actions
effectuées par l’éducatrice visant la progression des activités prévues. Cette progression graduelle
des activités menées a été repérée dans tous les groupes.
2.2.1 Séquence d’activités
L’analyse des enregistrements permet de repérer à travers les périodes, un enchaînement,
une séquence d’activités, qui progresse tout au long de la période : assurer les transitions d’un lieu
à un autre, faire laver les mains, prendre les présences, faire prendre le rang, amener les enfants
aux toilettes, faire prendre la collation, faire faire un dessin, faire chanter des comptines et
Analyse des données/résultats 97
permettre un temps de jeux libre. Cette séquence d’activités suit une progression autour des
mesures d’hygiène, de sécurité, des besoins de base, d’activités éducatives et récréatives et des
transitions. L’ensemble des périodes observées suivent, de façon générale, ce type de séquence.
On peut associer ici des actions de l’activité dans le travail à des éléments de prescriptions
liées aux tâches des éducatrices. Par exemple, organiser et animer des activités peut être associé
au projet de l’école en matière de développement global de l’enfant, ou encore, gérer les allées et
venues des enfants en prenant les présences pour s’assurer de ne pas égarer un enfant peut faire
partie de la responsabilité de l’éducatrice en matière de sécurité. Mais l’activité dans le travail des
éducatrices ne se réduit pas à cela. Une multitude d’autres actions ont cours dans une période de
garde.
2.2.2 Constance malgré la contingence
En analysant les enregistrements, on constate, de façon transversale, une constance dans
l’activité au cours d’une période de garde. En effet, s’entremêlent, à travers la séquence d’activités,
une multitude d’autres actions qui sont caractéristiques de la contingence des situations dans
l’activité. Les actions à propos des règles destinées aux enfants, des encouragements, celles liées
à la sociabilité, visant le groupe ou un enfant précisément (parfois le même plusieurs fois au cours
d’une même période) ou encore celles destinées à des personnes à l’extérieur du local, celles autour
des départs et arrivées d’enfants dans le groupe, celles concernant le local ou le matériel, celles
assurant les suivis à faire à la suite d’échanges à partir de la radio, celles pour soigner les blessures,
les chagrins ou les malaises, etc. Ainsi, en parallèle à l’exécution d’une tâche prescrite, une
multitude d’autres actions ont lieu. Par exemple, les éducatrices font quotidiennement prendre le
98
rang aux enfants (tâche qui se répète au minimum cinq fois par jour). En même temps qu’elles
effectuent cette tâche, plusieurs autres actions se déroulent : elles aident les enfants à récupérer
leur matériel, elles règlent des conflits, elles répondent à de nombreuses interrogations des enfants
sur le vrai, le faux, le bien, le mal, etc. La liste serait longue, et c’est en ce sens qu’on peut soutenir
que l’activité des éducatrices déborde des prescriptions prévues dans le travail, mais qu’une
constance dans les actions menées est repérable dans tous les groupes et à toutes les périodes.
Récurrence et contraintes
À travers l’analyse visant l’identification de récurrences, il est constaté que ce qui permet
d’expliquer une part des récurrences dans l’activité est que les éducatrices répondent souvent à
une obligation ou à une contrainte. Par exemple, dans l’extrait présenté précédemment,
l’Éducatrice 5 dit ceci aux enfants : « tu fais quoi Gabriel? Viens ici Étan, non, on ne peut pas faire
ça, viens ici Élie, Gabriel, non on ne peut pas faire ça, non. Non, on ne peut pas faire ça, pas dans
les corridors, viens on s’assoit » (Éducatrice 5, O, 2018). Cette intervention a lieu, car les enfants
s’amusaient depuis un moment à aller danser dans le corridor en chantant en chœur et revenaient
dans le local. Ainsi, on peut penser que les interventions de l’éducatrice s’expliquent par le devoir
de faire respecter la règle du silence dans les corridors de l’école, une contrainte qui participe à
l’activité des éducatrices en SGMS. On peut penser que ces mêmes gestes et chants des enfants,
dehors, pendant la période de jeux extérieurs, n’auraient pas contraint l’éducatrice à intervenir.
Dans cet exemple, il est possible de penser que l’école, comme établissement, impose un certain
nombre de règles auxquelles les éducatrices doivent se conformer en assurant le respect de celles-
ci par les enfants, ce qui expliquerait certaines récurrences dans l’activité. Cette intervention de
Analyse des données/résultats 99
l’Éducatrice 5 aurait peut-être été différente (plus sévère ou absence d’intervention) de celle d’une
autre éducatrice, mais il est concevable qu’en l’absence totale d’intervention de la part des
éducatrices, c’est-à-dire de laisser les enfants chanter et danser dans les corridors, l’intervention
d’un autre acteur scolaire ne serait pas jugée anormale. Ainsi, par cet exemple, on peut avancer
qu’il y a une source de contrainte dans l’activité au travail des éducatrices qui est partagée entre
les acteurs scolaires et que les éducatrices sont donc exposées à celle-ci. Une part des récurrences
identifiées dans l’activité s’expliquerait par les sources de contrainte dans le milieu de travail.
Différences entre les éducatrices
Dans un autre ordre d’idées, au-delà des récurrences identifiées, l’amorce de cette analyse
des données permet d’entrevoir des différences à travers les activités et les actions menées par les
éducatrices. En reprenant l’exemple des moments où les éducatrices font prendre le rang aux
enfants, on peut voir que certaines éducatrices répondront aux interrogations des enfants, parfois
même explicitement, tandis que d’autres orienteront leurs actions autour du rang comme tel, de
l’ordre des enfants dans le rang, du silence, ou encore certaines éducatrices feront chanter des
comptines aux enfants. Ainsi, des récurrences sont observées dans l’activité mais des différences
qualitatives, c’est-à-dire dans la manière de s’adonner à l’activité lorsqu’elles font leur travail, sont
aussi repérées.
2.2.3 Synthèse de l’objectif 1
Bref, dans cette section de l’analyse des données, issue des 18 périodes observées, les trois
constats suivants ont été soulevés. D’abord, une séquence d’activités est répétée à chaque période
100
par l’ensemble des éducatrices. Ensuite, à travers cette séquence, une multitude d’actions sont
menées par les éducatrices, puis celles-ci reposent sur des contraintes selon lesquelles les
éducatrices agissent de diverses façons. Sous cet angle d’analyse, les gestes, les paroles et les choix
(lorsqu’ils sont repérables) des éducatrices forment les indicateurs qui, malgré la contingence des
situations, deviennent prévisibles, dans la mesure où ce qui les met en scène préexiste en quelque
sorte à l’activité, leurs usages étant fixés. Ces gestes, paroles et choix témoignent d’une certaine
organisation de l’activité des éducatrices qui se déploie dans des lieux, ceux de l’école, avec des
personnes/groupes en présence (ou à distance, radio portative, interphone) et en fonction de ce qui
doit ou qui convient de faire en situation. C’est en ce sens que les données recueillies seront
analysées pour définir les normes professionnelles dans l’activité.
3. DÉFINIR LES NORMES PROFESSIONNELLES DANS L’ACTIVITÉ
Dans cette section, l’analyse des données observées ainsi que certaines données déclarées
lors du premier séminaire mené avec les éducatrices contribueront à l’objectif spécifique de
recherche visant à définir autour de quelles normes professionnelles se déploie l’activité dans le
travail des éducatrices. Dans la section précédente, il a été question de récurrences, identifiées en
termes de séquence d’activités et de séries d’actions, présentant une constance dans l’activité des
éducatrices se déroulant dans l’ensemble des périodes de garde observées. Il sera maintenant
intéressant de regarder comment ces récurrences peuvent être prises en compte à la lumière du
cadre conceptuel décrit au chapitre 2, transposé en grille d’analyse à l’Annexe D. Cette grille est
organisée autour du concept de norme professionnelle, défini et présenté ici selon les trois
dimensions suivantes : morale, spécifique et éducative, auxquelles sont rattachées des
Analyse des données/résultats 101
composantes et des indicateurs. Selon cette conception du cadre, les données recueillies qui sont
matérialisées par des gestes et des paroles sont des indicateurs rattachés à des regroupements
d’actions, qui forment les composantes de l’activité dans le travail.
Enfin, une dernière remarque mérite d’être soulevée avant de présenter les résultats sur les
normes professionnelles dans l’activité. En effet, il semble important de souligner que les
distinctions entre les dimensions présentées servent à des fins d’analyse, car, dans l’activité en tant
que telle, ces dimensions sont entremêlées. En principe, les définir permettra, éventuellement,
d’expliquer ce que les éducatrices convoquent, consciemment ou non, à travers leurs actions,
comme organisatrices de l’activité.
3.1 Dimension spécifique de l’activité des éducatrices
La dimension spécifique fait référence à la part du travail des éducatrices visant le
développement, chez les enfants, d'habiletés spécifiques déterminées à l'avance. Les normes
professionnelles portant sur la dimension spécifique du travail des éducatrices ont été définies dans
le cadre conceptuel comme faisant référence au travail des éducatrices qui doivent animer des
activités pour assurer le développement d’habiletés auprès des enfants du primaire. Plus
précisément, les éducatrices sont tenues de réaliser des activités à prédominance psychomotrice,
cognitive, ainsi que socioaffective et morale. Ces dernières activités, de types socioaffectif et
moral, deviennent difficilement une catégorie d’analyse comme celles des deux autres types
d’activité. L’analyse soulève que des habiletés socioaffectives et morales sont en jeu dans
l’ensemble des activités, et cela dès le moment où les enfants sont en groupe en SGMS. Toutefois,
les éducatrices ne proposent pas d’activités spécifiques à teneur morale, cette dimension transparait
102
autrement dans les actions. Le choix a été fait, à l’analyse, de regrouper les indicateurs
s’apparentant aux dimensions morales et éducatives (plus précisément celles du développement de
la sociabilité et du développement d’éléments d’une conception du monde chez les enfants par
l’éducatrice) du cadre d’analyse qui seront abordées dans les sous-sections 3.2 et 3.3.
3.1.1 Composantes d’activités psychomotrices et cognitives
Les activités psychomotrices et cognitives que les éducatrices doivent mener, et qui sont
associées à la dimension spécifique des normes professionnelles, ont été observées lors de
l’ensemble des périodes passées auprès de chaque éducatrice. La dimension spécifique des normes
professionnelles se matérialise donc dans l’activité dans le travail des éducatrices. En effet,
l’animation d’activités telles que les comptines, les devinettes, la danse, les causeries, les lectures,
le dessin, les bricolages, les jeux animés au gymnase, etc., est intégrée à la routine lors de périodes
de garde.
Ceci dit, lors d’observations effectuées en fin de journée dans deux groupes différents, un
nouveau constat émerge : un même bricolage peut se dérouler de façon différente et par le fait
même avoir des effets tout à fait différents sur le plan des apprentissages, selon le style d’animation
effectué par l’éducatrice. Dans un groupe, l’éducatrice fait participer les enfants à chaque étape,
découpage, coloriage, manipulation du matériel, etc., tandis que dans l’autre groupe, l’enfant
choisit la couleur qu’il préfère et l’éducatrice fait le bricolage elle-même. Dans les deux cas, une
activité de bricolage a eu lieu, toutefois, les impacts en termes d’apprentissages sont différents.
Cette observation fait écho aux résultats présentés dans la sous-section 2.3 portant sur
l’identification des récurrences, et réfèrent plus précisément au constat soulevant qu’à travers les
Analyse des données/résultats 103
récurrences, des différences qualitatives ont été notées dans la manière de mener les mêmes
activités d’une éducatrice à l’autre. Ces constats soulèvent un questionnement sur la visée
éducative de la garde en milieu scolaire qui sera discuté dans le prochain chapitre. Examinons
maintenant les résultats au sujet de la dimension morale de l’activité dans le travail des éducatrices.
3.2 Dimension morale de l’activité des éducatrices
La dimension morale des normes professionnelles fait référence aux devoirs qui sont portés
par l’ensemble des acteurs dont le travail vise le bien-être de l’enfant. Cette dimension est repérable
dans l’activité en termes de regroupement d’actions plutôt qu’à travers l’animation d’activités
précises.
3.2.1 Composantes d’actions : hospitalité, sollicitude et confiance
En effet, alors que la dimension précédente portait sur des composantes liées au
développement d’habiletés spécifiques chez les enfants, se regroupent sous la dimension morale,
les actions autour d’indicateurs tels que l’hospitalité (faire sentir à l’enfant qu’il est le bienvenu),
la sollicitude (attention soutenue et affectueuse) et le développement de la confiance à travers
l’accompagnement de l’enfant par l’adulte en milieu scolaire (l’enfant sent qu’il peut se confier,
avoir confiance, développer un lien avec l’adulte). En voici des exemples : les éducatrices écoutent
les enfants lorsqu’ils se confient, qu’ils ont besoin d’être rassurés ou encore encouragés; elles
écoutent leurs besoins; elles assurent l’accueil des enfants à l’école et leur départ vers la maison;
elles les accompagnent en fonction de leurs singularités, etc. Les exemples autour de cette
dimension morale ont été fréquemment observés. L’extrait qui suit témoigne de la façon dont ces
104
actions se déroulent. Il décrit l’arrivée d’un enfant, le matin, alors qu’il se confie à l’éducatrice qui
l’accueille à l’école et que celle-ci l’écoute et le rassure:
Éducatrice 2 — Bonjour Daphnée
Daphnée, mine triste en regardant au sol — Bonjour
Éducatrice 2 — Comment ça va aujourd’hui ?
Daphnée, regard grave — Mon papa était fâché hier, mon frère est tombé dans
l’escalier, il a beaucoup pleuré… ma maman a pleuré aussi.
Éducatrice 5 — Ton papa s’est fâché et ton frère s’est fait mal, je comprends,
aujourd’hui à l’École 1 tu vas passer une bonne journée, tu es contente d’être ici à
l’École 1?
Daphnée, fait oui de la tête
Éducatrice 5 : Tu vas voir tout va bien se passer pour toi — effleurant les cheveux
avec sa main— aujourd’hui, va jouer ma belle.
Éducatrice 2 s’adresse à un autre enfant qui argumente et semble en colère,
s’accroupit près de lui —Qu’est-ce qui s’est passé tu étais de bonne humeur ce
matin? (École 1, O, 2017)
Tout au long de cet échange, alors que l’observatrice se situait aux côtés de l’éducatrice, celle-ci
n’a pas relevé ce qui venait de se passer, donnant l’impression à l’observatrice que ces moments
étaient ordinaires. En effet, les données d’observation comme celles-ci, lorsque les enfants se
confient et que l’éducatrice les écoute et les rassure, sont omniprésentes et forment une part
importante des données de recherche sur l’analyse de l’activité des éducatrices en SGMS.
Analyse des données/résultats 105
Gestes et paroles subtils, inhérents à l’activité.
Il est remarqué que les actions qui relèvent des différentes composantes (hospitalité,
sollicitude, développement d’un lien de confiance) rattachées à cette dimension morale sont
souvent subtiles, elles se passent rapidement et peuvent passer inaperçues. Par exemple, au début
d’une période de l’après-midi, l’Éducatrice 5 s’adresse au groupe d’enfants qui entre dans le local.
Elle indique aux enfants de s’asseoir, à plusieurs reprises dans les premières minutes, et porte une
attention à un garçon : « on s’assoit … Évan, ça va pas…qu’est-ce qu’il y a? » (École 3, O, 2018).
Pourtant, Évan n’avait pas parlé, l’observatrice n’avait rien remarqué, mais, l’éducatrice oui. En
l’espace de quelques minutes, elle avait senti que cet enfant n’était pas comme d’habitude. Le fait
que l’éducatrice se soucie de l’humeur inhabituelle de l’enfant démontre à la fois qu’elle le connait
et qu’elle a une sensibilité par rapport à cette dimension du travail. Dans le même sens, l’éducatrice
qui, par un geste d’affection, salue l’enfant qui arrive ou qui quitte le SGMS ou qui touche l’enfant
pour le rassurer, témoigne de cette sensibilité de certaines éducatrices pour cette dimension du
travail. Le contexte des SGMS serait donc propice au développement de ces actions rattachées ici
à la dimension morale dans l’activité dans le travail des éducatrices.
Les données déclarées par les éducatrices à propos de la description qu’elles font de leur
travail mettent en lumière cette dimension de leur activité. Ces données corroborent celles des
observations. En effet, lorsqu’elles ont été questionnées sur leur travail quotidien lors du premier
séminaire, les éducatrices ont relevé des actions rattachées aux composantes de la dimension
morale dans la description de leur travail. Par exemple, à travers une description des tâches à faire
pendant une période de garde, une éducatrice indique « parfois discuter de choses personnelles
106
avec les enfants » (Éducatrice 4, S1, 2018). Comme ce commentaire, portant sur le fait que les
éducatrices sont régulièrement exposées aux témoignages des enfants, rejoignait les propos des
autres éducatrices, une question a été posée sur cet aspect à l’Éducatrice 4, lors du premier
séminaire.
Éducatrice 4 : Oué c’est ça, y’a des enfants qui vont me parler de choses
personnelles pis j’essaie de dealer avec ça, ben des fois je leur dis il faut en parler
avec ton papa ta maman parce que madame Éducatrice 4 c’est un peu délicat. Ça
peut même être des choses sexuelles, c’est normal, c’est des petits, ils posent plein
de questions, mais des fois je leur dis, il faut que t’en parles à maman papa.
(Éducatrice 4, S1, 2018).
Dans cet extrait on constate que l’éducatrice reçoit les confidences des enfants et qu’elle est
amenée à évaluer la part de confidence qu’elle peut recevoir et celle qui doit être dite au parent.
Ici, il est directement question de la dimension morale de l’activité dans le travail.
Lors de ce même séminaire, la description écrite d’une autre éducatrice porte fortement sur
ces moments d’écoute, d’accueil et d’échanges avec les enfants.
Éducatrice 2: Moi je les accueille le matin, que ça soit de 4 ans à 6 ans, je les
accueille le matin. Pis je trouve ça important de les appeler par leur nom, la plupart
du temps. Tsé leur prénom au moins, après ça les petits quand je retourne avec eux,
c'est de répondre à leurs questionnements des fois tsé y'ont des questions bizarres
qu'ils posent, j'essaie de répondre du mieux que je peux. Je les aide pour s'habiller
Analyse des données/résultats 107
quand ils vont dehors. Après ça, on rit beaucoup ensemble, je trouve ça important,
après ça on va parler, on va les écouter, y'aiment ça parler, on va jouer, des fois
aussi on va les consoler, y'ont des chagrins, on les nourrit aussi, des fois ils
manquent de nourriture, on va les nourrir. Pis je m'arrange toujours pour avoir une
vue d'ensemble, ouais parce que je trouve ça important, avoir un enfant dans le dos
j'aime pas ben ben ça, je trouve ça important de voir ce qu'ils font…comme ça tu
peux intervenir plus facilement (Éducatrice 2, S1, 2018).
Les passages soulignés sont des expressions de la dimension morale du travail en milieu de garde
scolaire. Les composantes mobilisées autour de cette dimension du travail, soit la sollicitude,
l’hospitalité et la confiance, sont repérables à travers des indicateurs (répondre à leurs
questionnements, les consoler, les accueillir, les écouter, etc.).
Dimension morale et sensibilité de l’éducatrice.
Ce qu’il y a de particulier avec la dimension morale de l’activité dans le travail des
éducatrices, c’est qu’elle semble fortement reposer sur la sensibilité des éducatrices et sur la
conception qu’elles ont de la finalité du travail de la garde en SGMS, ce qui semble moins vrai
pour la dimension spécifique de ce travail. Par exemple, une éducatrice pourrait ne pas remarquer
l’enfant qui est triste, qui a besoin d’être encouragé ou réconforté, tandis qu’il lui serait difficile
de ne pas mener d’activités favorisant le développement d’habiletés cognitives ou motrices. Même
si le développement ou non de ces habilités n’est pas directement visé, l’animation des activités
aura lieu, elle est prescrite et repérée dans l’activité au travail, ce qui n’est pas le cas pour les
actions rattachées aux composantes de la dimension morale se déroulant dans la même activité.
108
À ce stade de l’analyse des résultats autour des normes professionnelles dans l’activité,
deux constats semblent pouvoir être mis en parallèle. D’abord, des composantes des dimensions
spécifique et morale sont repérées à travers l’activité des éducatrices. Ensuite, la première
dimension est présente dans l’ensemble des périodes observées et la deuxième se matérialise plus
subtilement et semble dépendre plus fortement d’une certaine forme de sensibilité chez les
éducatrices. L’explication se trouve peut-être dans le fait que l’une est officiellement prescrite et
que l’autre non, ce qui fera l’objet d’un élément de discussion. Penchons-nous maintenant sur les
résultats autour de la dimension éducative de l’activité dans le travail des éducatrices.
3.3 Dimension éducative
En poursuivant toujours le même objectif, soit celui de définir autour de quelles normes
professionnelles se déploie l’activité dans le travail des éducatrices, les résultats d’analyse
montrent qu’un pan de l’activité déborde des dimensions spécifique et morale. En effet, une part
importante des données analysées porte sur une dimension que nous nommerons éducative. Cette
dimension fait référence à l’acte d’éduquer tel que défini dans le cadre conceptuel, notamment à
partir de ce qui le distingue de l’instruction. Il s’agit de la part de l’activité que l’éducatrice effectue
en lien avec la socialisation des élèves : éduquer l’enfant à des valeurs, à des pratiques sociales de
base, aux façons de faire propres au monde scolaire, à des façons d’interpréter le monde, à la vie
en groupe, etc. Les quatre composantes rattachées à l’acte d’éduquer ayant émergé à l’analyse sont
présentées ainsi dans cette section : parentage, codifiée (éducation aux codes de l’école),
sociabilité et construction de la perception du monde.
Analyse des données/résultats 109
3.3.1 Composante du parentage
Les données analysées sous l’angle des normes professionnelles montrent que l’activité
dans le travail des éducatrices s’organise autour de nombreuses tâches liées aux besoins des enfants
dont certaines pourraient relever de la sphère parentale. Il en est ainsi pour la supervision des repas
et l’aide aux devoirs, mais aussi pour l’apprentissage de pratiques sociales de base autour des
règles d’hygiène et de politesse. Évidemment, les soins et le réconfort de l’enfant pourraient aussi
être intégrés sous la composante parentale comme ils pourraient l’être sous la composante de la
sollicitude liée aux normes de nature morale. Les deux types de composantes font référence au
rapport adulte/enfant, à ce devoir de favoriser le développement de l’enfant qui tend vers
l’autonomie. Ce qu’il y a de particulier par rapport à la composante du parentage, c’est que les
gestes et les paroles (mais aussi le choix d’intervenir ou non) des éducatrices semblent se situer à
l’intersection de la sphère parentale et de la sphère scolaire formelle. En fait, comme les SGMS
ont un caractère d’informalité que la classe en tant que telle n’a pas, on peut concevoir que cela
créer un espace pour cette intersection. En effet, se dégagent dans les données recueillies une série
d’actions qui se situent à cette intersection entre l’éducation familiale et celle que nous cherchons
à définir dans les SGMS.
Éducation aux manières d’être ou de faire
Les activités récurrentes dans le travail des éducatrices (diner, toilettes, lavage de main,
habillage, etc.) s’accompagnent d’autres gestes et paroles visant l’adoption par les enfants de
comportements inculqués par l’éducatrice. Par exemple, pendant le repas, il est fréquent d’entendre
les éducatrices intervenir ainsi envers les enfants sur des « manières » de faire ou de se comporter :
110
« ferme la bouche quand tu manges » (Éducatrice 7, O, 2018), « assieds-toi bien pour manger »
(Éducatrice 4, O, 2018), « utilise ta fourchette, pas tes doigts …viens, je vais t’aider » (Éducatrice
2, O, 2018), « le dos droit, on dirait que tu vas t’endormir, c’est l’heure de manger » (Éducatrice
3, O, 2017). Il en est de même pour les gestes et les paroles des éducatrices, à d’autres moments
de la journée, qui incitent les enfants à bien se tenir, à être poli ou propre : « Lève les pieds quand
tu marches » (Éducatrice 1, O, 2017), « Si tu dis merci, j’aurai le goût de dire oui la prochaine
fois » (Éducatrice 7, O, 2018), « Essuie ton nez quand y coule! Va te chercher un kleenex! »
(Éducatrice 6, O, 2017), « Non, tu ne me lances pas ta boîte de jus pour que je la jette, tu te lèves
et tu y vas, je ne suis pas ta servante! » (Éducatrice 3, O, 2018). À l’analyse, ces propos posent
problème, car ils ne se rattachent pas à des normes professionnelles au sens de ce qui est attendu
des éducatrices dans leur travail auprès des enfants. Les éducatrices doivent s’assurer que les
enfants mangent, qu’ils aillent aux toilettes et qu’ils respectent les mesures d’hygiène, mais ce
qu’elles cherchent à inculquer aux enfants, dans les extraits précédents, est d’un autre ordre. Même
si cette éducation aux « manières » est repérable dans l’activité dans le travail de l’ensemble des
groupes observés, il ne semble pas que cela soit dû au fait qu’elle est prescrite en matière de
responsabilités à partir des écrits officiels ou de celles de l’école. Elle serait plutôt manifestée de
façon homogène par le fait que les enfants de 4 ans, de 5 ans ou de 6 ans qui fréquentent ces SGMS
n’ont pas adopté ces manières, mais que ces dernières sont jugées importantes pour les éducatrices.
Les propos d’une éducatrice lors d’une entrevue individuelle rendent compte de sa
perception du rôle d’éducation qu’elle dit devoir jouer en SGMS. Après lui avoir demandé
pourquoi elle avait dit à un enfant d’aller lui-même jeter son jus à la poubelle plutôt que de le
lancer sur la table en attendant qu’elle le ramasse, l’éducatrice explique ceci :
Analyse des données/résultats 111
Éducatrice 4 : On doit tout leur apprendre. Tu t’avances faut que tu t’avances si tu
veux manger, tu t’assois, pis tu t’avances. Les enfants quand y sont prêts à manger
y sont comme ça (elle montre un pied sur la table). Y peut mettre un pied sur la
table, pis y pense qu’il peut manger de même. Les premiers mois c’est quelque
chose tout ce qu’on voit. Moi j’capote les premiers mois. Pis ils mangent
énormément par terre, ils ne sont pas capables de s’assoir sur une chaise, ils sont
habitués de manger sur les sofas, ils mangent dans les salons dans leur chambre, ils
sont habitués de manger partout ces enfants-là. Fait que ça, c’est nous qui faut qu’il
leur apprenne toute cette éducation-là. À dire merci, premièrement ça c’est très
difficile pour eux, ils ne le disent pas encore pis je le fais depuis le début de l’année.
[…]. (EI, 2018)
Dans cet extrait, l’Éducatrice 4 fait référence à cette éducation aux manières, dont elle dit avoir la
responsabilité dans son travail, et qui relève simultanément de la responsabilité des parents. Les
gestes et les paroles repérés excèdent en quelque sorte le cadre professionnel. Ils relèvent plus
largement de l’adoption par les enfants de comportements souhaités, jugés acceptables,
« normaux », dans une société donnée. On peut donc penser que ce qui incite les éducatrices à
intervenir de façon répétée sur ces comportements des enfants provient à la fois du type d’enfant
avec qui elles travaillent et des manières de faire ou d’être qu’elles, comme personnes ayant évolué
dans différents environnements, considèrent importantes à faire adopter aux enfants. Cependant,
le fait que ces actions se reproduisent dans les groupes observés sans que ces éducatrices n’aient
travaillé ensemble indique également que l’importance de l’enseignement de ces « manières » se
rattache à une dimension normative visant non pas le développement de l’enfant ou son bien-être,
112
mais bien son éducation à la vie en société. De plus, il semble important de préciser ici que
l’homogénéité du souci d’éduquer aux « manières » se manifeste à travers la grande diversité
ethnique observée chez les éducatrices. En effet, ces femmes ont grandi et appris les codes culturels
de leur région en Afrique du Nord, en Amérique Centrale ou en Amérique du Nord. Même si elles
ont été socialisées dans des pays différents et ont donc appris des manières de faire et d’être
différentes, elles interviennent toutes (chacune à leur façon, parfois avec plus d’insistance, parfois
moins, certaines éducatrices utilisant l’humour, d’autres lèvent le ton, etc.) sur l’adoption de ces
manières auprès des enfants. La présence de cette dimension d’éducation est indéniable dans
l’activité des éducatrices et elles en sont en quelques sorte porteuses, dans le sens où ce sont leurs
référents individuels auxquels s’adossent leurs actions.
Transposition des actions repérées sous la composante du parentage à d’autres composantes
En réalité, les « manières » inculquées par les éducatrices aux enfants semblent
d’importance secondaire : le fait qu’un enfant utilise sa fourchette ou non pour manger, ou qu’il
soit assis ou non pendant le repas, a peu d’importance dans le cadre de la présente recherche.
Cependant, cet exemple du repas peut être transposé à d’autres actions. Par exemple, que la
position assise devant un pupitre, pour faire un bricolage, pour regarder un livre ou pour participer
à un jeu, soit généralement exigée ou le fait d’exiger des enfants qu’ils lèvent la main pour prendre
la parole, qu’ils soient en silence à l’heure du diner, qu’ils s’assoient à la même place, etc., sont
sources de multiples actions des éducatrices dans leur activité dans le travail. Elles seront discutées
dans la dernière section des résultats, sous l’angle des différents registres de normes s’imposant
dans l’activité.
Analyse des données/résultats 113
Enfin, les résultats autour de cette première composante du parentage, associée ici à la
dimension éducative des normes professionnelles, soulèvent deux constats. D’abord, l’activité des
éducatrices s’organise autour de la réponse aux besoins des jeunes enfants. Ainsi, les actions
rattachées à la composante du parentage sont effectuées dans l’activité étant donné l’objet du
service rendu, la garde des jeunes enfants, « à éduquer ». Ces actions s’adossent à un référent qui
appartient à une dimension normative autour de l’acte d’éduquer, par exemple lorsque l’enfant
apprend les conduites conformes à la vie en société. Demander aux enfants de fermer la bouche en
mangeant, de ne pas trainer les pieds en marchant dans le corridor ou de dire merci déborde des
dimensions spécifique et morale. Ces actions se rapprochent de celles qu’un parent pourrait choisir
de mener pour éduquer son enfant. Ensuite, l’analyse des données met en lumière la présence
d’actions récurrentes dans l’activité des éducatrices, autour de manières d’être et de faire, mais elle
permet aussi de relever la reproduction de conduites propres à des contextes
d’enseignement/apprentissages. Il est évident que ces actions sont intimement liées à
l’environnement de travail des éducatrices, soit le contexte scolaire, qui est composé d’une
multitude de codes qui influencent l’activité des éducatrices, ce dont il est question dans la
prochaine sous-section.
3.3.2 Composante codifiée
L’école primaire, étant historiquement située, est empreinte de codes qui dictent l’activité
qui s’y déroule. En milieu scolaire, les éducatrices ainsi que l’ensemble des acteurs y travaillant
se retrouvent dans un environnement codifié qui imprègne nécessairement leur activité. La
composante codifiée identifiée dans les résultats de recherche est analysée sous trois thèmes : le
114
rythme scolaire, les règles de conduite dans l’école et celles en SGMS ainsi que les actions autour
de la sécurité en vigueur dans les établissements.
Actions menées autour du temps scolaire
En étudiant l’activité des éducatrices en SGMS, il est apparu qu’une portion de leur activité
auprès des jeunes enfants a trait aux gestes qu’elles posent afin que ces derniers intègrent la routine
scolaire. Lors des observations, il a été remarqué qu’à 4 ans, 5 ans ou 6 ans, l’enfant à une
compréhension relative du temps. Généralement, l’enfant de cet âge commence à situer
progressivement les notions temporelles telles que : hier et demain, le matin et l’après-midi, mais
il ne reconnaît pas les jours de la semaine par rapport aux jours sur le calendrier scolaire (par
exemple, les lundis ne sont pas nécessairement des jours 1, selon l’organisation des grilles
scolaires), les jours où une activité est possible ou non en fonction des locaux disponibles, ceux
où il rencontre une « spécialiste », ceux où son enseignante est absente car elle travaille 4 jours
semaine par exemple, etc. Les éducatrices sont responsables de s’assurer que les enfants suivent
des routines ponctuées dans le temps. Voici des exemples de paroles d’éducatrices autour de cette
composante de l’activité : « Suivez-moi, c’est jour 6 aujourd’hui on va au gymnase cet après-
midi » (Éducatrice 1, O, 2017). « Frédéric, c’est lundi matin, tu vas chez la TES tantôt »
(Éducatrice 7, O, 2018). « Mais non, Hasma, on ne peut pas jouer au foot cet après-midi, c’est le
jour 5, on fait un bricolage » (Éducatrice 3, O, 2018). « Regardez au mur, nous sommes ici dans
la journée, c’est l’heure de la collation » (Éducatrice 5, O, 2017). Les éducatrices posent de
nombreux gestes pour aider l’enfant à se situer dans le temps et surtout à s’orienter dans la routine
scolaire. Le développement du rapport au temps de l’enfant en milieu scolaire —ce temps minuté,
Analyse des données/résultats 115
comme soulevé dans les données préliminaires, est caractérisé par la fréquence d’arrêts et de
reprises dans la journée d’un enfant qui fréquente le SGMS— oblige les éducatrices à mener de
nombreuses actions à cet effet, car elles sont responsables de l’ensemble des transitions de la
journée.
Actions menées autour des codes de conduite de l’école
À travers le déroulement des activités ponctuées par les cloches selon l’horaire scolaire
s’entremêlent une série d’actions effectuées par les éducatrices autour de l’inculcation du respect
des codes de conduite en vigueur dans les écoles. L’éducatrice qui prend en charge les enfants à la
sortie de leur local de classe croise l’enseignante et par le fait même devient responsable d’assurer
le relai du respect des codes de l’école. Dans les milieux observés, les éducatrices s’assurent que
les enfants respectent les consignes établies par l’établissement (silence, marche, rang, etc.) que
ce soit au niveau des déplacements dans l’école ou au niveau de la gestion et l’organisation de leur
matériel (souliers de rechange, bottes, sac à dos, etc.). L’activité dans le travail des éducatrices
auprès des enfants qui intègrent nouvellement l’école, qui apprennent à devenir élèves, porte sur
l’adaptation des enfants à certains nombres de codes liés au monde de l’éducation et plus
spécifiquement à ceux de l’école primaire. Les phrases du type: « Arrête de courir (ou marche)
dans les corridors », « C’est en silence dans la classe », « Range ton matériel », « Assis-toi »,
« Ramasse tes choses, devant le casier », « Ce n’est pas le temps de bavarder », etc., sont dites (et
entendues) régulièrement dans les écoles. Ces phrases sont également formulées pour encourager
les élèves lorsque la consigne est suivie.
Actions visant à poser des règles en service de garde
116
Au-delà des actions des éducatrices visant à assurer le respect par les enfants des règles de
l’école, elles font une série d’autres gestes et paroles consistant à poser les règles avec leur groupe
au cours des périodes de garde. Par exemple, en fermant les lumières, en tapant dans les mains, en
faisant un décompte, en sifflant, etc., l’éducatrice donne le signal que le silence doit être fait ou
que les enfants doivent se calmer ou encore se préparer à changer d’activité. Ce sont les règles
portant sur ce à quoi les éducatrices s’attendent des élèves lorsqu’ils sont en SGMS. Lors du
premier séminaire, les éducatrices discutaient de leur travail au quotidien en soulevant notamment
qu’elles se devaient d’être « fermes » dans leur travail avec les enfants. Une éducatrice s’explique :
Éducatrice 4 : J'peux te donner un exemple, si tu veux. Supposons qu'un enfant il
veut quelque chose pis là t'es rendu, il faut qu'il lave ses mains, il s'en va manger là.
Là il va arriver, « oui madame Éducatrice 4 va répondre à ta question-là, mais là, je
veux que tu laves tes mains là », puis là il revient [il repose sa question], « oui, non
madame Éducatrice 4 a veut que tu laves tes mains, après c'est sûr que je va répondre
à ta question, y'a pas de problème on va passer à d'autres choses après, mais là il
faut que tu ailles laver tes mains ». L'enfant y va s'essayer plusieurs fois, surtout au
début de l'année mais je veux qu'il comprenne que c'est ça que je veux. Après je
vais y faire qu'est-ce qu'il veut mais j'veux qui comprenne que c'est ça. Tu vas te
laver les mains pis oui, je va te répondre. (Éducatrice 4, S1, 2018)
Cet extrait laisse entrevoir que l’éducatrice établit des règles avec son groupe et que ces actions
sont importantes car elles permettent d’établir, entre elle et les enfants, les bases du déroulement
des interactions mais aussi dans son activité. Des expressions telles que : « à ce temps-ci de l’année
Analyse des données/résultats 117
je les ai à ma main » (Éducatrice 2, EI, 2018) permettent de saisir qu’elles ont établi des règles,
des façons de fonctionner qui régulent l’activité dans le travail avec les enfants.
En résumé, une part importante de l’activité de l’éducatrice en SGMS consiste à s’assurer
que les enfants respectent les temps scolaires et adoptent des comportements et des façons de faire
admis au sein de l’établissement. Les éducatrices accompagnent les enfants qui apprennent leur
« métier » d’élève. Pour ce faire, elles sont donc, du même coup, chargées de faire respecter les
règles de l’école et, comme il vient d’être présenté, de poser les règles qui s’appliquent lors des
périodes en SGMS. Ces constats relevant les indicateurs autour de la composante codifiée
soulèvent deux éléments.
Place occupée par les actions de poser les règles varie d’un groupe à l’autre
Les données permettent de faire ressortir que, dans certains groupes, les paroles et les gestes
des éducatrices sont très fortement axés sur le maintien du déroulement de la routine scolaire telle
qu’elle est établie, ainsi que sur le maintien des règles qu’elles-mêmes veulent faire respecter,
tandis que dans d’autres groupes, la place occupée par ces actions est moindre. Il est donc possible
de penser que la place occupée par ces actions a une incidence sur la relation installée entre les
enfants et l’éducatrice pendant les périodes de garde, et certainement sur la qualité de l’expérience
de l’enfant en SGMS. Voici un exemple, se déroulant lors d’une période d’observation en après-
midi, lors de laquelle chaque phrase de l’éducatrice peut être classée sous l’indicateur de poser des
règles. Les enfants entrent dans le local : Éducatrice B « Assoyez-vous, je vous donne un cerceau
… ne touchez pas au cerceau, attendez, arrêter de parler, restez assis … Payo, viens ici tu n’écoutes
pas tu as rien compris, viens me voir, va au bord du mur. Charlotte ici (l’éducatrice pointe ses
118
pieds pour que l’enfant s’y assoie), tout de suite, tu vas rester ici » (École 1, O, 2018) et ainsi de
suite pour les trente prochaines minutes à la suite desquelles trois enfants sont en retrait, privés de
collation. Il est possible de constater dans cet extrait les actions de poser les règles s’accompagnent
d’une série de réprimandes. Cette situation observée est peut-être exceptionnelle ou non, nous ne
pouvons en juger, mais il est clair que le maintien des règles occupe fortement l’activité de
certaines éducatrices. Bref, les observations permettent de percevoir que la place occupée par les
actions de poser des règles est variable d’une éducatrice à l’autre et chercher à expliquer pourquoi
il en est ainsi semble complexe. Retenons pour l’instant qu’on observe des habitudes ou des façons
de faire qui sont reproduites de période en période et développées de façon individuelle par chaque
éducatrice pour assumer la responsabilité d’un groupe d’enfants.
Actions visant à assurer la sécurité
Le dernier élément lié à la composante codifiée du travail en SGMS porte sur les indicateurs
visant à assurer la sécurité des enfants au sein des murs de l’école : prise de présence plusieurs fois
par jour, rédaction de rapports d’accident, décompte des enfants, suivi des allers-retours des
enfants par radio-portable, surveillance lors des activités, etc. Toutes les descriptions écrites des
éducatrices à propos de leur travail, nomment l’importance d’assurer la sécurité.
Nous avons relevé, au début du chapitre 4, l’accès restreint à l’école pour les visiteurs dans
deux écoles sur trois. Dans le contexte scolaire actuel, on peut penser que l’importance du maintien
de la sécurité des enfants a une incidence sur la mise en place et le nombre important de règles
pour assurer l’étanchéité de la "frontière" entre le territoire de l’école et le quartier ou encore pour
prévenir les accidents dans les milieux scolaires. Les observations permettent d’avancer que les
Analyse des données/résultats 119
éducatrices, dans leur travail quotidien, sont garantes de la sécurité des enfants. D’ailleurs,
contrairement aux actions des éducatrices ayant trait au respect de règles de conduite des enfants
à l’école, qui permettent d’observer des différences entre les actions des éducatrices autour de ces
prescriptions, les actions par rapport au maintien du respect des règles de sécurité sont beaucoup
plus homogènes. Dans tous les milieux observés, les éducatrices suivent les protocoles des écoles
en matière de sécurité. On peut penser que la force et la clarté de la prescription portant sur la
sécurité des enfants ainsi que la légitimité perçue par les éducatrices relativement à cette
prescription, assure actuellement la conformité des actions en ce sens.
À titre d’exemple, le cas des rapports d’accident permet d’illustrer le poids des
responsabilités portées par les éducatrices autour de la sécurité des enfants. Lors des périodes
observées, des enfants se sont blessés et dans certains cas les éducatrices ont dû compléter un
rapport d’accident. À la suite d’une observation, une éducatrice expliquait que certaines
éducatrices provenant d’origine arabe ne voulaient pas compléter de rapports d’accident.
Ben, parce que si y arrive quelque chose à un moment donné, y’a déjà des
éducatrices qui sont passées en cour pour ça, un parent avait porté plainte pis les
éducatrices peuvent se faire poursuivre pour ça. Les éducatrices se parlent entre eux
autres, et sûrement qu’ils doivent se dire, ah non moi je ne veux pas passer en cour.
J’ai tellement passé de rapport d’accident depuis 11 ans et j’ai jamais passé en cour,
c’est ça que moi je leur dis (répète). Pis y’a quelqu’un qui leur a mis ça dans la tête
(Éducatrice 4, EI, 2018).
120
Dans cet extrait, il est question des éducatrices qui ne veulent pas compléter de rapport dans un
contexte ou des mesures judiciaires peuvent aujourd’hui être prises contre elles en cas d’accident.
Cet extrait permet de situer la composante « sécurité » par rapport à la fois à la responsabilité
portée par l’éducatrice en matière de sécurité et plus largement à la responsabilité de l’école en
matière de sécurité des enfants dans un contexte judiciaire où les droits de la personne priment.
Dans ce cas, la force de la prescription trouve un appui externe à l’école, c’est-à-dire sur une
jurisprudence établie par la société, et la coercition qui l’accompagne, faute de respect. D’ailleurs,
à la lumière des données recueillies, la sécurité des enfants fait partie intégrante de l’activité dans
le travail des éducatrices en SGMS.
3.3.3 Composante « sociabilité »
La troisième composante de la dimension éducative porte sur l’activité des éducatrices
autour de l’éducation à la sociabilité. Nous constatons, à travers l’observation des éducatrices,
qu’en toile de fond, elles sont constamment appelées à intervenir auprès des enfants qui
interagissent entre eux. En effet, en milieu scolaire, les enfants se retrouvent en groupe, ce qui
implique que leurs habiletés sociales sont sollicitées et les éducatrices interviennent dans l’exercice
de leur sociabilité.
Lors d’une période de garde, les éducatrices interviennent régulièrement pour favoriser la
communication entre les enfants et le développement d’une série d’attitudes et d’habiletés liées à
l’adoption de comportements tels que : apprendre à communiquer ses intentions à un autre enfant,
attendre son tour en jouant à un jeu de société, comprendre les autres, utiliser des mots pour
s’exprimer, etc. Contrairement aux normes de nature morale codifiant la relation adulte/enfant, ici,
Analyse des données/résultats 121
l’attention est sur la relation des enfants entre eux, sur les relations sociales qui s’y développent.
Dans le cadre de cette analyse, un nombre important d’actions portant sur la modulation par les
éducatrices d’interactions entre enfants ont été identifiées comme récurrentes. Ces actions
semblent centrales dans l’activité professionnelle des éducatrices. Voici quelques extraits.
Éducatrice 5 : Non Solan, on ne pousse pas les amis, on parle avec la langue pas
avec les poings, ok mon ami?... (Plus loin), non, non Eva, …non pas de coups, non
(Éducatrice 5, O, 2018).
Éducatrice 4 : Je dois faire une intervention parce qu’un enfant a perdu et il ne veut
pas céder sa place. Je lui explique les règlements du jeu, il bougonne mais il
comprend (Éducatrice 4, CO, 2018).
Éducatrice 3 : (Lors d’une activité devinette observée, un enfant se lève pour faire
sa devinette) Non, il faut attendre ton tour, Dalia et Gomez sont avant toi, va
t’asseoir (Éducatrice 3, O, 2018).
École 1 : (Un enfant pleure, l’éducatrice demande à l’enfant à côté de celui qui
pleure ce qu’il a fait). Enfant : J’ai mordu Joey car il ne voulait pas donner mes
choses. Éducatrice 1 : Il faut prendre des mots, est-ce que tu m’as vu mordre
quelqu’un quand je ne suis pas contente? (École 1, O, 2018).
La liste d’extraits pourrait être longue. Ce qui est dégagé de cette composante, c’est que l’activité
des éducatrices est ponctuée de ces actions qui visent à favoriser l’éducation à la sociabilité des
enfants à la vie en groupe. Ajoutons en ce sens que les actions des éducatrices autour de cette
122
composante sont récurrentes mais semblent s’adosser à différents référents en matière de
sociabilité. À titre d’exemple, certaines éducatrices privilégient le retrait lors de disputes alors que
d’autres cherchent à favoriser la communication et les compromis entre les enfants. Il est possible
d’entrevoir que les valeurs portées par l’éducatrice et celles véhiculées au sein de l’école doivent
teinter ces actions en matière d’éducation à la sociabilité.
3.3.4 Composante d’une construction de la perception du monde
Les observations effectuées permettent d’entrevoir que la fréquentation scolaire met les
enfants en contact avec des valeurs, des croyances, des modes de penser en présence dans ce milieu
et véhiculées par les adultes qui y travaillent. Plus précisément, les groupes dans lesquels les
données observées ont été recueillies ont permis de constater qu’avec les groupes d’enfants de 4
ans, de 5 ans et de 6 ans, les éducatrices sont fréquemment amenées à répondre aux enfants pour
ajuster leur compréhension du monde qui vacille, à ce stade, entre le monde imaginaire et le monde
réel. Dans l’analyse des résultats effectuée à partir des observations, on constate que les éducatrices
sont interpellées par les enfants dont les interrogations portent sur une panoplie d’aspects liés à
leur construction progressive d’une représentation du monde, par exemple, sur ce qui est bien et
mal, sur ce qui est vrai et faux, sur ce qui est drôle et de ce qui ne l’est pas:
Enfant : « Tu sais ma maman m’a dit que ce n’était pas bien de trop pleurer sinon
ça va faire mal au cœur » (École 3, O, 2018).
Enfant : Est-ce que la vie ça finit jamais? (École 1, O, 2018).
Analyse des données/résultats 123
Enfant : Pourquoi c’est pas bien de partager sa collation avec nos amis ? (École 1,
O, 2018).
Enfant : Est-ce que c’est vrai que les nuages volent? (École 2, O, 2018).
Enfant : Tu sais que j’ai un amoureux maintenant (École 3, O, 2018).
Enfant : Oui, mon cousin, c’est dans ma famille, hen Éducatrice 4? Éducatrice 4 :
Oui, dans ta grande famille (École 2, O, 2018).
Éducatrice 7 : Hon, Éducatrice 5, Edward a laissé sa place à Fatima quand elle est
arrivée. Éducatrice 5 : ha c’est bien!! Bravo Edward (École 3, O, 2018).
Éducatrice 7 : (un enfant a craché) Je n’aime pas ça. Est-ce que tu le fais à la
maison? Non, donc si tu le fais pas à la maison on le fait nulle part. Autre enfant :
Ni au métro. Éducatrice 7 : ni au métro. Enfant : ni au STM, ni au chinois. Rires
des enfants et de l’éducatrice (École 3, O, 2018).
Dans ces extraits, il est possible de constater que les réponses formulées par les éducatrices
contribuent à la perception que l’enfant se construit du monde, au développement de ses valeurs
et à l’émergence d’une pensée rationnelle et éthique. D’ailleurs, les actions des éducatrices par
rapport à ces interrogations des enfants sont une fois de plus différentes, parfois les éducatrices ne
répondent pas, parfois elles répondent avec humour, avec précision, etc. Dans ce prochain extrait,
issu des données observées, on voit que l’éducatrice fait le choix d’intervenir auprès des enfants
dans l’activité.
124
Un enfant fait pipi dans son pantalon et, en même temps, un enfant vient voir
l’éducatrice, car un autre enfant a traité sa maman de « folle ». L’éducatrice regarde
l’enfant qui a fait pipi et lui pointe l’espace aménagé avec des panneaux pour se
changer. L’éducatrice se tourne vers le deuxième enfant et explique, au petit groupe
qui attend, pourquoi il ne faut pas traiter la maman des autres de « folle ».
Simultanément, dans un coin opposé du local, près de moi, j’observe le jeu libre.
Quatre enfants jouent depuis un moment et leur activité devient intense, quelques
enfants semblent commencer à avoir peur. « Enfant : Attention la police arrive, elle
est méchante. Autre Enfant : Elle va nous faire mal, (ajoute une autre petite), vite il
faut tout cacher! » ensuite les enfants se disputent …la police a arrêté une petite
fille et elle est partie avec l’une d’elle… une petite fille pleure. L’éducatrice C qui
suivait distraitement le jeu intervient : « Les filles venez ici, vous savez la police
elle n’est pas méchante on peut même aller la voir quand on a besoin. Arrêter de
penser que la police va nous faire mal ». Les petites filles acquiescent et changent
de jeu (École 1, O, 2017).
Ces interventions de l’éducatrice C portent sur la sociabilité et contribuent au développement d’une
perception normée des enfants du respect des mères, du rôle des policiers dans la société (rôle, qui
à travers les jeux observés avait une toute autre connotation). Les éducatrices sont fréquemment
interpellées par cette composante de l’activité. Parfois, si aucune intervention n’est faite, elles
risquent de devoir gérer des crises ou des pleurs. Devant les réponses des éducatrices aux demandes
des enfants, on peut voir d’abord dans le choix d’intervenir ou non, puis dans la manière de le
Analyse des données/résultats 125
faire, des indications sur la conception, consciente ou non, qu’à l’éducatrice de son travail. Ses
choix laissent poindre ce qui est prioritaire dans son activité professionnelle par rapport à ce qui
l’est moins. Dans cet exemple, on perçoit clairement que l’Éducatrice C, devant l’imprévisibilité
des évènements dans la situation, soit la contingence de l’activité, elle choisit, dans la deuxième
partie de l’extrait, d’intervenir en cherchant à ajuster la perception des enfants sur le rôle des
policiers dans la société.
Cet extrait permet de voir l’importance accordée par l’éducatrice à la composante du travail
en SGMS portant sur la construction chez l’enfant de sa perception du monde, ce qui aurait pu être
différent si une autre éducatrice avait été présente lors de la même période. En effet, on pourrait
faire l’hypothèse (en caricaturant pour faire ressortir les différences) que l’Éducatrice B, citée dans
la section 3.3.2, dont les actions portaient exclusivement sur les règles et les réprimandes, aurait,
dans la même situation que l’Éducatrice C, posé des règles plutôt que d’expliciter aux enfants sa
conception du respect des mamans et du rôle des policiers. Il y a donc une question de choix des
actions, par rapport à ce qui interpelle les éducatrices dans l’activité, et ce choix semble dépendre
de l’éducatrice et peut-être plus spécifiquement de ce qu’elle considère ou juge (consciemment ou
non) comme faisant partie de son travail comme éducatrice auprès des enfants (ou encore du type
de journée qu’elle a vécu, ou de sa personnalité et de ses valeurs).
3.3.5 Synthèse de l’objectif 2
Pour conclure cette section visant l’objectif de définir les normes professionnelles dans
l’activité, retenons les éléments de synthèse suivants. D’abord, les données recueillies ont été
regroupées à partir d’indicateurs dans l’activité, réunis sous forme de composantes rattachées à
126
trois dimensions relevant de normes professionnelles : spécifique, morale et éducative. La
dimension spécifique est observable à travers les activités visant le développement d’habiletés
motrices ou cognitives, tandis que la dimension morale se matérialise plus imperceptiblement à
travers des gestes et des paroles communiquant l’hospitalité, le désir de développer un lien de
confiance avec l’enfant et la sollicitude. Pour ce qui est de la dimension éducative, quatre
composantes sont identifiées dans l’activité, soit : la composante du parentage et celle codifiée qui
font respectivement référence à la part d’éducation à l’enfant que l’éducatrice partage avec celle
que pourrait faire un parent ainsi que d’autres acteurs scolaires. Les deux autres composantes
portent sur l’éducation à la sociabilité des enfants entre eux et à la construction de la perception
du monde de l’enfant de 4 ans à 6 ans. On constate à travers la définition de ces trois dimensions
qu’en effectuant leur travail, les actions et leschoix des éducatrices sont différents, ainsi devant
une dispute d’enfants, certaines éducatrices rappelleront les règles et d’autres inciteront les enfants
à trouver un compromis. De façon transversale, il a été constaté qu’au sein de contextes similaires
(composés de mêmes prescriptions, de mêmes types d’apprenants et de séquences d’activités
similaires), les éducatrices n’agissent pas de la même façon. En effet, la sensibilité par rapport à
certaines composantes du travail auprès des enfants semble différer d’une éducatrice à l’autre.
Puis, les données analysées font ressortir que certaines règles ou manières de mener des activités,
par exemple, comme celles s’appliquant traditionnellement dans un contexte de classe, sont
reproduites dans les services de garde. Enfin, un questionnement a été soulevé à propos de la
compatibilité des référents en matière d’éducation, supportant certaines conduites de l’activité par
des éducatrices dans le travail en SGMS, avec ce qui est jugé acceptable dans un lieu d’éducation
Analyse des données/résultats 127
donné. Ces éléments de conclusion incitent à se pencher sur l’analyse de données autour des choix
qui sont faits lorsque les éducatrices font leur travail.
4. ÉLÉMENTS PARTICIPANT À LA NÉGOCIATION ET À LA HIÉRARCHISATION
DES NORMES
Cette dernière section présente les résultats de recherche portant sur l’objectif spécifique
de décrire ce qui participe à la négociation des normes et à leur hiérarchisation dans l’activité
des éducatrices. Ainsi, cet objectif s’intéressant à ce qui est en jeu à travers la négociation des
normes, les données analysées dans cette section s’articulent autour des échanges menés avec les
éducatrices sur le sens donné à certaines actions, ou séquence d’actions repérées dans l’activité.
Dans la section 2 de ce chapitre, il a été constaté, d’une part, que des groupes d’actions se
répètent d’une éducatrice à l’autre et d’une période à l’autre, et, d’autre part, que des différences
dans la manière de mener des activités ont été identifiées entre les éducatrices. De plus, dans la
section 3, il a été question des normes professionnelles dans l’activité des éducatrices et de celles
qui les interpellent ou non dans leur travail auprès des enfants. À travers l’analyse des gestes et
des paroles des éducatrices, il a semblé que des éducatrices étaient plus sensibles que d’autres à
certaines dimensions professionnelles. Pour chercher à mieux comprendre ces constats,
récurrences, différences et sensibilités par rapport aux normes, il est intéressant de se pencher sur
des indicateurs de la négociation des normes dans l’activité. En effet, la négociation des normes et
leur hiérarchisation témoignent de choix qui permettent de mieux saisir ce qui est en jeu dans
l’activité. Les résultats présentés dans cette section portent, d’abord, sur les ressources à partir
desquelles les éducatrices disent puiser pour agir dans leur activité. Ensuite, nous présenterons le
128
contraste existant entre les descriptions faites par les éducatrices de leur travail lors d’un séminaire
par rapport à celles qu’elles font directement à la suite d’une période de garde. Ces différences
permettent de faire émerger des sources de normes dans l’activité. Enfin, les défis qu’elles
rencontrent dans l’activité sont identifiés, car ils illustrent la mise en tension des sources de normes
et la hiérarchisation de celles-ci dans l’activité dans le travail.
4.1 Explications des éducatrices sur ce qu’elles mobilisent pour faire leur travail
Des échanges autour du thème de ce qui fonde les choix faits par les éducatrices pendant
leur travail ont eu lieu lors des séminaires de recherche avec ces dernières. Lorsque les éducatrices
expliquent ce sur quoi elles fondent leurs gestes dans leur travail, elles parlent de leur bagage. En
ce sens, les explications des éducatrices laissent poindre que les référents sur lesquelles elles
s’appuient pour faire leur travail sont intimement liés à leurs expériences de vie. Ces données
recueillies autour de ce sur quoi elles disent se baser pour faire leur travail peuvent permettre de
décrire une partie de ce qui intervient dans la négociation des normes dans l’activité.
Comme être maman
Les descriptions partagées par les éducatrices à propos du travail dans les SGMS ont
d’abord donné lieu à des discussions autour des principes qui fondent leurs actions dans leur travail
quotidien. La question posée à ce moment était : « Pouvez-vous indiquer quels sont les
connaissances, les habiletés, les savoir-faire que vous utilisez comme éducatrices pour travailler
avec les jeunes enfants? Avez-vous des exemples en tête ? » (Canevas, S1, 2108). Les réponses à
Analyse des données/résultats 129
cette question se sont avérées très difficiles à formuler par les éducatrices. À la suite de longs
échanges, l’Éducatrice 7 résume les propos des autres éducatrices ainsi : « Tsé, un peu comme être
maman, mais t’as beaucoup d’enfants, t’as jamais appris à être maman mais… » (Éducatrice 7, S1,
2018). Devant l’acquiescement des éducatrices autour de cette explication, on comprend que cette
référence au travail d’une maman réunit les perceptions dans la mesure où la maman agit, éduque,
sans toujours être en mesure de définir clairement ce qui oriente ses actions. De plus, ce que
l’éducatrice indique, c’est que ce métier ne s’apprend pas en théorie, mais plutôt et seulement par
expérience. Enfin, elle fait référence au fait qu’il diffère de celui du travail d’une maman dans la
mesure où elles sont responsables de plusieurs enfants.
Éducation familiale et approches; le bien de chaque enfant
L’introduction du deuxième séminaire a porté sur les expériences des éducatrices qui
avaient été soulevées comme étant centrales dans leur travail lors du séminaire précédent. À ce
stade de la collecte de données, la question suivante a été posée aux éducatrices pour approfondir
le thème des fondements de leur pratique : Pensez-vous que votre bagage a des effets sur votre
pratique ? Voici un extrait dans lequel les éducatrices expliquent (d’abord à l’écrit, ensuite en
groupe) comment leur bagage a des effets sur les approches qu’elles préconisent.
Éducatrice 1 : Ben moi j’ai parlé… éducation familiale… qui teinte ma façon de
faire avec les enfants, je suis plus négociable avec les enfants car je n’aime pas être
contrôlée. Alors c’est comme ça que je travaille, j’essaie de m’adapter à chaque
enfant parce que y’en a que ça leur prend un peu plus de cadres, y’en a qu’on peut
130
leur laisser moins de cadres, puis eh j’essaie de le faire donner des choix. … je ne
sais pas si ça répond à ta question?
Observatrice : En fait, ce que je comprends c’est qu’en regard à ce que tu as vécu,
toi tu te positionnes d’une certaine façon. Puis j’entends cette idée-là de laisser le
choix libre.
Éducatrice 1 : Parce que moi si je n’aime pas me le faire imposer, je ne le ferai pas
imposer aux enfants. J’essaie de traiter les enfants des autres comme j’aimerais que
mes enfants soient traités. J’en ai deux enfants et j’aimerais pas qu’ils soient avec
quelqu’un qui ne leur donne aucun choix. Tsé on a 20 enfants et sur 20 enfants y’en
a qui ont des personnalités différentes.
Observatrice : Donc, jeu proposé et jeu libre et différences entre les enfants.
Éducatrice 7 : Je trouve que maintenant […] on va observer plus, pour essayer de
donner plus à cet enfant, si y’a un problème spécial. Si y’a quelque chose de spécial
à cet enfant tu peux aller vers lui spécialement. Je pense. Et je suis tout à fait
d’accord avec toi (Éducatrice 1) surtout pour les 4 ans, je pense qu’imposer des jeux
tout le temps, activités, activités, activités, c’est fatiguant. Y’a des enfants qui ont
passé toute, y’a des enfants qui arrivent à 7h du matin au service de garde, y’ont
passé toute la journée encadrés, y’arrivent chez nous et (elle montre avec les bras
vers le bas et une grande expiration qu’ils sont fatigués) je fais comme elle
(Éducatrice 1). Je fais une table, un jeu, qui veut venir avec moi, ils, ils ont hâte, ils
Analyse des données/résultats 131
ont hâte de venir au service de garde, ils ont hâte de jouer avec les jeux, la voiture,
la voiture rouge est à moi, je vais jouer à telle chose … (S2, 2018).
Les éducatrices parlent à la fois de leur éducation familiale, de leurs expériences et de leurs
perceptions des besoins des enfants ainsi que des approches qu’elles utilisent en SGMS. Il est
question d’observer les enfants qui fréquentent les SGMS et d’ajuster l’approche en fonction de
chacun d’eux. Par cet extrait, on perçoit que ce qu’elles disent mettre en place comme approche
dans les SGMS est lié à ce qu’elles-mêmes, en tant que personnes référant à leurs enfants et/ou à
leur enfance, considèrent important dans le travail auprès des enfants en SGMS. On voit également
que la conception de l’enfant comme ayant des besoins ou des intérêts uniques est prise en compte
dans leur conception du travail avec des groupes d’enfants en SGMS.
Instinct, culture et valeurs
Lors des observations, une voix forte et autoritaire supplantant le bruit ambiant et provenant
d’une éducatrice s’adressant à un enfant dans le corridor a incité l’Éducatrice 1 à expliquer à
l’observatrice: « Les éducatrices qui viennent d’un autre pays, l’X par exemple, ben y viennent
d’un autre pays quand y arrivent au SGMS ben y font comme y’ont appris » (Éducatrice 1, O,
2018). Ce qui peut être dégagé de cet extrait, et de ceux évoqués dans le même sens, est que le
référent des actions est celui dont les éducatrices sont porteuses, selon leur éducation et plus
largement leur culture d’origine. D’ailleurs, les éducatrices participant au projet ont soulevé à
plusieurs reprises dans les entrevues individuelles (tenues à la suite de la deuxième série
d’observations) que les manières d’intervenir étaient liées aux valeurs et à l’instinct de chacune.
L’Éducatrice 6 conclut l’échange en entrevue individuelle en expliquant ceci : « On va un petit
132
peu d’instinct, parce que moi j’ai pas les connaissances de psychologie ou des choses comme ça
donc, on va d’instinct, … on essaye » (Éducatrice 6, EI, 2018). L’instinct comme source des
actions a été nommé à maintes reprises par les éducatrices. Il en est de même pour les valeurs.
« Sur quoi on se fie, ben c’est peut-être à cause de nos valeurs » (Éducatrice 3, EI, 2018).
« Expérience, mais aussi tes valeurs, ton jugement » (Éducatrice 4, S1, 2018). Dans l’ensemble, le
regroupement des données à propos des explications des éducatrices autour de ce sur quoi elles se
réfèrent pour effectuer leur travail auprès des enfants est associé au travail d’une maman, à
l’expérience, à la culture, l’instinct et aux valeurs.
Ceci dit, à l’analyse, ce qu’il y a derrière ce qui est nommé d’instinct mériterait d’être
examiné/exploré plus en profondeur. Il en est de même pour la culture, le travail d’une maman et
les valeurs. Ces ressources sont fortement imbriquées entre elles et façonnent les éducatrices.
Chercher à les départir ou à en identifier la provenance impliquerait d’utiliser une instrumentation
pour ce faire. Sans avoir approfondi ici chacun de ces éléments discutés par les éducatrices, ce qui
semble commun entre ceux-ci est certainement leur particularité d’être incorporés dans les actions
des éducatrices, d’être sous-jacents à leurs conduites, présents dans leurs habitudes et d’être issus
d’expériences de vie respectives.
Expérience et formation
Au terme de deux échanges de groupe autour de ces questions, les éducatrices évoquent
l’expérience et les formations comme étant aussi utiles à l’activité dans le travail. Dans cet extrait
on peut voir qu’elles cherchent à départir ce qui est plus présent dans l’activité.
Analyse des données/résultats 133
Éducatrice 1 : Mmm non, peut-être à force de faire des formations.
Éducatrice 3 : C’est des formations
Éducatrice 1 : Ouais j’pense que j’pourrais dire ça…. En lisant aussi
Éducatrice 4 : L’expérience, plus que les formations je pense.
Éducatrice 1 : En lisant, l’expérience aussi.
Éducatrice 4 : Y’en a qui ont des formations pis l’expérience ça vaut plus que des
formations des fois.
Éducatrice 2 : Ben l’écrit pis être sur le terrain, c’est pas pareille
Éducatrice 2 : Tu lis quelque chose, pis ça a l’air tellement beau pis t’arrive devant,
ouf,
Éducatrice 7 : Pas facile à maintenir. (S2, 2018)
Les éducatrices mentionnent les formations tout en gardant une réserve à propos de l’incidence de
celles-ci sur leur activité au travail. On perçoit dans l’ensemble de ces échanges qu’elles effectuent
leur travail non en fonction d’un référent tiré d’une formation ou de connaissances établies dans
le domaine, mais bien à partir de référents tirés de leurs expériences.
Ainsi, les éducatrices soulèvent que leur activité au travail relève de différentes ressources
portées (instinct, valeurs, culture, expérience de mère ou d’enfant ou encore celle d’éducatrice et
formations) qui sont de différents ordres mais toutes issues des différents milieux fréquentés par
134
les éducatrices au cours de leur vie. En ce sens, ces ressources peuvent être décrites à partir du
concept d’univers normatif à partir duquel se développent des schémas d’expériences incorporées
(pour reprendre les mots de Lahire, 2005, présentés dans le cadre conceptuel) et repérables dans
l’activité de chaque éducatrice. Voici, un élément central de ce qui participe à la négociation des
normes dans l’activité. D’ailleurs ces ressources identifiées par les éducatrices sont cohérentes
avec un pan des résultats tirés des données observées, qui permettent d’entrevoir les différentes
sensibilités des éducatrices par rapport à certaines normes professionnelles. L’expérience des
éducatrices est plurielle et différente d’une éducatrice à l’autre, et les actions de chacune sont
teintées par son expérience; cela semble d’autant plus vrai dans un contexte où la formation est
limitée et le travail de la garde en milieu scolaire demeure encore peu défini par les instances
provinciales et au sein des commissions scolaires.
4.2 Descriptions par les éducatrices de leur activité au travail
Lors des séminaires, des espaces permettant aux éducatrices de décrire leur travail ont été
prévus. Plus précisément, des données portant directement sur la description par les éducatrices de
leur travail ont été recueillies à deux moments. Dans un premier temps, lors du séminaire 1, les
éducatrices ont été invitées à décrire par écrit leur travail, pour ensuite partager cette description
en grand groupe. Dans un deuxième temps, les éducatrices ont décrit leur activité dans leur carnet
d’observations (CO), à la suite d’une période de garde. À cette occasion, il a été demandé aux
éducatrices de décrire une période du matin, du midi et de l’après-midi, immédiatement après
l’avoir vécue et avec le plus de détails possible (voir le canevas présenté en Annexe A). Les
contenus des descriptions effectuées lors de ces deux moments ont été comparés.
Analyse des données/résultats 135
Les résultats issus de l’analyse comparant des contenus portant sur la description du travail
par les éducatrices à deux moments distincts (à la suite d’une période travaillée en SGMS et lors
des séminaires) permettent de faire ressortir les différences entre les descriptions lors de ces deux
moments. Ces résultats laissent entrevoir qu’à travers le déroulement des périodes de gardes, les
éducatrices doivent donner préséance à certaines actions plutôt qu’à d’autres. Ensuite, l’analyse
des contenus des descriptions de l’activité met en lumière l’acte d’observer qui s’avère être central
pour les éducatrices, dans la mesure où il oriente le choix des gestes et des paroles qu’elles
préconisent lors des périodes de garde.
4.2.1 Poids variable des normes professionnelles selon les moments de description
Un premier constat est relevé lors de l’analyse des descriptions effectuées par les
éducatrices : le poids des normes professionnelles varie selon les moments où elles décrivent leur
activité. En effet, en classant les contenus des descriptions, il a été constaté que lors d’une activité
réflexive en séminaire, l’ensemble des éducatrices ont identifié les normes morale, spécifique et
éducative dans une proportion similaire. Leurs descriptions portaient sur les trois normes
professionnelles de façon équilibrée. Toutefois, le même classement des contenus de description
rédigés par les éducatrices à la suite d’une période vécue présentait un déséquilibre entre les trois
normes professionnelles abordées. Ceci reflète donc que lorsqu’elles réfléchissent à leur pratique,
les éducatrices perçoivent les trois dimensions des normes professionnelles comme faisant partie
de leur travail à parts équivalentes. Par contre, lorsqu’elles décrivent le déroulement d’une période
tout de suite après l’avoir vécue, certaines composantes de la dimension éducative sont
omniprésentes dans leurs actions par rapport aux autres dimensions des normes professionnelles.
136
Plus précisément, la composante codifiée (soit les actions autour des codes de conduite en vigueur
à l’école, du temps scolaire et de la sécurité), et les actions classées sous la composante du
parentage (liée aux besoins des enfants et aux pratiques sociales de base), occupent une place plus
importante que les autres dimensions. La différence relativement au poids des normes dans le
travail selon le moment auquel les éducatrices ont été consultées laisse entrevoir l’écart qui semble
exister entre le travail lorsque les éducatrices se le représentent par rapport à lorsqu’il se déploie.
Ceci permet de saisir que malgré la conception qu’ont les éducatrices des normes
professionnelles qui s’appliquent dans leur travail, ces normes ne se posent ou ne s’imposent pas
de manière équivalente dans l’activité. On peut comprendre que l’activité dans ce travail est
soumise à des impératifs qui obligent à organiser les actions et à reléguer parfois certaines actions
rattachées à des dimensions des normes professionnelles pour mener des actions rattachées à
d’autres dimensions dans l’activité. On peut penser que, lorsque l’importance de cet écart pose
problème, il peut être repérable notamment à travers les défis que les éducatrices identifient dans
leur travail, ce qui sera abordé dans la section subséquente. Mais, avant de ce faire, il sera question
d’un élément qui émerge de l’analyse des descriptions des éducatrices.
4.2.2 Acte d’observer en amont des actions menées dans l’activité
L’analyse des données retrace une constante dans les descriptions que font les éducatrices
de leur travail. Cette constante semble jouer un rôle important dans les décisions qui orientent le
déroulement des actions des éducatrices durant les périodes observées. En effet, il est constaté que
l’acte d’observer s’est avéré central dans les descriptions de l’activité des éducatrices et, comme
nous le verrons, il devient un vecteur d’action.
Analyse des données/résultats 137
Dans les descriptions faites lors des séminaires mais surtout dans toutes les descriptions de
l’activité à la suite d’une période, l’ensemble des éducatrices notent qu’elles ont observé. Comme
on peut le voir dans les extraits qui suivent, l’observation fait partie de leur activité.
Éducatrice 7 : Après-midi : Je range un peu, je vais chercher l’autre groupe, ordre
dans les sacs à dos, remarque que des enfants n’ont pas de mitaines, pas de
chapeaux, « j’observe », je regarde comment ils jouent, comment ils s’organisent et
comment évoluent les jeux, les petites chicanes, lance la neige, on fait la file pour
entrer (Éducatrice 7, CO, 2018).
Dans cet extrait, l’éducatrice observe pour suivre le déroulement des activités des enfants. Elle dit
regarder l’évolution des situations et laisse entendre qu’elle voit les jeux qui se déroulent. Ce
qu’elle observe ne semble pas nécessiter de gestes ou de paroles particuliers de sa part. Les petites
chicanes et la neige lancée semblent faire partie de l’activité ordinaire et être acceptées dans cette
situation. Dans cet extrait, l’interprétation des éléments de la situation par l’éducatrice (les
chicanes sont considérées comme petites et semblent être normales) selon le contexte (les enfants
sont dehors), lui permet d’évaluer les actions à mener. Il est possible de concevoir que cet acte
d’observation a une incidence sur le déroulement des gestes et des paroles dans son activité.
Dans le prochain extrait, l’éducatrice décrit ce qu’elle fait.
Éducatrice 3 : 11h50 Ensuite, je lave les tables, distribue les poubelles et j’accueille
les enfants, leur dis bonjour et les observe un par un, pour voir s’ils ont passé un
bon matin avec leur prof (Éducatrice 3, CO, 2018).
138
En observant les enfants un par un, l’éducatrice recueille des informations qui orienteront en
quelque sorte la façon dont elle doit agir avec le groupe d’enfants pour la période, donc son activité.
Elle ajustera sa conduite en fonction du groupe ou en fonction de ce qu’elle remarque chez certains
enfants. On peut penser par exemple que si le groupe est bruyant, elle mènera des actions pour
réduire le bruit; les enfants ne sont pas dehors, ils sont en classe, les codes de conduite ne sont pas
les mêmes.
Dans le dernier exemple, l’Éducatrice 1 recueille d’abord des informations, dès le début de
la période (elle est responsable d’un groupe durant l’avant-midi), en observant d’abord un enfant
en particulier.
Éducatrice 1 : 8H30 sort à l’extérieur… directement : regarde l’humeur de Ismaël,
son non verbal « ça change la dynamique du groupe » (Éducatrice 1, CO, 2018)
L’éducatrice observe l’humeur d’un enfant, ce qui lui donne des indices sur la façon dont elle doit
intervenir avec lui, ayant remarqué que cela à une incidence sur la dynamique du groupe. Dans les
descriptions recueillies, l’acte d’observer a une incidence directe sur les choix faits à travers le
déroulement de l’activité. Cet acte mériterait d’être investigué de façon systématique, ce qui n’a
pas été fait dans cette collecte de données.
En fait, l’observation des enfants, du groupe ou d’un enfant en particulier permet à
l’éducatrice de recueillir les informations et de les analyser avant d’agir. On peut penser devant
ces extraits que l’interprétation que les éducatrices font de ce qui est observé prend en
considération le contexte dans lequel l’activité se déploie. Par exemple, les petites chicanes sont
Analyse des données/résultats 139
peut-être tolérées dehors mais ne le seraient pas dans le corridor. Ainsi, l’observation des enfants
en présence en fonction du contexte leur permet de se positionner par rapport aux gestes à mener
et aux paroles à tenir. Les observations deviennent, dans l’immédiat des situations, régulatrices de
leur activité, elles orientent leurs conduites et le choix d’agir ou non.
La section 4, 2 a fait ressortir les différences entre le travail décrit en séminaire et l’activité
décrite à la suite d’une période. Ceci permet d’entrevoir que les actions décrites à la suite de
l’activité portent plus fortement sur certaines normes professionnelles que d’autres et donc que les
éducatrices opèrent des tris lorsqu’elles travaillent. Les données permettent de relever que l’acte
d’observer oriente comment les éducatrices composeront avec les éléments de la situation. C’est
un élément déterminant dans les choix faits par les éducatrices dans l’activité. Il sera maintenant
question de moments de l’activité où elles doivent développer des manières de procéder pour
résoudre ce qu’elles considèrent comme des défis dans l’activité.
4.3 Défis expliqués et négociation des normes dans l’activité
Les échanges avec les éducatrices ont fréquemment porté sur les défis qu’elles rencontrent
dans leur travail. Les résultats présentés ici s’articulent autour de l’analyse du sens donné par les
éducatrices lorsqu’elles expliquent les défis vécus dans leur activité au travail. Les données
recueillies lors des séminaires permettent de présenter deux lignes d’analyse. La première
s’articule autour des défis qui incitent les éducatrices à redéfinir l’activité en fonction des éléments
identifiés dans le contexte, la deuxième porte sur l’identification de normes qui s’imposent dans
l’activité des éducatrices sans qu’elles en soient conscientes.
140
4.3.1 Ajuster son activité en fonction des éléments du contexte
Les éducatrices expliquent devoir s’ajuster en fonction du contexte des SGMS et des
éléments qui le caractérisent. Les enfants qui exigent plus de temps que les autres dans l’activité
des éducatrices et le nombre d’heures passé par des enfants en SGMS ainsi que le nombre d’enfants
par groupe sont parmi les défis les plus importants que rencontrent les éducatrices participant à
cette recherche.
« Enfants difficiles » et dimension morale
Les éducatrices ont été invitées à décrire un ou des défis dans leur activité lors du même
exercice que celui de décrire les périodes (matin, midi, après-midi) après leur déroulement. Ce qui
ressort précisément des carnets d’observation porte sur ces éléments : les enfants de 4 ans et de 5
ans en SGMS sont fatigués, le nombre d’enfants par groupe est élevé et certains enfants ont des
besoins particuliers ce qui oblige les éducatrices à mener de nombreuses actions pour ces derniers,
ce qui implique être moins présente aux besoins du groupe. Cette dernière préoccupation autour
des défis que représentent les besoins des enfants ayant des difficultés d’adaptation dans les
groupes en SGMS est nommée par la majorité des éducatrices. Les enfants qu’elles qualifient
généralement de « difficiles » ou « d’enfant spécial » présentent, pour une majorité d’éducatrices,
des défis dans le contexte de leur activité. Il est d’ailleurs intéressant de constater que quatre
éducatrices expliquent individuellement que certains enfants ayant des besoins particuliers sont
aussi très attachants. « Quand un enfant demande beaucoup, c’est difficile… il faut avoir le sens
de l’humour. Il est attachant car, on a un lien de plus avec lui » (Éducatrice 1, ET, 2018). Ici, il est
possible de percevoir que la présence de certains enfants qui nécessitent des actions adaptées et
Analyse des données/résultats 141
une plus grande attention est accompagné d’une dimension morale, où le lien de confiance entre
l’enfant et l’éducatrice permet à l’éducatrice de surmonter ce défi. En fait, l’analyse des
descriptions montre que la dimension morale de l’activité des éducatrices, autour des actions de
sollicitude, d’hospitalité et de confiance, est implicitement rattachée aux valeurs et aux motivations
qui transparaissent lorsqu’elles décrivent leurs rapports aux enfants. La question des valeurs est
omniprésente dans le sens donné par les éducatrices à leur activité au travail et elle mérite
certainement de faire l’objet d’une recherche sous l’angle de l’analyse de l’activité.
Ceci dit, ce n’est pas seulement des actions rattachées à la dimension morale qui sont en
jeu lorsque des enfants demandent une attention soutenue. Lorsqu’un enfant demande une attention
particulière, les éducatrices expliquent devoir organiser leurs actions en fonction de cet enfant :
« J’veux pas qu’il me fasse une crise, tu l’as vu rentrer (s’adressant à l’observatrice après la
période), il arrive, s’arrête à l’entrée et se met à grogner, à agiter les poings, son visage est crispé,
les sons qu’il fait, j’veux pas qu’il fasse une crise » (Éducatrice 4, EI, 2018). L’éducatrice explique
qu’elle a appris qu’il faut changer les idées de cet enfant pour éviter les crises. Dans ces cas, les
éducatrices constatent qu’elles mènent plusieurs actions autour de ces enfants et qu’elles
développent des façons de faire. Plusieurs exemples sont donnés en ce sens. Une éducatrice
explique « une petite fille qui parle très fort, on tente de lui faire baisser le ton, belle personnalité,
amusante, …frappe les amis… j’en ai 21, je dois toujours la surveiller » (Éducatrice 7, EI, 2018).
Ainsi, ce que les éducatrices expliquent c’est qu’elles organisent leurs actions selon les besoins
des enfants du groupe. Elles sont conscientes de l’attention inégale qu’elles portent à certains
enfants par rapport à d’autres, mais aussi que cela permet le déroulement de l’activité sans crises
142
ou blessures. Enfin, c’est en quelque sorte la « réussite » de l’activité qui prend le pas sur les
actions à privilégier.
Le nombre d’heures passées en SGMS, le bien de l’enfant et la dimension spécifique
Lors du deuxième séminaire, les échanges entre éducatrices ont rapidement porté sur le fait
que les enfants passent aujourd’hui beaucoup plus de temps à l’école que lorsqu’elles étaient
jeunes. Après avoir soulevé ce changement, l’Éducatrice 2 explique ce qui en résulte, « Ça
demande beaucoup d’adaptation à l’enfant de passer d’un groupe à l’autre au fil de la journée et
ils sont fatigués l’après-midi » (Éducatrice 2, S2, 2018). Ce commentaire, et plus largement le sens
de cet échange de groupe, fait référence aux propos recueillis lors des échanges individuels :
« Éducatrice 1 : À 9h les enfants de 4 ans ont déjà vu 3 personnes (Éducatrice 2, Lili et Éducatrice
1) différentes. Ils ont déjà fait un jeu, lu une histoire. Ben là à 9h ils n’ont plus d’attention »
(Éducatrice 1, EI, 2018). Ces extraits font ressortir que le temps passé par l’enfant en SGMS et les
changements fréquents d’adultes responsables de lui ont un effet sur le travail de l’éducatrice (et
bien sûr, sur les enfants). Les éducatrices expliquent en séminaire devoir ajuster leur activité en
fonction de la fatigue des enfants à différents moments de la journée. Ces données mettent en
parallèle les défis que les éducatrices rencontrent dans l’activité, autour de l’âge des enfants dont
elles sont responsables, du temps qu’ils passent à l’école, du rythme scolaire et des lieux, comme
étant considérés peu adaptés pour accueillir ces jeunes enfants.
Cet élément du travail en SGMS, soit les jeunes enfants qui passent de longues journées à
l’école dans des groupes où le ratio est d’une éducatrice pour vingt enfants, est récurrent dans les
analyses. Une éducatrice expliquait, dans une entrevue individuelle à la suite de la deuxième série
Analyse des données/résultats 143
d’observations, que les enfants de 4 ans, même parfois ceux âgés de 5 ans et de 6 ans, mais encore
plus ceux de 4 ans, étaient fatigués à 15 heures. Une autre éducatrice présentait lors d’une
observation, une série de photos d’enfants endormis, sur un banc d’école, sur un tapis dans le local
ou encore sur l’épaule d’un autre enfant pendant la lecture. Ainsi, l’activité de l’éducatrice s’inscrit
dans un contexte qui est en quelque sorte hors de son contrôle et elle est tenue de faire son travail
malgré le fait qu’elle perçoive que les enfants à 4 ans et 5 ans sont fatigués, ce qui peut être en
contradiction avec ses valeurs, son éducation et sa conception de ce qui est bien pour l’enfant.
Ainsi, l’univers normatif dont elle est porteuse peut être en tension dans l’exercice de son activité
étant donné le contexte de son travail. Le prochain extrait, tiré d’une entrevue individuelle, illustre
l’ensemble des éléments d’une situation de travail qui oblige l’éducatrice à renégocier les normes
dans son activité.
Éducatrice 2 : [à 15h] Y pleurent pour rien, y s’endorment même sur un banc, à ce
moment-là, il faut doser, on donne des activités, c’est le boss qui le dit, mais elles
doivent être simples, pas trop de consignes, juste assez, il faut les laisser décanter
de leur journée […] desserrer le cadre. L’enfant est à l’école toute la journée!
Comme éducatrice d’être capable de voir, ok, c’est ça la situation, comment je peux
faire pour qu’il soit le mieux possible étant donné toutes les règles qu’il y a l’école »
(Éducatrice 2, EI, 2018).
Dans cet extrait, l’éducatrice révèle à la fois sa sensibilité, sa compréhension de la situation et la
position qu’elle adopte. À l’analyse, cet extrait réunit les dimensions développées pour décrire
l’activité : les prescriptions, c’est le boss qui le dit, donc le devoir de mener des activités, celles
144
provenant de l’enfant à qui s’adresse ce service, donc les besoins des enfants en milieu scolaire à
ce moment de la journée ainsi que la « marge de manœuvre » de l’éducatrice qui tente, devant ces
éléments de la situation, de poser des actions adaptées. Dans ces propos, les activités font référence
aux activités éducatives que les éducatrices doivent mener et donc à la part de prescription qui
compose la dimension spécifique des normes professionnelles. Cette réflexion de l’Éducatrice 2
sur son activité peut sembler évidente, mais, à la lumière de l’ensemble des observations en SGMS,
ce ne sont pas toutes les éducatrices qui semblent réaliser ceci et/ou qui semblent se sentir
légitimement à l’aise de contourner la prescription, soit celle de devoir animer une activité. Le
rapport qu’entretient l’éducatrice relativement à la prescription semble ici être en tension avec le
bien-être de l’enfant dont elle a le souci.
4.3.2 Registres de normes s’imposant dans l’activité
Cette dernière sous-section des résultats révèle l’émergence de composantes de normes qui
s’imposent dans l’activité sans que les éducatrices en soient conscientes. Il est question de
manières de procéder lors de l’animation d’activités éducatives reproduites par les éducatrices et
qui sont traditionnellement celles propres aux contextes d’enseignement-apprentissage. De plus,
des normes rattachées à d’autres registres que ceux issus de l’expérience de vie des éducatrices et
des normes professionnelles sont identifiées à travers les propos des participantes.
Codes de classes reproduits dans l’activité en SGMS
Parmi les défis identifiés par les éducatrices, l’animation d’activités éducatives en SGMS,
alors que les enfants arrivent de la classe pose problème à certains égards, tel qu’il vient d’en être
Analyse des données/résultats 145
question. En effet, les données recueillies auprès des éducatrices portent sur l’animation d’activités
éducatives qui s’avère parfois représenter un défi en SGMS car les enfants arrivent de la classe,
qu’ils ont besoin de bouger, qu’ils n’ont pas toujours envie "d’être en activité". À ce sujet, les
observations dans les SGMS ont permis à l’équipe de recherche et aux éducatrices d’aborder des
exemples concrets en séminaire. D’ailleurs, la section 3.3.1 des résultats a, notamment permis de
relever la reproduction de conduites propres à des contextes d’enseignement/apprentissage à
travers les activités menées dans les SGMS. Dans le même sens, mais à travers l’analyse des
données sur le plan de la négociation des normes et de leur hiérarchisation dans l’activité, il sera
question ici des codes de classe reproduits inconsciemment par les éducatrices en SGMS et qui
sont à la source de plusieurs interventions de la part des éducatrices.
Lors du deuxième séminaire, il est question notamment des comportements suivants : des
enfants qui découpent et qui se lèvent pour découper, des enfants qui dessinent et qui ont le réflexe
de s’allonger par terre pour le faire, des enfants qui conversent en effectuant des activités, des
moments de lecture pendant lesquels les enfants se déplacent, changent de position, prennent la
parole spontanément sans avoir levé la main. Dans tous ces cas, les éducatrices reconnaissent que
les enfants de 4 ans à 6 ans dans leur groupe ont ces réflexes et qu’elles interviennent pour qu’ils
soient assis à une table pour bricoler, pour découper, qu’ils gardent leur place pendant l’histoire,
qu’ils soient en silence à certains moments, etc. À partir des observations et des échanges en
séminaire, la reproduction en SGMS de ce qui est attendu dans un contexte
d’enseignement/apprentissage devient évidente et peut être interrogée dans la mesure où les
éducatrices ne sont pas tenues d’inscrire leurs actions selon cette dimension normative, qui a été
analysée en termes de composante codifiée.
146
L’Annexe E présente un extrait spécifique issu du Séminaire 2 (2018), à partir duquel
quelques citations sont présentées ici. L’extrait porte sur les propos des éducatrices qui participent
à une réflexion de groupe sur la manière dont elles animent des activités éducatives. Cet extrait
permet de faire ressortir qu’en effectuant leur travail, les éducatrices mènent plusieurs actions
inconsciemment, et participent à une hiérarchisation de normes dont les composantes sont plutôt
celles s’appliquant à un contexte d’enseignement/apprentissage qu’à celui d’un SGMS.
La discussion porte d’abord sur le fait d’obliger les enfants à s’asseoir pour découper :
« Moi je le fais parce que on doit le faire tu comprends (elle fait des signes sur le contexte de
classe) » (S2, 2018, Éducatrice 7). La chercheure demande alors si elle oblige ceci car découper
debout représente un danger : « Mais moi j’ai dit de s’asseoir que c’est trucs là, j’ai appris comme
ça » (S2, 2018, Éducatrice 7). Ce commentaire est considéré intéressant par le groupe car, les
éducatrices reconnaissent que la raison pour laquelle elles demandent aux enfants de s’asseoir pour
découper est qu’elle-même ont appris ainsi. Les éducatrices disent trouver intéressant de prendre
conscience de ces manières de faire et la chercheure soulève que peut-être qu’un enfant a le goût
de bricoler mais qu’il n’a pas le goût d’être assis à une table pour ce faire : « Je sais et là tu
m’ouvres les yeux parce que j’avais pas pensé à ça! Tu comprends pour moi c’était juste s’asseoir
» (S2, 2018, Éducatrice 7). Une autre éducatrice demande si on fait asseoir les enfants pour une
question de sécurité et l’Éducatrice 7 explique qu’elle ne pense pas à l’aspect sécurité : « non parce
qu’il faut s’asseoir pour faire tous les trucs comme ça ». Des échanges se poursuivent et les propos
des éducatrices permettent de saisir qu’elles prennent conscience que, dans l’activité, elles répètent
inconsciemment des habitudes et cela se produit non seulement pour les activités de découpage
mais pour un ensemble d’actions. D’ailleurs, les 7 éducatrices sourient devant les propos de
Analyse des données/résultats 147
l’observatrice qui souligne le nombre de fois par périodes où les éducatrices demandent aux enfants
de s’asseoir, et trois éducatrices répètent assis-toi, assis-toi, assis-toi (S2, 2018). Donc, on
comprend à travers cet échange que les éducatrices disent reproduire inconsciemment des manières
de procéder, se traduisant en modes de conduite de l’action, et que le fait d’en prendre conscience
les porte à s’interroger à la fois sur leur pertinence, sur leur provenance et sur leur maintien.
Dans le cadre de cette thèse, malgré les perspectives transformatives envisageables de ce
type de démarche, ce sont les dimensions normatives de l’activité des éducatrices qui sont à
l’étude. L’analyse du travail à partir de normes professionnelles permet de relever que les
éducatrices doivent animer des activités et, dans cet extrait, elles expliquent que lorsqu’elles
animent des activités en SGMS, elles reproduisent des façons de faire sans en avoir conscience.
Ces façons de faire sont typiquement celles qui prévalent dans des contextes de classe. On peut
penser qu’en tant que personne et actrice dans leur activité dans le travail, les éducatrices sont
porteuses d’univers normatifs et reproduisent des systèmes d’habitudes qui peuvent être rattachés
aux modèles d’éducation inculqués en milieu scolaire. Non seulement elles reproduisent des
modèles, mais elles travaillent dans des écoles et elles occupent, de plus, les mêmes locaux que les
enseignants, alors les incitatifs en sens se trouvent renforcés. Ainsi, les actions autour de certaines
composantes, comme la reproduction des manières de procéder en milieu scolaire, rattaché ici aux
codes scolaires, permettent de mettre en lumière ce qui se tisse dans l’activité. Le fait de demander
aux enfants de s’asseoir pour faire leur bricolage et peut-être, aussi, d’être en silence, oblige les
éducatrices à mener plusieurs actions et gestes pour assurer que les enfants respectent ces façons
de faire. Devant ce constat, on peut percevoir que la négociation des normes dans l’activité
s’adosse parfois plus fortement à ce qui prévaut dans un contexte de classe, ce qui pose problème,
148
car cela ne correspond pas aux besoins perçus des enfants. Selon les propos des éducatrices, les
enfants ont besoin de se dégourdir, ils ont besoin que le cadre soit « desserré ». Ainsi, ce défi dans
l’activité peut être réfléchi sur le plan des normes et des tris qu’elles effectuent inconsciemment,
donnant préséance à certaines actions dans l’activité. Nous explorons ce filon d’analyse dans la
prochaine sous-section.
Rapports enseignants/éducatrices
Lors du dernier séminaire, un bilan des informations recueillies tout au long de la recherche
sur le travail de la garde en milieu scolaire a été présenté. Dans ce cadre, les données recueillies
permettent de soulever que le travail des éducatrices est intimement lié à celui des enseignants. En
effet, les résultats montrent que cette proximité peut être une source de collaboration mais peut
aussi se révéler être une source de contrainte qui joue dans la négociation des normes dans l’activité
dans le travail des éducatrices. Dans le même sens, tel que présenté subséquemment, il y aurait à
travers les rapports éducatrices/enseignants une hiérarchie non écrite selon laquelle le regard de
l’enseignant sur le travail des éducatrices peut exercer une contrainte.
Les points saillants du bilan ont porté sur la particularité des services de garde en milieu
scolaire, autour du fait que les règles, le rang, ne pas courir, le silence, la position assise au pupitre,
etc., se transposent dans le travail des éducatrices. À ce sujet, la question suivante a été posée en
séminaire : « De quelle « marge de manœuvre » l’éducatrice dispose-t-elle par rapport à ces façons
de faire ? ». Devant le silence prolongé des éducatrices, une relance a été faite pour savoir si la
question avait été comprise et l’ensemble des éducatrices ont affirmé comprendre la question.
Analyse des données/résultats 149
Éducatrice 2 : Oui, mais je pense que dès que tu sors de ton local, tu n’as pas le
choix, c’est en silence, donc, ça dépend peut-être des écoles.
CP 2 : J’allais dire, y’existe tout de même une hiérarchie, eh, … non écrite
(plusieurs hochements de tête et « oui ») entre l’enseignant et l’enseignante et
l’éducatrice du service de garde ce qui fait que chaque fois qu’une éducatrice fait
quelque chose, elle a toujours le regard de l’autre (Éducatrice 6 : tout à fait) qui
vient se poser sur elle, l’inverse est beaucoup moins vrai, tsé.
Plusieurs hochements de tête et « Oui »
Moment de réflexion
CP 2 : Pis là t’as ça pis là tu vas te dire ben là je vais laisser les élèves ben les enfants
de mon groupe découper debout, pis là t’as l’autre (ici, elle fait référence à une
enseignante) qui est peut-être dans le local ou qui passe, pis qui ramène ça en
réunion d’équipe (plusieurs mmmmm, mmmm, murmures, signes d’approbation).
Pis là qu’est-ce qui arrive, c’est qu’on dirait que les enseignants des fois deviennent
les patrons du personnel des services de garde alors que ça devrait pas être.
Éducatrice 3 : C’est vrai ça
Éducatrice 7 : Haaa! comme c’est vrai!
Éducatrice 2 : c’est donc vrai ça!
150
Ce regard dont parle la conseillère pédagogique et que toutes les éducatrices participantes
reconnaissent présente une dimension non négligeable de l’activité. On peut facilement envisager
la hiérarchie non-écrite selon laquelle un acteur pose un regard sur le travail de l’autre, ce qui incite
l’autre à mener des actions qui n’entrent pas en conflit avec ce personnel, donc à se conformer à
ce regard dans son activité. Ainsi on peut penser que ce regard fait partie des normes qui sont
négociées et hiérarchisées dans l’activité dans le travail.
Un deuxième élément peut être tiré des échanges qui se sont poursuivis dans ce même
séminaire au sujet des collaborations, ou de l’absence de collaboration, entre les éducatrices et les
enseignants : « Ça, c’est vrai … mmm … c’est pas tout le monde, y’a des profs qui vont te regarder
puis ils vont passer. Moi, j’ai la chance, moi et Éducatrice 5 qu’on n’a pas de prof dans notre
local. » (Éducatrice 7, S3, 2018). Devant ce commentaire, des échanges portent sur le fait que
l’éducatrice soulève qu’elles ont de la chance d’avoir leur local donc elles peuvent se soustraire à
ce regard. Ainsi, elles renforcent cette idée qu’il est en quelque sorte normal qu’un regard soit
porté par l’enseignant sur le travail de l’éducatrice. Les remarques en ce sens font sourire, voire
rire à haute voix, toutes les personnes présentes.
Ensuite, sont soulevés des éléments autour de la collaboration entre les éducatrices et les
enseignants. Les éducatrices remarquent les différences entre leurs réalités.
Éducatrice 7 : Y’a des profs qui ne le laissent pas jouer dans la classe le midi, je
trouve ça affreux.
Analyse des données/résultats 151
Éducatrice 4 : Moi j’ai la chance de travailler avec le professeur en collaboration,
j’utilise toutes les affaires de sa classe. Ça fait 9 ans ou 10 ans que je travaille avec
elle.
Éducatrice 3 : Pis on est dans la même école et moi ce n’est pas pareil. (S3, 2018)
L’enseignant, acteur scolaire, peut être collaborateur ou source de contrainte dans le travail des
éducatrices. Pour ce qui est de la part de collaboration, les données recueillies lors des périodes
observées permettent de soutenir que même si le travail de l’éducatrice semble s’effectuer alors
qu’elle est seule avec le groupe d’enfants pendant une période, il est lié à celui des autres acteurs
de l’école. Ces acteurs, dont les actions se déploient dans le même milieu, partagent les codes de
l’école et les actions des éducatrices, et s’avèrent plus interreliés que ce qui ne le parait. En effet,
les données recueillies permettent d’identifier plusieurs moments de collaboration entre les
éducatrices et les enseignants lors des périodes de garde.
Ceci dit, parfois, le « regard » de l’enseignant sur le travail de l’éducatrice, qui peut être
accentué par le fait d’utiliser les locaux dans lesquels les enseignants font la classe, exerce une
forme de contrainte sur l’activité de certaines éducatrices, ce qui les incite dans leur travail à :
interdire aux enfants de toucher au matériel, assurer la propreté des lieux, intervenir si les enfants
sont bruyants, etc. Ces éducatrices sont incitées à agir en fonction de la contrainte perçue par le
regard de l’autre sur leur travail. Ces exemples permettent de saisir qu’à travers la négociation des
normes dans le travail, les rapports sociaux, ici ceux entre éducatrices et enseignants, interviennent
dans le choix des actions menées par les éducatrices. Enfin, au-delà des rapports sociaux, un
dernier élément, lié cette fois au déplacement d’une norme, a émergé de ce séminaire.
152
Terminer le repas : univers normatif partagé
Lors des observations à l’heure du repas, il a été remarqué vers la fin des repas, et cela dans
tous les groupes, que l’éducatrice encourage ou insiste pour que les enfants mangent. Elles le font
de différentes façons, par exemple en chantant une chanson d’encouragement pour que les enfants
mangent ou en étant plus autoritaires.
Éducatrice 7 : Coya, tu as fini, wow ça m’impressionne, félicitez Coya, elle a fini,
on l’applaudit.
Tous les enfants l’applaudissent.
Éducatrice 7 : Eh Nathan …. Tu vas manger dessert (à un autre enfant) …un p’tit
peu de maïs s’il te plaît?
Éducatrice 7 : et aujourd’hui, [inaudible], parce que d’habitude ça lui prend long,
long, lonononongtemps pour finir son repas, mais aujourd’hui elle a été vite pour
finir ce repas.
Enfants : moi je suis vite, moi aussi, moi aussi
Éducatrice 7 : Oui, oui (École 3, O, 2018)
Cette observation a été l’objet d’une discussion lors du troisième séminaire. Après avoir expliqué
que dans tous les groupes il y avait, à la fin du repas, cette préoccupation de la part des éducatrices
pour que les enfants finissent le repas, la question suivante a été posée: « Quel est le rôle de
l’éducatrice par rapport aux enfants qui doivent terminer leur repas? Est-ce que dans le travail il y
Analyse des données/résultats 153
a quelque chose qui dit : il faut que l’enfant revienne à la maison la boîte à lunch vide? Est-ce que
c’est prescrit dans votre travail ou non? » (S3, 2018). Toutes les éducatrices disent, non, à tour de
rôle. Puis, une éducatrice explique que pour un enfant de son groupe, le parent est intervenu pour
que son enfant termine son repas. Des discussions se poursuivent sur les préoccupations des
parents autour du repas, mais selon les échanges, là ne semble pas être leur source de contrainte.
Les éducatrices expliquent, qu’elles-mêmes en tant que mères, sans réellement y avoir réfléchi,
trouvent important que les enfants mangent suffisamment et que c’est pour cette raison qu’elles
les encouragent à manger lors des repas. Alors, dans cette situation, ce ne sont pas les normes
professionnelles, mais les normes dont sont porteuses les éducatrices, et par extension celles qu’un
parent pourrait juger importantes, qui influencent les gestes et les paroles dans le travail des
éducatrices autour des repas.
Ce qu’il y a d’intéressant c’est que ces éducatrices proviennent de différents pays mais
qu’elles ont toutes cette préoccupation, on pourrait donc penser qu’il y aurait une norme
relativement aux repas, partagée par ces actrices mères qui transcende les normes dont elles sont
porteuses. Un constat du même ordre a été soulevé autour des interventions des éducatrices auprès
des enfants par rapport à l’adoption de pratiques sociales de base dans la section 3.3.1.
Changement dans les façons de faire ; un exemple de l’institution d’une nouvelle norme?
Un dernier constat peut être relevé en ce qui concerne les actions autour du repas. Les
échanges des éducatrices autour de l’importance de terminer le repas ont donné lieu à l’intervention
d’une conseillère pédagogique qui explique : « nous ne chercherons plus à ce que l’enfant termine
tout son repas mais plutôt de lui demander s’il a mangé à sa faim » (C.P. 2, S2, 2018). Selon les
154
propos qui ont suivi, un changement s’opère progressivement dans les écoles et la conseillère
pédagogique explique que des dépliants pour les parents ont été imprimés à cet effet pour les
commissions scolaires de Montréal. Puis, des échanges se poursuivent sur ce qui justifie ce
changement, comme les problèmes d’obésité et les troubles alimentaires. Dans cet extrait,
reprenant les propos de la conseillère pédagogique, on a vu que les échanges portent sur une
volonté de changement progressif des consignes autour des repas. Ce changement pourrait
s’expliquer par les problèmes de santé croissants, documentés dans différents travaux de recherche
et qui donnent lieu à de la documentation ministérielle, pour que de nouvelles manières de faire se
mettent en place dans les écoles pour réduire ces problèmes. Alors ici, ce ne sont pas les normes
portées par les acteurs ou celles professionnelles, mais bien celles portées plus largement par la
société québécoise à ce moment de l’histoire qui sont en vigueur. En effet, à partir de cet exemple,
on peut entrevoir que ce qui peut faire advenir un changement dans les façons de faire peut
s’expliquer par une réponse à un problème dans la société, qui à travers ses institutions, ici l’État
et l’École, institutions étant situées dans le temps et dans l’espace, influence les actions des acteurs
instituant une nouvelle norme.
4.3.3 Synthèse de l’objectif 3
Récapitulons brièvement ce qui vient d’être présenté dans la section 4.3.2, autour des
registres de normes dans l’activité qui interviennent dans l’activité. Il y aurait à travers les activités
animées des codes de classe reproduits en SGMS liés à la façon, scolaire, de mener des activités
visant le développement d’habiletés chez l’enfant. De plus, avec l’exemple du repas, certains
indicateurs de normes ne seraient par rattachables à des prescriptions officielles mais peuvent être
Analyse des données/résultats 155
associés au fait que les éducatrices sont aussi des mères. Dans les deux cas, les éducatrices ont
soutenu que ces actions, reproduites et se répétant dans tous les groupes, ne sont pas posées
consciemment. On voit ici différents registres de normes dans l’activité dans le travail. Enfin,
viennent s’ajouter de nouvelles indications portées par les instances ministérielles qui changeraient
progressivement les actions (dans le présent cas, celles autour du repas). Advenant que ce
changement s’intègre dans les façons de faire, ce pourrait être un indicateur de changement de
norme. Ainsi on pourrait penser que plutôt que de prioriser les actions visant à ce que l’enfant
mange tout ce qu’il a dans sa boîte à lunch, l’éducatrice hiérarchiserait autrement ses actions autour
du repas.
Pour résumer la section 4, le premier résultat présenté a trait aux ressources que les
éducatrices disent mobiliser pour faire leur travail soit : l’éducation, l’instinct, la culture et les
valeurs ainsi que l’expérience et la formation. Ensuite, les résultats montrent une différence entre
les descriptions des éducatrices lorsqu’elles sont en séminaire et lorsqu’elles décrivent leur activité
à la suite d’une période de garde. Ce résultat est intéressant dans la mesure où il fait ressortir l’écart
entre les normes professionnelles perçues par les éducatrices lorsqu’elles pensent leur travail,
réflexion sur l’activité, par rapport à lorsqu’elles le décrivent après l’avoir effectué, description
suite à l’activité. Quant à l’acte d’observer, il semble un indicateur d’importance pour comprendre
l’activité au travail. Des recherches plus approfondies autour de cet acte, permettant d’étudier ce
que les éducatrices observent, en fonction de quoi, et des décisions qu’elles prennent pourraient
s’avérer pertinentes pour comprendre plus en profondeur les motifs de leurs actions par rapport à
l’interaction entre les registres normatifs qui jouent sur leurs choix, par exemple.
156
5. CONCLUSION DES RÉSULTATS
La conclusion des résultats est d’abord présentée par objectif, de façon à tendre vers des
énoncés qui serviront à la discussion présentée dans le prochain chapitre. Ensuite, les résultats sont
présentés à l’aide d’un schéma récapitulatif illustrant les trois registres de normes identifiés à
travers l’analyse de l’activité des éducatrices en SGMS.
Résultats contextuels
Les résultats préliminaires issus de cette recherche portent sur l’horaire, l’accessibilité des
écoles et des locaux ainsi que les différents statuts d’emplois parmi les acteurs scolaires. Ils seront
repris brièvement ici en soulignant leurs correspondances avec des résultats issus des objectifs
spécifiques.
Les premiers résultats permettent de faire ressortir que le nombre important d’heures
passées par des enfants de 4 ans à 6 ans à l’école, soit plus de 40 heures par semaine, a une
incidence sur les défis rencontrés par les éducatrices dans leur travail. En effet, lorsque les
éducatrices prennent la parole, elles expliquent que les jeunes enfants sont fatigués à la fin d’une
journée scolaire, qu’ils sont nombreux par groupe, que certains enfants demandent beaucoup
d’attention, qu’elles sont tenues d’animer des activités et, tel que présenté à travers les résultats,
qu’elles doivent adapter leurs actions pour que les périodes se déroulent bien.
À propos de l’accessibilité des écoles, il a été constaté que dans deux écoles sur trois les
portes étaient verrouillées, tandis que dans la 3e école, elles étaient ouvertes. À la lumière des
données recueillies à partir de l’objectif 2, il est possible d’envisager que l’accueil par l’éducatrice
Analyse des données/résultats 157
de l’enfant en présence de son parent favorise les actions autour de la dimension morale du travail
en SGMS et notamment les composantes de l’hospitalité et du développement du lien de confiance
entre l’éducatrice et l’enfant.
Pour ce qui est des locaux, se caractérisant généralement par un espace aménagé par des
tables et des chaises, il semble que ces données doivent être considérées par rapport aux besoins
des enfants lors des périodes en SGMS identifiées par les éducatrices dans les résultats de
recherche (besoin de se dégourdir, de se détendre, de changer de position durant les différentes
périodes de la journée, etc.). Ces résultats au sujet des locaux doivent également être mis en
parallèle avec les résultats autour de la reproduction des manières de procéder, habituellement
observées en classe, par les éducatrices lors de l’animation d’activités visant le développement
d’habiletés cognitives ou motrices. En effet, on peut se demander si le fait que les mêmes locaux
soient utilisés favorise la reproduction scolaire des manières d’animer des activités et s’éloigne
peut-être aussi des besoins des enfants qui passent 8 heures ou plus à l’école. Comme dernier
élément au sujet des locaux, le dernier objectif spécifique au sujet de la négociation des normes
dans l’activité a fait ressortir que le partage des locaux peut être à la fois source de collaboration,
mais aussi source de contraintes supplémentaires, car le regard de l’enseignant sur le travail de
l’éducatrice peut s’imposer plus fortement. Ainsi, le partage des locaux peut accroître la source de
contrainte sur le travail des éducatrices qui travaillent dans un lieu « emprunté ».
Enfin, ces données ont porté sur la différence entre les statuts d’emploi des acteurs scolaires
gravitant autour des éducatrices en SGMS et ce constat a aussi été relevé dans l’analyse du travail
des éducatrices par rapport au travail de l’enseignant. Les résultats du troisième objectif spécifique
158
ont porté sur les rapports sociaux qui peuvent être mis en lien avec les statuts d’emploi dans le
milieu de travail.
Premier objectif spécifique
Dans l’objectif d’identifier les récurrences dans l’activité dans le travail des éducatrices,
les données recueillies à partir de l’activité lorsqu’elle se déroule ont d’abord semblé gorgées
d’actions éparses. C’est d’ailleurs une première caractéristique soulevée : l’activité parait à priori
indescriptible et les actions, imprévisibles. Le seul moment pouvant être décrit selon le
déroulement chronologique des actions est le matin entre 6h30 et 7h30. Toutefois, l’analyse des
données recueillies, à partir des observations répétées lors des périodes en SGMS, permet
d’identifier des récurrences dans l’activité. En effet, une séquence d’activités qui progresse tout au
long des périodes (transitions, hygiène, besoins -nourriture et toilettes-, activité éducative et libre),
accompagnée d’une série d’autres actions se répétant ont été discernées. En identifiant ces
récurrences dans l’activité, il est soulevé que les éducatrices semblent faire des choix qui
s’inscriraient dans un ensemble de possibles, qui préexistent en quelques sortes à l’activité, et qui
s’adosseraient à des contraintes dans le travail. Enfin, les résultats émergents de l’analyse montrent
que, malgré les récurrences constatées à l’analyse, des différences qualitatives entre les éducatrices
sont observées.
Deuxième objectif spécifique
Dans les résultats visant à définir autour de quelles normes professionnelles se déploie
l’activité dans le travail des éducatrices, il est constaté que les normes professionnelles mobilisées
Analyse des données/résultats 159
pour définir cette activité et identifiées en termes de dimensions spécifique, morale et éducative,
se sont avérées opératoires. De plus, l’identification de ces dimensions a permis de cerner des
différences dans leur mobilisation lorsque l’activité se déploie : la dimension spécifique des
normes professionnelles se traduit à travers des activités animées lors de chaque période
(bricolages, lectures, comptines, jeux de devinettes, etc.), tandis que la dimension morale s’observe
autour de regroupements d’actions (écouter l’enfant qui a de la peine, saluer les enfants qui
arrivent, remarquer l’enfant qui semble fâché et lui parler, prendre le temps de demander aux
enfants comment s’est passée la période précédente, etc.) qui s’observent à travers les gestes et les
paroles subtiles et ils sont repérés plus fortement chez certaines éducatrices.
Finalement, la dimension éducative (actions autour de la période du diner, du respect des
règles de l’école, de la sécurité, des relations entre les enfants, etc.), représente une portion
importante des résultats dans cette recherche. Elle a été organisée autour de quatre composantes.
La première, soit les gestes et paroles des éducatrices autour de la composante du parentage,
notamment l’éducation aux manières de faire ou d’être, permet de faire ressortir que l’activité des
éducatrices se déploie en fonction de l’objet de service, soit l’éducation de jeunes enfants. La
deuxième composante, codifiée, regroupe les actions autour de l’éducation relative au temps
scolaire, celles liées aux conduites à faire respecter en milieu scolaire et celles des règles posées
lors des périodes de garde. Les deux autres composantes portent sur l’éducation à la sociabilité
entre les enfants et sur les actions autour des nombreux questionnements des enfants qui participent
à leur compréhension du monde.
160
L’analyse des données portant sur la dimension éducative a permis de constater des
différences entre les actions des éducatrices. Parmi ces actions, celles d’assurer la sécurité sont
très homogènes, c’est-à-dire qu’elles se traduisent par des actions similaires dans tous les groupes
et lors de chaque période. Ce constat soulève le poids de la force de la prescription dans l’activité
dans le travail de l’éducatrice. Dans un autre ordre d’idées, ce qui traverse l’analyse de cette
dimension est certainement le grand nombre de référents personnels auxquels s’adossent les
éducatrices pour agir dans leur activité. Ces référents s’apparentent parfois au rôle d’un parent,
parfois à celui d’acteur scolaire et pour ce qui est de l’éducation à la sociabilité et à la construction
de la perception du monde, le référent semble plus flou. Devant une dispute, quelles actions
privilégier? Aux référents portant sur cette dimension s’ajoutent aussi ceux des dimensions
spécifique et morale.
Troisième objectif spécifique
Les données dont nous disposons pour décrire ce qui participe à la négociation des normes
et à la hiérarchisation de celles-ci dans l’activité des éducatrices permettent d’identifier, en
premier, que les univers normatifs dont sont porteuses les éducatrices sont à la source de leurs
actions dans l’activité. L’explication des éducatrices à propos de ce sur quoi elles se basent pour
faire leur travail porte sur leur instinct, leurs valeurs, leur expérience, leur formation et leur
éducation. Ces éléments liés aux expériences vécues, correspondent, à l’analyse, aux schémas
d’expérience incorporés qui expliqueraient le système d’habitudes que les éducatrices réactivent
dans leur travail. Il a également été soulevé que ces schémas étaient parfois « partagés » à travers
des caractéristiques communes (comme celles des femmes, de mères, de personnes ayant été
Analyse des données/résultats 161
instruites dans des milieux scolaires), ce qui explique par exemple que les actions autour des règles
de classe et celles autour du repas soient reproduites, même si les éducatrices travaillent
séparément et même s’il n’y a pas de prescriptions spécifiques autour de ces activités.
Deuxièmement, un indice de hiérarchisation des normes dans l’activité dans le travail est
repéré à travers la différence entre la conception des éducatrices de leur travail et la description
qu’elles en font à la suite de leur activité. En se penchant sur les actions décrites à la suite d’une
période par l’ensemble des éducatrices, on constate que la composante codifiée et celle du
parentage, dans une moindre mesure que la première, occupent une part importante de l’activité
dans le travail des éducatrices. Ainsi, des différences sont relevées entre la conception qu’elles ont
de leur travail, selon laquelle les trois dimensions professionnelles (morale, spécifique et
éducative) sont nommées de manière proportionnelle pour décrire le travail, et l’activité en tant
que telle réalisée auprès des enfants. On constate que lorsque l’activité est réalisée, une
hiérarchisation des normes a cours. Enfin, devant les défis rencontrés, les éducatrices expliquent
les différentes contraintes qu’elles prennent en compte pour agir. À travers ces explications, il est
possible d’identifier des sources de normes telles que le regard de l’autre, le contexte scolaire et
ses contraintes dans l’activité. Ainsi, sans décrire le processus de hiérarchisation et de négociation
de normes, il est possible de dégager différents registres de norme dans l’activité.
Les données traitées sous cet angle d’analyse permettent d’avancer que l’activité des
éducatrices en SGMS auprès des enfants pourrait être analysée à partir du rapport qu’elles
entretiennent, consciemment ou non, avec leurs univers normatifs, avec les normes
professionnelles (qui allient objet de service et devoirs de l’éducateur en milieu scolaire) ainsi
162
qu’en fonction du contexte dans lequel ce travail prend forme. Sur ce dernier point, les analyses
montrent que l’activité des éducatrices est influencée par des normes qui débordent de celles
identifiées (normes professionnelles et univers normatifs). L’école est animée d’acteurs (parfois
sources de collaboration et parfois de contraintes) qui sont imbriqués dans des rapports sociaux
définis, notamment à partir des statuts des emplois. Ces rapports sociaux jouent dans la négociation
des normes et ont à certains égards une incidence sur l’activité des éducatrices. De plus, l’école
est, elle aussi, imbriquée dans une société qui est située dans un espace-temps empreint de valeurs,
de normes et de croyances qui influencent l’activité dans le travail. Par exemple, l’aspect de la
sécurité dans les écoles, qui témoigne d’une certaine force de la prescription, dépasse le monde
scolaire. De plus, avec l’exemple d’inciter (ou non) les enfants à terminer un repas, les résultats
permettent d’entrevoir qu’un changement de norme peut être induit à partir de directives
ministérielles, basées sur des données issues de la recherche pour palier à des problèmes de santé
dans la population. Ce changement de norme s’effectuera si les acteurs s’y rallient dans l’activité.
Ainsi, la négociation des normes dans l’activité s’effectue à partir de nouvelles informations,
directives qui se matérialisent par des changements dans les actions.
Registres de normes intervenant dans l’activité des éducatrices
Devant ces résultats, l’explication de l’activité des éducatrices se trouverait dans la
perméabilité du rapport qu’elles entretiennent avec les normes, celles rattachées aux univers
normatifs, celles aux normes professionnelles et celles de l’École, à la fois établissement et
institution située. En effet, on constate que les éducatrices ont une marge de manœuvre dans leur
activité dans le travail et celle-ci s’expliquerait par le rapport qu’elles entretiennent avec les
Analyse des données/résultats 163
normes. Les résultats de ce chapitre portant sur l’analyse des données recueillies peuvent être
schématisés ainsi :
Figure 2. Schéma récapitulatif de trois registres de normes intervenant dans l’activité
Ce schéma vise à illustrer l’analyse s’effectuant à partir du rapport qu’entretiennent les éducatrices
avec les normes dans l’activité. Il regroupe trois registres de normes. Celui de gauche fait référence
aux personnes qui, dans leur travail d’éducatrice, mènent des actions qui reposeraient sur des
schémas d’expériences incorporées. Celui de droite porte sur les normes professionnelles, soit les
devoirs qui sont déterminés en matière d’activité professionnelle en fonction de l’objet de service.
En effet, il est clair que les éducatrices, lorsqu’elles effectuent leur travail, sont interpellées à la
fois par les prescriptions définies à partir de tâches et de responsabilités ainsi que par les enfants.
Au sommet de la pyramide se trouve l’École, à la fois un établissement et une institution dans une
société située dans l’espace et dans le temps. Ce registre normatif est vaste et les quelques
exemples développés ne sont pas exhaustifs, mais il laisse entrevoir que l’école véhicule des
Activité des éducatrices
Personnes porteuses d’univers normatifs
Normes professionnelles
Espace-temps Société École
164
normes et des valeurs qui influencent l’activité dans le travail. Les rapports sociaux font partie de
ce registre et semblent, devant les témoignages recueillis, présenter une source normative qui a
une influence sur l’activité des éducatrices. Les flèches dans ce schéma représentent le rapport à
la norme et indiquent qu’à la lumière des données analysées, les acteurs auraient une marge de
manœuvre par rapport à ces registres normatifs lorsqu’ils mènent des actions dans l’activité et que
celle-ci peut aussi favoriser des changements normatifs.
Bref, les résultats permettent de faire émerger un modèle d’analyse selon lequel l’activité
des éducatrices est le lieu de médiation des rapports entre les normes professionnelles, celles dont
sont porteurs les acteurs et celles portées par l’école, établissement et institution, dans une société
donnée.
DISCUSSION
Ce chapitre présente d’abord la discussion des résultats à la lumière des écrits scientifiques
présentés dans la problématique et selon le cadre conceptuel de cette recherche. De manière plus
détaillée, les éléments de discussion sont abordés en fonction des trois objectifs spécifiques.
Ensuite, ce chapitre présente une synthèse de l’analyse de l’activité autour de l’objectif général
visant à mieux comprendre les rapports complexes qui prennent forme, entre le travail prescrit et
le travail réel, dans l’activité des éducatrices auprès des enfants en SGMS. Cependant, avant de
se pencher sur chaque objectif, deux prolégomènes sont d’abord présentés, car ils traversent cette
analyse de l’activité. Le premier porte sur les concepts de prescriptions descendantes et
remontantes par rapport au concept de norme professionnelle. Le second présente des précisions
sur ce qui distingue les concepts de prescription et de norme à la lumière de cette analyse.
Premièrement, l’activité analysée en ce qui concerne les rapports entre travail prescrit et
travail réel a été développée autour du concept de norme et vise à prendre en compte à la fois ce
qui doit être fait, soit les prescriptions, et ce qui est fait ou ce qui aurait pu l’être. D’abord, les
résultats portent sur le fait que l’activité des éducatrices s’élabore, d’une part, à partir des
prescriptions définies dans leur travail (par exemple, devoir animer des activités dites éducatives),
et, d’autre part, selon les besoins des enfants (comme se reposer, bouger, obtenir des réponses à
leurs questions, se confier, etc.). Dans cette optique, les concepts de prescriptions descendantes et
remontantes mobilisés par Daniellou (2002) s’avèrent utiles. Ils permettent de saisir la tension qui
s’exerce entre ce qui peut être rattaché aux prescriptions descendantes (provenant des instances
ministérielles et des établissements scolaires) et ce qui provient de prescriptions remontantes,
166
issues des personnes à qui le service est offert (ici les enfants de 4 ans, 5 ans ou 6 ans en SGMS).
Cette conception des prescriptions descendantes et remontantes sied au concept de normes
professionnelles défini selon Prairat (2014) en fonction du sens de la profession. Le concept de
norme professionnelle fait référence aux deux types d’attentes envers l’activité professionnelle qui
sont rattachées au service que celle-ci entend rendre (la garde éducative des élèves en milieu
scolaire). Ainsi, se munir des concepts de prescriptions remontantes et descendantes conjointement
à celui de norme professionnelle permet d’étudier ce qui organise les actions des éducatrices
lorsqu’elles font leur travail.
Deuxièmement, comme indiqué précédemment, l’activité des éducatrices en ce qui
concerne la réponse aux besoins des enfants et aux devoirs à assumer a été conceptualisée autour
des normes professionnelles. À la lumière de l’étude de cette activité, la distinction entre norme et
prescription parait plus intelligible : la norme est dans les usages et la prescription est fixe. Par
exemple, on peut se référer aux exemples-types suivants pour illustrer cette distinction. Dans les
trois écoles ayant participé à la présente recherche, la règle voulant que les déplacements se fassent
en silence dans les corridors est l’objet d’une prescription. Cependant, dans une école sur trois,
même s’il est indiqué dans le code de vie affiché sur les murs de l’école que les enfants doivent
être en silence dans les corridors, les éducatrices n’interviennent pas ou peu lorsque les enfants
parlent. Ainsi, garder le silence est prescrit mais, dans l’activité, il en est autrement.
Dans le même sens, les éducatrices identifient un défi dans leur activité au sujet des enfants
de 4 ans à 6 ans, fatigués lors des périodes de l’après-midi. La prescription veut que des activités
soient animées, mais dans l’activité, les éducatrices disent laisser les enfants choisir de participer
Discussion 167
ou non aux activités qu’elles doivent animer. Ainsi, la prescription vise à ce que les éducatrices
animent des activités mais, lorsque le travail se déploie, cette prescription s’applique autrement.
Les éducatrices qui expliquent proposer aux enfants deux possibilités, jeux animés ou jeux libres,
est un bon exemple de la différence entre la prescription et la norme dans l’activité.
À l’issue de nos travaux, il semble possible de soutenir que la distinction entre la
prescription et la norme se situe par rapport à l’usage. La prescription est fixe tandis que la norme
dépend de l’usage dans l’activité. Il y aurait une sorte de légitimation, consciente ou non, de la
norme par les acteurs, à travers leurs actions dans l’activité. Sur le plan conceptuel, la norme a été
définie selon trois caractéristiques (collective, opératoire et contraignante) et elle se distingue de
la prescription, car elle mène à l’action en fixant un usage. Ces exemples, entre demander le silence
(prescrit) et laisser parler (usage), faire une animation (prescrite) et donner la possibilité de jeux
libres (usage), illustrent ce que Prairat (2012a) avançait au sujet de la norme : « elle règle un conflit
entre plusieurs manières de procéder qui sont en suspens, elle arbitre entre plusieurs possibles, elle
fixe un usage là où plusieurs usages sont en concurrence » (Ibid., p.39). Enfin, la prescription et
les protocoles qui parfois en découlent sont réélaborés dans l’activité, participant à la négociation
des normes dans l’activité.
1. RÉCURRENCES DE L’ACTIVITÉ MALGRÉ LES SINGULARITÉS
Le premier objectif spécifique de cette thèse a consisté à identifier les récurrences dans
l’activité dans le travail des éducatrices. Les principaux résultats autour de cet objectif sont repris
ici. Malgré la multiplicité des actions observées pendant une période de SGMS, il est possible
d’identifier des récurrences à travers une séquence d’activités reproduites (transitions, hygiène,
168
besoins -nourriture et toilettes-, activité éducative et libre) et une série d’autres actions répétées de
périodes en périodes (actions de poser des règles, d’encourager, de favoriser la sociabilité,
d’interagir avec d’autres acteurs, de s’occuper du matériel des locaux, des blessures à soigner, des
chagrins ou des malaises à gérer, etc.). De plus, la matérialisation des récurrences serait
qualitativement différente dans l’activité de chaque éducatrice.
Deux principaux éléments sont soulevés dans cet énoncé. D’abord, il s’agit de récurrences
observées à travers les routines et celles se déroulant de manière moins séquentielle, mais répétée
dans l’ensemble des périodes en SGMS. Ensuite, les différences, ou dit autrement les singularités,
sont soulevées dans la manière dont chaque éducatrice mène des actions ou des activités
récurrentes. Par exemple, toutes les éducatrices font prendre le rang aux enfants, certaines le font
en chantant une comptine avec les enfants, tandis que certaines le font en répétant des consignes
jusqu’à ce qu’elles soient respectées et que le rang soit conforme à leurs attentes. D’autres aident
les enfants avec leur matériel en leur suggérant des trucs, etc. Ainsi, à travers les récurrences, on
observe que les conduites de l’action diffèrent selon les éducatrices.
Sur le plan méthodologique, l’objectif d’analyser l’activité dans le travail en SGMS à partir
d’éléments récurrents de l’activité régulière des éducatrices a permis, comme le soutient Pires
(1997) à propos de la recherche qualitative, de s’intéresser aux phénomènes "normaux", routiniers,
en tant que fils conducteurs pour l'analyse. Dans le cadre de cette discussion, les récurrences
identifiées, telles que les séquences reproduites de période en période, sont des éléments de
l’activité de tous les jours, intrinsèques à l’activité, qui seront appréhendés sous l’angle des
Discussion 169
normes; celles portées dans le travail, celles portées par les individus et celles portées par l’École,
institution dans une société donnée.
1.1 Expliquer les récurrences à l’aide des concepts de normes antécédentes et d’acteurs
porteurs d’univers normatifs
Les récurrences ont été observées dans l’activité à partir de ce qui est fait. Il semble
cependant que pour les expliquer, il faille, en partie, se pencher sur ce qui est à faire, mais aussi
sur ce qui a été fait par le passé dans ce travail. En effet, ce qui est à faire prend racine dans le
cadre d’un travail empreint de normes qui préexistent en quelque sorte à l’activité qui se déroule
dans le travail. Schwartz (2016), s’appuie en ce sens sur le concept de normes antécédentes pour
désigner les techniques ainsi que les manières d’exécuter ce travail, et plus largement, le travail
prescrit. Cependant, les normes antécédentes se distinguent des prescriptions descendantes dans la
mesure où les normes dépendent de l’usage dans les situations de travail. En ce sens, les routines
identifiées dans les résultats peuvent être une illustration des normes antécédentes qui sont
renormalisées dans l’activité. L’activité se déroulerait selon le débat (Bidet et Valin, 2016;
Daniellou, 2006; Roth, 2013; Schwartz, 2016) ou la confrontation des normes provenant de
différentes sources et s’emboîtant dans celle-ci. Ce débat des normes se produirait à travers le
choix des actions des acteurs. Il dépendrait de la légitimité de la norme dans l’activité. L’exemple
des éducatrices qui révèlent ne pas imposer d’activités dirigées aux enfants fatigués en fin d’après-
midi, même si elles sont tenues de ce faire, permet d’illustrer ce débat. Pour cet auteur, les normes
portées dans le travail seraient débattues dans l’activité à travers le rapport en valeur (basé sur
l’existence sociale) des acteurs en situation de travail. Travailler se résumerait selon Schwartz
170
(2016) au ré-usinage des normes, soit à la renormalisation des normes antécédentes, à travers
l’activité des acteurs dans leur travail. Selon Schwartz, travailler consiste à conclure des débats de
normes.
Dans le travail en SGMS, les normes antécédentes, soit l’ensemble des techniques et des
façons de faire portées par le travail, sont floues. Ce travail comporte des prescriptions ou des
responsabilités officielles, mais contrairement à d’autres métiers ou professions (enseignement,
services de psychologie, d’orientation, etc.) les approches et les procédures pour faire ce travail
sont moins stables, voire moins stabilisées. Par exemple, devant l’enfant qui pleure, il n’y a pas
une technique éprouvée pour agir en situation, contrairement à lorsqu’une machine s’arrête de
fonctionner et qu’il est possible d’ouvrir le boîtier pour régler le problème. Les techniques portées
par le métier sont plurielles et se développent par essai-erreur. En effet, même si le milieu dans
lequel s’effectue ce travail repose fortement sur les codes de l’école comme nous l’aborderons
subséquemment, les techniques et les méthodes pour travailler auprès des enfants en SGMS
demeurent imprécises. Le commentaire récurrent des éducatrices qui expliquent se baser sur leur
instinct pour faire leur travail en témoigne. De ce fait, le déroulement de cette activité semble
s’appuyer sur une source de normes portée par l’acteur (ici, en grande majorité des femmes) ce qui
offre un autre éclairage à la conception des normes antécédentes identifiées par Schwartz (2016)
qui seraient débattues à travers l’usage de soi dans un rapport en valeur avec le milieu. En effet,
dans cette thèse, l’utilisation du concept d’acteurs porteurs d’univers normatifs, dont les actions
reposent sur une pluralité de schémas d’expériences incorporés à travers différents milieux normés
fréquentés au cours de la vie de la personne (Lahire, 2005), permet d’approcher les normes qui
sont issues des parcours biographiques et sociaux des acteurs. Plus précisément, les normes portées
Discussion 171
par les acteurs en matière d’éducation et, plus largement, de socialisation (notamment à travers les
univers familial et/ou scolaire dans une ou des sociétés données) qui sont mobilisées dans l’activité
permettent de saisir les singularités entre les éducatrices, dans leur manière de s’adonner à
l’activité. Ces normes permettent du même coup de saisir une certaine régularité dans les modes
de conduite de l’action de chaque éducatrice. Ainsi, l’exemple type des différentes actions menées
par les éducatrices au moment où les enfants se mettent en rang pourrait être éclairé par le concept
d’acteurs porteurs d’univers normatifs permettant d’envisager que les expériences des éducatrices
en matière d’éducation les incitent à mener certaines actions d’une certaine manière dans leur
travail plutôt que d’autres. De plus, on peut penser que les conduites de l’action mises en place par
une éducatrice lors d’une période seront répétées de manière semblable lors des autres périodes
par cette même éducatrice. Ce point parait important, car il sous-tend qu’à l’aide du concept
d’acteurs porteurs d’univers normatifs, nous serions en mesure de mieux saisir l’agir des acteurs.
Enfin, un dernier élément peut être soulevé dans cette discussion qui tendra vers la
généralisation d’une analyse de l’activité. L’analyse de l’activité et des logiques qui peuvent être
dégagées des résultats obtenus permet d’avancer que malgré les récurrences repérées dans
l’activité, qui seront classées sous trois dimensions professionnelles, on constate que chaque
situation comporte une certaine portion de singularité. Nous venons de poser que la singularité des
acteurs peut être en partie captée sous l’angle des univers normatifs portés par ceux-ci. Ceci dit, la
singularité des situations pose un défi sur le plan conceptuel. La généralisation de l’activité nous
semble être une question d’ordre à la fois théorique et épistémologique pour déterminer comment
appréhender conceptuellement les situations singulières. Une des contributions de cette thèse serait
de soutenir que le concept de normes antécédentes permet de saisir une certaine régularité des
172
actions en situation dans l’activité dans le travail. Ce concept, adossé à celui d’acteurs porteurs
d’univers normatifs, selon lequel l’individu se construit au fil de ses expériences sociales au cours
desquelles il intériorise des manières d’être, d’agir et de penser en schémas d’actions incorporées,
et qu’il mobilise notamment pour faire son travail, donne accès au singulier sous l’angle des modes
de conduites de l’action des acteurs en situation de travail. Ainsi, les récurrences dans l’activité
s’expliqueraient à ce stade-ci par ces deux sources normatives qui permettent de mettre en lumière
des organisateurs de l’activité et d’appréhender des réalités individuelles et singulières.
2. MIEUX COMPRENDRE LES DIMENSIONS PROFESSIONNELLES DE L’ACTIVITÉ
ET LA FINALITÉ DES SGMS
Les résultats autour du 2e objectif spécifique visant à définir autour de quelles normes
professionnelles se déploie l’activité dans le travail des éducatrices se résument ainsi : trois
dimensions professionnelles font partie de l’activité des éducatrices. Elles ont été relevées lors des
observations ainsi que par les acteurs lorsqu’ils ont défini leur travail. La dimension spécifique est
aisément observable et les deux autres, (dimensions morale et éducative), soulèvent la vastitude
des composantes de l’activité des éducatrices émergeant à la fois des besoins des enfants de 4 ans
à 6 ans et du milieu scolaire dans lequel se déroule l’activité.
Face à ces constats, l’apport de ce travail de recherche est de mieux circonscrire les trois
dimensions professionnelles du travail des éducatrices en SGMS. Plus précisément, la recherche
permet de définir, d’une part, deux dimensions, soit les dimensions morale et éducative, moins
Discussion 173
perceptibles du travail en SGMS et, d’autre part, de concevoir l’élargissement de la mission
éducative des SGMS aux trois dimensions professionnelles identifiées. La discussion est présentée
dans cette section sous deux angles. L’un est conceptuel et portera sur certaines dimensions moins
perceptibles dans l’activité en abordant deux éléments qui permettent d’envisager pourquoi il en
est ainsi, soit le statut des normes et le travail discrétionnaire. L’autre angle est social, car les
éléments soulevés orientent la discussion, d’abord vers le flou entourant les visées éducatives des
SGMS et ensuite, vers les multiples référents auxquels s’adossent les éducatrices dans leur activité
dans le travail. Sous cet angle, l’aspect politique de cette sphère d’activité est soulevé en termes
d’incidence sur la socialisation de générations d’enfants.
2.1 Composantes des dimensions professionnelles moins perceptibles dans l’activité
Les dimensions spécifique et morale ont été définies dans le cadre conceptuel selon une
perspective philosophique appuyée sur les travaux de Prairat (2014), soit à partir des enjeux
éthiques sur lesquels devrait reposer le travail en éducation. La première dimension est identifiée
comme étant la dimension professionnelle spécifique. Elle réfère à la part du travail des éducatrices
visant le développement d’habiletés psychomotrices et cognitives chez les enfants qui fréquentent
les SGMS. La deuxième dimension, morale, a trait aux devoirs d’hospitalité, de sollicitude et de
confiance qui sont portés par l’ensemble des acteurs dont le travail vise le bien de l’enfant. La
troisième dimension, qui s’est ajoutée aux deux premières, porte sur l’acte d’éduquer en lien avec
la socialisation des élèves : éduquer l’enfant à suivre les règles en milieu scolaire, à des pratiques
sociales de base, à des valeurs, à des façons d’interpréter le monde, à la vie en groupe, etc.
174
Les résultats au sujet des normes professionnelles relevant des composantes de la
dimension spécifique (développement de pré-habiletés ou d’habiletés psychomotrices et
cognitives) et de certaines composantes de la dimension éducative (la composante codifiée, soit
les actions autour de l’horaire scolaire, des règles de conduite dans l’école et de la sécurité) peuvent
être rattachés à des tâches prescrites et plus précisément à celles des prescriptions descendantes.
Ces tâches font partie de la séquence d’activités sous forme de routine (les transitions d’un lieu à
un autre, le lavage des mains, les présences, le rang, conduire les enfants aux toilettes, faire prendre
la collation, faire faire un dessin ou chanter des comptines et permettre un temps de jeux libre)
repérée dans le premier objectif spécifique en termes de récurrences. Par contre, la dimension
morale de l’activité des éducatrices (les gestes et les paroles des éducatrices visant à ce que l’enfant
se sente bien, qu’il soit écouté, qu’il soit rassuré, etc.) et certaines composantes de la dimension
éducative (les gestes et les paroles des éducatrices pour que l’enfant comprenne une situation, pour
qu’il développe une communication lui permettant d’établir des relations enrichissantes, etc.) sont
différentes, car les actions autour de ces composantes de l’activité ne font pas partie de la séquence
d’activités reproduite de période en période, mais plutôt d’une série d’actions dont les prescriptions
sont moins évidentes. En fait, ces actions pourraient être rattachées à des prescriptions qualifiées
de remontantes, mais leur particularité provient du fait que les éducatrices ne sont pas contraintes
d’y donner suite. Ces prescriptions peuvent en quelque sorte secondaire dans l’activité.
Discussion 175
2.1.1 Statut des normes et travail discrétionnaire
Une piste d’explication au sujet des dimensions professionnelles moins perceptibles dans
l’activité pourrait être développée sous l’angle du cadre conceptuel autour du statut des normes et
des dimensions professionnelles peu définies qui reposent sur l’acteur.
Premièrement, comme soulevé dans le cadre conceptuel, Prairat (2012b) distingue le statut
des normes de nature morale à celui des normes de nature spécifique. Dans ses écrits, en se référant
au travail de l’enseignant, il explique que les normes de nature spécifique auraient un statut
reconnu, car elles visent l’enseignement de connaissances, de savoirs, pour lequel l’enseignant est
préparé. La part d’enseignement de contenus scolaires est reconnue dans toutes les sociétés, ce qui
est moins vrai pour les normes de nature morale. Ces dernières visent le bien de l’enfant, elles
devraient être portées par l’ensemble des acteurs scolaires, et auraient un statut moins reconnu.
Lorsque transposé au contexte des SGMS, on pourrait penser que les normes de nature spécifique
visant le développement d’habiletés psychomotrices et cognitives auraient un statut reconnu, ce
qui serait moins vrai pour les normes de nature morale. D’ailleurs, on peut penser que la
reconnaissance dont bénéficient les normes spécifiques en milieu scolaire permet de saisir pour
quelles raisons les activités autour de ces habiletés sont fréquemment évoquées dans la
documentation professionnelle au sujet des SGMS comme levier pour favoriser la reconnaissance
du travail des éducatrices. Cependant, il a été présenté dans le premier chapitre que l’actualisation
de la visée éducative de la garde en SGMS demeure un enjeu (ASGEMSQ, 2015 et 2019 ; CSE,
2006) et que, du même coup, sa définition est vague. Donc, la reconnaissance du statut des normes
spécifiques dans le travail en SGMS ne va pas de soi. Pour ce qui est du statut des normes de nature
176
morale (et, dans cette recherche, des composantes du parentage de l’éducation à la sociabilité et
de la construction d’une perception du monde), il serait moins reconnu. Ainsi, même si le statut
des normes spécifiques est davantage reconnu en milieu scolaire formel, cela ne veut pas dire qu’il
est reconnu dans le travail en SGMS. Qui plus est, les tentatives de favoriser la reconnaissance du
travail des éducatrices par la valorisation de leur mandat éducatif à travers les normes de nature
spécifique gomment peut-être la reconnaissance des autres dimensions au cœur de l’activité des
éducatrices.
Deuxièmement, il est soulevé dans cette recherche que les normes professionnelles classées
sous la dimension morale (geste d’affection ou d’écoute par exemple) et certaines composantes de
la dimension éducative (explications, encouragements, etc.) se matérialisent plus subtilement par
des gestes et des paroles. Les actions autour de ces dimensions sont fréquemment observées chez
certaines éducatrices et moins chez d’autres. On pourrait penser que les tâches ou les
responsabilités s’y rattachant sont moins clairement prescrites, et, compte tenu de cela, leur
actualisation dans l’activité dépendrait plus fortement des choix de l’acteur. Tel qu’il a été soulevé
dans la section précédente, au sujet de ce qui explique les récurrences dans l’activité, le choix de
l’acteur est teinté par les univers normatifs dont il est porteur. Donc, d’une part, les normes
professionnelles, notamment celles rattachées à la dimension morale et certaines composantes de
la dimension éducative, s’appuient sur une activité dans le travail qui pourrait être qualifiée de
discrétionnaire. En effet, l’activité est discrétionnaire au sens de Durand (2009) car elle est définie
par des objectifs généraux, comme assurer le bien-être des enfants, mais dont la définition des
moyens à mettre en œuvre pour les atteindre demeure tributaire de l’acteur. D’autre part, cet acteur
porteur d’univers normatifs, fruits de sa socialisation à travers les divers milieux fréquentés, fait
Discussion 177
des choix en fonction des normes qu’il convoque en situation pour effectuer son travail auprès des
enfants. Il peut donc, consciemment ou non, prendre le temps (ou pas) de s’assurer que l’enfant ait
passé une bonne journée. Les normes professionnelles liées à l’hospitalité, à la sollicitude et à au
développement d’un lien de confiance sont peut définies. Ces éléments explicatifs permettent de
comprendre que l’activité dans le travail des éducatrices en SGMS repose fortement sur les acteurs.
2.2 Redéfinir la finalité des SGMS
Les orientations qui sous-tendent la finalité des SGMS seront discutées dans cette section,
selon une perspective sociologique, en fonction des résultats de cette recherche appuyés par des
écrits scientifiques ainsi que sur un positionnement critique sur la notion de complémentarité des
SGMS par rapport au projet éducatif de l’école. Rappelons que la notion de finalité éducative a été
définie dans cette thèse au sens d’un énoncé de principe indiquant l’orientation générale de la
philosophie, des conceptions et des valeurs qui orientent les actions d’un ensemble de personnes,
et qui, dans le domaine de l’éducation, fondent l’organisation du système éducatif (Lenoir, 2016).
2.2.1 Visée éducative élargie
Les résultats autour des dimensions professionnelles de l’activité dans le travail permettent
de dégager des visées liées à l’acte d’éduquer au sens large, soit autour des composantes du
développement d’habiletés liées à la sociabilité, du respect des codes de l’école, de l’adoption de
pratiques sociales de base et de la construction d’une compréhension du monde. Ces composantes
de l’activité, issues de notre recherche, correspondent à des éléments identifiés dans les travaux de
Tardif et Lessard (1999), Larouche (2000) ainsi que Caron (2016) au sujet du travail en SGMS.
178
Pour ces chercheurs, l’éducatrice travaille à la socialisation des élèves, car elle développe chez les
enfants des valeurs, des manières d’agir, de penser, d’interagir au sein de l’école (et plus largement
en société), qui existent au-delà des consciences individuelles. Cette dimension, qui a été qualifiée
d’« éducative » dans nos analyses, regroupe quatre composantes, soit la composante codifiée, celle
ayant trait à la sociabilité, au parentage et à la construction d’une perception du monde.
La composante codifiée peut être liée aux éléments relevés par Tardif et Lessard (1999)
ayant trait au travail de l’enseignant. Les acteurs scolaires travaillent dans une structure (école,
classe) au sein de laquelle les façons de faire, les routines, voire les traditions, sont autant de
formats minutés, planifiés, exécutés dans un cadre prescrit, ce qui est aussi vrai pour les éducatrices
en SGMS. Non seulement elles travaillent dans cette structure, mais l’une de leurs tâches consiste
nommément à gérer l’ensemble des transitions des enfants au cours de la journée, assurant ainsi le
maintien et le respect des codes (respect des horaires, des déplacements, gestion du matériel,
respect des activités et déroulement de la journée, etc.). La deuxième composante, celle de la
sociabilité, est présente dans les écrits cités précédemment et fait notamment référence aux
aptitudes d’interactions avec autrui. Cette composante est à la fois identifiée dans nos résultats de
recherche et dans les écrits scientifiques comme étant centrale dans l’activité des éducatrices
auprès des enfants en SGMS. La composante du parentage relève des responsabilités autour des
repas et de la sécurité, selon Tardif et LeVasseur (2010), qui indiquent que les éducatrices
assumeraient des responsabilités qui étaient autrefois celles des parents. Nous avons soulevé que
cette composante se traduit par l’éducation à une série de pratiques de base transmises par les
éducatrices aux enfants (nettoyer sa place, ne pas crier, être polis, etc.). Enfin, la dernière
composante, liée à l’accompagnement de l’enfant dans le déploiement de sa compréhension du
Discussion 179
monde, n’a pas été formellement abordée dans les écrits scientifiques traitant du travail en SGMS.
Elle est apparue dans nos résultats, car les enfants de 4 ans à 6 ans questionnent fréquemment les
éducatrices autour de sujets philosophiques, spirituels, liés à la pensée rationnelle, etc. Des
ouvrages sur la socialisation de l’enfant abordent cette question (voir notamment, Berger et
Luckmann, 1986; Sirota, 2006).
Au sujet de ces composantes de l’activité professionnelle en SGMS, nous retenons que
l’acte d’éduquer fait référence au sens large de la notion d’éducation, soit au vivre ensemble, au
développement de valeurs communes et à l’appartenance à une collectivité à travers l’éducation.
Il semble que les visées éducatives de la garde scolaire méritent d’être pensées en fonction des
composantes identifiées dans l’activité lorsqu’elle se déploie, car les prescriptions remontantes
offrent de nombreuses occasions de mener des actions éducatives au sens large de ce terme, auprès
des enfants.
2.2.2 Complémentarité des SGMS : entre instruction et socialisation
La question de la finalité de la garde en milieu scolaire fait malheureusement l’économie
d’un débat public. En effet, la question de l’orientation des finalités de la garde en milieu scolaire,
qu’elle soit complémentaire au sens d’une continuité de ce qui est fait en classe, ou bien au sens
de favoriser le développement d’autres habiletés que celles visées en classe, reste entière. Il n’est
pas encore possible de saisir, à partir d’écrits professionnels et scientifiques, où devrait ou pourrait
s’inscrire la visée éducative du travail de la garde en milieu scolaire.
180
Le sens de la finalité des SGMS est sous-jacent à cette thèse. Selon les écrits ministériels,
le travail des éducatrices doit s’inscrire en complémentarité avec le projet éducatif de l’école. À
ce sujet, Caron (2016) soulève deux sens que prend la notion de complémentarité des SGMS par
rapport au projet éducatif de l’école. Cette complémentarité peut s’inscrire en continuité avec les
apprentissages faits en classe, comme c’est le cas aux États-Unis dans les after-school program et
les extended-day (Mahoney, Levine et Hinga, 2010), ou elle peut viser le développement global
de l’enfant en s’assurant de bien départir les apprentissages faits en classe, comme l’acquisition de
savoirs fondamentaux, de ceux visés en SGMS.
La question du mandat de la garde scolaire au sein de l’école traverse l’histoire de ces
services et elle se pose ici en termes de d’instruction et d’éducation (socialisation). En fait, le
mandat des SGMS s’est vu progressivement axé sur son potentiel éducatif, plaçant le
développement d’habiletés spécifiques au milieu scolaire au centre de ce travail et cela dans
l’optique de favoriser la reconnaissance du travail des éducatrices. Pourtant, les résultats de cette
thèse laissent entrevoir que l’instruction correspond peut-être moins au contexte de travail en
SGMS tandis que la socialisation s’impose dans l’activité. Devant les résultats décrivant l’éventail
des composantes identifiées dans l’activité des éducatrices (participation au développement par
l’adulte de la confiance, de l’autonomie et du bien-être de l’enfant ainsi que l’éducation à la
sociabilité, à la construction d’une perception du monde et à l’acquisition de pratiques sociales de
base), il semble que la complémentarité du travail en SGMS associée au projet éducatif de l’école
mériterait d’être élargie à la lumière des dimensions des normes professionnelles décrites dans
cette thèse. De plus, la redéfinition de la finalité du mandat des SGMS permettrait de fournir une
ligne directrice claire aux éducatrices qui agissent sur de nombreux plans.
Discussion 181
2.3 De multiples référents à consolider
L’analyse des dimensions professionnelles du travail en SGMS permet d’avancer que les
éducatrices mènent des actions s’adossant à plusieurs référents : celui de parent, d’acteur scolaire,
de guide dans le développement de relations sociales, etc., en plus de favoriser le développement
d’habiletés psychomotrices et cognitives. Trois éléments de discussion sont relevés à propos de
ces référents. Le premier porte sur les référents auxquels l’éducatrice doit s’adosser en effectuant
son travail et le second aborde le croisement des sources de normes dans son activité. Enfin, le
troisième soulève la question de la formation et des valeurs communes permettant de développer
des lignes de conduite auxquelles les éducatrices pourraient se référer dans leur pratique
quotidienne.
Premièrement, les multiples référents auxquels l’éducatrice doit s’adosser en effectuant son
travail permettent d’envisager que les éducatrices puissent s’adonner différemment à l’activité, en
étant, par exemple, parfois plutôt guide des relations sociales, parfois plutôt parent, préconisant
ainsi certaines actions au détriment d’autres. Les exemples autour des différentes façons
d’intervenir (ou de ne pas intervenir) lorsqu’un enfant pleure, qu’il se confie, qu’il quitte le SGMS,
qu’il fait pipi dans son pantalon, qu’il suit les consignes, qu’il termine son bricolage, etc. sont très
nombreux. Toutefois, le fait que les éducatrices déploient différents moyens, s’adossant à divers
référents, n’est pas un problème en soi : cela peut d’ailleurs avoir des effets positifs sur l’éducation
des enfants exposés à diverses approches. De toute façon, il ne peut en être autrement, puisque les
acteurs, en l’occurrence les éducatrices, sont des personnes ayant des parcours différents et des
caractéristiques propres. De plus, chaque éducatrice travaille avec d’autres personnes et dans des
182
lieux distincts, chaque école ayant des caractéristiques communes mais aussi particulières, qui
influencent leur activité. Néanmoins, il semble important de soulever une réflexion sur la façon
d’aborder les actions alignées autour de référents qui ne sont pas compatibles avec ce qui est jugé
« acceptable » dans un lieu d’éducation donné. Que les actions menées en SGMS s’adossent à des
univers normatifs qui s’éloignent du référent « censé » être suivi dans les écoles mériterait d’être
interrogé. Lorsque les actions reposent sur des référents autour de l’éducation des enfants qui ne
sont pas en accord ou compatibles avec les valeurs de la société à ce moment de l’histoire, comme
le fait de priver des enfants de collations comme punition pour avoir enfreint les règles d’une
activité récréative ou les codes de l’école, ou encore de crier de façon quotidienne, etc., est
questionnable. Ces types d’actions ou de réactions doivent soulever des interrogations et surtout,
ils doivent être interprétés à partir de la totalité des facteurs qui entrent en jeu dans les contextes
ou ils prennent forme, c’est à dire à la lumière des conditions d’exercice de cette activité et des
contraintes qui l’accompagnent : ratio éducatrice / enfants, nombre d’heures passées par les enfants
à l’école, locaux appropriés, etc.
Deuxièmement, au cœur de cette thèse se pose la question délicate de la façon dont se
développent ces nombreux enfants qui sont majoritairement socialisés dans ces milieux
(multiethniques dans le cadre de ce projet de recherche, multiethnicité croissante au Québec et au
Canada, selon statistique Canada, 2020), ce qui incite à se pencher sur les normes et les valeurs
qui y sont transmises et les lignes directrices auxquelles peuvent s’adosser les éducatrices dans le
contexte des SGMS. Ces personnes qui travaillent en milieu scolaire, autrefois appelées gardiennes
et aujourd’hui nommées éducatrices, dans un Québec où le tronc culturel commun, historiquement
teinté par la religion catholique et actuellement plus vacillant (certainement en mutation) a une
Discussion 183
incidence sur la socialisation des enfants en milieu scolaire. Les normes liées à l’éducation portées
par les éducatrices provenant de divers horizons forment la matière première de leurs actions. Dans
ce travail en SGMS se pose un croisement de normes en matière d’éducation à l’intérieur même
de l’activité des éducatrices. Ce croisement se situe entre le mandat d’éducation porté à la fois par
les écoles, la famille et les éducatrices, qui agissent selon les diverses sphères d’éducation (école,
famille et société) à travers lesquelles elles-mêmes ont été socialisées. Ici, la question du travail
des éducatrices dans les SGMS revêt un aspect politique non négligeable. Les enfants sont
aujourd’hui majoritairement socialisés dans ces milieux. En effet, les SGMS participent depuis
quelques décennies à la socialisation, soit au vivre ensemble et à l’inculcation ainsi qu’à la
reproduction de conceptions (idées, croyances, habitudes, pratiques) d’un nombre important et
croissant d’enfants chaque année au Québec : ce phénomène social aura nécessairement des
retombées sur la société qui méritent d’être documentées, réfléchies, discutées et adressées.
Troisièmement, au sujet du SGMS, comme lieu de socialisation, l’ambiguïté relevée par
Lenoir et Tupin (2012) apparait un important point de discussion à l’égard des résultats de cette
thèse. Ces auteurs font ressortir que la socialisation s’opère en l’absence de clarification et de
réflexion critique sur les valeurs communes supportant ce processus en cours dans les écoles. Il
semble donc qu’une réflexion sur les valeurs communes sous-jacentes à la socialisation dans les
écoles est importante. L’identification de valeurs s’adossant à une finalité déclarée, clarifiée et
explicitée du travail en SGMS permettrait certainement de guider les actions des acteurs. De plus,
la question des valeurs communes est certes centrale, mais celle de l’absence de lignes de conduite
auxquelles se référer en matière de sociabilité et de parentage, notamment, nous parait également
centrale dans ce travail d’éducation. On peut se demander de quels savoirs nous disposons en
184
matière de développement de la sociabilité. Par exemple, est-ce qu’une dispute doit être
réprimandée ou doit être l’occasion de favoriser la réflexion, de débattre de points de vue, de
chercher un compromis? La même question se pose au sujet du développement d’une
compréhension du monde chez le jeune enfant. Or, les éducatrices disposent d’une formation
limitée de 360 heures d’études en formation professionnelle, en comparaison à 2490 heures
d’études collégiales pour les éducatrices des centres de la petite enfance. De plus, les éducatrices
en SGMS portent de nombreux chapeaux et sont peu outillées pour ce faire. Là est tout le défi de
ce travail. La prescription ne suffirait pas à assurer l’atteinte des objectifs généraux autour du bien-
être, du développement professionnelle et de la complémentarité au projet éducatif de l’école; une
formation autour des approches à développer pour favoriser ce développement global de l’enfant
et son bien-être, à la lumière des prescriptions descendantes, remontantes et des conditions
d’exercice de ce travail, issues de cette analyse de l’activité, serait certainement utile en ce sens
(voir notamment à ce sujet les fonctions de l’analyse du travail, définie par Lussi Borer, Durand,
et Yvon 2015).
Enfin, tel qu’avancé dans la problématique, il est de sens commun de penser que les
responsabilités des éducatrices vont de soi, car elles peuvent être comprises comme s’apparentant
aux formes de vie sociale ordinaires et familières (Mayen, 2007). Or, lorsque cette activité se
transpose de la sphère privée à la sphère publique, ce qui est à faire et la manière de le faire doivent
être réélaborés, spécifiés, clarifiés et structurés, et cela en s’appuyant sur une diversité de rôles.
Ainsi, ce qui est à faire doit non seulement être pensé et explicité, mais cela doit pouvoir s’adosser
à des valeurs communes et à des savoirs partagés pour soutenir les éducatrices dans leur travail
d’éducation en cohérence avec les valeurs sociétales choisies. Le fait que les enfants se retrouvent
Discussion 185
aujourd’hui en milieu scolaire à 4 ans, et qu’une grande part d’entre eux sont majoritairement
socialisés au sein des SGMS, incite fortement à définir clairement l’orientation à préconiser en
matière de socialisation au plan provincial.
3. HIÉRARCHISATION DES NORMES ET EMBOÎTEMENT DES REGISTRES
NORMATIFS
Les résultats du dernier objectif spécifique visant à décrire ce qui participe à la négociation
des normes et à la hiérarchisation de celles-ci dans l’activité des éducatrices permettent de
dégager quelques conclusions. D’abord, parmi les dimensions professionnelles, les composantes
codifiées et celle du parentage occupent une place importante dans la hiérarchisation des actions
dans l’activité professionnelle des éducatrices. De plus, les contours de l’organisation travail en
SGMS qui caractérisent l’activité contribuent à la négociation des normes. Ensuite, l’analyse
permet de percevoir que l’activité se déploie selon les rapports que les éducatrices entretiennent à
la fois avec leurs univers normatifs, avec les normes professionnelles et avec le contexte dans
lequel ce travail prend forme. Par exemple, les rapports sociaux participent à la négociation et à la
hiérarchisation des normes dans l’activité qui prennent forme au sein de l’École imbriquée dans
une société donnée. Enfin, la force de la prescription et la sensibilité des éducatrices ont une
incidence sur le choix des actions menées et donc sur la hiérarchisation des normes dans l’activité.
À partir de ces conclusions, trois constats seront discutés dans les sections qui suivent. Le
premier constat porte sur ce travail en apparence peu prescrit, mais s’établissant sur une multitude
de normes lorsque l’activité se déroule. Ceci soulève l’intérêt sur le plan méthodologique de
centrer l’analyse du travail sur l’activité telle qu’elle se déroule à travers les périodes de garde pour
186
décrire ce qui participe à la négociation et à la hiérarchisation des normes. Le deuxième constat
présente les univers normatifs portés par les acteurs comme participant aux choix des éducatrices
dans l’activité et soulève du même coup la présence des valeurs en ce sens, qui est illustrée à
travers un défi dans l’activité professionnelle. Le dernier aspect porte sur des indicateurs de la
place de l’École, à la fois institution et établissement, comme troisième registre normatif issu de
l’analyse de l’activité.
3.1 Travail d’apparence peu prescrit mais fortement codifié dans l’activité
Lorsque les éducatrices décrivent leur travail, elles le font selon les devoirs qui s’y
rattachent en fonction du service rendu et de la garde éducative des enfants. Or, dans l’exécution,
plusieurs actions souvent plus procédurales que celles rattachées aux fonctions premières du travail
les occupent : communiquer régulièrement avec le personnel scolaire sur la radio portative, remplir
des constats d’accident, s’assurer de respecter le temps, de la propreté du local, échanger avec les
enseignants, etc. D’ailleurs, il en est de même pour plusieurs métiers ou professions, par exemple,
l’infirmière soigne, mais elle mène une série d’autres tâches, souvent administratives, qui occupent
une part importante de son activité dans le travail.
Dans le cas du travail des éducatrices en SGMS, on constate que de nombreuses actions
portant sur des tâches moins directement liées aux devoirs de la garde éducative sont reproduites
dans l’activité. L’étude de l’activité des éducatrices permet d’avancer qu’elle est bondée de
contraintes et cela, notamment autour de la composante codifiée et celle du parentage. En effet,
l’activité des éducatrices est ponctuée et fortement contrainte par le milieu où elle s’exerce, soit le
milieu scolaire, lui-même empreint d’une multitude de codes, de façons de faire, de routines,
Discussion 187
d’horaires, etc. (composante codifiée). On pense, par exemple, à la gestion des transitions, du
matériel des enfants d’un local à l’autre, du silence, du rang, etc. qui occupent une part importante
de l’activité quotidienne des éducatrices. De plus, étant donné que les éducatrices effectuent leur
travail auprès de jeunes enfants, elles mènent de nombreuses actions autour de la composante du
parentage, liée notamment à l’apprentissage de pratiques sociales de base autour des règles
d’hygiène et de politesse (par exemple, leur apprendre à se moucher, à dire merci et plus largement
à s’exprimer, à utiliser une fourchette, à s’habiller, à aller aux toilettes, etc.). Ces exemples
semblent anodins, mais le fait demeure que ces responsabilités relevaient, il n’y a pas si longtemps,
des parents, et relèvent aujourd’hui des acteurs qui travaillent dans des structures comme l’École.
Le seul exemple des apprentissages que les éducatrices favorisent autour de l’expression orale
émergente (ou en construction) pour plusieurs enfants de 4 ans, ce qui est encore plus vrai en
milieu multiethnique, permet d’envisager le travail qu’elles doivent faire pour assurer le
déroulement de l’activité, et la valeur de ce travail essentiel au niveau sociétal, aligné avec le désir
politique de maintenir le français comme langue publique commune au Québec. Cet exemple
autour des actions à mener en matière de communication et de développement langagier permet
d’envisager l’ampleur de la tâche des éducatrices. Ici, la prescription est remontante, dans le sens
où elle provient de la personne à qui le service est offert, mais c’est aussi une prescription dans la
mesure où l’éducatrice est tenue de se faire comprendre par les enfants et de les comprendre pour
faire son travail. En ce sens, les éducatrices mènent une multitude d’actions en milieu scolaire pour
répondre aux besoins des jeunes enfants qui évoluent dans cette structure. Bref, l’analyse permet
d’entrevoir de nombreuses prescriptions lorsque l’activité se déploie. Pourtant, à l’inverse, la
documentation ministérielle et celle des établissements au sujet du travail en SGMS, soit les
188
prescriptions descendantes autour du travail des éducatrices dans les SGMS, présentent a priori
un caractère flou. Ainsi, l’analyse de ce travail d’apparence peu prescrit permet de voir que lorsque
l’activité se déploie, elle se déploie selon un ensemble de codes appliqués auprès de jeunes enfants,
ce qui représente de nombreuses responsabilités.
Enfin, par rapport aux éléments qui ont été présentés, il semble important de soulever la
pertinence de l’étude du travail des éducatrices sous l’ange de l’activité. L’activité est abordée
dans cette thèse en tant que gestes et choix des acteurs lorsqu’ils accomplissent leur travail. Elle
met ainsi en lumière les normes mobilisées dans le travail, donc en quelque sorte les choix des
acteurs relativement aux prescriptions dans la contingence des situations de travail, mais aussi
relativement aux normes antécédentes portées par le travail. Cela semble d’autant plus opportun
lorsque le travail, comme celui des éducatrices, s’apparente à des situations de la vie de tous les
jours et qu’il peut être apparenté, à tort, à une activité d’une « familiarité trompeuse » (Mayen,
2007, p.1). Dans le cadre de cette recherche, l’étude de l’activité des éducatrices a paru initialement
très complexe étant donné la multiplicité des actions et des interactions observées à travers
quelques minutes d’une période de garde. Par contre, elle a permis de progressivement saisir, à
travers les routines et ses imprévus, ce qui est fait dans le travail réel par rapport aux prescriptions
en quelques sorte voilées à première vue où le flou de prescription règne. Dans le même sens,
Mayen (2007) soulève que l’analyse des situations dans lesquelles le travail consiste à agir pour et
avec un autre est complexe, ces situations sont « très éloignées du modèle de l’activité homme-
machine. Leur diversité et leur variabilité interne sont grandes » (Ibid., p.4). Bref, l’étude de
l’activité permet de dépasser cette familiarité trompeuse de l’activité ordinaire autour de la « garde
Discussion 189
des enfants » et permet également de dépasser une analyse du travail prescrit pour mieux
comprendre ce qui entre en jeu dans la pratique quotidienne des éducatrices en SGMS.
3.2 Choix des actions, un jeu d’univers normatifs et de légitimité des normes
Des résultats ont été présentés au sujet des éducatrices qui opèrent des tris dans le choix
des actions menées, en priorisant certaines dimensions des normes professionnelles plutôt que
d’autres. À travers ces données, il est constaté que les éducatrices choisissent des actions aussi en
fonction de leurs univers normatifs. Cette sous-section met en relief les choix des actions sous
l’angle des univers normatifs et de l’emboîtement des normes dans l’activité. Elle porte finalement
sur un exemple d’échec de la négociation des normes qui soulève la question de la place des valeurs
portées par les acteurs.
3.2.1 Les univers normatifs soutenant le choix des actions menées
Les résultats autour de l’explication des éducatrices sur ce qui entre en jeu dans leur activité
ont permis de faire ressortir divers choix qui s’entremêlent lorsqu’elles font leur travail. Ces choix
sont liés à ce qu’elles considèrent bien de faire, en contexte scolaire, en lien avec leur devoir
d’assurer au mieux le bien-être de l’enfant, etc. L’analyse des propos des éducatrices permet de
comprendre le choix d’agir d’une façon plutôt que d’une autre dans le travail, et est développée,
notamment autour du concept d’acteur porteur d’univers normatifs, à la base d’un système
d’habitudes qui oriente l’action. Ce concept permet de mieux saisir ce qui participe à la négociation
et à la hiérarchisation des normes dans l’activité des éducatrices. Devant le contraste entre le choix
des actions de deux éducatrices [l’Éducatrice B, dont les actions sont essentiellement axées sur le
190
rappel des règles et les réprimandes, et l’Éducatrice C, dont les actions visent à expliquer aux
enfants pourquoi il est important de parler avant de frapper ou d’expliquer le rôle des policiers
dans la société, par exemple], on pourrait avancer que pour l’une, faire son travail d’éducatrice
consiste à poser des actions favorisant le respect des règles et que pour l’autre cela consiste à poser
des actions favorisant l’apprentissage de la sociabilité et la compréhension du monde. Il est
possible d’envisager que s’établit une hiérarchisation des actions en fonction de ce que les
éducatrices considèrent comme faisant partie de leur mandat, soit les dimensions professionnelles
propres à leur travail ou non, et de ce qu’elles ont appris ou qui leur a été transmis autour de
l’éducation des enfants. Cette expérience d’éducation qu’elles ont vécue dans un rapport aux
adultes en situation d’éducation, à l’école ou dans la famille, intervient à travers différents modèles
qu’elles remobilisent dans leur activité dans le travail auprès d’enfants. Qui plus est, il semble
pertinent de soulever que le travail d’éducatrice, reposant sur une courte formation et ayant pour
objet l’éducation, peut sembler encore plus influencé que d’autres métiers par les normes
auxquelles ont été exposées les éducatrices dans leurs univers familiaux et scolaires. On pourrait
penser qu’elles seraient portées à transposer certaines habitudes et manières de faire propres à
celles qu’elles ont connues en matière d’éducation au cours de leur vie privée/personnelle/ dans
des contextes informels. Ceci est moins vrai, voire impensable pour d’autres métiers à interaction
humaine comme celui d’infirmière, par exemple, dont la formation et le travail obligent à travailler
selon des protocoles précis et clairement définis.
Discussion 191
3.2.2 Défis et légitimité de la norme
L’identification des défis par les éducatrices, c’est-à-dire des situations qu’elles
considèrent difficiles dans leur travail, permet de mieux cerner certains impératifs qu’elles doivent
prendre en considération dans ces situations. Plus précisément, la description des défis par les
éducatrices permet de cerner à la fois ce qui serait convenu de faire mais qui ne peut être fait et
surtout les raisons pour lesquelles cela ne peut être fait.
Le défi que les éducatrices identifient le plus souvent concerne les « enfants difficiles »
dans les groupes de plus de 20 enfants âgés de 4 ans à 6 ans en SGMS. Le travail auprès des élèves
éprouvant des difficultés d’adaptation en milieu scolaire est certainement un exemple type qui
exige des éducatrices de développer des façons de faire pour « réussir » leur activité. Selon
l’objectif spécifique de décrire ce qui participe à la négociation des normes, les actions menées en
SGMS auprès des enfants dits « difficiles » (par exemple, tenter d’agir pour que l’enfant ne fasse
pas de crise en même temps que de s’assurer que les enfants prennent leur repas) peuvent être
analysées sur le plan des normes professionnelles, plus précisément sous l’angle de la dimension
éducative, mais relèvent également à la fois de l’univers normatif personnel des éducatrices et d’un
contexte de société, lui aussi normé. Les enfants considérés « difficiles » le sont, non par essence,
mais du fait qu’ils évoluent dans un contexte scolaire X et dans une société Y, empreints de normes
dans le cadre desquelles ils s’insèrent difficilement. S’entremêlent ainsi dans l’activité des
éducatrices auprès des enfants des situations où des normes s’opposent et des choix doivent être
faits.
192
L’exemple de l’éducatrice qui accueillait un enfant en crise et qui a demandé à la direction
que l’enfant ne soit plus laissé devant sa porte au sol avec son matériel, mais qu’il soit accompagné
au local du service de garde pour que cette dernière puisse l’accueillir, a permis de saisir que
l’éducatrice jugeait qu’il n’était pas acceptable de laisser un enfant dans cette condition. Son geste,
de ne plus accepter que l’enfant soit laissé ainsi, repose sur ce qu’elle a jugé bien ou non pour
l’enfant dans la situation. On peut penser que ce jugement est posé en fonction de ses valeurs. La
situation précédant la démarche auprès de la direction ne permettrait pas « la réussite » de
l’activité, et se traduirait par le concept d’échec de la renégociation des normes, comme le
commente Schwartz, qui se questionne sur ce qui arriverait si « notre monde de valeurs n’arrive
plus à négocier sa compatibilité avec les valeurs qui soutiennent telles ou telles normes
antécédentes, à hiérarchiser celles-ci par rapport à celui-là » (2016, p.175). L’échec de la
négociation des normes semble être l’une des résultantes possibles des tensions de la négociation
des normes dans l’activité en fonction de la compatibilité avec les valeurs personnelles de l’acteur.
Enfin, alors que les concepts d’acteurs porteurs d’univers normatif et de normes
professionnelles permettent de mieux saisir l’activité des éducatrices, un élément d’explication
récurrent, autour du thème visant à mieux comprendre la priorisation de certaines actions dans
l’activité par les éducatrices, a été soulevé autour des valeurs portées par celles-ci. Certaines
éducatrices donnent priorité à certaines actions par rapport à d’autres au cours des activités
routinières. Ces différentes actions et les données qui témoignent de la sensibilité des éducatrices
(remarquer qu’un enfant ne va pas bien, l’écouter, etc.) autour de la dimension morale de l’activité
dans ces exemples incitent encore plus fortement à chercher à comprendre comment elles
« habitent » l’activité, entre prescription et valeurs. Il semble y avoir une dimension affective qui
Discussion 193
engage les éducatrices à faire des choix en fonction de valeurs, de ce qu’elles jugent bien ou non.
En fait, l’analyse des descriptions sur le sens que les éducatrices donnent à leur travail semble
indiquer que la dimension morale de l’activité des éducatrices, autour des actions de sollicitude,
d’hospitalité et de confiance, est implicitement rattachée aux valeurs qui transparaissent
lorsqu’elles expliquent leurs relations avec les enfants. La question des valeurs est omniprésente
dans le sens donné par les éducatrices à leur activité dans le travail et elle mérite certainement de
faire l’objet d’une recherche sous l’angle de l’analyse de l’activité qui permettrait de mieux
comprendre le lien entre norme et valeur. Cela permettrait peut-être également d’éclaircir la part
de singulier, autour notamment de la sensibilité des éducatrices, qui émerge des données
recueillies.
3.3 L’École : à la fois établissement et institution située dans un espace-temps donné
S’ajoute aux résultats au sujet des normes professionnelles et celles portées par les acteurs,
en tant que registres participant à l’emboîtement de normes dans l’activité, celui des normes
portées par l’École, comme établissement et institution, dans une société donnée (pour un aperçu
des différentes définitions sociologiques de l’école, voir Dubet et Martuccelli, 1996). Deux aspects
émergent dans les résultats de la thèse et permettent d’entrevoir la place de ce registre dans
l’activité et donc dans le choix (conscient ou non) des actions menées. L’un porte sur les rapports
sociaux dans les établissements scolaires qui influencent l’activité et l’autre peut être articulé
autour de la force de la prescription qui est à rattacher aux normes, aux valeurs et aux idées portées
par la société à un moment donné de son histoire.
194
En premier lieu, il est possible d’avancer que sous le registre de l’École située, certains
emplois portent, selon l’époque et le lieu géographique, différents statuts. La notion de statut fait
ici référence au sens sociologique défini a priori par Weber, soit un ensemble de comportements
attendus de l’individu et de la société à l’égard de l’individu et qui sont reconnus comme légitimes
de part et d’autre. Dans les écoles, on peut constater la nature des rapports sociaux entre les
différents acteurs. Par exemple, le regard de l’enseignant sur le travail de l’éducatrice est considéré
comme plus « normal » que l’inverse. Ces rapports sociaux sont en quelque sorte établis sur des
critères déterminant le statut de l’emploi à partir desquels on attribue une certaine valeur à un corps
d’emploi à un moment donné. Cette « valeur » est nommément liée au nombre d’années de
scolarité nécessaires pour occuper un emploi, le salaire lui étant rattaché, le prestige de la fonction,
etc.
Dans les écoles, les rapports sociaux liés aux statuts des emplois en milieu de travail ont
une incidence, à divers degrés, sur l’activité des éducatrices dans leur travail. Sans être en mesure
d’identifier ce qui explique ces divers degrés, ou, dit autrement, la perméabilité des acteurs
relativement au regard de l’autre en fonction du statut d’emploi (mais aussi aux prescriptions), il
est possible de concevoir que les rapports sociaux sont imbriqués plus largement dans un registre
de normes sociétales qui dépassent le contexte scolaire, mais qui, en milieu de travail, occupent
une place spécifique dans l’activité des acteurs. C’est d’ailleurs une illustration de l’emboîtement
de normes, c’est-à-dire l’imbrication des normes sous différents registres.
En second lieu, la force de la prescription semble avoir une incidence sur ce qui participe
à la renégociation des normes dans l’activité. L’exemple de la sécurité dans les écoles permet de
Discussion 195
saisir ce qui pourrait expliquer que les actions autour de la sécurité s’imposent fortement dans
l’activité. D’abord, la sécurité fait partie des prescriptions ministérielles et elle est définie par des
protocoles précisant les actions à mener dans les établissements scolaires. Donc, la responsabilité
d’assurer la sécurité, contrairement à plusieurs autres responsabilités étant plus discrétionnaires
dans le travail des éducatrices, s’appuie sur une série d’actions à mener et qui sont déterminées à
l’avance. Cela peut en partie expliquer que l’ensemble des éducatrices priorisent les actions autour
de la sécurité alors que toutes les éducatrices ne priorisent pas l’éducation à la sociabilité ou
l’éducation à la construction de la conception du monde chez l’enfant. Les actions autour de la
sécurité permettent d’envisager, car ce registre est vaste, le registre de norme rattachée à l’École
située dans un espace-temps.
On pourrait avancer que la sécurité s’étant progressivement imposée dans nos sociétés, elle
se trouve fortement prescrite au sein des écoles et les acteurs la légitiment consciemment ou non
par leurs actions. Les actions autour de la sécurité permettent d’illustrer que cette responsabilité
est considérée comme légitime au sein des trois registres normatifs ici identifiés, soit ceux de
l’École, institution et établissement, ceux des normes professionnelles et ceux des univers
normatifs des acteurs. D’ailleurs, on imagine difficilement une éducatrice s’opposer aux actions à
mener autour de la sécurité. Cette responsabilité est considérée (le plus souvent inconsciemment)
comme légitime par les acteurs porteurs de différents univers normatifs. C’est en ce sens que nous
avançons que la force de la prescription, dans ce cas soutenu au sein des trois registres normatifs,
a une influence sur le choix des actions à prioriser. Cependant, la force de la prescription pourrait
aussi dépendre du caractère plus coercitif d’un État qui, à travers ses institutions, appuie une
196
prescription par une loi qui oblige les acteurs à se conformer. Là aussi, la force de la prescription
aurait une incidence sur l’activité et sur la renégociation des normes à travers celle-ci.
Enfin, en lien avec ce qui vient d’être présenté, nous ne pouvons faire fi d’un commentaire
sur l’incidence de la présence d’idéologies qui influencent le registre normatif de l’École située et
qui influencent également les deux autres registres. Les idéologies jouent un rôle important en
matière de légitimation de l’action. Par idéologie, nous référons au discours cohérent qui n’est pas
remis en question, qui n’est pas vérifiable et auquel le peuple adhère (Ansart, 1974). L’exemple
de toutes les actions menées à l’heure actuelle au nom de la sécurité permet d’envisager le poids
d’une idéologie en présence au sein des trois registres normatifs ici identifiés. Le travail de Gros
(2012) au sujet de l’évolution dans le temps de la conception de la sécurité, auparavant cultivée
intérieurement et aujourd’hui assurée de l’extérieur, se substituant ainsi en quelque sorte au
principe des droits humains est très intéressant car il permet de percevoir le déplacement de
certaines conceptions qui peuvent être replacées dans le discours idéologique dominant. La
responsabilité telle que celle d’assurer la sécurité des enfants au sein des écoles, lorsqu’elle se
rattache à une idéologie, favorise une certaine cohérence entre les registres normatifs s’emboîtant
dans l’activité.
Discussion 197
4. SYNTHÈSE : DES RAPPORTS COMPLEXES VUS SOUS L’ANGLE DES
REGISTRES NORMATIFS
Les résultats de la présente thèse sont d’abord repris ici tels qu’ils ont été schématisés à la
fin du chapitre 4 : Figure 2 : Schéma récapitulatif des trois registres de normes intervenant dans
l’activité.
Ainsi, devant l’objectif général cherchant à mieux comprendre les rapports complexes qui
prennent forme, entre le travail prescrit et le travail réel, dans l’activité des éducatrices auprès
des enfants en SGMS ces résultats permettent d’avancer que l’activité des éducatrices dans le
Activité des éducatrices
Personnes porteuses d’univers normatifs
Normes professionnelles
Espace-temps Société École
198
travail serait formée de différents registres de normes qui influenceraient de façon variable les
actions, soit les gestes, les paroles et les choix des acteurs dans l’activité. Les normes antécédentes,
sous les registres des normes professionnelles et de l’École, seraient réélaborées dans l’activité des
éducatrices aussi porteuses de normes issues des divers univers dans lesquels elles ont évolué.
Bref, les rapports complexes dans l’activité ne se situeraient pas strictement entre travail prescrit
et travail réel, mais dans le rapport aux normes lorsque les éducatrices font leur travail.
La présente synthèse portera donc sur les rapports complexes dans l’activité des éducatrices
à travers les interactions entre les différents registres normatifs. Il serait possible de situer les
actions dans l’activité selon les trois registres normatifs, certaines actions relevant plus fortement
d’un registre normatif que d’un autre. Par exemple, l’éducatrice qui explique son activité en disant
« si moi j’aime pas ça me faire imposer des choses, je ne l’imposerai pas aux enfants » (Éducatrice
2, S2, 2018) renvoie au registre de l’univers normatif personnel dont elle est porteuse, et qui
s’exprime ici plus fortement que les autres registres dans le choix des actions menées. Ou encore,
l’exemple des gestes et les paroles des éducatrices qui s’assurent que l’enfant a passé une belle
journée avant qu’il ne quitte le SGMS pourraient être rattachés à des normes professionnelles
morales et aux univers normatifs des éducatrices. Enfin, comme dernier exemple, les gestes des
éducatrices qui hâtent les enfants sans arrêt pour qu’ils arrivent au local avant la cloche seraient
associables à des normes professionnelles, soit la composante codifiée, qui prend ici le pas sur les
autres. Ces gestes peuvent aussi être influencés par des rapports sociaux hiérarchiques :
l’éducatrice qui sent le regard de l’enseignant sur sa capacité à faire son travail, par exemple.
Discussion 199
Il n’y a pas d’intérêt, à première vue, à spécifier les registres pour chaque action. Mais, si
on s’y intéresse de plus près, il y aurait peut-être une utilité à identifier des situations types à partir
des récurrences identifiées en termes de séquences d’activités et d’actions répétées, pour ensuite
les positionner dans le schéma récapitulatif des registres de normes. Cela permettrait d’illustrer les
intersections entre normes professionnelles, institutionnelles et celles portées par les acteurs. En
effet, comme il a été soulevé précédemment, les éducatrices sont perçues comme porteuses de
normes en matière d’éducation, ayant elles-mêmes grandi dans une famille, fréquenté l’école et,
pour certaines, fondé leur propre famille. Ainsi, les normes en matière d’éducation de jeunes
enfants sont au croisement de celles portées par les acteurs et de celles de leur travail dans les
écoles et aussi celles des familles des enfants, car les enfants sont également porteurs de normes.
De plus, tel qu’on le présentera dans la figure 3, les éducatrices sont porteuses de normes instituées
selon les lieux et l’époque d’une société tout comme l’établissement est empreint de normes dans
une société donnée. Bref, la répartition des situations types ne peut être faite de manière tranchée
et sans nuances et le positionnement de celles-ci peut paraître arbitraire, mais cet exercice permet
de déceler une tendance et contribue à l’analyse de l’activité dans le travail.
4.1 Huit situations types
Dans cette sous-section, chaque situation type sera d’abord présentée en fonction des
registres normatifs. Dans un second temps, des questionnements seront portés sur la
renormalisation des normes dans l’activité parmi les acteurs dans les écoles, suivis d’une réflexion
sur l’emplacement des situations type dans le schéma. Nous discuterons par la suite des limites de
l’utilisation des situations types pour penser l’activité des éducatrices au travail. Enfin, l’étude du
200
rapport à la norme des acteurs en situation de travail sera envisagée comme piste de recherche
ultérieure présentant une pertinence sociale.
La figure 3 a été développée pour aider à mieux comprendre les rapports dans l’activité
dans le travail par la répartition de situations types à l’intérieur du schéma des registres normatifs.
Espace-temps Société École
Légende : 1. Accueil (matin, soir), 2. Transitions, 3. Séquence d’activités, 4. Collation et repas,
5. Activités à visée pédagogiques, 6. Jeux libres, 7. Actions auprès des enfants ayant des
difficultés d’adaptation. 8. Approche (poser règles, gestion groupe, etc.). PR : prescriptions
remontantes et PD prescriptions descendantes.
Figure 3. Schéma synthèse incluant les situations types de l’activité
Activité
Effets de lieux et d’époque sur les normes portées par les acteurs socialisés dans une société.
Personnes porteuses d’univers normatifs
Effets de lieux et d’époque sur les normes portées dans les établissements dans une société.
Normes professionnelles
Croisement des normes en matière d’éducation dans le travail
1 2
3
4 5
6
8 7
PD
PR
Discussion 201
1. L’activité des éducatrices lors de l’accueil le matin comme lors du départ l’après-
midi laisse entrevoir le croisement des normes. Y figurent les normes morales,
l’hospitalité par exemple, qui est à l’intersection entre les normes professionnelles
et les normes dont elles sont porteuses. Par exemple, les actions des éducatrices qui
nomment les enfants par leur prénom, qui leur adressent un sourire ou qui consolent
l’enfant qui ne veut pas quitter sa maman, peuvent être héritées de l’éducation ou
développées à travers leur expérience de mère.
2. Lorsqu’elles assurent les transitions d’un lieu à l’autre tout au long de la journée,
leurs actions sont plus près des codes explicites de l’école car il s’agit des règles de
déplacement dans les corridors. En même temps, ces actions s’insèrent entre celles
de l’enseignant qui intervient d’une certaine façon (ordre aux enfants, ton de la
voix, avec humour, etc.) ainsi que les normes morales (hospitalité, accueil).
3. La séquence d’activités : le rang, les présences, conduire les enfants aux toilettes et
le lavage des mains sont fortement associés aux protocoles des établissements.
4. Les situations autour des collations et des repas sont à la fois des responsabilités
identifiées dans le travail en SGMS et, comme les résultats l’ont montré, ces
activités sont l’occasion de mener des gestes autour de l’éducation aux manières.
Ces dernières relèvent des normes dont elles sont porteuses, issues de leur
expérience éducative, comme le fait de demander systématiquement aux enfants de
fermer la bouche en mangeant, ou de normes collectives telle que l’importance de
terminer le repas qui est partagé par l’ensemble des éducatrices participantes. Cet
élément autour de l’importance de terminer le repas s’est avéré être maintenu par
202
l’ensemble des éducatrices, même s’il n’est pas prescrit, et peut être rattaché au rôle
(plus anthropologique) de la mère responsable de nourrir les enfants. Ainsi, il est
possible de percevoir des normes embrassant les univers normatifs singuliers,
s’expliquant ici par la responsabilité de femme/mère autour des repas.
5. Les activités à visée pédagogique (bricolages, comptines, devinettes, dessins, etc.)
sont, pour leur part, menées par les éducatrices généralement à la manière de celles
menées dans des contextes d’enseignement apprentissage. À ce sujet, les résultats
soulèvent la reproduction des normes propres à des contextes
d’enseignement/apprentissage à travers les activités menées dans les SGMS. Les
éducatrices maintiennent les manières de faire qui prévalent en classe, comme
demander aux enfants de lever la main pour prendre la parole, s’assurer qu’ils soient
assis sur une chaise dès leur arrivée dans le local, qu’ils soient en silence, etc. Cet
exemple permet d’entrevoir les normes qui s’entrecroisent, soit celles qui portées
au sein de l’école où l’apprentissage s’effectue dans un format clairement défini et
celles qui prévalaient lorsqu’elles ont fréquenté l’école.
6. Lors des jeux libres, les éducatrices interviennent auprès des enfants pour régler des
conflits, pour favoriser la compréhension des règles dans le jeu choisi, etc. De plus,
lors de cette situation-type, il n’est pas rare de voir des enfants faire des câlins aux
éducatrices, de discuter avec elles, de parler de sujets personnels, de poser des
questions ou de voir l’éducatrice s’installer à une table pour jouer avec les enfants
ou encore d’aller glisser avec eux. Lors de ces situations, les gestes et les paroles
des éducatrices reposent fortement sur elles en tant que personnes, ainsi que sur la
Discussion 203
dimension morale du travail (confiance, sollicitude) et sur la dimension éducative
(actions autour de la sociabilité et accompagnement de l’enfant dans sa
compréhension du monde).
7. La situation-type liée aux interventions auprès des enfants ayant des difficultés
d’adaptation scolaire et sociale repose en grande partie sur l’éducatrice, qui doit
conduire ces enfants à suivre les règles et à respecter les autres. La composante
codifiée joue donc aussi dans ces situations, c’est-à-dire que les actions des
éducatrices s’adossent aux codes à respecter en milieu scolaire.
8. L’approche développée par les éducatrices pour intervenir auprès des enfants
(comme les actions de poser des règles, de gérer les groupes et d’intervenir auprès
des enfants) s’est avérée différente d’une éducatrice à l’autre. On peut penser, d’une
part, que les univers normatifs dont elles sont porteuses en matière d’éducation (par
exemple la manière d’intervenir de leurs parents ou des enseignants qu’ils ont
côtoyés) permettent d’expliquer les différentes approches, et, d’autre part, que les
milieux dans lesquels elles travaillent, et que les façons de faire des acteurs qu’elles
côtoient, ont une incidence sur leurs approches. Par exemple, il est envisageable
que l’approche d’une éducatrice qui prend en charge un groupe d’enfants avec
lequel l’enseignant intervient avec fermeté ou encore avec humour soit influencée
par l’approche de l’enseignant. D’ailleurs, les travaux de Ria et Rayou (2008),
soulèvent notamment que des enseignants expliquent mener des actions en criant
par exemple, pour couvrir les hurlements de l’enseignant de la salle de classe
voisine. Ria et Rayou soulèvent que les diverses approches (pour différents motifs)
204
entre les acteurs dans un établissement peuvent s’influencer. Sans avoir interpellé
directement les éducatrices sur ces dynamiques, il est clair que les autres acteurs
scolaires ont une influence sur l’activité dans le travail des éducatrices. L’exemple
des actions répétées des divers acteurs autour du respect du silence dans deux écoles
et de l’absence de ces actions autour de cette consigne est intéressant en ce sens car,
il semble y avoir un alignement des actions autour d’une norme partagée entre les
acteurs s’éloignant ou s’approchant de la prescription.
Élargissant la réflexion, il est possible d’envisager l’effet des actions collectives des acteurs
sur le processus de renormalisation dans l’activité. On peut penser, à propos de l’exemple au sujet
du silence dans les corridors, que même si une éducatrice décidait de faire respecter le silence dans
l’école où les interventions sont peu nombreuses en ce sens, cela aurait une incidence limitée sur
ces actions. Par contre, si le personnel de direction de l’école rencontrait les acteurs scolaires pour
que cette règle soit respectée, cela aurait peut-être un plus grand effet sur les actions des acteurs
autour du respect de celle-ci. D’ailleurs, il semble intéressant de comprendre, tel que nous l’avons
soulevé de façon épar dans cette thèse, ce qui explique la distance relative que prennent les
éducatrices par rapport aux pratiques et aux manières de faire d’autres acteurs avec qui elles
travaillent ou encore par rapport aux prescriptions.
Devant ces situations types, il est possible de concevoir que les rapports entre travail
prescrit et travail réel dans l’activité se définissent aussi selon les actions des autres acteurs dans
l’établissement scolaire. De plus, le schéma permet de saisir la tendance selon laquelle une part
importante des situations types se situent dans la partie inférieure gauche du schéma. L’activité en
Discussion 205
SGMS s’élabore donc fortement à partir des normes dont les éducatrices sont porteuses. C’est
d’ailleurs l’une des caractéristiques du travail dans les SGMS : les prescriptions autour des normes
professionnelles étant floues et la formation limitée, les éducatrices se fient régulièrement à leur
expérience pour faire leur travail auprès des enfants. Ainsi, dans le cas du travail en SGMS, la
nature des rapports entre le travail prescrit et le travail réel dépend fortement des personnes qui
l’effectuent. D’ailleurs, l’écoute de quelques minutes d’enregistrement audionumérique permet de
constater que les éducatrices mènent une multitude d’actions sur divers plans. En effet, l’éducatrice
est fréquemment sollicitée simultanément à intervenir sur différents foyers d’actions : les enfants
qui demandent de l’aide pour trouver une mitaine, qui veulent raconter leur matinée, qui se
disputent, etc., en même temps, la radio-portative émet régulièrement des messages, s’adressant
parfois à elle, parfois à d’autres mais qui exigent toutefois son écoute à travers le bruit ambiant,
s’ajoute à cela l’enseignant sur place ou une autre éducatrice qui communique une information ou
demande de l’aide et, simultanément, la tâche à faire, comme faire prendre le repas, est menée en
parallèle. En fin de compte, les éducatrices font leur travail en jouant le rôle de parent, de
confidente, d’éducatrice, de figure d’autorité, de collaboratrice, d’alliée, etc. et leur activité
s’insère dans un milieu hautement codifié, l’École, mais sans porter la responsabilité d’assurer
l’acquisition de connaissances spécifiques et sans s’appuyer sur une longue formation. Elles
expliquent en ce sens se fier sur leurs expériences, leur instinct, leurs valeurs, leur éducation, bref,
elles font feu de tout bois.
À titre comparatif, on peut se demander comment l’analyse du travail de l’enseignant
auprès des mêmes enfants serait illustrée dans ce schéma. Les situations types seraient peut-être
plutôt situées près des normes professionnelles. Dans le cas du travail des éducatrices, leurs univers
206
normatifs se sont forgés dans des lieux et à des époques situées et les normes et les valeurs qu’elles
véhiculent prennent racine dans ceux-ci. Ces normes et valeurs deviennent en quelque sorte le
substrat de leurs actions. Là est toute la particularité du travail des éducatrices : leurs actions,
fortement influencées par leurs expériences de socialisation, se répercutent sur la socialisation des
enfants.
Il semble important de soulever les limites du classement des situations types. En effet, les
données tirées de l’acte d’observation et de description de situations tirées de l’activité risque de
réduire l’analyse aux situations et à leur contingence en perdant de vue le poids des institutions et
de l’histoire qui précèdent et influencent ces actions. En fait, les situations types s’insèrent dans
une activité beaucoup plus complexe et difficile à saisir. L’école en tant qu’établissement et
institution véhicule des idées, des conceptions et des valeurs situées historiquement. À une autre
époque au Québec, plutôt que de nommer un à un les enfants au début de chaque période durant
la journée pour s’assurer de leur présence, c’était faire la prière qui allait de soi, geste qui n’était
pas remis en question par les acteurs sociaux. Dans la même logique, le découpage minutieux du
temps, dicte à la fois les moments de l’activité et la rémunération du personnel, mais rythme aussi
l’activité dans le travail de la garde scolaire. Cette composante temporelle, et le fait de
l’allongement considérable des journées passées par les enfants à l’école doivent être compris en
regard à l’organisation actuelle du monde du travail dans la société québécoise. Voilà des exemples
de ce registre normatif qui ont une incidence sur l’activité et qui peuvent être plus difficilement
captés dans une analyse des situations types. De façon plus générale, le registre normatif de
l’École, comme institution dans une société, teinte les deux autres registres car les acteurs ont été
socialisés au sein de sociétés à travers ses institutions situées, et l’École, en tant qu’établissement
Discussion 207
dans lequel ils travaillent, est également située. Tous deux, acteurs et établissements, sont
imprégnés de l’institution École (et des autres institutions) dans une société donnée.
Enfin, à travers ces situations-type, situées aux croisements de multiples registres
normatifs, il semble y avoir une variabilité dans le rapport qu’entretiennent les éducatrices
relativement aux normes. Tel que nous l’avons soulevé, des différences qualitatives entre les choix
des éducatrices sont observées dans l’activité. Par exemple, certaines éducatrices semblent
reproduire les règles de la classe (position assise, silence, attribution des places lors des périodes
de garde, etc.) tandis que d’autres éducatrices instaurent des règles moins similaires à celles des
classes : les enfants s’assoient où ils veulent, se lèvent sans demander la permission, discutent à
travers la prise de présence, etc. Pour expliquer ces différences, nous pensons qu’il est ici question
du rapport que l’éducatrice entretient avec les codes de l’école et la « marge de manœuvre » qu’elle
adopte, consciemment ou non, relativement à ceux-ci. Ce rapport qu’entretiennent les éducatrices
porteuses d’univers normatifs dépendrait de ce qu’elles réactivent dans leur travail. Cet exemple,
au sujet du maintien ou non des règles de la classe, peut être transposé à tous les choix faits dans
l’activité.
La question des choix d’actions, différents d’une éducatrice à l’autre, mérite d’être
soulevée relativement à la « marge de manœuvre » observée autour de ce qui est prescrit, ainsi
qu’autour de ce qui « fait norme » dans le milieu de travail. En effet, la présentation de situations
type permet d’illustrer que la marge de manœuvre ou la liberté que prennent les éducatrices
s’établit également à partir de ce qui est fait par les autres acteurs dans le milieu scolaire. C’est
d’ailleurs en ce sens que nous avons posé d’entrée de jeu dans cette dernière section que la
208
complexité des rapports entre travail prescrit et travail réel tient également dans le rapport aux
normes dans l’activité des éducatrices.
Bref, les résultats indiquent l’émergence d’une explication autour d’une marge de
manœuvre que les éducatrices exercent dans l’activité dans le travail. Cette distance face à la norme
pourrait être comprise à travers le rapport qu’elles entretiennent avec les normes rattachées aux
trois registres normatifs (incluant donc celles issues des univers normatifs dont elles sont
porteuses), dans un lieu partagé avec d’autres acteurs qui participent au processus de
renormalisation.
4.2 Rapport à la norme : les acteurs et la force de la prescription
Le rapport à la norme issu de l’analyse des données recueillies serait la latitude que prend
l’acteur ou les acteurs relativement aux registres normatifs en présence dans l’activité (normes
professionnelles, univers normatif, École située temps/espace). Nous avons aussi vu que le rapport
à la norme pouvait dépendre de la force de prescription. Une prescription peut s’imposer plus
fortement, car elle est appuyée par une idéologie, donc soutenue à travers les trois registres
normatifs, ou encore parce qu’elle fait l’objet d’une loi ou d’une règle qui n’est pas remise en
question collectivement dans les usages.
À l’issue de ce travail de recherche, ce qui capte notre attention renvoie à la compréhension,
l’exploration d’une compréhension de ce qui explique l’écart existant entre les choix de certains
acteurs de redéfinir leur travail avec une plus grande (ou petite) marge de manœuvre par rapport à
la norme, que d’autres. Quant à cet écart, l’analyse des données recueillies concourt vers
Discussion 209
l’hypothèse que la latitude prise (ou non) par les acteurs en SGMS relativement aux différents
registres normatifs et aux actions des autres acteurs dans le milieu dépend en partie de leurs propres
univers normatifs (liés à des valeurs) et de la force de la prescription telle qu’ils la perçoivent.
Cherchant à comprendre comment se développe ce rapport à la norme, on pourrait avancer qu’il
s’agit peut-être d’une question d’éducation. Plus précisément, nous posons qu’au cœur de ce
rapport à la norme se trouve la distance que peut ou ne peut pas prendre la personne relativement
à ce qui est, à ce qui le précède et cela dans tous les domaines de la vie, que ce soit la distance
prise par rapport aux savoirs enseignés, aux normes qui prévalent dans la société, aux coutumes
reproduites et aux valeurs véhiculées. Ainsi, une éducation axée sur le respect des règles établies
par rapport à une éducation qui favorise le dialogue, la réflexion, le développement de la pensée
rationnelle, autour de ces règles ou sur ce qui est, engendre un rapport à la norme et c’est en ce
sens que le concept de rapport à la norme devient intéressant dans le champ de l’éducation. À
travers l’éducation, on socialise les enfants, comme nous avons été socialisés, à un rapport à la
norme. Celui-ci mérite certainement d’être l’objet de recherches.
En effet, il devient pertinent de s’intéresser au rapport à la norme comme objet de
recherche, car l’exploration et l’explicitation de ce rapport peut s’inscrire dans une visée
transformative, c’est-à-dire qu’en travaillant avec les acteurs pour définir les normes en présence,
il est possible de favoriser la réflexion à la fois sur leur propre rapport aux normes et celles qu’ils
portent, mais aussi sur les normes professionnelles et celles de l’École comme institution. Ce
faisant, ce type de réflexion peut favoriser des prises de conscience et éventuellement une plus
grande autonomie des collectifs d’acteurs dans leurs rapports aux normes et dans les changements
possibles autour d’aspects de leur activité qui les éloignent de la raison d’être du service offert ou
210
de la santé au travail. Ce type de démarche réflexive met à contribution la réflexion des acteurs
dans une perspective sociale de changement. Poursuivant cette piste, il faudra alors s’interroger,
sur le plan de la recherche, sur les outils conceptuels qui permettraient d’approcher le rapport à la
norme dans l’activité dans le travail ; les concepts de distanciation et d’engagement développés
par Elias (1993) et celui du rapport en valeur de Schwartz (2016) pourraient être mis à profit autour
de cet objet de recherche.
CONCLUSION
Dans cette thèse, un choix conscient d’interpeller différents cadres pour analyser le travail
des éducatrices en services de garde en milieu scolaire (SGMS) a été mis en œuvre. Les
observations de départ nous ont incité à mieux saisir ce qui se passe pendant les périodes de SGMS
et ont donné lieu à la recherche d’outils conceptuels permettant de décrire et de tenter de
comprendre le travail des éducatrices dans les écoles sous le registre des normes. Devant ce qui a
été observé initialement durant les périodes de SGMS, il est vite apparu que ce travail d’apparence
familier et informel s’organise selon un ensemble d’éléments. En effet, cette activité se développe
à la fois en fonction de tâches prescrites, de besoins des enfants, de façons de faire des éducatrices
et cela dans un lieu, l’école primaire, ayant des caractéristiques spécifiques et étant animée par
plusieurs acteurs.
Les écrits scientifiques disponibles au sujet du travail dans les SGMS ne portent pas sur le
travail tel qu’il s’exécute ordinairement ou naturellement durant les périodes de garde. Ces écrits
décrivent plutôt les perceptions des éducatrices, l’expérimentation de projets de formation en
SGMS ainsi que l’évolution du milieu scolaire au Québec et, dans ce cadre d’analyse, s’intéressent
aux fonctions assumées par les éducatrices dans les écoles. Pourtant, l’étude de cette sphère
d’activité est importante car le travail en SGMS touche aujourd’hui 360 000 enfants, soit un élève
sur deux (CSE, 2020) et requiert les services d’un personnel qui a connu la plus grande croissance
parmi l’ensemble des acteurs au sein de l’école québécoise (Tardif et LeVasseur, 2015). Plus
précisément, certains enfants passeraient en moyenne 50 heures par semaine à l’école (CSE, 2006)
ou, selon la comptabilisation de Giguère et Desrosiers (2010), les enfants fréquentant le SGMS y
212
seraient 14 heures par semaine à la maternelle et 15 heures par semaine en première année. Pour
ce qui est du personnel des SGMS, il est devenu la catégorie d’emploi la plus importante en nombre
après celle des enseignants (Caron, 2017). Toutefois, on constate que ce secteur d’activité se
caractérise par une pénurie de personnel qualifié (AQGS, 2019) et que la formation dont il dispose
est limitée par rapport au personnel scolaire et à celui travaillant dans le domaine de la petite
enfance. Ainsi, la présente thèse a voulu permettre de mieux comprendre ce lieu d’éducation des
enfants dont une part des responsabilités relevaient auparavant de la sphère privée parentale et
relève aujourd’hui de la sphère publique. Bref, l’étude du travail des éducatrices en SGMS se veut
à la fois une contribution à une réflexion en termes d’enjeu social qui interpelle les pouvoirs publics
en matière d’éducation des enfants et une contribution au champ de l’analyse de l’activité dans le
travail.
Devant les éléments de la problématique, il s’est avéré pertinent de se pencher sur l’étude
de l’activité des éducatrices lorsqu’elles sont en présence des enfants, pour saisir ce qui organise
ce travail en s’intéressant à ses régularités, ses contraintes, ses possibles et ses tensions. Cette thèse
s’est donc centrée sur l’étude de l’activité, soit : les gestes, les paroles et les choix des éducatrices
lorsqu’elles travaillent. L’objectif général de celle-ci consistait à mieux comprendre les rapports
complexes qui prennent forme, entre le travail prescrit et le travail réel, dans l’activité des
éducatrices auprès des enfants en SGMS.
Pour expliquer les rapports complexes dans le travail, le concept de norme a été développé
à partir des travaux de Prairat (2012a, 2012b et 2014) et de Schwartz (2016). Plus précisément, le
cadre élaboré pour étudier l’activité dans le travail des éducatrices en SGMS s’est construit à la
Conclusion 213
fois autour de l’identification de normes professionnelles découlant de cette activité et à partir du
concept d’univers normatifs dont sont porteurs les acteurs.
Les normes professionnelles ne font pas référence au niveau de compétence requis pour
travailler, mais elles sont envisagées à partir d’une réflexion sur le service que le métier entend
rendre. S’appuyant sur les travaux de Prairat (2012), deux dimensions se rattachent au travail en
éducation, soit une première dimension dite spécifique et une deuxième dimension, de nature
morale. Ces dimensions ont été transposées au travail des éducatrices en SGMS pour en favoriser
la description. Une troisième dimension a été développée pour les besoins de ce cadre conceptuel,
elle a été nommée la dimension éducative. À la lumière de résultats de la thèse, on a pu constater
qu’une part des actions des éducatrices dans leur activité dans le travail serait descriptible et
appréhendable par les trois dimensions professionnelles définies autour du travail en SGMS, tandis
que l’autre part s’expliquerait à partir d’une conception de l’acteur comme porteur d’univers
normatifs (Lahire, 2005). Selon ce dernier concept, il est possible d’intégrer une compréhension
des acteurs comme étant porteurs d’un ensemble d’habitudes qui se réactualisent dans leur travail,
habitudes qui sont issues des univers normatifs propres aux différents milieux qu’ils ont fréquentés
au cours de la vie.
Enfin, pour mieux saisir la dynamique de l’activité, le concept de normes antécédentes
(Schwartz, 2016), soit les normes provenant de différents registres et précédant l’activité dans le
travail, a permis de saisir que les actions des acteurs prendraient forme selon un jeu de négociation
à travers lequel les normes sont hiérarchisées. À l’issue de ce cadre, les trois objectifs spécifiques
suivants ont été libellés : identifier les récurrences dans l’activité dans le travail des éducatrices ;
214
définir autour de quelles normes professionnelles se déploie l’activité des éducatrices; décrire ce
qui participe à la négociation des normes et à la hiérarchisation de celles-ci dans l’activité des
éducatrices.
L’étude de cas a été le choix méthodologique privilégié, le cas étant l’activité des
éducatrices en SGMS. Les 7 éducatrices ayant participé à l’étude travaillent dans trois écoles
classées comme défavorisées et situées en milieux multiethniques. Des données observées et
déclarées ont été recueillies, entre les mois de juin 2017 et de mai 2018, à partir d’observations
ainsi qu’à travers la tenue d’entretiens de groupes semi-directifs, d’entretiens individuels et de
carnets d’observations tenus par les participantes. La collecte de données s’est déroulée dans le
cadre d’un projet de recherche plus vaste visant l’animation d’activité d’éveil à la lecture et à
l’écriture auprès des enfants de 4 ans à 6 ans en SGMS.
La principale limite méthodologique de la thèse s’explique par le fait que les outils de
collecte de données permettant d’éclairer le troisième objectif spécifique, au sujet du processus de
négociation et de hiérarchisation des normes dans l’activité, n’ont pas été élaborés spécifiquement
pour rendre compte de ce processus. Les contenus des entretiens semi-directifs ont été développés
progressivement, en fonction des thèmes abordés par les acteurs, des observations en SGMS et de
la construction de l’objet de recherche. Des indices ont émergé autour de cet objectif et des données
ont été analysées en ce sens. D’autres outils de collecte de données auraient permis d’étudier la
nature du processus de négociation et de hiérarchisation des normes plus en profondeur.
La méthode de formation et de recherche s’appuyant sur l’instruction au sosie permettant
d’approcher l’expérience vécue dans le travail (Veyrac, 2017) serait certainement à mettre à profit
Conclusion 215
dans une démarche de recherche ultérieure. D’ailleurs, les données déclarées par l’ensemble des
éducatrices soulèvent l’importance de l’acte d’observer qui oriente leurs choix et leurs gestes.
Ainsi, il serait possible, à travers l’instruction au sosie, de questionner méthodiquement les acteurs
sur ce qui est observé et ce qui explique les choix faits dans le contexte. On pourrait également
envisager l’étude de cette activité formée de négociation de normes, en utilisant la méthode d’auto-
confrontation qui est fréquemment employée en analyse de l’activité. Ceci permettrait à
l’éducatrice d’expliquer, à la suite d’une captation, ce qu’elle fait et pourquoi elle le fait ainsi.
Enfin, il serait peut-être pertinent d’envisager un dispositif méthodologique permettant de passer
un plus grand nombre d’heures dans les milieux, soit une démarche de type ethnographique, suivie
d’entrevues individuelles visant précisément à comprendre ce qui participe aux choix faits dans
l’activité. De manière générale, le choix du dispositif peut être pensé dans l’optique d’investiguer
ce processus de négociation et de hiérarchisation à la lumière des registres normatifs pour tenter
de réfléchir avec les acteurs aux tensions dans l’activité et de questionner la préséance accordée à
certaines séries d’actions au détriment de d’autres et à l’incidence de ces choix sur les enfants ainsi
sur la qualité de l’expérience vécue au travail.
Une seconde limite peut être soulevée autour du schéma des registres normatifs qui
interviennent dans l’activité dans le travail, car il n’a pas été validé dans le cadre d’autres études
de cas. En effet, tel qu’il a été présenté dans la méthodologie de cette thèse, l’étude de cas permet
d’accéder à une information détaillée du cas qui peut éclairer d’autres cas, ce qui permet de tendre
vers une généralisation analytique. Ainsi, l’une des limites de la thèse est que le modèle d’analyse
sous l’angle des registres normatifs qui organisent l’activité n’a pas été mis à l’épreuve pour
216
différents cas comme celui d’enseignants à l’éducation préscolaire et celui d’éducatrices des
centres de la petite enfance, ainsi sa généralisation analytique demeure hypothétique.
La contribution de la présente thèse peut se résumer en deux points. Premièrement, sur le
plan social, l’étude du travail des éducatrices en SGMS a permis de dépasser la perception de sens
commun au sujet du travail en SGMS. En effet, ce type de responsabilités, c’est à dire que l’acte
de prendre soin des enfants et de contribuer à leur éducation, lorsqu’il se transpose dans la sphère
publique, s’avère d’une grande complexité. Les principaux constats soulèvent les nombreuses
composantes du travail en SGMS; les prescriptions descendantes, provenant du ministère ou des
établissements, et celles remontantes, provenant des enfants, ainsi que les normes portées par
l’École dans une société donnée et les actions des autres acteurs scolaires. De plus, cette activité
exige des personnes qui l’effectuent d’intervenir sur plusieurs plans en adoptant une diversité de
rôles : parent, éducateur, guide, confident, acteur scolaire, et cela selon les contingences des
situations. Pour faire leur travail, les éducatrices s’appuient fortement sur leurs univers normatifs
individuels, ayant peu de certitudes sur les responsabilités qui leur reviennent et sur l’effet de leurs
actions autres que celles de la « réussite de l’activité » dans l’immédiateté de son déroulement.
Cette contribution sociale de la recherche se décline en retombées professionnelles et
politiques. En effet, elle se traduit, d’une part, par l’identification de trois dimensions
professionnelles auxquelles sont rattachées des composantes et des indicateurs propres au travail
dans les SGMS, favorisant ainsi une meilleure compréhension de cette activité se déployant
aujourd’hui à l’école. La thèse fournit une compréhension empirique de ce qui l’organise et qui
permet d’orienter les contenus de formation soutenant cette activité. D’autre part, les retombées se
Conclusion 217
traduisent par des recommandations visant à la fois l’amélioration de l’expérience du personnel
qui travaille dans les SGMS ainsi que l’expérience des enfants qui fréquentent ces lieux. Ces
recommandations interpellent les pouvoirs publics pour que les finalités et les valeurs du travail
dans les SGMS soient définies en fonction de la vision du gouvernement du Québec en matière de
socialisation des enfants d’âge scolaire.
Deuxièmement, l’étude du travail des éducatrices guidée par les choix conceptuels faits
dans ce cadre contribuent à proposer un regard sur l’activité au travail sous l’angle des normes.
Les normes paraissent être à l’intersection de toute activité entre humains, il nous semble ainsi
pertinent d’utiliser ce concept pour comprendre l’activité dans le travail et cela semble d’autant
plus pertinent dans le cadre d’un travail visant la socialisation des enfants. Plus précisément, la
présente analyse avance que l’activité s’organiserait sous trois registres de normes, qu’elle se
réalise prenant compte d’autres acteurs, et selon le degré de force perçu des prescriptions. Les
retombées sur le plan de la recherche se posent d’abord en termes de proposition d’un modèle
d’analyse de l’activité sous l’angle des normes qui permet de déceler des tendances quant au poids
des registres normatifs à travers le déroulement de l’activité des acteurs. Il soulève également la
question du rapport aux normes des acteurs au travail. De même, ce type de démarche présente le
potentiel de susciter la réflexion et des prises de conscience des acteurs sur les aspects de leur
activité qui posent problème à la fois pour les destinataires du service rendu, soit, ici, la majorité
d’une tranche complète de la démographie du Québec, et pour leur propre santé au travail.
De manière prospective, la présente thèse permet d’envisager des avenues aux plans de la
recherche ainsi qu’au plan social. D’abord, elle incite à étudier le rapport à la norme, soit la latitude
218
que prend l’acteur face aux registres normatifs en présence dans l’activité. L’étude de l’activité
permet de concevoir que les éducatrices sont actrices, car intégrées dans une structure, et à certains
égards le produit de celle-ci, mais aussi dotées d’une capacité d’action. Cette capacité d’action les
amène, par exemple, à contourner certaines prescriptions, pour agir, notamment, en fonction de
leurs propres valeurs, leurs principes, leurs convictions, leur conception du travail bien fait auprès
des enfants, ou à l’inverse, elle les incite à mener des actions correspondant aux prescriptions. Le
fait que les actions de certaines éducatrices sont alignées aux prescriptions du travail tandis que
les actions d’autres éducatrices s’en distancient a été soulevé. Devant les résultats discutés, l’intérêt
de comprendre ce qui explique que certains acteurs redéfinissent leur travail en prenant une plus
(ou moins) grande distance, critique ou non, par rapport aux normes, a été suscité. La discussion
avance l’hypothèse de départ selon laquelle la latitude que prennent (ou non) les acteurs face aux
différents registres normatifs dépend en partie de leurs univers normatifs propres et de la force de
la prescription telle qu’ils la perçoivent. On pourrait aussi progressivement envisager que cette
latitude s’explique par l’éducation. Le rapport à la norme serait formé notamment à travers
l’éducation, car le processus de socialisation en cours dans nos sociétés à travers l’éducation porte
un rapport à la norme.
Comme soulevé en introduction, le système d’éducation québécois abrite une notion selon
laquelle les enfants ou les groupes d’enfants sont dits « autonomes » à l’école du fait qu’ils
démontrent une capacité à exécuter les étapes de la routine telle qu’établie et qu’ils adoptent des
comportements en fonction de ce qui est attendu. Ce sens de la notion d’autonomie laisse sous-
entendre que se conformer aux attentes de l’école correspond à l’un des objectifs à atteindre en
matière d’éducation. À ce sujet, les travaux de Durler (2015) au sujet de la contradiction contenue
Conclusion 219
dans la notion d’autonomie obligatoire rejoignent ceux de Laval, Vergne, Clément et Dreux (2011)
sur les dispositifs éducatifs de la société néolibérale favorisant l’internalisation des besoins du
marché du travail chez l’individu et mériteraient d’être explorés davantage selon les impératifs de
notre contemporanéité et l’arrimage réel des finalités de l’École avec notre projet collectif de
société. Ainsi, un rapport à la norme est induit à travers cette conception de l’autonomie. L’enfant
y intègre des conduites, des façons de voir et de sentir qui ne sont pas nécessairement les siennes
mais qu’il doit suivre et qu’il finit par prendre pour les siennes. Il intègre un rapport à la norme,
ici fortement conformiste, en évoluant au sein de l’école. Et si, l’autonomie des élèves référait
plutôt à leur exploration de la vie en groupe, au développement de leur regard sur le monde, a une
plus grande conscience de ce qui l’organise et à la possibilité de se situer par rapport à celui-ci, le
choix de se distancier ou non par rapport à la norme deviendrait plus conscient. À l’inverse, si
l’éducation vise d’abord et avant tout le respect des règles et l’apprentissage d’une fonction à
occuper dans une société, le rapport des individus a la norme serait moins conscient. Dans les deux
cas, l’éducation influence le rapport à la norme et, évidemment, le type de citoyen qui en résulte.
Finalement, ce type d’analyse de l’activité peut s’inscrire dans la perspective de favoriser
l’engagement des acteurs dans un processus visant l’amélioration de leur santé au travail. En effet,
l’identification avec les acteurs des normes qui parfois empêchent l’actualisation de certaines
dimensions professionnelles pourrait s’effectuer dans le cadre d’une démarche fondée sur la mise
en place de dispositifs et d’approches favorisant le développement de la réflexion critique autour
de ces normes, menant à une clarification et à un éventuel repositionnement des acteurs par rapport
à celles-ci. L’exemple de la reproduction des manières de mener des activités éducatives, manières
qui prévalent dans un contexte d’enseignement/apprentissage, mais qui pourraient être repensées
220
dans le contexte des SGMS, laisse entrevoir la pertinence de favoriser la réflexion des acteurs sur
certains gestes, paroles et choix, souvent inconscients, qui relèvent de différentes normes et qui
complexifient parfois l’activité dans le travail. En somme, il semble possible de concevoir qu’un
changement de normes puisse s’effectuer à travers des regroupements d’acteurs qui identifient ce
qui explique le choix d’actions qui posent problèmes dans l’activité. Enfin, ce type d’analyse, qui
prend assise sur l’activité tel qu’elle se déploie dans le travail et tel qu’elle est perçue par les
acteurs, peut servir de modèle d’analyse du travail en milieu scolaire et favoriser des ajustements
aux contextes d’exercice du travail dans les écoles.
Conclusion 221
RECOMMANDATIONS
Considérant les résultats de la présente thèse, les recommandations suivantes peuvent être
formulées sous trois thèmes : le besoin d’une définition claire du mandat des SGMS, la nature et
les modalités de formation ainsi que les ajustements au contexte d’exercice du travail en SGMS.
I. Mandat
Recommandation 1 : Devant la place importante des SGMS au Québec, en termes de
nombre d’enfants fréquentant ces milieux, du nombre d’heures passées par certains d’entre
eux à l’école, du processus de socialisation qui y prend forme et pour consolider la fonction
du personnel éducateur dans les écoles, il est recommandé de définir sur le plan provincial
la finalité du travail dans les SGMS. Plus précisément, de définir la complémentarité des
SGMS avec le projet éducatif, qu’il soit complémentaire au sens d’une continuité de ce qui
est fait en classe, ou complémentaire au sens de favoriser le développement d’autres
habiletés que celles visées en classe.
Recommandation 2 : Étant donné le caractère flou des responsabilités des éducatrices en
SGMS il est recommandé de définir ce qui est entendu par développement global et bien-
être de l’enfant, à la lumière de l’analyse des dimensions professionnelles et des situations-
types issues de l’étude de cette activité. Par exemple, le bien-être de l’élève peut être défini
de manière précise à travers le devoir d’hospitalité lors de l’accueil et des transitions qui
sont sous la responsabilité des éducatrices.
222
II. Formation
Recommandation 3 : Étant donné que les éducatrices en SGMS sont dépositaires d’une
connaissance fine de leur activité dans le travail, il est recommandé de développer des
modalités de formation dans le cadre desquelles les éducatrices mobilisent d’abord leurs
expériences.
Recommandation 4 : Face à la pénurie de main-d’œuvre dans les SGMS il est recommandé
de créer des espaces de formation en fonction de ce contexte et des avenues possibles en
ce sens. Par exemple, on pourrait prévoir des formations dans les milieux de travail et
assurer une reconnaissance officielle des acquis pour le personnel ayant participé à celles-
ci.
Recommandation 5 : Devant la formation limitée pour effectuer le travail en SGMS et à la
lumière de la présente analyse, il est recommandé d’élaborer des contenus de formation
pour le personnel en fonction des dimensions (et de leurs composantes) professionnelles
issues de l’analyse du travail et des savoirs disponibles pour chacune d’elles.
Recommandation 6 : La composante de la sociabilité étant au cœur de travail des
éducatrices, il est recommandé d’utiliser les jeux libres ou activités libres, qui sont nommés
dans l’ensemble des descriptions des activités des éducatrices, comme laboratoire pour le
développement des habiletés sociales.
Recommandation 7 : Étant donné que les manières d’intervenir en matière de sociabilité
sont variées, il est recommandé d’intégrer dans les contenus de formation des
Conclusion 223
connaissances par rapport au processus d’intégration à la vie sociale des enfants, pour
orienter les interventions favorisant le développement d’habiletés en ce sens.
III. Contexte d’exercice du travail en SGMS
Recommandation 8 : Pour favoriser les bien-être et le développement global des enfants
ainsi qu’assurer la qualité de l’expérience au travail du personnel en SGMS, il est
recommandé d’ajuster le ratio éducateur/enfant dans les groupes d’enfants d’âge
préscolaire.
Recommandation 9 : Afin de répondre au mandat éducatif du travail en SGMS et du bien-
être des enfants, il est recommandé de s’assurer que les locaux correspondent à la finalité
des SGMS plutôt qu’à celle d’instruction. En effet, maintenir les jeunes enfants en SGMS
dans des conditions telles que celles qui prévalent dans le contexte
d’enseignement/apprentissage présente des défis et contraintes importants autant pour les
enfants que pour le personnel des SGMS.
Recommandation 10 : Les moments d’échanges informels entre parents, éducatrices et
enfants étant limités, il est recommandé de repenser des espaces et modalités de rencontre
entre les familles et le personnel des SGMS et plus largement de l’école. Prévoir des
espaces de rencontre permettrait de favoriser la collaboration SGMS (école)-famille pour
le bien des enfants.
Recommandation 11 : Devant la proximité des différents acteurs qui travaillent en milieu
scolaire et la tâche d’éducation commune autour des mêmes enfants, assurer des espaces
224
de rencontre, par exemple lors de la formation en milieu scolaire offerte aux éducatrices,
pour permettre de mobiliser les expériences de travail respectives entre les acteurs.
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ANNEXE A. CANEVAS, ENTRETIENS GROUPE 1 ET CARNET ÉDUCATRICES
En rencontre de groupe le 15 février
Vous savez, on connait trop peu le travail quotidien des éducatrices en SGMS. Pour la prochaine heure, on va essayer de cerner à quoi ressemble votre pratique quotidienne. Si vous deviez décrire ce que vous devez faire dans votre travail qu'est-ce que vous décririez?
D’abord, réflexion écrite et, ensuite, partage en groupe.
Pouvez-vous m’indiquer quelles sont les connaissances, les habiletés, les savoir-faire que vous utilisez comme éducatrices pour travailler avec les jeunes enfants? Avez-vous des exemples en tête?
D’abord, réflexion écrite.
Ensuite, partage en groupe.
*** Les 3 et 4 avril, j'aimerais passer des périodes avec vous un peu comme une stagiaire, je pourrai donner un coup de main, ensuite après cette période je prends un peu de temps avec vous pour parler de la période qui vient de se passer des savoir-faire mis en pratique durant ce moment. Je ferai des démarches auprès de vos directions d'école, par exemple, il y a 7 éducatrices, dans trois écoles, donc je pourrais passer deux ou trois périodes dans chaque école.
**J'ai aussi deux feuilles à vous remettre l'une sur laquelle je vous demande de décrire le quotidien à travers les trois périodes type de la journée et une sur laquelle je vous demande de décrire avec le plus de détails possibles, des défis que vous avez vécus au cours de la semaine.
*Si le temps le permet, faire compléter les questionnaires de développement professionnel.
Canevas, entretiens groupe 1 et carnet éducatrices 243
CARNET D’OBSERVATIONS PERSONNELLES POUR ÉDUCATRICES8
LE QUOTIDIEN (day to day)
Le principe de cet exercice est de tenter de décrire comment cela se passe pendant une période type (matin, midi, soir). On cherche une description avec tous les détails même si cela vous parait évident. Ici l’idée est de tenter de capter le quotidien d’une éducatrice.
La description doit être complétée tout de suite après la période
Pouvez-vous décrire la période qui vient de se passer avec les enfants?
Si vous vous replacez au début de cette période : À quel endroit étiez-vous? Combien d’enfants y avait-il au début de la période? Étiez-vous la seule éducatrice? Quelles actions avez-vous posées (p. ex : « Je commençais à 7h10, il y avait environ 10 enfants arrivés. J’ai demandé à Mohammed d’aller porter son sac et de revenir dans le local. Il avait l’air fatigué, je lui demandé comment ça allait, il m’a dit… je lui ai dit… c’était tranquille dans la pièce, 3 ou 4 enfants jouaient aux blocs, d’autres parlaient ensemble, Jérémie jouait seul…je parlais avec Kathleen une autre éducatrice, elle est nouvelle, je lui ai dit… Vers 7h45, j’ai demandé aux enfants de faire le rang… J’ai vu que Sandrine n’avait pas son sac, je lui ai demandé d’aller le chercher, elle m’a demandé d’aller aux toilettes… »
Ainsi de suite pour une période du matin, midi, et du soir.
Si vous vous replacez au début de cette période, pouvez-vous la décrire avec le plus de détails possibles.
Matin
8 Les espaces pour écrire ont été réduits.
244 Annexe
Si vous vous replacez au début de cette période, pouvez-vous la décrire avec le plus de détails possibles?
Midi
Si vous vous replacez au début de cette période, pouvez-vous la décrire avec le plus de détails possibles?
Soir
Canevas, entretiens groupe 1 et carnet éducatrices 245
DÉFIS
Pouvez-vous décrire un ou des moments qui présentent des défis dans votre pratique?
Ici, l’idée est de tenter de comprendre les tensions, les difficultés que vous rencontrez dans une période ou une journée. Un moment où vous devez prendre une décision, même si c’est une décision simple.
Indiquez un défi que vous avez rencontré aujourd’hui avec un ou des enfants?
La description doit être complétée tout de suite après la période
Où étiez-vous? À quelle période ça s’est passé? Combien d’enfants y avait-il? Étiez-vous la seule éducatrice? Comment cela s’est-il passé? Qu’avez-vous fait? Que vous êtes-vous dit?
Quel est ce défi?
Pouvez-vous le décrire?
Autres impressions
246 Annexe
Quel est ce défi?
Pouvez-vous le décrire?
Autres impressions
ANNEXE B. CANEVAS ENTRETIENS DE GROUPE 2 ET 3
Premièrement, des échanges pour mettre en perspective certains éléments pour réfléchir sur le
travail au quotidien.
1er élément de réflexion
Comment c’était l’école primaire quand vous y étiez?
Les différences majeures par rapport à aujourd’hui?
Les approches ou le rôle des enseignants avec les élèves par rapport à
aujourd’hui?
L’éducation des enfants en général, quelles différences avec aujourd’hui?
En lien avec nos échanges et les observations en SG en lien avec votre travail de tous les jours en
tant qu’éducatrice.
2e élément de réflexion
« Ils apprennent beaucoup avec nous »
Qu’est-ce qu’ils apprennent avec vous?
Ajout en fonction des échanges autour des récurrences dans l’activité
3e élément de réflexion
Il y a dans vos propos, à chacune de vous, des constances dans les informations que vous
m’avez partagées, par exemple, les jeunes enfants qui passent trop de temps en SG : « À 9h ils
ont déjà vu 3 éducatrices, ils n’ont plus d’attention » « Période difficile vers 15h, faut trouver
248 Annexe
quelque chose qui va les amener à participer. Ils vont pleurer plus facilement à cette heure-là. Ils
arrivent de la classe en pleurant. On essaye de ne pas trop les laisser à rien faire. Mais en même
temps, il ne faut pas trop leur en demander car ils sont fatigués ».
Lors de chaque période (matin, midi, soir), on réalise qu’en trame de fond vous êtes
amenées à continuellement répondre aux enfants qui vous interpellent, pour des questions
« Madame… qu’est-ce que ça veut dire… », des chicanes « Madaaame, elle m’a mordu! », des
précisions « pourquoi, il faut attendre, pourquoi… ». Vous disiez à la dernière rencontre que la
patience était une qualité première de toutes éducatrices…
Canevas entretiens de groupe 2 et 3 249 GEFORMAT101
Certaines d’entre vous m’ont parlé du défi que représentait certains élèves, par rapport
aux dynamiques de groupe, au fait qu’ils sont très demandant pour vous qui devez en même
temps être présente pour le reste du groupe.
Lorsque vous réfléchissez à votre façon d’intervenir, de répondre aux enfants, d’intervenir dans
ces situations comment vous voyez-vous?
Questions potentielles selon les échanges :
Quelle est votre ligne de conduite comme éducatrice?
Quelle sera la meilleure façon d'intervenir selon vous?
Qu’est-ce qui est important pour vous, dans votre interaction avec les enfants?
ANNEXE C. EXTRAIT OBSERVATION (2018)
Période de l’après-midi après les présences et le lavage des mains. Enregistrement (17 min.-55 sec.)
Éducatrice 5 (s’adresse à une petite fille) : « Va donner ça à madame Nathalie9, dis-lui que
le professeur a donné ça à Éducatrice 5. OK? »
Éducatrice 5 (s’adresse au groupe après avoir éteint la lumière) : non, Éducatrice 5 n’a pas
parlé, regardez, qu’est-ce qui se passe avec la lumière.
Interphone (à travers les paroles d’enfants) : « Léonardo, 101 ». Éducatrice 5 (s’adresse au
groupe) : « Regarde, on baisse le ton ». Interphone : « sur la feuille de présence il est là les lundis,
mercredis ». Éducatrice 5 (s’adresse au groupe en parlant plus fort que la voix à l’interphone) :
« je vais commencer à distribuer les collations et je vais donner le reste à madame, Éducatrice 7. »
Enfants (sujets de conversation épars) : « délicieux ces graines, hen! (en parlant de la
collation) » rires…« Moi je connais mon alphabet, a-b-c-d… » (d’autres enfants se mettent à
chanter, ils sont plusieurs à chanter ensemble)
Éducatrice 5 (au groupe) : « Bon appétit, est-ce que j’ai donné des collations à tout le
monde? »
Enfants : « Non, non (à travers les paroles d’enfants) »
9 Les prénoms du personnel ou des enfants sont fictifs
Extrait observation (2018) 251 101
L’éducatrice donne les collations aux enfants qui n’en n’ont pas reçu.
Éducatrice 5 : « Gabriel, va donner ça a mademoiselle, Éducatrice 5 c’est qu’est-ce qu’il
reste. »
Les enfants discutent… « regardez ça c’est bon! Regardez, … » « moi je compte jusqu’à
10 mille, ... ha arrête » (un enfant pousse l’enfant à ses côtés qui venait de toucher à sa collation)
…
Éducatrice 5 : « Va porter ça à madame Nathalie, merci »
Enfants parlent, bougent
Éducatrice 5 : « Bravo les amis qui parlent moins fort, parce que si on parle fort, on va
avoir mal à la…? »
Quelques enfants : « tête »
Éducatrice 5 : « Vous pouvez compter combien de bonbons on a dans le sac, et vous pouvez
manger tranquillement, bon appétit »
Enfants (à une table) : « les bonbons sont à moi, » « Non, les bonbons sont à moi, »
« non… » (ils argumentent entre eux, l’un d’eux se met à s’énerver et à parler plus fort).
Éducatrice 5 (s’adresse à tout le groupe) : « Les amis qui ont terminé la collation… »
(répète 3X en 4 minutes)
252 Annexe
Observatrice, je suis près de la table d’enfant qui commence à se bousculer un peu, j’aide
j’explique aux enfants que ce n’est pas très grave …
Éducatrice 5 : « Étan, va déposer les crayons que tu as échappés par terre »
Éducatrice 5 : « On dépose les crayons sur les tables »
Enfant : « Les papiers aussi? »
Éducatrice 5 : « Les crayons maintenant »
On entend difficilement les paroles de l’Éducatrice 5 (Interphone, paroles d’enfants, bruits
des chaises.)
Éducatrice 5 : « Moi je trouve qu’il y a beaucoup de bruit là-bas, vient ici Étan »
Éducatrice 5 : « Voici le livre »
Voix de l’Éducatrice 5 et celle de l’interphone sont enterrées par le bruit des enfants.
Éducatrice 5 : « Qu’est-ce qu’on fait ici, est-ce qu’on est dehors? »
Enfant : « Non on est dans la classe de madame Éducatrice 5 »
Éducatrice 5 : « Mais vous faites beaucoup de bruit, on va s’étendre, je vais prendre les
livres et vous restez assis vite. 1-2-3, est-ce qu’on sait qu’est-ce qu’on va faire (le ton est moins
patient) je parle. »
Calme quasi complet dans la classe (25 secondes sans interventions)
Extrait observation (2018) 253 101
Éducatrice 5 : « Est-ce que vous savez ce qu’on va faire, (plus calme)? »
Enfant : « On va dessiner qqchose dans le livre »
Éducatrice 5 : « Qqchose que nous on aime…les livres ils sont là-bas, choisis un livre et
vient t’asseoir ici, …celui qui ne fait pas bien les choses, il ne peut pas jouer après, … »
Les enfants parlent
Éducatrice 5 : « T’as choisi ton livre? »
Enfants parlent
Éducatrice 5 : « Tu vas dessiner avec eh… »21 :37
Enfants : « Crayons, j’ai pas de crayons, …j’ai envie »
Bruits ambiants,
Éducatrice 5 : « Les amis qui dessinent bien, je vais les féliciter, je vais leur dire bravo,
Gratien arrête de parler trop. »
Enfant : « Éducatrice 5 hier tu m’avais dit que tu allais me donner un collant, (Éducatrice
5 aide les enfants à s’organiser) Éducatrice 5. »
Éducatrice 5 : « Hier je t’ai dit ça? Ok je vais finir ça, je vais voir si tu dessines bien et je
vais te donner un collant. Bravo Erika, bravo les amis qui sont sages. (Les enfants parlent à voix
basse) Gabriel, oh, tu parles doucement parce que tu parles fort. »
254 Annexe
Interphone à travers les paroles dans la classe.
Transcription difficile, plusieurs foyers d’action
Éducatrice 5 : « Idlay, aujourd’hui, tu peux prendre des crayons feutres parce que madame
Chantal (l’enseignante) veut. Les amis qui n’ont pas des crayons tu peux prendre des crayons
feutres car aujourd’hui, j’ai parlé avec Madame, … et on peut prendre ses crayons. Gabriel, ho, tu
parles doucement parce que tu parles fort. Je veux voir Gabriel assis. Bravo, c’est le temps de
concentration, bravo les amis, (une cloche sonne) je veux te voir assis (en s’adressant à un enfant).
Qu’est-ce que tu dessines Gabriel? Élie, qu’est-ce que tu dessines Elie, Elie, assis-toi
Bruit de l’interphone
Éducatrice 5 : « Bria, qu’est-ce que tu dessines…et toi t’as pas décidé encore?, … (elle fait
parler les enfants)
Éducatrice 5 : « Quand c’est la fin de l’année madame Lajoie elle nous laisse utiliser les
crayons de sa classe »
Éducatrice 5 : « Ha, tout le monde a vu qu’est-ce qu’elle a dessiné Lia a dessiné la machine
à câlin, wow…qu’est-ce que t’as dessiné Étan, gros grognon, ah il n’était pas de bonne humeur. »
Interphone
Éducatrice 5 : « T’as pas terminé Ema, t’es pas bien assis Evan, ha ce livre qu’est-ce qui
est écrit, … Ha tu dessiné un monsieur panda »
Extrait observation (2018) 255 101
Éducatrice 5 : « Ah ça c’est différent, qu’est-ce qu’elle a dessiné, ha c’est quoi un joyeux…
(enfant : panda, …et ainsi de suite pour faire parler les enfants) …avec du beurre d’arachides, …ha
non, Henriette ça va, c’est mieux d’avoir des pantalons, … »
Enfant : Éducatrice 5, regarde ce que madame Annie a fait, regarde la banquise
Éducatrice 5 : Va chercher les livres qui parlent de ça, va chercher
Enfant : Madame Observatrice, Madame Observatrice, …. Les enfants me parlent, me
montrent leur dessin, je les félicite …
Enfant : Madame Observatrice, madame Observatrice, etc…
Interphone, …beaucoup de paroles en cours,
Éducatrice 5 : « Oui, pas terminé d’accord, (elle répète cette phrase 4 fois) »
Enfant : « Madame Éducatrice 5… madame Éducatrice 5, »
Message de la radio portative (les parents d’un enfant sont arrivés)
Éducatrice 5 : « Isra, il faut te préparer ton porc-épic il est là! Va montrer à madame
Observatrice et mets-le dans ton sac »
Observatrice : C’est de la pâte à modeler, wow
Éducatrice 5 : « Bravo, vous allez pouvoir montrer à papa et maman ce que vous avez fait,
… bravo Étan, bravo… »
256 Annexe
Éducatrice 5 (s’adressant au groupe à partir d’un coin du local où il y a un tapis) : « Alors
les amis qui ont dessiné » …
Enfant : « Madame Éducatrice 5, (un enfant lui montre son dessin). » Éducatrice 5 : « ah
ça c’est beau, c’est qui? » …
Interphone (Mohammed X, doit se rendre au secrétariat) ….
Enfant : « Alors tu ne touches pas si ce n’est pas à toi, (un enfant a touché son dessin) ».
Éducatrice 5 (s’adressant à un enfant) : « Alors qu’est-ce que tu fais? t’as dessiné des livres,
bravo, t’as fait ça (message à la radio portative, Emma X, ….(l’éducatrice répond, « message reçu,
je la prépare » en même temps qu’elle se tourne vers cet enfant) tu peux le mettre dans ton sac à
dos, mais t’as pas signé ici. »
Éducatrice 5 (s’adressant à l’enfant qui doit partir d’abord et au groupe) : « Va préparer
tes choses, n’oublie pas de le mettre dans ton sac, et ta boîte à lunch aussi. Tu as passé une belle
journée ma belle (sourire de l’éducatrice en touchant le bras de l’enfant qui part)? Les amis qui ont
terminé de dessiner, venez ici. Les amis qui ont terminé le coloriage du dessin, venez on s’assoit
ici. Va le mettre dans le sac à dos pour ne pas oublier (vers un autre enfant). Les amis qui ont
terminé le dessin, venez montrer à Éducatrice 5 et on s’assoit par terre. Venez montrer à Éducatrice
5. Les lumières pendant la nuit, wow c’est beau bravo. Les amis qui ont terminé, on s’assoit par
terre, Belize assis-toi maintenant, c’est beau, c’est quoi, tu fais quoi Gabriel, vient ici Étan, non,
Extrait observation (2018) 257 101
on ne peut pas faire ça, vient ici Élie, Gabriel, non on ne peut pas faire ça, non. Non, on ne peut
pas faire ça, pas dans les corridors, vient on s’assoit, comment elle s’appelle? (En regardant l’image
que l’enfant lui montre en même temps qu’elle demande aux enfants de venir s’asseoir.) ».
ÉDUCATRICE 5 : Élie…Élie
Enfant : j’ai dessiné, regarde, regarde.
Éducatrice 5 : Les amis qui ont dessiné on s’assoit par terre, Adam, assis-toi près de moi.
Ok alors qu’on a bien dessiné, on s’assoit. Va le mettre dans le sac à dos, on s’assoit,
Enfant : Madame Observatrice, madame Observatrice regarde un pingouin avec un
parapluie, madame Observatrice ….
Éducatrice 5 : un joyeux festin, comme s’appelle le livre …
Les enfants parlent plus fort.
Éducatrice 5 : OK on ramasse les livres, on vient près de Éducatrice 5, allez ramassez vite
vite, on ramasse les crayons …c’est qui qui va aider à ramasser… Enfants : moi!... Éducatrice 5,
Bravo Étan, bravo les amis qui rangent.
Interphone
Éducatrice 5 : parle avec une éducatrice. Bravo, Gabriel… Dépêche-toi Étan, Est-ce que
vous voulez jouer, alors pour jouer, on va choisir quel jeu on veut mais avant on va s’asseoir, on
va choisir la chanson, madame Observatrice va bien écouter et on va chanter comme d’habitude,
258 Annexe
d’accord? Mais on attend les amis, Jacqueline, laisse les dessins, laisse les crayons sur la table,
alors on va se mettre debout ensemble, on va bien chanter, alors, on va chanter la chanson de
bonhomme, bonhomme sais-tu jouer, 1-2-3 Tous : Bonhomme bonhomme sais-tu jouer (avec les
gestes, avec beaucoup d’entrain).
Éducatrice 5 : Bon maintenant on va chanter Vol vol
Les enfants chantent
Éducatrice 5 : Bravo, non maintenant on va chanter 5 petits moineaux
Les enfants chantent, à la fin Éducatrice 5 chante avec eux, parfois elle me parle ou parle
avec quelqu’un dans le corridor.
Éducatrice 5 : Bravo, assisez-vous, j’ai oublié la chanson… c’est quoi,
Enfant : on l’a oublié
Éducatrice 5 : non on ne l’a pas oublié, toi tu as oublié.
Enfant, un petit moineau, etc. les enfants chantent
Éducatrice 5 : bravo, quoi d’autre?
Un enfant commence et Éducatrice 5 lui dit non c’est pas avec moi.
Éducatrice 5 : quoi d’autre
Une autre chanson
Extrait observation (2018) 259 101
Éducatrice 5 : On a bien chanté, on a bien dansé, on a bien dessiné, on a bien mangé on a
été sage on va rester sage pour faire des jeux libres Maintenant, chaque ami va choisir un atelier,
on va le dire à Éducatrice 5, mais si on va trop fort, on peut pas faire ça il va y avoir le silence,
mais si on joue, on s’amuse calmement, mais si on joue. Va l’accrocher stp, va l’accrocher près de
ton sac à dos. Toi quel atelier, toi, (enfant, cuisine), coin dessin, les amis qui vont faire des coins
dessin, venez ici on va faire des coloriages,
Beaucoup de bruit, beaucoup d’action, les enfants, Éducatrice 5, … plusieurs activités,
…Éducatrice 5 n’intervient pas malgré le bruit. Elle aide les enfants à s’installer. Pendant 10
minutes, parfois les enfants pleurent,
Enfants : Madame Observatrice, vient jouer avec nous… non vient dessiner avec nous, …
Éducatrice 5 : mets les bouchons sur les crayons, mets les bouchons sur les crayons.
Éducatrice 5 : pas tous les dessins sur la table, mets les bouchons, mets les bouchons,
Le niveau de bruit est élevé.
Éducatrice 5 : non, ça Iman, Iman Observatrice tu vas voir madame Imam, tu veux que je
l’appelle. Elle n’a pas un groupe spécial, j’ai compris qu’elle va voir avec Isabelle si Isabelle
explique les activités. Moi je vais appliquer si je reste dans le projet je vais rester ici comme
éducatrice (en fait elle me parle des choix qu’elle doit faire pour rester avec le même groupe, le
poste qu’elle occupera l’an prochain n’est pas assuré, elle voudrait poursuivre le projet l’an
prochain, alors elle essaie de voir comment elle peut occuper le même poste.
260 Annexe
Beaucoup de bruit, un enfant pleure,
Éducatrice 5 : Est-ce que elle elle a arraché le crayon? Non, alors tu lui donnes ça.
Enfants : Madame Observatrice, madame Observatrice, (je joue dans leur jeu).
Éducatrice 5 : Julia, donne le crayon à elle et va chercher l’autre crayon.
Enfants (jouent, parlent, rigolent, se chicanent) : J’ai fait de la soupe aux patates et aux
cornichons.
Éducatrice 5 parle avec une autre éducatrice… Madame Observatrice….
Dans la radio : Nathan, …, Marie-Thérèse à l’écoute.
ANNEXE D. GRILLE D’ANALYSE
Normes professionnelles : Concept, dimensions, composantes et indicateurs
Norme
Morale Rapport Adulte/enfant
Hospitalité (accomp. l'enfant enviro. physique, changements,
etc)
Sollcitude: attention portée au bien-être de l'enfant (à l'écoute
des besoins)
Confiance (rassure l'enfant, développe un lien)
Spécifique
Activités psycho-
montrices
Animation de jeux motricité fine et motricité globale
Activités cognitives Jeux visant habiletés cognitives
Activités affectives et
morales
Jeux visant des habiletés affectives et morales?
Éducative
Parentage Nourrir, propreté, politesse, etc.
Codifiée École: institution,
établissement
Assurer le respect du temps scolaire
Assurer le respect des codes de l'école (rang, position assise, silence, etc.) actions de poser
les règlesAssurer la sécurité (prise de
présences, rapport d'accident, etc.)
Sociabilité (interactions enfants entre
eux)
Interventions liées à interactions avec les pairs,
communication
Construction conception du monde
Actions sur modes de pensées, d'agir, de sentir, d'appréhender
Annexe
ANNEXE E. EXTRAIT DE VERBATIM, SÉMINAIRE 2
Chercheure principale : Je peux dire quelque chose, quand vous dites des fois c’est imposé
et des fois c’est libre. Mais dans cette imposition-là, je ne trouve pas ça que c’est un beau mot,
activité structurée dirigée …
Éducatrice 7 : ouais ce n’est pas un beau mot, ouais…
Chercheure principale : activité structurée dirigée… là c’est vraiment une question que je
vais vous poser, on y arrivera peut-être tantôt, est-ce que dans l’approche utilisée dans une activité
structurée on peut avoir une approche qui est beaucoup plus souple que celle qu’on verrait quand
on pense de manière caricaturale à la classe? Tsé c’est une question que je vous lance comme ça
tsé parce que ça quand je vous propose quelque chose comme l’animation pis le bricolage, c’est
oui structuré, mais dans une approche complètement ouverte, moi c’est ça dans ma tête, mais des
fois je ne suis pas certaine que je vous l’aie peut-être bien transféré parce que c’est oui une activité
structurée mais pour moi, c’est l’approche qui est souple.
Observatrice : Qu’est-ce que tu veux dire Chercheure principale une approche qui est
souple, est-ce que tu as des exemples?
Chercheure principale : Ben mettons, moi je sais que quand je donne mes bricolages les
garçons ils se lèvent, souvent ils se lèvent, ils découpent comme ça, touk touk, pis là ils font hon,
pis là ils se lèvent, pis là ils s’en vont comme ça (en montrant l’enfant qui se lève en tournant en
rond car il veut que son ciseau tourne).
Extrait de Verbatim, Séminaire 2 263 ORMAT101
Les éducatrices acquiescent en démontrant qu’elles voient elles aussi les enfants faire cela.
Chercheure principale : pis ils tournent la feuille, c’est ça (en voyant les éducatrices faire
le mouvement) ils tournent la feuille, pis là j’avais des parents qui disaient aux enfants de rester
assis, parce que je faisais en organisme communautaire pis j’avais des enfants qui disaient aux
enfants de rester assis, pis là je disais pourquoi tu veux qu’il reste assis. Pis là je disais non, c’est
correct, parce que sinon, au plan moteur il est en train d’apprendre quelque chose, fait que ça c’est
un exemple, pis l’idée aussi que si l’enfant il veut écrire ou dessiner il puisse le faire par terre ou
couché par terre sur le ventre, pour moi ça ça fait partie de l’approche, même s’il fait un bricolage
qui est plus structuré. Fait que c’est dans ce sens-là ou moi je dis je suis beaucoup plus style maison
quand je fais des activités qui sont structurées. Mais moi je ferais ça aussi dans la classe, rire…
Éducatrice 5 : Style maison, ben nous c’est pas pareil parce qu’on est dans la classe avec
20 élèves, tu peux laisser l’enfant debout parce que tu vas lui demander de s’asseoir avec un ciseau,
ce n’est pas sécuritaire, je pense.
Chercheure principale : Tu penses?
Éducatrice 7 : Moi je l’ai fait parce que on doit le faire tu comprends. (Elle fait des signes
sur le contexte de classe).
Chercheure principale : Tu penses que c’est dangereux un ciseau pour découper
Discussions
264 Annexe
Représentant organisme : Comme, ben la majorité des ciseaux qu’on emploie dans les
écoles ont le bout rond.
Éducatrice 7 : Mais moi j’ai dit de s’asseoir que c’est trucs là, il fallait faire attention avec
les ciseaux, j’ai appris comme ça.
Chercheure principale : Mais ça, c’est super intéressant quand tu dis, j’ai appris que … et
je demande ça aux enfants.
2 dans le groupe, Oui c’est super intéressant,
Chercheure principale : Ce qu’on veut vous amener à faire, c’est notre ti-gars mettons, je
vais dire notre ti-gars, qui arrive, pis que pendant 5 heures on lui a demandé de s’asseoir, pis là on
le fait bricoler parce qu’il a envie de bricoler et que là on le fait asseoir.
Éducatrice 7 : Je sais et là tu m’ouvres les yeux parce que j’avais pensé à ça! Tu comprends
pour moi c’était juste s’asseoir.
Éducatrice 1 : Tu veux dire s’asseoir avec des ciseaux.
Éducatrice 7 : Non parce qu’il faut s’asseoir pour faire tous les trucs comme ça.
Chercheure principale : Oui le garçon il peut être comme ça pis découper comme ça sans
que ça dérange personne.
Éducatrice 5 : Aspect sécurité c’est s’il y a quelqu’un qui passe comme ça. À la
bibliothèque on les laisse c’est correct parce qu’il y a beaucoup de place.
Extrait de Verbatim, Séminaire 2 265 ORMAT101
Éducatrice 7 : Non je ne pense même pas à ça.
Éducatrice 1 : Ben moi je leur propose quand je vois qu’ils essaient et que ce n’est pas
facile, je lui dis lève-toi, met toi debout, peut-être que ça va aller mieux. Pis là il me regarde pis.
À un moment donné tu vas voir, il se rassoit.
Chercheure principale : Ben c’est ça qui est intéressant c’est de dire de faire votre chemin.
Moi j’ai appris que ça se faisait comme ça, donc c’est comme si on répète des structures alors
que… moi je me souviens je vais vous raconter une expérience parce que moi aussi j’ai été
chambranlée dans mes expériences. Sa fille avec son capuchon. C’est là où je dis que vous avez
l’avantage de pouvoir être dans le plaisir avec les enfants. Je sais qu’on ne change pas comme ça
du jour au lendemain.
Observatrice : Mais Éducatrice 5, je sais que là il y a les ciseaux, mais ça peut aussi être
dessiner, dessiner debout. Pis là moi j’ai l’impression entre guillemets que aussi, on perd moins
d’énergie, que d’être toujours, le ramener, assis-toi, assis-toi.
Les éducatrices sourient et répètent assis-toi, assis-toi.
Observatrice : En effet, c’est vraiment intéressant parce que ce sont des choses qu’on a fait
comme ça dans les classes, mais là on …ok, l’enfant va peut-être être moins tannant.
Éducatrice 7 : C’est ça à la maison on ne porte pas de chapeau, voilà.
P École montréalaise : Cette question s’il y en une qui est utile, c’est d’avoir le réflexe de
se demander, est-ce que c’est moi qui te dérange l’enfant en ce moment, ou est-ce que c’est le
266 Annexe
groupe qu’il dérange. Parce qu’on perd beaucoup d’énergie à juste interpeller l’enfant, pis certains,
y’a des noms qu’on a toujours sur le bout de la langue, ils sont toujours là, ce sont toujours les
mêmes. Pourquoi, est-ce que c’est moi en ce moment qui le dérange ou est-ce que c’est le groupe.
Donc juste se demander ça en ce moment ou …ça vaut la peine avant de les nommer.
Éducatrice 1 : Mais de leur expliquer le pourquoi aussi qu’on leur demande. Mais tu sais,
mais à l’heure du diner, je vais leur expliquer pourquoi j’aime ça qu’ils soient assis. Est-ce que tu
sais pourquoi j’aime ça que tu sois assis? Parce que quand tu es mal assis tout tombe par terre pis
là ça me prend du temps à passer le balai.
Éducatrice 3 : Là nous on travaille sur nous-même parce que y’a des affaires qu’on a appris
avec nos parents avec nos professeurs, … ce qu’on a vu on ne va l’appliquer. Le professeur il ne
va pas travailler sur l’estime de soi, il ne va pas venir te voir si t’es triste ou si t’es … pis nous on
travaille fort maintenant et on fait beaucoup d’effort pour arriver à travailler sur la bonne méthode.
Chercheure principale : Pis la bonne méthode étant pas parfaite ou imparfaite.
Éducatrice 3 : Oui c’est ça.
P École montréalaise: Étant celle qu’on privilégie au Québec. Parce que tantôt à l’école
montréalaise, pour les nouvelles familles arrivantes, quand on parle du système scolaire du
Québec. L’un des premiers chocs qu’ils ont c’est notre approche dans le système scolaire au
Québec. Alors ils ont soit dans leur pays d’origine, soit dans leur éducation culturellement, le
rapport à l’école est très différent.
Extrait de Verbatim, Séminaire 2 267 ORMAT101
Chercheure principale : Tout-à-fait.
Observatrice : On s’est questionné sur c’est quoi la bonne façon, je pense qu’un très bon.
indicateur, c’est est-ce que l’enfant à l’air bien, ça ne veut pas dire qu’il n’est pas contrarié, mais
dans l’ambiance de mon groupe, est-ce que le plus d’enfants possible ont l’air bien, de mon point
de vue, ça devrait être ça notre norme.
Chercheure principale : Et ont l’espace pour s’épanouir, tsé moi l’indicateur que j’ai
comme intervenante et comme mère, tsé je parle pis là je me dis à moi-même, je me fatigue à moi-
même. ….
Non écrit…
Éducatrice 4 : Mais là les jeunes ça va….
Éducatrice 7 : …
Chercheure principale : Les tout-petits oui c’est vrai qu’on peut penser que c’est une
occasion d’apprendre dans tout ça et d’apprendre l’autonomie dans tout ça. Qu’ils …Apprendre
qu’un ciseau ça se manipule.
Éducatrice 4 : Un petit qui marchait tout le long en découpant, sans s’en rendre compte. Je
lui ai dit ou tu vas…
Rires