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Les femmes dans les parentèles contemporaines : atouts et contraintes d’une position centrale Jean-Hugues Déchaux Université de Lyon (Lyon 2) et MoDyS (CNRS, UMR 5264). Mots clés : Rapports sociaux de genre – Parenté – Analyse structurale de réseaux. Sur les plans matériel, affectif et symbolique, l’impli- cation des femmes dans la parentèle est supérieure à celle des hommes. Cette « centralité féminine » – qui se manifeste sous des formes variées dans les trois cercles concentriques de la parentèle et crée dans les relations du couple avec cette dernière un biais matrilatéral – se maintient malgré les transfor- mations récentes de la famille. La conjonction des deux hypothèses du « matricentrage » et du « gyné- centrage » permet de l’interpréter comme un « investissement de précaution » des femmes, qui est à la fois une stratégie et le résultat de leur socia- lisation. Un lien est également établi entre centralité féminine et rapports de pouvoir entre les sexes en s’inspirant de l’analyse structurale de réseau. Dans cette perspective, une fois repérés les atouts et les contraintes de la centralité féminine, la faiblesse des liens forts composant le capital social des femmes, la domination de genre apparaît comme une balance, relativement contingente, des bénéfices et des coûts. A u cours des trois à quatre dernières décennies, les relations hommes-femmes ont connu d’assez profondes transformations dans les sociétés occidentales. Cette redéfinition des rapports de genre concerne notamment la famille. Encore conviendrait-il de ne pas confondre ce qui relève du discours, des opinions déclarées, et ce qui relève des pratiques sociales. Hommes et femmes déclarent, en effet, des opinions volontiers « libérales » qui coïncident rarement avec leurs pratiques, beaucoup plus « traditionnelles ». Comme si, en la matière, le jugement du grand nombre exerçait une influence sur celui de l’individu, poussant à un certain conformisme dans les déclarations. Caractéristique des sociétés démocratiques, égali- taires et individualistes où, quiconque se pensant l’égal des autres, la masse devient pour chacun la seule « grandeur » évidente et légitime, ce pouvoir de l’opinion publique crée une distorsion entre, d’une part, ce que l’on déclare et pense « tout haut » et, d’autre part, ce qui instruit nos actions, et qui est pensé « tout bas ». Cette distorsion invite à déconstruire la notion un peu fourre-tout de « représentation » et à distinguer en son sein deux registres : les représentations explicites, standar- disées, livrées sur la scène publique et les repré- sentations tacites, étroitement articulées à l’action, fondement du savoir pratique et de l’expérience cognitive des acteurs (1). Dans le domaine des pratiques et des représentations tacites qui leur sont associées, la famille apparaît comme un espace de conservation d’une répartition assez clivée des rôles, des attributs, des espaces. En France, s’agissant du couple et de la « famille élémentaire » (le groupe composé d’adultes et de leurs enfants biologiques ou adoptés), les analyses des inégalités de sexe sont nombreuses (2). En revanche, les relations hommes-femmes dans la famille large, c’est-à-dire la parenté, ont fait l’objet d’une moindre attention. Cet article étudie la place des femmes (et des hommes) dans les relations au sein du réseau de parenté (ou parentèle) et s’organise en trois temps : établir leur grande implication et leur rôle clé dans la parentèle, phénomène désigné ici par « centralité féminine » ; l’interpréter comme un « investissement de précaution » en se demandant s’il s’agit d’un effet de parenté ou d’un effet de genre ; enfin, proposer une nouvelle manière de discuter l’hypothèse de la domination masculine selon une problématisation qui s’inspire de l’analyse structurale de réseau. L’article débute donc dans une veine empirique et se termine sur une note (1) Sur cette distinction, voir Maurice Bloch (2006). (2) Par exemple au sujet de la répartition des tâches ménagères dans le couple: François de Singly (2007). Pour une analyse rétrospective depuis l’après-guerre jusqu’en 1998, voir Alain Chenu (2002). Politiques sociales et familiales n° 95 - mars 2009 7 Société

Les femmes dans les parentèles contemporaines : atouts et contraintes d’une position centrale

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Sur les plans matériel, affectif et symbolique, l’implicationdes femmes dans la parentèle est supérieureà celle des hommes. Cette « centralité féminine »– qui se manifeste sous des formes variées dans lestrois cercles concentriques de la parentèle et créedans les relations du couple avec cette dernière unbiais matrilatéral – se maintient malgré les transformationsrécentes de la famille. La conjonction desdeux hypothèses du « matricentrage » et du « gynécentrage» permet de l’interpréter comme un« investissement de précaution » des femmes, quiest à la fois une stratégie et le résultat de leur socialisation.Un lien est également établi entre centralitéféminine et rapports de pouvoir entre les sexes ens’inspirant de l’analyse structurale de réseau. Danscette perspective, une fois repérés les atouts et lescontraintes de la centralité féminine, la faiblesse desliens forts composant le capital social des femmes,la domination de genre apparaît comme une balance,relativement contingente, des bénéfices et des coûts.

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Les femmes dans les parentèlescontemporaines : atouts et contraintes

d’une position centrale

Jean-Hugues Déchaux Université de Lyon (Lyon 2) et MoDyS (CNRS, UMR5264).

Mots clés : Rapports sociaux de genre – Parenté – Analysestructurale de réseaux.

Sur les plans matériel, affectif et symbolique, l’impli-cation des femmes dans la parentèle est supérieureà celle des hommes. Cette « centralité féminine »– qui se manifeste sous des formes variées dans lestrois cercles concentriques de la parentèle et créedans les relations du couple avec cette dernière unbiais matrilatéral – se maintient malgré les transfor-mations récentes de la famille. La conjonction desdeux hypothèses du « matricentrage » et du « gyné-centrage » permet de l’interpréter comme un« investissement de précaution » des femmes, quiest à la fois une stratégie et le résultat de leur socia-lisation. Un lien est également établi entre centralitéféminine et rapports de pouvoir entre les sexes ens’inspirant de l’analyse structurale de réseau. Danscette perspective, une fois repérés les atouts et lescontraintes de la centralité féminine, la faiblesse desliens forts composant le capital social des femmes,la domination de genre apparaît comme une balance,relativement contingente, des bénéfices et des coûts.

Au cours des trois à quatre dernières décennies,les relations hommes-femmes ont connu

d’assez profondes transformations dans les sociétésoccidentales. Cette redéfinition des rapports degenre concerne notamment la famille. Encoreconviendrait-il de ne pas confondre ce qui relèvedu discours, des opinions déclarées, et ce quirelève des pratiques sociales. Hommes et femmesdéclarent, en effet, des opinions volontiers « libérales »qui coïncident rarement avec leurs pratiques,beaucoup plus « traditionnelles ». Comme si, enla matière, le jugement du grand nombre exerçaitune influence sur celui de l’individu, poussant àun certain conformisme dans les déclarations.Caractéristique des sociétés démocratiques, égali-taires et individualistes où, quiconque se pensant

l’égal des autres, la masse devient pour chacun laseule « grandeur » évidente et légitime, ce pouvoirde l’opinion publique crée une distorsion entre,d’une part, ce que l’on déclare et pense « touthaut » et, d’autre part, ce qui instruit nos actions,et qui est pensé « tout bas ». Cette distorsion inviteà déconstruire la notion un peu fourre-tout de« représentation » et à distinguer en son sein deuxregistres : les représentations explicites, standar-disées, livrées sur la scène publique et les repré-sentations tacites, étroitement articulées à l’action,fondement du savoir pratique et de l’expériencecognitive des acteurs (1). Dans le domaine despratiques et des représentations tacites qui leursont associées, la famille apparaît comme unespace de conservation d’une répartition assezclivée des rôles, des attributs, des espaces.

En France, s’agissant du couple et de la « familleélémentaire » (le groupe composé d’adultes et deleurs enfants biologiques ou adoptés), les analysesdes inégalités de sexe sont nombreuses (2). Enrevanche, les relations hommes-femmes dans lafamille large, c’est-à-dire la parenté, ont fait l’objetd’une moindre attention. Cet article étudie la placedes femmes (et des hommes) dans les relations ausein du réseau de parenté (ou parentèle) et s’organiseen trois temps : établir leur grande implication etleur rôle clé dans la parentèle, phénomène désignéici par « centralité féminine » ; l’interpréter commeun « investissement de précaution » en se demandants’il s’agit d’un effet de parenté ou d’un effet degenre ; enfin, proposer une nouvelle manière dediscuter l’hypothèse de la domination masculineselon une problématisation qui s’inspire de l’analysestructurale de réseau. L’article débute donc dansune veine empirique et se termine sur une note

(1) Sur cette distinction, voir Maurice Bloch (2006).(2) Par exemple au sujet de la répartition des tâches ménagères dans le couple : François de Singly (2007). Pour une analyserétrospective depuis l’après-guerre jusqu’en 1998, voir Alain Chenu (2002).

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plus réflexive, qui invite à développer une perspectiveanalytique jetant un autre regard sur les rapportsde genre dans la parentèle (3).

La place centrale des femmesdans les parentèles

Dans la sociologie nord-américaine, on parle de« kinkeeper » pour désigner « la personne en chargedu maintien des relations entre parents » (Rosenthal,1985:965, traduction de l’auteur). Le kinkeeper estune sorte d’« agent de liaison » occupant uneposition nodale ou pivot dans l’ensemble desrelations entre parents. Qu’ils soient sociologiquesou anthropologiques, les travaux empiriques sonttrès clairs à ce sujet : le kinkeeping est un attributféminin. Les femmes sont plus impliquées que leshommes dans la parentèle sur les plans tant matérielqu’affectif et symbolique.

LLee «« kkiinnkkeeeeppiinngg »» fféémmiinniinn

Les indicateurs de cette plus grande implicationféminine dans la parentèle sont divers. Ainsi, enmoyenne, la personne adulte rencontre plus souventsa mère que son père (4) et le couple fréquentedavantage les membres de la parenté de la femmeque ceux de la parenté de l’homme (Bonvalet etal., 1999 ; Régnier-Loilier, 2006). La femme estplus liée à sa propre parenté, l’homme équilibredavantage ses fréquentations (Coenen-Huther,1994). En outre, la femme entretient les relations,collecte les nouvelles sur la famille et les répercute.Concernant l’entraide, en moyenne, la femme aidedavantage les membres de la parenté que l’homme (5),le lien mère-fille étant le plus sollicité (Attias-Donfut et al., 2002). Le couple échange aussi plusd’aides et de services avec la parenté de la femmequ’avec celle de l’homme (Jonas et Le Pape, 2008).C’est très frappant pour les aides et services quirelèvent de la sphère domestique et qui forment lesprestations les plus fréquentes : parmi les femmesvivant en couple, 62 % ont donné au moins uneaide à un membre de leur parenté au cours des

douze derniers mois et 44 % à un membre de leurparenté d’alliance. Parmi les hommes, les résultatssont respectivement de 58 % et 47 %. L’écart estde 18 % en faveur de sa propre parenté pour lafemme et de 11 % pour l’homme. Pour les seulesaides domestiques, l’écart est de 19 % en faveur desa propre parenté pour la femme et de 9 % pourl’homme (6). La prise en charge des parents âgésdépendants est principalement du ressort des filles,notamment pour tout ce qui concerne les activitésde « caring » (7) : parmi les « aidants principaux »des personnes âgées de 75 ans et plus (gestion dubudget, des papiers, des démarches adminis-tratives ; aide pour la toilette, l’habillage, le repas),70 % sont des femmes (8). Sur le plan financier,un équilibre tend à s’établir entre les deux parentés.Quant à la mémoire familiale, en moyenne, lesfemmes en ont une meilleure connaissance et ensont souvent les narratrices (y compris pour lamémoire de la famille du conjoint). La mémoirese transmet plutôt par elles (Coenen-Huther, 1994 ;Déchaux, 1997). Enfin, le même déséquilibrecaractérise les liens affectifs : toujours, en moyenne,l’attachement affectif des femmes à leur parentéest plus fort (9) que celui éprouvé par les hommesà l’égard de la leur : parmi les femmes de plus de18 ans ne vivant plus avec leur père et mère, 77 %se déclarent proches de leur mère et 68 % de leurpère ; parmi les hommes de la même catégorie,73 % se déclarent proches de leur mère et 73 % deleur père. La femme privilégie le lien affectif avecsa mère alors que l’homme maintient la balanceégale entre ses deux parents (10) (Bonvalet et al.,1999). En outre, une personne adulte déclare deplus forts sentiments pour ses parents maternelsque pour ses parents paternels (Kellerhals etWidmer, 2005).

Ce constat, bien connu des spécialistes de la« parenté euraméricaine » (11), en particulier enAngleterre et aux États-Unis (12), est ancien. Onpeut parler d’une certaine stabilité en dépit deschangements qu’a connus la famille au cours desdernières décennies. Il est aussi général et seretrouve peu ou prou (avec quelques variations)

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(3) Ce texte est une version écrite et développée d’une communication faite le 5 décembre 2007 à l’Institut des Sciences del’Homme (ISH) à Lyon dans le cadre du séminaire « Genre et démographie ».(4) Le nombre moyen de rencontres au cours des douze derniers mois des plus de 14 ans ne résidant plus avec leur pèreet mère est de 86 pour la mère et de 69 pour le père (source : enquête Réseau de parenté et entraide [RPE], INSEE, 1997).(5) Parmi les plus de 14 ans ne résidant plus avec leur père et mère, 13 % des femmes ont apporté plus de cinq typesd’aide à un membre de leur parenté au cours des douze derniers mois, contre 8 % des hommes (source : enquête RPE,INSEE, 1997).(6) Source : enquête RPE, INSEE, 1997 ; voir Jonas et Le Pape (2008).(7) Le care désigne à la fois les activités matérielles d’aide et leur charge mentale.(8) Source : enquête Handicaps-incapacités-dépendance [HIV], INSEE, 1999 ; voir Renaut (2001).(9) Il s’agit de l’affection estimée et déclarée par l’intéressé lui-même.(10) Source : enquête Proches et parents, INED, 1990 ; voir Bonvalet et al. (1999).(11) Par « parenté euraméricaine », on entend le système de parenté des sociétés d’Europe occidentale et celui dessociétés d’Amérique du Nord qui, en raison des similitudes qu’ils présentent, peuvent être désignés sous un mêmeintitulé.(12) Pour l’Angleterre : Firth, 1956 ; Bott, 1957 ; Young et Willmott, 1983 ; Firth et al., 1969. Pour les États-Unis : Wallin,1954 ; Stryker, 1955 ; Komarosky, 1956 ; Sweetser, 1963 ; Adams, 1968.

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dans tous les milieux sociaux (13). Cette asymétriea conduit à relativiser le caractère indifférencié (ou« cognatique ») du système de filiation euraméricain :en théorie, aucune différence n’existe sur le plande la parenté entre la lignée de la femme et cellede l’homme ; en réalité, la différence existe auprofit de la lignée de la femme. On qualifie cedéséquilibre de « biais matrilatéral » (Déchaux,2007a). Aujourd’hui, il conviendrait de rajoutercertains éléments qui résultent des transformationsrécentes des structures familiales. Les rupturesd’unions ont ainsi pour effet de multiplier les famillesmonoparentales et recomposées. Dans les deuxcas, le « biais matrilatéral » est flagrant. Il est indis-cutable pour les familles monoparentales qui sontdirigées à près de 90 % par des femmes. Lesrelations de la famille monoparentale avec laparenté de la femme sont incomparablement plusfortes que celles avec la parenté du père nongardien. Ainsi, les adultes âgés de 18 ans à 59 ansvoient-ils leur mère deux fois plus souvent que leurpère lorsque les parents sont séparés (Régnier-Loilier, 2006). Mais c’est aussi le cas pour lesfamilles recomposées dont le fonctionnement meten évidence ce que Sylvie Cadolle (2000) appelleune « matricentralité », le rôle central de la mèreayant tendance à éclipser ceux du père, du beau-père et de l’éventuelle belle-mère.

TTrrooiiss cceerrcclleess aauu sseeiinn ddee llaa ppaarreennttèèlleesseelloonn llee ddeeggrréé dd’’aaccttiivvaattiioonn ddee llaa rreellaattiioonn

Jusqu’où constate-t-on cette plus grande impli-cation féminine dans l’espace de la parenté ? Onpeut distinguer trois cercles concentriques au seinde la parentèle fréquentée (ou « effective ») selonle degré d’activation de la relation (Déchaux,2003) : le « cercle restreint », celui des relationsles plus intimes et/ou assidues ; le « cercle inter-médiaire » composé de relations régulières maismoins assidues ; le « cercle périphérique » quicomprend les parents avec lesquels les relationsdirectes ne sont qu’épisodiques. Au sein du « cerclerestreint » [mère, père, fille(s), fil(s)], le primat fémininest net : le lien mère-fille est le plus fort (14) et leplus investi affectivement, et ce dans les deux sens,ascendant (la femme et sa mère) et descendant (lafemme et sa fille) (Attias-Donfut et al., 2002). Ausein du « cercle intermédiaire » (frères et sœurs,grands-parents et petits-enfants), les femmes sont

également plus impliquées, mais les modalités decette implication diffèrent : prise de nouvelles,circulation des informations, organisation desvisites y compris avec la parenté de l’homme(Déchaux, 2007 b et 2007 c). Quant au lien entregénérations alternées (grands-parents/ petits-enfants),il est plus fort, plus affectif et plus durable dans lalignée de la femme (Attias-Donfut et Segalen,1998). Au sein du « cercle périphérique » [autresconsanguins de rang deux (15) ou plus], lesfemmes servent d’intermédiaires pour mettre enrapport des parents « éloignés » ; c’est aussi à leurinitiative que les « fêtes de famille » réunissant devastes assemblées familiales sont organisées(Attias-Donfut et al., 2002).

Le « biais matrilatéral » désigne aussi les consé-quences pour le couple de ce « kinkeeping »féminin. Puisque la femme est plus impliquéedans les relations de parenté que l’homme, lecouple est davantage lié à la parenté de la femme.La parenté par alliance occupe une place plusimportante dans la sociabilité familiale del’homme que ce n’est le cas pour la femme, tantsur le plan des fréquentations que sur celui del’entraide (Jonas et Le Pape, 2008). Même si lafemme est chargée de l’entretien des relationsavec sa parenté par alliance, elle a tendance àgarder sa disponibilité pour sa propre parenté. Ensomme, le couple se caractérise par une « divisiondu travail relationnel » (Rosenthal, 1985) : les rela-tions sont prises en charge et gérées par la femme,c’est elle qui donne le la, l’homme paraissant plus« résigné » ou plus « docile », sans doute aussi parceque ses attentes en la matière sont plus faibles. Ceconstat est particulièrement net pour les relationsque le couple entretient avec les deux fratries(Déchaux, 2007 b et c). On relève une tendanceà l’« homothétie conjugale » (Déchaux, 2007 b) :homme et femme dans le couple s’accordent avecle temps sur une même conception du lien degermanité. Cette normalisation se fait au profit decelui des deux conjoints qui est le plus engagédans les relations et qui prend à sa charge l’essentieldu « travail relationnel » du couple, c’est-à-dire lafemme. Lorsque l’orientation latérale des fréquen-tations ne correspond pas à une orientationidentique des affections déclarées, la plupart descouples dans cette situation sont symétriques oupatrilatéraux sur le plan affectif (16) ; l’homme ne

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(13) Il est moins accusé et parfois même absent dans les milieux de la haute bourgeoisie et des indépendants (agriculteurs,commerçants et artisans), sans doute en raison de l’impératif de transmission patrimoniale qui s’établit le plus souvent de père en fils.(14) Par « lien fort », on désigne ici un lien dense caractérisé par des rencontres fréquentes et une entraide importante.Cependant, la force du lien n’est pas toujours associée à une affection intense en raison des normes statutaires qui le régissent(sur cette question, voir Déchaux, 2003).(15) Les consanguins de rang deux sont ceux qui ne peuvent être atteints dans la généalogie que par l’intermédiaire d’un autreconsanguin (de rang un). Exemple : mon oncle maternel est un consanguin de rang deux car il est le frère de ma mère(consanguin de rang un).(16) Dans l’étude précitée, 21 couples sur 40 déclarent une orientation des affections qui ne correspond pas à l’orientation desfréquentations. Sur ces 21 couples, 16 sont symétriques (14) ou patrilatéraux (2) sur le plan affectif (Déchaux, 2007 b:324).

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se bat pas pour imposer à son épouse sespréférences personnelles et faire en sorte que lesfréquentations du couple soient plus équilibréesentre les deux lignées.

Au total, au sein de la parentèle, les femmes cumu-lent les attributs de ce que, en analyse de réseau, onappelle la « centralité » (Degenne et Forsé, 1994 ;Lazega, 1998) : placées en position nodale, elle ontaccès à de nombreux parents et servent d’intermé-diaire ou d’« articulateur » pour les contacts ou lesinformations. Le « travail relationnel » des femmesest à la fois ce en quoi consiste leur centralité et cequi la conditionne. En effet, pour maintenir leurposition dans le réseau, elles doivent entretenir descontacts et se tenir informées de ce qui s’y passe.Elles peuvent aussi créer entre elles des « cliques »,c’est-à-dire des sous-groupes particulièrementcohésifs animés de liens forts, denses, fréquents.Observant les familles ouvrières londoniennes,Elizabeth Bott (1957) a parlé de « nucléus féminin »pour qualifier ces groupes féminins, composésd’une mère, de ses filles (et parfois de belles-filles)et de ses sœurs (et parfois de belles-sœurs). Laprésence des femmes de la parenté par allianceest fonction de la composition sexuelle de laprogéniture et de la fratrie. Par exemple, dans lesfratries de garçons, la probabilité qu’une belle-fillerejoigne le « nucléus féminin » n’est pas nulle.

Un investissement de précaution

Qu’est-ce qui produit la centralité des femmes dansles parentèles ? Est-ce le fait d’être mère ou celuid’être femme ? En d’autres termes, s’agit-il d’uneffet de parenté (i. e. occuper une certaine positiondans la parenté, tenir un certain rôle) ou d’un effetde genre (i. e. être une femme indépendamment dela position de parenté occupée) ? On parlera de« matricentrage » dans le premier cas et de « gyné-centrage » dans le second. Les deux interprétationsexistent et se complètent plutôt qu’elles ne s’opposent.Elles se rejoignent autour de l’idée générale que lacentralité féminine est un « investissement deprécaution », une stratégie de protection des femmes.Toutes deux invitent à conjuguer prise en comptedes intérêts et prise en compte de la culture, des stra-tégies et de la socialisation.

LL’’eexxpplliiccaattiioonn ppaarr llaa tthhèèssee dduu «« mmaattrriicceennttrraaggee »»

Historiquement, c’est l’explication par la placeoccupée dans la parenté qui fut mentionnée la

première. On la trouve défendue par les anthro-pologues de l’école anglaise, Raymond Firth(1956), Elizabeth Bott (1957) et, surtout, MichaelYoung et Peter Willmott [1983(1957)] lorsqu’ilscherchent à interpréter l’extraordinaire impli-cation des femmes dans les parentèles dans lequartier de Bethnal Green (Londres). R. Firth aintroduit l’expression de « système matricentré »(ou « matral »), qui signifie littéralement « centragesur le rôle de mère », comme si la centralité desfemmes dans la parentèle était une sorte d’exten-sion de la place et du rôle maternels. PourM. Young et P. Willmott, le « matricentrage » estun effet de l’industrialisation. Dans une perspectivehistorique comparant la parenté urbaine à celledes sociétés paysannes, son émergence est rapportéeà l’absence de droits et d’avantages économiquesliés au père et à sa lignée [Young et Willmott,1983(1957):217-218] (17). L’industrialisation auraitainsi rompu l’héritage professionnel entre père etfils, caractéristique de la période préindustrielle.En conséquence, les hommes auraient moinsd’intérêts en commun que les femmes qui, toutes,quelle que soit leur génération, ont la responsa-bilité de la sphère domestique. Celles-ci sontd’abord des mères, leurs rôles sont moins diffé-renciés que ceux des hommes, très variablesselon leur statut social et leur profession. Ceprofond clivage est redoublé par une sociali-sation très distincte selon le sexe qui, elle-même,est en partie l’effet de la fréquentation de laparenté (18).

Deux points se révèlent décisifs dans la structurelogique de l’argumentation. D’une part, l’idéeque les centres d’intérêt des hommes sont plusdifférenciés que ceux des femmes, qui se définissentd’abord par leur rôle de mère. D’autre part, l’idée,implicite, qu’à partir du moment où les relations deparenté perdent leur fonction « instrumentale »de transmission du statut professionnel, ne resteplus que le cœur affectif ou « expressif » de laparenté, c’est-à-dire le lien utérin mère-enfant. Le« matricentrage » serait donc une sorte de retourà la normale lorsque la parenté est dessaisie deses fonctions instrumentales. Ces deux argumentssont fragiles. Le premier est discutable sur le planempirique, y compris à l’époque (les années 1950) :dans des quartiers comme celui de Bethnal Greenà Londres, l’homogénéité sociale des parentèleset la culture ouvrière très ancrée garantissaientune assez forte unification des centres d’intérêtsmasculins. Le second argument s’appuie sur unevision naturaliste du lien de parenté qui, banale à

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(17) Voir aussi Bott (1957:137). Cette thèse sera ultérieurement reprise et développée dans une perspective interculturelle parDorian Apple Sweetser (1963 et 1966), qui s’efforcera d’établir la corrélation entre l’absence de succession masculine dansles rôles instrumentaux et l’existence d’un biais matrilatéral.(18) À la même époque que M. Young et P. Willmott, et concernant aussi des familles ouvrières londoniennes, E. Bott (1957)constatait en effet que, plus les relations du couple avec le réseau de parents et d’amis sont denses et étroites, plus la répartitiondes tâches et des rôles entre conjoints est sexuée.

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l’époque (19), a été depuis largement récusée(Schneider, 1984).

Mais à cette explication d’inspiration culturalistedu « matricentrage » s’en ajoute une autre, plusconvaincante, développée aussi par M. Young etP. Willmott. La parentèle, expliquent-ils, sert devéritable « syndicat » [Young et Willmott, 1983(1957):219] pour les femmes mères au foyer. Lelien conjugal est exposé à la précarité en raison del’insécurité économique que connaissent leshommes : risque de chômage, maladie, etc. Cetteinsécurité renforce chez les mères le besoin deprotection qu’elles sont les premières à éprouveren cas de difficulté. Le recours au réseau deparenté localisé est, pour la mère, le moyen depréserver les siens, l’équivalent d’une stratégie deprotection contre les accidents de la vie. M. Younget P. Willmott résument leur analyse en utilisantun langage fonctionnaliste qui a plutôt pour effetde la travestir. Ils invoquent une « règle quasiuniverselle » : « Les liens conjugaux faiblesengendrent des liens du sang forts » (Young etWillmott, 1957:219). Mais, dans le fond, l’expli-cation est bel et bien stratégique (et non pasmécanique).

La thèse du « matricentrage » est assurément datée.Elle remonte aux années 1950, à une époque où lesfemmes étaient au foyer ou s’arrêtaient de travaillerpour élever leurs enfants, et concerne un milieusocial, la classe ouvrière urbaine, marqué au coursde cette période, au moins en Grande-Bretagne,par un très fort ancrage local. En ce sens, le réseaude parenté localisé est le signe d’une certaineconsolidation du monde ouvrier, rendue possiblepar la stabilité de la population et l’intégrationcommunautaire (20). Avec l’évolution du statut desfemmes et les transformations du monde ouvrier, lepouvoir explicatif de la thèse s’est affaibli (21).L’explication stratégique garde cependant toute sapertinence si on l’amende en tenant compte de ceschangements récents. Il faut alors se tourner ducôté de la thèse du « gynécentrage ». Cette fois, cen’est plus la place de mère qui importe mais lestatut de femme.

LL’’eexxpplliiccaattiioonn ppaarr llaa tthhèèssee dduu «« ggyynnéécceennttrraaggee »»

Aujourd’hui, la grande majorité des femmes adultesvivent en couple, avec ou sans enfant, et exercentune activité profesionnelle (22). L’implicationféminine dans la parentèle s’est pourtant main-tenue, même si elle n’est plus aussi accusée quedans les quartiers ouvriers des années 1950. Celas’explique par le fait que le « kinkeeping » desfemmes leur permet de disposer d’un éventuelsoutien en cas de besoin. Les femmes sont en effetplus vulnérables en cas de rupture d’union (ellesont plus souvent la charge des enfants et disposentgénéralement, en raison de l’hypergamie féminine,de plus faibles ressources que leurs conjoints) etde perte d’emploi (en raison de leur moindreinsertion professionnelle). L’entretien de liensréguliers avec la parentèle, et au sein de celle-ciavec sa propre lignée plutôt qu’avec celle de sonconjoint (les liens d’alliance étant moins sûrs deperdurer que les liens consanguins), est une stratégiede protection efficace. La centralité féminineserait donc, dans un contexte transformé mais quireste néanmoins lourd de menaces pour lesfemmes, une sorte d’« investissement de précaution »(Herpin et Déchaux, 2004). En cas de problème,les femmes peuvent mettre à profit leur capitalsocial dans la parenté : elles disposent d’un« crédit social » (Coleman, 1990) du fait desnombreuses relations dans lesquelles elles sontengagées.

La thèse du « gynécentrage », on le voit, corrige etcomplète celle du « matricentrage » en prenant encompte les transformations du statut des femmes.Elle ne présuppose pas non plus une pseudo natu-ralité du lien utérin mère-enfant. Elle peut expliquerque le « kinkeeping » ne soit pas uniquement le faitdes mères, mais aussi celui des sœurs ou des fillessans enfant. Ainsi, les femmes dans la parentèlesont-elles relativement interchangeables, indépen-damment de la position qu’elles occupent dans laparenté, ce que les « gender studies » n’ont pasmanqué de souligner (23). La centralité fémininerelèverait donc davantage d’un effet de genre qued’un effet de parenté. Toutefois, les deux thèses

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(19) On la retrouve chez George Peter Murdock [1972 (1949)] à l’appui de sa thèse de l’universalité de la famille nucléaireou chez Talcott Parsons et Robert Bales (1956) dans leur théorie du « leadership » familial. Pour T. Parsons et R. Bales, le« leadership » expressif, dévolu à la mère dans la famille nucléaire, s’explique en partie par la réalité biologique du lienmère-enfant.(20) Au contraire, le sous-prolétaire du XIXe siècle, déraciné, isolé de sa parenté, est exposé de plein fouet aux aléas del’existence. Selon Martin A. Clarke (1986), qui a dépouillé les recensements de 1851 et 1871, Bethnal Green secaractérisait au XIXe siècle par un intense mouvement de va-et-vient, instabilité typique du sous-prolétariat de l’époque. Ilsemble qu’il en ait été de même en France jusque dans les années 1950 en raison de l’histoire de l’industrialisation et dela plus grande hétérogénéité du monde ouvrier. Sur cette question, voir J.-H. Déchaux (2001:chapitre 3).(21) La cité ouvrière du nord de la France étudiée à la fin des années 1980 par Olivier Schwartz (1990) offre de nombreusessimilitudes avec Bethnal Green. Or, il s’agit de familles ouvrières elles-mêmes issues du monde de la mine, constituant ununivers ouvrier très enraciné. À l’époque, cet univers est en déclin et doit faire face à une crise profonde liée auxreconversions industrielles.(22) Trois femmes sur quatre âgées de 30 ans à 59 ans vivent en couple. Quant au taux d’activité des femmes âgées de25 ans à 49 ans, il est passé de 58 % en 1975 à 81 % en 2003.(23) Voir, entre autres, Dominique Fougeyrollas-Schwebel (1994).

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(« matricentrage » et « gynécentrage »), présententla même structure, ce qui confirme leur cousinage,et comprennent toutes deux un volet culturaliste ou« dispositionnaliste ».

La thèse du « gynécentrage » défend l’idée d’uneffet de la socialisation féminine prenant acte dufait que toutes les femmes, quelle que soit leurposition dans la parenté (mères ou non), sont plusimpliquées dans les relations et les liens affectifsavec la parenté, comparativement aux hommes(Yanagisako, 1977). Si les préférences des femmesl’emportent dans le couple, ce n’est pas seulementparce que leur condition est plus précaire, c’estaussi parce que leurs attentes sont plus fortes. Denombreux éléments liés à la socialisation féminineles prédisposent à s’investir davantage dans lesrelations de parenté que les hommes et à nourrirde plus fortes attentes. Les jeunes femmes seraientplus fréquemment que les jeunes hommes portéesà des sentiments de compassion, s’estimant respon-sables du bien-être d’autrui et, au contraire,réticentes à accepter les valeurs de compétitionet d’accomplissement matériel (Beutel et Marini,1995) (24). Le clivage est vrai, toutes choses égales,et stable depuis vingt ans en dépit de l’évolutiondes opinions et de la progression de l’emploiféminin. Il est indépendant de l’insertion de l’indi-vidu dans un réseau de soutien, ce qui suggère quela sollicitude féminine est bien le produit d’unesocialisation sexuée qui trouve son origine dès leplus jeune âge (25) dans l’éducation familiale etqui est redoublée par l’influence du groupe despairs. L’attention à l’autre constitue le noyau durdu genre féminin dans la sphère familiale etprivée. La force des attentes féminines n’apparaîtplus uniquement comme un effet second et, enquelque sorte, mécanique de la rupture de l’héritageprofessionnel entre père et fils (i. e. le retour à lanaturalité du lien utérin mère-enfant).

Sans doute l’explication de la centralité des femmesdans les parentèles doit-elle conjuguer prise encompte de la culture (normes, attentes, savoirstacites, routines) et prise en compte des intérêts(anticiper les problèmes susceptibles de se poser ety faire face). Règles et intérêts n’ont pas à êtreopposés ; ils vont de pair. En effet, toute activitémentale de coordination ou d’anticipation supposede pouvoir mobiliser des catégories cognitives quisont à la fois le produit d’une expérience sociale etde l’appartenance à un collectif. Les femmes se tour-nent d’autant plus aisément vers leur parenté pourfaire face à d’éventuels aléas qu’elles ont acquisdans ces rapports une familiarité : elles savent cequ’elles peuvent espérer y trouver. L’investissement

de précaution est à la fois une stratégie et uneévidence. C’est précisément à ce niveau d’activitécognitive, peu conscient et étroitement articulé àl’action, que se situent les représentations tacites.Elles ne se présentent pas sous une forme discursive,mais contribuent de façon décisive à orienter l’action.

Peut-on parler d’une domination masculine ?

Cette dernière partie s’inspire de l’analyse deréseau pour énoncer quelques hypothèses et renou-veler l’étude de la centralité féminine envisagéesous l’angle des rapports de genre. D’un côté, lagestion des relations dans la parentèle est unecharge que les hommes délèguent volontiers à leursépouses, sœurs, mères et filles. Mais, d’un autrecôté, la centralité des femmes leur confère, commetoute centralité dans tout réseau relationnel, uncertain pouvoir. Ce que les hommes gagnent sur untableau, ils le perdent sur un autre, et réciproque-ment pour les femmes. L’appréciation du phéno-mène du « kinkeeping » féminin sous l’angle de labalance du pouvoir entre homme et femme exigedonc une analyse nuancée, attentive à l’ambi-valence des relations d’échange.

Dans sa brillante et iconoclaste analyse au sujetde la femme dans les sociétés primitives, EdwardEvans-Pritchard se démarquait d’une vision sché-matique et trop extérieure des choses et développaitl’idée que ce qui est restriction pour elle lui offreen même temps une certaine garantie, celle decontrôler la gestion des problèmes domestiques[Evans-Pritchard, 1971 (1965)]. Chacun est maîtredans sa sphère : l’homme vaque aux affairespubliques ; la femme, à sa famille et à ses enfants.L’interprétation peut être en partie transposée à laparenté euraméricaine contemporaine. Françoisde Singly défend une thèse assez proche dansLL’’iinnjjuussttiiccee mméénnaaggèèrree (2007) au sujet de la division dutravail domestique dans le couple. Les tâchesdomestiques sont fort inégalement réparties dans lecouple. Mais cette répartition inégalitaire présentepour l’homme un avantage : une moindre charge etune plus grande indépendance, notammentprofessionnelle. Mais, parallèlement, elle le prive,du fait de cette délégation, de vivre dans un mondeprivé qu’il aurait contribué à définir : « L’hommeaccepte, pour en faire moins, d’avoir un mondedomestique qui lui échappe en partie » (Singly [de],2007:230). Dans la vie domestique et conjugale,l’homme maîtrise peu de choses. Il évolue dansun monde régi par les femmes qui, d’ailleurs,assimilent souvent leur conjoint à un enfantsupplémentaire. La même chose se produit dans la

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(24) Pour un bilan de ces études, voir Michèle Ferrand (2004, chapitre 3).(25) L’analyse de l’offre et de l’appropriation des jouets, des usages sociaux du temps libre et des représentations du genre dansles albums pour enfants, met en évidence une différenciation sexuée très précoce dans l’éducation familiale (Cromer, 2005).

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parenté : les hommes délèguent aux femmes, ycompris les relations avec leur propre parentèle,mais ce sont les femmes qui contrôlent l’univers dela parenté. La parenté est un monde de la « compli-cité (et de la rivalité) des femmes », comme l’avaitbien noté E. Bott (1957) au sujet du « nucléusféminin ». Peut-on alors parler de dominationmasculine ? La réponse dépend de ce que signifie« avoir du pouvoir » dans la parentèle. Est-ce lepouvoir de s’en extraire ou celui d’en contrôler lesressources ? C’est à ce stade que l’analyse de réseaupermet de renouveler les termes du problème. Lacentralité féminine est à la fois une « centralité deproximité » (les femmes sont engagées dans denombreuses relations, directement ou indirecte-ment) et une « centralité d’intermédiarité » (ellessont en mesure par leur position de « passageobligé » de contrôler les interactions des autresacteurs). Parce qu’il existe dans le réseau deparenté des « trous structuraux » (Burt, 1992),c’est-à-dire des « relations non redondantes entredeux contacts » (c’est le cas du réseau 1 dans leschéma 1, au contraire du réseau 2 dans lequel lesrelations sont redondantes, tous les acteurs étant liésentre eux), l’acteur en position de centralité (A)devient incontournable et peut développer diversesstratégies de pouvoir. Trois types de stratégie sontpossibles pour l’acteur en position de centralité (Adans le réseau 1) :

• celle du médiateur (A sert simplement d’inter-médiaire pour que la relation entre les autres puisses’établir) ;• celle du « tertius gaudens » (A tire un avantagepersonnel de la nécessité pour les autres de passerpar son intermédiaire compte tenu du caractèreconflictuel ou incertain de leur relation) ;

• celle, plus cynique, du despote (consistant àcréer un conflit entre les autres acteurs afin de serendre indispensable).

Pour cette raison structurale, les femmes sont enposition de contrôler l’accès aux ressources (maté-rielles et immatérielles) dans les parentèles. Grâce àleur centralité, elles peuvent avoir une influence,directe ou indirecte, sur l’allocation des ressources(aides et services, informations et conseils, biens etargent) au sein du réseau (Coleman, 1990). Pour ledire autrement, leur « capital social » est d’autantplus grand que leur réseau dispose de peu derelations redondantes (cas du réseau 1 dans leschéma 1). Les femmes mettent à profit les « trousstructuraux » de leur réseau pour se rendre indis-pensables. Les hommes dépendent donc de leur« travail relationnel » pour repérer et saisir desopportunités dans la parentèle. Par exemple, la solli-citation d’un parent pour obtenir un conseil ou uncoup de main en matière de bricolage dépend biensouvent des informations qui circulent, parfois defaçon fortuite, lors des conversations féminines.D’un point de vue structural dans cet exemple, lafemme rend possible la mise en rapport de deuxacteurs non adjacents au sein du réseau. Dans leschéma 2, p. 14, les deux hommes H1 et H2 nepeuvent engager un échange que par l’intermédiairede la femme F. Cette dernière détient une positionstructurale avantageuse qui découle de la non-redondance de ses relations : elle contrôle lesressources de H1 et H2. On peut également imagi-ner une autre forme d’articulation si, par hypothèse,la relation entre H1 et H2 est mauvaise ou incer-taine. Dans le schéma 3, p. 14, F adopte la stratégiedu « tertius gaudens » : elle assure un rôle d’arbitreou de négociatrice en se portant garante des bonnes

intentions mutuelles de H1et H2. Sa position cen-trale (cumul de nombreuxliens non redondants et àvalence positive en raisonde sa maîtrise du « travailrelationnel » (26)) lui per-met ainsi de contrôler leréseau et ce qui circuleen son sein. Dans lesdeux cas (schémas 2 et 3,p. 14) (27), H1 et H2 sontdépendants du pouvoirde F, parce que F maîtrisece qui, pour eux, repré-sente une « zone d’incerti-tude » (Crozier et Friedberg,1977). En l’absence de F,

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Schéma 1 - Position de centralité et structure du réseau

B C

A

D

Ré 1

B C

A

D

(26) Un indice de cette maîtrise du « travail relationnel » est la très forte implication des femmes dans l’offre de cadeaux ausein de la parentèle. Pour les fratries, voir J.-H. Déchaux (2007 b).(27) On ne peut non plus exclure a priori l’hypothèse de la stratégie machiavélique du despote, bien qu’elle soit sans douted’une portée moins générale. Seules des données de terrain permettraient d’en apprécier l’opérationnalité.

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selon la nature des ressources mobilisées. Voici unexemple de bénéfice direct parce qu’il concerneune ressource « masculine » : le coup de main dufrère de l’épouse qui vient aider à poser lecarrelage dans la salle de bains permet à l’hommede ne pas avoir à faire ce travail seul ou à payerl’intervention d’un professionnel. Mais, en général,les ressources mobilisées sont plutôt « féminines »,comme dans l’exemple suivant : le fait que lafemme puisse compter sur sa propre mère pourgarder l’enfant en bas âge épargne à l’hommed’avoir à le faire et le libère pour d’autres activitésde son choix.

La grande vertu de l’analyse structurale résidedans la manière, renouvelée, d’aborder la questiondu pouvoir entre hommes et femmes dans laparenté. Certes, la parentèle est une « structured’opportunités » (30) (Sussman, 1970) et, en cesens, ce sont bien les femmes qui contrôlent l’accèsà la plupart de ces ressources. Mais il est tout aussiexact que ces ressources leur sont abandonnées par

H1 et H2 ne pourraient pas engager d’échange.Aussi n’est-il pas surprenant de constater que lesfratries des garçons sont généralement beaucoupmoins soudées et solidaires que les fratries mixtes oucomposées uniquement de sœurs (28) (White etRiedmann, 1992 ; Déchaux, 2007 c). Dans lesfratries mixtes, en cas de tensions, les filles sont plusconciliantes et soucieuses de maintenir l’unité dugroupe des germains, jouant un rôle de « tertiusgaudens ».

L’organisation collective de l’entraide fait état deforts clivages entre hommes et femmes. Concer-nant la prise en charge des parents âgés, SégolènePetite (2005) montre que les hommes en situationde devoir aider cherchent à se faire épauler ens’adressant principalement à leur conjointe et àleurs sœurs. Le réseau des premiers secoursmobilisés par les femmes est plus varié : ilcomprend les sœurs, les filles, les belles-sœurs(ou une autre femme de la parenté éloignée), leconjoint n’intervenant qu’en second choix. Cedéséquilibre confirme les différences de capitalsocial mobilisable dans la parentèle selon legenre et le fait que les hommes dépendent desfemmes de leur parenté ou plutôt comptent surelles. Toute l’ambiguïté réside dans cette dernièreprécision : la dépendance masculine est en mêmetemps un atout ; ce que les hommes ne font pas,les femmes sont censées le faire. En effet, leclivage sexuel des sphères d’activités familialesest tel que la plupart des ressources mobilisablesdans la parentèle concernent des activités consi-dérées comme féminines (29). L’essentiel desressources mobilisées le sont par des femmespour des femmes : elles concernent surtout l’en-traide domestique et consistent en servicesexigeant du temps et du savoir-faire, ces derniersétant conçus comme un attribut naturel du rôlede la femme dans la parenté. Ici, les représenta-tions du rôle féminin tendent à se confondre aveccelles du rôle maternel, soulignant combien il estdélicat d’opposer de façon tranchée matricentrageet gynécentrage.

Le pouvoir des femmes est donc surtout celui dufaible, le pouvoir de celle qui ne peut que trèsdifficilement échapper à son assignation audomestique. C’est dire que les hommes ont tout àgagner de ces arrangements entre femmes. Leurbénéfice est parfois direct, le plus souvent indirect,

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Schéma 2 - La stratégie du médiateur

Schéma 3 - La stratégie du « tertius gaudens »

(28) Ce qui est vrai de la parentèle dans son ensemble l’est aussi du petit réseau relationnel que forme la fratrie : la femmesert d’« articulateur » parce qu’elle est un « passage obligé » pour ses frères. Les fratries de sœurs offrent les conditions lesplus propices à la constitution de « cliques », c’est-à-dire de groupes soudés.(29) Des trois composantes de « l’économie cachée de la parenté » (Déchaux, 1994), c’est l’entraide domestique qui, d’unepart, mobilise le plus les individus et, d’autre part, revient à l’initiative des femmes. Le soutien relationnel et la redistributionde revenu sont une forme d’entraide plus ponctuelle et plus également répartie entre hommes et femmes.(30) Marvin B. Sussman (1970) entend par là que la parentèle facilite, par l’aide multiforme qu’elle peut fournir à l’individuet à sa famille élémentaire, la poursuite d’objectifs individuels ou familiaux. Dans cette perspective, les relations nes’établissent qu’à l’initiative de la personne si elle y trouve un intérêt quelconque.

F

H1 H2

F

H1 H2

++

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les hommes dans le but qu’ils puissent se consacrerà d’autres sphères d’activité (par exemple, lacarrière professionnelle) jugées par eux et parbeaucoup de femmes plus valorisantes sociale-ment. Les deux énoncés sont donc vrais : le pouvoirdans la parentèle est à la fois celui de s’en extraireet celui d’en contrôler les ressources. Les femmessont ainsi simultanément dominées et dominantes.À condition toutefois d’ajouter qu’elles ne sontdominantes qu’à l’intérieur d’une sphère d’activitédélaissée par les hommes, c’est-à-dire dominée.Leur pouvoir est « la force faible des dominés »(Singly [de], 2007:53). On pourrait parler encorede « la faiblesse des liens forts » qui composentleur capital social dans la parenté.

���

La domination de genre comme balancedes bénéfices et des coûts

Ainsi, s’il apparaît que les femmes ne sont pasdépourvues de pouvoir, ce dernier n’opère qu’àl’intérieur d’une sphère d’activité délaissée par leshommes. Deux positions théoriques opposées sont

alors possibles. La première consiste à dire que lepouvoir du dominé ne transforme pas le dominéen dominant. Les raffinements de l’analyse structuralene changent rien à la nature du rapport de forceentre les sexes. La dépendance de l’homme n’estjamais que celle du profiteur à l’égard de l’exploité.La seconde interprétation considère que la domi-nation, ou plus exactement le pouvoir, n’est pasun rapport de sujétion mais une relation d’inter-dépendance, dialectique et ambivalente, quel’analyse structurale de réseau permet de décrirefinement. Plutôt qu’un attribut (individuel oucollectif), le pouvoir est une relation, un échange.Selon cette position, « il n’y a pas de pouvoir, il n’ya que des relations de pouvoir » (31). Ou, pour ledire autrement, toute domination a un coût pourle dominant. La domination de genre, commetoute autre domination, est une balance, relative-ment contingente (32), des bénéfices et des coûts.Selon les opportunités à saisir et les contraintestenant à la structure du réseau, la dépendancedu dominant peut être plus ou moins forte jusqu’àrééquilibrer parfois le rapport de pouvoir entreles partenaires de l’échange. Ne voir qu’unplateau de la balance, c’est avoir une vision figéedes choses.

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(31) Pour reprendre une formule popularisée par Michel Crozier et Erhard Friedberg (1977).(32) En effet, la contingence n’est que relative dans la mesure où la valeur sociale des différentes sphères d’activité et lecaractère « féminin » ou « masculin » des ressources mobilisées résultent de normes et de valeurs issues de l’environnementsocial et sur lesquelles les acteurs au sein du réseau ont peu prise.

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Politiques sociales et familiales n° 95- mars 2009

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