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Un agenda pour un Etat efficace

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Page 1: Un agenda pour un Etat efficace

0123SAMEDI 7 JANVIER 2017 idées | 7

MA VIE EN BOÎTE | CHRONIQUEpar annie kahn

Parent, patron : mêmes combats, mêmes résultats !

D ans le passé, avoir desenfants était une sorte d’as­surance­vieillesse. Une fa­

çon de se garantir des moyens de subsistance, à un âge avancé, sans retraite préfinancée. Puis cet « actif » est passé du côté du « passif ». L’en­fant devenant une charge financière et non plus un investissement.

Cette vision horriblement compta­ble – on vous l’accorde – serait en passe de basculer à nouveau. Car élever une progéniture commence à être reconnu comme une sacrée expérience, un atout à valoriser dans un curriculum vitae. Parce que le seul fait d’être parent serait enfin reconnu comme un gage de compé­tences, fort utiles dans la vie active, et donc monnayables sans attendre !

Jusqu’à présent, afficher le nombrede ses héritiers avait, en entreprise, des conséquences très inégales. Si être à la tête d’une famille nom­breuse rehaussait l’image du pater fa­milias, il n’en était pas de même pour la mère, dont l’employeur redoutait qu’elle ne soit pas assez dis­ponible pour assurer la productivité recherchée dans son établissement.

De fait, les femmes continuent de passer beaucoup plus de temps que les hommes aux tâches domestiques et parentales. En moyenne, les fem­mes consacrent trois heures trente par jour aux tâches domestiques, contre deux heures pour les hom­mes, selon l’Insee. Et cet écart dimi­nue extrêmement lentement. Mais, outre que cette plus forte implication dans les foyers n’empiète pas pour autant sur les heures dévolues à son employeur, il est désormais prouvé que ces actions sont une excellente formation aux fonctions d’encadrement et de direction.

On l’avait déjà empiriquement pressenti. Les travaux académiques le confirment. Il serait donc légitime de s’en prévaloir, que l’on soit homme ou femme.

L’ESSOR DU NUMÉRIQUETrois jeunes ingénieurs des Mines, Claire Baritaud, Thibault Hennion et Xavier Starkloff, en ont fait le sujet de leur mémoire de troisième année de formation dans cette prestigieuse école. « Travail, famille, profit : quand l’entreprise s’inspire de la famille »,

écrivent­ils en titre de leur ouvrage. Les nouveaux styles de management plus collaboratifs, et moins autori­taires, l’essor du numérique qui favorise le travail en réseau au détriment de la hiérarchie font que principes familiaux et mana­gériaux convergent.

« La sphère familiale, parce qu’on y pratique intensément les relations, est un terrain privilégié pour exercer et développer des compétences qui s’avèrent de plus en plus incontour­nables dans le monde professionnel », affirment Claire Baritaud et Xavier Starkloff, dans l’article consacré à leurs travaux, paru en novembre dans La Gazette de la société et des techniques.

« Etre un bon leader requiert les mêmes qualités que pour être un bon parent », précise de son côté, de l’autre côté de l’Atlantique, Simon Sinek, expert en leadership, auteur de Leaders Eat Last (« les chefs man­gent en dernier »), livre non traduit en français, mais dont l’auteur fait un tabac grâce à ses conférences TED, visionnées plus d’un million de fois. Son propos n’est en rien

un éloge du paternalisme. Il part d’un constat. Un bon parent doit être à la fois exigeant vis­à­vis de sa pro­géniture et encourageant. Car s’il est encourageant, sans être exigeant, ou exigeant sans encourager, il est tour à tour trop permissif, ou trop autori­taire, ce qui n’augure rien de bon. Et pire encore, s’il n’est ni l’un ni l’autre.

Autre analogie : « Avoir un enfant est la partie marrante de l’histoire. L’élever est plus difficile. C’est exacte­ment la même chose [en entreprise]. Créer une société, c’est rigolo. Mais en devenir le dirigeant, mettre les inté­rêts de ses collaborateurs avant les siens propres, c’est un choix. » Et c’est nécessaire, ajoute cet expert. Parce que « si vous attendez de vos équipes qu’elles travaillent vraiment bien ensemble et fassent le boulot, elles doivent savoir que vous vous sacrifie­riez pour elles », répond­il. Sous­en­tendu, comme un père ou une mère pour leurs enfants. Celui ou celle qui aura mis ces principes en pratique en famille sera ainsi expérimenté pour les déployer en entreprise.

L’âge des collaborateurs ne fait rienà l’affaire. Exigence et encourage­

ment sont de puissants leviers de motivation quand ils sont utilisés avec sincérité, tant vis­à­vis des adul­tes que des enfants.

Conséquence : « L’entreprise doit mettre fin à toute méfiance vis­à­vis de la vie familiale de ses collabora­teurs. Elle doit, au contraire, considé­rer celle­ci avec enthousiasme, car elle en tirera profit », concluent Claire Baritaud et Xavier Starkloff, dont on se doute que, à l’aube de leur entrée dans la vie active, ils aimeraient bien pouvoir concilier les deux. Vie professionnelle et vie familiale. Au mieux. Pour elle, comme pour lui !

[email protected] : @anniekahn2

LES NOUVEAUX STYLES DE MANAGEMENT PLUS 

COLLABORATIFS FONT QUE PRINCIPES FAMILIAUX ET 

MANAGÉRIAUX CONVERGENT

Et à la fin, c’est la tortue qui gagneLa lumière jetée sur les start­up, par contraste avec le sombre destin des « vieilles » entreprises, néglige la réalité des responsabilités économiques et sociales

par emmanuelle duez et françois hisquin

L es années 2000 avaient eucette vertu de donner à nos jeu­nes diplômés la soif d’entre­prendre. Fini les envies de

L’Oréal, Morgan Stanley ou autre Mc­Kinsey ! Il fallait désormais créer sonavenir soi­même. Après le krach des dot­com qui, en 2000, a assommé une génération entière, une nouvelle vaguea suivi avec les années Uber. Les moti­vations ont changé, l’envie de transfor­mer le monde a pris le relais. Les multi­ples coups de projecteur des différents ministres ou candidats désireux de s’approprier la paternité du mouve­ment n’ont fait qu’amplifier ce phéno­mène. C’est tellement plus chic dans uncocktail de présenter sa start­up et de s’ériger en héros des temps modernes !

Il est ainsi devenu une évidence queces « jeunes pousses » souples, rapides,adeptes des nouvelles façons de pen­ser, allaient créer de l’emploi et mettre au tapis les entreprises installées – ap­pelons­les « end­up »… Pourquoi est­il de si bon ton de canoniser les start­up,et au contraire de signer l’arrêt de mort des grandes entreprises ? Parceque les start­up se positionnent au car­refour de trois discours valorisés : ellesrépondent de la pulsion créatrice del’économie libérale, exaltent des va­leurs de dynamisme et d’intensité en­trepreneuriale, et vendent le slogan« small is beautiful ».

Ces lièvres agiles, frugaux, digitaux« by design » et fiers de l’être s’oppose­raient ainsi aux tortues, lentes par défi­nition. Ces dernières font l’objet d’une pré­autopsie rapide dont le bilan sem­ble sans appel : traînant comme des boulets tous les archaïsmes de l’écono­

mie française, elles demeurent incapa­bles de réagir et de se saisir de l’explo­sion des technologies et innovations promues par les géants du Web.

Et pourtant, elles avancent à leurrythme. Les changements qui survien­nent dans les end­up passent inaper­çus, absorbés par l’immensité des structures, où une nouveauté en chasse une autre. La Poste a su réinven­ter son métier d’origine ; Auchan redé­ploie l’ensemble de ses effectifs sans li­cencier la moindre caissière. Grandes garantes de l’emploi sur un marché du travail instable, certaines conçoivent leur modèle sur la stabilité, les contratsà durée indéterminée, la rémunéra­tion prioritaire des plus anciens ac­tionnaires, ce qui détone dans un monde réputé instable… et peut leurvaloir une baisse du cours de Bourse, une menace d’OPA !

DEUX FORMES DE RESPONSABILITÉSComparer les lièvres et les tortues, c’est comparer deux formes de responsabi­lités. Les jeunes entrepreneurs, diri­geants et propriétaires, n’ont la respon­sabilité que de leur bébé, tandis que les dirigeants de grandes entreprises, dif­férents des propriétaires depuis bien longtemps, héritent d’une histoire, de centaines de collaborateurs, d’un des­tin. Si l’échec d’une start­up est au pire un incident de parcours, celui d’une grande entreprise est un drame social, voire politique. Plus surveillées, et con­trôlées, les grandes entreprises rem­plissent bien mieux le cahier des char­ges légal et social que les start­up.

Or, tout le monde n’est pas entrepre­neur. Beaucoup de fantasmes fabri­quent des simulacres de start­up, des images déviées de petites entreprises malignes qui « hackent » les grandes entreprises. Mais combien de lièvres font véritablement la course avec des tortues, combien de start­up propo­sant des modèles alternatifs plus prati­ques et moins chers ? Très peu. Blabla­car peut­être, Criteo pour les plus à lapage. En réalité, la plupart des start­up ne se frottent pas aux entreprises cor­porates, elles se contentent d’ouvrirleurs propres micromarchés… Mais, in fine, combien d’emplois créent­elles vraiment ?

Il ne s’agit pas ici de décourager lesentrepreneurs, mais de redresser les projecteurs pour ne pas être aveuglé. Rapprocher les entreprises innovantes et les « corporates » semble être unevoie d’accès rapide au meilleur des mondes possibles, pour les deux par­ties. Mieux vaut vivre à deux plutôt quede mourir seul. Car nous connaissons tous l’issue de la fable…

par arnauld bertrand

L e prochain gouvernement de­vra engager une transforma­tion profonde de l’Etat pourdisposer d’une administra­

tion assurant à moindre coût des ser­vices publics plus performants, tirant bénéfice de la révolution digitale etrenforçant la compétitivité de la France. Il lui incombera de mettre enplace un programme de réforme am­bitieux et structuré, de mobiliser l’en­semble des leviers de modernisation, de responsabiliser les cadres publicset de donner du sens à une transfor­mation publique essentielle au bon fonctionnement du pays.

Il conviendra tout d’abord d’instal­ler un processus de réformes piloté auplus haut niveau de l’Etat et incarné par un ministre au poids politique incontestable. Ce dernier devra s’ap­puyer sur une administration asso­ciant les meilleures compétencesmixtes de corps d’inspection, de con­sultants et de start­up rompus auxméthodes de transformation et d’in­novation, et capable de tirer les leçonsdes réussites internationales.

UNE IDENTITÉ NUMÉRIQUE UNIQUELe gouvernement devra éviter de re­lancer de multiples audits. Certaines décisions majeures auront été prépa­rées, d’autres ont déjà fait l’objet demultiples rapports et un exercice de synthèse, éclairé de réussites étran­gères, devrait suffire à retenir lesmeilleures options et enclencher la transformation. Les dispositifs à fort impact budgétaire (Sécurité sociale,éducation, formation pro­fessionnelle…) pourront enfin faire l’objet d’analyses poussées et con­duire à des propositions de profonderefonte. Il serait enfin utile d’éta­blir un processus régulier de revuedes missions installant, à l’instar

des Britanniques (spending reviews– « examen des dépenses » – cou­vrant en trois ans l’essentiel des mis­sions), un processus d’améliorationcontinue associant le Parlement.

Au­delà de leviers connus (mu­tualisation, simplification, dématéria­lisation, réorganisation…) qu’il faudra continuer d’appliquer à l’ensemble de la sphère publique, trois leviers inno­vants peuvent avoir un impact parti­culièrement significatif.

Le gouvernement pourrait avoir re­cours à des « services managés »consistant à confier au secteur privéla production de service faisant appelà des compétences peu présentesdans l’administration ou trop chèresà acquérir. UK Trade & Investment aainsi confié à un prestataire privé la recherche d’investissements étran­gers pariant sur la force d’un réseauinternational connecté avec le tissuentrepreneurial et reprenant par ailleurs pour trois ans (en les for­mant) les agents publics concernés.La prestation de service étant rému­nérée au résultat.

Le levier numérique me semble de­voir également être plus systémati­quement mobilisé. En commençant par le chantier majeur d’une identité numérique unique (point de départ de toute simplification et de toute ré­volution numérique comme l’a dé­montré l’Estonie). Fini les identifiants multiples pour les services des im­pôts, mon service­public.fr ou l’Assu­rance­maladie. L’efficacité des servi­ces pourra également être renforcée – à effectifs constants – avec un re­cours accru au numérique, commele montre le déploiement de tablettes et d’applications métiers à certainesforces de police au Royaume­Uni,avec à la clé des effectifs redé­ployés sur le terrain, une capacité de réaction accrue et de meilleures conditions de travail. L’utilisation dela robotique pour la production de services à faible valeur ajoutée peut aussi permettre des économies trèssignificatives tout en améliorant laqualité de service, à l’instar duCanada, qui renouvelle à présent un passeport en une heure trente !

Le troisième levier est celui du bigdata, l’exploitation des données pou­vant accroître la performance desservices : comme en Australie pour renforcer les services de protectionde l’enfance par des informations plus précises et des analyses pré­dictives, en Allemagne pour identi­fier les offres pertinentes pour undemandeur d’emploi, ou en Nouvel­

le­Zélande pour disposer d’indica­teurs robustes appréhendant la per­formance de politiques publiques parnature complexes.

Pour réussir, le gouvernement devraaussi pleinement responsabiliser les cadres publics. Et s’appuyer sur des ministres connaissant leur champ d’action ministériel. Leurs cabinets gagneraient à être composés de direc­teurs d’administrations centrales choisis et complétés par un nombre restreint de membres de cabinet aux profils mixtes afin d’éviter de dou­blonner et de court­circuiter l’admi­nistration par des cabinets pléthori­ques et technocratiques, mal très fran­çais. S’appuyant sur des comitésexécutifs resserrés (tel le Comex duministère de la Défense), les ministresdeviendront de véritables « patrons »,comptables de la performance de leur administration. Et les directeurs d’ad­ministration centrale se verront enfin doter de véritables contrats de perfor­mance et de marges de manœuvre as­sociées (organisation, recrutements)et présenteront régulièrement desrapports de performance intégrés auprocessus de décision budgétaire.

UNE COMMUNICATION POSITIVEEnfin, et ce n’est pas le moindre desenjeux, il est indispensable de donner du sens à la réforme en présentantune vision claire du projet de société visé et du programme de transforma­tion associé. Sur cette base, il faudramettre en place un dispositif de com­munication positive, intensive et ré­gulière, interne et externe, annonçantles initiatives et les réalisations.

Il s’agira de susciter l’adhésion endémontrant aux agents comme aux usagers que, au­delà de la nécessaire équation budgétaire, la stratégie estde construire une administration plusefficace au service de tous. La réussite passera également par des dispositifs de conduite du changement accom­pagnant et formant les agents, leur permettant de passer de carrières à l’avancement à de véritables parcours de compétence.

Beaucoup a été accompli depuis dixans, mais plus encore reste à engagerpour disposer demain d’une adminis­tration répondant aux enjeux d’un monde et d’une société en profonde mutation.

¶Arnauld Bertrand,associé chez EY(ex-Ernst & Young),est responsablemondial des activités de conseil au secteur public

Un agenda pour un Etat efficaceLa transformation de l’administration seraun chantier majeur du prochain quinquennat

L’UTILISATIONDE LA ROBOTIQUE

POUR LA PRODUCTIONDE SERVICES À FAIBLE 

VALEUR AJOUTÉEPEUT AUSSI PERMETTRE 

DES ÉCONOMIESTRÈS SIGNIFICATIVES

¶Emmanuelle Duez est entrepreneuse, cofondatrice de The Boston ProjectFrançois Hisquin est fondateur et PDG d’Octo Technology