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INTERVIEW Carole Delga, secrétaire en charge du Commerce et de l'Artisanat, revient sur les apports de la loi Artisanat, commerce et très petites entreprises, la mise en du futur compte pénibilité, ainsi que sur les initiatives du gouvernement pour soutenir l'artisanat et l'apprentissage. propos recueillis par Julien vander Feer Carole Delga, secrétaire en charg du Commerce et de l'Artisanat « Nousvoulons enforcerla compétitivité des petites entreprises » Commerce magazine : La loi Artisanat, commerce et très petites entreprises a été définitivement adoptée le 21 mai 2014. Quel bilan en tuez-vous ? Carole Delga : Cette loi donne satisfaction à de nombreux artisans et commerçants. Nous avons traité des sujets épineux, comme la réforme des baux commerciaux, pour lesquels nous avons prévu un encadrement de l'augmentation d'une année sur l'autre. Nous avons aussi renforcé le rôle des pouvoirs publics en matière d'ur- banisme commercial pour accroître la diversité commerciale dans les centres-villes et favoriser louvcrture de nouveaux com merces. Autre point important : la clarification de la qualité d artisan et la mise en de contrôles des qualifications et des assurances obligaroires. Enfin, nous avons pérennisé et rénové le Fonds d'in tervention pour les services, l'arti sanat et le commerce (Fisac). Nous avons cependant l'im pression que le gouverne ment souffle à la fois le chaud, avec la loi Artisanat, commerce et très petites entreprises, et le froid, avec le compte pénibilité. Com ment rassurer les petits patrons? Le compte pénibilité crée des inquiétudes, notamment che^ les petits patrons. Manuel Valls, ainsi que plusieurs ministres, estime qu'il permet de prendre en consi dération la forte usure existant dans certains métiers. Mais le Pre mier ministre sait aussi qu'il est important de ne pas négliger la taille de nos entreprises et les moyens dont elles disposent pour mettre en ce dispositif, 11a donc tranché et annoncé début juillet une montée en puissance progressive du compte pénibilité. Il sera déployé à partir du 1er jan vier 2015 dans certains secteurs, et au 1er janvier 2016 pour le bâti ment. D'ici là, nous allons mener un travail de concertation avec les organisations représentatives pour déployer le compte pénibilité le plus efficacement possible dans les petites entreprises. Concrètement, comment les dirigeants de TPE vont-ils pouvoir mesurer précisé ment l'exposition de cha cun de leurs salariés à des facteurs de pénibilité ? Nous avons échangé sur ce point avec François Rehsamen, ministre du Travail. Nous sommes conscients qu'il n'y a pas de direc tion des ressources humaines dans les TPE, et encore moins de service de gestion des risques. Des groupes de travail vont être mis en place pour faciliter la mise en application du compte pénibilité. Parmi les sujets d'inquié tude figure aussi la durée hebdomadaire minimale de 24 heures pour les salariés travaillant à temps partiel... aussi,ManuelValls a prisune décision sans équivoque en annon çant que la spécificité de certains Tous droits de reproduction réservés Date : 01/09/2014 Pays : FRANCE Page(s) : 4;6 Rubrique : RUE DU COMMERCE Diffusion : (60000) Périodicité : Mensuel Surface : 169 %

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INTERVIEWCarole Delga,secrétaire d'État en charge du Commerce et de l'Artisanat,revient sur les apports de la loiArtisanat, commerce et très petites entreprises, la miseen œuvre du futur compte pénibilité, ainsi que sur les initiatives du gouvernementpour soutenir l'artisanat et l'apprentissage. proposrecueillisparJulienvanderFeer

Carole Delga, secrétaire d'État enchargdu Commerce et de l'Artisanat

«Nousvoulonsenforcerla

compétitivitédes petitesentreprises »

Commerce magazine : LaloiArtisanat, commerce et trèspetites entreprises a étédéfinitivement adoptée le21mai 2014. Quel bilan entuez-vous ?Carole Delga : Cette loi donnesatisfaction à de nombreux artisanset commerçants. Nous avons traitédes sujets épineux, comme laréforme des baux commerciaux,pour lesquels nous avons prévu unencadrement de l'augmentationd'une année sur l'autre. Nousavons aussi renforcé le rôle despouvoirs publics en matière d'ur-

banisme commercial pouraccroître la diversité commercialedans les centres-villes et favoriser

louvcrture de nouveaux com

merces. Autre point important : laclarification de la qualité d artisan

et la mise en œuvre de contrôlesdes qualifications et des assurancesobligaroires. Enfin, nous avonspérennisé et rénové le Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (Fisac).

Nous avons cependant l'impression que le gouvernement souffle à la fois lechaud, avec la loi Artisanat,commerce et très petitesentreprises, et le froid, avecle compte pénibilité. Comment rassurer les petitspatrons?Le compte pénibilité crée desinquiétudes, notamment che^ lespetits patrons. Manuel Valls, ainsique plusieurs ministres, estimequ'il permet de prendre en considération la forte usure existant

dans certains métiers. Mais le Premier ministre sait aussi qu'il estimportant de ne pas négliger lataille de nos entreprises et lesmoyens dont elles disposent pourmettre en œuvre ce dispositif, 11adonc tranché et annoncé débutjuillet une montée en puissanceprogressive du compte pénibilité.Il sera déployé à partir du 1er janvier 2015 dans certains secteurs, etau 1er janvier 2016 pour le bâtiment. D'ici là, nous allons menerun travail de concertation avec lesorganisations représentatives pourdéployer le compte pénibilité leplus efficacement possible dans lespetites entreprises.

Concrètement, comment lesdirigeants de TPEvont-ilspouvoir mesurer précisé

ment l'exposition de chacun de leurs salariés à desfacteurs de pénibilité ?Nous avons échangé sur cepoint avec François Rehsamen,ministre du Travail. Nous sommesconscients qu'il n'y a pas de direction des ressources humaines dansles TPE, et encore moins de servicede gestion des risques. Des groupesde travail vont être mis en placepour faciliter la mise en applicationdu compte pénibilité.

Parmi les sujets d'inquiétude figure aussi la duréehebdomadaire minimale de24 heures pour les salariéstravaillant à temps partiel...Làaussi,ManuelVallsa prisunedécision sans équivoque en annonçant que la spécificité de certains )»

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Date : 01/09/2014Pays : FRANCEPage(s) : 4;6Rubrique : RUE DU COMMERCEDiffusion : (60000)Périodicité : MensuelSurface : 169 %

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y» secteurs est désormais prise encompte. Deux voies de dérogationà la durée minimale ont été prévues : une dérogation collectivepar

voie d'accords de branche étendus,et une dérogation individuelle, à lademande du salarié.

L'apprentissage est un sujettrès important pour lesentreprises de proximité.Comment comptez-vousaider les TPEà recruter etformer plus de jeunes ?Des annonces fortes ont été faiteslors de lagrande conférence socialepour relancer l'apprentissage. Lafeuille de route du gouvernementprévoit des incitations financières- 1 000 euros par apprenti et paran - pour les TPE qui recrutentpour la première fois un apprentis,lorsqu'un accord de branche auraété conclu. Elle prévoit aussi des

mesures d'accompagnement desapprentis, dont 80 millions d'eurospour faciliter leur logement et100 millions d'euros pour aider àl'insertion sociale des jeunes dansles régions, où leur taux de chômage est supérieur à 25 "/a.Elleprévoir enfin un travail sur l'imagede l'apprentissage, insuffisammentvalorisé comme une filière d'excellence. Par ailleurs, je demanderaiau Fonds national de promotionet de communication de l'artisanat(FNPCA), établissement publicdont j'assure la tutelle, de financerdès 2015 une campagne de communication sur le sujet.

Vous avez pris vos fonctionsen juin, quels sont vos dossiers prioritaires ?Le plus important,cest de renforcerlacompétitivitédespetitesentreprises. Pour y parvenir, nous

«Nousavons demandé au secteurbancaire de faciliter l'accès au créditde trésorerie des TPE.»Carole Delga, secrétaire d'État en chargedu Commerce et de l'Artisanat«/UHiaMBBaBi^nM

souhaitons soutenir leur trésorerie. Nous avons reçu les banquesen mai, avec Arnaud Monte-

bourg, ainsi que le rapport de lamédiatrice du crédit. Noussommes conscients qu'il faut aiderles TPE. Nous avons doncdemandé au secteur bancaire deleur faciliter l'accès au crédit detrésorerie. C'est un sujet que noussuivons particulièrement. Nousvoulons que les banques développent plus de produits dédiésau soutien de la trésorerie desentreprises artisanales.Par ailleurs, avec les chambresconsulaires, nous allons continuerà expliquer comment obtenir lepré-financement du Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (Cice). Nous pensons en effetque ce dispositif va monter enpuissance dans les mois à venir. Laraison en est simple :de nombreuxpetits patrons ont reçu, fin mai, autitre du Cice, des liquidités équivalentes à 4 Vode leur masse salariale. Ils ont donc compris quel'aide est réelle. En 2014, ils pourront pré-financer 6 % de leurmasse salariale, soit 50 0Zode plusqu'à l'heure actuelle.

Au-delà du Cice, commentle gouvernement souhaite-t-il soutenir la compétitivité des TPE?Tout d'abord, nous voulons allégerles charges pour les entreprises. Lepacte de responsabilité prévoit1 milliard d'euros d'allégements decharges dédiés aux indépendantsnon concernés par le Cice, dans lalimite de 3,5 Smic.En outre, une baisse dégressive descotisations patronales pour lesemployés rémunérés jusqu'à1,6 Smic encrera en vigueur au1erjanvier 2015.

Soutenir l'artisanat, c'estégalement mettre en valeurses métiers...Exactement. C'est pour cette raison que nous voulons valoriser lesavoir-faire des métiers de l'artisanat. Je parle icide la beauté et de

la technicité du geste. Pour allerdans ce sens, nous avons créé lamention "Fait maison" clansla restauration afin de reconnaître letalent des chefs cuisiniers.Un autre dispositif me semble trèsimportant : il s'agit des indicationsgéographiques pour les produitsmanufacturés et les ressourcesnaturelles. Elles vont permettre demettre en valeur les savoir-fairelocaux, tels que la dentelle deCalais, la porcelaine de Limoges,les vases d'Anduse, mais aussi lapierre de Volvic ou l'ardoise deBretagne. Elles vont aussi les protéger, puisque ces indications géo-graphiques seront déposées àl'Inpi. Il y aura donc une vraieprotection juridique de nos savoir-faire régionaux, de façon à éviterun nouveau "cas Laguiole''

Cette promotion de la qualité estimportante, car les Français et lestouristes étrangers recherchentcette spécificité qui donne de l'âmeà nos territoires.

Enfin, comment Tendreattractif les métiers de l'artisanat auprès des jeunes ?Il (aut démontrer que des métierscomme garagiste et boucher sontdes professions nobles. C'est toutle rôle de l'orientation. En outre,l'apprentissage doit permettre auxjeunes de se projeter dans l'aveniret de comprendre que l'artisanatest une voie d'excellence. Je penseque la réforme territoriale engagéeauprès des régions va permettreplus de cohérence entre l'orientation, le développement économique et la formation. L'idée estde valoriser les métiers en tension,ainsi que les vocations. Htpuis, il ya un travail à réaliser sur la visionque nous avons de certains métiersde l'artisanat. Par exemple, le CAPchaudronnier, présenté ainsi, n'estpas très attrayant. Mais c'est unmétier indispensable pour l'aéronautique. Ou encore l'artisanatd'art, qui est indispensable à lapréservation de notre patrimoine.Il faut revaloriser toutes ces formations et tous ces métiers. B

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Date : 01/09/2014Pays : FRANCEPage(s) : 4;6Rubrique : RUE DU COMMERCEDiffusion : (60000)Périodicité : MensuelSurface : 169 %