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L'ETAT

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Page 1: L'ETAT

PHILOSOPHIE - L’agirCOURS : L’ETAT

’Etat se définit comme « une société organisée, ayant un gouvernement autonome, et jouant le rôle d’une personne morale distincte à l’égard des autres sociétés analogues avec lesquelles elle est en relation » (André Lalande). L

L’Etat constitue ainsi une institution sociale historique qui ne se confond pas avec la société puisqu’il ne s’est développé que dans certaines d’entre elles : certaines sociétés « primitives » ne connaissent pas l’existence d’un pouvoir politique autonome, mais sont organisées selon des règles indissociablement morales et religieuses. 

      Une puissance absolue   

Pour Thomas Hobbes (cf. Le Léviathan, 1651), la finalité majeure de l’Etat est d’assurer, par tous les moyens, la paix sociale. Hobbes pose en effet qu’il est dans la nature de l’homme d’être un loup pour l’homme. La puissance de l’Etat, résultat du contrat par lequel les individus renoncent à leurs pouvoirs naturels, garantit seule la sécurité de tous. 

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      L’idéal démocratique   

A Hobbes, Jean-Jacques Rousseau objecte : « On vit tranquille aussi dans les cachots : en est-ce assez pour s’y trouver bien ? » L’Etat juste doit être tel qu’il ne prive pas les citoyens de leur liberté : « Renoncer à sa liberté, c’est renoncer à 

sa condition d’homme. » Il faut donc « trouver une forme d’association qui défende et protège de toute la force commune la personne et les biens de chaque associé, et par laquelle chacun, s’unissant à tous, n’obéisse pourtant qu’à lui-même, et reste aussi libre qu’auparavant » (Du contrat social, 1762, I, 6). L’Etat n’est légitime que lorsque le peuple reste souverain, que les lois expriment sa volonté. Par là sont définis les principes majeurs de ce que nous appelons la démocratie. Cet idéal est l’expression politique d’un idéal moral. 

Pour Emmanuel Kant, l’homme est naturellement méchant : « L’homme, observe-t-il, doit être jugé en ce qui concerne son caractère sensible comme mauvais » (Anthropologie). Cette méchanceté est naturelle car elle ne résulte pas de causes extérieures et accidentelles, comme le voulait Rousseau, mais du développement nécessaire, téléologiquement déterminé, de la conscience. Cette méchanceté répond en effet à un plan de la nature car c’est grâce à elle que naissent la discorde par laquelle l’homme sort de son inactivité et l’insociabilité qui permet le progrès des 

Jean-Jacques RousseauPhilosophe "citoyen de Genève"

(1712-1778).

L'homme est un être fondamentalement libre, qui dans l'état de pure nature n'est ni bon ni méchant, et mène

une vie animale où ses désirs ne dépassent pas ses besoins. Ce sont les circonstances matérielles qui ont poussé les hommes à se grouper en société, cause de

tous leurs maux, car négatrice de leur liberté. Pour être bonne, la société doit être fondée sur un contrat social

qui ne peut consister dans l'aliénation de la liberté individuelle au profit de l'Etat (la liberté étant

inaliénable), mais dans une libre association où "chacun met en commun sa personne et sa toute-puissance sous la suprême direction de la volonté

générale", laquelle ne peut être que droite dans son intention.

Principaux écrits : Discours sur l'origine de l'inégalité parmi les hommes (1755), Du contrat social (1762), Emile (1762), Les Rêveries du promeneur solitaire

(posthume).

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Sociétés. Par conséquent, si l’on veut constituer un Etat le meilleur possible, le plus conforme à la loi morale et susceptible d’établir une paix perpétuelle, il ne convient pas de fonder sa constitution sur une bonté et une moralité humaines qui non seulement n’existent pas, mais seraient une entrave au progrès. Il faut donc élaborer la constitution de cet Etat en prenant pour hypothèse extrême que les citoyens seront les plus méchants possibles, tel un peuple de démons. Le problème sera alors de préserver le dynamisme des antagonismes naissant de la méchanceté naturelle des hommes et d’annuler simultanément leurs effets destructeurs en neutralisant les uns par les autres. Selon Kant, la constitution la plus apte à atteindre ce but reste la constitution républicaine. 

Au lieu de chercher à définir un Etat idéal, on peut tenter d’analyser la manière dont l’Etat réel fonctionne. 

      L’idéal démocratique   

Dans le livre de 1513 qui porte ce titre, Nicolas Machiavel tente de comprendre comment des hommes parviennent à prendre le pouvoir politique et à le conserver. Les circonstances (la « Fortune ») et la valeur propre de l’homme d’action (sa « virtù ») expliquent ses succès et échecs. Le « machiavélisme », ou cynisme politique pour lequel tous les moyens sont bons qui assurent la réussite, n’est donc pas le dernier mot de Machiavel, ni l’essentiel. 

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      De l’esprit des lois   

On dit de Montesquieu qu’il était le fondateur des sciences politiques : il tente de rendre compte de la diversité historique des Etats par les conditions qui les rendent nécessaires : « J’ai d’abord examiné les hommes, et j’ai cru que, dans cette infinie diversité de lois et de mœurs, ils n’étaient pas uniquement conduits par leurs fantaisies. J’ai posé des principes, et j’ai vu les cas particuliers s’y plier comme d’eux-mêmes, les histoires de toutes les nations n’en être que des suites, et chaque loi particulière liée avec une autre loi, ou dépendre d’une autre plus générale » (De l’esprit des lois, 1748, Préface). Pour Montesquieu, république, monarchie, despotisme s’expliquent par le climat, la dimension de l’Etat, les mœurs qui en résultent et qui déterminent pour l’essentiel les lois du pays.

Nicolas MachiavelPhilosophe italien

(1469-1527).

Selon Machiavel, en politique prime la raison d’Etat, et la fin (à savoir l’union civile et la paix pour le grand nombre) justifie les moyens. L’homme d’Etat (le « Prince ») doit faire preuve de résolution, de sagacité et d’esprit de ruse, qualités qui constituent sa force, sa virtù.

Principal écrit : Le Prince (1513).

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      L’idée d’un dépérissement de l’Etat   

Dans la théorie marxiste, l’Etat est toujours l’instrument par lequel une classe sociale impose ses intérêts particuliers aux autres classes. Il devrait donc finalement disparaître dans une société sans classes, la société communiste. « Le pouvoir politique, écrivent Karl Marx et Friedrich Engels, est le pouvoir organisé d’une classe pour l’oppression d’une autre. Si le prolétariat, dans sa lutte contre la bourgeoisie, […] s’érige par une révolution en classe dominante et abolit par la violence les anciens rapports de production, il abolit en même temps les conditions de l’antagonisme des classes, les classes en général et, par là même, sa propre domination de classe. A la place de l’ancienne société bourgeoise, avec ses classes et ses antagonismes de classes, surgit une association dans laquelle le libre développement de chacun est la condition du libre développement de tous » (Marx et Engels, Manifeste du Parti communiste, 1848, Editions Sociales).

      La critique anarchiste de l’Etat   

L’Etat idéal

« Le problème de la formation de l’Etat, si dur que ce soit à entendre, n’est pourtant pas insoluble, même s’il s’agissait d’un peuple de démons (pourvu qu’ils aient quelque intelligence) ; il se formule de la façon suivante : « Ordonner une foule d’êtres raisonnables qui réclament tous d’un commun accord des lois générales en vue de leur conservation, chacun d’eux d’ailleurs ayant une tendance secrète à s’en excepter ; et organiser leur constitution de telle sorte que ces gens qui, par leurs sentiments particuliers, s’opposent les uns aux autres, réfrènent réciproquement ces sentiments de façon à parvenir dans leur conduite publique à un résultat identique à celui qu’ils obtiendraient s’ils n’avaient pas ces mauvaises dispositions. » Un pareil problème doit pouvoir se résoudre, car il ne requiert pas l’amélioration morale des hommes, mais il s’agit simplement de savoir comment on peut utiliser par rapport aux hommes le mécanisme de la nature pour diriger l’antagonisme des dispositions hostiles dans un peuple, de telle sorte que les hommes s’obligent mutuellement eux-mêmes à se soumettre à des lois de contrainte, produisant ainsi nécessairement l’état de paix où les lois disposent de la force. »

Emmanuel KANT, Projet de paix perpétuelle, 2e section, 1er suppl., I, Vrin.

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Pour les théoriciens de la théorie politique de l’anarchisme, tout Etat sacrifie inévitablement à ses intérêts la liberté naturelle des individus. 

Une authentique vie sociale suppose donc une suppression de l’Etat et de tout pouvoir. L’anarchie est, littéralement, « absence de commandement », non pas absence d’organisation sociale. Celle-ci résulte naturellement des aspirations individuelles à vivre librement en communauté. « L’anarchie, explique Pierre-Joseph Proudhon, est […] une forme de gouvernement […] où les formes monarchiques, la haute centralisation, remplacées par les institutions fédératives et les mœurs communales, disparaissent. Quand […] par la solution des problèmes économiques, les intérêts sociaux et individuels seront en équilibre et solidaires, il est évident que toute contrainte ayant disparu, nous serons en pleine liberté ou anarchie » (Lettre à X… du 20 août 1864, dans Justice et liberté, PUF).

      L’Etat, monstre froid   

« Etat ? Qu’est-ce, cela ? Allons ! ouvrez vos oreilles, je vais vous parler de la mort des peuples. L’Etat, c’est le plus froid de tous les monstres froids. Il ment froidement ; et voici le mensonge qui s’échappe de sa bouche : -« Moi, l’Etat, je suis le Peuple. » C’est un mensonge ! » (Friedrich Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, 1883). 

FIN DU COURS : L’ETAT

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PHILOSOPHIE - L’agir