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DE LA PEUR DES COMPORTEMENTS MILLENIALS À LA « RATIONALISATION DU CONSEIL » Les banques françaises dans une impasse stratégique ? Par Laurence Dupré Le 05/07/2022

De la peur des comportements millenials à l'erreur stratégique bancaire

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DE LA PEUR DES COMPORTEMENTS MILLENIALS À LA

« RATIONALISATION DU CONSEIL »

Les banques françaises dans une impasse stratégique ?

Par Laurence Dupré

Le lundi 1 mai 2023

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I) LES MENACES : FINTECH, TELCOS, ET PURE PLAYERS

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A- RAPPORT BANCAIRE AUX TECHNOLOGIES DE L’INFORMATION La banque est, par nature et depuis longtemps, une industrie de

l’information : elle concentre et certifie le contenu de l’information financière, de sa propriété et de flux de transactions.

Elle s’est très tôt appropriée les technologies pour simplifier, automatiser son travail, et réduire les erreurs en termes de risques opérationnels. L’industrie s’est équipée des premiers ordinateurs, ceci à grande échelle.

Par ailleurs, les technologies de l’information lui permettaient de produire de la connaissance et du savoir pour prendre ses décisions, notamment dans son métier Banque de financement et d’investissement du modèle universel.

Les métiers de bancassurance et de gestion d’actifs ont suivi, avec notamment une montée en puissance de la gestion algorithmique plus ou moins automatisée.

Par contre, elle n’a pas réussi à comprendre et à intégrer stratégiquement le tournant des réseaux internet au sens large. Utiliser un réseau privatif de l’industrie financière ou des réseaux de type intranet allait de soi : l’industrie a justement toujours eu cette particularité de s’approprier, de privatiser à son bénéfice, et de sécuriser en interne l’information.

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Dans son modèle économique de banque de détail, il lui était inutile

de penser les réseaux ouverts vers les clients, puisqu’au contraire, sa valeur ajoutée provenait de cette opacité pour le client, voire de l’herméticité de son accès à la connaissance du système.

Il était donc, surtout pour la banque de détail, non seulement inutile mais dangereux d’ouvrir le système informationnel au client, du moins dans le modèle économique qui avait fait la spécificité de la banque pendant des décennies, voire des siècles.

C’est ainsi que la banque de détail a globalement manqué le virage internet, du moins en Europe.

Sûre de ses pratiques, sûre de sa clientèle captive et de la rente de situation que cela engendrait, à peine consciente que la technologie du web pouvait apporter de nouvelles opportunités d’affaires lorsqu’elle a pensé à intégrer les start-ups de courtage boursier en ligne, voire de différenciation en offrant la consultation de ses comptes en ligne, elle ne voyait certainement pas l’intérêt d’investir dans les nouvelles technologies au service de la banque de détail tournée vers le client.

D’ailleurs, les résultats systématiquement déficitaires des banques exclusivement en ligne les confortaient dans le peu d’intérêt d’un modèle économique tourné vers le web, même si elles pensaient toutes intégrer au groupe leur propre banque en ligne comme laboratoire pour tester sur les techno-addicts les fonctionnalités les plus universelles pour les transposer à une clientèle plus traditionnelle.

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La révolution n’est donc pas venue de l’intérieur,

mais de l’extérieur : de la Fintech. Car parallèlement à un monde de la Banque de

détail plutôt figé, la société de l’information et des transactions ouvertes se développaient. Nous pouvons certainement estimer que les premiers échanges monétaires par téléphone portable remontent à la fin des années 90 quand il fut possible d’acheter du crédit-temps depuis son portable, puis de recharger le crédit d’un tiers.

Par ailleurs, sur le média Internet se développaient les premières interfaces permettant de consulter à distances l’état de ses comptes bancaires et de faire des virements de compte à compte, les premiers sites de gestion boursière directe en ligne, tandis que Paypal naissait pour accompagner les paiements des sites d’achat et vente entre particuliers.

Plus tard émergeait la technologie des blockchains avec le bitcoin.

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B- DES NOUVEAUX ENTRANTS SUR TOUS LES FRONTS Au cours des années 2000, alors que la banque croyait son segment

protégé, la concurrence s’est fortement développée sur la banque de détail.

Elle est venue à la fois d’autres secteurs et de la technologie. Ainsi, les distributeurs, spécialisés ou généralistes, développaient des partenariats ou finissaient par internaliser des sociétés spécialisées dans le crédit à la consommation pour tenter de se positionner en tant que banques à la manière de Carrefour ou Casino, voire de Boulanger avec son partenaire Banque Accor ; parallèlement, toutes ces enseignes développaient les analyses de données KYC – know your customer – en ayant la volonté d’avoir une offre couvrant l’ensemble des besoins au quotidien, des courses aux voyages, à la téléphonie ou à l’équipement de la maison, de leur financement à leur assurance...

Si la stratégie des enseignes de la grande distribution n’ont pas fonctionnées, c’est parce que l’image de sérieux, de confiance et surtout de confidentialité des données de la banque était incompatible avec une stratégie marketing push de plus en plus envahissante développées par ces groupes de distributeurs.

Par contre, l’équipement large en termes de services avait quelque chose de séduisant au point que l’ensemble des banques s’y met d’une façon ou d’une autre (d’ailleurs, en cela, elles peuvent se distinguer d’une offre Fintech segmentée). on bénéfice, et de sécuriser en interne l’information.

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Quant aux technologies d’analyses basées de plus

en plus sur le big data, et permettant la stratégie KYC, elle a été reprise par les groupes bancaires qui s’inspire d’ailleurs de plus en plus fortement des codes et techniques marketing développés par la distribution (techniques promotionnelles, programmes de fidélisation, packages, gestion événementielle : anniversaires, échéance des produits, etc.), à l’image de

ces ventes privées faites par certaines agences sur des livrets bancaires, voire des ventes flash sur Internet avec un taux de crédit d’appel pour un financement immobilier comme l’a fit le Crédit Agricole de Grenoble.

La menace concurrentielle a été écartée du fait d’un avantage compétitif de taille, celui de l’image de confiance nécessaire à la gestion d’un bien si particulier qu’est celui de l’argent et de son patrimoine, rôle ne pouvant être tenu que par des spécialistes, ce qui en faisait une importante barrière à l’entrée.

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Une autre concurrence s’est également développée, celle de l’assurbanque

qui n’avait justement pas ce problème de barrière, car gérant par nature tant le risque que l’argent, voire le patrimoine à travers les produits d’assurance-vie.

La concurrence y est venue de l’étranger (Swiss Life, ou Generali et Allianz dans les années 90) par une offre de souscription d’assurances « à distance » (d’abord par correspondance, puis par téléconseillers, puis sur internet) qui s’est affirmée low cost mais s’appuyant sur l’historique rassurant du périmètre fort des pays européens d’origine, et utilisant au plus tôt l’apport des nouvelles technologies pour proposer des offres plus larges en commençant par des livrets bancaires aux taux attractifs comme l’a fait ING, les autres assurbanquiers français suivant ce pionnier de l’assurbanque.

Cette offre à distance web et low cost a marqué son emprunte en tant que modèle, au point de voir apparaître d’autres acteurs en ligne ou multicanal sans agence.

Mais l’image de spécialiste de l’assurance, non de la banque, a aussi manqué à l’assurbanque qui très vite s’est inscrite dans  l’esprit des clients comme une opportunité de diversification des placements plutôt que comme une réelle banque, l’ouverture de compte imposée poussant à la multibancarisation.

Cette concurrence a par contre fait réagir les banques dans l’élargissement de leur offre d’assurances et dans l’attrait du multicanal.

Ainsi, ces nouvelles concurrences n’ont pas été une menace en elles-mêmes. Par contre, elles ont fait comprendre aux clients l’opportunité de la

multibancarisation, ouvrant la voie à l’idée du changement de banque et une remontée de la force de négociation du client dans sa capacité à faire jouer la concurrence.

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L’offre Fintech vient s’insérer dans ce contexte : de nouveaux

modèles économiques émergents, portés par les nouvelles technologies, font tomber les barrières à l’entrée et modifient les équilibres financiers sur diverses activités bancaires dans neuf directions : les moyens de paiement, le transfert d’argent, les échanges de devises, la

gestion de budget, les crédits et le financement des créances, le conseil en gestion portefeuille y compris en termes d’assurances, l’épargne, et la gestion du compte bancaire.

Un autre pan existe, celui de la sécurisation des transferts et des monnaies virtuelles.

Ainsi, diverses applications mobiles et plateformes permettent de gérer ses activités bancaires. Outre la gestion de ses comptes, il est possible de comparer et choisir ses

investissements, de recourir à des courtiers virtuels ou des comparateurs, d’optimiser ses dépenses, voire de partager l’information sur ses propres investissements dans une optique collaborative.

Il peut s’agir de produits d’assurance sous toutes ses formes, d’épargne, d’investissements boursiers ou de financements à optique collaborative ou non.

La dématérialisation de la documentation, la diminution des coûts de gestion, facilités par un assouplissement des réglementations permettant l’ouverture à de nouveaux acteurs, l’optimisation de la gestion du risque (grâce au Big Data notamment), les nouveaux canaux d’acquisitions, l’amélioration de la relation client permettent l’émergence de nombreux acteurs et de nombreuses offres, plus ou moins innovantes.

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Au-delà du produit d’épargne, l’apport de fond à travers la

FinTech se concentre sur le financement participatif : le crowdfunding.

Il se subdivise essentiellement en 5 axes : le don simple, le don avec contrepartie matérielle, la participation aux fonds propres de la société (crowd equity), la participation à un prêt aux PME/TPE (crowdlending), et le prêt de particulier à particulier (« P2P Lending »).

Les PME peuvent diversifier leurs sources de financement. Le risque de contrepartie lié à l’activité est pris en compte

par d’autres FinTechs qui travaillent par exemple sur des statistiques comportementales sur l’utilisation du smartphone pour connaître le risque de l’emprunteur.

Concernant les risques des échanges monétaires dématérialisés, ils sont divers : usurpation d’identité, hameçonnage, captation et détournement des flux financiers, fausses transactions.

Ainsi, des sociétés Fintech, de plus en plus nombreuses, se sont développées autour de cette problématique, la pionnière ayant sans doute été Paypal.

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Quant au Bitcoin, monnaie totalement virtuelle, il

a surtout permis le développement de la technologie Blockchain apparaissant comme une alternative originale pour sécuriser les transactions puisqu’elle supprime notamment le besoin de contrepartie bancaire pour certifier de la solvabilité de la transaction en rendant les données sur les stocks, les propriétés et les échanges totalement transparentes et partagées collectivement.

La Blockchain qui le constitue est une technologie vue comme révolutionnaire pour la finance dans le sens où elle permet de désintermédier la validité et la légitimité des transactions en rendant l’information redondante auprès de tout membre du réseau : la technologie Blockchain pourrait sécuriser le système

du crédit ou les transferts d’argent, supprimant une des principales raison d’être des banques.

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Une autre menace vient des Telcos, les grands acteurs des

télécomminications qui misent sur une on-linisation des services bancaires qui a déjà eu lieu. Orange et les autres Telcos européens espèrent séduire les

consommateurs ultra-mobiles et encore peu attachés aux banques, notamment les jeunes et les populations à faibles revenus qui n’ont pas besoin de réelle gestion de leur patrimoine.

Orange Cash veut proposer une nouvelle offre de paiement sans contact adaptée, et a investi dans Groupama Banque pour dépasser la barrière réglementaire à l’entrée du secteur bancaire dans la zone euro.

La diversification des Telcos dans le domaine bancaire est pour elles une opportunité forte alors que leur cœur de marché, la téléphonie, arrive à maturité.

Enfin, les législations veulent favoriser les opportunités venues des nouvelles technologies et des Fintechs. Ainsi, l’ordonnance sur la finance participative d’octobre 2014

permettait le doublement de création de plateformes de crowdfunding en un an.

Le législateur sait qu’il doit trouver l’équilibre entre un cadre juridique protecteur pour le consommateur, pour l’industrie bancaire si importante en Europe, particulièrement en France, mais un cadre non discriminatoire, adapté aux nouveaux services digitalisés et libérant toutes les opportunités offertes par les nouveaux acteurs.

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Cependant, en l’état actuel des choses, la

circulation de données multicanal et multi-acteur ne connaît pas de captation massive par les acteurs non bancaires.

De plus, la Fintech a besoin des banques, dans les pays du Nord du moins, car la monnaie, elle, essentiellement scripturale dématérialisée, y est l’exclusivité des banques ; or c’est de cet approvisionnement issu du réseau monétaire dont les FinTech ont besoin :

elles s’allient donc avec les acteurs bancaires dans divers types d’accords aux intérêts mutuels (rachats, partenariats, incubateurs financés par les banques…).

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C - UN CHANGEMENT DES FORCES DE L’ENVIRONNEMENT BANCAIRE En soi, la Fintech ne représente donc pas une grande menace

en France et en Europe pour l’instant, mais elle présente des éléments qui changent la vision des établissements bancaires quant à leur environnement concurrentiel.

D’une part, les banques se sentent menacées sur encore davantage de fronts, avec un environnement changeant qui évolue vite et nécessite une veille permanente voire une anticipation en termes de stratégie, ce dont elles se sentent incapables : une stratégie défensive, forcée, subie, ressentie comme une urgence, ne donne jamais de bons résultats, risquant de mener dans des voies dangereuses ou sans issues, en se laissant distancer par ceux qui anticipent réellement.

D’autre part, ces Fintechs, un peu comme la concurrence de la grande distribution et de l’assurbanque avec l’offre élargie de couverture des besoins, mais allant plus loin, remet vraiment le client – et même l’expérience client – au centre de la stratégie, la pression sur les prix allant de paire.

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Ce qu’a donc provoqué cette intrusion du numérique consiste

donc en la prise de conscience que la relation client est désormais un enjeu vital, d’autant que le client, particuliers ou entreprises, dispose maintenant de canaux multiples pour comparer les offres de produits et de services, pour comparer les tarifs, pour croiser ces informations avec ses réseaux sociaux.

À l’ère du numérique, les clients se rendent de moins en moins dans leur agence, mais demande à leurs banques d’être plus facilement accessible aux outils de la banque à distance.

De plus, la multibancarisation ou la multiadhésion sont des phénomènes croissants surtout dans les segments de clientèles les plus aisées. Aussi bien pour les banques pour les assurances, le recours à deux prestataires est aujourd’hui assez fréquent.

Cela permet de pouvoir couvrir l’ensemble des besoins, de diversifier ses avoirs au sein de plusieurs établissements, d’aller vers la meilleure offre plus facilement avec des prestataires déjà sélectionnés. Certes, le client reste présent – voire actif – dans la banque, mais il réduit ses flux financiers auprès de chaque fournisseur.

Cet environnement explique la focalisation actuelle des stratégies Banque de détail sur le meilleur et plus large service au client sur une base de réduction des coûts et de multicanal.

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II- LES NOUVEAUX USAGES : UNE SEGMENTATION ?

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A - LES MILLENIALS RENDRONT-ILS L’AGENCE OBSOLÈTE ? Ce sont les catégories socioprofessionnelles les plus aisées (CSP

supérieures), mais aussi les jeunes qui sont les catégories les plus actives dans le multicanal et dans le multiprestataire. La génération Y ou millenials – née avec la technologie numérique, internet, les smartphones – ouvre un compte bancaire assez tôt, à son premier emploi, ce qui est le cas d’une grande majorité dès l’âge de 18 ans à l’opposé de la génération des parents qui avaient beaucoup moins systématiquement de « boulots » d’appoint pendant leurs études.

Par ailleurs, même sans avoir un compte, elle est familiarisée très tôt avec les paiements sur smartphone ou à distance, relié au compte parental : ces jeunes utilisateurs ont totalement confiance dans la solidité et la force du réseau de Google, Paypal, Amazon ou Apple Pay, et n’ont aucun frein à utiliser les applications destinées à leur faciliter le paiement.

Utilisatrice des comparateurs, échangeant des « trucs » sur les réseaux sociaux ou sur You Tube, constatant la multiplicité des offres et la multibancarisation des parents, cette génération est avide de solutions rapides et à distance quel que soit le domaine de la vie quotidienne.

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De plus, les millenials font circuler l’information et

utilisent volontiers les réseaux sociaux pour exprimer leurs mauvaises expériences, voire leur dégoût de certains phénomènes : le dénigrement peut représenter alors un comportement

dangereux pour certains établissements qui ne savent pas à quel point ils doivent investir pour scruter les réseaux sociaux et repérer les promoteurs, les détracteurs et les neutres, en essayant de s’appuyer sur les premiers et en tentant de neutraliser les seconds par une réponse marketing de réseau appropriée, mais chronophage.

Car cette génération « zappe » aussi très facilement : les jeunes générations s’avèrent plus mobiles, avec un taux d’attrition (par moyenne annuelle des clients qui changent de banques principales) de 7 % chez les 26–35 ans contre 3 % chez les 46–55 ans. La loi Macron concernant la facilitation du changement de

banque peut intéresser éventuellement cette jeunesse, bien que les freins au changement de banque – le nombre de prélèvements ou virements automatiques, l’équipement important dans sa banque principale, le crédit notamment – ne soient pas une réalité pour ces personnes encore installées chez leur parents.

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La loi Macron vise d’ailleurs plutôt un autre

segment qui se greffe à la génération Y en termes de comportement et notamment d’avidité à la relation digitale : les CSP supérieures de 30-45 ans : eux aussi scrutent internet à la recherche des

meilleures offres et de diversification, préfèrent la relation à distance pour une question de gestion du temps, se font confiance – presque davantage qu’à leur conseiller – pour rechercher les meilleures opportunités (vague sur laquelle surfe le positionnement

marketing de BfotBank : « mon banquier, c’est moi »),

et partagent sur les réseaux sociaux, de façon tout aussi active même si sur des réseaux souvent différents de ceux de la génération suivante.

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Par ailleurs, ces deux clientèles sont très sensibles à

l’investissement socialement responsable et aux produits alternatifs, décidés sur la base de critères sociaux, environnementaux, étiques qui ne sont pas uniquement économiques et financiers : finance verte, micro-crédit et microassurance, finance éthique, ou crowdfunding, produits d’épargne solidaire, ou moyens de paiement éthiques…).

Tout autant déçus du système conventionnel et de la crise financière qu’il a provoquée et qu’ils sentent avoir marqué leurs débuts dans la vie, ces segments millenials ont besoin d’un sens donné à l’argent, l’investissement socialement responsable (ISR).

Or, justement, la Fintech propose volontiers ce genre de produits, dont les réseaux sociaux bien utilisés peuvent être une source de distribution.

Dans ce contexte de besion d’ISR et de taux d’attrition plus fort, certains groupes bancaires essaient avec prudence les pratiques de récompense, soit pour le client lui-même, soit pour une cause sociale via le mécénat, le sponsoring ou des fondations, quand d’autres banques affirment leur proximité affective et leurs partenariats citoyens.

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Pourtant, alors que la génération des jeunes cadres avides de

technologie et d’ISR a su être captée en partie par les banques en ligne, la clientèle jeune est peu approchée par les banques.

Les raisons en sont diverses. En premier lieu, les banques n’avaient pas l’habitude d’aller chercher

les jeunes : eux venaient naturellement, souvent sur prescription de leurs parents, lorsqu’ils s’installaient, et les banques les reprenaient lors de la souscription du premier crédit immobilier.

En second lieu, cette clientèle est difficile à appréhender en termes de besoins et de comportements : la banque de détail voit clairement le potentiel fort du multicanal et des réseaux sociaux, mais ne sait absolument pas comment l’utiliser pour capter ces jeunes. C’est en ce sens que la banque de détail est un peu suiveuse de ce que

proposent les Fintech mettant l’expérience client au centre de leur modèle, puisque cette génération est justement très clairement sensible à cette expérience client.

Enfin, c’est une catégorie qui rapporte peu de PNB alors qu’elle nécessite beaucoup d’efforts pour réussir à la faire venir en agence, encore plus maintenant qu’elle fonctionne sur du numérique et à distance : il s’agit certes d’un investissement sur l’avenir, et même plutôt d’un pari sur l’avenir vu son comportement « zappeur », mais à l’heure où l’on demande aux conseillers de faire de plus en plus de chiffre, il est normal qu’ils privilégie la clientèle plus immédiatement rentable de leurs parents.

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Cependant, la génération Y appréciant une offre

avec une relation digitale poussée qui pourrait être un avantage concurrentiel déterminant va commencer à accumuler du capital, et les banques devront donc rapidement apporter des éléments capteurs du potentiel si elles ne veulent pas les voir se perdre vers d’autres acteurs non bancaires.

Car cette génération, qui a appris d’une façon ou d’une autre à utiliser de l’argent à distance sans son banquier et à chercher les produits et applications qui pourront répondre à ses besoins, peut continuer à se passer du banquier et privilégier des acteurs comme Paypal, Google, Facebook ou Amazon si demain ils proposent des produits financiers, à la manière d’Ali Baba, le géant chinois de l’e-commerce, qui a lancé un fonds monétaire, récoltant l’épargne de quelque 100 millions de particuliers.

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Ces géants d’internet, non bancaires mais

aux puissances financières énormes, peuvent réussir à inspirer confiance à cette génération là où la grande distribution ou l’assurbanque avait échoué avec leurs parents.

Certains voient dans les millenials une génération qui n’aura plus besoin ni d’agence bancaire ni d’interlocuteur conseiller bancaire personnel.

Cela conduirait à une segmentation comportementale très claire entre ancienne et nouvelle génération, qui conduirait à termes à la fermeture de toutes les agences.

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B - UNE SEGMENTATION PAS SI TRANCHÉE Pourtant faire des millenials une génération particulière car la

seule génération en besoin de contenu virtuel est faux. Excepté la génération des retraités, toute la population a adopté

les canaux à distance et virtuel, et ne saurait s’en passer. La banque multicanal utilise différents canaux de

communication ou de distribution, physiques et virtuels. Les banques doivent répondre aux nouvelles exigences des

consommateurs, et de tous. Les clients se déplacent de moins en moins en agence et

demandent à leur banque d’être accessible en permanence : information, devis, conseil et souscription doivent pouvoir être réalisés à distance, à des horaires très larges.

Le multicanal est devenu un élément fondamental de la satisfaction client.

La mise en place de nouveaux outils doit se faire rationnellement et concilier efficacité commerciale et économique.

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Le multicanal allie

les canaux physiques l’agence bancaire et la relation directe entre le

conseiller et son client lors d’entretiens en face-à-face et les canaux technologiques virtuels avec

guichets automatiques, centres de relations téléphoniques, smartphones permettant les alertes par SMS ou

transferts d’argent, les tablettes avec une approche encore plus

ergonomique des services de la banque à distance, les sites Internet souvent plus complet que les

applications mobiles (en plus du classique accès sécurisé aux comptes et services bancaires à distance - virements, ordres de bourse , messagerie, relevés en ligne - le portail de la banque propose des devis, coffre-fort numérique, newsletter, vidéoconférence….),

et les réseaux sociaux avec une communication institutionnelle sur l’activité de l’entreprise et ses résultats, et parfois une tentative de communication personnalisée instantanée via le chat…

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Ces canaux utilisant les nouvelles

technologies permettent de véhiculer une image de modernisme, la banque digitale offrant une meilleure visibilité de l’enseigne une plus grande accessibilité aux services et aux produits qui peuvent, pour la plupart, être souscrit à distance.

La conception des outils vise d’ailleurs tout autant l’accroissement des performances commerciales, et la satisfaction client qu’une rationalisation des coûts.

Au final, ce besoin de multicanal ne peut pas être attaché à une génération particulière, même si la proportion qu’occupe chaque canaux va varier selon les générations.

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Par ailleurs, les jeunes aussi ont des besoins communs à tous, liés à la représentation de ce qu’est l’argent.

Car quelle que soit la génération, le comportement du consommateur bancaire diffère de celui des clients de produits classiques, cette caractéristique impactant la fidélité à la banque.

Tout d’abord, le risque influence beaucoup la relation. Plusieurs éléments augmentent le risque perçu lors du

processus d’achat des produits bancaires. La nature intangible des services tend à accroître le sentiment

de risque : la prise en main du bien, son inspection pour forger sa conviction n’est pas possible pour un service, qui plus est un service bancaire.

Le client doit donc se référer à d’autres éléments pour limiter le risque perçu.

D’autre part, la nature de la monnaie, et plus précisément son caractère scriptural, génère une appréhension légitime.

En outre, les Français conservent une défiance naturelle à l’égard de la monnaie, en partie liée à l’inconscient collectif intergénérationnel ancré dans le rural opposé au bourg commerçant et riche, de paysan épargnant par peur de la pénurie, et de catholique voyant en l’argent une des sources du vice.

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Car en plus des risques liés à l’achat classique,

l’activité bancaire engendre d’autres risques : risque financier (perte monétaire), risque de performance (rendement inférieur à celui espéré), risque social (perte de statut social du fait de la disparition de ses actifs financiers).

Ce type de risque conduit le consommateur à adopter un comportement particulier.

Lors du processus d’achat, le client procède à un achat réfléchi : il met en œuvre un ensemble de démarches parfois complexes, de l’évaluation à la décision d’achat, mais en banque, confronté à un manque de connaissance, l’acheteur s’en remet au chargé de clientèle.

Même si le millenial peut aller chercher sur les réseaux de réponses à ses questions, le besoin de la parole de l’expert et d’un conseil adapté à son cas demeure

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De plus, attaché ou non à ses réseaux sociaux et son smartphone, le millenial traversera les mêmes phases que ses aînés au cours de la vie.

Ainsi, les 15–24 ans favorisent les placements ou les prêts pour une dépense prévue dans l’année ; les 25–34 ans entendent préparer ou concrétiser l’achat d’un logement ; les 35–49 ans optent pour la prévoyance à l’égard de leur famille ou le financement des études de leurs enfants ; enfin, les 50–64 ans souhaitent consacrer leur épargne à leur retraite.

Suivant à peu près la théorie e Modigliani, le crédit est employé par les moins de 65 ans, et avec l’âge, l’épargne financière (notamment assurance-vie) est préférée à l’immobilier.

Les catégories les plus modestes empruntent pour des besoins de consommation courante alors que les classes aisées privilégient les crédits des besoins professionnels ou immobiliers.

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En ce qui concerne l’épargne, les plus modestes

privilégient l’épargne de précaution (disponible) alors que les plus aisées avantagent celle d’investissement.

Au-delà des groupes sociaux, d’autres études démontrent que les attentes bancaires sont sexuées mais indifféremment selon l’âge : pour les femmes, les priorités concernent la gestion des contraintes du quotidien et le fait de pouvoir faire face aux aléas, alors que les hommes privilégient les placements à long terme et les rendements financiers.

Enfin, y compris pour la génération millenial, tout comme les groupes sociaux, la famille exerce une influence réelle sur le comportement bancaire des consommateurs, l’influence parentale étant forte, notamment lorsque l’enfant est jeune et proche du domicile familial.

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Ainsi, la segmentation réelle millenials/générations plus âgées n’est pas très forte.

Les différences générationnelles étant de faits mineurs, les enquêtes montrent d’abord et avant tout la prédominance commune d’attentes: le consommateur a besoin d’information, de transparence

et d’une offre claire, l’intangibilité des produits renforçant ce besoin ;

le banquier doit faire preuve de disponibilité, de proximité et de réactivité ;

le client cherche une véritable relation avec son conseiller qui doit être à l’écoute et proposer des produits adaptés ;

le consommateur demande des produits, des services une tarification individualisée ;

les clients sont demandeurs de services en ligne et les banques doivent développer leurs services numériques ;

les canaux de communication doivent être intégrés : pour un meilleur service et une efficacité commerciale optimale, le conseiller doit rester au centre de la relation client ;

et la clientèle attend une offre adaptée à ses besoins, les outils marketing devant aider le conseiller à cibler les besoins du client.

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En fait, toutes générations confondues, même

si les millenials et jeunes cadres y sont plus sensibles, les nouvelles tendances en matière de consommation des produits financiers sont partout l’essor de la consommation responsable, intensifié par la crise, le besoin de protection et de sécurité, et les besoins de flexibilité, de rapidité de praticité.

Les banques ont tenté de s’en emparer, la référence éthique devenant un argument clé de la consommation française et une opportunité de se créer une bonne image d’entreprise, afin de déculpabiliser le client consommateur, de donner du sens à l’acte d’achat, et de passer d’une consommation de masse à une consommation plus revendicatrice.

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La crise économique a renforcé le sentiment de vulnérabilité et la tentation de se replier sur soi, et son proche environnement personnel et familial.

La population dans son ensemble ressent que l’argent ne rapporte plus et qu’il vaut mieux ne pas perdre plutôt que s’enrichir, de sorte qu’aux exigences de rendement fait place une exigence de disponibilité et de flexibilité : les produits doivent s’adapter aux conditions d’utilisation.

Il y a volonté croissante de disposer rapidement des produits demandés, tendance liée à ce que permettent les nouvelles technologies et que les clients veulent voir répliqué dans la banque, quel que soit leur âge : le déblocage instantané de fonds, le système de prêt à attribution automatisée, les déclarations de sinistres à distance se développent pour faire face à cette demande croissante, les acteurs devant s’engager sur des délais.

Par contre, les clients sont prêts à prendre en charge par eux-mêmes un certain nombre de tâches qui étaient assurées auparavant par les prestataires.

Les applications mobiles visent à augmenter la simplicité la praticité de l’accès à son établissement sans être contraint par des heures d’ouverture, des temps d’attente ou un accueil de plus ou moins bonne qualité.

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L’autre conséquence de la crise est une certaine incapacité à évaluer le risque, d’où l’attitude dominante de besoin de sécurité avec de nombreux produits délaissés, notamment les assurances-vie en unités de compte remplacées par des produits à rendement garanti avec une inversion de la tendance risque actifs risquée/actifs non risqués autour de 1/3–2/3.

Concernant les produits financiers d’investissement socialement responsable, on constate certes une demande croissante de la part des investisseurs institutionnels qui doivent répondre aux pressions des pouvoirs publics, notamment après la COP21 en France, mais les investisseurs individuels ont du mal à adhérer et n’y croient pas de la part de produits vendus par les banques, la notion de crowdfunding leur semblant plus concrète.

Les comportements d’achat extrêmement différenciés nécessitent parfois des approches de type sur-mesure, bien pris en compte par la qualité et la pertinence de la segmentation des banques, la CSP d’appartenance, la profession, le niveau des revenus n’étant plus des indications suffisantes pour faire des offres.

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Pourtant, globalement, l’évolution des besoins et des comportements est aujourd’hui relativement bien identifiée par les acteurs qui portent une attention toute particulière à la qualité et la pertinence de leur segmentation… avec une problématique millenials qu’ils ressentent ne pas maîtriser.

Avec les nouvelles technologies, les opérateurs parient sur un changement assez profond des pratiques de paiement de la population avec cette montée en puissance de la nouvelle génération.

Or, à part pour quelques personnes naturellement tournées vers des nouveautés, la diffusion à grande échelle de telles innovations suppose des évolutions sociologiques et psychologiques chez les clients, sans doute surestimées.

Ceux-ci essaient de voir les gains d’efficacité, les efforts demandés et les risques encourus.

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L’adoption d’une innovation à forte connotation technologique suppose qu’à la fois les utilisateurs, clients et commerçants, le personnel des établissements financiers et le contexte réglementaire soient aussi bien en phase avec le dispositif proposé.

La banque tâtonne sans réelle stratégie de fond : trop d’innovations dans le secteur bancaire sont encore lancés pour des raisons principalement internes, d’économies de coûts, ou parce que c’est la conviction ou l’envie d’un dirigeant, sans pour autant regarder si elles répondent à une attente fondamentale ou à une évolution marquée des habitudes de consommation.

En outre, avec une population vieillissante au niveau européen, les établissements devraient prendre des précautions pour ne pas décourager les consommateurs les plus âgés.

Dans ce contexte, la singularité de la génération millenial est sans doute surestimée par des groupes bancaires qui ont en fait du mal à appréhender les phénomènes Nouvelles technologies et préfèrent penser qu’il s’agit d’une question de génération pour tenter de ne traiter l’utilisation potentielle qu’à la marge, en se concentrant plutôt sur la question de rationalisation des coûts que ces technologies permettent.

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C - EXPOSITION DU PRIX ET RÉDUCTION DES COÛTS Dans la banque, avec l’euro, la mondialisation et le multicanal, les prix se

trouvent propulsés au centre des réflexions stratégiques qui agitent la profession financière.

Pourtant, de façon contradictoire, le marketing-mix bancaire n’en est pas moins trop souvent négligé dans le sens où il est fixé sans grande rigueur par rapport à la concurrence, aux marchés et aux coûts.

La stratégie globale de packages pour la banque au quotidien rend les comparaisons difficiles pour les consommateurs.

L’épargne réglementée, si importante en France, gomme la différenciation prix, et les aléas des marchés sur les rendements de l’assurance-vie ont appris aux banques à éviter de mettre en avant le rendement, en supprimant la plupart des mécanismes de garantie des rendements.

Pour ce qui est du crédit immobilier, il reste un produit d’appel pour les banques, mais les montages techniques complexes et les enjeux pour les clients diminuent l’utilisation du levier de mise en concurrence pour faire baisser le coût global, cette stratégie ne venant que lors de la renégociation des prêts, assez minoritaire.

Et pour les crédits à la consommation, lorsque l’argument prix est clé pour le consommateur, il se tourne plutôt vers des spécialistes du crédit de type Cetelem, la banque pouvant faire un taux plus élevé pour les clients qui préfèrent la sécurité de leur agence.

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Globalement, la stratégie de services additionnels et celle de communication insistant sur la technicité du conseil, le rendant spécifique et différentiateur, continuent à brouiller les références comparatives.

Les banques négligent l’argument prix du fait de la forte fidélité passive possible dans le secteur : changer de fournisseur, et donc de banques, accroît le sentiment de risque.

Partir pour un autre établissement induit des coûts et beaucoup d’incertitudes (temps de recherche, d’apprentissage de nouvelles procédures, perte des avantages liés à la fidélité, des habitudes, du lien créé avec le personnel).

C’est d’ailleurs sur ces points qu’insistent les banques pour contrer la loi Macron de facilitation du changement de banque.

Certains clients renoncent et demeurent en place, les autres ont au mieux une stratégie de multibancarisation, les recherches démontrant que les classes sociales les plus aisées, plus enclines à recourir au risque, sont globalement celles qui ont une plus grande stratégie de recherche de prix à travers le recours au multiprestataire, et non pas à travers le changement de banque.

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La pression concurrentielle accrue, l’insistance

des prestataires en ligne sur l’aspect prix (banque en ligne, comparateurs de crédits ou de placements longs…), le ressenti de l’inconstance forte de l’environnement lié aux nouvelles technologies en termes de nouveaux entrants et de produits de substitution, la pression législative pour davantage de mise en concurrence, et les effets induits de la crise qui ont fini par toucher la banque de détail avec un peu de décalage, ont conduit cette banque de détail à se concentrer sur la réduction des coûts.

Comparant aux structures en ligne qui communiquent justement sur le coût du service bancaire pour le consommateur, elles ont toutes focalisé sur la charge représentée par l’agence physique et la masse salariale représentée par ces agences, cherchant à maximiser l’indicateur génération de PNB par conseiller.

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III - LA MENACE DES NOUVELLES

TECHNOLOGIES TRAITÉE PAR LA

« RATIONALISATION DU CONSEIL » : UNE ERREUR

STRATÉGIQUE D’AMPLEUR

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Ainsi, pour rationaliser les coûts, les banques

ont donc toutes mis en œuvre la même stratégie de réduction, voire de suppression à terme des guichets (non générateur de PNB) en tentant d’obliger les clients à passer par les guichets automatiques, les opérations en ligne et les plateformes de renseignements et d’accueil/prise de rendez-vous téléphoniques.

Ce phénomène s’auto-entretient dans le sens où c’est une demande des clients qui se rendent de moins en moins souvent dans les agences puisque sur place également, on les renvoie vers des systèmes automatisés. De ce fait, les banques cherchent à fermer les agences les moins rentables, et réduire globalement la taille du réseau.

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De plus, le modèle se transforme. Le plan de BNP

Paribas est précurseur de la tendance avec son projet « préférence clients » dans lequel 5 à 10 % des agences deviendront des agents express automatisées avec un ou deux salariés mais sans conseil, 10 à 15 % des agences projets avec des spécialistes dans le crédit immobilier ou la prévoyance, et les 75 à 85 % restantes seront des agences conseils où les clients n’auront plus de conseillers dédiés tandis que le poste de chargé d’accueil est appelé à disparaître, tous les conseillers devant répondre aux clients par téléphone ou sur Internet.

Ainsi, l’ensemble des banques suit la même tendance : des généralistes qui renverront vers des spécialistes, mais contrairement à ce qui se passe pour le monde médical, ces généralistes ne seront pas dédiés.

Outre le fait qu’il faudra faire de plus en plus de kilomètres pour trouver son agence, le conseiller ne sera jamais le même.

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Ainsi, ce schéma correspond à une gestion effectivement rationalisée du

conseil employant le multicanal pour répondre en permanence au client, et apportant un conseil éclairé grâce à une meilleure compétence, et optimisé en termes de besoin du client grâce à la segmentation améliorée par l’analyse Big data.

Mais le conseil éclairé de spécialiste, l’approche personnalisée grâce au Big data, renforcé par une expérience client travaillée par des sociétés spécialisées qui travillent justement dessus, les clients peuvent les trouver en ligne. Le multicanal est à peine amélioré par rapport à une offre exclusivement à distance du fait de ce contact parfois en face-à-face.

Mais qu’est le contact en face-à-face si le conseiller change à chaque fois ? Que vaut le relationnel si la confiance n’a pas le temps de s’établir ?

Le point fort des offres en ligne, c’est la rapidité, la disponibilité, et un rapport qualité du conseil/coût tout à fait positif, mais le point faible reconnu des plateformes et offres à distance, dans les autres services ou les sites marchands, ce qui agace au plus haut les clients, c’est de ne jamais avoir le même interlocuteur.

La compensation provient alors du prix du service. Une banque multicanal, même avec peu d’agences, ne peut pas rivaliser de ce point de vue.

Mais si elle perd le relationnel, elle perd clairement son avantage compétitif par rapport aux offres en ligne pour lesquelles les millenials auront de toute façon de plus en plus d’appétence.

Si la banque multicanal est compétitive sur une offre, elle ne sera qu’une opportunité de plus dans la stratégie multiprestataire du client « zappeur » et opportuniste. La fidélisation sera toujours moindre. Cette stratégie est à l’évidence une voie dangereuse.

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La bonne stratégie se trouve à l’inverse non pas sur une stratégie coûts, mais sur une stratégie conseil basé sur un relationnel fort.

Car nous l’avons dit, étant donné le bien particulier qu’est l’argent, changer de fournisseur, de banque, mais aussi d’interlocuteur accroît le sentiment de risque.

L’environnement changeant, les évolutions rapides, les crises économiques, financières ou politiques ou sociales, accroissent le sentiment d’insécurité.

La population aura donc de plus en plus besoin de repères forts, de personnes de confiance, quel que soit son âge.

Face aux machines qui travaillent de plus en plus efficacement, face à l’individualité montante, les clients demandent de plus en plus de relationnel.

Certains clients ont fait l’expérience de la banque en ligne : au départ, le client avait un interlocuteur dédié et même à distance, le relationnel fort, de confiance était établi (reconnaissance de la voix, historique connu par chacun, réelle confiance mutuelle), mais quand la stratégie est devenue de faire partir le conseiller dédié et que l’interlocuteur changeait deux fois par an, un certain nombre de clients sont revenu vers l’agence, en besoin de ce relationnel.

Le modèle pouvant fonctionner est plutôt celui du notaire de famille, ou du gestionnaire de patrimoine : dans ce cas, ce n’est plus le prix qui est important, ni la rapidité, mais la confiance qui se fonde dans le temps, voire entre générations, et qui est justement la base de la banque : la confiance est primordiale, et c’est le premier besoin exprimé par le client, comme nous l’avons dit.

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L’avantage concurrentiel viendra alors de la capacité à

équiper l’ensemble de la famille avec un panel de services important, accorder du temps à la relation, d’autant que les études constatent l’importance de l’influence des parents dans le choix du conseil bancaire.

Tout comme le notaire de famille d’autrefois connaissait l’ensemble des besoins de chacun et toute l’histoire de la famille, un tel relationnel permettrait de vendre et d’équiper facilement, et fidéliserait totalement.

Evidemment, cela suppose de renoncer à cette stratégie de généraliste renvoyant sur des spécialistes : il faudrait une haute compétence du conseiller bancaire dans tous les domaines.

Il faudrait aussi une vraie politique de fidélisation et de sédentarisation de l’employé conseiller bancaire, comme c’est le cas dans les cabinets de gestion de patrimoine réellement sérieux et reconnus dans des lieux comme le Bordelais…

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CONCLUSION

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La segmentation millenial a peu de fondement réel,

mais elle marque la stratégie bancaire : le développement de ces nouvelles technologies a concrètement des effets qui concentrent toutes les attentions stratégiques, les acteurs en place craignant de voir émerger de nouveaux concurrents menaçants, le cas des paiements étant sans doute le plus symbolique pour les acteurs bancaires.

De plus, les acteurs classiques savent qu’ils doivent faire évoluer leur mode de relation et d’interactions avec la clientèle vers une meilleure « expérience client », et faire évoluer les services offerts en conséquence.

Les banques savent que le modèle d’une banque ou assurance digitale est potentiellement source de création de valeur s’il est complètement adopté par la clientèle, mais elles ne savent pas à quel point cette clientèle va adhérer au modèle, pensant généralement que les millenials finiront par y adhérer à 100%.

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L’influence millenials est là, non pas dans les chiffres, mais

dans l’impact psychologique sur les dirigeants bancaires. Avec 20 ans de retard, la banque vit la sensation de révolution

provoquée par la Novelle économie, qui avait engendré la bulle internet du fait de cette incapacité à comprendre ce qui allait se passer, persuadé que la nouvelle économie allait tout modifier, et que l’ancienne économie ne pourrait survivre qu’en devenant en grande partie nouvelle économie.

Les banques ont peur des nouveaux opérateurs et des produits de substitutions permis par la technologie, peur de perdre leur force, au point qu’elles deviennent schizophrènes entre conseil personnalisé basé sur le développement du relationnel, et dématérialisation pour rationaliser les coûts.

Elles se cherchent et veulent trouver les solutions en copiant la nouvelle concurrence.

Elles devraient plutôt se recentrer sur ce qui a toujours fait leur force : la confiance dans l’expertise de son banquier à gérer son patrimoine dans le long terme.

Alors la recherche de rationalisation des coûts n’aura plus lieu d’être quand la compétitivité qualité l’emporte sur la compétitivité-prix auprès du client, qu’il soit millenial ou non.