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19/12/2011 DOIT-ON INTERDIRE LA CONDUITE AUTOMOBILE AUX CORONARIENS AGES ? On estime qu’annuellement 1,2 millions de personnes décèdent dans le monde et 20 à 50 millions se blessent gravement lors d’un accident de voie publique. En France ces chiffres sont près de 4,000 morts et de 85,000 blessés. 1 Les patients atteints d’une maladie cardiaque sont à risque accru d’accident automobile ; dans une étude cas-témoin aux Etats-Unis, le risque d’un accident fatal avec faute reconnue est de 50% plus élevé chez le sujet âgé quand celui-ci est atteint d’une affection cardiaque. 2 Si la majorité des travaux et recommandations s’est intéressée aux patients victimes de syncope ou bien les porteurs de défibrillateur, peu d’études se sont intéressées à l’accident coronaire comme responsable d’un accident de la route. A priori, il est supposé que le patient victime d’un accident coronaire a le temps de ralentir ou s’arrêter à temps. partir des données autopsiques de 1260 cas de morts subites au Québec entre 2002 et 2006, les auteurs d’une étude parue récemment dans Atherosclerosis 3 ont cherché à estimer le risque d’un accident de voiture chez les coronariens, en ayant recours à un modèle bayesien. Parmi les 1 260 victimes, 123 étaient dues à un accident de voiture. L’autopsie des 1 260 victimes a trouvé que la mort d’origine traumatique n’était que la 2 ème cause de décès, dans près de 15 % des cas, derrière une cause cardiovasculaire, survenant dans 36 % des cas. Selon les données autopsiques, la prévalence d’une maladie coronaire sévère, définie par la présence d’au moins une sténose de plus de 75 % (réduction de surface de la lumière artérielle) parmi les victimes d’accident de la route était de 30 % entre 40 et 49 ans et plus de 90 % entre 70 et 79 ans. En présence d’une telle atteinte, les sujets étaient mono-, bi- et tritronculaires respectivement dans 43 %, 23 % et 34 % des cas. En cas d’atteinte coronaire, des traces d’infarctus ancien étaient retrouvées dans 23 % des cas de plus de 60 ans. Ces mêmes cas présentaient une prévalence de 19,8 % de lésions d’infarctus récent. L’analyse du dossier médico-légal de ces patients coronariens a révélé dans 40 % des cas un témoignage d’une conduite erratique avant la collision, suggérant pour certains d’entre eux une relation possible entre l’accident et la survenue d’un événement coronaire. A partir de ces données et en utilisant des modèles bayesiens, il a été estimé que la probabilité pour un patient coronarien d’avoir un accident est de 9 %, cette prévalence augmentant à 22 % chez les hommes coronariens âgés de 70 à 79 ans (10 % chez les femmes), et de 25 % pour ceux ayant plus de 80 ans (18 % chez les femmes) ! Les auteurs précisent qu’il s’agit d’une association statistique retrouvée entre l’atteinte coronaire et les accidents de circulation, mais ceci ne prouve pas l’imputabilité de la maladie coronaire dans ces accidents. En effet, certains facteurs confondants tels que les altérations cognitives chez un patient athéromateux ne peuvent être exclus. Notamment, une altération cognitive après revascularisation, notée plus souvent après pontages aorto-coronaires mais aussi après angioplastie, est retrouvée associée à une diminution des performances à la conduite automobile, tant en tests de simulation que lors d’épreuves de conduite. 4 Enfin, concernant l’étude autopsique, il n’est pas impossible que dans certains cas, un infarctus du myocarde ne survienne dans le délai entre l’accident de la route et le décès du patient. Le suivi de grandes cohortes de patients coronariens reste nécessaire pour mieux élucider ce risque, et au-delà, discuter les contre-indications potentielles à la conduite automobile dans les situations à haut risque. Pr Victor ABOYANS, Limoges 1- Association prévention routière. http://www.preventionroutiere.asso.fr 2- McGwin J et al. Am J Epidemiol 2000 ;152 :424-31. 3- Oliva et al. Atherosclerosis 2011 : 218 : 28-32. 3- Ahlgren et al. Eur J Cardiothor Surg 2003 ; 23 :334- 340. A

Doit on interdire la conduite automobile aux coronariens âgés

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19/12/2011

DOIT-ON INTERDIRE LA CONDUITE AUTOMOBILE AUX CORONARIENS AGES ?

On estime qu’annuellement 1,2 millions de personnes décèdent dans le monde et 20 à 50 millions se blessent gravement lors d’un accident de voie publique. En France ces chiffres sont près de 4,000 morts et de 85,000 blessés.1 Les patients atteints d’une maladie cardiaque sont à risque accru d’accident automobile ; dans une étude cas-témoin aux Etats-Unis, le risque d’un accident fatal avec faute reconnue est de 50% plus élevé chez le sujet âgé quand celui-ci est atteint d’une affection cardiaque.2 Si la majorité des travaux et recommandations s’est intéressée aux patients victimes de syncope ou bien les porteurs de défibrillateur, peu d’études se sont intéressées à l’accident coronaire comme responsable d’un accident de la route. A priori, il est supposé que le patient victime d’un accident coronaire a le temps de ralentir ou s’arrêter à temps.

partir des données autopsiques de 1260 cas de morts subites au

Québec entre 2002 et 2006, les auteurs d’une étude parue récemment dans Atherosclerosis3 ont cherché à estimer le risque d’un accident de voiture chez les coronariens, en ayant recours à un modèle bayesien. Parmi les 1 260 victimes, 123 étaient dues à un accident de voiture. L’autopsie des 1 260 victimes a trouvé que la mort d’origine traumatique n’était que la 2ème cause de décès, dans près de 15 % des cas, derrière une cause cardiovasculaire, survenant dans 36 % des cas.

Selon les données autopsiques, la prévalence d’une maladie coronaire sévère, définie par la présence d’au moins une sténose de plus de 75 % (réduction de surface de la lumière artérielle) parmi les victimes d’accident de la route était de 30 % entre 40 et 49 ans et plus de 90 % entre 70 et 79 ans.

En présence d’une telle atteinte, les sujets étaient mono-, bi- et tritronculaires respectivement dans 43 %, 23 % et 34 % des cas. En cas d’atteinte coronaire, des traces d’infarctus ancien étaient retrouvées dans 23 % des cas de plus de 60 ans. Ces mêmes cas présentaient une prévalence de 19,8 % de lésions d’infarctus récent. L’analyse du dossier médico-légal de ces patients coronariens a révélé dans 40 % des cas un témoignage d’une conduite erratique avant la collision, suggérant pour certains d’entre eux une relation possible entre l’accident et la survenue d’un événement coronaire. A partir de ces données et en utilisant des modèles bayesiens, il a été estimé que la probabilité pour un patient coronarien d’avoir un accident est de 9 %, cette prévalence augmentant à 22 % chez les hommes coronariens âgés de 70 à 79 ans (10 % chez les femmes), et de 25 % pour ceux ayant plus de 80 ans (18 % chez les femmes) !

Les auteurs précisent qu’il s’agit d’une association statistique retrouvée entre l’atteinte coronaire et les accidents de

circulation, mais ceci ne prouve pas l’imputabilité de la maladie coronaire dans ces accidents. En effet, certains facteurs confondants tels que les altérations cognitives chez un patient athéromateux ne peuvent être exclus. Notamment, une altération cognitive après revascularisation, notée plus souvent après pontages aorto-coronaires mais aussi après angioplastie, est retrouvée associée à une diminution des performances à la conduite automobile, tant en tests de simulation que lors d’épreuves de conduite.4 Enfin, concernant l’étude autopsique, il n’est pas impossible que dans certains cas, un infarctus du myocarde ne survienne dans le délai entre l’accident de la route et le décès du patient. Le suivi de grandes cohortes de patients coronariens reste nécessaire pour mieux élucider ce risque, et au-delà, discuter les contre-indications potentielles à la conduite automobile dans les situations à haut risque.

Pr Victor ABOYANS, Limoges

1- Association prévention routière. http://www.preventionroutiere.asso.fr 2- McGwin J et al. Am J Epidemiol 2000 ;152 :424-31. 3- Oliva et al. Atherosclerosis 2011 : 218 : 28-32. 3- Ahlgren et al. Eur J Cardiothor Surg 2003 ; 23 :334-340.

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