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Centre Hospitalo-universitaire d’Alger Service de Gynécologie Obstétrique Beni Messous DR TAYEBI Les effets délétères du tabac sur la fertilité et la grossesse. I. Introduction Le tabagisme de la femme enceinte représente un problème de santé publique, et le nombre de femmes qui fument pendant leur grossesse est passé de 10 % à 25 % les dernières années (France). Ainsi, 70 % des femmes fumeuses continuent à fumer pendant la grossesse et la majorité de celles qui arrêtent de fumer reprennent le tabac après l’accouchement. II. Composition de la fumée du tabac Plus de 4000 substances ont été identifiées. 1. Dans la phase gazeuse, Il y a 10 à 15 % de gaz carbonique, 3 à 6 % de monoxyde de carbone, 0,1 à 0,2% d’acide cyanhydrique et des composés organiques volatils (1 à 3 %) tels que des aldéhydes, cétones et hydrocarbures. 2. Dans la phase solide, Il y a des substances cancérigènes (hydrocarbures polyaromatiques, dérivés nitrés, aldéhydes, nitrosamines, cétones, benzène, éléments radioactifs), des irritants (acroléines), des métaux (nickel, cadmium),

Les effets délétères du tabac sur la fertilité et la grossesse

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Page 1: Les effets délétères du tabac sur la fertilité et la grossesse

Centre Hospitalo-universitaire d’Alger

Service de Gynécologie Obstétrique

Beni Messous

DR TAYEBI Les effets délétères du tabac sur la fertilité et la grossesse.

I. Introduction

Le tabagisme de la femme enceinte représente un problème de santé

publique, et le nombre de femmes qui fument pendant leur grossesse

est passé de 10 % à 25 % les dernières années (France).

Ainsi, 70 % des femmes fumeuses continuent à fumer pendant la

grossesse et la majorité de celles qui arrêtent de fumer reprennent

le tabac après l’accouchement.

II. Compos i ti o n de l a f umé e du t a ba c

Plus de 4000 substances ont été identifiées.

1. Dans la phase gazeuse,

Il y a 10 à 15 % de gaz carbonique, 3 à 6 % de monoxyde de carbone,

0,1 à 0,2% d’acide cyanhydrique et des composés organiques volatils

(1 à 3 %) tels que des aldéhydes, cétones et hydrocarbures.

2. Dans la phase solide,

Il y a des substances cancérigènes (hydrocarbures polyaromatiques,

dérivés nitrés, aldéhydes, nitrosamines, cétones, benzène, éléments

radioactifs), des irritants (acroléines), des métaux (nickel, cadmium),

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des radicaux libres (quinones, hydroquinones, époxydes, CO,

composés peroxydes), et la nicotine.

Les principaux constituants du tabac passent la barrière placentaire

et peuvent atteindre le fœtus. En conséquence par exemple le taux

maternel de carboxyhémoglobine varie de 5 à 15 % pour une

consommation de 20 cigarettes par jour et celui du fœtus est égal à

1,8 fois celui de la mère.

III. APPRECIATION DE LA CONSOMATION DU TABAC

La consommation de tabac peut être appréciée de façon précise par

le dosage de la cotinine (80 % des produits de la dégradation de la

nicotine).

Elle est présente dans tous les milieux biologiques (sang, urines,

salive, lait, cheveux, liquide amniotique,…).

Et elle se retrouve (la cotinine) chez le fœtus et dans le liquide

amniotique.

IV. Altération de la fertilité

Le tabac a un effet anti œstrogènes et favorise la production

d’androgènes surrénaliens engendrant la baisse du nombre

d’ovocytes, l’augmentation du nombre d’ovocytes anormaux, et la

baisse du nombre d’ovules libérés.

Le tabac est à l’origine de retard dans la conception, directement

proportionnel au nombre de cigarettes fumées et à la durée du

tabagisme (réversible à l’arrêt du tabac).

Par ailleurs, le tabac diminue la fécondité par augmentation des

infertilités d’origine tubaire.

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Il favorise l’avancement de l’âge de la ménopause (2 ans plus tôt en

moyenne).

Que le père ou la mère fument risque ainsi de diminuer sensiblement

la fertilité du couple. Il est donc essentiel de se sevrer avant tout

projet de grossesse. D’ailleurs, le tabac serait l’une des raisons de

recours à la fécondation in vitro pour certains couples.

V. Fécondation in vitro

Les effets délétères du tabac sur les techniques de fécondation in

vitro sont également connus. De manière générale, on obtient moins

d’embryon chez les fumeuses, et les taux d’implantation sont moins

bons. Le taux de conception serait ainsi deux fois moins bon chez les

fumeuses, et le taux de grossesse final (de 20 % habituellement),

serait de 15 % chez celles qui allument plus de 10 cigarettes par jour.

D’ailleurs, les centres FIV incitent fortement les patientes à arrêter

le tabac. Certains vont plus loin et refusent les fumeuses !

VI. Les effets délétères du tabac sur la fertilité en général :

Chez l’homme :

Il provoque un dysfonctionnement érectile (qui disparaît à l’arrêt du

tabac), altération de la mobilité des spermatozoïdes et

l’augmentation des spermatozoïdes anormaux.

Il est aussi à l’origine de la diminution du nombre de spermatozoïdes,

et de l’altération de l’ADN de ces spermatozoïdes.

Le tabac favorise l’augmentation du nombre de globules blancs dans

le sperme qui sont des facteurs d’hypofertilité.

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VII. Retentissement de la consommation de tabac sur la

grossesse.

Le tabac augmente le risque de grossesse extra utérine (GEU) La nicotine à une action directe toxique sur la mobilité tubaire.

Le risque relatif moyen de FCS est chez la femme fumeuse

multiplié par1, 5 à 3.

Ainsi, chez les grandes fumeuses (plus de 20 cigarettes par

jour) le risque de FCS est de 20 % pour un risque de 10 % chez

les femmes non fumeuses et peut atteindre 35 % si la

consommation est de 35 cigarettes par jour.

Le risque de FCS est aussi augmenté par le tabagisme passif

(d’une heure au moins par jour).

Les mécanismes invoqués sont :

o La mauvaise qualité de l’endomètre qui est impropre à la

nidation, cela est due à la diminution des pics de LH-RH et du

taux d’œstradiol sous l’effet de la nicotine.

o Une altération des ovocytes ;

o une diminution du flux sanguins utérin ;

o une altération du blastocyste par la nicotine.

Augmentation du risque de GEU et de fausse couche spontanée

(FCS).

Page 5: Les effets délétères du tabac sur la fertilité et la grossesse

VIII. Augmentation du risque de métrorragies

Le risque relatif d’hématome rétro placentaire est multiplié par 1,5.

Les décollements placentaires seraient secondaires à des nécroses

déciduales ischémiques précoces.

Le risque d’insertion basse du placenta est multiplié par 2 à 3.

Le placenta chez les fumeuses a une surface plus grande du fait de

l’hypoxie.

IX. Retentissement du tabac sur le fœtus

A. Augmentation du risque d’accouchement prématuré

Le tabac augmente le risque de prématurité, en particulier

du fait d’une rupture prématurée des membranes.

La rupture prématurée des membranes, avant un terme de

34 semaines, serait trois fois plus fréquente chez la femme

fumeuse.

Le risque relatif moyen de ne pas mener une grossesse à

terme chez la femme fumeuse est multiplié par 2.

Ainsi, fumer moins de 20 cigarettes par jour serait

responsable d’une augmentation de 20 % du nombre

d’accouchements avant 38 SA et fumer plus de 20

cigarettes par jour, une augmentation de plus de 50 %.

Enfin, le risque de prématurité liée au tabac augmente avec

l’âge de la mère.

Page 6: Les effets délétères du tabac sur la fertilité et la grossesse

X. Autres effets du tabac pendant la grossesse.

L’hypertension artérielle gravidique serait moins fréquente chez la

femme fumeuse, mais celle-ci serait plus grave quand elle survient.

Le tabac serait aussi responsable d’une augmentation des pathologies

buccodentaires, du risque de vergetures, et d’anomalies de

cicatrisation après césarienne,

Il est à l’ origine de modifications de certains paramètres biologiques

(glycémie, taux d’insuline, HGC).

XI. Augmentation du risque de retard de croissance intra

utérin (RCIU)

la prévalence du RCIU serait de 17,7 % si la femme enceinte fume

pendant toute la grossesse, de 15,4 % si elle fume pendant les 2è

et 3éme

trimestre et de 7,2 % quand elle fume pendant le 1er

trimestre uniquement.

Cette prévalence est de 8,5 % chez les non fumeuses.

Il n’y a pas de RCIU si la mère arrête le tabac avant 16 semaines

d’aménorrhée.

Même une faible consommation de tabac retentit sur la croissance

fœtale, ainsi la prévalence du RCIU passe de 8,5 % à 14,7 % pour une

consommation de 1 à 5 cigarettes par jour et à 18,7 % si elle dépasse

10 cigarettes par jour.

Le RCIU lié à la consommation de tabac affecte le poids, la taille, le

périmètre thoracique et le périmètre crânien.

Les mécanismes mis en cause sont les diminutions de l’apport

calorique chez la mère.

Page 7: Les effets délétères du tabac sur la fertilité et la grossesse

Relation dose effet : 1 cigarette/j entraîne une diminution 10 à 20 g sur le poids final

Tabagisme passif : diminution 100 g sur le poids final

Moins de 5 cigarettes /j : diminution d’environ 100 g sur le poids final

Plus de 20 cigarettes /j : diminution de 460 g

Consommation de tabac : diminution en moyenne 150 à 300 g sur le poids final

RELATION POIDS DU FŒTUS ET CONSOMATION DU

TABAC

XII. Malformations fœtales

Risque d’anomalies du tube neural, des fentes labio-

palatines, des anomalies des membres, des malformations

urinaires ou cardiaques.

Ce risque semble significatif pour une consommation supérieure à 20

cigarettes par jour.

XIII. Mort fœtale in utero (MFIU) et autres effets chez le

fœtus

La MFIU tardives serait imputables au tabac en raison des

complications placentaires et du RCIU 11%.

Enfin le tabac diminue la fréquence du rythme respiratoire fœtal, la

variabilité du rythme cardiaque fœtal, les mouvements fœtaux et

augmente le débit cardiaque et la fréquence cardiaque.

XIV. Retentissement du tabac sur le nouveau-né et le petit

nourrisson

Le tabac augmente le risque de mort subite du nourrisson. Ce risque

serait multiplié par 2 si la mère a fumé pendant la grossesse.

Page 8: Les effets délétères du tabac sur la fertilité et la grossesse

La fréquence et la durée des apnées obstructives pendant le sommeil

sont plus élevées chez les enfants de mères fumeuses.

La durée des apnées est liée au nombre de cigarettes fumées par la

mère.

XV. Tabac et allaitement

Le tabac diminue la production lactée par l’intermédiaire d’une

diminution du taux de prolactine (de 30 à 50 %).

La nicotine passe rapidement dans le lait car elle est peu liée aux

protéines plasmatiques.

Les effets du tabagisme lacté sont moindres que ceux du tabagisme

passif.

Enfin, la morbidité est plus importante chez les nourrissons qui

subissent un tabagisme passif et qui ne sont pas allaités.

XVI. Tabac pendant la grossesse et problèmes respiratoires

chez l’enfant

Le tabagisme maternel favorise la survenue d’infections respiratoires

et de l’asthme.

L’incidence d’épisodes de respiration sifflante serait de 45 %

pendant la 1ère

année chez les enfants de mères fumeuses.

XVII. Autres effets du tabagisme maternel pendant la

grossesse sur le devenir de l’enfant.

Le tabac augmente la pression artérielle systolique du nouveau-né

(pendant 6 mois à 1 an).

Page 9: Les effets délétères du tabac sur la fertilité et la grossesse

Il y a une relation entre la consommation de tabac pendant la

grossesse et le développement psychomoteur ou cognitif de l’enfant.

Toutefois, il est difficile d’évaluer le risque spécifique lié à

l’exposition du fœtus au tabac sur le développement cérébral de

l’enfant.

XVIII. Tabac et pilule, un risque cardio-vasculaire accru

La nicotine favorise thrombophlébite, abîme la paroi des vaisseaux et

les rétrécit.

Quand il est associe à la pilule contraceptive, il aggrave les problèmes

de circulation sanguine (varices, petits vaisseaux éclatés…).

Le risque d'infarctus avec tabac, autrefois réservé uniquement à

l'homme, est maintenant multiplié par 14 chez les femmes et celui

d'accident vasculaire cérébral par 22.

XIX. Tabac et ménopause, une échéance avancée

L'action conjuguée de la nicotine et du vieillissement physiologique

naturel peut anticiper la ménopause de deux ou trois ans, avec pour

incidence une ostéoporose accentuée, puisque les œstrogènes jouent

également un rôle essentiel dans la trame osseuse.

Le tabac augmente considérablement le risque de fractures et

principalement celle du col du fémur (Nicotine=antiestrogène).

XX. Tabac et beauté, une peau fragilisée

Sur le plan esthétique, la peau du visage devient terne et perd de sa

souplesse.

Le tabac stimule la production de radicaux libres. Ces derniers

dégradent l'élastine et le collagène, principaux composants du derme.

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De plus, la nicotine obstrue les vaisseaux et entraîne une mauvaise

oxygénation des tissus.

On reconnaîtra également un grosse fumeuse à ses doigts : ils sont

jaunes et les ongles sont tachés. Cette imprégnation locale est due

aux goudrons et à la nicotine.

Enfin, la nicotine laisse des traces grisâtres sur les dents et altère

l'haleine.

Conclusion

En raison de tous les risques développés précédemment par le tabac,

sur le développement du fœtus et le devenir de l’enfant, le sevrage

tabagique de la future mère fumeuse doit être un objectif privilégié.

Il peut être aidé par la prise de traitement de substitution et doit

tenir compte des facteurs psychologiques, socio-économiques,

familiaux.