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SAINT-AUGUSTIN, Confessions
Livre IX, 19-‐20 Scène de la vie conjugale : Une épouse soumise Peu après avoir rappelé les derniers jours de sa mère, Monique, Augustin évoque quelques souvenirs. Il vante ici le comportement de sa mère, qui sut préserver la paix de son ménage en désarmant par sa patience la brutalité de son marin, Patricius, au demeurant païen, et même les intrigues d’une belle-mère passablement abusive. Ce texte ouvre de curieuses perspectives sur la condition de la femme en Afrique au début du Ve siècle… Monique était chrétienne ; l’Eglise en fera une sainte. VERTUS DE SAINTE MONIQUE Formée à la modestie et à la sagesse, plutôt soumise par vous à ses parents que par eux à vous, à peine nubile, elle fut remise à un homme qu’elle servit comme son maître ; jalouse de l’acquérir à votre épargne, elle n’employait, pour vous prouver à lui, d’autre langage que sa vertu. Et vous la rendiez belle de cette beauté qui lui gagna l’admiration et les respectueux amours de son mari. Elle souffrit ses infidélités avec tant de patience que jamais nuage ne s’éleva entre eux à ce sujet. Elle attendait que votre miséricorde lui donnât avec la foi la chasteté. Naturellement affectueux, elle le savait prompt et irascible, et n’opposait à ses emportements que calme et silence. Aussitôt qu’elle le voyait remis et apaisé, il le lui rendait à propos raison de sa conduite, s’il était arrivé qu’il eût cédé trop légèrement à sa vivacité. Quand plusieurs des femmes de la ville, mariées à des hommes plus doux, portaient sur leur visage quelque trace des sévices domestiques, accusant, dans l’intimité de l’entretien, les mœurs de leurs maris, ma mère accusait leur langue, et leur donnait avec enjouement ce sérieux avis, qu’à dater de l’heure où lecture leur avait été faite de leur contrat de noces, elles avaient dû le regarder comme l’acte authentique de leur esclavage, et ce souvenir de leur condition devait comprimer en elles toute révolte contre leurs maîtres. Et comme ces femmes, connaissant l’humeur violente de Patricius, ne pouvaient témoigner assez d’étonnement qu’on n’eût jamais ouï dire qu’il eût frappé sa femme, ou que leur bonne intelligence eût souffert un seul jour d’interruption, elles lui en demandaient
l’explication secrète; et elle leur enseignait le plan de conduite dont je viens de parler. Celles qui en faisaient l’essai, avaient lieu de s’en féliciter; celles qui n’en tenaient compte, demeuraient dans le servage et l’oppression. Sa belle-‐mère, au commencement, s’était laissé prévenir contre elle sur de perfides insinuations d’esclaves ; mais désarmée par une patience infatigable de douceur et de respects, elle dénonça d’elle-‐même à son fils ces langues envenimées qui troublaient la paix du foyer, et sollicita leur châtiment. Lui, se rendant à son désir et à l’intérêt de l’union et de l’ordre domestique, châtia les coupables au gré de sa mère. Et elle promit pareille récompense à qui, pour lui plaire, lui dirait du mal de sa belle-‐fille. Cette leçon ayant découragé la médisance, elles vécurent depuis dans le charme de la plus affectueuse bienveillance.
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