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ETUDE EXPLORATOIRE SUR L’ACCES A LA SANTE DES ENFANTS AYANT DES DIFFICULTES D’APPRENTISSAGE ET DEVELOPPEMENTALES ISSUS DE FAMILLES EN SITUATION DE PRECARITE EN HAUTE-SAINTONGE, Le 8 décembre 2015, Jonzac Clélie Dureau Catherine Flora Sébastien Lodeiro 1

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ETUDE EXPLORATOIRE

SUR L’ACCES A LA SANTE DES ENFANTS AYANT

DES DIFFICULTES D’APPRENTISSAGE ET

DEVELOPPEMENTALES

ISSUS DE FAMILLES EN SITUATION DE PRECARITE

EN HAUTE-SAINTONGE,

Le 8 décembre 2015, Jonzac

Clélie Dureau

Catherine Flora

Sébastien Lodeiro

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L’ETUDE EXPLORATOIRE

Les résultats de cette étude doivent permettre de préciser le diagnostic local

pour :

Lancer une dynamique partenariale autour des besoins identifiés avec l’ensemble des partenaires (professionnels, associations, parents) du réseau d’acteurs de la Haute-Saintonge ;

Questionner l’offre de santé globale sur le territoire en fonction des

besoins repérés auprès des familles ; Renforcer l’analyse des pratiques au sein du futur réseau à partir de la

parole des familles ; Définir les évolutions possibles de l’offre locale pour améliorer

l’accompagnement de ces familles.

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Objectifs de l’étude exploratoire

Objectifs opérationnels de l’étude :

Mener des entretiens auprès de familles en situation de précarité pour mieux comprendre leurs vécus et leurs parcours pour l’accès à la santé de leurs enfants ayant des difficultés d’apprentissage et développementales ;

Interroger leurs relations avec les professionnels en lien avec leurs enfants ; Connaître les solutions mises en place par les familles ; Avoir une vision de leur connaissance de l’offre de santé.

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Contexte de l’étude exploratoire

o Il s’agit pour l’IREPS de compléter les pistes explorées par l’enquête précédente (données quantitatives + 16 entretiens auprès des professionnels) sur l’accès aux soins des enfants ayant des difficultés d’apprentissage et issus de familles en situation de précarité.

o Rappel des conclusions de l’enquête précédente :

• Insuffisance quantitative de l’offre de soins non avérée ; • Un parcours de soins qui reste difficile à mettre en place ; • Une offre en décalage avec les contraintes des familles « précaires » ; • Inadaptation de certains services d’accompagnement des familles tels

que les Taxis Mouettes ; • Un manque de coordination locale autour d’un projet commun ; • Une perception des familles sans ressource et ayant « renoncé ».

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5

Nombre de familles

interviewées 13

Enfants concernés 19

Durée des entretiens

(moyenne) 2 heures

Les familles rencontrées pour l’étude

Canton

Montlieu-

la-Garde

Canton

Montguyon

Canton

Montendre

Canton

Mirambeau

Total

Nombre de

familles

interviewées

3

5

3

2

13

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Tableau du nombre d’enfants concernés par l’étude selon les tranches d’âges et le sexe

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De 3 mois

à 3 ans

De 4 ans à

11 ans

De 12 ans

à 18 ans +18 ans Total

Filles 1 3 3 0 7

Garçons 1 7 2 2 12

Total 2 10 5 2 19

L’échantillon de l’étude

Durée moyenne des entretiens : 2 heures On remarque une majorité de garçons repérés en difficultés scolaires au sein des familles rencontrées.

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Profils des familles

Les caractéristiques des familles : o Des familles majoritairement monoparentales (9/13) avec des mères élevant seules leurs enfants ; o Des enfants avec un vécu familial compliqué (absence du père, familles d’accueil…) ; o Des familles majoritairement en situation de précarité exerçant des petits « boulots » et bénéficiant d’aides sociales (RSA, CAF, allocations chômage…) et d’une couverture sociale ; o Des familles nombreuses : 7 d’entre elles ont 3 enfants ou plus ; o Des familles majoritairement en possession d’un véhicule (8/13), 3 familles font appel aux Taxis Mouettes ; o Quelques familles non originaires de la Haute-Saintonge qui ont quitté la ville pour un environnement jugé de meilleur qualité. 7

Page 8: Etude familles haute saintonge  part ii vf

Un territoire agréable avec une bonne qualité de vie : «J'aime bien car je voulais voir mon fils grandir à la campagne au lieu de la ville donc là je me plais bien même s’il y a

certaines choses qui me gênent comme la mentalité des gens» ; «Notre but à tous les deux c'était de voir grandir nos enfants à la campagne enfin regardez, c'est pas du tout la même

qualité de vie. Ici ils peuvent s'amuser dehors, se promener dans la nature. Et puis on est très bien intégrés au village» ;

«Moi j'aime pas les gens, enfin j'aime pas quand y a trop de monde, la ville. Donc ici, j'aime bien c'est tranquille» ;

Une mentalité fermée : «Les gens sont pas très ouverts», «Les mentalités sont durs ici, c'est "craignos"» ; «Quand j'emmène le p’tit à l'école on vous regarde de la tête au pied parce que vous êtes pas de Montguyon. Et puis,

les gens ils savent tout ici…ici les gens se mêlent de vos affaires. Après j'ai rien entendu mais les regards ça dit tout» ;

« Y a que des vieux ici. Ils vous regardent d'une façon trop bizarre» ;

Un territoire en difficulté : «C'est très précaire ici, les gens font de la peine à voir » ; «J'aime pas, en plus y a rien à faire, y a pas de boulot ici » ; «Y a rien à faire, au niveau médical, comme c'est sur le sujet de l'étude, y a absolument rien ou alors faut se déplacer

sur Jonzac ou Saintes » ; «Ici c'est pourri. Y a rien, pas de commerce, tout ferme, là y a un magasin de fringues qui va fermer encore».

Une perception du territoire positive qui est plus souvent le fait de familles non originaires du territoire

et en recherche d’une vie à la campagne. Et des perceptions négatives liées à la mentalité locale, un sentiment d’abandon, d’un manque de

dynamisme et de services sur le territoire.

Perception du territoire par les familles

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Les difficultés des enfants décrites par les familles

Les familles évoquent un ensemble de symptômes, des appréciations sur le comportement ou le caractère de leur enfant, des difficultés scolaires, des problèmes d’intégration scolaire, des maladies. Tous ces éléments se combinant au fil des rencontres avec les professionnels pour parfois déboucher sur un diagnostic ou plusieurs.

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Des séries de difficultés qui se combinent pour former des diagnostics

o Des séries de symptômes qui se combinent / des diagnostics qui se succèdent au fil des consultations :

- Problème de vue - problème neuromusculaire – problème psychomoteur – Relation mère enfant - problème de DYS

- Problèmes d’apprentissage - problèmes de comportements - problèmes familiaux :

- Difficultés scolaires - hyperactivité – problème familial - violence – dyspraxie/dyslexie.

o Des combinaisons complexes à mettre en perspective avec des contextes de

précarité, de ruptures familiales qui, du point de vue des professionnels, semblent devenir aggravants dans l’analyse des difficultés de l’enfant.

o Une tendance à la « psychologisation » de problèmes familiaux qui empêche

d’entendre le problème concret d’inadaptation scolaire et parfois ralentit les diagnostics (DYS) :

« Mon médecin m'a conseillée de prendre contact avec l'UPIJ pour rencontrer un pédopsychiatre car

pour lui son comportement (le fait qu'il soit turbulent à l'école) ne venait peut être pas que de sa dyslexie mais aussi de l'absence de son père ».

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Le repérage des difficultés

Pour les familles rencontrées les difficultés sont signalées par : L’école : maître, maîtresse, directeur d’école puis médecin scolaire La mère Les professionnels de santé, les voisins ou une amie ; Peu de signes avant-coureurs repérés par la famille « Parce qu’il était agité à l’école », « Parce qu’il ne savait pas tenir un crayon en grande section », « C’est vrai qu’à

l’école, il avait très peu d’amis, il se mettait à l’écart et avait de très mauvais résultats scolaires » ; « Je suis allée voir le directeur parce que je trouvais que la grande avait changé » ;

Bien entendu les difficultés scolaires, objet de notre travail, rassemblent ici des enfants

dont les problématiques émergent au contact de l’école en premier lieu mais à des âges très différents. Pour les familles rencontrées les difficultés des enfants peuvent être signalées tardivement (entre 3 et 14 ans).

Dans certains cas il y a une nécessité de s’accorder entre parents, enseignants sur « l’anormalité » des constats sinon rien n’est entrepris. Parfois ce sont aux parents de convaincre les professionnels (santé et éducation nationale) qu’il y a un problème : « Il

faudrait qu’on se voit autour d’une table, il pourrait comprendre, mon fils à 10 ans s’habille pas seul, écrit pas seul,… Ils veulent pas le voir, ils ont pas envie de comprendre ».

Les médecins généralistes sont ici absents du repérage de ces problématiques.

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Difficultés des enfants

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Difficultés d’apprentissage : « Difficultés pour apprendre » ; « Oublie très vite » ; « Son cerveau ne retient pas » « Il avait de très mauvais résultats scolaires » « Il avait des difficultés de concentration mais c'était pas un enfant turbulent, juste il n'arrivait pas à suivre et avait de mauvais résultats scolaires » «Il oublie très vite ce qu'il vient de lire et confond des lettres. Donc on m'a dit qu'il était dyslexique et dyspraxique. » « Et puis en CP, il avait beaucoup de mal à écrire et beaucoup de difficultés à lire. II a été véritablement reconnu dyslexique en mai dernier » « Et puis en Moyenne section, il ne savait tenir un stylo » « Pour l'instant, on nous a dit qu'il avait des difficultés de motricité, de langages et de concentration mais rien de plus. » « Il avait du mal à parler, il mélangeait des syllabes. »

Difficultés liées au comportement scolaire : « Elle a un gros caractère, elle est très autoritaire donc je me demande moi-même comment elle a des amis. » « J'ai été convoqué chez le directeur ...pour le comportement "turbulent" et les conneries qu'il faisait en classe. » « Il était pas bagarreur, mais il faisait l’imbécile, se faisait remarquer, tous les jours un mot dans le carnet à signer. » « Il a des problèmes de concentration depuis qu'il est petit. Il était très violent » « Comme son comportement était de plus en plus violent, on est allée voir un psychiatre à l'UPIJ qui a dit qu'il était hyperactif. »

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Difficultés des enfants

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Difficultés d’intégration à l’école : « Il avait très peu d'amis, il se mettait à l'écart des autres » ; « Mais l'école il aime pas ça, il est pas bien. ... c'est un petit très réservé et puis comme il est un peu

gros, les autres se moquent de lui », « Et puis le fait qu'il soit pas bien, il va pas dire les choses. il travaille pas donc ses résultats sont nuls » ;

«Bon, comme tous les gamins, il était agité et n'aimait pas à aller à l'école » ;

Problèmes de santé : « Alors les médecins scolaires disent qu’il a un problème au niveau des yeux », « Problème

neuromusculaire » ; «Infirmité motrice-cérébrale », « En fait, ses opérations lui ont laissé des séquelles, elle a du mal à

parler et à bouger ses doigts » ; « Dès la naissance il a eu des problèmes de vue puis de langage » ; « Problème de strabisme prononcé » ; « Bah, …j'ai reçu le courrier comme quoi j'étais déficient intellectuel » ;

Difficultés à la maison (repérées par les parents) : « Depuis tout bébé, elle faisait que dormir, dormir et mangeait très peu donc ça m'a inquiété » ; « J'ai une relation difficile avec …j'arrive pas à la prendre dans mes bras, je sais pas pourquoi » ; « Elle faisait toujours des caprices jusqu'à se taper la tête contre les murs » ; « Je l’ai habillé jusqu’en 5 ème » ; « Il jouait pas avec les jeux d’éveil, toujours au cou, il était hyper fatiguant » ; « Moi je sais que mon fils est intelligent, c'est juste qu'il a la flemme de travailler, il aime pas ça alors

bon... » ; « Il a des problèmes de concentration depuis qu'il est petit. Il était très violent » ; « Un retard parce qu'il était toujours pas propre et ne savait pas marcher ».

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Difficultés des adultes

Réactions de rejet des enseignants et parfois des AVS : « Refus d’une AVS, le maître me dit qu’il veut s’en occuper…Il appelle le maître qui l'engueule "mais qu'est ce

que t'as touché encore! et là le maître en l'engueulant le prend par le cou! » (Enfant diagnostiqué dyslexique et dyspraxique) ;

« L’enseignante, lorsqu’elle a su ce qu’il avait, elle l’a mis au fond de la classe » (Enfant diagnostiqué dyslexique et dyspraxique) » ;

« Et ça faisait pas mal de temps qu'il se faisait dénigrer par cette femme (une ATSEM), elle lui disait sans cesse que c'était un bon à rien, qu'il n'allait jamais réussir dans la vie. Dire ça a un gamin de 3 ans c'est lamentable » ;

« Tout sauf l'école de … car l‘… c'est une incapable qui donne des conseils inutiles ou rabaisse les enfants » ;

Incompréhension des parents : « …pour savoir ce qu'il en est, savoir pourquoi il est si triste et qu'il travaille pas enfin pourquoi il est comme

ça » ; « Le fait qu'il soit réservé et qu'il soit triste à l'école c'est peut-être qu'il y a quelque chose. Mais il ne me dit rien

… donc peut-être qu'avec un psy on en saura un peu plus » ; « Son traitement pour l'hyperactivité lui a fait prendre du poids et il dormait plus. En plus, il avait des idées

noires, il se mutilait donc j'avais peur pour lui » ;

Incompréhension des enfants : « Très mal, je me suis énervé… je sais que j'ai un retard par rapport aux autres mais pour moi j'en suis pas au

stade de déficient mental. Je veux pas être méchant mais les déficients mentaux c'est ceux qui sont enfermés dans des asiles, dans des centres psychiatriques. »

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Le déplacement géographique des familles vers des professionnels

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Carte sur la mobilité des familles vers les professionnels de santé :

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Le déplacement géographique des familles vers des professionnels

La mobilité : La plupart des familles se déplacent pour leur enfant. Qu’elles possèdent un véhicule ou non elles sont prêtes à aller trouver les professionnels de santé. Leur territoire de recherche s’étend sur les départements voisins (Bordeaux, Libourne, Angoulême, Blaye) du fait de : - La proximité avec leur lieu de domicile: « Je l'emmène souvent à l'hôpital de Libourne, c’est à côté » ;

- Les familles sont prêtes à se déplacer plus loin pour leurs enfants : « A la base je voulais mettre ma fille en SESSAD, j'étais prête à me déplacer jusqu'à

Saintes. », « Je vais souvent à Bordeaux car elle est suivie par le neuropsy depuis toute petite» ;

Ceci semble indiquer que la mobilité n’est pas le problème primordiale des familles interrogées. Même lorsqu’elles n’ont pas de véhicule elles s’organisent et font appel à la famille, les amis, les voisins, les Taxis Mouettes ou sont prêtes à conduire sans permis s'il le faut.

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Nombres de professionnels consultés par les parents rencontrés

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Nombre de professionnels du privé et du public par professions

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L’accès aux soins des familles rencontrées

Comme le tableau précédent l’indique, les enfants peuvent avoir rencontré, dans le parcours de prise en charge de leur problématique, de 4 à 16 professionnels du champ sanitaire et social ;

On observe également que les médecins généralistes, les orthophonistes, les

psychologues, la MDHP et les assistantes sociales sont les professionnels les plus sollicités par les familles.

Si l’accès aux soins sur le territoire est difficile et les délais d’attente pour un RDV sont

très longs, les familles sont entourées de professionnels ; Pour l’IREPS il n’y a pas de problématique de non accès aux soins.

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Analyses

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Le « parcours du combattant » de l’une des familles

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L’accès aux soins des familles rencontrées

Parcours du combattant : S'il existe des délais d’attente importants, les parents avec de l’énergie et de

l’opiniâtreté réussissent à trouver des professionnels ; Du repérage des 1ères difficultés à la pose d’un diagnostic, les délais varient

entre 1 ½ an et 5 ans « …Pendant un an j’ai attendu d’avoir un rendez-vous avec l’UPIJ : autant dire qu’attendre une année et

voir son gamin mal à l’école sans pouvoir l’aider, c’est dur » ;

« …11 mois pour le voir 10 minutes… » ; Ruptures dans les parcours de santé : les familles tâtonnent, s’épuisent,

renoncent, recommencent : « Ça dure 15 minutes chez le psy : « Bonjour; comment ça va ? … OK, voilà ton ordonnance. Au

revoir » ; « … l’AS de l’UPIJ a proposé,… la CIM de Jonzac, personne ne connaissait ni le psy, ni le médecin,

personne… » ; « Dès qu’un enfant ne rentre pas dans la case « normale », on sait pas quoi en faire, on ne sait pas

l’orienter ».

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L’environnement professionnel des familles : exemple

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Fragmentation de la prise en charge de l’enfant

Un cloisonnement des professionnels : « Ce qui manque… c’est qu’ils (professionnels) sont tous dans leur coin, mais s’ils échangeaient

sur la situation d’un de leur patient commun, je suis sûre qu’il y aurait du bon pour lui » ; Ceux-ci n’orientent pratiquement pas ou ne réorientent pas vers d’autres professionnels, soit parce

qu’ils ne sont pas sensibilisés aux difficultés rencontrées, soit parce qu’ils ne connaissent pas bien leur environnement professionnel.

Les familles sont entourées de professionnels qui ne se parlent pas (cf : enquête auprès des

professionnels IREPS 2014) . Les parents doivent répéter, à de multiples reprises, l’histoire de leurs enfants (professionnels de santé, à l’école, à chaque changement d’enseignant, de directeur, d’établissement) et sont soumis à la multiplicité de leurs regards, de leurs interprétations de la situation.

Des éléments contradictoires entre les acteurs donnent parfois un sentiment d’incohérence ou

d’incompétence des professionnels à certains parents. Certains d’entre eux se résignent à leur incompréhension et suivent le parcours désigné malgré ses incohérences.

Il existe une fragmentation du regard sur les situations, un manque de continuité de l’offre et

de prise en compte globale (au-delà du médical) de l’enfant et de la famille.

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Difficultés de prise en charge de l’enfant

Des parents perdus qui se chargent seuls de la coordination, du parcours de leur enfant :

« Dès qu'un enfant ne rentre par dans la case "normale" on sait pas quoi en faire, on ne sait pas l'orienter.

Les parents doivent se débrouiller en attendant d'avoir des rendez-vous » ; « Avec lui, ça été le parcours du combattant » ; « On s'en fout ici parce qu'on vous dit "appelez untel" mais personne aide si jamais untel ne répond pas ou

ne prend pas de rendez-vous » ; « La psy et l'orthophoniste sont surchargés, y a trop de monde, on sait pas trop ou aller en fait » ; « Je me suis toujours débrouillé tout seul. Dès que tu sors du système scolaire on est laissé tombé » ; « T'es entouré d'organismes mais c'est "démerde-toi à nous trouver » ;

Des délais d’attente qui aggravent la situation de l’enfant : « Pour des rendez-vous avec des spécialistes comme à l'UPIJ et des orthophonistes, il y a des listes

d'attente de 6 mois!! » ; « Pour l'orthophoniste, j'ai attendu 6 mois et pour un simple rendez-vous avec l'UPIJ un an! C'est sûr ici, on

est les oubliés » ; « Bof, il faut souvent attendre, attendre. Nan mais l'UPIJ de Jonzac c'est n'importe quoi. Moi quand je suis

dans la salle d'attente, j'aime bien observer ce qu'il se passe et je vois bien que la secrétaire elle est débordée » ;

«…avait 5 ans quand on a suspecté sa dyslexie et 10 ans quand ça été reconnu par la MDPH » ; « Non, avec le CMPP, c'est n'importe quoi, j'arrive même pas à prendre un rendez-vous » ; « 11 mois pour le voir (psy) 10 mn et qu'il pose son diagnostic de déficience mentale ».

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Difficultés de prise en charge de l’enfant

Des parents dans l’obligation de recourir au privé malgré les coûts : « De toute façon si vous allez voir un spécialiste qui n'est pas privé les rendez-vous c'est sur des mois et des

mois et nous on voulait qu'il soit pris en charge rapidement parce que si c'est trop tard il peut y avoir des conséquences. »

« ... passe en CP et pendant un an j'ai attendu d'avoir rendez-vous avec l'UPIJ que j'ai eu en juin donc un an après le rendez-vous avec le médecin scolaire. Autant dire qu'attendre une année et voir son gamin mal à l'école sans pouvoir l'aider, c'est dur. Entre temps, je suis allée voir la psy de Montguyon qui m'a conseillée de prendre un psy privée à Bussac, ce que j'ai fait et j'ai perdu près de 400 euros pour entendre ce que je savais déjà (qu'il avait des difficultés etc). »

Il existe manifestement une tension forte sur l’offre des professionnels du territoire. Les parents, malgré leurs faibles revenus, sont prêts à avancer ou dépenser des sommes importantes pour accéder à un professionnel de santé. (Système de santé à 2 vitesses)

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Page 25: Etude familles haute saintonge  part ii vf

Des parents exclus de la prise en charge de leur enfant

Des enfants et des parents qui ne se sentent pas écoutés : « Que ce soit des professionnels médicaux ou ailleurs, on écoute jamais le parent. Mon enfant

il a tel ou tel problème, ils pensent qu’on est des parents trop protecteurs, qui surprotègent donc on invente des problèmes aux enfants… » ;

« Ca dure 5 min chez le psy " Bonjour comment ça va? Ca va. Ok, voilà ton ordonnance. Au revoir". En fait suivi ou pas suivi c'est pareil. Il m'écoute pas ! J'ai du le voir 4 fois dans ma vie et ça a duré maximum 15mn. » ;

« Déjà il fait un diagnostic en me rencontrant 10mn et en plus il s'en fout de comment ça va. Il a pas appris à me connaître » ;

« Les AVS prennent des dossiers aux hasards. Elles essayent même pas de comprendre l'enfant » ;

« On a jugé mon fils tout de suite sans trouver de solution » ; « Elle n'écoutait même pas l'avis de mon fils. Ils sont pas du tout à l'écoute ici, on écoute ni

l'enfant ni les parents alors ça sert à rien ».

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Page 26: Etude familles haute saintonge  part ii vf

Des parents exclus de la prise en charge de l’enfant

Des parents qui se sentent méprisés : « Bonjour, je suis le médecin qui s'occupe des boules dans la tête des enfants. Nan, mais il me

prenait pour une débile ou quoi, pourquoi il ne me dit pas cash ce qu'il y a » ; « Ils m’ont pris pour une débile » ; « On nous prend pour des animaux, on va à droite à gauche. On nous prend pour des sauvages en

fait » ; «…Regard de supériorité auprès de l’éducation nationale, l’UPIJ, dans les cabinets médicaux » ;

Un manque de confiance entre professionnels et familles : « Une fois à l'UPIJ (l'année dernière) après un bilan, le psy me dit "vous pourrez passer ce dossier

au médecin, svp" et j'ai lu le dossier que je devais sûrement pas lire et y avait écrit "infirmité motrice-cérébrale" mais jamais ils me l'ont dit et je veux pas en entendre parler » ;

« …Aller voir un psy, Dr … Je l'ai vu 10 min et c'est tout. Après j'ai reçu un papier comme quoi j'étais déficient intellectuel ».

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Le vécu des familles

Des parents qui se sentent coupables : oUne culpabilité individuelle : « On culpabilise beaucoup ! Est-ce que ça vient de nous ? Est-ce qu’on a fait quelque chose qu’il ne fallait

pas ? Beaucoup de questions viennent et remettent en cause nos rôles de parents », « Je l’ai faite tombée à la

maternité, donc je pensais que c’était les séquelles » ;

oUne culpabilité renforcée par l’environnement familial, professionnel ou éducatif : « elle (la psychologue) m’a dit que si elles (les filles) réagissaient comme ça, c’est parce que je n’étais pas assez ferme avec mes filles et qu’elles me poussaient jusqu’à ce que j’en peux plus. Elle m’a dit aussi que ça venait peut-être du fait qu’elles ne voyaient pas assez leur père.. », « On a pas forcément dit que mon fils avait un problème mais que c’était moi qui l’élevait mal » ;

oUne culpabilité renforcée par l’intériorisation de croyances ou stéréotypes sociaux : «Je suis seule et mon fils en profite », « dans ma famille, on m’a toujours dit « les maîtresses et les maîtres ont toujours raison, c’est comme ça et c’est pas autrement », « Mon fils est handicapé mais il est pas débile », « Je veux pas être méchant mais les déficients mentaux, c’est ceux qui sont enfermés dans des asiles, dans des asiles psychiatriques ».

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Page 28: Etude familles haute saintonge  part ii vf

Le vécu des enseignants

Des enseignants qui sont en difficulté face aux problématiques des enfants :

L’analyse des entretiens avec les familles nous a mené à réaliser des entretiens complémentaires avec des professionnels.

Ces entretiens ont mis en évidence la difficulté des enseignants face aux problématiques de ces enfants. L’enseignant semble se retrouver seul avec un sentiment de ne pas faire ce qu’il faut.

Cette situation semble favoriser : - une mise à l’écart de l’enfant, - un regard négatif sur les parents, - une exportation des problématiques vers le médical.

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Page 29: Etude familles haute saintonge  part ii vf

Le vécu des familles

Le diagnostic est un moment de soulagement des parents : « Je suis contente parce que je sais ce que c’est. On était soulagé » ;

« Est-ce que tu te rends compte que tu as traumatisé ton enfant ? En lui mettant la pression pour qu’il rentre dans le moule. Après mon problème, de toutes façons, je savais pas ce qu’il avait. En fait ce n‘est pas qu’il ne veut pas le faire, c’est qu’il ne peut pas le faire » ;

« Très très surprise, et en même temps soulagée de savoir enfin ce qu’il avait » ; « J’accepte ce qu’on me dit, l’important c’est qu’il soit pris en charge » ;

Le diagnostic joue ici un rôle déculpabilisant pour les parents, il permet de

comprendre ce qu’il se passe et d’espérer une prise en charge rapide.

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Page 30: Etude familles haute saintonge  part ii vf

Les conditions favorables au travail avec les parents

Des professionnels qui s’adaptent aux réalités des parents : « Faut des professionnels qui savent faire la part des choses. » «On peut payer en plusieurs fois, l’ergo. »

Une intégration des parents dans le projet avec l’enfant (CIM) : « Avant la rentrée, en août, je suis intégrée par l'équipe pédagogique qui me parle du cas de …, de son

programme scolaire. Il y a beaucoup d'écoute, je peux vraiment m'exprimer. Ah oui, quand il rentre tous les soirs, je le trouve plus calme, moins énervé, cela a vraiment rien à voir avec avant » ;

« On discute avec la maîtresse de l'insertion de … dans une classe "normale", . Il est content d'y aller le matin et de retrouver des copains qu'il s'est fait là-bas. Il a fait pas mal de progrès au niveau de ses résultats scolaires » ;

Se retrouver avec d’autres parents : « Il faut un entourage, ce que j’aurai aimé c’est de me retrouver avec d’autres mamans comme moi,

pouvoir m’exprimer, qui avaient une expérience ».

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Page 31: Etude familles haute saintonge  part ii vf

Les conditions favorables au travail avec les parents

D’autres modes de relation (réciprocité) entre parents et professionnels : « Il m’ a parlé d’égal à égal, il n’était pas hautain.. Il me donnait les mots scientifiques, il m’expliquait

tout, il se mettait à la place de la maman. C’est une très bonne expérience que j’ai eu. Plutôt soulagée » ;

« Faut un autre mode de relation qu’avec le professionnel, avec des interventions auprès des parents… Des professionnels qui peuvent répondre aux questions très spécifiques des parents. Si y a un groupe de 5 ou 6 parents il va y a avoir un échange avec les parents »

« Faut que cela soit très convivial, canapé fauteuil » ;

Ces relations d’égal à égal avec un décentrement du professionnel du soin existent sur le territoire ; nous l’avons repéré dans le discours des mamans surtout lorsque les mères sont perdues et qu’elles craquent :« quand il

a vu que j’étais à bout ». Alors peut se créer un échange sur le ressenti, le vécu et le quotidien très concret de la famille (approche globale). Les professionnels cités comme ayant permis d’améliorer la situation de l’enfant sont ceux qui ont « démédicaliser » leur regard pour faire face à la détresse de ses mères.

Pour l’IREPS ceci constitue un projet d’évolution des pratiques

professionnelles à promouvoir pour renforcer la pertinence de l’offre territoriale.

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Page 32: Etude familles haute saintonge  part ii vf

CONCLUSIONS

Constats liés à l’offre des professionnels de santé : Multiplicité et cloisonnement des interlocuteurs ; Faible réorientation des familles par les professionnels vers les professionnels

adéquats ou orientation systématique vers des structures publiques surchargées ; Délais pour le diagnostic et la prise en charge des troubles ; Délais de traitement des dossiers par la MDPH : 2 à 6 mois (délai le plus courant)

avec des refus non motivés ; Absence d’accompagnement de l’entourage de l’enfant (notamment des mères) ; Posture des professionnels de santé : peu de recherche d’adhésion des familles ; Absence de communication des professionnels de santé entre eux ; Absence de communication des professionnels de santé et des professionnels de

l’éducation. 32

Page 33: Etude familles haute saintonge  part ii vf

CONCLUSION

Constats liés aux professionnels de l’éducation : Professeurs des écoles peu sensibilisés aux troubles du comportement : avant la

prise en charge, l’enfant est considéré comme un élément perturbateur et traité comme tel ;

Relations difficiles avec les parents et/ou absence de communication (enfant vu par

un psychologue scolaire sans que les parents en soient avertis) ; Résistance parfois à la présence d’une AVS ; Absence de communication des professionnels de l’éducation entre eux ; Absence de communication entre les professionnels de l’éducation et le médecin

scolaire et les parents.

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Recommandations IREPS

o Changer les regard des professionnels sur les familles en situation précarité « Une perception des familles sans ressources ayant renoncé » : les familles interviewées ont eu des parcours faits d’essais, de tâtonnements, d’erreurs, de ruptures et de recommencements mais aucune d’entre elles n’a renoncé à aider leur enfant ;

o Ne pas laisser les parents seuls face à la difficile organisation des soins et de la santé de leur enfant => d’où la nécessité de faciliter le parcours des familles en leur proposant une coordination micro-locale des pratiques de soins et de santé pour servir d’intermédiaire, de courroie de transmission, d’accompagnement des parents et des professionnels, faire évoluer les pratiques de soins vers une approche globale ;

o Développer une approche globale des difficultés de l’enfant => nécessité de prendre en compte l’environnement familial, éducatif et social de l’enfant et de ne pas traiter uniquement les symptômes de celui-ci ;

o Renforcer la confiance entre les familles et les professionnels pour favoriser la reconnaissance du parent en tant que moteur et organisateur de la prise en charge de l’enfant => nécessité de réaffirmer le parent dans ses compétences éducatives (proposer, si besoin, un accompagnement au parent et l’outiller dans la prise en charge quotidienne de son enfant : le cahier des colères par exemple).

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Recommandations IREPS

o De la formation et de l’accompagnement des professionnels pour renforcer les pratiques de codécision et de co-éducation avec les parents ;

o le 1er interlocuteur est le maître ou la maîtresse => d’où la nécessité de former ces acteurs de 1ère ligne en les sensibilisant (parents, associations, professionnels) aux troubles du comportement et de l’apprentissage afin qu’ils puissent être mieux repérés et en les aidant à parler de leurs difficultés à gérer certains élèves afin de mieux accepter l’aide extérieure ;

o Des délais de prise de diagnostic et de prise en charge raccourcis => amélioration de la communication avec les familles (notamment pour l’UPIJ), compréhension et amélioration de la prise en charge administrative de la MDPH (délais de 2 à 6 mois) ;

o La création de nouvelles modalités de travail collectives et collaboratives pour faciliter une orientation systématique du parent vers les professionnels adéquats (créer ou réactualiser des plaquettes sur les ressources du territoire).

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Recommandations IREPS

o Développer des temps de dialogues entre parents ayant vécu ces problématiques ;

o Développer de temps d’échanges entre parents et professionnels (rendez-vous communs entre médecin scolaire, psychologue, maître ou maîtresse, professionnels de santé et parents en amont et en aval du diagnostic) ;

o Informer sur les troubles du comportement et de l’apprentissage pour éviter la confusion avec la déficience intellectuelle et éviter un regard discriminant : création de plaquettes du type « Repérer, comprendre et orienter »…

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